Méridienne d'un soir
par le 16/10/20
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Il n'y eut pas "une" Letizia. Il y eut plusieurs femmes, diverses, façonnées par les circonstances étonnantes
d'une vie agitée. Cette tristesse, cette sévérité, cette amertume, qui vont s'accentuant à mesure que la mère
de l'empereur avance en âge, elle les doit aux malheurs inouïs qui ont suivie une ascension à laquelle, au
fond, elle n'a jamais cru. "Pourvu que ça dure !", une formule à l'emporte-pièce dont elle ne sait jamais
départie, l'a rendue célèbre. L'Histoire ne cessera jamais de s'étonner au spectacle de cette femme, épouse
d'un petit avocat corse besogneux, veuve à trente-cinq ans, dont toute la jeunesse s'écoule au milieu des
embarras d'argent les plus cruels, qui tient d'une main de fer le gouvernail d'une famille de huit enfants et
qui, ralliée à la Révolution française, sauve les siens en les mettant à l'abri en France. Elle vit avec des
bons de pain pour "patriotes nécessiteux", elle lave elle-même son linge dans la rivière, et la voici, presque
du jour au lendemain, mère d'un empereur, de trois rois, d'une reine, de deux princesses souveraines. Elle
accompagne l'ascension de Napoléon sans être jamais éblouie, seul membre de la famille à oser l'affronter.
Devenue "Madame Mère", cette femme simple et peu cultivée en impose à l'Europe entière par une dignité
superbe. Au milieu de cette famille difficile, toujours en conflits, elle apaise les discordes, calme les colères
et tempère les injustices. "De tous mes enfants, dit-elle, c'est le plus malheureux que j'aime le plus." Après
Waterloo, accueillie à Rome par le pape Pie VII, elle aide ses enfants prodigues de sa fortune prudemment
mise à l'abri. Surtout, elle plaide inlassablement auprès des rois pour que soit adouci le sort du prisonnier de
Sainte-Hélène. C'est pour lui seul que battra jusqu'à sa mort le cœur d'une femme digne et hors du commun.
Letizia était la fille du capitaine Jean-Jérôme Ramolino, commandant la garnison de la ville d’Ajaccio. Homme
de petite noblesse, celui-ci mourut prématurément et sa veuve, née Angela-Maria Pietrasanta, issue du même
milieu que son mari, épousera en secondes noces le capitaine Franz Fesch, suisse de famille bâloise implantée
en Corse depuis peu. Un fils naîtra de cette union, Joseph Fesch, demi-frère de Letizia qui, avec l’aide de Napoléon
deviendra cardinal de la Sainte-Eglise Romaine et collectionneur acharné de tableaux prestigieux. On ne sait
pas grand chose sur les conditions dans lesquelles Letizia fut élevée, sinon qu’elle était raisonnablement imprégnée
de culture latine et avait appris à lire et à écrire ce qui, à l'époque, n'était pas le lot de tout le monde. C’est à l'âge
de quatorze ans que Letizia, qui était fort belle et éminemment désirable, s’éprit de Charles-Marie Buonaparte
qu’elle épousa le 2 juin 1764. Ce beau et séduisant jeune homme de dix-huit ans était issu d’une famille de petits
hobereaux corses peu fortunés. Ayant joué avec brio la carte du clan paoliste, il fut de tous les combats pour
préserver, avec son illustre aîné, les intérêts légitimes des corses et de la Corse. Avec Letizia, on le vit partout
les armes à la main. D'abord à Borgo en 1768 où les rescapés des troupes françaises avaient été jetés à la mer
puis, à Ponte-Novu, où les troupes du Comte de Vaux, trop supérieures en nombre et en matériel de guerre,
massacrèrent les Corses au point que le sang des soldats répandu colora les eaux en crue du fleuve Golo.
Au lendemain de cette amère défaite, la vie reprit à Ajaccio pour les Buonaparte dans leur grande maison carrée
de la via Malerba. Ils occupaient le rez-de-chaussée et le premier étage, tandis qu’au deuxième demeuraient
quelques-uns de leurs innombrables cousins, les Pozzo di Borgo. De ce voisinage naîtra une brouille entre les
deux familles. À cette époque, Charles s’inscrivit au barreau d’Ajaccio, francisa son nom qui devint Bonaparte et se
mit sans vergogne au service des français. Napoléon le jugera sévèrement plus tard et lui reprochera d’avoir ni plus
ni moins abandonné Paoli. Quoi qu’il en soit, il était vain de vouloir s’apitoyer sur le sort de la Corse et le marquis
général de Marbeuf, gouverneur de la Corse, qui éprouvait en outre une réelle sympathie pour les Bonaparte,
ne fut pas étranger à ce revirement. Certains historiens ont prétendu arguant du fait que, devant les infidélités
de son mari, Letizia aurait eu toutes les excuses pour se laisser aller dans les bras du galant gentilhomme français.
Ce qui ne peut être nié, c’est que les époux Bonaparte, de par leur superbe et leur belle taille, séduiront tout le
monde. Et si l’on sait que Letizia enchanta Marbeuf par sa beauté, on sait aussi que cet aristocrate était tout de
même son aîné de trente-quatre ans. La vérité, c’était que Marbeuf était breton et qu’en Bretagne farouchement
royaliste, on accréditait volontiers la thèse d’un “ Bonaparte breton ” qui aurait été une aubaine pour le Parlement
de Bretagne à Rennes où l’on brocardait allègrement les corses d’avoir mis ce “bâtard" sur le trône impérial.
Ce n’est pas la première fois que la petite Letizia va mettre un enfant au monde. Avant Giuseppe, le futur roi
Joseph, né en 1768, elle a donné le jour à un garçon, puis à une petite fille qui sont morts tous les deux dans
l’année de leur naissance. La jeune femme n’a que dix-neuf ans et va accoucher pour la quatrième fois. Le 15 août
1769, le jour de la Sainte Marie, Ajaccio célèbre avec faste la fête de la Vierge et, par la force des choses et avec
un enthousiasme de commande, le premier anniversaire du traité rattachant la Corse à la France. À la cathédrale,
au début de l’office, Letizia ressent de violentes douleurs et doit rentrer en toute hâte à la rue Malerba soutenue
par la sœur de son mari. L’urgence est telle qu’elle ne peut gagner sa chambre et accouche du futur Empereur
dans le salon sur un canapé tendu de soie verte. Elle donnera naissance à huit enfants, Joseph, Napoléon, Lucie,
Elisa, Louis, Pauline, Caroline et enfin Jérôme. La famille Bonaparte connait la pauvreté au décès de son mari
en 1785. Seule l'entrée dans le métier des armes de son second fils Napoléon, permet à la famille de renouer avec
un semblant de prospérité. En 1793, elle doit fuir la Corse insurgée et s'installer à Marseille dans l'hôtel de Cipières.
De cette époque, elle conserve un goût certain pour l'austérité et l'économie. Les événements vont vite en cette
année 1793. Les Girondins, mis hors la loi à la Convention, se révoltent et c’est la crise en Provence. Les anglais
en profitent pour attaquer Toulon dont la rade est considérée comme étant la plus importante base stratégique
commandant la Méditerranée occidentale. En décembre 1793, Bonaparte connaîtra à Toulon le premier grand
succès de sa carrière militaire qui lui vaudra le titre et les étoiles de général de brigade. Par sa connaissance de la
stratégie, il fait tomber Toulon sous le feu de ses canons. Ce jour-là, il entre dans l'Histoire pour ne plus la quitter.
À cette époque, Letizia surveillait très étroitement les états d’âme amoureux de sa progéniture. C’est ainsi que la
belle Pauline commence à révéler un penchant certain pour la sentimentalité et songe sérieusement à épouser Louis
Fréron, révolutionnaire cruel, débauché et antireligieux. Bonaparte s’y oppose formellement et, aidé de sa mère,
s’arrange pour que l’idylle tourne court. Lucien va donner bien d’inquiétudes en épousant Catherine Boyer, la sœur
illettrée de son aubergiste de Saint-Maximim. Napoléon gardera toute sa vie la plus vive rancune contre son frère,
lequel sera le seul de la famille à ne pas recevoir un titre impérial. Toute sa vie aussi, Letizia luttera pour obtenir,
entre les deux frères, une réconciliation qui ne viendra jamais tout à fait. Bonaparte ayant quitté ses fonctions dans
le Midi, se trouve maintenant à Paris pour y connaître une difficile période de disgrâce. La chance étant toujours
de son côté, Barras l’appelle près de lui au lendemain du treize Vendémiaire (5 octobre 1795) où une émeute
royaliste menace la Convention. Bonaparte, chargé de l’artillerie, avec Murat, réunit en temps record les moyens
d’une action énergique. Près de l’église St Roch, il sauvera enfin la Convention Thermidorienne. Le 9 mars 1796,
le général Bonaparte épousait Joséphine, le 12 mars, il partait pour l’armée d’Italie à la tête de laquelle il avait été
nommé par Carnot le 2 mars. Letizia était au courant du mariage. Elle savait aussi que Joséphine avait trente-trois
ans, ce qui était un âge avancé pour une femme de cette époque, qu’elle était la veuve du vicomte Alexandre de
Beauharnais, général mort sur l’échafaud en 1794 et qu’elle avait deux enfants. Une union indigne pour Letizia.
Aussi subodore-t-elle immédiatement qu’une aventurière vient d’entrer dans le clan. Cela fera naître en elle une
profonde aversion contre cette bru qu’elle désignera aussitôt sous le charmant sobriquet de "gourgandine." Au
mois d’avril suivant, Letizia aura quarante-six ans et son fils vingt-sept. Après les foudroyantes victoires d’Italie,
Bonaparte s’est installé au château de Monbello, près de Milan, charmante demeure au milieu d’un parc plein de
fraîcheur. Letizia, venant de Marseille, arrive dans une berline escortée par un petit détachement de cavalerie.
Désormais, Letizia va jouer le rôle officiel qui sera toujours le sien. Elle sera la mère de Napoléon. Elle a, à cette
époque, quarante-huit ans. Elle est très brune et sa beauté subjugue son entourage. On la croirait prédisposée
depuis toujours à incarner le rôle de Madame Mère. Elle paraîtra ainsi dans toutes les cérémonies officielles,
à côté des plus grands personnages de son temps, sans cesser d’être à sa place. Par là, elle révèle une classe
qui n’appartient qu’à elle et qui la fera respecter de tous par son incomparable dignité. Elle aura, en revanche,
une certaine difficulté à parler sans cet accent corse qui demeure terriblement présent. Mais elle a toujours
une expression juste et elle a pris dorénavant l’habitude de parler le moins possible tout en disant l’essentiel.
En juillet 1797, Letizia est de retour à Ajaccio accompagnée des époux Bacciochi. Sur le quai de débarquement,
la foule acclame la famille du vainqueur d’Italie et libérateur de la Corse. La veuve de Charles Bonaparte avait
eu raison, quelques années auparavant, de ne pas rompre avec la France. Elle constate que le retournement de
l’opinion remet les Bonaparte à l’honneur. Une fois Napoléon parti pour l’Egypte, Letizia constate que l’horizon
dans l’île devient moins favorable aux Bonaparte. La reconquête de la Corse avait été bien accueillie, mais les
paolistes déçus par les anglais et les patriotes du parti français ne vont pas tarder à se chercher querelle et en
profitent pour réveiller de vieilles vengeances. Letizia arrive à Paris le 11 mars 1799 et va s’installer chez Joseph.
Elle découvre alors une France gouvernée par un système en décomposition. Depuis le départ de Napoléon en
Egypte, le Directoire accumule les échecs et le peuple, découragé, estime que la patrie est à nouveau en danger.
Sieyès et Fouché font ce qu’ils peuvent pour museler les derniers jacobins et estiment que, pour réussir, il leur
faut une épée, un homme fort ralliant tous les suffrages. Cet homme, bien entendu, ne peut-être que Bonaparte.
Grâce à Joseph, propriétaire d’un grand domaine à Mortefontaine, Letizia va connaître une vie brillante dans
laquelle elle introduit quelques solides principes d’économie et de simplicité. Il est certain qu’elle a toujours exercé
une grande influence sur son entourage et que sa modération a constamment servi la dignité familiale. Une intense
période d’activité commence pour le clan des Bonaparte après le coup d'État du 18 brumaire ( 9 novembre 1799).
Lucien est récompensé pour son rôle déterminant en brumaire. Il est nommé ministre de l’Intérieur. Joseph sera
membre du Corps Législatif, bientôt en charge de négocier la paix avec les Etats-Unis d’Amérique. Louis, qui fait
carrière dans la cavalerie, est nommé colonel commandant le cinquième dragons et il n’est âgé que de vingt ans.
Enfin Caroline, qui vient d’avoir dix-sept ans, obtient l'autorisation d'épouser le beau et fringant général Murat.
Mais Letizia va bientôt connaître un grand chagrin quand survient la brouille entre Napoléon et Lucien au sujet
de son remariage avec la veuve Jouberthon. Napoléon était très mécontent de ce mariage qui entraîna une rupture
avec le plus brillant de ses frères. Lucien quitte la France, va s’installer à Rome et sera bientôt rejoint par sa mère
qui prend ainsi ouvertement position en faveur de Lucien et, par la même, donne tort non sans regret à Napoléon.
Elle est reçue dans les États du pape avec la plus grande distinction. À son arrivée à Rome, Pie VII lui fait élever
une tribune dans la cathédrale Saint-Pierre, de la même taille que celle de la reine de Sardaigne. Elle est ensuite
présentée au pape par son frère le cardinal Fesch. Dès lors, elle sera considérée par le Sacré Collège et les
cardinaux comme une autorité souveraine. Le 18 mai 1804 un sénatus-consulte est proclamé et prévoit que le
gouvernement de la république est confié à un Empereur. Letizia recevra un titre ainsi formulé: "Son Altesse
Impériale Madame Mère", accompagné d’armoiries "d’azur à l’aigle d’or empiétant un foudre du même." En outre,
son rang dans les préséances de l’Empire sera le premier, à droite de l’Empereur, avant les princes et son
traitement annuel, tous avantages confondus, s’élèvera à 1 000 000 de francs. Napoléon lui donne également
une "maison", soit un grand aumônier, deux chapelains, une dame d’honneur, un grand chambellan, des médecins
et des dames de lecture. Peu habituée à l’étiquette, Madame Mère tempête et proteste contre ce faste dispendieux.
La cérémonie du sacre a lieu le 2 décembre 1804. Ce jour là, Madame Mère se trouve toujours en Italie où elle
boude l’événement. Cela n’empêchera pas le peintre David de fixer Letizia sur la toile du couronnement. De retour
à Paris, Letizia, qui a refusé de vivre aux Tuileries ou dans un quelconque palais national, achète à Lucien le
somptueux hôtel de Brienne pour la somme de 600 000 francs et elle va désormais y résider. Cette demeure,
qui est aujourd’hui le siège du ministère de la Défense, est située en plein centre du faubourg Saint-Germain.
Cette année là, Letizia est officiellement chargée de protéger les établissements de bienfaisance de l’Empire.
Elle sera très efficace dans ces fonctions qu’elle prendra très au sérieux et dans lesquelles elle s’investira
totalement. Autres marques d’attention impériale, le Trianon lui est attribué en même temps que le château
de Pont près de Brienne, où elle résidera désormais plusieurs mois par an, au grand désappointement des
dames de sa suite, dont Laure Junot, duchesse d’Abrantès, qui éprouvait pour elle une très grande affection.
Après Wagram, Napoléon rentre à Paris, décidé à divorcer et à épouser Marie-Louise d’Autriche. Le mariage
a lieu le 1er avril 1810. L’événement, on s’en doute, renvoie à l’arrière-plan les difficultés du clan. Mais Madame,
qui suit son idée, trouve que cette union est quelque peu disproportionnée et surtout peu assurée pour un avenir
qu’elle juge difficile, obéissant ainsi à son bon sens de mère corse. Début 1813, suivant une volonté plusieurs
fois exprimée par sa mère, Napoléon règle le conflit qui l’oppose au Vatican et rend au Saint-Père ses États
Pontificaux conquis par les armées impériales. Madame Mère triomphe discrètement suivant son habitude et
part se reposer au château de Pont qu’elle aime pour la sérénité et la paix que cette demeure lui apporte.
Rentrée à Paris à l’automne, c’est l’annonce du désastre de Leipzig qui l’attend, une amère défaite qui sonne le
glas de l’armée napoléonienne dans la campagne d’Allemagne. Dans ces circonstances, Madame va continuer
à faire front jusqu’à l’abdication de son fils. La scène finale se joue à Paris quand il est décidé que Marie-Louise
et le roi de Rome quitteront la capitale avec les princes, ce qui laissera finalement le champ libre aux Bourbon.
Une page d’Histoire de France est désormais tournée. En avril 1814, Letizia et son frère se mettent en route
pour Rome où ils rencontrent le pape Pie VII, lequel leur souhaite la bienvenue en leur garantissant l’hospitalité à
Rome. Arrivés à Rome, Madame et le cardinal s’installent au palais Falconieri. Toutefois, Letizia ne pense qu’à
une chose, rejoindre Napoléon à l’île d’Elbe, ce qu’elle fera le deux août. Auparavant, elle éprouve une grande
joie car elle a retrouvé Lucien à Rome où le pape va lui décerner le titre de prince de Canino. La vie quotidienne
à l’île d’Elbe est paisible et monotone pour Napoléon qui s’y ennuie. Un soir, en tête-à-tête avec sa mère,
Napoléon lui annonce son intention de partir pour la France. Fin février 1815, l’Empereur s’embarque avec sa
petite armée, laissant momentanément sa mère dans l’île. Dès son arrivée à Paris, il la rappellera auprès de lui.
Après un voyage long, difficile et épuisant pour une femme de soixante-six ans, elle arrive à Paris le 1er juin 1814.
Le 21 juin 1815, Napoléon rentre à l’Elysée après la défaite de Waterloo. Il retrouve sa mère et la reine Hortense
noyées de chagrin. Lucien est là, à côté de son frère. C’est lui qui manifeste le plus d’énergie. Il conseille de
dissoudre la Chambre des représentants, mais ceux-ci, en majorité orléanistes, réussissent à imposer l’abdication
en faveur du roi de Rome, ce qui est une illusion. Les Bourbon sont déjà en route et Louis XVIII reprend son trône.
Le 13 juillet, Letizia et son frère, le cardinal quittent Paris pour Rome. À l’issue d’un voyage difficile où chaque séjour
est difficilement toléré par les diverses autorités étrangères, ils sont accueillis par Pie VII, admirable de générosité,
qui leur manifeste mansuétude et protection. Madame est donc autorisée à descendre au Palais Falconieri qu’elle
occupera avec son frère jusqu’en 1818 malgré les méchancetés et mesquineries de l’ambassadeur de France à
Rome, Monsieur de Persigny. Désavoué par le Pape, le diplomate devra faire preuve de beaucoup plus de retenue.
En décembre 1818, après s’être installée au palais Rinuccini, près de la place de Venise, Letizia éprouve une atroce
émotion puisque la presse annonce la mort de Napoléon. Aussitôt après, la même presse publie un démenti qui ne
manque pas de provoquer aussi chez cette vieille dame une amère désillusion en constatant que nulle autorité n’a
eu la courtoisie de l’informer officiellement de cette erreur d’information. Madame Mère commence à vieillir et
supporte mal les mauvais traitements psychologiques dont on l’accable. Le destin semble désormais s'acharner.
C’est le 16 juillet 1821 que l’on apprend à Rome la mort de l’Empereur décédé à Longwood le 5 mai, à 18 heures.
L’entourage de Madame fait écran autour d’elle pour qu’elle ignore la fatale nouvelle. Mais, le 22 juillet, il faut bien se
résoudre à lui dire la vérité. Madame pousse un cri terrible et s’évanouit. Revenue à elle, Letizia est comme anéantie.
L’Empereur Napoléon, son fils préféré est mort. Pour elle, c’est la fin du monde. Désormais, pour Letizia, l’existence
est difficilement murée dans un chagrin sans retour. Madame n’en finira jamais avec les deuils. En 1820, Elisa meurt
à Trieste, en 1824, disparaît Eugène, en 1825, Pauline s’éteint à Rome. En 1832, le malheur va la frapper à nouveau.
Le roi de Rome, épuisé par la phtisie, s’éteint à Vienne au milieu de sa famille autrichienne. Fin janvier 1836, Madame
souffre d’un refroidissement avec un violent accès de fièvre. Fesch appelle ses meilleurs médecins qui se trouvent
pessimistes. Letizia, qui a toute sa tête, demande que lui soient administrés les derniers sacrements. Le 2 février 1836,
Letizia paraît s’endormir. Quand les siens se penchent sur elle, Madame a cessé de respirer. Ainsi s’éteignit, à près
de quatre-vingt-sept ans, Marie-Letizia Bonaparte, mère de l’Empereur Napoléon 1er, grand-mère de l’Empereur
Napoléon III, mère du roi Joseph d’Espagne, du roi Louis de Hollande, du roi Jérôme de Westphalie, de la reine
Caroline de Naples, de la grande-duchesse Elisa et de la princesse Pauline. Tous ces titres accumulés sur cette
femme antique n’avaient en rien altéré la simplicité de ses mœurs ni l’austérité de son attitude dans la gloire comme
dans l’adversité. Elle légua son cœur à la ville d’Ajaccio où ses cendres, ainsi que celles du Cardinal Fesch et du
prince de Canino, fils de Lucien, reposent à la Chapelle Impériale sur décision de Napoléon III en 1857. Oubliée,
peut-être, mais l'oubli de certains hommes comme leur ingratitude ont-ils jamais effacé la réalité d'une belle âme ?
Bibliographie et références:
- Hyppolyte Larrey, "Madame Mère"
- Friedrich Max Kircheisen, "Napoléon"
- André Castelot, "Bonaparte"
- Félix Hippolyte Larrey, "Napoléon et sa mère"
- Patrick de Carolis, "Letizia R. Bonaparte"
- Éric Le Nabour, "Letizia Bonaparte, la mère exemplaire"
- François Duhourcau , "La Mère de Napoleon"
- Jean Tulard, "Napoléon"
- Herve Le Borgne, "Napoléon"
- Alain Decaux, "Napoléon et sa mère"
- François Weimann, "La mère de Napoléon"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
Thèmes: littérature
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