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Les histoires et confessions BDSM

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Par : le Il y a 57 minutes
"Pourquoi ne m’avez-vous pas dit qu’il y avait du danger avec les hommes ? Pourquoi ne m’avez-vous pas avertie ? Les dames savent contre quoi se défendre parce qu’elles lisent des romans qui leur parlent du danger qu’il y a avec les hommes. Je ne peux réfléchir en plein air, toutes mes pensées s'envolent. Son amour était aussi entier que celui d'un enfant et, quoique chaud comme l'été, il avait la fraîcheur du printemps. Et pourtant, même confronté à l'horreur, il y a toujours pire. Avez-vous pas dit que les étoiles étaient des mondes, Tess ? Oui. Tous pareils au nôtre ? Je ne sais pas. Mais je le pense. Elles ont l’air quelquefois de ressembler aux pommes de notre vieil arbre du jardin. La plupart saines et splendides, quelques-unes tachées. Sur laquelle est-ce que nous vivons, une belle ou une tachée ? Une tachée. C’est très malheureux que nous soyons pas tombés sur une bonne, quand il y en avait tant d’autres". Le premier roman publié par Thomas Hardy (1840-1928), "Desperate Remedies" (1871), pèche par ses excès sensationnalistes et son intrigue aussi touffue que décousue. Mais dès cette première publication qui peinait encore à trouver son style et sa voie, les critiques, par ailleurs assez féroces, s’accordèrent à louer l’art de la description et la vivacité des évocations rurales, qui rappelaient "the paintings of Wilkie and still more perhaps those of Teniers". Le rapprochement entre le peintre écossais David Wilkie (1785-1841) et le peintre flamand du XVIIème siècle David Teniers s’explique par la parenté d’inspiration des deux artistes, amateurs d’images joviales de fêtes villageoises et de paysages de campagne. Horace Moule, ami et mentor de Hardy, poursuivit ce jeu comparatif et citationnel en voyant dans le roman "the same sort of thing in written sentences that a clear fresh country piece of Hobbema’s is in art". "L'athée du village contemplant avec morosité l'idiot du village": cette description de Thomas Hardy par Gilbert Keith Chesterton est injuste, mais elle attire l'attention sur trois aspects essentiels de l'œuvre. Hardy nous a en effet donné des romans populaires, profondément ancrés dans les paysages et la société paysanne du sud-ouest de l'Angleterre, mais aussi des romans cosmiques, où les aventures banales d'une laitière ou d'un tailleur de pierre prennent une dimension tragique, et enfin des romans noirs où tout mouvement du héros est une fuite en avant, qui se termine souvent par une mort violente. Hardy est avant tout un homme de contrastes: un romancier régional qui traite de l'univers. Un tragique doué d'un riche talent comique. Un écrivain que l'on a prétendu autodidacte, et dont l'univers culturel est un des plus riches de la littérature anglaise. Un prosateur, enfin, qui au sommet de sa carrière abandonna définitivement le roman et devint un grand poète lyrique. Sa vie longue et sans histoire contraste avec celle de ses personnages. Thomas Hardy est né à Higher Bockhampton, près de Dorchester. Il était fils d'un artisan maçon, et son enfance se passa dans le cadre rural du Dorset. Il fréquenta la grammar school locale, reçut l'enseignement d'un maître d'école, William Barnes, qui était aussi poète dialectal, et eut pour mentor un intellectuel de Cambridge, Horace Moule. Il entra dans un cabinet d'architecte, spécialisé dans la restauration des églises de campagne. C'est en dessinant les plans de l'église de St. Juliot, en Cornouailles, que Thomas Hardy devait rencontrer sa première femme, Emma. Le tournant de sa vie fut l'année 1867, au cours de laquelle il décida alors de faire profession de littérature. Le succès ne tarda guère, et les trente années qui suivirent devaient voir la publication de quatorze romans. Les rapports de Hardy avec sa femme devinrent très difficiles, mais, lorsqu'elle mourut en 1912, la découverte de son journal bouleversa Hardy. Il retomba amoureux de sa femme morte, et cette passion romantique post mortem donna naissance à de superbes poèmes d'amour. Enfin, un poète était né.    "Qu'est-ce qu'un homme honnête ? Et plus important encore, qu'est-ce qu'une femme honnête? La beauté ou la laideur d'un être résidait non seulement dans ses accomplissements, mais dans ses aspirations et ses désirs, sa vraie histoire se déroulait non pas dans ce qu'il avait fait, mais dans ce qu'il voulait faire". Par une ironie du sort qui semble sortir droit de son œuvre, certains des plus beaux poèmes lyriques de la langue anglaise ont été écrits par un homme de soixante-dix ans pour une femme qu'il n'aimait plus depuis trente ans. L'œuvre de Thomas Hardy est romanesque. Après deux romans d'apprentissage, il trouva le succès avec "Under the Greenwood Tree" (1872), roman pastoral, où le chœur des paysans joue un rôle essentiel. Mais c'est "Loin de la foule déchaînée" (1874) qui devait établir son talent auprès du grand public. Dans cette tragi-comédie, dont la fin heureuse n'est en rien caractéristique, les thèmes essentiels de l'œuvre font leur apparition: l'erreur de l'héroïne, qui provoque la tragédie en épousant en premières noces un homme indigne d'elle, le rôle du hasard et de l'ironie dramatique. Par la suite, Hardy a écrit cinq autres grands romans. Trois romans tragiques, "Le Retour au pays natal" (1878), "Le Maire de Casterbridge" (1886), "Les Forestiers" ("The Woodlanders", 1887), surtout ces deux chefs-d'œuvre que sont "Tess d'Urberville" (1891) et "Jude l'Obscur" (1896). La tragédie de la petite paysanne qui préserve son innocence bien qu'elle ait eu un enfant illégitime, et qui finit sur l'échafaud, victime de la moralité conventionnelle, et celle du fils du peuple, rejeté par la société dans sa tentative d'entrer à Oxford, et désespéré par les contraintes du mariage bourgeois, constituent le reflet le plus fidèle et la critique la plus féroce d'une société victorienne à son déclin. La violence des critiques que suscitèrent ces deux livres poussèrent Hardy à abandonner la forme romanesque. Hardy est aussi l'auteur de quatre recueils de nouvelles ("Les Petites Ironies de la vie", 1894), où se manifeste son goût prononcé pour le bizarre, le grotesque, les coïncidences et les coups du sort. Parfois tragiques, ces nouvelles révèlent aussi une veine comique qui n'est jamais totalement absente de l'œuvre de Thomas Hardy. Ses premiers textes furent poétiques, et restèrent inédits. S'il cessa d'écrire de la poésie pendant quarante ans, il s'y consacra totalement après 1896, publiant cinq recueils entre 1898 et 1917. À cela il faut ajouter une tentative théâtrale: "The Dynasts" (1903-1908) est une représentation,sur le mode historico-épique, de la période napoléonienne. L'univers de Thomas Hardy, c'est d'abord le Wessex, nom qu'il donne au Dorset et à ses environs. Presque tous ses romans se déroulent dans ces paysages, décrits avec une précision de géographe. Mais cet univers est aussi une prison et les héros, comme Tess, ne le quittent que pour mourir. "Le Retour" réduit cette prison aux limites d'une lande, Egdon Heath. Mais le Wessex est autre chose qu'une toile de fond. C'est un monde vivant, avec ses traditions, car il y a un folkloriste chez Hardy, capable de transformer en fiction vivantes de vieilles coutumes populaires, comme l'inoubliable danse de mai dans "Tess".    "Si un chemin peut conduire au meilleur, il passe par un regard attentif sur le pire. La véritable histoire d'un être n'est pas dans ce qu'il a fait mais dans ce qu'il a voulu faire. Honorable monsieur, veillez sur votre femme si vous l'aimez autant qu'elle vous aime. Car elle souffre à cause d'un ennemi qui a l'apparence d'un ami. Monsieur, il y a quelqu'un près d'elle qui devrait être loin. On ne devrait pas tenter une femme au-delà de ses forces, et les larmes, comme l'eau qui coule continuellement, peuvent user une pierre et plus, un beau diamant". Et il possède son langage: un dialecte campagnard, avec sa prononciation, ses tournures, dont l'écrivain excelle à tirer des effets comiques ou dramatiques, ses proverbes. Un dialecte menacé par le développement du système scolaire et de l'anglais standard, et plus proche non seulement de la vie quotidienne des habitants du Wessex, mais aussi de l'anglais de Shakespeare. Le Wessex, c'est aussi une société. Hardy sait décrire avec précision la grande diversité des couches sociales de la campagne, leur imbrication et une société menacée. Le chemin de fer, note Hardy, a atteint enfin Dorchester, la société rurale est profondément bouleversée par les conséquences de la révolution industrielle et urbaine. La tragédie de Tess et celle du maire de Casterbridge auront pour cause ultime ce bouleversement, où "tout ce qui était solide se dissout dans l'air". Ce dernier aspect montre que Thomas Hardy n'est pas seulement un romancier régional. À travers le Dorset, ce sont les changements affectant la campagne anglaise qu'il dépeint alors. Mais l'horizon est encore beaucoup plus large. Une des contradictions les plus fertiles de Hardy est que ce Wessex si précisément situé devienne le symbole de l'univers, le théâtre de la lutte du chaos et du cosmos. L'histoire des amours d'une paysanne, qui se termine par un crime passionnel, prend valeur cosmique. La référence à la tragédie antique, celle d'Eschyle, est explicite, et l'intrigue est parfois construite sur le modèle aristotélicien ("Le Retour"). D'ailleurs, cette vision tragique ne se limite pas à un schéma narratif. Elle inspire également l'attitude du narrateur, sa distance ironique vis-à-vis des événements, du point de vue de dieux indifférents, qui fait place alors, lorsque la catastrophe est survenue, à une rage sardonique.    "Au dessous de la toiture de la meule, et à peine visible encore, se trouvait le rouge tyran que les femmes étaient venues servir. Une charpente de bois munie de roues et de courroies : la batteuse, dont l'exigence despotique allait mettre à dure épreuve l'endurance de leurs nerfs, de leurs muscles. À peu de distance, on apercevait une autre forme distincte, toute noire, d'où partait un sifflement continu indiquant la force en réserve". Tous les analystes ont souligné l’acuité du regard de Thomas Hardy, clair, curieux, pénétrant, ainsi que son exceptionnelle qualité de perception. Sa formation et sa longue pratique d’architecte vinrent de toute évidence renforcer ces pouvoirs d’observation, en leur fournissant les outils techniques et formels qui servent à organiser bien des descriptions au sein des romans. Pourtant l’art descriptif chez Hardy n’est pas simple effet de compétence professionnelle. Car à celle-ci se joignait une véritable fascination pour les arts visuels. Lors de son apprentissage londonien chez l’architecte Arthur Blomfield entre 1862 et 1867, Hardy s’était fixé un programme d’études très exigeant, consistant à se rendre presque quotidiennement à la "National Gallery", pour s’y absorber dans la contemplation d’une œuvre à chaque fois bien déterminée. C’est dans le courant du XIXème siècle que les britanniques, abandonnant la référence préférentielle à l’école idéale italienne, commencèrent à se tourner vers les scènes plus réalistes des Écoles du Nord, flamande et hollandaise. De grands industriels tels que Henry Tate ou John Sheepshanks consacrèrent une grande partie de leur fortune à la formation d’impressionnantes collections picturales, dont certaines furent léguées à la nation, offrant ainsi au grand public la possibilité de découvrir des peintres et des styles jusque-là méconnus. On peine à réaliser aujourd’hui que la mention de "L’Avenue à Middleharnis de Meyndert Hobbema", que Hardy cite comme l’une de ses œuvres de prédilection, était alors d’une brûlante actualité, le tableau étant entré à la National Gallery en 1871 seulement. L’autobiographie de Hardy cite aussi la Royal Academy of Arts, la "Grosvenor Gallery" et autres lieux d’exposition que se devait de fréquenter ce qu’il nommait alors avec fierté "a London man". Avec toute l’application du jeune provincial ambitieux conscient de l’utilité d’une culture artistique, il commença à tenir des carnets de notes, tels que celui intitulé "Schools of Painting", destinés à consigner des informations factuelles sur les grands maîtres et les principales écoles de peinture européennes depuis la Renaissance. Sa formation l’amena alors également à visiter assidûment le South Kensington Museum, d’abord pour l’Exposition Internationale de 1862, puis à la recherche d’éléments techniques pour un essai "On the Application of Coloured Bricks and Terra Cotta to Modern Architecture", qui lui valut la médaille du Royal Institute of British Architects en 1863. Il n’est pas indifférent non plus que le jeune artiste ait choisi Paris comme destination de son voyage de noces, l’année suivante, Bruxelles, si importants dans son imaginaire artistique.    "La longue cheminée qui se dressait près d'un frêne et la chaleur qui rayonnait de cet endroit suffisaient à faire deviner la machine à vapeur, dans quelques instants le primum mobile de ce petit univers. Tout contre se tenait un être sombre et immobile, une petite statue, noire de suie, dans une sorte de léthargie, avec un morceau de charbon à ses côtés. C'était le mécanicien". Ce sont ces connaissances, soigneusement glanées dans des exercices où l’amateur rejoignait le professionnel, qui nourrissent l’art de la description chez Hardy. Mais les effets de cet apprentissage artistique parfois trop conscient ou trop appliqué peuvent s’avérer pervers, et le style de l’auteur se trouve parfois entravé, ou alourdi, par son désir de bien faire, plutôt qu’enrichi par une culture variée mais discrète, car suffisamment sûre d’elle-même pour ne pas avoir à se mettre en avant. Bien des critiques ont noté le caractère disjonctif du style de Hardy qui paraît fonctionner selon deux régimes distincts: le pompeux, et le poétique. Le premier a été épinglé comme son "Grosvenor Gallery style", par opposition aux moments d’expression plus personnelle et sincère. En effet, lorsque l’auteur tente de faire montre de toute sa culture artistique en citant explicitement un peintre, une œuvre, un mouvement esthétique, l’effet est souvent trop figé, voire trop pédant, pour pouvoir devenir pleinement évocateur. Lorsque, à l’inverse, la référence picturale se fait plus indirecte et sert à composer une image ou à inspirer une atmosphère, elle évite l’effet de monstration trop évidente et trop agressive, pour acquérir un véritable pouvoir de suggestion. John Bailey a parlé à ce sujet du mélange d’"attention" et d’"inattention" caractéristique de la prose hardyenne, intuition plus tard reprise par J. B. Bullen en termes d’effets "conscients" ou "inconscients". Le rapport de Hardy à l’art pictural paraît suivre cette logique d’opposition du procédé conscient et du jaillissement inconscient, que l’on pourrait schématiser, à la suite de Liliane Louvel, comme deux modes opposés de l’insertion du visuel dans le texte. Celui de la citation explicite, par opposition à celui de l’allusion plus diffuse. Ce qui pourrait se gloser aussi comme opposition du procédé référentiel, renvoyant à une œuvre, un tableau ou une sculpture existant hors du monde de la fiction, et du procédé poétique, capable de construire un effet pictural interne au roman, quoique selon des méthodes empruntées à l’histoire de l’art. C’est donc un autre mode de présence et de travail du pictural dans le texte qu’il faut envisager chez Hardy, un mode plus diffus, moins conscient de soi et de ses effets. Si Hardy est violemment critiqué pour sa noirceur, le succès est au rendez-vous. Dès 1897, son roman "Tess d'Urberville" est un tournant. L'ouvrage est alors adapté au théâtre et joué à Broadway, puis porté au cinéma en 1913, 1924 et, bien plus tard, en 1979 par Roman Polanski et en 2008 par David Blair. Tous ses romans, marqués par une prose riche, un humour corrosif, sont ancrés dans un cadre régional. Sans exception, ils se déroulent dans le sud-ouest de l'Angleterre. Le Dorset et les comtés voisins se trouvent transmués en royaume littéraire que Hardy appelle le Wessex, du nom de l'ancien royaume des Saxons de l'Ouest. L'écrivain était passionné d'histoire britannique.    "D'abord elle ne voulut pas le regarder en face, mais elle leva bientôt les yeux, et ceux d'Angel sondèrent la profondeur des pupilles changeantes, avec leurs fibrilles radiées de bleu, de noir, de gris et de violet, tandis qu'elle le contemplait comme Êve à son second réveil avait du contempler Adam". Le Wessex apparaît comme une province aux localités imaginaires et à la nature préservée, Arcadie opposée au Londres de la société victorienne. Peintre acerbe du milieu rural, Hardy accorde un souci pointilleux à rendre le climat, la beauté et la rudesse de la nature anglaise du XIXème siècle, terreau d'histoires tragiques où les protagonistes, pris en étau, deviennent les victimes des conventions et de l'hypocrisie sociales avant de connaître une mort brutale. Après le scandale déclenché par la critique radicale du mariage et de la religion qu'est "Jude", dont les exemplaires sont vendus cachés dans du papier d'emballage à cause de l'exposé qu'y fait l'auteur de l'"érotolepsie", Thomas Hardy abandonne le roman. Il se consacre alors à ce qu'il considère comme son chef-d'œuvre, "Les Dynastes" ("The Dynasts"), vaste pièce de théâtre dramatique composée de trois parties, publiées respectivement en 1903, 1906 et 1908. Sorte de "Guerre et Paix" en vers, cette Illiade des temps modernes utilise alors l'épopée napoléonienne afin d'élaborer des scènes qui présentent tantôt les conflits intimes des gens ordinaires et de personnages historiques mus par une soif darwinienne du pouvoir, tantôt des batailles qui se déroulent dans des paysages immuables et indifférents, sous le regard d'un chœur allégorique incarnant les vaines tergiversations du destin. Réputé trop difficile à mettre en scène et mal accueilli à l'époque, "Les Dynastes" préfigure à bien des égards le genre cinématographique mais ne bénéficie toujours pas de l'estime de la critique. Hardy écrit, au long de sa carrière, près d'un millier de poèmes inégaux, dans lesquels cohabitent ainsi satire, lyrisme et méditation. Les élégies de "Veteris Vestigia Flammae", écrites après la mort de sa première femme, survenue en 1912, retracent chacun des lieux qu'ils connurent ensemble. Elles forment un groupe d'une perfection rare. Remarié alors en 1914 avec sa secrétaire, Florence Dugdale, de trente-neuf ans sa cadette, il s'entiche en 1924, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, de l'actrice Gertrude Bugler qu'il identifie à son héroïne Tess et pour laquelle il projette une adaptation dramatique de son roman. Thomas Hardy commence à souffrir de pleurésie en décembre 1927 et en meurt en janvier 1928 à Dorchester, après avoir dicté son tout dernier poème à son épouse et secrétaire sur son lit de mort. Les lettres du défunt et les notes qu'il a laissées sont détruites par ses exécuteurs testamentaires. Sa veuve, qui meurt en 1937, fait paraître les siennes la même année. Après ses funérailles à l'abbaye de Westminster, sa dépouille, à l'exception de son cœur, fut incinérée et les cendres enterrées. Son cœur fut transféré à Dorset et enterré à Stinsford avec Emma Gifford. Le nom de Thomas Hardy fut proposé et examiné vingt-cinq fois en vingt-six ans pour le prix Nobel de littérature, mais fut systématiquement rejeté parce que son œuvre était jugée trop pessimiste. À la fin de sa vie, Thomas Hardy se consacra à la poésie.    "La beauté ou la laideur d'un caractère n'est pas seulement dans les actions accomplies, mais dans les aspirations et les désirs. La véritable histoire d'un être n'est point dans ce qu'il a fait, mais dans ce qu'il a voulu faire. Malheureusementla résolution d'éviter un mal est presque toujours formée trop tard, c'est à dire quand ce mal est déjà arrivé". Ce n’est donc pas par la citation, la référence, ou le renvoi explicite à des œuvres d’art que Hardy utilise le plus efficacement la puissance de suggestion du modèle pictural mais plutôt par le dépli progressif d’un paradigme visuel qui sous-tend le texte, et relance à intervalle régulier le travail de la métaphore. C’est pourquoi la lecture référentielle et la tentative d’identification des sources achoppent. La meilleure méthode pour lire ces scènes, c’est ainsi le recours aux outils de l’iconologie. Le lecteur est alerté tout d’abord par la composition visuelle insistante d’une scène, ou par un simple mot qui vient s’apposer sur cette composition à la manière d’une légende ("Vanity"). Sensibilisé par ces signaux, il découvre, entrevoit des fragments d’images, de scènes esquissées, décomposées puis recomposées, disséminées dans le texte, tandis que le mot suggestif qui a lancé la rêverie déploie sans fin ses connotations, de telle sorte qu’il serait difficile de dire quelle œuvre, quel tableau exactement est convoqué. Ce sont plutôt des éclats d’image, à la manière des éclats de lumière de l’orage, qui font scintiller à travers le texte un réseau métaphorique à la fois dense, élégant et chaotique. "Reading Hardy can at times be like walking through a field. Unlikely shapes will explode through what had seemed tobe familiar territory. Even at calmer moments, every page is like a magician’s crystal ball: a shape will rise to a surface." Comme toute sa poétique, la poétique de Hardy repose sur des séries d’impressions fuyantes. Elle est anti-systématique et en appelle essentiellement à la suggestion. Mais ces chaos d’images créent aussi l’intensité du texte, ainsi que la montée en puissance de la description qui tend, toujours tangentiellement, et toujours éphémèrement, vers un autre régime de sens, vers un autre système de représentation, visuel celui-ci. Peut-être est-ce une aptitude à l’abandon critique qu’exige la lecture de Hardy, pour savoir se laisser porter par le texte qui tressaille entre-deux lorsque l’image se lève d’entre les lignes, encore voilée et imprécise. Loin de viser un but réaliste, il invente une poétique personnelle.    Bibliographie et références:   - Yorick Bernard-Derosne, "Tess d'Urberville" - Mathilde Zeys, "Far from the madding crowd" - Madeleine Rolland, "Tess of the d'Urbervilles" - Firmin Roz, "Jude l'Obscur de Thomas Hardy" - Ève Paul-Margueritte, "La Bien-aimée" - Georges Goldfayn, "Les yeux bleus" - Antoinette Six, "Les Forestiers" - Philippe Néel, "Le Maire de Casterbridge" - Roman Polanski, "Tess d'Urberville" - Edmond Jaloux, "Jude l'Obscur d'Hardy" - Marshall Ambrose Neilan, "Tess d'Urberville" - J. Searle Dawley, "Tess of the d'Urbervilles" - David Blair, "Tess d'Urberville"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le Il y a 14 heure(s)
"Oh ! Vous, les étoiles, et les nuages, et la brise, que vous importent mes tourments ? Si vous avez vraiment pitié de moi, débarrassez-moi de mes souvenirs, de ma sensibilité, et laissez-moi sombrer dans le néant. Sinon, écartez-vous de moi, laissez-moi seul dans mes ténèbres. Aucun homme ne choisit le mal pour le mal, il le confond seulement avec le bonheur, le bien qu'il cherche. Les travaux des hommes de génie, même poursuivis dans de fausses directions, ne manquent jamais de se révéler, en fin de compte, nettement bénéfique au genre humain". De l'aveu même de Mary Shelley (1797-1851), fille unique de deux écrivains, William Godwin et Mary Wollstonecraft, sa vocation littéraire va de soi. On peut cependant admirer la précocité dont elle fait preuve dans la meilleure et la plus célèbre de ses réalisations littéraires, "Frankenstein", publié en 1818 et commencé au cours de l'été 1816 qu'elle passe en Suisse en compagnie de son mari, le poète Percy Bysshe Shelley, de lord Byron et du Dr Polidori. La lecture commune d'histoires allemandes de revenants, dans leurs traductions françaises, les incite à un défi selon lequel chacun doit tenter, à son tour, d'écrire une histoire de revenants. Mais, seule Mary Shelley réussit à mener son projet à bien. Le pouvoir de sa propre vision imaginative, mais aussi les longues conversations philosophiques qu'entretiennent alors Byron et Shelley sont à l'origine de l'histoire de "Frankenstein ou le Prométhée moderne" ("Frankenstein, or the Modern Promethus"), où s'allient aux mythes de la poésie romantique certains effets de terreur propres au roman gothique en vogue deux décennies plus tôt. Le mythe Frankenstein, tel qu'il se développera par la suite dans la littérature populaire et surtout au cinéma, même si son caractère de "science-fiction" lui est conservé, est le plus souvent en rupture avec l'œuvre d'origine. Celle-ci s'inscrit, de par l'insertion sociale de son auteur, dans un courant littéraire où répondent, comme en écho, le Prométhée délivré ("Prometheus Unbound, 1820") de Shelley, Le "Dit du vieux marin" ("Rime of the ancient mariner", 1798) de Coleridge, ou le "Manfred" (1816) de Byron. Longtemps connue du public averti comme auteur du seul "Frankenstein" et ignorée du grand public, Mary Shelley, depuis environ deux décennies, paraît enfin jouir de la considération littéraire qui lui est due. La plus grande accessibilité des sources primaires et la floraison des études critiques ou biographiques ne parviennent cependant pas entièrement à rendre justice à cette femme d’exception, qui vit le jour le trente août 1797. Le retentissement de son "Frankenstein" a contribué paradoxalement à laisser dans l’ombre, aux yeux du plus grand nombre, la personnalité de l’auteur et le reste de son œuvre. Comme la créature monstrueuse assemblée de toutes pièces par le docteur Victor Frankenstein échappe à son concepteur avant de se retourner contre lui, on a parfois le sentiment que la célébrissime histoire forgée par Mary Shelley, a, dès les origines, acquis une inexorable autonomie par rapport à la romancière britannique. En accédant au statut de mythe et en s’incrustant durablement dans l’imaginaire collectif, la fiction se détache de toute genèse. Mary Shelley a été ainsi la victime de son propre succès. Ne retenir que "Frankenstein" est une mutilation. Mais c’est surtout un grand dommage intellectuel et esthétique, tant il est vrai que telle nouvelle ou tel essai de Mary Shelley, telle page de sa correspondance ou de son journal intime et, bien entendu, ses autres romans, recèlent de vraies beautés et de grandes intuitions. La femme de lettres britannique se révèle une romancière de grand talent.    "Apprenez donc, sinon par mes préceptes, du moins par mon exemple, combien il est redoutable d'acquérir certaines connaissances, et combien plus heureux que l'homme qui aspire à devenir plus grand que sa nature ne l'y destine, est celui qui s'imagine que sa ville natale est le pivot de l'univers". Il s’agit d’appréhender la compagne du poète Percy Bysshe Shelley, fille de l’homme de lettres William Godwin et de l’essayiste préféministe Mary Wollstonecraf, comme membre d’une mouvance de penseurs, de poètes et d’écrivains où se rencontre ce que la Grande-Bretagne, en une période très courte de son histoire littéraire, a produit de plus original et de plus fécond. Chez ses parents, se trouve la clef de bien des problèmes soulevés par l’étude de la vie de Mary Shelley et de ses œuvres. Sans tomber dans un déterminisme naïf, force est de constater qu’en faisant l’impasse sur les origines familiales de cet écrivain-là, on risque de passer à côté de l’essentiel. D’autant que père et mère ont en l’occurrence une influence tout à fait contraignante sur la formation de Mary Shelley. Farouches défenseurs l’un et l’autre de la liberté politique, ils sont eux-mêmes, en termes philosophiques, les adeptes d’un strict déterminisme. Homme de principe, le père de Mary, William Godwin, a voulu, en disciple un peu raide de Locke qu’il était, "forger" un jeune esprit, comme sa femme Mary Wollstonecraft disait sans relâche qu’il était possible de le faire. D’où le primat théorique de la formation dans leur vision de la nature humaine. D’où la légitimité d’une démarche qui vienne, dans la pratique, tester la validité de l’analyse des parents comme l’étendue de la plasticité de leur enfant. La vie de Mary Shelley est à bien des égards une réécriture de celle de ses parents. La mère et sans doute plus encore le père sont à la fois des modèles et des rivaux. L’admiration est le trait le plus ostensiblement affiché. Admiration pour une mère qui meurt quelques jours à peine après la naissance de sa fille, à laquelle il est d’autant plus tentant pour Mary de s’assimiler qu’elle y est unie par une quasi-homonymie. Culte du souvenir pour la génitrice archétypale qu’elle est aux yeux de sa fille, qui, adolescente, lit alors longuement à l’ombre des saules qui se penchent vers sa tombe. Admiration pour un père dont la pensée est omniprésente, mais qui suscite chez Mary des sentiments qui vont parfois bien au-delà de la simple ambiguïté. Mary, qui définit elle-même sa relation à son père d’attachement excessif autant que romanesque, reconnaît que Godwin fut son Dieu jusqu’à ce qu’elle rencontre Shelley. Mary ne résiste pas au plaisir de parler d’elle-même. Non qu’elle soit impudique, c’est le contraire qui est vrai. Toutefois, héritière de la tradition la plus radicale et la plus rationaliste de l’esprit des Lumières, elle vit trop de plain-pied avec les grands noms de la littérature romantique pour songer à récuser l’intrusion du moi.    "Elle mourut paisiblement, conservant sur ses traits éteints l'image de la tendresse. Je n'ai pas besoin de décrire les sentiments de ceux dont les liens les plus chers sont ainsi rompus, la douleur qui s'empare des âmes, le désespoir qui marque les visages. Il faut du temps avant de se rendre compte que l'être aimé que l'on voyait chaque jour près de soi n'existe plus, surtout lorsque sa vie même semblait être une partie de la nôtre, que l'éclat des yeux qu'on a admirés s'est évanoui pour toujours, qu'une voix familière et douce ne vibre plus à nos oreilles". Quant à ses œuvres de fiction proprement dites, elle y transpose volontiers les difficultés qu’elles a connues, les passions, les tragédies, les hantises, sa relation aux systèmes de pensée auxquels elle s’est frottée. En d’autres termes, sa plume lui permet de tirer au clair les interrogations qui sont les siennes. Même si tout décodage direct de l’œuvre paraît pour le moins réducteur, Mary Shelley, sensible et imaginative, pose et recompose dans ses livres, dans ses histoires les épreuves de sa propre vie. Jamais écrivain n’entretint des relations plus paradoxales avec sa propre ascendance que l'auteur. Même si elle n’en eut pas conscience, ce paradoxe n’en représente pas moins une gigantesque ironie du sort et de la nature. Cet être d’exception, fille de deux êtres d’exception, est en effet issue du mariage d’un homme et d’une femme qui non seulement ne se résolurent à sacrifier au rite honni du mariage que pour éviter les inconvénients de la relégation sociale, mais firent tout au long de leur existence profession de mépriser et de dénoncer le principe même d’hérédité ou de lignage, alors qu’ils donnaient le jour à une fille dotée d’une somptueuse ascendance. Père de celle qui s’appellera plus tard Mary Shelley, William Godwin, grande figure du radicalisme libertaire de la fin du XVIIIème siècle et futur "gourou" des plus politiquement extrêmes parmi les romantiques, ne peut supporter que l’on accorde quelque préséance que ce soit au biologique. La transmission héréditaire est l’exemple parfait de ce que la réalité sociale comporte pour Godwin d’inacceptable: de ces "choses comme elles sont", qu’il dénonce avec force en 1794 dans le plus célèbre de ses romans, "Caleb Williams". L’être humain est pour lui le fruit du travail conjoint de la raison et de l’éducation. Légitimer une affinité fondée sur l’instinct ou sur la nature, c’est enfreindre à ses yeux l’omnipotence nécessaire du principe de rationalité, véritable pierre angulaire de l’humaine condition.    "C'est à quoi l'on pense les premiers jours mais quand le temps prouve la réalité du malheur, s'installe l'amertume du chagrin subi. À qui la main effroyable de la mort n'a-t-elle pas enlevé un être cher ? Pourquoi devrais-je décrire une peine que tout le monde a ressentie ou devra ressentir ? Ne pas connaître l'amitié est la pire des infortunes.Tout ce nouveau savoir m'inspirait des sentiments bizarres. L'humain pouvait-il être si puissant, si magnifique, et à la fois si mauvais, si vil ? Se montrer grand, noble, sensible, mais également plein d'abjection et de bassesse?" Mary Shelley est née Mary Wollstonecraft Godwin à Somers Town, petit faubourg londonien au sud de Camden Town, le trente août 1797. Elle est la deuxième enfant de la philosophe féministe, éducatrice et femme de lettres Mary Wollstonecraft, et la première enfant du philosophe, romancier et journaliste William Godwin. Sa mère meurt onze jours après la naissance de l'enfant et Godwin se retrouve seul à élever Mary et sa demi-sœur, Fanny Imlay, née hors mariage de l'union de Mary Wollstonecraft avec le spéculateur Gilbert Imlay. Un an après la mort de sa femme, Godwin lui rend un hommage en publiant "Mémoires de l'auteur de défense des droits de la femme" (1798). Ces mémoires provoqueront le scandale en révélant les liaisons de Mary Wollstonecraft et son enfant illégitime. D'après la correspondance de la gouvernante et femme de charge de William Godwin, l'enfance de Mary est heureuse. Mais Godwin, souvent très endetté, et pressentant qu'il ne peut élever seul ses enfants, décide de se remarier. En décembre 1801, il épouse Mary Jane Clairmont, femme instruite, déjà mère de deux enfants, Charles et Claire. La plupart des amis de Godwin n'apprécient pas sa nouvelle femme, la trouvant querelleuse et irascible, mais Godwin lui est dévoué et le mariage est heureux. Mary Godwin déteste sa belle-mère, probablement, comme le suggère le biographe de William Godwin au XIXème siècle, parce que cette dernière préfère ses propres enfants. Les époux Godwin ouvrent une maison d'édition nommée M.J. Godwin, qui vend des livres pour enfants, ainsi que de la papeterie, des cartes et des jeux. Les affaires ne sont pas cependant florissantes et Godwin est obligé d'emprunter des sommes importantes pour assurer la survie de son entreprise. En 1809, l'affaire de Godwin est proche de la faillite. Il est sauvé de la prison pour dettes par des admirateurs de sa philosophie tels que Francis Place, qui lui prête de l'argent. Mary ne suit pas une scolarité régulière, mais son père assure lui-même en partie son instruction, lui enseignant les matières les plus diverses. Godwin a l'habitude d'offrir à ses enfants des sorties éducatives. Ils ont ainsi accès à sa bibliothèque et côtoient les nombreux intellectuels qui lui rendent visite, comme Samuel Taylor Coleridge, le poète romantique, ou Aaron Burr, aventurier et ancien vice-président des États-Unis.    "Un être humain qui veut se perfectionner doit toujours rester lucide et serein, sans donner l'occasion à la passion ou à un désir momentané de troubler sa quiétude. Je ne pense pas que la poursuite du savoir constitue ainsi une exception à cette règle. Si l'étude à laquelle vous vous appliquez a tendance à mettre en péril vos sentiments et votre goût des plaisirs simples, c'est que cette étude est certainement méprisable, c'est-à-dire, impropre à la nature humaine". Si Godwin reconnaît ne pas élever ses enfants en accord avec la philosophie de Mary Wollstonecraft, telle qu'elle l'avait décrite dans des ouvrages comme "Défense des droits de la femme" (1792), sa fille Mary reçoit cependant une éducation poussée et rare pour une fille de son époque. Elle a une gouvernante, un professeur particulier, et lit les manuscrits de son père portant sur l'histoire grecque et romaine pour les enfants. En 1811, et durant six mois, elle est mise en pension à Ramsgate. À quinze ans, son père la décrit comme "particulièrement audacieuse, quelque peu tyrannique, ayant l'esprit vif. Sa soif de connaissances est sans limite et la persévérance qu'elle met dans chacune de ses entreprises est inébranlable". Pour cristalliser tant de tendances prometteuses mais latentes, pour donner une forme constructive et volontariste à tous ces dons, pour leur apprendre à trouver l’expression la plus appropriée, il était en effet nécessaire que Mary rencontrât une force de stimulation particulière. Cette stimulation, à la fois affective et intellectuelle, prit l’aspect avenant et le discours fulgurant de Percy Bysshe Shelley, dont la jeune Mary devint en peu de temps l’admiratrice, la maîtresse puis l’épouse. C’est en 1812 que la fille de Godwin rencontre celui qui va devenir, au sens le plus fort du terme, l’homme de sa vie. En novembre de cette année, au lendemain de son premier retour d’Écosse, la jeune fille voit en effet Percy pour la première fois. Accompagné de son épouse Harriet, Shelley est invité ce jour-là à la table du philosophe-romancier, dans la maison du 41, Skinner Street. Le jeune homme est de longue date un admirateur de la prose de Godwin et des principes cultivés par ce dernier. Même marié, à supposer que cela puisse être un obstacle, il a de quoi attirer l’attention de Mary. De haute taille, il possède une beauté délicate à l’excès et presque féminine avec ses boucles blondes et ses yeux bleus. Godwin lui-même est frappé par ce physique ravageur. On l’entendra dire ainsi un jour qu’il est dommage que tant de beauté soit unie à tant de malfaisance. Plus tard, les œuvres de Mary Shelley verront surgir de multiples avatars de cette beauté juvénile qui n’est pas loin de brouiller les frontières entre l’homme et la femme. On songe au charme androgyne du prétendu Ricciardo, héros de "A Tale of the Passions", dont la finesse de traits s’explique lorsque l’on apprend que c’est en fait une jeune fille déguisant son identité pour des raisons politique.    "Si cette règle avait toujours été observée, si les hommes renonçaient à toute tâche de nature à compromettre la tranquillité de leurs affections familiales, la Grèce n'aurait pas été asservie, César aurait alors épargné son pays, l'Amérique aurait été découverte par petites étapes, sans que fussent anéantis les empires du Mexique et du Pérou. Ah ! Que les sentiments des humains sont variables ! Et combien étrange est cet attachement que nous portonsà l'existence ! Même si elle ne nous dispense que peines et chagrins !"  Mary et Percy commencent à se rencontrer secrètement au cimetière St Pancras, sur la tombe de Mary Wollstonecraft, ils tombent amoureux. Elle a presque dix-sept ans, lui près de vingt-deux. Au grand dam de Mary, son père désapprouve cette relation, essaye de la combattre et de sauver la "réputation sans tache" de sa fille. Au même moment, Godwin apprend l’incapacité de Shelley de rembourser ses dettes pour lui. Mary, qui écrivit plus tard "son attachement excessif et romantique pour son père", est désorientée. Elle voit en Percy Shelley la personnalisation des idées libérales et réformistes de son père durant les années 1790, et notamment celle que le mariage est un monopole tyrannique, idée qu’il avait défendue dans l’édition de 1793 de Justice politique mais qu'il désavoua plus tard. En juillet 1814, le couple s’enfuit en France, emmenant Claire Clairmont, mais laissant alors derrière eux la femme enceinte de Percy. Après avoir convaincu Mary Jane Godwin, qui les avait poursuivis jusqu’à Calais, qu’ils ne voulaient pas revenir, le trio voyage alors jusqu’à Paris, puis jusqu’en Suisse, à travers une France récemment ravagée par la guerre." C’était comme de vivre dans un roman, comme d'incarner une histoire romanesque" se rappelle Mary Shelley. Durant leur voyage, Mary et Percy lisent des ouvrages de Mary Wollstonecraft et d’autres auteurs, tiennent un journal commun, et continuent leurs propres écrits. À Lucerne, le manque d’argent les oblige à rentrer. Ils voyagent alors jusqu’au port danois de Marluys, pour arriver à Gravesend (Angleterre), dans le Kent, en septembre 1814. La situation qui attend Mary Godwin en Angleterre s’avère semée de difficultés qu’elle n’avait pas toutes prévues. Avant ou pendant le voyage, elle est tombée enceinte. Elle se retrouve avec un Percy sans argent, et, à la grande surprise de Mary, son père ne veut plus entendre parler d’elle. Enceinte et souvent malade, Mary Godwin doit faire face à la joie de Percy à la naissance de son fils et de celui d’Harriet Shelley à la fin de 1814 et à ses très fréquentes sorties avec Claire Clairmont. Le vingt-deux février 1815, elle donne naissance à une fille prématurée de deux mois, qui a peu de chances de survie. En mai 1816, Mary Godwin, Percy Shelley, leur fils et Claire Clairmont partent pour Genève. Ils ont prévu de passer l'été avec le poète Lord Byron, dont Claire est enceinte. Le groupe arrive à Genève le quatorze mai 1816, et Mary se fait appeler Mme Shelley. Byron les rejoint fin mai, avec un jeune médecin, John William Polidori, et loue la villa Diodati à Cologny, un village dominant le lac Léman.    "Bien que multiples, les péripéties de l'existence sont moins variables que le sont les sentiments humains. Si je suis méchant, c'est que je suis malheureux. Ne suis-je pas repoussé et haï par tous les hommes? Toi, mon créateur, tu voudrais me lacérer et triompher de moi. Souviens-t 'en et dis-moi pourquoi il me faudrait avoir davantage pitié de l'homme qu'il n'a pitié de moi ?" Percy Shelley loue une maison plus modeste, la Maison Chapuis, au bord du lac. Ils passent leur temps à écrire, à faire du bateau sur le lac, et à discuter jusqu'au cœur de la nuit. Entre autres sujets, la conversation tourne autour des expériences du philosophe naturaliste Erasmus Darwin, au XVIIIème siècle, dont on prétendait qu'il avait ranimé de la matière morte, et autour du galvanisme et de la possibilité de ramener à la vie un cadavre ou une partie du corps. Autour du foyer de la villa Diodati, les cinq amis s'amusent à lire des histoires de fantômes allemandes, le "Gespensterbuch" traduit en français sous le titre "Fantasmagoriana", ce qui donne à Byron l'idée de proposer à chacun d'écrire sa propre histoire fantastique. Peu après, rêvant éveillée, Mary conçoit l'idée de "Frankenstein". Byron et un autre ami, John William Polidori, écrivent "Le Vampire", un court récit qui lança le thème du vampirisme en littérature. Mary, alors âgée de dix-neuf ans, signa pour sa part "Frankenstein". Au début de l'été 1817, Mary Shelley termine "Frankenstein", qui est publié anonymement en janvier 1818. Critiques et lecteurs supposent que Percy Shelley en est l'auteur, puisque le livre est publié avec sa préface et dédié à son héros politique, William Godwin. À Marlow, Mary rédige le journal de leur voyage continental de 1814, ajoutant des documents écrits en Suisse en 1816, ainsi que le poème de Percy, "Mont Blanc". Le résultat est "Histoire d'un circuit de six semaines", publié en novembre 1817. La période qui commence pour Mary Shelley est placée, en un premier temps, sous le double signe de la quotidienneté domestique et de l’affect. Avec le couple Shelley et le petit William, Claire Clairmont s’installe elle aussi à Marlow, ainsi qu’une petite fille, née en janvier, fruit des amours tumultueuses de Claire et de Byron. D’abord prénommée Alba, l’enfant sera baptisée l’année suivante sous le nom de Clara Allegra Byron. Mary annonce la nouvelle au père dans une lettre qu’elle signe du nom de "Mary W. Shelley." Cette naissance, comme on le verra, ne stabilisera pas, tant s’en faut, la relation entre le poète Lord Byron et Claire. Comme souvent, les écrits intimes que Mary produit alors accordent une large place aux détails de l’existence.Tandis que le journal a le statut de liste de lectures, elle n’hésite pas dans ses lettres à aborder les détails triviaux.    "J'entrevoyais encore d'autres possibilités. Provoquer l'apparition de fantômes et de démons était une chose que mes auteurs favoris disaient tout à fait réalisable. Évidemment mes incantations demeuraient sans effets, mais j'attribuais mes échecs plutôt à des erreurs dues à mon inexpérience qu'à un manque de savoir-faire ou à une carence dans les théories de mes éducateurs. Rien n'est plus pénible à l'esprit humain, après que les sentiments ont été surexcités par une succession rapide d’événements, que le calme plat de l'inaction". En voyageant, ils s'entourent aussi d'un cercle d'amis et de connaissances qui va souvent se déplacer avec eux. Le couple consacre son temps à l'écriture, la lecture, l'apprentissage, le tourisme et la vie en société. Pour Mary, l'aventure italienne est cependant gâchée par la mort de ses deux enfants, Clara, en septembre 1818 à Venise, et William, en juin 1819 à Rome. Ces pertes la laissent dans une profonde dépression et l'isolent de son mari. Pendant quelque temps, Mary Shelley ne trouve de réconfort que dans l'écriture. La naissance de son quatrième enfant, Percy Florence, en novembre 1819, diminue quelque peu son chagrin, même si elle pleurera la mémoire de ses enfants perdus jusqu'à la fin de sa vie. L'Italie offre aux Shelley, à Byron et autres exilés, une liberté politique inaccessible chez eux. Malgré le lien avec ses deuils personnels, l'Italie devient pour Mary Shelley "un pays que le souvenir peindra comme un paradis". Leurs années italiennes sont une période d'activité intellectuelle et créative intense pour les deux Shelley. Pendant que Percy compose une série de poèmes majeurs, Mary écrit le roman autobiographique "Matilda", le roman historique "Valperga" et les pièces "Proserpine" et "Midas". Le bord de mer permet à Percy Shelley et Edward Williams de profiter de leur "jouet idéal pour l'été", un nouveau voilier. Le premier juillet 1822, Percy Shelley, Edward Williams, et le capitaine Daniel Roberts naviguent le long de la côte jusqu'à Livourne. Une semaine plus tard, Percy Shelley et ses amis reprennent la route du retour. Ils n'atteindront jamais leur destination. La mort de son époux n’est pas un simple deuil pour Mary Shelley. Si cruelles qu’aient été ces épreuves-là, elle n’est pas de même nature que la disparition, à une exception près, de tous les petits êtres qui faisaient leur commune descendance. Cette mort n’est pas de ces pertes que l’on guérit. En vérité, ce qui suit le naufrage du Don Juan ne peut être compris qu’au travers de la logique d’un basculement affectif et quasi ontologique. D’emblée Mary décide, par une sorte de décret, que la disparition de son cher Percy produit en elle une forme de mort "morale" et qu’elle vaut condamnation à la douleur perpétuelle. Tout se passe comme si sa propre vie, ou ce qu’il en reste, n’était désormais que le théâtre d’un dialogue avec la mort, sous le regard d’un Shelley disparu. Au reste, sans aller jusqu’à nourrir des pensées suicidaires, que lui interdit l’attention qu’elle porte à son enfant, elle intègre sa mort au nombre de ses attentes, voire de ses espérances. Avec toute l’ambivalence inhérente à la sensibilité romantique, elle s’approprie alors une solitude qui est faite de désarroi et de réconfort.    "Bien long, en vérité, est le temps qui s'écoule avant que l'on puisse se résigner à l'idée que plus jamais l'on ne reverra l'être cher que l'on avait chaque jour auprès de soi et dont la vie même était comme une partie de la vôtre. Tu as tort, répondit le démon. Au lieu de menacer, je me contente de raisonner avec toi. Si je suis méchant, c'est que je suis malheureux. Ne suis-je point repoussé et haï par tous les hommes ? Toi, mon créateur, tu voudrais me lacérer, et triompher de moi. Souviens-t 'en, et dis-moi pourquoi il me faudrait d'avantage avoir pitié de l'homme qui n'a pitié de moi ? Pour toi, ce ne serait pas un assassinat si tu pouvais me précipiter dans l'une de ces crevasses et détruire mon corps, que tu as fabriqué de tes mains. Respecterai-je l'homme, alors qu'il me méprise ?" Une fois Mary Shelley réinstallée en Angleterre, le récit de sa vie peut être mené plus rondement. La tension en est moins forte. Elle est moins fertile aussi en événements très marquants, rien en tout cas n’égale ce qu’ont été en leur temps la rencontre avec Shelley, la découverte de l’étranger, la mort du partenaire. Plus qu’avant, la structure en devient cyclique. Le vécu cède désormais le pas à l’œuvre, ou à la consolidation de la cellule familiale. La Mary Shelley que l’on retrouve dans son pays natal souffre d’une instabilité psychologique profonde et de toute évidence pathologique. Cyclothymique, elle passe alors alternativement par des phases de grande dépression et de soulagement, ou de relative ataraxie. Les pages de son journal intime traduisent assez bien la récurrence des symptômes. En janvier 1824, niant symboliquement un travail de réadaptation qui pourtant s’accomplit, elle se dépeint littéralement comme une exilée, comme une prisonnière, tandis que l’éloignement lui embellit l’Italie. Et de juger sa situation comme particulièrement déprimante. Elle recourt, pour rendre compte de son état d’esprit, à la mélancolie, affirmant, pour faire bonne mesure, qu’elle n’a jamais autant désiré la mort. Entre 1827 et 1840, Mary Shelley est écrivain et éditeur. Elle écrit "Perkin Warbeck" (1830), "Lodore" (1835)et "Falkner" (1837). Elle écrit l'essentiel des cinq volumes des "Vies des hommes de lettres et de science les plus éminents", qui font partie de la "Cabinet Cyclopaedia" de Dionysius Lardner. Elle écrit également des histoires pour des magazines féminins. Mary continue à n'aborder alors qu'avec circonspection d'éventuelles aventures amoureuses. En 1828, elle rencontre l’écrivain français Prosper Mérimée, qui lui fait la cour, mais la seule lettre encore existante qu’elle lui ait adressé est une lettre brève et sans ambiguïté de rejet de sa déclaration d’amour.    "Qu'il vive donc avec moi, et qu'on nous laisse faire échange de prévenances. Alors, au lieu de lui porter préjudice, c'est avec des larmes de gratitude que je le comblerai de bienfaits pour l'avoir accepté. Mais cela ne peut être: les sens de l'homme créent des barrières insurmontables à notre union. Je ne me soumettrai pourtant pas à une servitude abjecte. Je me vengerai du tort que l'on m'a fait. Si je ne puis inspirer l'amour, je causerai la peur". En1848, Percy Florence épouse Jane Gibson St John. Mariage heureux, Mary et Jane s’apprécient mutuellement. Mary habite avec son fils et sa belle-fille à Field Place, dans le Sussex, berceau ancestral des Shelley, à Chester Square, à Londres, et les accompagne durant leurs voyages à l’étranger. Les dernières années de Mary Shelley sont altérées par la maladie. Dès 1839, elle souffre de migraines et de paralysie de certaines parties du corps, ce qui l’empêche parfois de lire et d’écrire. Elle meurt à l’âge de cinquante-trois ans, le premier février 1851, à Chester Square. Son médecin soupçonne une tumeur cérébrale. D’après Jane Shelley, Mary Shelley a demandé à se faire enterrer avec sa mère et son père. Mais Percy et Jane, jugeant la tombe de St Pancras "épouvantable", choisissent de l'enterrer à l’église St Peter, à Bournemouth, près de leur nouvelle maison de Boscombe. Si le premier roman de Mary Shelley a la violence de la foudre, le dernier qu’elle livre au public possède en revanche la douceur melliflue d’un relatif apaisement. Pourtant, de même que "Frankenstein" n’était pas que récit d’horreur ou conte gothique, "Falkner" ne laisse pas non plus un goût de mièvrerie. Dans cette ultime étape de son itinéraire romanesque, en effet, Mary Shelley fait apparaître la rémanence du danger et de la tragédie. Chaque roman offre au fond un fragment de la tragi-comédie humaine, avec ses incertitudes, ses vices, ses peurs, et toujours ses destructions sauvages. La justice n’est cependant pas totalement impuissante, "Falkner" le suggère, face à l’immensité tragique. Bel exemple de balancement et de sagesse. Que dire de celle qui a côtoyé non sans gourmandise les originaux de son époque, a systématiquement cultivé l’étrangeté au-delà même de l’étranger, a été frappée non seulement des coups du sort les plus funestes, mais de dangers théâtraux et pittoresques, elle qui ne dédaigne la compagnie des aventuriers ? On est tenté de faire de Mary Shelley vieillissante une bourgeoise assagie récupérée par les forces du conformisme. On ne saurait oublier l’éclat souvent chaotique de cette vie romantique ni les intuitions littéraires fulgurantes qui modèlent aujourd’hui encore nos mythes et notre imaginaire.    Bibliographie et références:   - Betty T. Bennett, "Romantism of Mary Shelley" - Jane Blumberg, "Mary Shelley's early novels" - William D. Brewer, "Romantism of Mary Shelley" - Charlene E. Bunnell, "Sensibility in Mary Shelley's novels" - J. A. Carlson, "Mary Shelley" - Jean Bruno, "Mary Wollstonecraft Shelley" - Pamela Clemit, "Beyond Frankenstein" - Gregory O'Dea, "Mary Shelley after Frankenstein" - Haifaa Al Mansour, "Mary Shelley" (film 2017) - Anne K Mellor, "Mary Shelley: her life, her monsters" - Alain Morvan, "Mary Shelley et Frankenstein" - Emily W Sunstein, "Mary Shelley: romance and reality" - Daniel E. White, "Journals of Mary Shelley"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le Il y a 14 heure(s)
Vous pouvez trouver ce livre dans les bonnes librairies ou sur Amazon Dans la masse des romans érotiques, "Pour me baiser, demandez-lui !" d'Edouard Offershare sort du lot son audace et son authenticité. Le livre plonge les lecteurs dans la vie intime de Lola et de son partenaire, explorant les thèmes du candaulisme, de la domination, et de lasoumission féminine avec une sincérité troublante. D'emblée, le livre interpelle par son titre provocateur et son contenu qui reflète les nuances complexes d'un couple qui explore des pratiques sexuelles hors normes. Le récit est se fait vrai et intense, c'est un témoignage qui oscille entre la fiction romancée et la réalité crue. Cette dualité captive et invite à la réflexion sur la nature des relations et des désirs humains. La prose d'Offershare est directe, parfois crue, parfois tendre. Elle peut être saluée pour son absence de clichés et sa capacité à immerger complètement le lecteur dans l'expérience des protagonistes. Le récit est un mélange d'introspections profondes et de descriptions explicites qui ne manquent pas de provoquer des réactions variées. Un autre lecteur souligne que le livre se "lit facilement sans marquer les esprits", ce qui pourrait suggérer une accessibilité qui peut soit plaire soit décevoir selon les attentes en matière de littérature érotique. Ce livre illustre également un amour peut-être inconditionnel, où voir son partenaire avec d'autres est perçu comme un acte d'amour ultime et sublime. Le candaulisme est traité non pas comme un simple fantasme, mais comme un véritable mode de vie qui défie les conventions sociales et personnelles. Avec "Pour me baiser, demandez-lui !", Offershare ne se contente pas de raconter une histoire; il invite ses lecteurs à questionner leurs propres perceptions de la fidélité, de l'amour et du désir. Ce roman, véritable fenêtre ouverte sur le monde souvent méconnu : le candaulisme, est un incontournable pour quiconque s'intéresse à l'évolution des relations amoureuses et des pratiques sexuelles dans la littérature contemporaine. Vous pouvez trouver ce livre dans les bonnes librairies ou sur Amazon (Livre découvert grace à Mme Angie)
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Par : le Il y a 20 heure(s)
Bernard Montorgueil, est le pseudonyme d’un illustrateur français dont on ignore toujours à ce jour l’identité réelle. Bernard Montorgueil est un illustrateur du BDSM et du fétichisme, qui a été principalement actif dans les années 1920 et 1930. Ses œuvres explorent les thèmes de la domination féminine et de la soumission masculine, richement détaillés dans un style typique en Europe dans l’avant Seconde Guerre mondiale. Malgré la richesse visuelle et thématique de son travail, très peu d'informations biographiques sur Montorgueil sont donc disponibles, son identité et ses origines restent donc un mystère. Initialement, ses œuvres furent publiées de manière clandestine, souvent diffusées sous le manteau dans des cercles restreints. Dans les années 1970, des rééditions limitées ont été produites par les Éditions Bel-Rose aux Pays-Bas et en France, il y eut également des transcriptions allemandes où son patronyme a parfois été ecrit "Montorgeuil" par erreur. Les illustrations originales de Montorgueil étaient en noir et blanc et ont parfois été colorisées lors de ces rééditions, souvent par des artistes embauchés par les maisons d'édition. Ces colorisations, qui datent probablement des années 1970, contrastent parfois de manière notable avec les nuances plus subtiles des originaux. Une partie de l’histoire de l’œuvre de Montorgueil s’est révélée lors d'une vente aux enchères chez Christie's en 2014, où quatre manuscrits uniques contenant des dessins originaux ont été vendus pour 30 000 livres. Ces manuscrits, intitulés "Dressage", "Une Brune piquante", "Une Après-midi de Barbara", et "Les Quat' Jeudis", comprennent des textes manuscrits accompagnés de dessins au crayon papier avec un ajout de légères touches de couleur, qui révèlent ainsi que certaines œuvres n'étaient pas strictement en noir et blanc comme on l’a longtemps cru. La revente de ces œuvres a contribué à un regain d'intérêt pour Montorgueil, remettant en lumière l'importance et la complexité de son art. Les rééditions ultérieures, notamment celles de Leroy en 1979, bien que largement diffusées, ne présentent souvent que des versions tronquées des œuvres originales, ce qui a suscité des polémiques quant à l’exhaustivité et la fidélité des reproductions disponibles. Des rééditions telles que celles publiées en fac-similé par les Éditions Bel-Rose en 1970 pourraient s’avéraient être les reproductions les plus fidèles des manuscrits originaux, d'autant plus qu'ils semblent inclure les dessins incolores correspondant aux descriptions des manuscrits vendus chez Christie's. Enfin, le mystère de Montorgueil et la discrétion qui entoure sa vie personnelle et son œuvre continuent de fasciner les chercheurs et les amateurs d'art érotique, tout en nous interrogeant collectivement sur les questions d’authenticité et sur la problématique de la préservation des œuvres d'art quand elles ont été diffusées par des canaux clandestins. Bernard Montorgueuil reste en tout cas une figure majeure de l'illustration érotique du 20e siècle et un mystère. Saurons-nous un jour qui il était ?
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Par : le Il y a 23 heure(s)
"La jalousie est une passion furieuse qui ne laisse ni repos ni tranquillité à ceux qui en sont possédés, et qui est la source du malheur d'au moins deux personnes. C'est le poison de l'amour, elle rend injuste, vindicatif et cruel. Trop excessive, la jalousie est bien souvent la première cause d'une séparation." Madeleine de Puisieux. "Les conseils à une amie" (1751)   "Comme jaloux je souffre quatre fois: parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l'être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l'autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité: je souffre d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun." La jalousie passionne, dérange, obscurcit. L'enchantement de l’autre est insoutenable, lorsqu'on croit ne pas posséder ce que l’autre détient ou lorsqu'on ne peut pas se l'approprier. En somme, le jaloux refuse impulsivement de croire qu’il est, comme l’autre, car il n'a pas ce qui est réputé faire exister cet autre et, dans la projection, il l’accuse de le lui avoir dérobé. La vengeance et la colère surgissent alors pour détruire ce qui échappe. Ainsi, cette "jalouse rage" de Phèdre, manifeste la relation possessive au sujet, la dépendance envers cet autre dont il ne peut se passer. "Si je ne suis pas tout pour l’autre ou s’il n’est pas tout pour moi, alors il n’est rien ou je ne suis rien", tel est le discours forcené du jaloux. Se frayant un chemin entre colère et mensonge, l’affect de la jalousie fonctionne sur le registre de l’avidité orale. Le jaloux envie ce qui fait vivre l’autre et il s’en sent exclu, rejeté parce qu’il croit qu’il n’a pas ce que l’autre a. Sur le mode binaire du toi ou moi, sans partage, il se nourrit du fantasme que le partenaire est livré à la jouissance dévoratrice d’un autre, que ce soit réel ou pas. Depuis bien longtemps, Freud a repéré la dimension projective de cet acte consistant à imaginer chez l’autre la tentation qui est en soi, par exemple, de l’infidélité. Alors que l’amour est en position tierce, la jalousie pose toujours l’autre comme un rival dans une relation duelle d’exclusive alternative. La jalousie prétend être un amour à deux, un amour qui ne se fait pas connaître. Sans partage, sur le mode binaire du toi ou moi, à l’inverse de l’amour, plus la jalousie est forte moins elle se montre. Elle couve dès lors sous les charbons ardents d’une colère rentrée ou se retourne dans la formation réactionnelle d’un dévouement qui donne le change: "J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer" avoue Néron au sujet de son frère Britannicus. Ce pourrait être l’adage de tout jaloux, comme cette analyse que nous propose encore Racine par la bouche d’Ériphile dans Iphigénie: "Je n’accepte la main qu’elle m’a présentée que pour m’armer contre elle, et sans me découvrir traverser son bonheur que je ne puis souffrir."Jeanne la folle, nous dit la légende ne supportait pas les infidélités de son mari. Sa mort brutale n'y changea rien. Le cortège funèbre qui accompagnait les restes de Philippe le Beau de Burgos à Grenade voyageait de nuit. Pendant la journée, le cercueil était exposé dans les églises, la reine refusait aux femmes d'y entrer et interdisait qu'on fasse étape dans les couvents féminins. Un soir, s'étant rendue dans une abbaye de femmes, elle fit immédiatement sortir le cortège et l'obligea à faire halte au milieu de la campagne dans la froide nuit de Castille. De plus, Jeanne faisait ouvrir de temps en temps le cercueil afin de vérifier que le cadavre n'avait pas été enlevé et que Philippe était bien seul. Cette jalousie pathologique va entraîner sa réclusion à Tordesillas sous bonne garde, avec interdiction formelle de recevoir des visites. Il est heureusement des destins moins funestes. Comment l'apparition d'un sentiment de jalousie peut avoir un effet mutatif qui modifie le comportement humain ? Cet affect passionnel renvoie à la définition qu'en donne Platon: "Est jaloux, celui que l'amitié n'amène pas de son plein gré à partager tel ou tel avantage." Pour sa part, Socrate, dans une argumentation étonnamment complexe, se trouve être à la fois une douleur, due au chagrin éprouvé devant le bien qui échoit à autrui, mais aussi un plaisir. "La jalousie est un plaisir qui intéresse l'âme seule, mais un plaisir étrangement mêlé de peine, comme le sont d'ailleurs, la colère, la crainte, le regret, l'affliction, et le désir.    "La découverte d’une liaison est douloureuse. Pour qui veut vider une relation de sa substance et la détruire au plus profond, l’infidélité est une solution imparable. Elle incarne la trahison sous toutes ses formes: la duperie, l’abandon, le rejet, l’humiliation, autant de choses contre lesquelles l’amour promettait de nous protéger." Depuis la nuit des temps, la psyché de la jalousie emprunte un large champ tant en Littérature qu'en psychanalyse. Dès lors, on comprend mieux pourquoi Freud a situé la jalousie comme motif central de la vie psychique. On remarque que dans cette fresque d’origine, la mère n’est pas là. On voit seulement se débattre des hommes et des femmes comme dans la vie normale exogame. La mère n’a qu’un second rôle, celui d’une protectrice contre l’inceste paternel, contre le loup des cauchemars du premier jour. Un enfant bien protégé par sa mère devient le prototype du Héros, un rédempteur du parricide, un Messie. "Au héros revient la fonction du préféré de la mère qui l’avait protégé de la jalousie paternelle", écrit Freud. À quoi peut nous servir ce point de vue panoramique de la divine jalousie du père primitif ? C’est qu’il devient alors plus clair qu’une bisexualité structurale s’immisce dans les lois du genre et du choix d’objet sexuel. Et que nul ne naît homme ou femme, sinon à rejeter sa féminisation première par un Urvater. De sorte que l’imbroglio de la jalousie, indépêtrable dans son vécu massif ordinaire, trouve un fil conducteur. La jalousie d’un homme pour une femme, ou le contraire, ou les deux en même temps est mise en tension par les quatre figures appariées de leur bisexualité, avec lesquelles il serait possible de s’arranger, si leurs jeux n’étaient manigancés par un mort qui ne l’est jamais pour de vrai. Un revenant qui chute peut-être à l’heure du cri orgastique, mais que la jalousie se hâte de faire renaître. Car loin d’être l’affect d’un coup subi passivement, la jalousie est un vecteur, un éclaireur qui sait longtemps faire cavalier seul, avant de trouver les raisons de sa passion. Le jaloux l’est bien avant d’entrouver le prétexte. Il pressentait depuis longtemps l’imminence de ce malheur, ou même, à force de chercher à le prévenir, il le provoque. C’est le résultat brut de la complexité, ressentie comme un tout opaque, rayonnant en de multiples directions dans une sorte de corps à corps avec un autre dédoublé, entre attrait et ressentiment, dans l’aimantation de détails sur lesquels il faut investiguer, de preuves anticipées dont il faut découvrir ce qu’elles cachent, poussant à enquêter, chaque nouveau cheveu accroissant l’emprise de la persécution, l’obsession d’une jouissance qui opère par-derrière, sur laquelle on ne saurait se retourner sans qu’elle soit toujours dans le dos de celui qui la provoque en la traquant, de celui qui participe à ce dont il est victime, pris d’une folie du doute sur l’existence même de la tromperie et la rupture d’une promesse de fidélité. Mais nous le savons tous, pour avoir un jour senti cette excitation angoissée plomber sa vie. Mais c’est bien tout autre chose que de voir son frère profiter du sein maternel.    "La jalousie ne permet jamais de voir les choses telles qu'elles sont. Les jaloux voient le réel à travers un miroir déformant qui grossit les détails insignifiants, transforme les nains en géants et les soupçons en vérité." Cervantès résume parfaitement le sujet de notre propos. En 1922, Freud écrivit une sorte de minitraité de la jalousie: "Quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité." On y admire la simplicité de la méthode, partant d’abord de la régularité des faits pour en tirer les inférences. Le texte répartit la jalousie en trois niveaux: la jalousie "normale", la "projective" et la "délirante." C’est une généalogie diachronique, dont chaque phase approfondit la compréhension du précédent, la jalousie "normale" étant presque incompréhensible, sauf si on la confond avec l’envie. En réalité, on n’y comprend pas grand-chose, mais l’épinglage de cette "normalité" a un effet soulageant pour le lecteur, celui de faire sortir la jalousie de la pathologie. Il n’est pas malade et peut donc se laisser aller à sa passion.La structure ne s’éclaire vraiment qu’avec la jalousie délirante. Pour la mécanique, on s’y retrouve bien mieux avec la "jalousie projective", qu’on pourrait lire ainsi dans tous les cas de figure. Prêter au partenaire des libertés que l’on aimerait prendre soi-même. C’est court, lumineux mais finalement trompeur car on ne voit pas quel est le gain psychique de cette projection, qui la rend excitante au point de provoquer les situations adéquates à son aiguillon. Cette projection de son propre désir réprimé, ressemblant à une mise en scène de vaudeville, devient brusquement un mystère, celui du lien de l’amour et de la mort, expression romantique bien faite pour masquer les conséquences sacrificielles de l’interdit de l’inceste. Car l’excitation de la scène jalouse, érotiquement résolutive, anticipe d’abord la perte, sinon le deuil de la personne aimée, d’un amour annulé à l’avance par l’imagination de sa tromperie. En quelque sorte, la foi en l’amour tuée au profit d’un désir cru. Du même coup, cela peut d’ailleurs être aussi le vœu d’assassiner et par contrecoup un deuil mélancolique anticipé de soi-même aimant. S’il y a une jouissance de la jalousie, dénotée par l’excitation sexuelle qui l’accompagne, alors le jaloux va traquer les situations où elle explose. Il peut dès lors les rechercher délibérément en abandonnant le terrain au rival qu’il a lui-même présenté. Mais plus ordinairement en recherchant des preuves, le cheveu, le parfum, le sms ambigu. Et ce mouvement accompagne en même temps la douleur anticipée de la perte. On voit la nature de l’épine supplémentaire. C’est la culpabilité, la faute que s’attribue le jaloux d’avoir cherché ce qui le fait souffrir. Désormais, la culpabilité du dernier s’alimente de la jouissance du premier.    "L'infidélité a beaucoup à nous apprendre sur le couple, ce que nous en attendons, ce que nous croyons vouloir et ce à quoi nous pensons avoir droit. Elle met à nu notre perception personnelle et culturelle de l'amour, du désir sexuel et de l'engagement." L’objet de la passion, c’est le passionné. "La jalousie est bien souvent le triste partage de ceux qui n'ont rien dont on puisse être jaloux. Incapable de tout mérite, l'envie ne peut le souffrir dans les autres et aussi aveugle qu'injuste dans ses jugements, plutôt que de le reconnaître et de lui attribuer ses heureux succès, elle en donnera tout l'honneur aux causes les plus pitoyables et les plus ridicules." Cette maxime de Jean Baptiste Blanchard illustre la froide mécanique du sentiment de jalousie. La jalousie s’opacifie à la mesure de ses contradictions. Freud écrit à propos de la "jalousie projective" qu’elle est "souvent normalement renforcée", mais d’où lui vient ce renfort ? Le jaloux ne peut prendre en compte deux affects contradictoires, comme par exemple la souffrance d’être trompé "comme homme" et la jouissance de se faire copuler "comme femme." Et puisqu’il souffre, c’est la personne qui le trompe qui jouit. Il projette ainsi sur l’autre la moitié contradictoire de son sentiment, imaginant jusqu’à l’obsession sa jouissance avec le rival. La jalousie deviendrait pathologique, selon Freud, quand elle serait orientée par une homosexualité latente. Si tel était le cas, cela ferait beaucoup d’homosexuels latents habitant la planète. Et ce serait surtout oublier que l’homosexualité se définit par un choix d’objet sexuel. Lorsque ce n’est pas le cas, il s’agit non d’homosexualité, mais de la bisexualité qui anime le sujet divisé. Cette question bisexuelle est l’enjeu du tourment amoureux que l’appariement met en scène sans le résoudre, non sans que le rival ne l’aide à s’affirmer. Si une femme était un homme, elle n’arrêterait pas un instant d’aligner les conquêtes, exploit qu’elle prête facilement à son amant. Une femme craint avec constance que son amant ne la trompe comme elle le ferait si elle était un homme. Mais divisée qu’elle est par sa bisexualité, c’est le cas justement. Plutôt qu’homosexuelle, cette jalousie est très féminine, et reconnaissons-le, elle manque beaucoup moins que l’amour.   "Il y a deux sortes de jalousies. L'une est délicate, on ne l'a que parce qu'on ne s'estime pas assez soi-même. L'autre est grossière, et on ne l'a que parce qu'on n'estime pas assez l'objet qu'on aime. Cette jalousie est une injure, et l'autre une preuve d'attachement." Admettons qu'avec Jean-Jacques Rousseau, dans "Les pensées d'un esprit droit", le sujet semble limpide. L’hétérosexualité "normale" met en scène une répétition du désir du père, dont l’objet est la "Femme", mot aussi tabou que le nom de Dieu lui-même. La femme est l’objet du désir du père, à ce titre totalement scindée de la figure maternelle, et éternellement prostituée à ce désir, source d’une jalousie sans fond. Le jaloux aime une telle femme toujours au bord de cette prostitution sacrée. Cette femme onirique "normale" qui aiguillonne le désir est une"prostituée" du père, ce en quoi elle échappe à toute norme. En ce sens, les hommes s’attachent moins à des femmes qui sont sur le point de les tromper qu’à celles qui sont toujours quelque peu ailleurs, dans un débat indéfini avec l’Urvater, qu’ils se font un plaisir de trancher à leur profit. On est bien loin de la déesse Invidia du sein de saint Augustin. Cette érotique de la jalousie, orientée par l’orgasme, devrait concerner surtout les hommes. Pourtant, les femmes semblent beaucoup plus jalouses, d’autant que même si l’on ne possède pas de statistiques, il existe une propension plus grande des hommes à l’infidélité. On est donc devant une nouvelle contradiction, car si la jalousie "adulte" est orientée par l’orgasme féminin, les hommes devraient être plus jaloux. Tant s’en faut, pourtant. Car si cette érotique procède du départage du masculin et du féminin, celles qui se font désirer grâce à leur féminité voient leur jalousie se renforcer. Quand elle est permanente et excessive, la jalousie amoureuse prend la forme d’une paranoïa. Elle est vécue sur le mode possessif, voire exclusif. Le jaloux déteste voir ou imaginer son partenaire passer du temps avec d'autres personnes, non seulement parce qu’il est privé de sa présence, mais aussi parce qu'il s'estime le seul bénéficiaire légitime de son amour. Il se sent libéré de cette jalousie uniquement lorsqu’il est avec son partenaire, ce qui à teme compromet la liberté du partenaire, chez qui peut naître avec le temps un sentiment de frustration. Ce sentiment d'exclusivité peut pousser à la haine, ce qui peut l’entraîner à écarter, voire dans un cas extrême à tuer de façon passionnelle, l’être aimé.    "Un amour blessé s'ajoute à ceux qui l'ont précédé, et c'est ainsi que, par un effet ricochet, une brèche ouverte dans le présent peut faire résonner toutes celles du passé." Le combat entre rivaux devient si passionnant qu’il finit par faire oublier la femme et le souverain sujet qu’elle recèle. La mère, le père, la femme, le mari, l’amant, le frère, sont pris pour idole et enfermés comme trésor de la cassette d’Harpagon. Cette surestimation de l’objet caractérise la passion. L’autre mis en place d’auteur unique de la vie et du bonheur du sujet a seul l’initiative de la séparation et de l’union comme s’il n’y pouvait rien lui-même. Quand le désir de l'Autre se confond avec le désir de posséder l’autre, ce dernier ne représente plus ce qui lui échappe, ce qu’il donne sans le savoir, parce qu’il est réduit à une sorte de double fantasmé, théâtralisé et idolâtré. Par ce mécanisme de surinvestissement, l’unique objet d’amour et de ressentiment vient en place de signifiant de la mère originelle, première figure de l’Autre. Parce que le refoulement originaire par son opération de perte de l’objet unique et totalitaire fonde le narcissisme et l’autonomisation de l’espace psychique du sujet, son absence dans la jalousie pathologique tourne de plus en plus à la folie paranoïaque et au déchaînement d’une pulsion de mort non liée à la pulsion de vie. "Ah, je l’ai trop aimé pour ne le point haïr." Cet aveu d’Hermione d’une pertinence limpide montre bien cette bascule du toutou rien de la violence passionnelle qui n’est pas l’apanage des couples hétérosexuels, loin s’en faut. Des vétilles légères comme l’air semblent au jaloux des confirmations solides autant que les preuves de l’Écriture Sainte. Le don échappe à celui qui donne car, au fond, nul ne sait ce qu’il donne ni vraiment ce qu’il reçoit. Ce qui fait vivre l’autre, ce qui le met en joie, il ne peut que le partager, et non le posséder, dans la rencontre avec cet autre, et que dans la mesure où ça échappe et à l’un et à l’autre. Traverser la jalousie pour consentir à l’amour tel est le chemin que les poètes nous invitent à accomplir. Pour Calderon de la Barca "La jalousie, même de l’air que l’on respire, est mortelle."    Bibliographie et références:   - Alain Robbe-Grillet, "La jalousie" - Frédéric Monneyron, "L'écriture de la jalousie" - Daniel Lagache, "La jalousie amoureuse" - Jean-Pierre Dupuy, "La jalousie, une géométrie du désir" - Jacques Lacan, "Éthique et désir" - Nicolas Evzonas, "La jalousie pousse-au-crime" - Gaëtan Gatian de Clérambault, "Les délires passionnels" - Sigmund Freud, "Approche clinique de l'analyse" - Henri Laborit, " La vie antérieure" - Jean-Émile Charon, "La jalousie et l'amour" - Violaine Deral-Stephant, "Sentiments amoureux" - Philippe Sollers, "La mécanique des sentiments"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 22/04/24
"Il n'est pas plus surprenant de vivre deux fois qu'une. La politique, c'est de l'histoire en train de se faire, bien ou mal". Pour beaucoup, le nom Bibesco évoque en France celui de la princesse Marthe Bibesco, aussi dite Lucile Decaux, historienne et femme de lettres française de la première moitié du XXème siècle, née à Bucarest en Roumanie le vingt-huit janvier 1886 et décédée à Paris le vingt-huit novembre 1973, à l'âge de quatre-vingt-sept ans. Elle était la troisième fille de Jean Lahovary, président du Sénat, ministre des affaires étrangères et ambassadeur en Roumanie, et de Ema Mavrocordat, pianiste, descendante d’une famille grecque. Elle grandit dans le domaine de Balotesti en Roumanie et surtout à Biarritz où elle passait ses vacances. Ses romans étaient en partie écrits en français, dont les plus célèbres et les plus vendus, "Katia", immortalisée au cinéma par Danielle Darieux et Romy Schneider, et "Le Perroquet Vert", paru en 1924. Rapidement suivis par toute une série d’œuvres littéraires, récits, contes, nouvelles, articles et essais, comme "La vie d’une amitié: ma correspondance avec l’abbé Mugnier 1911/1944", paru en 1951 en trois volumes. La même année, Martha fut élue membre étranger à l’Académie royale de Belgique. Son père fut nommé diplomate à Paris quand Marthe a six ans. Mais la petite fille n’avait aucun effort à faire pour parler le français car elle le devait à la solide culture française de sa mère. Quant à sa vie privée, après un an d’une liaison secrète avec le prince Ferdinand de Roumanie, elle épouse dès ses seize ans un lointain cousin, play-boy, l’une des figures de l’aéronautique naissante, qui en 1912 fonda la "Ligue nationale roumaine aéronautique", et co-fondateur de l’Automobile club romain" et du "comité olympique roumain", mais hélas pour la très jeune femme, un époux volage et adultère. Le prince George Valentin Bibesco (1880-1944), fils de Iorgu Bibescu et de Valentine de Riquet, famille des plus dignes et nobles de Roumanie. En 1903, naît leur unique fille, Valentina. Unie alors sans amour avec son richissime et infatigable voyageur de mari, son mariage fut un échec. Mais le divorce à l’époque n’était pas bien vu chez les gens bien nés ou les bourgeois. Un mariage à la dérive qui prit la forme d’une amitié affective et cordiale, permettant à chacun d’aller voir ailleurs. Et le prince sans embarras, multipliait les conquêtes. Quant à Marthe, elle prendra pour amant le Prince Charles-Louis Beauvau-Craon qui partagera son existence durant six années. Une vie affective gâchée due à sa mésentente conjugale. Une grande solitude et un cœur alors en jachère au fil d’une existence romanesque. En 1912, reconnaissant, son époux lui offre le Palais familial de Mogosoaia. La princesse, triste et affligée par ses déboires sentimentaux, ne croit plus aux sentiments d’amour, quelle que soit la cause. Elle veut trouver un peu de joie et de réconfort en s’occupant de sa sœur cadette Marie, comme son propre enfant, un enfant de presque vingt ans au moment de son veuvage. "Au moment où elle est née, c’était déjà vrai, je ne voulais plus rien, je m’étais démise de ma volonté et je vivais absolument sans désir, ce qui équivaut à ne pas vivre. C’est cet état de renoncement, joint à des avantages naturels, qui devait me procurer dans la suite une existence pleine de succès qui, n’étant escomptés ni poursuivis, m’ont laissé indifférente et détachée au point que je me demandais comment je pourrais faire pour vieillir, n’ayant rien eu qui marquât ma vie. Marie était mon petit ange blond bouclé".   "Une seule timidité nous est commune, nous n'osons pas ouvertement avoir besoin les uns des autres. Les lettres d'amour, on devrait pouvoir les dessiner, les peindre, les crier". Elle cesse ses allers et retours en Roumanie pour se fixer à Paris en 1945 et, en 1948, élit domicile Quai de Bourbon. Ruinée, ses biens ont été confisqués par les communistes, il lui faudra toute sa pugnacité et le soutien de personnalités pour que sa fille puisse elle aussi quitter la Roumanie avec mari et enfants. Pour subsister, la princesse se consacre alors pleinement à l’écriture. Sous la protection de sa belle-mère Valentine Bibesco, née princesse de Camaran Chimey, issue de l’une des familles franco-belges, elle trouve le réconfort, la consolation et la joie dans la lecture et l’écriture, fréquentant les salons littéraires parisiens, et cherche à plaire, mais toutefois sans faste ni apparat. Elle s’engoue pour l’histoire française et européenne, spécialement sur la période napoléonienne, mais aussi pour le folklore roumain. Son éloquence, son humour fin, son vif esprit et sa grande culture lui font rencontrer de grands noms de la littérature, du monde politique, de la royauté et certains deviendront des amis tels que Marcel Proust, Paul Claudel, Neville Chamberlain, homme politique britannique, Ramsay Mac Donald, premier ministre du Royaume-Uni, Roosevelt qui l’invite à la Maison Blanche, Winston Churchill à qui elle a dédié une monographie. Dans son salon, elle reçoit l’éditeur Bernard Grasset, François Mauriac, Gabriel Fauré, Léo Delibes, Anatole France, George V, Pierre Loti, Louis Jouvet, Jean Cocteau, Camille Saint-Saëns, Aristide Briand, le Duc de Windsor (Edouard VIII), Clémenceau, Louise de Vilmorin, Anna de Noailles. Et le général De Gaulle voyait en elle une Européenne qui amalgamait les deux genres. L’ancien et le nouveau et qui, en 1968, lors de son voyage présidentiel en Roumanie, lui dit: "Vous personnifiez l’Europe à moi". Elle commença à écrire ses sentiments sur la vie dans un journal lors d’un voyage en bateau en Perse en compagnie de son mari, représentant l’État roumain pour le sacre du Shah Mozafaredin. Là, sur la même embarcation, elle fait la connaissance de l’écrivain russe Maxime Gorki, alors en exil. La critique est chaleureuse. Des contes sont publiés sous le nom de "Les Huit Paradis" (1903) et récompensés par l’Académie française, pour son travail doté d’une force nouvelle et d’un style personnel de phrases courtes, relayant de longs épisodes lyriques. Une rencontre va influencer sa destinée: lors d’un dîner, son voisin de table est l’abbé Mugnier.    "Moi, c'est mon corps qui pense. Il est plus intelligent que mon cerveau. Il ressent plus finement, plus complètement que mon cerveau. Toute ma peau a une âme. Atypique, il l’était en tout. Ame angélique, mais de nature robuste, il se montre aussi curieux que charitable. Un prêtre du Dieu vivant. Un homme de douleur, un fils consacré de l’Église, un ecclésiastique du diocèse de Paris, séminariste pendant le siège, ordonné au lendemain de la Commune. Il meurt  à quatre-vingt-dix ans dans sa ville diocésaine, le premier mars 1944, tandis que les puissances ennemies occupaient encore Paris. Elle lui consacrera trois tomes intitulés "La vie d’une amitié: ma correspondance avec l’abbé Mugnier".Tout comme Marthe, c’était un passionné de Chateaubriand. Ainsi l’homme d’église eu l’occasion d’apprécier la jeune roumaine, chez qui l’esprit le dispute à la beauté. Devenue l'une des personnalités mondaines les plus marquantes de Paris, amie de Paul Claudel, Marcel Proust, Rainer Maria Rilke, Paul Valéry, Jean Cocteau, Francis Jammes, François Mauriac, Max Jacob, ou encore de l'abbé Mugnier dont elle fait son directeur de conscience, portraiturée par Giovanni Boldini, très liée à ses cousins Antoine et Emmanuel Bibesco eux-mêmes intimes de Marcel Proust, son œuvre présente un versant mémorialiste dépeignant l'aristocratie cosmopolite parisienne. Dans quelque soixante-cinq volumes, elle témoigne de son époque et de tous ces personnages, intellectuels, artistes, écrivains, aristocrates, hommes politiques, liés à elle par l'amitié et les relations mondaines. En 1955, elle est élue membre étranger de l'Académie royale de Belgique, au siège tenu auparavant par sa cousine, la poétesse Anna de Noailles. En 1962, elle est nommée chevalier de la Légion d'honneur. Elle aura des amitiés importantes. L’Europe est à la veille d’émeutes sanglantes et de la dispersion des grandes familles qui ont leurs attaches dans tous les pays. Marthe est déchirée entre l’Occident et les Balkans. Elle rencontre alors le kronprinz Guillaume, fils de l’Empereur d’Allemagne, pour lequel elle voue une grande amitié et avec lequel elle échangera une correspondance affectueuse et passionnée. Mais la première guerre mondiale interrompt cette entente, car l’ami est devenu l’ennemi. Il y aura Henry de Fontenelle que Marthe volera à la romancière Colette. "Ce fut de l’une de ces laides maisons où l’on faisait le ménage la fenêtre ouverte, qu’au moment précis ou nous passions, s’échappa alors un perroquet vert. Il m’apparut en plein vol, les ailes déployées, éblouissant et rapide, comme un ange pourvu d’un bec, comme un aigle vert qui fonce sur moi. Moi, si pareil à ce que j’imagine d’un messager divin, que j’en perds la respiration. C’est ainsi que m’arriva ce qui ne m’était encore jamais arrivé: un bonheur ! Je le voulais comme compagnon".    "Il faut avec les mots de tout le monde écrire comme personne. Faites des bêtises, mais faites-les toujours avec enthousiasme". La princesse Bibesco avait sa table au restaurant appelé en 1900 "Chez Tonton". En 1924, il fut alors baptisé "Au Perroquet Vert", toujours situé dans le XVIIIème arrondissement de Paris au sept rue Cavallotti, par le propriétaire des lieux pour rendre hommage à la romancière. À cette adresse particulièrement parisienne, aussi gourmande qu’inspirante, de nombreux artistes y venaient soit déjeuner soit dîner, Jean Gabin, Fernandel, EdithPiaf, Marlène Dietrich, Yves Montand, Pablo Picasso. Et dans ce lieu, jour après jour, la romancière jetait sur ses petits carnets, les bases de son livre qui aura pour titre 'Le Perroquet Vert. C’est un roman qui se veut touchant et saisissant par les drames presque invraisemblables, et qui témoigne une forte composition autobiographique. Le thème principal, l’amour fraternel poussé à ses extrêmes. Il fut édité en 1924, une écriture sagace et lucide, un style maitrisé et une élégance unique, l’histoire d’une famille russe vivant à Biarritz, à la veille de la guerre de quatorze-dix-huit, et au cours de ce même conflit, la narratrice nous raconte comment ses parents furent expulsés de leur pays peu après leur mariage. Honnis d’être cousins germains et époux dans un lieu et à une époque qui avait horreur de tout ce que pouvait suggérer, même de loin, l’inceste. La naissance en France d’un fils unique semblait au couple, à la fois une bénédiction du Ciel et son approbation pour le chemin d’exil qu’ils ont suivi. Mais aussi la mort de ce fils, due à une maladie survenue lorsqu’il avait neuf ans, leur a semblé une sentence divine. Toute la famille ainsi que la narratrice, âgée de six ans à la mort du frère chéri, souffrira de ce deuil profond. Et ce perroquet vert vu chez un oiseleur de Biarritz devient pour la romancière privée de joie, un symbole d’amour et d’allégresse. Qui rêve de posséder ce bel oiseau. Mais son père est convaincu que le volatile pourrait provoquer des maladies comme celle qui a emporté son fils. La princesse Bibesco fait la connaissance en mars 1915 de Christopher Thomson, attaché militaire de l'ambassade du Royaume-Uni à Paris. Il s'occupait alors de favoriser l'entrée en guerre de la Roumanie aux côtés des Alliés, bien que le petit royaume ne fût prêt ni politiquement ni militairement. Le diplomate restera attaché à la princesse toute sa vie et correspond avec elle régulièrement, tandis qu'elle dédicace certains de ses livres à C.B.T. Plus tard, il deviendra pair du parti travailliste, et secrétaire d'État de l'Air. La princesse écrit tous les jours, surtout le matin, et son Journal intime ne comporte pas moins de soixante-cinq volumes. Elle écrit en Suisse, "Isvor, pays des saules", considéré comme l'un de ses meilleurs livres, où elle décrit les habitudes et traditions de son peuple, qui, malgré la renaissance culturelle roumaine, reste profondément illettré, notamment en milieu rural, imprégné de superstitions ancestrales mélangées à une foi orthodoxe fervente, comme au Moyen Âge. Sa fille épouse en octobre 1925 le prince Dumitru Ghika. Trois reines assistent alors au mariage. La reine Sophie de Grèce, née princesse de Prusse, la reine Marie de Yougoslavie, née princesse de Roumanie et la princesse Aspasie de Grèce, épouse du roi des Hellènes. Elle est très proche du roi Alphonse XIII et a une courte liaison avec Henry de Jouvenel, ce qui lui inspire son livre "Égalité", Jouvenel étant alors proche des idées socialistes. Elle se rend souvent de Paris en avion privé avec son mari qui parfois pilote, dont c'est la passion, ainsi que dans diverses villes européennes, comme Rome, où elle rencontre Benito Mussolini en 1936, Raguse, Belgrade, Athènes, Constantinople qui vient d'être rebaptisée Istanbul et diverses villes de Belgique et d'Angleterre. Elle va même en avion en Afrique italienne, en Tripolitaine. Elle est invitée en juillet 1934 aux États-Unis, où elle est reçue par le président Franklin Delano Roosevelt et son épouse Eleanor.    "Mon ami, mon amant, mon cher compagnon des heures furieuses où nous n'entendions d'autre bruit que celui de nos souffles écrasés l'un dans l'autre, je vous le demande, cela est-il possible ?" Mais ses besoins financiers augmentent au fur et à mesure de la restauration de son palais de Mogoșoaia, aussi écrit-elle également des romans plus populaires et des articles dans les journaux féminins, comme le Vogue français, sous le pseudonymede "Lucile Decaux". Elle remplit aussi les rubriques mondaines de Paris-Soir et The Saturday Evening Post. Mogoșoaia devient le rendez-vous d'hommes politiques qu'elle invite dans les années de l'entre-deux-guerres, comme Louis Barthou, qui appelle l'endroit "la seconde Société des Nations". Elle y reçoit des ministres, des diplomates et des écrivains, Paul Morand ou Antoine de Saint-Exupéry et aussi Gustave V de Suède et la reine de Grèce, les princes de Ligne, de Faucigny-Lucinge, les Churchill ou les Cahen d'Anvers. Lorsque la montée de périls commence à bouleverser l'Europe, la princesse se prépare. Elle se rend en 1938 aux Pays-Bas auprès de son ami l'ex-empereur allemand Guillaume, qui n'a plus aucune influence politique, et elle est présentée à Hermann Göring. En 1939, elle se rend en Angleterre, où elle rend visite à George Bernard Shaw. L'aîné de ses petits-enfants, Jean-Nicolas Ghika, est envoyé étudier en Angleterre la même année. Il ne reverra plus la Roumanie avant cinquante-six ans. Après avoir été le théâtre d'une quasi-guerre civile entre le régime carliste pro-Allié et la Garde de fer nationaliste et antisémite, la Roumanie est dépecée l'été 1940 par le Pacte germano-soviétique et le deuxième arbitrage de Vienne, puis est satellisée par le Troisième Reich, entre en guerre en 1941 contre l'URSS et participe aux crimes contre les juifs. Les Alliés occidentaux lui déclarent la guerre à leur tour en février 1942. Elle se trouve dès lors au ban des nations et sera traitée en pays vaincu, livré à l'URSS à l'issue de la guerre. George-Valentin Bibesco, l'époux de Marthe, meurt en 1941. Dans les dernières années, surtout pendant la maladie du prince, une tendre complicité était revenue entre eux. Pendant la plus grande partie de la guerre, Marthe vit dans Paris occupé, puis à Venise, puis secrètement, en 1943, à Ankara en Turquie avec son cousin Barbu Știrbei qui tente d'y négocier, depuis la bataille de Stalingrad, le retour de la Roumanie dans le camp des Alliés, qui se produit le vingt-trois août 1944. Marthe est alors à Mogoșoaia. L'armée rouge est désormais l'alliée de la Roumanie, mais s'y comporte tout de même comme en pays ennemi occupé. À mesure que le parti communiste roumain et sa police politique, la Securitate investissent le pouvoir, la noblesse ainsi que la bourgeoisie et les classes moyennes sont de plus en plus persécutées.    "Et si vraiment cela est, si vous n'êtes plus à mes côtés qu'une ombre tendre, qu'une image pâle et voûtée de mon amour, quelle aberration me défendit de prévoir ce qui arrive ?" En 1958, Marthe parvient à faire libérer sa fille la princesse Ghika et son mari Dumitru des camps de travaux forcés du Bărăgan, la Sibérie roumaine où ils étaient détenus en tant qu'aristocrates. Elle les installe en Cornouailles dans une maison, Tullimaar, qu'elle a acheté pour eux. La princesse Bibesco vit désormais de sa plume. Elle est élue en 1955 au siège de l'Académie de Belgique tenu auparavant par sa cousine la poétesse Anna de Noailles et elle est nommée chevalier de l'ordre national de la Légion d'honneur en 1962. "La Nymphe Europe", livre en grande partie autobiographique,rencontre un grand succès en 1960. Elle est alors devenue une "grande dame" de la littérature française, reçue par le général de Gaulle qui l'apprécie. Elle assiste ainsi en 1963 au dîner donné à l'Élysée en l'honneur du roi et de la reine de Suède. Lorsqu'en 1968 le général de Gaulle se rend en visite d'État en Roumanie communiste, il emporte avec lui un exemplaire d’"Isvor, pays des saules" et déclare à la princesse: "Vous êtes l'Europe pour moi". Intelligence, grâce, beauté, charme et séduction, Marthe Bibesco riche de toutes ces qualités, se jugeait presque trop comblée. "Je suis humiliante sans le savoir", disait-elle. À travers un mariage tempétueux et des liaisons chimériques, elle chercha longtemps son alter égo mais ne rencontra que des miroirs ou des semblants. De tous les hommes qu’elle a cru aimer, seul l’abbé Mugnier, son confident, ne l’a déçoit pas. Elle a vécu dès son adolescence pour écrire ses Mémoires et retrouver le temps perdu. Elle devint à son tour une de ces reines immortelles qui séduisait Marcel Proust et subjuguait Paul Claudel. La princesse Bibesco meurt à Paris le huit novembre 1973, elle avait quatre-vingt-sept ans. Elle repose au cimetière de Menars dans le Loir-et-Cher.   Bibliographie et références:   - Ghislain de Diesbach, "La Princesse Bibesco" - Anna de Noailles, "La Princesse Bibesco" - Mihail Dimitri Sturdza, "Aristocraţi români în lumea lui Proust" - Marcel Proust, "Portrait de la Princesse Bibesco" - Abbé Mugnier, "Correspondances avec une amie" - Charles de Noailles, "Une femme de lettres" - Antoine de Saint Exupéry, "Une princesse courageuse" - Winston Churchill, "Lettres à mon amie" - Sonia Rachline, "Une princesse moderne" - Philippe Sollers, "Une princesse hors du commun" - George Bernard Shaw, "La Princesse Bibesco"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 22/04/24
  Du 24 au 28 avril Zuip & The Queen donnera une série de concerts très privés   Au programme   Collée au mur suivi de Inspire... Expire... Divertimento pour cravache, gode et gémissements   Tableaux d'une exhibition Pour cordes et célesta   Aïe Solo de percussions   Concerto pour des larmes et un soupir Musique concrète   Voici venir la douleur et l'effroi Symphonie en dos majeur pour martinets, chambrières et fouets.   StacCATO for the Queen Musique de chambre   La flute de Pan Pour instruments à bouche (libre participation du public)   Chaque prestation se conclura par un vibrant Gode fuck the Queen (repris en chœur) Nombre de spectateurs très limité. Tenue débraillée bien venue Le noir, le cuir et les vêtements sexys seront proscrits. Chaque concert se poursuivra par une improvisation avec les participants (on peut venir avec son instrument) Le programme pourra varier selon les désirs et l'inspiration du Maître.        
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Par : le 22/04/24
  Enveloppé dans les grandes lignes de ton film, tu projettes ton passé.  Des mots vides de sens et sans destination précise. Assis sur le pas de la porte, tu attends la nouvelle lune. Je suis le reflet dans ton miroir. Un nouveau matin se lève sur des rêves oubliés, faut-il reprendre l'initial pour retrouver ton chemin ? J'ai compté le nombre de tes faveurs trop tôt, oubliant tes rimes et tes raisons. Miroir, Miroir de l'éphémère accroché à ton mur, parfaite anamorphose de ta réalité qui se réfléchit. Prends la main que j'ose te tendre, croise mon regard, celui de nos âmes.  Fais de moi un instrument de ta paix. Qui a si peur de tomber ? LifeisLife #Texteperso #photoperso
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Par : le 22/04/24
"Mais qu'adviendra-t-il de tous ces carnets, me suis-je demandé hier. Si je mourais, qu'en ferait Leo ? Il hésiterait à les brûler. Il ne pourrait pas les publier. Eh bien qu'il en fasse un livre, et qu'il brûle le reste. Je crois qu'en remettant un peu d'ordre dans les notations et les ratures, il y aurait matière à un petit livre. Qui sait ? Ceci m'est dicté par la légère mélancolie qui m'étreint parfois, et me laisse à pense que je suis vieille, que je suis laide, que je rabâche. Cependant, j'ai l'impression que c'est maintenant seulement que j'arrive à écrire selon ma pensée. Nous devrions prendre la route sans idée définie de l'endroit où nous allons passer la nuit, ni de la date de notre retour, seul importe le chemin. Plus essentiel encore, quoique ce soit un bonheur des plus rares, nous devrions, avant de nous mettre en route, tenter de trouver un compagnon de voyage qui nous ressemble et à qui nous pourrons dire tout ce qui nous vient à l'esprit. Car nous ne saurions goûter notre plaisir sauf à le partager." "Pourquoi la vie n’offre-t-elle pas une chose sur quoi poser la main et pouvoir dire: c’est ça ?", se demandait en 1926 Virginia Woolf, dans les pages de son journal. Peut-être est-ce parce qu’on lui a pris beaucoup, de son vivant comme après son suicide, les poches pleines de pierres dans la rivière Ouse, en pleine seconde guerre mondiale. Son père, sa mère et son frère aîné meurent avant ses vingt-cinq ans. Son mariage prend la forme d’un pacte où chacun perd autant qu’il gagne. Figure irréductible du féminisme de la première moitié du XXème siècle, celle qui a marché aux côtés des suffragettes est aujourd’hui louée pour son apport à l’émancipation des femmes en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Sur certaines photos, elle ressemble à une madone préraphaélite. Sur d'autres, à une jeune Parque égarée dans un roman de Jane Austen. Regard d'azur, chevelure d'ébène, visage délavé par la souffrance, Virginia Woolf est, dans la constellation des lettres britanniques, l'étoile la plus incandescente, la plus vulnérable, aussi. Son écriture a l'éclat de la foudre, la douceur du satin et la légèreté évanescente d'une bulle de champagne. "Que vaut la trame de tous ces fils entrecroisés ? Je ne sais, telle est la réponse. Je remarque seulement que le grand écrivain se reconnaît à son pouvoir de briser impitoyablement ses moules. Pas un des pâles imitateurs de James n'a la force, une fois la phrase dévidée de la rompre. Il possède, lui, quelque suc inné, une présence." "Ce qui compte c'est se libérer soi-même, découvrir ses propres dimensions, refuser les entraves."   "Je mesure tout à coup maintenant que j'ai atteint un stade beaucoup plus avancé dans ma progression d'écrivain. Je perçois qu'il y a quatre dimensions, toutes quatre reproduites dans la vie humaine et que cela conduit à des proportions et des groupements beaucoup plus riches. Je veux dire: moi, le non-moi, le dehors et le dedans. Non, je suis trop fatiguée pour expliquer cela, mais je le vois, et je développerai cela dans mon livre sur Roger. Ces tâtonnements sont passionnants. De nouvelles combinaisons entre la psychologie et le corps, un peu comme la peinture." À elle seule, l'auteure de "Mrs Dalloway" a inventé une langue et une musique, un art de la fugue, mais aussi une manière de peindre la réalité comme une grande toile impressionniste où scintillent "les petits miracles du quotidien." Elle a toujours été dépeinte comme une femme ayant une extraordinaire sensibilité, un regard songeur et un air perdu. Elle a dès le plus jeune âge un attrait pour la littérature et la philosophie mais vient y poser un nouveau regard, plus original pour les codes classiques de l’époque. Elle disait souvent d’elle-même qu’elle laissait ses pensées l’emporter sur elle. Elle donnait donc plus d'importance aux émotions qu'aux codes d'écriture dans ses textes. "Ainsi, avant même de poser sa plume sur le papier, l’écrivain qui a été ému à la vue d’un crocus à peine éclos dans Kensington Gardens doit choisir, parmi une foule de candidats, le lecteur qui va lui convenir. Il est vain de dire Ignorez les tous. Ne pensez qu’à votre crocus, car écrire est un moyen de communication, et le crocus reste imparfait tant qu’il n’est pas partagé. Le premier ou le dernier homme peut écrire pour lui tout seul, mais c’est une exception, pas vraiment enviable d’ailleurs, seules les mouettes auront accès à leur œuvre si elles savent lire." Cet extrait du "crocus et le mentor" prouve qu'avec Virginia Woolf, après avoir brisé les tabous et les clichés si l’on fait l’effort de la traversée, naissent des émotions inoubliables car elle possède un art proustien et pourtant matérialiste de peindre la société où elle évolue et de parfois se mettre en scène avec un humour britannique unique. "Ce matin, nous avons discuté du suicide si Hitler débarque. Ils frappent les Juifs. À quoi bon attendre ? Mieux vaut fermer la porte du garage."    "Le mot aimer conviendrait-il à ces étranges et profondes tendresses qui commencent au temps de la jeunesse et se trouvent mêlées par la suite à tant d'évènements importants ? Je ne pouvais m'empêcher de regarder ces grands et beaux yeux bleus, si généreux, si candides, si aimants, et je me trouvais reportée en arrière, à Fritham et Hyde Park Gate". Virginia Woolf appartient à la famille des exorcistes, des médiums, des crucifiés, de tous ceux qui se sont noyés dans la création pour lutter contre la détresse. Son mal ? Il lui venait de sa fragilité psychologique, et d'être née trop libre dans un pays trop puritain. Mais, surtout, il avait sa source dans ce sentiment d'impuissance dont souffrent tous les artistes qui, brûlés par une soif d'absolu, savent qu'ils ne pourront jamais l'atteindre pleinement. Voilà ce qui ne cessa de tourmenter la fiévreuse Virginia, une femme aux vies multiples, tiraillée entre le bouillonnement londonien et le silence de son ermitage du Sussex où elle fumait des cigares "en compagnie des hiboux" , entre la folie et l'émerveillement face au réel, entre la fidélité conjugale et les aventures homosexuelles avec Katherine Mansfield ou Vita Sackville-West, entre une œuvre où "rugissent d'innombrables paroles" et le vieux monde victorien rongé par les vers du conformisme, un étouffoir contre lequel elle rêvait de "jeter des brassées de feuilles mortes en flammes". Virginia Woolf est née à Londres, le vingt-cinq janvier 1882. Sa mère meurt lorsqu'elle a treize ans. Son père, sir Leslie Stephen, est connu comme l'une des figures les plus originales de l'Angleterre victorienne. Successeur de William Makepeace Thackeray à la direction du Cornhill Magazine, il s'attelle à de nombreux travaux philosophiques et littéraires, est l'un des premiers membres du Club alpin, et l'auteur de la fameuse Histoire de la pensée anglaise au XVIIIème siècle. Ce "vieux monsieur adorable et un peu terrible" eut sur sa fille cadette une influence décisive. C'est avec lui qu'elle lut Platon, Spinoza, Michel de Montaigne et David Hume, car une santé fragile lui interdisait de suivre un cycle normal d'études. Après sa mort, en 1904, les enfants de sir Leslie prirent l'habitude de recevoir leurs amis dans leur maison de Bloomsbury, qui donna bientôt son nom au groupe. Virginia Woolf affirme qu'elle ne serait jamais devenue écrivain si son père n'était pas mort quand elle avait vingt-deux ans. La mort des proches, comme une émancipation. Le deuil, comme un privilège. Tirer plaisir, naître du deuil. Les fantômes sont ses amis proches.   "Mais tout cela, je le crains, ne constitue pas un portrait. Elle me donne l'impression d'être comme l'esquisse d'une femme de génie. Tous les dons fluides l'ont pénétrée, mais pas un qui ait de la consistance. Pourquoi la vie est-elle donc si tragique ? Si semblable à une bordure de trottoir au-dessus d'un gouffre ? Je regarde en bas, le vertige me gagne. Je me demande comment j'arriverai jamais au terme de ma route. Pourquoi cette impression ? Maintenant que je l'ai exprimée, je ne la ressens plus." Elle perd sa mère à treize ans, puis sa demi-sœur à quinze ans, puis son père, puis son frère, deux ans plus tard. On oublie moins facilement les morts que les vivants. Il lui faut vivre avec plein de monde en elle. On croit beaucoup de choses fausses à propos de Virginia Woolf. On croit qu'elle était folle. Ni folle ni frigide. Des accès dépressifs. On en connaît tous parfois. Il existe tout simplement, pour les femmes de lettres, une visibilité de l’intimité plus grande. Dès que l'on évoque Virginia Woolf, on met en avant son suicide. Mais il n’existe pas d’artiste sans fêlure. Jean Genet disait: "J’ai tellement cultivé ma sensibilité que je ne suis plus bon à rien." La création artistique procède de l’inquiétude et d’une propension à interroger l’existence. C’est une maladie professionnelle: douter, trembler, creuser le sillon. Virginia Woolf a des crises d’angoisse au point de ne plus pouvoir se lever. Mais on le sait d’autant plus qu’elle tient son Journal. Quand on lit son Journal ou celui d’André Gide, on pense: "Mais ils ne vont jamais bien !" Ils ne vont jamais bien, parce qu’on ne va jamais bien. Le Journal de Virginia Woolf l’a beaucoup exposée. Elle y livre ses fragilités, notamment lors de la sortie d’un livre, et se moque des uns et des autres. On se dit qu’elle est fragile et ragoteuse. Elle est juste normale. L’amitié est centrale dans sa vie. "Sans mes amis, je ne suis rien qu’une coquille desséchée." Virginia Woolf n’est pas, là non plus, un écrivain dans sa tour d’ivoire. Elle a besoin d’intimité et de chaleur comme tout un chacun.    "C'était un soir d'une beauté renversante et à mesure que sombrait le soleil, tous les dômes, tous les clochers, toutes les tourelles et tous les clochetons de Londres se détachaient, silhouettes noir d'encre sur le rouge du crépuscule embrasé. Ici se découpait la croix ajourée de Charing, là le dôme de Saint-Paul, plus loin la masse carrée des bâtiments de la Tour. Ailleurs, semblables à un bosquet d'arbres aux branches dénudées mais portant une loupe à leur extrémité, apparaissaient les têtes au bout des piques de la Barrière du Temple. Un instant, les fenêtres de l'Abbaye de Westminster se trouvaient éclairées et flambaient de mille feux, tel un bouclier céleste." Vanessa Stephen, sœur de Virginia, ne tarde pas à devenir Mrs. Clive Bell, tandis qu'en 1912, Virginia épouse Leonard Woolf. Le groupe se dissocie au début de la première guerre, puis se reconstitue avec de nouveaux éléments, mais l'idéal reste le même, vérité et libre parole, amour de l'art et respect de la morale, goût de la tradition et culture de l'individu. En 1917, Virginia Woolf fonde avec son mari une maison d'édition, la "Hogarth Press", qui ne comporte au début qu'une machine à main, mais grandit rapidement. L'une des toutes premières publications fut "Prélude", de Katherine Mansfield. Suivent des poèmes de T. S. Eliot, des nouvelles de Virginia Woolf, des œuvres de nombreux romanciers français et russes, de psychologues allemands. Le succès vient non du grand public, mais de cette petite aristocratie intellectuelle de "highbrows", ou intellectuels dont Virginia Woolf demeure toujours l'un des plus éminents membres. L'histoire de sa vie est alors indissociable de l'histoire de ses œuvres. Partagée entre ses occupations de directrice de maison d'édition et ses activités critiques, entre ses romans et ses amis, ses voyages et ses séjours sur la côte d'Écosse et de Cornouailles, elle publie, en vingt-six années, neuf romans, cinq essais importants et laisse trois recueils d'essais, un de nouvelles, un roman posthume et le fameux Journal, qui permet au lecteur de suivre pas à pas la genèse de cette œuvre abondante.   "L'instant d'après, tout le couchant semblait une fenêtre dorée laissant passer des légions d'anges (toujours dans l'esprit d'Orlando) qui montaient et descendaient éternellement l'escalier céleste. Et tout ce temps, ils semblaient patiner dans une atmosphère sans fond tant la glace était bleue. Si lisse et transparente qu'ils prirent de plus en plus de vitesse à mesure qu'ils se rapprochaient de la ville, environnés de mouettes qui faisaient des cercles autour d'eux et tranchaient l'air de leurs ailes avec des courbes pareilles à celles que leurs patins tranchaient dans la glace." En 1922, lors d'une soirée, Virginia Woolf rencontre Vita Sackville-West, aristocrate, auteure et poète reconnue pour ses liaisons saphiques enflammées. Les deux femmes développent un lien particulier qui oscillera entre rencontre d'esprits créateurs, histoire d'amour et liaison passionnée tout au long des années 1920. En 1925 et 1926, l'auteure abandonne progressivement la théorie du roman conventionnel doué d'une intrigue, de personnages bien individualisés, auxquels il arrive quelque chose à un moment précis. Jacob Flanders, dans "La Chambre de Jacob", qui rappelle singulièrement le plus jeune frère de Virginia, Thoby, mort accidentellement en 1906, est moins un héros qu'une suite d'impressions multiples se déroulant à un rythme plus ou moins accéléré. Et Clarissa, dans "Mrs. Dalloway", n'est pas la plus parfaite hôtesse de Londres sans qu'on lise derrière sa vitalité de facade une tristesse, une insensibilité et déjà une fascination de la mort. "La Promenade au phare", qui devait valoir à la romancière, en 1927, le prix Fémina-Vie heureuse, étudie le problème de la réalité de l'existence. Qu'est-ce que la vie ? Comment croire à une réalité extérieure, alors qu'elle est sans cessemodifiée par le flux de la vie intérieure ? C'est à ces questions qu'essaye de répondre Virginia Woolf, influencée par la notion de durée bergsonienne, et surtout par les créations littéraires originales de Marcel Proust et de James Joyce.   "Il est indéniablement vrai que les meilleurs praticiens de l'art de vivre, souvent des gens anonymes d'ailleurs, réussissent à synchroniser les soixante ou soixante-dix temps différents qui palpitent simultanément chez tout être humain normalement constitué, si bien que lorsque onze heures sonnent, tout le reste carillonne à l'unisson et, ainsi, le présent n'est pas une rupture brutale et n'est pas non plus totalement oublié au profit du passé." Le roman "Orlando" (1928) est une allégorie romanesque d'un genre tout à fait unique dans la littérature anglaise et dont la signification dépasse de loin l'apparente fantaisie. En imaginant un héros homme puis femme, mais surtout homme et femme, Virginia Woolf essaye de se libérer de l'espace et du temps, elle croit retrouver derrière la diversité des modes d'existence l'être continu, le moi total. "Qu'est-ce que la vie, qui suis-je ? Des pièces, des morceaux, des fragments qu'il est impossible de réunir. Il serait infiniment regrettable que les femmes écrivissent comme des hommes ou vécussent comme des hommes, car si deux sexes sont tout à fait insuffisants quand on songe à l’étendue et à la diversité du monde, comment nous en tirerions-nous avec un seul ?" Pas davantage de solution dans "Les Vagues" (1931), le plus important et le plus difficile de ses romans. Rien ne permet ici de différencier les six personnages dont l'histoire individuelle est à peu près semblable, ainsi que le langage dans lequel ils l'expriment. Puisque la vie n'est qu'un tissu hâtif fait de pièces rapportées, Virginia Woolf romancière ne cherche pas une structure, une logique romanesque artificielle. Elle s'emploie à donner la même impression de discontinuité, d'incohérence et de fracas que nous procure la vie de tous les jours.   "De ceux-là, nous pouvons dire sans mentir qu'ils vivent précisément les soixante-huit ou soixante-douze années qui leur sont allouées sur la pierre tombale. Des autres, nous savons que certains sont morts même s'ils déambulent parmi nous. D'aucuns ne sont pas encore nés même s'ils respectent les apparences de la vie. D'autres encore sont vieux de plusieurs siècles, même s'ils se donnent trente-six ans." En faisant du monde invisible, celui qui habite le plus profond de notre conscience mais aussi de notre inconscience, l'essence du roman, Virginia Woolf atteint à l'essence de la poésie. On trouvera dans cette appréhension "poétique" du monde les caractéristiques du roman de Virginia Woolf comme dans celle de Marcel Proust avec lequel elle a beaucoup en commun: l'intérêt pour le rythme de la trame romanesque et le souci d'une forme d'art qui puisse redessiner, recréer le monde discontinu de la vie. Deux autres romans majeurs sont publiés: "Flush" en 1933, et "Années" en 1937. Cette recherche tenace d'une forme de plus en plus souple, rompant chaque fois avec la précédente, amène Virginia Woolf, dans "Entre les actes", à faire une espèce de synthèse de toutes les techniques précédemment utilisées. Elle est à l'œuvre lorsque éclate la seconde guerre mondiale. Déjà victime de dépressions assez graves et ayant à plusieurs reprises tenté de se suicider, elle supporte avec peine l'isolement né de la guerre, les raids quotidiens, et surtout elle est hantée par l'idée que cette fois-ci elle ne se remettra pas d'une crise semblable aux précédentes. Elle a alors près de soixante ans. Deux mois après la disparition de Joyce, au même âge que lui, fidèle à cet appel de l'eau qui s'entend à travers toute son œuvre, elle met alors fin à ses jours le vingt-huit mars 1941 à Lewes par noyade dans l'Ouse, la rivière près de Monk's House. Elle écrit une lettre à Leonard, son mari. Elle lui dit qu’elle recommence à entendre des voix. "Chacun de nous a son passé renfermé en lui, comme les pages d'un vieux livre qu'il connaît par cœur, mais dont ses amis pourront seulement lire le titre car aucun de nous n'est complet en lui seul."   "La durée de vie réelle d'une personne, quoi qu'en dise le D.N.B., est ainsi toujours sujette à caution. Car c'est une tâche très ardue d'être à l'heure.  Rien ne dérègle le mécanisme comme de le mettre en contact avec un art quelconque et c'est peut-être son amour de la poésie qui est à blâmer quand on voit Orlando perdre sa liste et s'apprêter à rentrer chez elle sans sardines, ni sels de bain, ni botillons." Elle le remercie d’avoir été à ses côtés et termine ainsi sa missive: "Je ne crois pas que deux personnes auraient pu être plus heureuses que nous l’avons été." Elle enfile un manteau de fourrure, marche jusqu’aux berges de l’Ouse, près de sa maison de campagne dans le Sussex, remplit ses poches de pierres et s’enfonce dans les eaux glacées en crue. Virginia Woolf a cinquante-neuf ans. Son corps ne sera retrouvé que quatre semaines plus tard. La légende commence. Sa mort devient le prototype du suicide féminin. Il eut Ophélie qui, se croyant abandonnée d’Hamlet et devenue folle à la mort de son père, se laisse emporter par les flots. L’héroïne de Shakespeare fera l’objet d’une riche iconographie au XIXème siècle. Simone de Beauvoir dira que la noyade est un mode féminin, les femmes ayant jusqu’au bout le souci de leur intégrité physique. À l’aube de ce mois de mars 1941, plus rien ne l’amuse. Elle et son petit cercle d’amis, le groupe de Bloomsbury, voulaient changer le monde, ils sont accablés par le désastre annoncé. Elle écrit dans son Journal intégral: "Le suicide me paraît parfaitement sensé. Nous sommes nés trop tôt." L’eau est non seulement un motif récurrent dans son œuvre, c’est aussi l’élément dont elle s’inspire comme romancière. Restituer le flux et le reflux.    Bibliographie et références:   - Viviane Forrester, "Virginia Woolf" - Magali Merle, "Virginia Woolf" - Josh Jones, "Virginia Woolf" - Virginie Despentes, "Virginia Woolf" - Quentin Bell, "Virginia Woolf" - Geneviève Brisac, "Le mélange des genres" - Jane Dunn, "Virginia Woolf" - John Lehmann, "Virginia Woolf and her world" - Frédéric Monneyron, "Bisexualité et littérature" - Monique Nathan, Virginia Woolf par elle-même" - Frédéric Regard, "La Force du féminin" - Julia Stephen, "The life of Virginia Woolf"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 21/04/24
Dimanche 7 Avril   9h, le réveil sonne, j’ai très peu et très mal dormi. J’aime Monsieur très fort en dépit de ses ronflements nocturnes, je n’avais qu’à pas oublier mes bouchons d’oreilles… Le petit déjeuné est bon, avec des mini viennoiserie, les jus, ainsi que le pain accompagné de de confiture maison, je prends deux cafés, je vais en avoir besoin pour rester éveillée. Monsieur prend du fromage et du jambon en plus, le salé dès le matin, très peu pour moi ! Une fois notre petit déjeuné fini, nous décidons de ne pas tarder et de reprendre la route, comme ça nous serons rentré avant midi. Je lutte pour ne pas m’endormir sur le trajet du retour, j’ai vraiment du mal à dormir en voiture. Je repense à notre journée et notre soirée d’hier, je suis a la fois contente et frustrée, malgré la fatigue, j’aurai aimé commencé la journée avec Monsieur me faisant l’amour, me retrouver entre ses jambes, à ma place, adorant son sexe avec ma bouche, pendant que mes doigts le caresse doucement, amoureusement. Cette idée réveille mon entrejambe, et c’est à ce moment que mon chéri me tire de ma rêverie en venant caresser ma cuisse en me regardant. Hier il a émis la possibilité d’une autre séance cet après-midi, tant pis si je suis épuisée, je suis en train de l’espérer. A notre arrivée, les chiennes nous font la fête comme à leur habitude, on s’installe dans le canapé. Je vais nous servir un apéritif, et c’est à genoux que je tends le verre de mon Maître, c’est un rituel qui a été instauré, et que j’apprécie. J’aime servir mon Maître. Nous regardons le replay de the Voice, puis, alors que je ne m’y attendais plus, je suis invitée, gentiment mais fermement, à me pencher sur le canapé, et à baisser mon pantalon. Il regarde les quelques bleus et les traces que j’ai récolté hier, rien de bien méchant, on a vu pire. Il prend le fouet pour m’en faire de nouvelles, la lumière est plus adaptée pour contrôler les impacts. Comme à mon habitude, j’en demande plus, mais contre toute attente, il s’arrête, pose le fouet sur mes fesses, il fait une photo. « Tu as voulu faire la maligne à en demander plus hein ? » Je vois qu’il prend l’instrument que j’aime le moins … la badine. Je fais définitivement moins la maligne, je me prépare mentalement, je couine au bout de quelques coups … la badine c’est pas ma copine. Son impact est trop vif, trop franc, troc sec. Maître m’attrape par les cheveux puis par le cou et me dirige vers le couloir, je pensais aller dans la chambre mais il m’emmène dans la salle de bain. Une pression sur mes épaules m’indique ce qu’il attend de moi. Je tombe à genoux, me lèche les lèvres par anticipation. J’humidifie mon objet de convoitise sur toute la longueur et commence à faire de va et vient, à mon rythme. Maître reprend le contrôle, ma bouche lui appartient, il s’y enfonce vite et fort, vient frapper ma gorge et maintient ma tête dans cette position. Mes yeux se remplissent de larmes, il me laisse reprendre mon souffle puis recommence. Je suis relevée de force, appuie sur le haut de mon dos, m’obligeant à me cambrer en avant. Il me pénètre d’un coup sec, il me pilonne, je suis comme désarticulée, bougeant d’avant en arrière au rythme de ses coups de reins. Je prends avec bonheur ce qu’il me donne, le regard fixé dans le miroir, mes yeux scellés aux siens. La baise brutale combiné à son regard, sa main sur ma nuque qui se ressert me décroche un orgasme puissant. Il se retire, amorce un mouvement pour me pousser à nettoyer. Merde… mes règles ont débarqué… je suis dépitée ! Il rince les traces de sang sous l’eau et calme en un instant ma frustration en s’enfonçant de nouveau de ma bouche. Une fois fini nous nous glissons sous la douche, mon sourire ne quitte pas mes lèvres. J’attends l’autorisation pour le rejoindre sous le jet d’eau. Maître me demande de le laver, ce que je fais avec grand plaisir, j’aime autant m’occuper de lui sous la douche que lui aime me laver. Nous sortons propre et frais, bizarrement, je ne ressens plus la fatigue… Il me dit de m’allonger sur le ventre dans le lit. Je lui avais demandé si j’aurais le droit aux griffes si cette séance avait lieu, il ne l’a pas oublié. « Tu as réclamé les griffes, tu ne les auras pas » Il s’assoit entre mes cuisses et mon cul. Je suis parcouru de frisson, de chair de poule quand la lame du couteau descend le long de mon dos jusqu’à mes fesses. Je ne frissonne pas de peur, je frissonne de plénitude. Comme les griffes, le couteau à se pouvoir de me transcender, je me laisse aller dans la détente, le plaisir, je suis au septième ciel ! Pour continuer à me faire du bien en me faisant du mal, Maître se saisit du martinet en cuir. Que la danse commence ! La cadence est parfaite, il alterne entre coup fort et coup plus léger. C’est de plus en plus fort, de plus en plus douloureux, je vais jouir, encore … C’est intense, je vois des étoiles, je ne veux plus redescendre, je suis tellement bien dans cet état de trans. Je me mets sur le côté, outch ça pique, je grimace, Maître rigole de son rire sadique. Il s’allonge à coté de moi, on se câline, emporté par le sommeil. On commence à s’endormir, mon téléphone vibre une première fois, je raccroche, je veux rester la blottie dans ses bras. Je replonge dans mes rêves, me refait le film de notre week-end, quand un nouvel appel fait vibrer mon téléphone, je coupe la sonnerie, agacée. Une dizaine de minutes plus tard, ça frappe à la porte, je regarde mon téléphone, c’est ma sœur. Il faut se lever, les enfants sont aussi sur le chemin du retour …Le week-end est fini, retour à la réalité. Joyeux week-end d’anniversaire Maître !  
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Par : le 21/04/24
"Si je pensais à vous, je pensais seulement à quelque chose qui durait, qui pouvait durer. Je ne savais rien de Circé et de sa puissance, je n’avais pas même entendu le nom de Calypso, ni de Nausicaa." En accueillant la jeune poète sur son divan, Freud, alors âgé de soixante-dix-sept ans, a conscience de prendre une patiente à plus d'un égard hors norme. Icône de l'Imagisme, ce mouvement poétique figuré par Ezra Pound dont elle fut l'amante, H.D. a tôt emprunté les chemins du ménage à trois et d'une bisexualité insouciante, en voyageant avec Frances Josepha Gregg, ancienne étudiante de Pound avec laquelle elle vécut une idylle, et le mari de celle-ci. Mariée à Richard Aldington en 1913 mais séparée deux ans plus tard, elle rencontre en 1918 Annie Winifred Ellerman, dite Bryher, destinée à devenir la compagne de sa vie. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir une fille avec Cecil Gray, un ami d'Aldington qui reconnaîtra l'enfant, prénommée Perdita. Bryher, de son côté, demande en 1921 la main de Robert McAlmon, ex-amant de H.D. Ce mariage de convenance sera remplacé par un autre en 1927. Bryher épouse Kenneth Macpherson, avec lequel H.D. a une liaison et dont elle attend un enfant, qu'elle décide de ne pas garder. La même année, Bryher et Macpherson acceptent d'adopter Perdita Aldington.Vous êtes perdu ? C'est normal. Familles recomposées, homoparentalité, H.D., dont la beauté solaire et fragile émeut manifestement les deux sexes, n'est pas seulement une pionnière dans sa pleine liberté à vivre toutes les variables des équations affectives. Avec son cycle de romans intitulé "Madrigal", l'écrivaine, contemporaine de Virginia Woolf et de Gertrude Stein, a ouvert un chapitre essentiel de l'histoire de l'autobiographie féministe, dont témoigne notamment le "Don". Hilda Doolittle naît à Bethlehem, en Pennsylvanie aux États-Unis, le 10 septembre1886. Son père était astronome. Il dirigeait l'observatoire Sayre et enseignait les mathématiques à l'Université privée de Lehigh. Sa mère, musicienne, bien que très chaleureuse, lui donna une éducation stricte, inspirée de la tradition morave, forme de protestantisme. Elle tient de son père son héritage intellectuel et de sa mère sa vocation artistique et mystique. La jeune fille entre au Bryn Mawr College en 1904 et se lie d'amitié avec Marianne Moore et deux étudiants de l'université de Pennsylvanie, Ezra Pound à qui elle est fiancée un bref temps et William Carlos Williams. Elle doit quitter le collège en 1906 pour raisons de santé. Cinq ans plus tard, elle voyage en Europe pour passer des vacances, mais décide de s'installer définitivement sur le vieux continent, séjournant en Angleterre et en Suisse. Elle publie ses premiers poèmes dans la revue "Pound Poetry", sous les initiales H.D., nom de plume qu'elle gardera, avec un style propre à elle, dans lequel, au-delà du dessin, la voix de son moi lyrique joua un rôle central.    "Pénélope était un lointain rêve de foyer, et d’autres et la querelle dans les tentes n’était qu’une affaire locale, loin au-dessous des tourelles et des remparts et de la Muraille." Elle traversa une période très difficile après la rupture de fiançailles douloureuse avec le poète Ezra Pound mais accepta la demande en mariage de l'écrivain britannique Richard Aldington. Cette relation échoua également et la laissa dans un état d’épuisement complet, dont elle sortit aidée par sa liaison avec D. H. Lawrence et surtout par la relation suivante, celle avec Bryher, la poétesse historique Winifred Ellerman. Celle-ci fut une bienfaitrice fortunée du mouvement psychanalytique et restera jusqu’après la seconde guerre mondiale son amante et au-delà son amie de toute la vie. Bryher reçut son nom d’artiste par H. D., qui l’encouragea expressément à écrire et l’aida alors probablement à sortir d’une crise suicidaire. Avec son amante puis Kenneth Macpherson devenu le mari de celle-ci, H. D. a aussi collaboré au développement du cinéma moderne, comme en témoigne l’œuvre "Borderline" (1930). Déjà avant son analyse avec Freud, H. D. se fit connaître par des anthologies poétiques, qui reçurent des critiques très positives, et par des traductions d’Euripide. Freud lut une grande partie de ses œuvres. Une des particularités de l’art poétique de Hilda Doolittle est l’utilisation du palimpseste, écrivant plusieurs fois par-dessus un texte déjà existant, se référant à un immense savoir sur les mythologies de cultures les plus diverses. Une autre particularité stylistique de H. D. se trouve dans l’utilisation de tournures hiéroglyphiques, ressemblant à un rébus et par là se rapprochant de la "Traumdeutung" (interprétation des rêves) de Freud. D’une certaine façon, on pourrait dire que Hilda Doolittle a cherché à travers sa poésie à atteindre l’inconscient par l’écriture pour se protéger de la réalité. "Chacun de nous comme toi est mort une fois, chacun de nous a traversé un vieux chemin en bois et trouvé les feuilles d’hiver si dorées dans le feu du soleil que même les fleurs vives des bois étaient sombres".    "J’ai fini par aimer Achille, à Leuké, mais je l’ai laissé retourner, à la mer, à sa mère, Thétis. Il a donc été absorbé, regagné par son propre élément ?". Chacun des termes lyriques de la prose narrative décrit ainsi par un jeu de miroirs illimité son monde intérieur reposant sur le plaisir saphique. "Tribute to Freud", publié en 1956, est l’histoire de la cure chez Freud. Le livre se présente en deux parties: "Écriture sur le mur", écrit onze ans après l’analyse, et "Advent", qui a été écrit, contre l’avis de Freud, sur le vif, en 1933, tel un journal intime. Le cours de l’analyse se lit comme le commencement d'une nouvelle ouverture vers l’écriture, laquelle l’avait pendant un certain temps protégée de la psychose. S’y mêlent musique, théâtre et danse par l’entremise du chant, de la poésie et de l’art dramatique tels que les pratiquaient les grecs dans l’antiquité. En 1927 meurt la mère de la poétesse. Peu de temps avant le début de son travail analytique avec Freud, elle entreprend un nouveau voyage pour Hellas, la Grèce de tous les mythes grecs, pays où elle avait déclenché, en 1920, une crise psychotique avec des symptômes hallucinatoires. Hellas renvoie au prénom de sa mère, Helen. Une des grandes œuvres poétiques ultérieures s’appellera "Helen in Egypt." L’année 1919 est terrible pour elle, son frère est tué en France, son père meurt, son mariage échoue et elle donne naissance à un enfant que son père ne reconnaîtra pas. Le père est mort en 1919 du choc de la mort de son fils, le frère préféré de Hilda,en 1918 en France. En 1919 est née Perdida, l’unique fille d'Hilda, dont le père était le peintre Cecil Gray. Aldington s’était éloigné d’elle pendant son service militaire et s’était trouvé une maîtresse. Pendant la grossesse, ayant contracté la grippe espagnole, elle fit deux pneumonies. Sa vie ainsi que celle de l’enfant à naître furent menacées. "Lavage de rivière froide dans une terre glaciaire, eau ionienne, froid, sable strié de neige, dérive de fleurs rares, clair, avec une coquille délicate comme une feuille enfermant feuille de lys, texture camélia, plus froid qu'une rose. Pensées intimes, tendre la main pour partager le trésor de mon esprit, mains intimes, tout le ravissement pur que je prendrais mouler un clair et statue glaciale."   "Je ne sais pas, Odysseus, votre nom n’est pas familier. Je n’y avais pas pensé, ne l’avais pas prononcé depuis dix ans, cela fait plus de dix ans et à l’époque, vous ne faisiez qu’aller et venir comme eux tous au Palais, cela fait plus, plus de dix ans." Peu de temps après, sa fille unique sera adoptée par son amante qui demeurera son amie tout au long de sa vie, dans les bons et les mauvais moments. Comment Freud a-t-il orienté la cure de son analysante ? Il n'est pas anodin d'observer que nombre d'écrivains redoutent d'entreprendre une analyse, de peur de dilapider leur singularité dans une exploration jugée trop risquée ou de devoir se soumettre à une injonction normative. H.D., dont le mode de vie n'attire aucune remarque d'ordre moral de la part de Freud, choisit, elle, de s'y mesurer. Par défi, par nécessité, par curiosité pour la grande aventure intellectuelle que la psychanalyse représente alors. C’est à ce point que le travail analytique avec Freud a commencé. À ce moment, Doolittle a compris ce symptôme comme borne de chemin, lui offrant l’orientation et la direction. C’était son "symptôme signifiant." Elle l’a compris avant tout comme poème illustré sur lequel pourra se fonder toute son œuvre à venir. La direction de la cure par Freud a permis que se constitue au moins un soupçon d’un vide, sans lequel Doolittle n’aurait certainement plus pu revenir à l’écriture, mais aurait terminé dans une folie religieuse. Ce danger pourtant l’aura accompagnée toute sa vie. Freud aura réussi à travers la cure à contrer le danger qu’elle soit submergée par une marée d’images spirituelles-spiritistes, s’enracinant dans le discours tout en exaltation religieuse de sa mère. La cure de la poétesse lui a permis de se réapproprier son écriture et de continuer à la développer. Le point d’aboutissement de cette voie fut "Helen in Egypt", décrivant l’art poétique dorique de Stésichore par-dessus l’épopée homérique de l’Iliade. En déplaçant Helen dans un entre-les-cultures, ici la Grèce, mais aussi dans un entre-les-interprétations, entre Stésichore et Homère, elle se transforme en lieu de la poésie.   "Pourquoi êtes-vous venu troubler mon déclin ? Je suis vieille. La rose la plus rouge s’épanouit et c’est ridicule, en ce moment, en ce lieu. La rose la plus rouge s'épanouit gâtant notre fruit d’été." En 1918, la rencontre avec Annie Winifred Ellerman est décisive pour la fragile et solaire poète. Cette année sera celle de la parution du recueil de poésie, "Hymen" qui se donne d’abord à lire comme un hymne à Hyménée, qui personnifiait le chant nuptial et présidait les festivités lors des mariages. Par l’entremise des nymphes du cortège d’hyménée errant dans le vestibule d’un lieu de culte indéfini, peut-être le temple d’Olympie ou un palais antique tenant lieu de sanctuaire, elle invoque Héra, déesse de la fécondité. Il s’agit moins pour elle de déterminer par le biais d’une description réaliste un cadre référentiel univoque que de construire un monde mythique. Par l’entremise de toute une série de glissements métaphoriques, le texte nous conduit dans la crypte où se déroulaient les rites initiatiques des religions à mystères, et à la thiase de Sappho dans l’île de Lesbos. L’image du Havre luxuriant ("closed garden") renvoie au topos aphrodisiaque par excellence. Elle rappelle la manière dont Sappho décrit sa sphère pastorale, lieu clos où elle côtoie ses compagnes et où elle invite sa protectrice Aphrodite à la rejoindre. De 1927 à 1931, en plus de se lancer dans le théâtre, HD écrivit pour la revue de cinéma d'avant-garde "Close Up", fondée par Macpherson et elle-même, Bryher finançant le projet. Elle fait une première analyse avec Mary Chadwick en 1931. L'insuccès de cette analyse l'incite à se faire traiter par Hanns Sachs, à Berlin, qui l'introduisit auprès de Freud, à Vienne, où elle séjourne en 1933. Freud avait lu des livres de H.D., notamment "Palimpseste", avant leur première rencontre le premier mars 1933. Elle publie les mémoires de cette analyse qui dure trois mois, jusqu'en juin 1933, dans "Writing on the Wall", le journal de son analyse, réédité sous le titre "Tribute to Freud", rare témoignage de l'atmosphère chaleureuse que Freud pouvait instaurer avec des patients.   "Hymen, ô roi de l'hymen, qu'est-ce que c'est amer ? Quel arbre, déchirant mon cœur ? Quelle cicatrice, quelle lumière, quel feu brûlant mes yeux et mes yeux de flamme ? Sans nom, ô nom prononcé, roi, seigneur, dis un hymen irréprochable." Elle se réfugia en Angleterre durant les dures années de guerre en compagnie de son amante qui se démenait pour aider les réfugiés, victimes de l'Allemagne nazie du Troisième Reich. Ayant pris cause pour eux, elle rompit alors tout lien avec Ezra Pound qui était profasciste et antisémite. Elle publia en 1936 "The Hedgehog", livre pour enfants et l'année suivante, une traduction d' "Ion" d'Euripide. Elle divorça finalement d'Aldington en 1938, l'année où elle reçut le prix Levinson de poésie pour l'ensemble de son œuvre. Viendront ensuite, "Les murs ne tombent pas" en 1944, "Hommage aux anges" en 1945 et "Floraison du bâton" en 1946. Elle entreprit une psychothérapie avec Walter Schmideberg, époux de Melitta Schmideberg et gendre de Melanie Klein. De plus en plus attirée par les sciences occultes, H.D se mit à écrire des recueils de poésie mystique à la frontière de l'occultisme. Elle se tient entre les signifiants opposés masculin et féminin, amour et haine, guerre et paix, vie et mort, beauté et laideur, indicateurs binaires des chemins,"on the ways", par-delà lesquels elle pointe le lieu de l’écriture même, qui se soustrait au sens, mais où, comme dans le "Wunderblock", se font les inscriptions. Le retrait de la poétesse vers les sources de l’écriture est une traversée du fossé qui sépare la lecture de l’écriture, la fiction de la réalité, le sommeil du réveil. H.D a été qualifiée de romancière lesbienne. En réalité, elle était bisexuelle, bien que se moquant des conventions. "Vous aviez deux choses à cacher, d'une part que vous étiez une fille, d'autre part que vous étiez un garçon." Cette formule, Freud lui adressa, lors de la première séance en 1933. H.D, échauffée à l'idée d'incarner le phénomène presque disparu de la parfaite bisexuelle et de contribuer ainsi à l'histoire de la psychanalyse lui répondit simplement: "Bon, alors, c'est terriblement excitant."   "Laisse aimer demain celui qui n'a jamais aimé. Qui jamais n'a aimé. Ce qui veut dire tout le monde, ou presque. L'amour n'existait pas, sauf l'amour du devoir, et l'amour du sacrifice. Aime demain puisqu'on ne le peut aujourd' hui. Encore et encore, les longues vagues rampent et suivent le sable avec de la mousse. La nuit s'assombrit et la mer prend ce ton désespéré de noir que les femmes mettent quand tout leur amour est fini." En 1956 et en 1960, avançant dans l'âge, la femme de lettres américaine décida de se rapprocher de sa fille en lui rendant visite par deux fois aux États-Unis. Perdita mariée, avait quatre enfants. Ce fut pour H.D un grand bonheur, certainement le plus intense et surtout le dernier. En quête de repos, elle rejoint son amante, Bryher, Annie Winifred Ellerman, en Suisse. En 1960, c'est enfin la consécration littéraire. Elle remporte le premier prix de poésie de l'American Academy of Arts and Letters. Séjournant à la villa Kenwin, située sur la commune vaudoise de La Tour-de-Peilz, où elle subit une nouvelle dépression nerveuse, son psychanalyste, Erich Heydt, l'encourage à écrire "End of Torment", sur sa relation avec Ezra Pound. Entre 1952 et 1954, elle compose le recueil "Helen in Egypt", une déconstruction féministe de la poésie épique, réponse aux "Cantos" d'Ezra Pound. Une fracture de la hanche la laisse handicapée. Atteinte d'un accident vasculaire cérébral, elle décède le vingt-sept septembre 1961. Suivant ses dernières volontés, ses cendres sont rapatriées au caveau familial de Bethlehem. Quand de la redécouverte d’un écrivain s’exhale une sensibilité d’écriture à ce point constitutive d’un rapport au monde, et pour peu que cet aspect ait été simplement recouvert par d’autres influences, on peut alors parler de révélation. C’est à une expérience de cet ordre que doit se préparer tout lecteur de Hilda Doolittle, femme d'une mystérieuse et grande beauté, tourmentée par une bisexualité trépidante qui signait ses écrits H.D., pour qui l’instant d’extase était aussi le moment de la souffrance la plus grande.    Bibliographie et références:   - Béatrice Didier, "Hilda Doolittle, dite H.D" - Antoinette Fouque, "Dictionnaire des créatrices" - Élisabeth Roudinesco, "Écrire d’amour" - Lisa Appignanesi, "Hilda Doolittle" - Alain de Mijolla, "Hilda Doolittle-Aldington" - Jacques Lacan, "Le séminaire, Livre III" - Serge Benstock, "Femmes de la rive gauche" - Geneviève Morel, "Ambiguïtés sexuelles" - Jacques Derrida, "La dissémination" - Marie-Christine Lemardeley, "La poésie chez H.D"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 20/04/24
Elle se réveille de la sieste, et se rappelle qu'elle est entravée. Sur le coté, en chien de fusil, il a lié ses chevilles avec une corde fine. Cette sensation est exquise, elle est offerte et elle le sait. Comme elle se réveille et se tourne, ses deux jambes frottent l'une sur l'autre et réveillent son intimité. Il rentre dans la chambre, son profil s'encadre dans la porte, avec cette jolie lumière en contre-jour. Elle est toute chaude, reposée, paisible Il s'installe sur le lit à côté d'elle, à hauteur de son visage, les jambes écartées, pour qu'elle puisse le caresser, sous les cuisses, la base du sexe qui enfle lentement, les bourses bien gonflées. Elle promène le dos de sa main sur cette chair si tendre, et l'entend gémir, dans son sommeil à peine terminé. Tout naturellement, elle embrasse sa peau, ses cuisses et son sexe, le prend dans sa bouche. Il est chaud, ferme sans être raide, souple sur sa langue. Elle le lèche, le mange, le caresse, le titille, il est juste à sa hauteur, sans efforts, au bon endroit, à sa taille. Les yeux fermés. Lui est paisible, réveillé, son sexe admiré et célébré par cette jolie femme, nue, attachée. Il aime la savoir comme ça, savoir qu'elle aime ce moment et lui demande d'être liée. Il aime prendre la place dans sa bouche, toute la place, sentir cette chaude langue sur lui. Il emplit cette bouche, coulisse dedans, ressent la chaleur et l'humidité autour de lui, de son membre raidi. C'est si bon ….. A regret, il quitte sa bouche, ce lieu si doux, humide et chaud. Elle laisse son membre quitter sa bouche, et s'installe confortablement sur le ventre, ses chevilles toujours liées. Elle a envie de lui, en elle, sur elle, de sentir leurs deux corps qui s'emboîtent, la chaleur de son ventre sur son dos. Il est heureux de la voir entravée, ses jolies fesses rebondies qui n'attendent que lui. Elle commence à se cambrer, sachant et rêvant ce qui va se passer, comment elle sentira son membre frôler ses fesses, comment de ses mains il écartera les deux collines pour s'introduire en elle. Lentement, très lentement. Elle a envie de cette chaleur sur elle, ce membre lourd qui se pose sur ses fesses, les masse doucement, les ouvre, qui s'introduit lentement en elle, cette parfaite harmonie des corps. Il veut sentir cette sensation d'être en elle, caverne élastique et chaude, humide et accueillante. Entendre sa respiration qui s'accélère, ses fesses qui se soulèvent, pour mieux l'accueillir, profondément, jusqu'à être arc-bouté en elle. Loin. Tout au fond. Il aime quand elle met un coussin sous ses hanches pour encore mieux lui montrer cette partie-là, si tentante, ronde, lisse, appétissante. Il veut être en elle, ne faire qu'un avec elle, son sexe qui l'emplit, la remplit, l'enivre et la contente, l'emmène comme sur une vague au rythme de leurs souffles. Il veut le début, la fin, les vagues, l'emmener, se faire guider, et la posséder. Elle aime savoir qu'elle lui présente ses rondeurs, qu'il les regarde ….... fasciné, que sa fente l'attire irrésistiblement, qu'il va la sentir, la respirer, la humer, s'en imprégner comme si c'était la première fois. Puis la lécher, la manger, la titiller, en gardant sa main nonchalamment posée sur ses genoux. Elle aime sentir qu'elle est la source de ça, la destination aussi, et que leur plaisir à eux deux dépend de lui et d'elle, uniquement et totalement. Elle attend et goûte ses chevilles immobiles, cette partie d'elle qui ne pourra bouger, comme pour concentrer son plaisir sur son intimité. Elle aime être l'outil, l'objet qui leur donnera du plaisir à tous les deux. Alors, il la fouille avec ses doigts, la caresse, l'admire, puis s'insère en elle, la prend, la possède, l'emmène loin, en elle, dans son antre à elle, dans ses profondeurs. Elle savoure cela, ses pieds crispés noués par la corde, inquiète de son plaisir qui est différent des autres fois. Il continue à l'emmener loin, dans un mouvement sans début et sans fin, sur elle, chaud, lourd, et aimant. Mettant ses bras sous ses épaules, il va loin, tout au fond, et reste comme blotti en elle, la caressant de l'intérieur avec son sexe immensément doux. Elle savoure tant cette sensation, être caressée, complétée, emplie, complète, être un avec lui, ne plus savoir qui est qui, où commence l'une et finit l'autre. Elle a oublié ses liens, et le ressent, lui, en elle, puissant et si doux, si dense et si léger à la fois. Elle pose ses mains sur ses mains, ils se nouent ensemble, en l'embrassant dans le cou, tendrement, dans ce grand mouvement à deux qui leur appartient. Il savoure ce moment, cette chaleur, l'humidité élastique d'elle, de cette partie d'elle, ses fines jambes immobilisées sous lui, pour leur plaisir à tous les deux. Il s'enfonce en elle comme on s'enfoncerait dans une jungle humide et sombre, entend son souffle qui se cale sur le sien, ils grimpent sur les vagues et redescendent dans les creux. Ensemble. Son membre la demande, la réclame, la connaît et l'aime, la savoure et la respecte à la fois. Jambes serrées, elle le réclame …... geignant fort comme une petite fille, elle est sa possession, pour leur plaisir à tous deux. Il la veut, il la veut tant, voudrait l'emmener encore plus loin, la relance, la possède, la prend, encore et encore, et l'écoute, geindre, plus fort, gémir et réclamer. Elle ne sait plus où elle est, a oublié ses jambes liées, sa chambre, n'est plus qu'un sexe, une sensation immense, qui remplit ses bras, ses jambes, ses poumons, sa bouche. Elle monte avec lui, et redescend avec lui. Elle le veut, elle l'a, il est là, en elle, pour elle, avec elle, a oublié son plaisir d'avant, d'il y a longtemps. Elle écoute son propre souffle, s'en émerveille, s'en affole aussi. Alors elle s'envole, oublie le temps pour n'être qu'une sensation, pur plaisir, ressenti, jouissance, douceur immense, elle est sur les vagues de plus en plus haut, de plus en plus fort, il la possède encore et encore et encore. Alors elle demande « Maintenant » Il attendait sa demande, espérait sa voix, et continuait à goûter ce plaisir immense en elle, leurs peaux collées par la sueur, leurs peaux avides d'être goûtées. Sa petite voix l'emmène loin, encore plus haut, tout en haut, et à son tour il oublie le temps, le lieu, s'oublie en elle, souffles coupés et corps mêlés. Jouissance ultime, lui en elle, arc-bouté, elle avec lui, corps nus et rassasiés l'un par l'autre. Ensemble. Loin. Respirations à l'unisson, peaux nourries, corps qui s'apaisent lentement, la vie est loin. Si loin. Copyright Laidy Sienne. Texte personnel, ne pas copier ou diffuser sans mon autorisation.
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