CercleEbène87
par le Il y a 11 heure(s)
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(narré par Lareth, inspriré de discussions réelles ici avec accord de l'interlocutrice)

Elle n’était pas encore membre.
J’avais noté cela dès le premier instant : ni élève, ni initiée, ni sœur du Cercle.
Simplement une observatrice.
Une présence en attente, hésitante, comme quelqu’un qui se tient sur le seuil d’un monde qu’elle pressent sans encore oser y entrer.

Elle se présentait sous un prénom discret, presque effacé : Séria.
Un nom qui semblait glisser entre les syllabes, comme si lui-même hésitait à se laisser prononcer.
Il convenait parfaitement à la femme que j’avais devant moi.

Elle venait d’une région à l’est, une terre de plaines et de vents froids.
Je ne lui en avais pas demandé davantage.
Certains détails appartiennent à la vie quotidienne ; le Cercle Ébène n’a jamais eu besoin de tout savoir pour comprendre l’essentiel.

Séria approchait la trentaine.
Elle avait l’air jeune, mais ce n’était pas sa jeunesse qui marquait :
c’était son regard.
Un regard qui observait avant d’exister.

Elle s’asseyait rarement sans analyser la pièce.
Elle parlait peu, mais ses yeux parlaient pour elle.
Ils trahissaient un mélange complexe :
la prudence, la peur, et sous la peur quelque chose de plus difficile à nommer — un besoin.

« Elle cherche un cadre…
Elle ne le dit pas encore, mais chaque geste le murmure. »

 

Une novice au bord d’elle-même

Séria n’avait pas l’assurance des femmes qui ont voyagé longtemps dans le BDSM.
Elle ne connaissait pas les codes.
Elle n’avait pas les réflexes.
Elle ne parlait pas avec les mots coutumiers de ce monde.

Cela, loin de me troubler, m’intéressait.

Une novice peut être façonnée.
Une novice entend.
Une novice ne vient pas affirmer, mais demander.
Elle ne prétend pas savoir.
Elle écoute.

Et Séria écoutait.

Elle possédait cette qualité précieuse, rare, presque éteinte dans les communautés modernes :
la capacité à reconnaître ce qu’elle ignore.

 

La force extérieure, la fragilité intérieure

Elle travaillait dans un environnement majoritairement masculin.
J’avais perçu cette dureté dans sa voix, par endroits.
Elle y avait appris à s’imposer, à parler fort, à trancher dans le bruit.
Une façade solide, presque virile, mais qui sonnait comme une armure trop lourde pour elle.

« Elle ne veut pas dominer.
Elle a dû le faire pour survivre.
Ce n’est pas la même chose. »

La vraie Séria se devinait ailleurs :
dans ces petites hésitations,
dans sa façon de demander la permission avant de poser une question,
dans l’aveu maladroit de ses peurs,
dans la franchise brutale de certaines phrases,
dans les excuses qu’elle formulait trop vite.

Elle vivait seule.
Et la solitude, chez elle, ressemblait davantage à une forteresse qu’à un refuge.

 

Une discipline bancale

Elle m’avait confié — avec honte, presque — les règles qu’elle s’imposait elle-même.
Ces petites humiliations domestiques qu’elle inventait pour se rappeler qui elle voulait être.

Pas pour le plaisir.
Pas pour le jeu.
Pour se tenir droite.

Une aulèse à la place d’un drap.
Une blouse ménagère en guise d’uniforme.
Des rituels solitaires, bricolés comme elle pouvait.

Elle s’excusait, rougissait, riait nervieusement.

Je n’avais pas ri.

« Une novice qui s’impose des règles à elle-même n’est jamais ridicule.
Elle est simplement… en avance sur sa propre vérité. »

Ce qu’elle faisait seule, maladroitement, dit plus qu’elle ne le comprenait :
le besoin profond d’un cadre sérieux, strict, protecteur.
Une discipline qui ne serait plus bricolée.
Une autorité qui ne serait plus imaginaire.

 

Le besoin d’être tenue, mais non exposée

Séria voulait être guidée.
Cela était évident dès les premières phrases.

Mais elle avait une peur :
celle d’être utilisée, montrée, sexualisée, exposée.

Elle voulait s’offrir, mais pas s’abandonner à n’importe qui.
Elle voulait obéir, mais seulement dans un cadre précisément décrit.
Elle voulait dépendre, mais en préservant certains espaces de sa vie :
son métier, sa famille, sa dignité.

« Ce que je vois en elle est simple :
une soumise qui n’a pas encore trouvé son Maître,
et qui, en attendant, tente de se tenir debout seule. »

 

Ce qui retint mon attention

On croise beaucoup de femmes qui recherchent une excitation.
Beaucoup de femmes qui veulent s’amuser, se défouler, expérimenter.

Mais Séria, elle, cherchait autre chose.
Elle parlait de disciple, de référent, de rendre des comptes, de liberté sous contrôle.
Elle parlait de sens, pas de sensations.

Ce genre d’esprit, je le reconnais immédiatement.
Il ne demande pas seulement à vivre un rôle.
Il veut le comprendre.
Il veut s’y ancrer.
Il veut qu’on l’y entraîne.

Elle n’était pas prête.
Mais elle était prête à apprendre.

Et cela, dans le Cercle Ébène, a plus de valeur que des années d’expérience mal acquises.

 

La période d’observation

Je ne lui ai pas parlé du rôle qu’elle pourrait occuper.
Je ne lui ai pas parlé de soumission, de fonctions, d’obligations.

Je lui ai simplement ouvert une porte :
celle de l’observation.

Un mois.
Peut-être plus.
Peut-être moins.

Le temps pour elle de voir le Cercle.
De sentir son rythme.
De comprendre ce que signifie réellement appartenir à une structure.

Le temps pour moi d’observer son esprit, sa ténacité, sa sincérité.

« Elle croit venir chercher un Maître.
Elle ne sait pas encore qu’elle vient chercher autre chose :
une place.
Une identité.
Un cadre où son silence deviendra force. »

Séria n’était qu’au début.
Mais certains débuts portent déjà la marque d’un destin.

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Reveurfou
La découverte se fait petit à petit ! Doucement !
J'aime Il y a 7 heure(s)
A
Très bel écrit qu'entendez vous par appartenir a une structure.
J'aime Il y a 3 heure(s)