Carpo
par le 06/01/23
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Au début de notre relation, ma Maîtresse m’avait demandé un petit travail de rédaction autour de ma conception de la soumission. Nous en avons évidemment discuté à de nombreuses reprises, mais tous mes essais de poser en mots ce que j’imaginais de ma soumission se sont avérés vains : tout évoluait si vite, et la vision du jeune soumis que j’étais me paraissait encore bien fragile, emprunte d’a priori, de raccourcis et de prétention.

Aujourd’hui, profitant d’une pause involontaire, je reprends la plume pour fixer quelques idées. Je ne me sens pas franchement plus expérimenté ni libéré d’idées préconçues ou orgueilleuses, mais cette petite pierre blanche sur mon chemin me sera peut-être instructive à relire un jour, lorsque je regarderai la route parcourue.

Pour éviter les lourdeurs de rédaction, je parle ici de « soumis » et de « maîtresse », mais la généralisation à toutes les situations entre une personne soumise et une personne dominante devrait être possible.

 

« Active ». C’est ainsi que je qualifierai avant tout ma soumission. Un soumis n’est pas, à mon sens, celui qui est soumis mais celui qui se soumet. Loin d’une position passive, plus proche de l’esclavage, vouloir vivre sa soumission c’est choisir consciemment dans un acte perpétuellement renouvelé de s’offrir et de s’ouvrir à sa maîtresse. C’est savoir qu’un retour en arrière serait possible à tout moment, et pourtant, aiguisant sa volonté dans un travail continu, c’est décider d’aller de l’avant, pas à pas. Anticiper, accompagner, proposer. Faire prendre conscience à ma Maîtresse de l’étendue des possibles qui s’offre à elle dans ce que je lui ouvre, pour mieux la laisser y tracer son chemin à sa guise.

 

« Folle ». Il y a une part de déraison, voire de folie, à choisir cette soumission. Enlever un à un ses vêtements, puis poursuivre en s’écorchant peu à peu le corps, et quand la peau n’est plus, racler la chair et ôter les os jusqu’à n’être plus qu’une petite flamme nue, fragile et vibrante offerte à sa vision et à sa protection. Je sens parfois, quand je deviens une pelote de nerfs à vif, combien il est déraisonnable de vouloir emprunter ce chemin, qui plus est quand la vie vient en obstruer le cours. Mais ces doutes ne tiennent pas longtemps face à la plénitude qui m’envahit quand je suis aux côtés de ma Maîtresse, face à l’apaisement du sentiment d’être à ma place, ni face à la beauté d’être moi sans aucune carapace.

Le revers de cette mise à nue est la peur panique, l’espèce de terreur sans concession qui m’envahit au plus profond à la simple idée de la dégradation de notre relation et de sa fin. Mon cauchemar absolu.

 

« Un acte de foi ». « Pourquoi vouloir se soumettre ainsi à moi ? », s’interroge parfois ma Maîtresse. Il n’y a pas de réponse argumentée qui vaille. Au-delà d’un choix emprunt de raison, comme cela a jusqu’à présent prévalu dans ma vie, c’est bien plus à l’intuition que je me fis avec elle. Comment qualifier autrement que comme une forme de foi ce mélange d’intuition brute, de confiance absolue et d’abandon serein qui me pousse vers elle ? Je l’ai ressentie très tôt dans notre relation, et chaque épisode partagé depuis m’a conforté dans ma « foi » en elle. Elle sait se faire un réceptacle qui accueille tout, sans jugement ni a priori. Un océan chaud qui, quand je me plonge en elle, vient entourer et soutenir chaque parcelle de mon corps. Même si cette foi implique assurément une part de déformation, qui peut être mise aisément sur le compte de la subjectivité du soumis, elle n’est pas pour autant aveugle : ma Maîtresse est humaine, avec ses parts de lumières et de forces, mais aussi de faiblesses et de failles. Je les accepte toutes sans les nier. Un soumis n’est pas en droit d’exiger la perfection de la part de sa maîtresse, et réciproquement d’ailleurs. Il peut par contre attendre d’elle qu’elle s’emploie à s’améliorer et à progresser, tout comme la maîtresse attend de son soumis qu’il fasse toujours un peu mieux, un peu plus. En cela, ma Maîtresse n’a pas à rougir, ne serait-ce qu’au regard des trésors de patience dont elle sait faire preuve à mon égard.

 

« Cannibale ». J’aime cette dimension du cannibale dans notre relation. Elle embrasse l’animalité forte qui m’envahit au contact de ma Maîtresse, cet élan non contenu d’un appétit primitif et qui cherche tous les moyens de s’exprimer. Elle comprend aussi le désir de fusion auquel j’aspire, et auquel ma Maîtresse aspire aussi, je crois. Avaler l’autre pour le faire soi, pour que mon corps en perpétuelle construction s’emplisse de ses briques à elle. Simplement pour faire tomber les ultimes frontières qui subsisteraient entre deux êtres ayant renoncé aux tabous les plus ancrés. La soumission jusqu’à faire inscrire dans chaque cellule de mon corps, sur la longue chaîne de mon code génétique, les lettres m, a, î, t, r, e, s, s et e.

 

Un acte de foi, fou, actif et cannibale… Comment convaincre quiconque, initié ou non, de la beauté de ma soumission quand elle se résumerait ainsi ? C’est tout simplement qu'au-delà de ses ombres indéniables, il y a une lumière rare et précieuse qui me guide.

Je pense souvent, en constatant combien ma soumission comporte de bouillonnement, que j’en deviens très envahissant, et que la frontière entre le très et le trop se franchit bien facilement...

Qui peut d’ailleurs être assez folle pour endosser le rôle de Maîtresse et supporter d’être le réceptacle de toute cette charge ? A mon tour, il serait peut-être temps de poser ces questions : « Maîtresse, quelle est votre conception de la domination ? Pourquoi vouloir vous infliger tout cela ? ». Mais ce ne sont pas toujours de mots dont sont faites les meilleures réponses...

Thèmes: soumission
14 personnes aiment ça.
Très jolie texte plein de sagesse et un message fort sur ton parcours , ta perception .Merci a toi pour se partage
J'aime 06/01/23
Carpo
Merci pour votre retour, Daniel
J'aime 06/01/23 Edité
Trolly
Très beau partage merci
J'aime 06/01/23
Callendra
C'est une belle introspection, et c'est intéressant à lire pour une aspirante soumise comme moi. Merci pour le partage !
J'aime 06/01/23
Stanley34
"Un soumis n’est pas, à mon sens, celui qui est soumis mais celui qui se soumet. Loin d’une position passive, plus proche de l’esclavage, vouloir vivre sa soumission c’est choisir consciemment dans un acte perpétuellement renouvelé de s’offrir et de s’ouvrir à sa maîtresse." Je partage tout à fait cette conception, pas toujours très répandue chez les soumis, ni très bien reçue par certaines dominas. Les soumises, en revanche, savent ça très bien...
J'aime 06/01/23
Carpo
Merci Trolly et Callendra. Je partage toujours avec plaisir, et plus encore si cela fait écho chez certaines personnes.
J'aime 07/01/23
Carpo
Merci Stanley. Effectivement, c'est sans doute plus souvent chez des soumises que l'on retrouve un positionnement plus actif dans la soumission. Mais cela est à bien dissocier du côté "brat". Je ne suis d'ailleurs pas spécialement provocant vis à vis de ma Maîtresse. Quant au fait que certaines domina ne l'acceptent pas, disons qu'il y a bien des formes différentes de soumission et de domination, et que l'essentiel est de trouver sa place épanouissante.
J'aime 07/01/23 Edité
Stanley34
« Quant au fait que certaines domina ne l'acceptent pas, disons qu'il y a bien des formes différentes de soumission et de domination, et que l'essentiel est de trouver sa place épanouissante. » Merci pour cette volonté d’apaisement, mais mon interrogation était volontairement polémique. Je me demandais par là pourquoi beaucoup de soumis se considèrent comme des carpettes absolues devant tout accepter, un schéma dans lequel moults Dominas se vautrent gaillardement, alors que les soumises, que leur genre semblerait culturellement porter à de bien plus grandes acceptations, ont en réalité une conception plus égalitaire de la soumission. J’ai une très vague hypothèse sur un éventuel malaise masculin dans le schéma patriarcal classique, mais avec ça, on va pas très loin, je le reconnais…
J'aime 07/01/23
Carpo
Stanley, je soutiens votre volonté de lancer un débat sur le sujet. Le forum serait plus approprié. Il y a déjà plusieurs discussions qui abordent certains aspects, mais pas forcément tous. Par exemple on parle peu du cas de soumis pénétrante.
J'aime 08/01/23
Carpo
Merci Eléonore pour votre beau retour et votre souhait auquel j'adhère, évidemment. Ma Maîtresse a apprécié ce texte, pas tant pour la nouveauté de son contenu qui lui est évidemment bien connu, mais plus pour le fait d'y avoir synthétisé en quelques mots beaucoup de nos idées partagées.
J'aime 08/01/23
StellaMaris de Ngu59fr
Même si je n’ai pas ton aisance tes mots sont exactement ce que je ressens aux pieds de mon Maître. Je vous souhaite, à ta Maîtresse et à toi, le meilleur.
J'aime 08/01/23
Carpo
Merci . Je suis heureux de lire que tu te retrouves dans mes mots également. Heureux mais pas vraiment surpris 1f609.png
J'aime 10/01/23