WoolNoose
le 10/10/25
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UNE JOURNEE A TYBURN TREE
Nous sommes en 1450, à Londres, sous le règne d’Henry 6. La perte de la Normandie et la peste ont rendu le pays instable, en proie à la violence. Le nombre d’exécutions est devenu énorme. On compte près de soixante-dix mille pendaisons en Angleterre pendant le siècle. Dix fois plus qu’en France à la même époque. Pendant tout le Moyen Age et jusqu’au dix-huitième siècle, on pratiquait peu les peines de prison, la plupart des délits et crimes conduisant plutôt à des peines corporelles, en particulier la potence qui était facile à administrer, pour peu qu’on disposât d’une corde et d’une branche d’orme ou une poutre assez haut placée. Les gestes étaient simples et l’issue presqu’assurée.
A Londres, les exécutions peuvent avoir lieu partout car il est d’usage de pendre les malfaiteurs sur les lieux de leurs crimes. Mais, environ huit fois par an, ont lieu de grandes pendaisons au gibet de Tyburn, un grand édifice de bois sombre situé à l’angle de ce qui sera Hyde Park, dans ce qui est encore en dehors de la ville.
Le gibet est constitué de trois poteaux hauts de plus de sept mètres, reliés par trois traverses de bois sombre, longue, elles aussi de plus de sept mètres et formant ainsi un triangle placé en haut d’une butte en pente douce et entourée de maisons à colombages. Parmi elles, une auberge avec un grand balcon que le tenancier loue à prix d’or lors des exécutions. Chaque traverse du gibet pouvait porter jusqu’à huit pendus, attachés les uns contre les autres, formant un cortège de cadavres convulsés, la tête renversée par la corde de chanvre. La butte sur laquelle le gibet était dressé était remplie des corps des suicidés et des suppliciés condamnés à être enterrés là, anonymes et sans sépulture. Il en émanait l’odeur doucereuse de la mort et de la pourriture. C’est pour cette raison que peu de gens voulaient habiter là. L’auberge faisait exception car elle vivait sur les profits qu’elle tirait des pendaisons et des supplices exécutés près du gibet. Le gibet de Tyburn était souvent reconstruit, parfois plus grand, parfois plus rudimentaire. Ce n’était pas un monument, mais une machine à étrangler qu’on usait jusqu’à la remplacer. C’est pour cela qu’il apparaît sous divers aspects selon les époques où on le dessinait, toujours avec ses trois piliers plus ou moins hauts.
Dans la cour de l’auberge se dresse un magnifique orme noueux avec de solides branches. Avant que ne fut érigé le gibet, c’est cet orme qui servait de potence depuis des dizaines d’années. Elm street, la rue des ormes signifiait pour les Anglais du Moyen Age que c’était une rue de pendus. L’orme, avec son tronc noueux et ses branches qui s’élançaient comme des bras peu feuillus semblait être une sorte de bourreau de bois portant haut les pendus qui y étaient attachés. Aucun autre arbre ne produisait la même impression de participer au supplice des pendus qui y étaient attachés.
Dans l’Angleterre le monde des vivant se mélangeait au monde des pendus. On ne craignait pas de subir la pendaison car il ne se passait pas un jour sans qu’on ne voie, en divers endroits, des malheureux pendus et étranglés. Des hommes, des femmes, des enfants, les mains liées dans le dos, leurs chausses de laine descendues le long de leurs jambes, le sexe raidi gonflant les braies. Même les enfants s’amusaient près des nombreuses potences qui ponctuaient les rues et les carrefours, jouant avec les jambes gainées de laine et ligotées comme on se cache derrière un arbre. Il arrivait même que certains, trop faibles et peu aimés, se fassent pendre ou étrangler par des garnements sans scrupules et amusés par leurs grimaces au bout des cordes qui ne manquaient jamais dans cette ville pleine d’artisans et de remises obscures.
Même les suicidés choisissaient de préférence de se pendre. Trouver une corde et une poutre était chose facile et la pendaison était si familière qu’elle semblait évidente avec sa promesse de mort certaine et de plaisir ultime. Cela valait bien mieux que la défenestration ou la noyade, bien moins certaines. C’est ainsi qu’on retrouvait souvent des hommes ruinés, des femmes trompées au bout d’une corde attachée à une poutre de leurs galetas, leurs chausses de laine effleurant le sol. On enterrait leur corps sous le gibet. Et, si par extraordinaire, ils survivaient à leur suicide par pendaison, ils finiraient étranglés au gibet au prochain jour de pendaison.
Les jours de pendaison étaient annoncés par des affiches et par des crieurs qui annonçaient qui serait exécuté et comment, sachant que ce jour-là, on pourrait pendre jusqu’à vingt-quatre condamnés. Tout commençait toujours par une pendaison. Les plus coupables, tels que les traitres, les félons et les hérétiques, étaient dépendus, à moitié morts, au bout de dix à quinze minutes pour être étripés, découpés à la hache, décapités ou brûlés.
Comme le voulait l’usage, au matin du jour de pendaison, des carrioles se présentaient devant la prison de Newgate. Dans chacune, on faisait monter quatre malfaiteurs que l’on attachait à moitié debout aux ridelles du véhicule. Ils avaient les mains liées devant et on leur mettait autour du cou une grosse corde avec un lourd nœud coulant prolongé de plusieurs mètres de chanvre qu’ils devraient porter tout au long de leur parcours vers le gibet. On couvrait leur tête d’un épais bonnet de laine leur retombant sur l’épaule.
Les hommes portaient une longue veste ou encore une chemise de drap qui leur descendait jusqu’à mi-cuisse. On leur avait ôté toute ceinture ou marque personnelle. Ils portaient des chausses de laine épaisse et grise. Désormais, les chausses étaient tricotées dans la laine que produisait en abondance l’Angleterre, le Pays de Galle et l’Irlande. Les bas étaient attachés aux braies de toile qui couvraient les parties intimes, sorte de pagne plus ou moins cousu.
Les femmes portaient aussi des chausses grosse laine grise et des braies. Leurs seins étaient bandés de toile aussi et par-dessus elle portaient une robe serrée en haut et large vers le bas, serrée à la taille par un cordon.
Dans ce monde de misère, les vêtements étaient souvent usés et sales. Leurs couleurs bistres hésitaient entre le gris, le brun et le beige écru. Mais les vêtements étaient rares et chers. Presque toujours en laine grossière, mille fois reprisés, presque toujours souillés de crasse et de boue. Une paire de chausses en gros tricots devait durer de longues années car ce vêtement essentiel était très coûteux.
Contrairement à la France où il était courant de pendre les condamnés pieds nus et seulement vêtus d’une longue chemise de toile, manière de leur ôter toute personnalité, toute identité, les Anglais les pendait avec tous leurs vêtements, tous les signes de leur forfait. Et comme il faisait froid à Londres et que l’Angleterre produisait beaucoup de laine, il était normal que les pendus soient vêtus de grosse laine.
Si en été, on pouvait être légèrement vêtu, Londres était, avant tout, une ville froide, humide et pluvieuse où l’on devait le plus souvent se vêtir de plusieurs couches de laine pour ne pas trop trembler de froid. Cette laine peu dessuintée qui protégeait aussi des averses et de la bruine les condamnés, les bourreaux et le public. Tant et si bien que dans la gadoue permanente des ruelles sombres, on finissait par ne plus très bien savoir qui allait finir au bout de la corde et qui allait supplicier les condamnés.
Ce jour-là, on se contenterait de simples pendaisons car nul traitre n’avait été condamné durant le mois. Cela n’empêchait pas une foule nombreuse d’être là à voir les condamnés monter dans les charrettes, en portant leurs grosses cordes. Dans chacune des carrioles, montait aussi un garde prêt à occire quiconque voudrait s’enfuir ou se rebeller.
Le cortège était accompagné de shérifs, des sortes de policiers travaillant au nom du roi, et de watchmen, souvent des malfaiteurs qui, se fondant dans la foule surveillaient les événements et, à l’occasion rattrapaient les condamnés qui avaient tenté de s’échapper des carrioles.
C’est ainsi que le long cortège, accompagné d’une populace curieuse, se mettait en branle pour parcourir les trois kilomètres qui le séparait du lieu des pendaisons. On avançait lentement dans les rues étroites et encombrées, pataugeant dans la gadoue de la ville sale dont les toits en encorbellement se touchaient, plongeant la ville dans une perpétuelle pénombre fétide.
Un premier arrêt avait lieu à Old Bailey, la cour de justice où, dans une interminable litanie, un greffier faisait la lecture de la condamnation de chacun des condamnés. Il énumérait d’abord ses crimes, souvent dérisoires car le vol d’un seul shilling conduisait à la potence. Puis il concluait par la condamnation qui était ce jour-là, d’être pendu et étranglé jusqu’à ce que mort s’ensuive.
A Londres, en ce temps-là, on finissait au bout d’une corde, qu’on soit un homme, une femme ou un enfant d’au moins onze ans. Le crime était si répandu et la pendaison si familière qu’on ne s’embarrassait pas de pitié ou d’humanité.
Une fois les condamnations lues, parfois sous les huées ou les frémissements de la foule, le cortège se remettait en route, toujours très lentement, pour atteindre un premier estaminet où tout le monde buvait de l’ale et plaisantait sur le spectacle à venir. Les pickpockets étaient à l’œuvre et accompagnaient les futurs pendus en faisant leurs affaires avant de remplacer les condamnés dans un avenir incertain.
L’atmosphère était, curieusement, animée, presque joyeuse, malgré le glas résonnant aux églises près desquelles le convoi passait. Les badauds parlaient aux condamnés, tout un commerce se faisait entre les vivants et ceux qui allaient mourir. On échangeait des victuailles, de l’alcool et même de l’argent. Les aides du bourreau, à côté des condamnés dans la carriole, participaient activement à ces échanges.
Être pendu était une forme courante de la destinée, pour beaucoup, la frontière entre une vie misérable et finir, étranglé, au bout d’une corde, était mince et souvent au bénéfice de la potence. Il était inconvenant de montrer de la peur ou du désespoir. Donc, les futurs suppliciés se montraient joviaux et reprenait en cœur les chansons de pendus qui étaient chantées par le public. Seuls, parfois, les plus jeunes enfants, qu’on allait pendre pour un menu larcin, pleuraient, assis sur le banc de la carriole.
Au bout de deux ou trois heures, toute cette compagnie bruyante et ivre pavanait au pied du gibet où s’amassait déjà une foule de près de vingt mille spectateurs. Au pied de la potence attendaient les bourreaux principaux tandis que leurs aides s’étaient installés à califourchon sur les traverses, attendant d’y attacher les cordes.
Pour de telles occasions, il ne fallait pas moins de six bourreaux et de leurs aides pour venir à bout de la pendaison de vingt-quatre condamnés. Mais le bourreau principal de Londres, celui qui avait le titre d’exécuteur, de pendeur, était un homme de haute stature, encore jeune qui avait hérité le titre à la mort de son prédécesseur. Lui-même était devenu aide bourreau en acceptant la charge plutôt que d’être pendu. Désormais, il était veuf car sa femme était morte de la peste. Il œuvrait avec l’aide de sa fille, une garce d’à peine vingt ans qui adorait les exécutions et se plaisait à tirer sur les jambes des pendus en riant aux éclats.
Le bourreau était reconnaissable à ses chausses de laine rouge sang en épais tricot. Il portait aussi une cagoule de la même laine. Son pourpoint de cuir recouvrait une chemise blanche et s’ajoutait à un tablier de cuir, lui aussi. Il portait d’élégants souliers de cuir fauve, preuve que sa fonction était bien payée. Sa fille portait les mêmes vêtements, à l’exception de sa robe de toile brune, un peu trop courte pour lui permettre d’être agile sur la potence, qui remplaçait le pourpoint et le tablier. Bien des hommes rêvaient de mourir étranglés entre ses jambes habillées de laine rouge.
Une première carriole s’arrêta sous un des bras. Le bourreau grimpa à bord. C’était toute une famille de bistrotiers qui droguait ses clients pour les détrousser. Il y avait l’homme un gaillard au regard fourbe gueulait des insultes à la foule hilare. Près de lui, sa femme en robe grise avait la trentaine et gardait les yeux dans le vague. En face d’eux, une jeune fille aux longs cheveux blonds et sales sanglotait dans une robe semblable à celle de sa mère. Enfin, un gamin de douze ou treize ans, vêtu seulement d’une chemise grise et de bas de laine, regardait avec terreur le bras de la potence au-dessus de lui.
Le bourreau détacha les mains de l’homme pour les réattacher dans le dos avec une corde de chanvre. Puis il saisit la grosse corde pour la lancer en l’air pour que sa fille, qui était grimpée là-haut comme une chatte, l’attrape pour la nouer à la traverse avec plusieurs solides nœuds. Le bourreau avait pris la précaution de bien serrer le nœud coulant pour que l’aide puisse bien tendre, si bien que l’homme devait se tenir bien droit pour ne pas s’étrangler. Le bourreau se baissa et, avec une autre corde, ligota les jambes de l’homme par-dessus ses gros bas de laine.
On liait les jambes de suppliciés car, quand ils étaient huit, accrochés à une seule traverse, les jambes libres, il n’était pas rare qu’ils tentent d’enlacer de leurs jambes le pendu voisin et de retarder leur strangulation. Cela plaisait énormément au public qui riait de ces tentatives désespérées. Au bout d’un moment, le pendu qui en avait enlacé un autre, se fatiguait et se laissait retomber, pour finir de s’étrangler dans les spasmes et les convulsions. Mais cela retardait considérablement l’exécution qui devait impérativement s’achever à la nuit tombante. Donc, on liait les jambes des pendus.
Puis il passa à la femme, la déliant et la ligotant à nouveau, les mains derrière le dos, lançant sa corde à son aide, la tendant autant que possible. Cette fois-ci, il attacha les jambes par-dessus la robe pour la décence. Il fit de même avec la jeune fille épouvantée. Il finit avec le garçon qui se laissa faire avec docilité. Tout en les préparant au supplice, il palpait les seins des jeunes femmes et caressait l’entrejambe de l’homme et du garçon, excité qu’il était d’avoir à les pendre. Il ne dédaignait pas, à l’occasion, de violer une jolie fille qu’il avait pendue et qui reposait encore chaude sur la table de l’auberge. Personne n’eut osé l’en empêcher, d’autant qu’il payait l’aubergiste grassement pour ce petit plaisir. Il était même arrivé qu’une pendue revive alors qu’il la besognait et qu’ils finissent l’affaire dans un orgasme violent. Le plus souvent, la femme ressuscitée mourrait à nouveau après ce viol, ses dernières réserves de vie s’échappant de son sexe.
Comme personne ne semblait vouloir faire de discours d’avant la mort, usage très répandu à cette époque, le bourreau tira le bonnet de laine sur le visage de chacun des condamnés, commençant ainsi à les étouffer.
La foule était silencieuse, captivée par les préparatifs de la pendaison. Puis le juge présent pour une telle occasion, donna l’ordre et la charrette s’ébranla, un à un les suppliciés tombèrent dans le vide, de quelques centimètres seulement pour que leur strangulation soit la plus lente possible. Cela fit un bruit sourd se répétant dans le silence, suivi du crissement des cordes qui se tendaient et des nœuds qui se resserraient. Après quelques instants de sidération, les corps liés commençaient à se tordre, d’avant en arrière, les jambes ligotées ne permettant pas d’autre mouvement. Les corps tournoyaient, se heurtaient, les jambes s’agitaient de plus en plus, les mains liées dans le dos remontaient désespérément vers la corde sans pouvoir l’atteindre. Des grognements et des gargouillis d’étranglés se mêlaient aux pets et aux grincements des cordes sur le bois du gibet.
En Angleterre, contrairement à la France, on utilisait de grosses cordes de chanvre longuement assouplies pour avoir servi à de nombreuses pendaisons. Les cordes étaient terminées par de gros nœuds coulants à sept torons qui rendaient leur coulissage difficile et qu’il était très ardu de desserrer. Ces grosses cordes rendaient le supplice plus spectaculaire et, en répartissant la pression, ralentissaient l’agonie. Selon l’emplacement du nœud autour du cou du pendu, le supplice était différent. Placé à l’arrière, la langue du supplicié gonflait et sortait de la bouche, provoquant aussi, en pressant sur les nerfs et les vaisseaux sanguins, l’orgasme du pendu, le fameux plaisir des anges. Mise sur le côté la corde provoquait, tantôt l’asphyxie cérébrale, le pendu blanc, tantôt la cyanose et la congestion, le pendu noir et violacé. Placée sous le menton, elle ne pressait sur aucun organe clé, le pendu pouvait ainsi agoniser pendant près d’une heure avant de mourir de la dislocation lente de sa colonne vertébrale. Les bourreaux connaissaient toutes ces subtilités pour mener leurs exécutions pour le plus grand bonheur de la foule. Bien entendu, on n’eût pas donné cher d’un bourreau qui ne permettait pas aux pendus de se débattre longuement au bout de leurs cordes. Il existait des cas de bourreaux qui avaient fini au bout de leurs propres cordes pour n’avoir pas laisser leurs pendus se débattre assez longtemps.
Un grand soupir de pitié et de plaisir quand les pendus commencèrent à se convulser au bout de leurs cordes. Comme personne ne se manifestait, le bourreau s’approcha du garçon qui se débattait au bout de son nœud coulant et lui attrapant les jambes ligotées par-dessus les chausses de laine, il lui donna plusieurs secousses et se suspendit à lui pendant un moment. Le petit pendu finit par mourir, la tête penchée sur le côté, un de ses bas était descendu sous son genou.
Près de la famille étranglée, quatre autres malfaiteurs furent pendus de la même manière. A cette époque de misère et de troubles, on ne vivait pas longtemps. Vivre plus de quarante ans était un privilège. On devenait gibier de potence à l’adolescence et la plupart des délinquants n’étaient encore que des adolescents quand on les condamnait à la potence. Ces quatre là étaient donc des jeunes qui n’avaient pas vingt ans ; trois garçons, une fille qui regardaient le gibet en riant et dont les visages disparurent sous les cagoules tandis qu’on finissait de leur ligoter les pieds. Ils basculèrent de la carriole pour tournoyer dans le vide, les cordes se serrant lentement autour de leurs cous fins.
Ils formaient ainsi une ligne de huit pendus en train de se débattre comme un rideau soufflé par le vent de la mort. Les galoches de bois tombaient des pieds et, du bas de la potence, les enfants qu’on avait amené là pour leur faire la leçon, contemplaient les pieds ligotés et gainés de grosse laine s’agiter dans les liens dans des spasmes qui les impressionnaient tout en les faisant rire avec une cruauté juvénile. Le lendemain, ils joueraient à se pendre et quelques garnements malheureux seraient retrouvés au bout d’une corde, leurs braies et leurs chausses descendues sur leurs pieds pour qu’on vit bien ce que la strangulation faisait à leur sexe.
Pendant ce temps-là les autres pendus se tordaient sous les deux autres traverses, se balançaient d’avant en arrière en grognant et gargouillant. Les galoches tombées formaient une ligne qui suivait celle des pendus, les bas de laine descendaient souvent le long des jambes des suppliciés. La femme pissa sa bière devant la foule hilare. Leurs mains liées dans le dos tentaient désespérément de remonter vers la corde, sans jamais y parvenir. Puis leur gigue se ralentit peu à peu, les spasmes s’espacèrent et devinrent moins violents. Les trois corps se laissèrent aller pour, peu à peu, se replier lentement, les genoux remontant lentement, les pieds vêtus de laine tremblant convulsivement. De grosses gouttes de sperme tombèrent sous l’homme dont les braies avaient glissé avec ses chausses et qui éjaculait longuement en finissant de s’étrangler.
Pendant ce spectacle, la foule murmurait, écoutait, observait intensément. Les putains qui étaient venues nombreuses branlaient les hommes pour quelques pennies tout en les détroussant pendant qu’ils jouissaient avec leur autre main.
Depuis le balcon des gens de la haute société se délectaient du spectacle en mangeant des friandises et buvant du vin fin.
La pendaison dura tout l’après-midi, les carrioles venant se placer sous les poutres et chaque groupe de pendus se faisant attacher, cagouler et pendre avec une lenteur convenue. Parfois, des proches se précipitaient pour attraper les jambes des pendus et les tirer de toutes leurs forces pour les faire mourir plus vite. Mais beaucoup ne bénéficiaient pas de cette aide et se débattaient interminablement provoquant l’admiration du public de leurs convulsions spectaculaires.
De temps à autres, le bourreau relevait la cagoule d’un pendu pour que le public pût admirer le visage congestionné, le regard absent et la langue énorme et pleine de bave gonflée au point de sortir toute noire de la bouche.
Beaucoup de sperme et d’urine était tombé sur le sol du gibet, ce qui ferait le bonheur des sorcières qui attendaient la nuit pour surgir.
Quand les vingt-quatre condamnés furent tous pendus, étranglés et vidés de leur semence, des mères entraînèrent leurs enfants pour toucher les pieds et les mains des suppliciés pour qu’ils bénéficient de la chance que procure le fait de toucher un pendu. Plus tard, on ferait commerce des cordes, on volerait les chausses de laine et les cagoules pour mieux se vêtir et s’imprégner de la chance des pendus.
La méthode de pendaison anglaise consistait à faire tomber le condamné de la charrette qui se dérobait sous ses pieds. Si personne ne songeait à venir l’aider à mourir, le pendu se débattait un long moment, parfois un quart d’heure, voire une demi-heure au bout de sa corde. C’était très différent de ce qui se passait à Paris où le condamné était mené, les mains liées en haut d’une longue échelle. Il portait trois cordes au cou, dont deux avec des nœuds coulants et une troisième servant à le traîner, puis à le faire tomber sous l’échelle. A ce moment, le bourreau se mettait à califourchon sur son cou ou montait sur ses mains liées et donnait de vigoureuses secousses pour hâter la strangulation. Les suppliciés n’étaient pas cagoulés et étaient nus sous leur chemise, ce qui permettait de mieux voir leurs grimaces et leur langue qui se gonflait toute noir dans leur bouche. Cela permettait de voir le sperme tomber au pied de la potence. Ces différences notables montrent que la pendaison pouvait revêtir de nombreuses formes pour parvenir aux mêmes effets.
C’est ainsi que, dans les Balkans, on enfermait les condamnés ligotés dans un grand sac de grosse toile que l’on recousait pour le fermer. Dedans, le pendu portait ses vêtements traditionnels, notamment de grosses chaussettes tricotées. On le hissait, dans son sac, le long d’un poteau, puis on lui passait un nœud coulant avant de le laisser retomber au bout de sa corde. L’aide du bourreau lui tenait les jambes avec une corde pour qu’il ne se débatte pas. La mort venait lentement dans l’obscurité du sac que le public voyait s’agiter de spasmes jusqu’à ne plus bouger. Cette pratique se retrouve encore, aujourd’hui, au Proche Orient où les condamnés sont ligotés dans des couvertures les couvrant des pieds à la tête et dans lesquelles ils agonisent, meurent et sont enterrés après leur supplice. Une manière de leur ôter leur humanité, leur identité. Ce ne sont plus que des sacs de laine qui se balance au bout d’une corde et qu’on ne reverra jamais.
A la nuit tombante, les bourreaux et leurs aides commencèrent de détacher les pendus pour les porter dans l’auberge qui avait une salle pour les étendre sur de grands tréteaux. Le lendemain, on pourrait vendre les corps non réclamés aux chirurgiens qui les payaient fort bien. La pendaison avait l’avantage de ne pas léser les organes. Vingt-quatre corps encore ligotés, leurs jambes en chausses de laine sous les chemises et les robes relevées, s’alignaient ainsi. Les hommes arborant sous leurs braies des sexes humides dressés tout raides vers le ciel.
Soudain, la jeune fille se redressa en poussant un cri aigu. Puis ce fut le cas d’un jeune homme vigoureux. Les deux rescapés se tordaient dans leurs liens au milieu des cadavres étranglés. En ces temps où l’on était plus petit et souvent plus maigres, la pendaison n’était pas toujours mortelle car les pendus ne pesaient pas bien lourd.
L’aubergiste et quelques bourreaux bien ivres, détachèrent les deux survivants et on les coucha dans des lits bien chauds pour qu’ils revinssent pleinement à la vie. On les couvrit de plusieurs couches d’épaisses couvertures de laine pour les libérer du froid de la mort. Au bout de deux jours, tous deux avaient recouvré leur santé. La fille de quinze ans n’était pas très maligne avant d’être pendue, désormais elle était complètement idiote, mais elle se laissait violer sans jamais se rebiffer. L’aubergiste décida de la garder comme putain pour s’enrichir encore mieux. Faire l’amour à une pendue était une véritable attraction. Beaucoup d’hommes rêvaient de l’érection des pendus et se laissaient étrangler entre ses jambes pour mieux jouir.
Elle devint l’égérie du gibet, se promenant dans la foule des spectateurs elle savait repérer ceux qui s’excitaient à la vue des pendus en train de se débattre au bout de leur corde et, en échange de quelque pennies, elle les masturbait de ses doigts fins, laissant entrevoir sous le col de sa longue robe de laine, la marque indélébile de la corde qui l’avait pendue. Elle devint même l’amie de la fille du bourreau qui la prit en affection, partageant en toute innocence leur goût pour les pendus. La fille du bourreau l’entrainait dans son galetas et toutes deux jouaient à se donner du plaisir en s’étranglant mutuellement avec leurs bas en laine. La jeune fille adorait la fille du bourreau, oubliant en toute innocence que c’était elle qui l’avait pendue. Elles vécurent longtemps dans une relation lesbienne où elles se plaisaient à jouir en se murmurant des histoires de pendaisons tout en se donnant du plaisir. Et pour encore augmenter leur jouissance elles se serraient des bas de laine autour du cou, des bas de laine qu’elles venaient d’ôter à quelque pendu qu’elles avaient trouvé à leur goût.
Le jeune homme, quoique vigoureux, était aussi devenu stupide incapable de coordonner ses mouvements. On aurait pu le renvoyer à la prison de Newgate, mais il était bien plus pratique de le pendre à l’orme de la cour. Alors, on lui lia les mains dans le dos, on attacha ses jambes en chausses de laine, puis on le hissa dans un gros nœud coulant qui se balançait à la branche de l’orme, puis on le laissa retomber. Il s’agita dans d’horribles convulsions, alors la femme de l’aubergiste se suspendit à ses jambes et resta ainsi jusqu’à voir le sperme tomber sur sa joue. Elle aussi ne dédaignait pas les plaisirs du gibet. Un pendu à l’orme de la cour lui fait l’effet d’un fruit délicieux murissent à son arbre. Alors, quand elle sentit le sperme tomber chaud sur ses joues, elle cessa de tirer sur les jambes et, au lieu de cela, se retourna et mit les jambes couvertes d’épaisses chausses de laine sur ses épaules et prit le sexe écumant dans sa bouche pour avaler la semence magique, la graine de mandragore. Puis, n’y tenant plus, le sexe devenant énorme et raide, elle grimpa à l’échelle qui avait servi à hisser le jeune homme à la branche de l’orme, elle releva sa robe et s’empala en tournoyant avec lui au bout de la corde, contemplant de tout près son visage bouffi par la strangulation et la langue énorme, bloquée par les dents mais encore en train de baver abondamment. Le jeune homme finit par mourir complètement, son corps devenu flasque pendouillant, au nœud coulant atrocement serré autour de son cou par l’effet de cette dernière danse.
Le lendemain, on abandonnerait le corps dans une rue borgne après l’avoir dépouillé de ses chausses et de sa chemise qui pouvaient encore être vendues. Chaque nuit, dans l’obscurité des ruelles de Londres, des hommes se faisaient assassiner et dépouiller par des bandes de rodeurs. Personne ne serait surpris de le trouver là. Il n’y aurait pas d’enquête non plus car personne ne porterait plainte. A Londres, pour finir au bout d’une corde, il fallait quelqu’un pour vous accuser. Et c’était déjà suffisant pour garnir les trois bras du gibet de vingt-quatre pendus.
Il ne resterait plus qu’à attendre le mois suivant pour qu’une vingtaine de pendus ne viennent regarnir les bras de Tyburn Tree.
Neuf mois plus tard, elle donna naissance à un ravissant bébé aussi blond que l’aubergiste était brun. Ce dernier le surnomma ironiquement de « graine de pendu » et l’éleva comme le fils qu’il n’avait jamais eu. L’enfant grandit près de Tyburn et il développa un goût prononcé pour les pendaisons. A quinze ans, sa mère lui offrit une belle paire de chausses en laine presque neuves, pas même reprisées, celles qu’elle avait retirées au jeune homme accroché à l’orme. Elle les avait gardées toutes ses années et les embrassait régulièrement en souvenir de son amant d’un jour. Mais elle ne lui dit jamais qu’il était né de l’éjaculation d’un pendu. Un jour, lors de la visite du bourreau, il obtint la charge de devenir son aide.
Quelques années plus tard, le bourreau vieillissant devint moins habile et moins honnête. Il pendit mal quelques condamnés dont la corde glissa ou se serra mal, ou encore se détacha du bras de la potence. Il accepta de plus en plus de pots de vin pour laisser mourir des scélérats au bout de leur corde, avant qu’ils ne fussent étripés et qu’ils vissent brûler leurs entrailles. Il finit au bout d’une bonne corde que lui avait passé avec art celui qu’on surnommait « graine de pendu ».
Et, ainsi, le cycle des pendaisons à Tyburn perdura, pour le plus grand plaisir de la foule et celui de la justice du roi.
Et cela durerait encore trois siècles avant que le gibet ne soit transféré à Newgate et que la pendaison ne devint un supplice discret, rapide, sans plaisir où les suppliciés tombaient dans une trappe sordide pour s’y rompre le cou et mourir dans l’instant, ignorés de tous. Le public découvrit, furieux, ce nouveau supplice qui le privait de tout ce qui faisait le charme macabre de Tyburn. Les pendus de Newgate, qu’on ne voyait que de loin, tombaient dans la trappe et demeuraient immobile, la nuque brisée, privant le public de la gigue des pendus, des bruits d’agonie, du réconfort de se suspendre aux jambes de suppliciés, de découvrir, après leur supplice, leur visage où saillait une grosse langue noire, des avantages propitiatoires de toucher les pendus, de faire caresser de leurs pieds ou de leurs mains des bambins à qui l’on souhait bonheur et fortune. La pendaison cessait de faire partie de la vie.
Il faut désormais aller en Iran pour voir des pendaisons qui ressemblent à celles de Tyburn, des grappes de pendus, hissés par des grues, un gros nœud coulant au cou et qui se tordent dans d’interminables convulsions devant un public abondant qui en redemande. Il n’est pas question de pendre trop vite. Il faut que les pendus se débattent longuement au bout de leurs cordes sous le regard d’une foule experte qui vient nombreuse les voire agoniser. Malgré les pantalons bouffants des hommes et le tchador des femmes, on voit bien l’effet sexuel de la pendaison sur les suppliciés. Avec la pendaison, le plaisir n’est jamais loin de la mort. C’est la civilisation en marche.
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