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marina001
#31
Féminisme, sadomasochisme, et ne mélangeons pas tout…
Une thèse souvent avancée par les journalistes mainstream peu au fait de la réalité du BDSM et pas forcément mieux informé-e-s sur la situation réelle des femmes, c'est qu'il y a une conjonction entre les avancées sociétales dont les femmes ont bénéficié dans ces dernières décennies, et le fait qu'elles soient de plus en plus nombreuses à pratiquer une sexualité intégrant parfois ou souvent des jeux que l'on pourrait – de loin – qualifier de BDSM. En gros, et c'est par exemple la thèse que défendait Katie Roiphe dans un article très lu de Newsweek, féminisme égal empowerment égal femmes sadomasochistes. Pour résumer, le statut social des femmes aurait tellement progressé qu'elles seraient en position d'imposer leurs désirs sexuels – y compris ceux relatifs au BDSM – et ceci au nom du sex positivism qui consisterait à décider unilatéralement de nos pratiques sexuelles, acte politique éminemment féministe.
Restons bien calmes… Tout d'abord, lisez cet article publié dans The Nation. Article que je qualifierais de très lucide. L'auteure, assez connue aux USA, est une féministe ayant de longues années de chroniques sociales derrière elle. Elle ne s'y connaît sans doute pas plus en BDSM que Roiphe, mais au moins elle sait remettre les choses en ordre.
https://www.thenation.com/article/feminism-and-sadomasochistic-sex/
Qu'est-ce qui ne va pas chez Roiphe ? Tout. Déjà, les femmes bdsm'ers et/ou féministes n'imposent rien en matière de sexualité. Ou sinon, on devrait voir une tripotée de maris chouiner dans les rues : « ma femme me fouette à l'insu de mon plein gré », ou bien « elle m'oblige à l'attacher tous les soirs ». D'ailleurs, prétendre que le sex positivism c'est décider unilatéralement d'une pratique sexuelle reviendrait à cantonner la sexualité au solo masturbatoire, ou au viol du partenaire… Le sex positivism, c'est proposer, disposer, mais jamais imposer.
Ensuite, prétendre que le statut social dominant est une condition sine qua non de la pratique du BDSM relève au mieux du besoin immodéré des journalistes de rattacher tout ce qui est flashy à la haute société. A croire que le BDSM, chez les riches, c'est pittoresque, et chez les pauvres, c'est un fléau national. En 20-30 ans le BDSM s'est diffusé vers le bas de la pyramide de Maslow. En quoi est-ce choquant/bizarre ? On voudrait nous faire croire que toutes les femmes bdsm'ers sont CEO. Foutaises ! La thèse du « je suis pédégère donc j'ai besoin du BDSM pour gérer la pression » c'est de la pseudo-psychologie.
Les pas pédégères du tout, qui forment l'écrasante majorité des pratiquantes réelles, n'auraient donc aucune pression inhérente à leur job à gérer ? Et les vraies pédégères seraient incapables, les pauvres chéries, de gérer la pression issue de leur boulot ? Les pulsions qui nous poussent vers le masochisme ou le sadisme s'enracinent à des âges où nous ne sommes ni pédégères ni simples employées. Et la pression, la plupart des gens la gèrent suffisamment bien pour ne pas avoir besoin de se balader à quatre pattes avec un plug anal planté dans le bas du dos.
Mélanger BDSM et féminisme, c'est additionner kilogrammes et kilomètres. En définitive, ne vous faites aucune illusion quant à la presse généraliste. Pour paraphraser H.F. Thiéfaine, les articles sur le BDSM n'y sont... qu'une visite au musée pour mater les singes acrobates.
Dernière modification le 17/11/2018 04:31:02 par marina001.
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