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marina001
#40
Féminisme, BDSM, et grande ancienne
Dorothy Allison est une des co-fondatrices de la Lesbian Sex Mafia (LSM), l'organisation de lesbiennes bdsm'ers féministes qui prit le relais pour la Côte Est de Samois, groupe californien similaire, qui vers la fin des années 70s fit sortir du placard le BDSM US dans son entier. Allison est également très connue dans le milieu féministe pour avoir été – parmi d'autres – à l'origine des sex wars : lors de la fameuse Conférence de Barnard en 1982, elle mit les pieds dans le plat, affirmant que la position officielle des féministes radicales sur le sadomasochisme en particulier et même la sexualité en général était digne d'une doxa stalinienne, et en tout cas complètement déconnectée du vécu des femmes en la matière.
Inutile de dire que Dorothy Allison et ses copines eurent les oreilles qui sifflèrent très fort par la suite. Elles pratiquaient le BDSM, sans remords. C'est pas bien le BDSM, pour les radicales. Elles étaient lesbiennes, et fières de l'être. C'est pas bien non plus d'être lesbienne, pour les radicales, même si là elles le chuchotent au lieu de gueuler. On entendit ici et là des choses cocasses : une lesbienne ne pouvait pas parler au nom du féminisme. La LSM, « simple » organisation de lesbiennes sadomasochistes, ne pouvait avoir d'écho en dehors de ce cercle de femmes « spéciales ». Comprendre : détraquées. Gouine et sadomasochiste, c'est double peine n'est-ce pas ?
Les radicales, elles ont presque disparu. La LSM prospère. Pourquoi ? Parce que sur la Côte Est, lorsque le BDSM devient florissant dans les années 1980, les bdsm'ers – femmes ou hommes, hétéros ou non - se tournèrent vers la LSM pour les représenter, un peu comme sur la Côte Ouest ils se tournèrent vers la SOMA (association de mâles gay bdsm'ers). Et Allison n'y fut pas pour rien. Sa plume ne parlait pas pour ne rien dire ! Son talent d'auteure, tant dans la poésie que dans les romans ou récits autobiographiques, en librairie ou en magazine comme Village Voice la rendit très célèbre parmi la hype intellectuelle new-yorkaise.
Alors que – disons le – les autres « têtes » de la LSM ne voyaient pas de raison « d'exporter » leur féminisme, et préféraient se cantonner à l'aspect lesbien et sadomasochiste du groupe, Allison entreprit au contraire d'exprimer publiquement sa position de féministe en matière de sexualité, et surtout en matière de sexualité globale. Genres, orientations, pratiques, peu lui importait ! Elle mettait en avant un principe : le patriarcat pourrit la sexualité non seulement des femmes, mais aussi de tout le monde. Et la vraie violence, ce n'est pas une dérouillée consentie à coups de fouet, c'est la sexualité dite classique, bien propre sur elle, et la culture du sexe forcé qu'elle intègre de façon quasiment inévitable.
Un de ses récits autobiographiques – présenté d'abord comme un roman - fit date : Bastard out of Carolina. La pauvreté, l'enfance violée, le sexe forcé. Acclamé par les critiques du National Book Awards. Un livre dur, qui justifie les durs propos d'Allison sur le patriarcat et la culture du viol qu'il traîne comme une odeur puante dont il ne pourra jamais se débarrasser. Dans cette version, le texte est accompagné d'une postface sublime de lucidité, écrite 20 ans après.
https://www.amazon.fr/Bastard-Out-Carolina-Dorothy-Allison/dp/0141391545/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1548238746&sr=8-1&keywords=bastard+out+of+carolina
Dernière modification le 26/01/2019 04:42:31 par marina001.
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