Méridienne d'un soir a posté un article.
23/09/25
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Tout s'annonçait alors sous les meilleures auspices. Même la météo se mettait de la partie : elle nous offrait une de ces pimpantes journées de juin pas encore caniculaires où le soleil joue allègrement entre les branches des arbres. La colonne Vendôme se dressait fièrement sur la place. Ironie des temps, Bonaparte avait supplanté Louis XIV. Les révolutionnaires de 1789 avaient mise bas la statue équestre du roi Soleil. L'hôtel particulier du financier Antoine Crozat n'avait pas échappé à la férocité gourmande de l’homme d’affaires sulfureux, Mohamed Al-Fayed. Faute d'investissements et victime de conflits entre ses actionnaires, Monique, la veuve de Charles Ritz, avait laissé décliner la belle endormie. Encore un livre à écrire, pensais-je. Rendre hommage à ce lieu chargé d'histoire. Coco Chanel, Ernest Hemingway, Jean Cocteau, Colette, Paul Morand, Arletty, Marcel Proust et Madonna méritent bien une promesse en l'air ! Les chapitres du roman me trottaient déjà dans la tête. Il y a deux chemins du souvenir : la vie réelle comme un long ruban décoloré dont les épisodes peu à peu se mêlent et s'effacent et cette autre vie annoncée, dessinée comme un canevas irrél sur lequel j'aurais brodé mes passions. Le roman d'une vie est-il déjà écrit comme l'est le roman de l'écrivain déjà inscrit dans son cerveau avant qu'il ne l'excave avec sa plume ? Je suis docile et de bonne composition quand on me proclame le verdict de mes futuritions. J'accepte de bon cœur le succès, l'amour qu'on m'y promet, je ne regimbe pas à l'annonce d'un mauvais passage des astres, d'un échec ou d'une année difficile. Je les accepte avec le même fatalisme que les intempéries prévues par la météo. Mais, après tout, même la prévision de quelque malheur ou de quelque drame sentimental ne doit pas trop nous effaroucher. Ce qui serait terrible, c'est la voyante qui soudain ne lit plus rien dans notre avenir, rien qu'une page blanche que n'atteignent plus ni les échecs ni les orages du cœur. Notre destin après la vie n'est-il donc plus régi par une étoile ? Comment se dessinerait ma vie, serais-je du côté des élues ou des perdantes ? Elle a vingt ans. Même pas, dix-huit ans et demi. Un âge diabolique pour celle qui en a presque vingt ans de plus. Elle est brune, belle, avec des yeux magnifiques, le visage enveloppé dans une lourde chevelure. Piquante et aristocratique, peu farouche et provocatrice, elle a cette liberté hautaine des jeunes filles de bonnes familles émancipées. Diane de Rohan traîne tous les cœurs derrière elle, avec un train de marathonienne libertine. Elle m'a convié au bar du Ritz. Elle me confie ses projets en prenant un faux air intellectuel qui ne me dupe pas. Mon sang est moins bleu que le sien mais mon agrégation en Lettres l'enrichit. Sa mère lui répète tous les jours : "Pour l'amour de Dieu, faites semblant de ne rien savoir, ne dites pas que vous avez lu des livres sinon vous ne vous marierez jamais" Eh bien, c'est réussi ! Ce soir, elle irait danser pour se distraire et finir la nuit avec un homme qu'elle n'aimerait pas. Moi, je suis comme un pur-sang aux écuries, je ronge mon mors, je fais un assez petit cas des femmes et je me distrais de ressentir de telles émotions pour d'aussi maigres choses. Sartre peut aller se rhabiller, je me blanchis les mains quand je me noircis le cœur.
Plus tard, elle ne me disait presque rien de sa candide vie. Elle ne me posait aucune question sur la mienne. Sans doute par crainte d'apprendre des choses qui auraient pu lui déplaire. Aimer écrire, c'est coucher des mots sur le papier, et non pas partager le lit de Madame de Staël. Mon existence en dehors de la littérature ne méritait pas que je la fisse souffrir avec des passades sans importance. Elle ne pouvait être jalouse de ma méridienne. Je ne vivais que dans l'attente d'un prochain rendez-vous, de baisers volés, d'étreintes usurpées. Où aurait-il lieu ? En réalité je passais plus de temps à imaginer qu'à la voir. Et quand je la retrouvais, c'était à travers la brume de ce songe que j'avais construit autour d'elle. Elle m'écrivait des lettres brèves, quelques phrases denses comme des aphorismes, datées avec précision. Elle indiquait toujours l'heure et le temps qu'il faisait. J'appris un jour qu'elle avait épousé un éleveur de chevaux. Elle était fière, aussi farouche que les pur-sang que son mari dressait dans sa propriété de l'Orne. Elle préférait ne pas s'interroger sur le moment de folie qui, contre tous ses principes l'avait alors jetée dans ses bras. Cela lui semblait un phénomène aussi bizarre que la foudre ou un tremblement de terre. Elle avait construit autour d'elle un mur pour se protéger et se croyait à l'abri. Elle se sentait imprenable autant par dégoût des autres que par un sentiment de fierté qui lui faisait juger les choses de l'amour soit comme un idéal impossible soit comme un abandon bestial. Elle n'imaginait pas l'entre-deux. La vie devint pour elle, droite, sans écart, maintenue dans son parcours par une main inflexible, faisant de la doctrine du Cadre noir de Saumur sa ligne de conduite. " En avant, calme et droit ", la citation du général Alexis L'Hotte l'inspira. Avait-elle lu le beau roman de François Nourissier ? Au milieu de la vie, elle voyait toujours venir l'hiver. Elle acceptait avec courage la solitude qui de plus en plus l'envelopperait dans ses voiles glacés. Diane échappait à cette angoisse en demandant à la nature de lui offrir les plaisirs, les joies, les émotions qui lui manquaient. Cette liberté de l'instinct débridé, l'ardeur des saillies, les montées de la sève et l'allégresse reproductrice du monde végétal la fascinaient. Elle ne vivait plus que pour les chevaux, les arbres et les fleurs. Elle habillait sa sauvagerie nouvelle d'un masque de mondanité provincial. Bientôt elle m'invita chez elle et me présenta à son mari qui m'accueillit avec une diplomatique et rigoureuse politesse. Nous étions dans un monde où tout se joue sur les apparences, où le soupçon, les arrière-pensées étaient bannis. Un monde de civilité absolue où ce qui n'est pas montré pas plus que ce qui n'est pas dit n'avaient droit à l'existence. Il m'emmena faire le tour du parc ainsi que de manière immuable, il procédait avec ses hôtes et me tint les mêmes propos qu'il leur avait tenus à tous pendant leur visite, propos qui devaient être à quelques nuances près, ceux de son père et de ses aïeux. Des chevaux gambadaient dans une prairie, d'autres travaillaient dans une carrière. Tout était dans un ordre parfait. La maison du jardinier rutilait. La serre semblait aussi propre et rangée qu'une salle d'opération. Un hommage digne à Monsieur de Buffon. Seul le cœur semblait ne pas avoir de place. On le considérait comme un intrus. J'allais monter à cheval avec Diane. Nous nous promenions dans les bois. Parfois nous rentrions avec le crépuscule, et cette demi-obscurité jetait alors sur nous des ombres coupables. Son mari nous attendait impavide sur le perron. Son indifférence vis-à-vis d'une liaison qu'il ne voulait pas voir, était presque plus lourde à supporter que s'il nous avait attendues un fusil chargé à la main. Ce silence du non-dit pesait sur nous comme une faute. Je regagnai ma chambre et dans cette atmosphère de crime, Diane se glissait contre moi. Elle repartait à l'aube. Alors, dans le lit vide, je me demandais si je n'avais pas rêvé. J'étais calme comme un étang solognot mais j'avais le cerveau en feu. Nimier avait bien raison, à force d'aimer la nuit sans personne, je me bannissais du monde. Tout ce qui était humain m'était étranger.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Louvanima a posté un article.
22/09/25
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- Monsieur, s'il vous plaît... J'aimerais les aiguilles.
Samedi soir.
Elle est allongée sur la table de massage. Nue. Attachée. Offerte. Ses jambes sont écartées. La corde est serrée. Elle encercle ses chevilles, s'enroule plusieurs fois autour de ses mollets, remonte sur les cuisses, enlace son bas ventre, glisse sous les seins, passe autour des poignets, caresse son cou et disparaît sous la table. Elle ne peut pas bouger. Simplement être.
La psychologue qu'elle a vu deux fois avant de comprendre que ce n'était pas d'analyse qu'elle avait besoin mais de ce vertige là, avait osé dire: ce n' est que de la mise en scène.
Si elle savait! Si elle savait que derrière la mise en scène il y a l'abandon, la vérité nue, le silence absolu qui s'ouvre quand on se laisse tomber.
Sous le masque, impossible de voir. Elle ne distingue pas la lumière tamisée, ni les flammes des bougies. Mais, ses sens en éveil, elle est aux aguets. Elle entend tout: le froissement du papier stérile, le cliquetis des pinces, l'ouverture d'un flacon, le crissement du plastique des gants, le claquement léger de ses pas. Elle devine ses gestes. Il est tout près. Le silence pèse.
La chaleur de ses mains caresse sa poitrine. Une pince serre doucement son mamelon. La sensation est vive, puis supportable. Une deuxième pince se pose sur l'autre mamelon. Il fait de même sur les lèvres génitales. Puis, ajuste la pression. Plus. Il resserre les pinces des seins. Celles des lèvres. Elle perçoit la tension progressive qui augmente, et s'arrête, juste avant la limite. Le calme la recouvre entière. Elle sait qu'il est attentif, qu'il ressent sa peur, sa sensibilité exacerbée. La crainte de la suite, du moment où elles seront retirées.
Plus tard, il lui montrera. Il a réalisé comme un dessin avec une chaînette qui relie de part et d'autre les deux pinces, en haut et en bas.
- tu es belle.
Elle laisse parler sa peur. Il comprend. Avec douceur, il enlève les pinces. Lentement, en tenant les extrémités avec ses doigts. Chaque geste comme un chuchotement délicat.
Soudain, au dessus d'elle, la grande lumière du plafond s'allume.
- j'ai besoin de bien voir. Tu sais ce qui t'attend ?
- oui Monsieur
- est-ce-que tu es prête ?
- j'ai peur
- oui...mais tu en as envie
- oui mais j'ai quand même peur
- tu te rappelles du mot de sécurité ?
- rouge
- bien. Ne t'inquiète pas. Fais moi confiance. Laisse toi aller.
Un liquide froid coule sur sa poitrine. Une compresse l'essuie. Une odeur d'hôpital. Puis à nouveau le désinfectant. Sa main chaude se pose sur son ventre. Une pointe. Elle effleure sa poitrine. Se fixe. S'enfonce. A peine. Elle se prépare à la douleur. Elle l'attend. Puis, quasiment rien. Juste une piqûre légère, à peine réelle. Ni douleur, ni sang. Elle est surprise, presque déçue mais rassurée. Alors ses muscles se détendent. Sa respiration s'apaise, et elle accueille les aiguilles suivantes. Deuxième. Troisième. Encore. A mesure qu'il les plantes, elle sent le lien qui se creuse, plus intime, plus profond.
Un autre jour.
- Ma soumise, dis moi encore un de tes fantasmes.
- Monsieur...s'il vous plaît, j'aimerais le couteau.
Et elle éclate de rire , un rire franc et léger, en imaginant ce qu'il doit penser: on pourrait pas faire quelque chose de soft pour une fois?
Soyez la première personne à aimer.
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