Marie-Adelaïde, mère de Louis XV, appartient à l’illustre maison de Savoie qui, pendant plus de deux siècles,
aura la gloire de placer sur les plus puissants trônes d’Europe les princesses les plus convoitées. Marie-Adelaïde
de Savoie, née en 1685, n’avait que onze ans lorsqu’elle fut promise comme épouse au duc de Bourgogne pour
cimenter l’alliance entre la France et le Duché de Victor-Amédée II. Son tempérament, son caractère enjoué, sa
fantaisie séduiront Louis XIV et Madame de Maintenon, son épouse morganatique et la cour qui, confrontée à la
vieillesse du roi, périssait d’ennui. L’adoration dont la duchesse a été l’objet ne doit pas masquer qu’elle mena,
assez rapidement après son mariage et tandis que son époux le duc de Bourgogne s’adonnait à la piété, une
vie de débauche où se mêlaient jeux, amours et ivresses. Y aurait-il pire à lui reprocher ? L’intimité qu’elle
partagea avec Louis XIV lui aurait permis, à la demande de son père, de pénétrer des secrets d’État en vue de
déjouer les stratégies françaises pendant la longue guerre de succession d’Espagne à la suite de la mort sans
descendance du dernier Habsbourg espagnol, Charles II et qui opposa plusieurs puissances européennes.
Marie-Adélaïde de Savoie naît le six décembre 1685. Elle est la fille d’Anne-Marie d’Orléans et de Victor-Amédée II
de Savoie. Celui-ci s’est engagé dans la ligue d’Augsbourg, contre la France, en 1686. Cependant, dès 1692, le
duc de Savoie, prêt à changer de camp quand il s’agit de l’intérêt de son pays, entretient des rapports secrets
avec la France. En 1696, un accord de paix est trouvé avec à la clef, l’union du petit-fils aîné de Louis XIV, le duc
de Bourgogne, avec Marie-Adélaïde de Savoie. Il est convenu que la princesse vivrait à la cour de Versailles jusqu’à
son mariage, afin de se familiariser plus aisément aux coutumes de son pays d’adoption. En dépit de son jeune âge,
Marie-Adélaïde connait déjà beaucoup de choses sur la cour de France, grâce à sa mère, nièce de Louis XIV, et sa
grand-mère paternelle, Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie, arrière petite-fille d’Henri IV. Consciente du rang élevé
qu’elle va occuper un jour grâce à son mariage, Marie-Adélaïde écriera à sa grand-mère: "Je crois que je ne vous
donnais guère de joie et que vous auriez bien voulu un garçon, mais je ne puis douter que vous m’ayez pardonné
d’avoir été une fille." La princesse épouse, par procuration, l’héritier de la couronne de France le quinze septembre
1696, puis prend le chemin de la France où elle doit être accueillie par la famille royale. Marie-Adélaïde naît et
grandit au sein d'une famille très francophile. Elle aime la fête, la chasse, les plaisirs et sait faire preuve de charité.
Marie-Adélaïde y arrive le quatre novembre 1696. Outre Louis XIV et Monseigneur le dauphin, père du duc de
Bourgogne, la princesse rencontre, pour la première fois, son grand-père maternel, Philippe d’Orléans, dit Monsieur.
De suite, la piémontaise éblouit par sa grâce, son maintien et la dignité dont elle fait preuve malgré son jeune âge.
Sachant ce que représente la marquise de Maintenon pour le roi, Marie-Adélaïde n’hésite pas à l’appeler "ma tante"
en privé. Louis XIV et son épouse morganatique sont définitivement sous le charme de la jeune princesse. Le
monarque confie: "Je souhaiterais que sa mère soit ici, témoin de notre joie”. La jeunesse d’Adélaïde adoucit ses
journées et il n’est pas rare que le roi fasse sauter celle-ci sur ses genoux lorsqu’il travaille dans les appartements
de Mme de Maintenon. Les courtisans sont divisés au sujet de la jeune duchesse. Certains avancent qu’elle n’est
qu’une enfant gâtée qui ne se prive pas de toucher à tout en espionne, d’autres, qu’elle est “le rayon de soleil du roi”.
Quant à son futur époux, Marie-Adélaïde ne peut le voir qu’une fois par semaine. Tandis que le duc de Bourgogne
parfait son éducation, la princesse de Savoie tient déjà la première place féminine auprès de Louis XIV, qui ne
cesse de la divertir par des séjours à Marly. À Versailles, la princesse embellit la Ménagerie par des peintures et
des dorures. Les courtisans “rajeunissent de la vivacité de Marie-Adélaïde” et n’hésitent pas à jouer à colin-maillard
avec la princesse. Mme de Maintenon témoigne, dans ses lettres à la duchesse Anne-Marie, du “transport de joie
d’avoir reçu un tel trésor” en évoquant Marie-Adélaïde. La duchesse rechigne pourtant à se rendre à Saint-Cyr
avec Mme de Maintenon et préfère s’amuser, ce qui ne lui passera pas. Son époux, le duc de Bourgogne lui vouera
une véritable passion amoureuse tandis qu’elle prend des amants lorsque le jeune Louis est à la guerre et ne répond
que rarement à ses lettres. Marie-Adélaïde s’attire des remontrance mais elle se plaint que son mari est trop sérieux.
Si la princesse égaille Versailles, elle a aussi ses défauts, à commencer par une paresse intellectuelle. La marquise
de Maintenon ne s’en inquiète pas, avançant qu’il “ne faut pas songer à faire la princesse savante. Il faut se borner à
lui apprendre certaines choses qui entrent dans le plaisir de la conversation." Le sept décembre 1967, Marie-Adélaïde
de Savoie épouse, en la chapelle du château de Versailles, Louis de France, duc de Bourgogne. Cependant, le mariage
ne change rien à l’emploi du temps du couple. La jeune duchesse n’est pas encore nubile et elle ne pourra goûter
à la vie conjugale qu’à partir de l’année 1699. En attendant, la compagnie de la duchesse de Bourgogne est recherchée
par de nombreuses personnes, à commencer par le roi. La jeune princesse est de tous les divertissements et a su
toucher le cœur de son beau-père, Monseigneur, ainsi que de son grand-père, Monsieur, qui l’adore. Elle perd celui-ci
en juin 1701, emporté par une crise d’apoplexie. Louis XIV, qui entend ne rien montrer de sa douleur, peut alors compter
sur le soutien de Marie-Adélaïde. Mais en août, la princesse est frappée une fièvre entraînant des complications telles
que l’on craint réellement et sincèrement pour sa vie. La duchesse de Bourgogne se rétablit après dix jours d’angoisse.
Cependant, dès sa convalescence, son époux retombe immédiatement en dévotion, persuadé que la maladie de sa
femme est un signe de Dieu. Le comportement très pieux de Louis éloigne de lui Marie-Adélaïde, qui n’entend pas
renoncer aux plaisirs des divertissements de la cour. Lorsqu’en 1702, son époux part dans les Flandres rejoindre
l’armée, elle ne lui écrit pas, s’attirant les remontrances de Mme de Maintenon. À la cour, il se murmure alors que la
duchesse prend des amants. Pour blesser la jeune femme, une rumeur se répand, selon laquelle elle est incapable
de donner un héritier à la couronne. Lorsque le duc de Bourgogne regagne Versailles, Marie-Adélaïde se veut plus
proche de son époux, qui fuit les divertissements. Après plusieurs espoirs déçus de maternité, la duchesse donne
naissance à trois princes, Louis (1704-1705), Louis (1707-1712), et Louis (1710-1774), duc d’Anjou et futur Louis XV.
Lorsqu’elle perd son fils aîné en 1705, Marie-Adélaïde se réfugie dans la religion, aux côtés de son époux. Elle écrit à
sa grand-mère que Dieu “l’accable de toutes sortes de chagrins” pour l’attirer vers lui. Car la perte de son enfant n’est
pas le seul malheur qui frappe la duchesse de Bourgogne. Tout d’abord heureuse que sa sœur cadette, Marie-Louise
de Savoie, ait épousé Philippe V d’Espagne, la princesse est ensuite abattue lorsque bientôt son père, Victor-Amédée II,
s’engage dans une guerre contre la France et l’Espagne. Les deux sœurs s’unissent dans leur malheur, comme en
témoigne leur correspondance. À l’annonce du décès du petit duc de Bretagne, en 1705, la jeune reine d’Espagne écrit:
"Pour moi, qui ne suit que tante, j’ai toujours mon cher neveu dans la tête, il me semble pourtant que je l’aimais plus
que les tantes ne doivent aimer leurs neveux, car je le regardais comme mon propre enfant”. Lorsqu’elle met au monde
l’héritier du trône d’Espagne, en 1707, Marie-Louise demande à la duchesse de Bourgogne d’être la marraine du prince.
En 1708, le duc de Bourgogne part en Flandre prendre le commandement de l’armée. Suite au désaccord entre le prince
et le maréchal de Vendôme, l’armée française recule, plie devant l’ennemi. À la cour, l’honneur du petit-fils de Louis XIV
est bafoué par un grand nombre de courtisans qui soutiennent le maréchal de Vendôme, et qui rejettent toutes les erreurs
militaires sur le duc de Bourgogne. Marie-Adélaïde, appuyée par les Orléans, défend la cause de son époux en “fière
protectrice de l’honneur du prince”, à la grande surprise des alliés du maréchal de Vendôme. La princesse fait pencher la
balance en faveur du duc de Bourgogne en ralliant à sa cause Mme de Maintenon. Face aux injures et aux calomnies dont
on couvre son époux, Marie-Adélaïde perd de sa joie de vivre et est victime de plusieurs fluxions, rappelant à tous sa santé
fragile. Après le retour du duc du Bourgogne, en décembre, la princesse bat froid au maréchal de Vendôme, réussissant
même à lui faire interdire l’entrée à Marly et à Meudon, sa seule présence lui étant devenue tout simplement insupportable.
Devant la détermination de son épouse à sauvegarder son honneur, le duc de Bourgogne décide de faire de sa mère, sa
conseillère. Épouse dévouée, la princesse est également une mère aimante, suivant de près les progrès de son fils, le duc
de Bretagne, “charmant dans toutes ses manières”. Bientôt, la duchesse de Bourgogne favorise le mariage du duc de Berry,
son beau-frère, avec Mademoiselle d’Orléans. Bien que le dauphin et une partie de la cour n’y soient pas favorables, le roi
cède à sa petite-fille. Marie-Adélaïde sera bien mal récompensée de son intervention, la duchesse de Berry se montre
rapidement bien moins douce et facile que l’on ne le pensait. La duchesse de Bourgogne devient dauphine à la mort brutale
de Monseigneur, survenue le quatorze avril 1711. Devenue la première dame du royaume, Marie-Adélaïde est très jalousée
par les filles illégitimes de Louis XIV, la princesse de Conti et la duchesse de Bourbon, ainsi que par la duchesse de Berry.
La dauphine n’en a cure et se console en répétant “Je serai bientôt leur reine” et son fils aîné fait sa fierté pour son bonheur.
Le six février 1712, la dauphine se sent mal, victime d’une forte fièvre et de douleurs entre l’oreille et la mâchoire. Son
époux la veille et les médecins sont optimistes. Le roi et Mme de Maintenon prennent des nouvelles de Marie-Adélaïde
dont l’état empire le 10 février, après que la rougeole ait été diagnostiquée. Le dauphin est écarté de la chambre de son
épouse, tandis que Louis XIV est résolu à ne pas quitter le chevet de sa petite-fille. La princesse s’éteint le soir du douze
février, laissant un époux inconsolable. Dans un moment de lucidité, elle avait confié à ses dames d’honneur: “Princesse
aujourd’hui, demain rien, dans deux jours oubliée”. Sa disparition cause également au roi l’un de ses plus grands chagrins,
“la seule véritable douleur qu’il ait eue en sa vie” d’après le duc de Saint-Simon. Quant à Mme de Maintenon, elle perd,
avec Marie-Adélaïde “la douceur de son existence." En 1712, la famille royale doit faire face à une épidémie de rougeole.
Lors de l’autopsie, les médecins constatent que la dauphine était enceinte de six semaines. Le “sang brûlé” qu’ils trouvent
à l’ouverture du corps alimente des rumeurs d’empoisonnement d’autant que l’autopsie ne révèle “aucune marque de
rougeole, ni de petite vérole, ni de pourpre sur son corps”. Il se peut que, ce qui a été diagnostiqué comme étant la rougeole
soit en fait une infection dentaire, d’où les douleurs sous la tempe que la dauphine a eu au début. Cette infection aurait
dégénéré en septicémie, et emporté la princesse. Avec Marie-Adélaïde, “s’éclipsèrent joie, plaisirs, amusements mêmes
et toutes espèces de grâces, les ténèbres couvrirent toute la surface de la cour”. La princesse avait, un jour, demandé au
duc de Bourgogne qui il épouserait si elle devait décéder la première. Le prince lui avait alors répondu: "J’espère que Dieu
ne me punira pas assez pour vous voir mourir et, si ce malheur arrivait, je ne me remarierais jamais car, dans les huit jours,
je vous suivrais au tombeau." Le dauphin tiendra parole, ayant contracté la rougeole au chevet de sa femme, il décède le
dix-huit février, bientôt suivi du duc de Bretagne, le huit mars 1712. Tout ce qui reste alors de Marie-Adélaïde, c’est le duc
d’Anjou, un enfant de deux ans, de constitution fragile, qui, pourtant, deviendra Louis XV après le décès du Roi-Soleil.
Bibliographie et références:
- Fabrice Preyat, "Marie-Adélaïde de Savoie"
- Annie Pietri, "Le sourire de Marie-Adélaïde"
- Jacques-Henri Sauquet, "la vie de Marie-Adélaïde"
- Pierre Lemarignier, "Marie-Adélaïde de Savoie"
- Anne-Marie Desplat-Duc, "Les Colombes du Roi-Soleil"
- Martial Debriffe, "La duchesse de Bourgogne, mère de Louis XV"
- Annie Jay, "Adélaïde, princesse espiègle"
- Sabine Melchior-Bonnet, "Louis et Marie-Adélaïde de Bourgogne"
- Simone Bertière, "Les Femmes du Roi-Soleil"
- Yvonne Brunel, "Marie-Adélaïde de Savoie"
- Alexis Chassang, "Marie-Adélaïde de Savoie"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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L’impératrice Sissi, ou de son vrai nom Élisabeth de Wittelsbach, duchesse de Bavière, est l’épouse de
l’empereur autrichien Francesco Giuseppe de Habsbourg. Elle est restée dans l’imaginaire collectif une
femme belle et fascinante. Sa légende s’est surtout propagée grâce aux adaptations cinématographiques
de sa vie à la télévision. En fait, les événements de la vie de la belle impératrice n’étaient pas aussi heureux
et romantiques que racontaient les films d'Ernst Marischka révèlant la comédienne Romy Schneider dans le
rôle. Au milieu des années 1950, le cinéma présentait l’impératrice Élisabeth d’Autriche comme l’icône d’une
Vienne vibrant au rythme de la valse. Mais la personnalité de "Sissi" était très controversée à son époque,
et les sphères les plus conservatrices des cours européennes la jugeaient extravagante et irresponsable.
Les films ne montrent pas certains aspects de ce personnage, que soulignent des biographies ultérieures
plus rigoureuses. Ses problèmes de santé, ses tourments, son intérêt pour la culture classique et la poésie.
Élisabeth d’Autriche était un esprit fin et lucide, qui avait compris bien avant son entourage qu’une époque
touchait à sa fin. C’était une femme profondément malheureuse, condamnée à vivre une vie qu’elle n’avait
pas désirée et à surmonter de nombreuses souffrances, la plus grande étant probablement la mort tragique
de son fils Rodolphe, héritier de la Couronne, dans le pavillon de chasse de Mayerling. Élisabeth, que la cour
de Vienne surnommait Sissi, est la quatrième des dix filles de Maximilien Joseph de Wittelsbach et de la
princesse Ludovica, fille du roi Maximilien Ier de Bavière. Elle naît à Munich le vingt-quatre décembre 1837,
mais grandit à Possenhofen, sur les rives du lac de Starnberg. Elle y est heureuse et mène une vie libre, au
contact de la nature qui conditionnera le tempérament de la future impératrice et de la plupart de ses frères
et sœurs. Hélène, l’aînée élégante, discrète, dévote et très disciplinée, semble la candidate idéale pour
prétendre au rang d’impératrice. C’est du moins ce qu’estiment sa mère et Sophie, sa tante et la mère du
futur époux, l’empereur d’Autriche François-Joseph. En 1853, une rencontre est organisée à Bad Ischl,
la résidence d’été de la famille impériale, afin d’entériner cette alliance. Initialement, la mère et la fille
doivent voyager seules, mais l’on décide au dernier moment qu’Élisabeth les accompagnera. Affectée
par un chagrin d’amour, Sissi souffre en effet de la première des dépressions qui l’accableront sa vie durant.
Son entourage pense que le voyage permettra de guérir ce jeune cœur meurtri éduqué dans le bonheur.
Personne, et encore moins la principale intéressée, n’imagine alors ce qui va bientôt se passer. Lorsque
Francois-Joseph revoit sa cousine Sissi, dont il avait gardé le souvenir d’une enfant, il découvre une svelte
et jolie jeune fille au visage ovale, dotée de splendides cheveux châtains, et il décide immédiatement d’en
faire son épouse. François-Joseph, qui vient d’avoir vingt-trois ans, est un homme droit et accompli. Sissi
est une adolescente qui, bien que flattée par son attention, est suffisamment lucide pour évaluer l’étendue
de la disparité d’intérêts et de tempéraments qui la sépare de son cousin. Mais elle est aussi consciente que
l’empereur d’Autriche n’acceptera jamais de réponse négative. Elle n’est pas la seule à pressentir que ce
mariage ne correspond pas aux normes de la cour. Tout le monde, à commencer par l’archiduchesse Sophie,
s’emploie à ce que l’empereur renonce à son projet. Il est évident que la jeune fille n’a pas l’étoffe d’une
impératrice. Elle n’a jamais été soumise au protocole strict de la cour, n’a jamais évolué dans les cercles
de la noblesse, et ses seize ans sont une garantie bien fragile pour ceindre une couronne et partager une
telle responsabilité. Rien n’y fait. L’empereur écrit à son cousin Albert de Teschen qu’il est "amoureux
comme un cadet". Le mariage est célébré à Vienne le vingt-quatre avril 1854, dans l’église des Augustins.
Il n'y aura eu, dans cette vie si tourmentée, qu'une seule année véritablement heureuse. Ce fut l'année des
fiançailles. On a souvent dit cette histoire, tellement jolie et si invraisemblable qu'on la croirait détachée, elle
aussi, d'un des contes de Perrault. Le prince charmant arrive à Ischl, un beau pays tout baigné de lumière,
tapissé de fleurs, comme un paradis. Il y vient pour se marier, comme on se marie quand on est prince, en
vertu de la raison d'État. On lui a déjà choisi la femme qu'il doit aimer, l'épouse qu'il doit ramener dans le
royaume de son père. Le prince charmant s'est laissé faire, et puisque la raison d'État le lui commande,
il s'en est allé en grande pompe, suivi de ses ambassadeurs, vers la fiancée qu'il ne connaît pas réellement.
Une fois installée au palais impérial, à la Hofburg, Élisabeth comprend que ses craintes étaient fondées.
Sa nouvelle vie n’a rien à voir avec le milieu dans lequel elle a grandi. À la cour, l’étiquette interdit toute
spontanéité et ne laisse aucune place à la timidité. La jeune impératrice se retrouve isolée dans un
environnement avec lequel elle n’a aucun lien, ni affectif, ni intellectuel. Ses dames de compagnie,
sélectionnées parmi la haute aristocratie, sont d’âge mûr et d’esprit affreusement conservateur. Quant à
l’archiduchesse Sophie, elle critique constamment ses mœurs, ses vêtements, ses goûts. Par ailleurs,
si François-Joseph est probablement très amoureux, ses obligations ne lui permettent pas de consacrer
beaucoup de temps à son épouse, et l’autoritarisme de sa mère devient un véritable cauchemar pour
Élisabeth dès les premières années de son mariage. Son emprise est telle que, lorsque Élisabeth donne
le jour à sa première fille, Sophie, après un an de mariage, l’archiduchesse prend en charge l’enfant,
car elle estime que la jeune femme est incapable de l’élever. Comble d'autoritarisme et de maladresse.
Le même scénario se répète l’année suivante à la naissance de Gisèle, la deuxième fille. Sophie organise
tout et s’occupe de tout. Mais Élisabeth réussit à s’imposer et, quinze jours après la naissance de l’enfant,
les fillettes sont transférées dans ses appartements de la Hofburg. La victoire est cependant éphémère.
Au printemps 1857, François-Joseph et Élisabeth partent en Hongrie. L’archiduchesse Sophie s’oppose
fermement à ce que les enfants les accompagnent, mais Élisabeth défend sa position avec une fermeté
inhabituelle et peut emmener ses filles. Malheureusement, c’est sans compter sur l’insalubrité de certaines
régions de Hongrie, qui aura des conséquences funestes puisque la petite Sophie contracte la dysenterie
et meurt à Budapest le vingt-neuf mai 1857. C'est le début d'une longue série de malheurs et de deuils.
L’impératrice sombre dans une profonde dépression, qu’elle n’a toujours pas surmontée à la naissance de
son fils Rodolphe, le vingt-et-un août 1858. Prétextant des raisons médicales, elle embarque pour Madère,
où elle donne l’impression de se rétablir. Elle revient à la cour quelques mois plus tard, mais le retour à la
réalité est brutal. Reprendre la vie de la cour et supporter de nouveau l’incompréhension de son entourage
l’anéantit, et l’on en vient à craindre sérieusement pour sa vie. On lui prescrit de nouveau de s’éloigner de
Vienne. Elle choisit cette fois Corfou pour destination. C’est ainsi que débute son idylle avec la culture
grecque classique et sa passion pour la Méditerranée. Parfaitement rétablie, elle retourne à Vienne au
mois d’août 1862. Élisabeth a mûri, sa beauté est à son apogée et devient légendaire. Elle convient avec
l’empereur de ne pas se soumettre à la discipline de la cour au-delà du strict nécessaire. Elle accomplira
ses devoirs d’impératrice, mais en se réservant un espace où elle pourra enfin développer sa personnalité.
Cela n’implique pas pour autant que Sissi reste à l’écart des affaires de l’État. La Hongrie, bien que faisant
partie de l’Empire, lutte alors pour retrouver ses privilèges ancestraux. Vienne avait supprimé toutes les
prérogatives constitutionnelles en réponse au soulèvement nationaliste et libéral de 1848. Élisabeth éprouve
de la sympathie pour les aristocrates hongrois, qui ne laissent pas une minute de répit aux mentalités
conservatrices de l’Empire. Sa soif de connaissance du pays et de sa culture l’incite à embaucher comme
lectrice une jeune Hongroise, Ida Ferenczy, qui deviendra sa meilleure amie. Grâce à elle, Sissi rencontre
le beau Gyula Andrássy, un colonel de l’armée magyare. Profondément libéral, il s’entend immédiatement
très bien avec Élisabeth, et une solide amitié naît entre eux. L’impératrice se fait l’avocate de la cause
hongroise, ce qui lui attire inévitablement l’inimitié implacable de la cour viennoise. À partir de 1874, Sissi,
qui a pris le nom de comtesse de Hohenembs pour préserver son anonymat, et sa fille séjournent en
Méditerranée, dans les îles britanniques et dans une partie de l’Europe centrale. C'est la période voyages.
Mais l’impératrice assiste à la désagrégation progressive du mariage de l’héritier du trône, Rodolphe, avec
Stéphanie de Belgique, une jeune femme qu’Élisabeth juge arriviste et ambitieuse. Stéphanie est très
conservatrice et traditionaliste, l’exacte antithèse de son époux cultivé, libéral et anticonformiste. Les sombres
pressentiments d’Élisabeth se vérifient lorsque Rodolphe est retrouvé mort dans le pavillon de chasse de
Mayerling le trente janvier 1889, en compagnie de sa maîtresse, Marie Vetsera. Tout semble indiquer que le
prince a d’abord tiré sur Marie avant de se suicider. La version officielle parle d’une aliénation mentale de
l’héritier, mais l’ombre d’un crime d’État plane. Sissi est dévastée et se retire totalement de la vie publique.
Après le décès de Rodolphe, Élisabeth n’est plus que l’ombre d’elle-même. Elle accuse la cour de Vienne
d’être responsable de la mort de son fils et ne portera plus jamais de vêtements de couleur. Désormais drapée
de deuil, elle voyage sans relâche, se dissimulant toujours derrière un grand éventail ou un voile, ou sous
un pseudonyme qui lui permet de penser qu’elle passe inaperçue. Ce qui a toujours été considéré comme les
"extravagances" de l’impératrice prend des proportions extrêmes lorsque le destin se révèle d’une cruauté
implacable. Elle ne reviendra quasiment jamais à la Hofburg. Quand elle séjourne à Vienne, elle loge, seule,
dans la villa Hermès, un petit palais construit dans le parc de Lainz sur ordre de François-Joseph, qui voulait
disposer d’une résidence chaleureuse et intime, plus accueillante et plus commode pour la famille impériale.
Lors de l’un de ses nombreux voyages, le huit septembre 1898, Élisabeth réside à l’hôtel Beau-Rivage de
Genève. Deux jours plus tard, alors qu’elle s’apprête à monter sur le ferry qui doit l’amener à Montreux, elle
est heurtée par un autre passager. Elle ressent une forte douleur au côté et s’évanouit une fois montée à
bord. Elle meurt l’après-midi même. Le voyageur maladroit est en réalité un anarchiste italien, Luigi Lucheni,
qui lui a enfoncé une lime tout près du cœur. L'empereur refuse qu’Élisabeth repose là où elle le souhaitait,
sur les rives de la Méditerranée, à Corfou ou à Ithaque. Sa condition d’impératrice exige en effet qu’elle soit
inhumée dans la crypte de l’église des Capucins. C’est donc là qu’elle repose depuis, dans cette Vienne
qu’elle n’aimait pas et qui ne la comprit jamais. Quelle lugubre série. On pourrait énumérer la longue liste
funèbre. Maximilien, fusillé à Querétaro. L'archiduc Rodolphe, mort si mystérieusement à Mayerling. La
duchesse d'Alençon expirant dans les flammes du Bazar de la Charité, la folie du roi Louis de Bavière,
celle d'Othon, son successeur. Et maintenant, comme point d'orgue à toutes ces tragédies, cette mort brutale
sous le poignard d'un assassin, à un embarcadère de bateau à vapeur, au milieu d'une foule cosmopolite,
loin des siens, loin du pays natal, telle une héroïne de Shakespeare, l'amie d'Henri Heine, qui fut un seul
jour, la petite rose de Bavière, et qui n'était plus aujourd'hui qu'une âme en peine, une voyageuse toujours
seule et inquiète, qui n'a même pas pu partir en paix pour son ultime voyage dans sa soixantième année.
Bibliographie et références:
- Egon Caesar Corti, "Élisabeth d'Autriche"
- Henry Valloton, "Élisabeth d'Autriche l'impératrice assassinée"
- Brigitte Hamann, "Élisabeth d'Autriche"
- Jean des Cars, "Sissi ou la fatalité"
- Raymond Chevrier, "Sissi, vie et destin d'Élisabeth d'Autriche"
- Catherine Clément, "L'impératrice anarchiste"
- Marie-Thérèse Denet-Sinsirt, "Sissi, doublement assassinée"
- Danny Saunders, "Sissi impératrice, la solitude du trône"
- Jean des Cars, "François-Joseph et Sissi"
- Élisabeth Reynaud, "Le Roman de Sissi"
- Philippe Collas, "Louis II de Bavière et Élisabeth d'Autriche, âmes sœurs"
- André Besson, "Le roman de Sissi"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Fille de Philippe Égalité et de Louise-Adélaïde de Bourbon-Penthièvre, la princesse Adélaïde d'Orléans apparaît
aujourd'hui comme l'un des grands esprits politiques de son temps. Née en 1777 dans les ors du Palais-Royal,
élevée dans les idées nouvelles par Mme de Genlis, elle voit à l'âge de douze ans sa destinée bouleversée par
la Révolution. Jetée sur les routes de l'exil pendant un quart de siècle, elle doit affronter l'opprobre des émigrés,
qui ne lui pardonnent pas d'être la fille du régicide, et fuir constamment, de couvent en couvent, devant l'avancée
des armées françaises. Confrontée à une mère "éternelle pleureuse", qui voulait régenter sa vie, elle sut s'en
dégager et trouver l'âme sœur en son frère Louis-Philippe. Réunis en 1808, le duc d'Orléans et sa sœur ne se
quitteront plus et formeront avec Marie-Amélie de Bourbon-Siciles, duchesse d'Orléans, un trio inséparable. Le
rôle de la princesse dans l'acceptation du trône en 1830 par Louis-Philippe sera primordial. Son journal intime
et son étroite correspondance avec son frère révèlent une tête politique et une conseillère privilégiée, mais aussi
une femme que la rudesse des épreuves, la piété et la force de caractère ont aidé à dominer sa grande sensibilité.
Comme Louis-Philippe était un roi actif qui s’exposait personnellement beaucoup, il est toujours apparu comme
le personnage dominant de la Monarchie de Juillet. Très intelligent, d’une loquacité intarissable et doué d’une
constitution de fer, pendant tout le cours de son règne, il a exercé la prérogative royale dans toute son étendue,
et surtout dans les domaines les plus importants, choisir ses ministres et diriger la politique extérieure. Ainsi,
il n’est guère surprenant que Louis-Philippe ait toujours eu le rôle principal dans son propre règne. Ce portrait,
cependant, reste incomplet. Il omet le rôle politique essentiel joué par Adélaïde de 1830 jusqu’à sa mort. Née en
1777, de quatre ans plus jeune que Louis-Philippe, Adélaïde fut sa compagne pendant une grande partie de
l’émigration, et après 1808 ne le quitta quasiment jamais. Elle est presque totalement oubliée aujourd’hui. La
seule biographie d’elle, un travail de vulgarisation qui ne repose pas sur des sources manuscrites date de 1908.
Seul un ouvrage récent de Dominique Paoli, "Madame Adélaïde, sœur et égérie de Louis-Philippe" fait exception.
En effet, dans trois sphères, sa contribution à la Monarchie de Juillet fut essentielle. Ce fut elle qui, de la part de
Louis-Philippe, qui se cachait, accepta l’offre de la couronne faite par les représentants du Paris révolutionnaire
le trente juillet 1830. Cela fut un acte décisif qui fonda le régime orléaniste. Pendant le règne de son frère, elle
influença directement la politique par le moyen d’entretiens quotidiens de deux heures avec lui. Enfin, dans le
champ d’activité qu’il jalousait le plus, la politique étrangère, Louis-Philippe délégua à sa sœur la direction
journalière du ressort diplomatique qu’il prisait le plus, l’Angleterre. De 1830 jusqu’à 1840, Adélaïde s’occupa de
celui-ci à travers une correspondance presque quotidienne, que le ministre des affaires étrangères ne vit jamais,
avec deux ambassadeurs successifs de France à Londres, ses amis Talleyrand et le général Horace Sébastiani.
La vie d’Adélaïde fut déterminée par son père, son frère, son éducation et par la Révolution française. Son père
était Louis-Philippe-Joseph, duc d’Orléans, le futur Philippe-Égalité, qui l’aima beaucoup, et lui donna, ainsi qu’à
ses frères, une formation d’avant-garde dirigée par sa maîtresse, la pédagogue Mme de Genlis. Bien qu’Adélaïde
ne fît pas ses études au même niveau que ses frères, à la fin de son éducation, à dix-sept ans, elle était beaucoup
plus instruite que la majorité des femmes de son âge et de son rang. Mais la Révolution guillotina son père, et la
força à s’exiler. Plus cruellement encore, le régicide de Philippe-Égalité fit de sa fille un objet d’horreur pour les
autres émigrés et la priva de tout espoir de mariage convenable. La Révolution fit ainsi d’Adélaïde ce qu’elle resta
toujours, une vieille fille dont la vie émotionnelle se concentrait presque exclusivement sur Louis-Philippe, son seul
frère survivant après 1808 et son seul protecteur pendant ces années périlleuses. L’intimité étroite entre frère et
sœur ne fut guère diminuée par le mariage de Louis-Philippe en 1809 avec Marie-Amélie de Bourbon-Naples.
Louis-Philippe plaisantait même en écrivant à Adélaïde que c’était uniquement parce qu’il ne pouvait pas l’épouser
qu’il avait commencé à chercher une autre femme. Le lien fraternel intense qui les unissait était sincère et profond.
Unies par leur dévotion commune à Louis-Philippe, Adélaïde et Marie-Amélie devinrent bientôt proches, et se
consacrèrent à l’avancement de ses intérêts. Marie-Amélie organisa sa maison et fit souvent fonction de copiste,
tandis qu’Adélaïde fut sa principale confidente et conseillère politique. Un aspect essentiel, et trop souvent négligé,
des succès de Louis-Philippe avant et après 1830, fut le soutien sans faille de ces deux femmes remarquables.
N’oubliant jamais les humiliations qu’elle avait éprouvées de leur part pendant les années 1790, Adélaïde détestait
les émigrés et leurs héritiers politiques, les ultras de la Restauration. Elle ne portait aucune affection à ses cousins
de la branche aînée des Bourbons, surtout à Louis XVIII et à la duchesse d’Angoulême. Enfin, pour une femme
intelligente, célibataire de presque quarante ans, frustrée par les restrictions imposées à ses talents à cause de son
sexe, et sans doute aussi déçue par la fin de ses espoirs de mariage, la politique devint un champ d’action essentiel.
Après 1830, Adélaïde continua son rôle politique auprès de son frère comme sa plus proche conseillère, surtout
dans le domaine des affaires étrangères. Cette activité est racontée de façon détaillée par un des plus proches
hommes de confiance de Louis-Philippe, son intendant de la Liste civile, le comte de Montalivet, dans ses "Fragments
et Souvenirs." Dans une description minutieuse de la journée du roi, Montalivet montre clairement la part qu’y jouait
sa sœur. Bien que Louis-Philippe sût bien combien il était important de garder de bonnes relations avec les hommes
politiques qui n’étaient pas dans le gouvernement, les recevoir publiquement comportait le risque de lui aliéner les
ministres en fonction. Mais les conseils les plus importants d’Adélaïde furent donnés à un moment qui lui était
uniquement réservé: deux heures en tout chaque soir dans dans le cabinet de son frère, entre 10 heures et minuit.
Dans une époque où les femmes étaient exclues de la politique, le seul moyen qu’avait Adélaïde d’exercer toute son
influence était en privé, et à travers un homme, son frère. Il était hors de question pour elle d’assister au conseil des
ministres. Mais elle parvint à minimiser même cet obstacle. Louis-Philippe avait l’habitude de lui rendre visite après
les réunions pour lui raconter ce qui s’y était passé. Mais la chute de Molé entraîna aussi l’éclipse de la puissance
d’Adélaïde. La formation du second ministère Thiers provoqua le rappel de Londres de son ami Sébastiani et son
remplacement comme ambassadeur en Angleterre par l’autre chef de la coalition, Guizot. D’un coup, le plus grand
atout d’Adélaïde, sa part dans la diplomatie fut brisé, il est peu probable que cela soit une coïncidence. Une santé
de plus en plus mauvaise contribua aussi à l’effacement politique de Madame Adélaïde. Quand Montalivet, souffrant
de la goutte, envoyait sa femme vers la même époque pour l’exhorter à persuader Louis-Philippe de renvoyer Guizot,
elle répondait qu’elle était trop épuisée pour l’entreprendre. Atteinte depuis longtemps d’asthme, Madame Adélaïde
tomba dans le coma et mourut aux Tuileries, entourée de sa famille, le trente-et-un décembre 1847. Louis-Philippe
fut bouleversé par la mort de sa sœur, et son désarroi fut tel qu’on peut se demander si la mort de Mme Adélaïde
ne contribua pas à la chute définitive du régime juste six semaines plus tard lors de la révolution de février 1848.
Il est clair qu’Adélaïde d’Orléans joua un rôle politique capital pendant la Monarchie de Juillet, un rôle d’autant plus
remarquable vu sa qualité de femme. Ce rôle fut-il constructif, ou déstabilisateur ? D’une part, son interprétation de
la prérogative royale, comme celle de son frère, attribuait beaucoup plus de pouvoir à la couronne que la plupart des
hommes politiques de l’époque ne furent prêts à l’accepter. Sa présence énergique à côté du trône, sans qu’elle soit
en aucune façon responsable devant les Chambres, exacerba la profonde méfiance envers le pouvoir royal dans une
nation où le souvenir de Charles X était encore vivace. Il faut mettre au crédit de Madame Adélaïde le fait qu’elle
percevait beaucoup mieux que nombre d’hommes politiques de son époque que la France avait autant besoin de
réconciliation que d’ordre. Elle ne fut jamais le conservateur que Louis-Philippe devint et que Guizot fut toujours.
Adélaïde d’Orléans joua une part importante dans le développement de la monarchie constitutionnelle en France.
Elle mourut avant son échec final. Elle repose à la La chapelle royale de Dreux, la nécropole de la famille d'Orléans.
Bibliographie et références:
- Chantal de Badts, "Madame Adélaïde"
- Arnaud Teyssier, "Louis-Philippe, le dernier roi des Français"
- Dominique Paoli, "Madame Adélaïde, sœur et égérie de Louis-Philippe"
- Guy Antonetti, "Louis-Philippe"
- V. Bajou, "Louis-Philippe et Madame Adélaïde"
- Jules Bertaut, "Louis-Philippe intime"
- Marguerite Castillon du Perron, "Madame Adélaïde et Louis-Philippe"
- Laure Hillerin, "La duchesse de Berry"
- Daniel Manach, "Louis-Philippe et Madame Adélaïde"
- Munro Price, "Louis Philippe, le prince et le roi"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Gabrielle d’Estrées apparaît souvent dans l’Histoire comme le seul véritable amour d’Henri IV, une belle jeune fille
séduite par l’homme et entièrement désintéressée, fauchée à vingt-six ans par la mort. Non seulement Henri connut,
avant et après elle, d’autres amours passionnels, mais encore fut-elle loin d’être l’ingénue dépourvue d’ambition
uniquement poussée par sa famille. Il est vrai en revanche que son quotidien aux côtés du roi pendant plus de huit
ans fut celui d’une reine, reine qu’elle aurait pu réellement devenir si le sort ne s’en était pas mêlé. Gabrielle d’Estrées
naît vers 1571 au château de Cœuvres, en Picardie, demeure familiale. Son père, Antoine d’Estrées est marquis de
Cœuvres, apparenté à la famille de Bourbon par sa mère, Catherine de Bourbon. Il est aussi et surtout gouverneur
de l'Île-de-France et Grand-Maître de l'artillerie. Quant à sa mère, Françoise de la célèbre famille Babou de La
Bourdaisière, est connue pour ses galanteries et entretient beaucoup d’aventures dont le roi de France Henri III.
Elle initie aussi ses filles très tôt à la luxure parmi les sœurs aînées de Gabrielle, notamment Diane qui mène une
vie de débauche et a de très nombreux amants, tels que le duc d’Épernon, et Angélique, abbesse de Mautbuisson,
qui aurait eu douze enfants de douze pères différents que la marquise de Sévigné immortalisera dans ses lettres
comme étant les "sept péchés capitaux." Après Gabrielle d’Estrées, le marquis et la marquise de Cœuvres auront
encore quatre enfants, François (1572-1670), Louis (1575-1594), Julienne-Hyppolite (1580-après 1667) et Catherine.
Contrairement à ses sœurs aînées, Gabrielle ne sera pas initiée à la galanterie. Son premier amant est sans doute
Roger de Saint-Lary, seigneur de la Bellegarde. Gabrielle est très amoureuse de lui et ils ont prévu de se marier.
Roger de la Bellegarde, est l’ami et le Grand-Écuyer du roi de France Henri IV. Il ne cesse de lui décrire sa fiancée,
ses rares perfections, la blondeur de ses cheveux, l’éclat et la blancheur de son teint, ses yeux couleur-azur. Le roi
de France, tombe sous le charme des descriptions de Gabrielle et souhaite la rencontrer. Quand il la voit pour la
première fois, il tombe immédiatement amoureux de la belle et jeune demoiselle. Mais Gabrielle se refuse au roi, qui,
à vrai dire, est dix-huit ans plus âgé qu’elle. Elle est très amoureuse de Roger et prévoit de se marier avec lui, le
plus vite possible. Le roi de France, de son côté, essaye toutes les séductions possibles, se déguise en paysan, en
palefrenier, mais sans succès. Son père, Antoine, lui fait entrevoir les chances de devenir la favorite du roi de
France et sa tante, Isabelle, lui démontre qu’elle ne tient pas beaucoup à Roger de Bellegarde, car c’est lui qui lui a
décrit auprès du roi. Pour rendre Gabrielle libre de son père à tout jamais, le roi la fait marier à Nicolas d’Amerval,
seigneur de Liancourt, qui est veuf et qui a des enfants, nés d’un premier mariage. Henri IV met en place le piège.
C’est probablement vers cette époque que Gabrielle devient la maîtresse d’Henri IV. Même si elle est la favorite
du roi, elle continue à fréquenter Bellegarde, qui manque, à plusieurs reprises, d’être surpris par le roi de France
dans le lit de sa maîtresse. En 1593, Gabrielle éprouve du chagrin, quand elle apprend la mort de sa mère, qui est
assassinée à Issoire, le neuf juin de la même année, dans une émeute pendant la guerre de la Ligue. C’est dans les
bras d’Henri IV, qu’elle court se consoler. Peu de temps après, Gabrielle d’Estrées, tombe enceinte. Le roi est très
content quand il apprend cela, lui qui se croyait stérile. Vers cette même époque, Gabrielle est peinte avec sa sœur,
Julienne-Hyppolite, au bain. Sur ce portrait, la duchesse de Villars pince le téton du sein de sa sœur, pour montrer
aux gens que Gabrielle est enceinte du roi. On peut aussi voir, Gabrielle tenir de sa main gauche, un anneau que le
roi lui a donné, ce qui symbolise leur amour. On voit aussi une femme de chambre, en train de broder une layette.
En 1594, Gabrielle met au monde son premier enfant, César, légitimé et titré duc de Vendôme à sa naissance, mais
il mourra en 1665. Le roi est fou de joie à la naissance de ce premier enfant et plusieurs fêtes en grande pompe sont
données à Paris. Mais certaines personnes à la cour, prétendent que l’enfant serait celui du seigneur de la Bellegarde,
encore amant de Gabrielle, et non du roi. Après la naissance de César, le roi fait entamer le divorce entre sa maîtresse
et le seigneur de Liancourt. Celui-ci a eu des enfants de son premier mariage. Ils sont divorcés le vingt-quatre décembre
1594. Pour l’éloigner pour de bon de sa maîtresse, le roi marie le seigneur de Bellegarde avec Anne de Bueil. Peu de
temps après, Gabrielle d’Estrées reçoit le titre de marquise de Montceaux. En tant que favorite royale, on lui attribue une
garde-robe et des bijoux et mène une vie de vraie reine. Le roi lui offre beaucoup de présents et cadeaux, lui alloue des
terres et domaines tels que des châteaux et hôtels particuliers à Paris. Elle devient duchesse de Beaufort en juillet 1597.
Sa famille n’est pas en reste. Le roi octroie beaucoup de charges importantes à son père et à son frère. Ses sœurs aussi.
Angélique est faite abbesse de Mautbuisson. Julienne-Hyppolite, dame de cour est mariée à Georges de Brancas, duc de
Villars. La marquise de Montceaux a une totale emprise sur son royal amant. Le roi écoute et suit ses conseils. Ce serait
sous ses conseils, que le roi se convertit au catholicisme en 1593. Gabrielle se mêle aussi de politique, elle favorisera
l’ascension du duc de Sully, mais luttera contre lui bien après, et sera parfois avec le roi, parfois cachée sous les rideaux,
à une entrevue avec les ambassadeurs. En 1595, Diane d’Andouins, vient à la cour, recommander son fils, à Henri IV. Elle
sera humiliée par la maîtresse en titre. En 1596, Gabrielle donne naissance à une seconde fille, Henriette-Catherine, Mlle
de Vendôme, qui mourra en 1663. La naissance est presqu’aussi fêtée en grande pompe que celle de son frère aîné,
César. En 1597, Gabrielle d’Estrées, est faite duchesse de Beaufort. En 1598, elle donne naissance à son troisième enfant,
Alexandre, qui entrera dans les ordres et mourra en 1628. Ce serait également sous l’inspiration de Gabrielle, que le roi fait
préparer et signer le fameux édit de Nantes, permettant enfin aux protestants de pratiquer leur culte en paix et sans crainte.
La favorite en titre n’est pas aimée du peuple de Paris à cause de ses folles dépenses. Elle mène un grand train de vie et
ses robes et bijoux coûtent très chers au trésor royal et vident les caisses du royaume. Le roi, très amoureux de Gabrielle,
décide de l’épouser. Il commence alors à entamer une procédure de divorce avec Marguerite de Valois, la reine Margot.
Mais celle-ci n’accepte pas que "la putain du roi", comme elle la surnomme, soit la reine de France. C'est vers cette époque
également que le roi négocie son mariage avec Marie de Médicis, nièce de Marguerite de Valois, par sa mère, Catherine
de Médicis. Quand Gabrielle l’apprend, elle est bouleversée et déçue. En Janvier 1599, Henri tombe malade et c’est sa
maîtresse qui le soigne avec douceur. Finalement, le roi de France décide d’épouser Gabrielle avec ou sans la permission
du pape. Durant la semaine sainte, pour plaire à l’Église et espérant que le pape lui accorde la main de Gabrielle, le roi
et sa favorite décident de se séparer. Le mariage sera prévu pour la Saint-Quasimodo. Voilà désormais le destin tout tracé.
Gabrielle, amatrice d’astrologie, a entendu prédire qu’elle ne dépasserait jamais ses vingt-huit ans et qu’elle ne verrait
pas le jour de Pâques. Henri la console et lui dit qu’il ne faut pas prêter attention à ses commérages. À Paris, Gabrielle
retrouve sa sœur Diane. La duchesse de Beaufort est enceinte de sept mois. Elle part rendre visite à un banquier italien,
Sébastien Zamet et dîne chez lui. Celui-ci la traite en reine. C’est après avoir bu une citronnade ou une orangeade, que
Gabrielle sent les premières convulsions. La duchesse de Beaufort est transportée chez sa tante maternelle, Isabelle de
Sourdis. Le roi, prévenu, ne va pas voir sa maîtresse, pensant qu’il est trop tôt. Le neuf avril, l’état de santé de Gabrielle
se dégrade, les médecins se voient obligés de lui extraire l’enfant de son ventre. L'hypothèse la plus probable est qu'elle
aurait été victime d'éclampsie toxique, intoxication par un taux élevé d'albumine dans les urines, pathologie de la femme
enceinte se traduisant par une hypertension, entraînant des convulsions ayant tous les symptômes de l'empoisonnement.
On parlera d’empoisonnement au cours des siècles suivants mais à l’époque, c’est l’accouchement qui semble à tous la
cause de la mort. En effet, il est très probable que Gabrielle soit morte d’une éclampsie puerpérale. Elle est inhumée avec
son enfant à l’abbaye de Maubuisson. Le charme qui ensorcelait le roi depuis près de neuf ans semble se rompre d’un
coup. La terrible douleur qui l’étreint à l’annonce de la nouvelle ne dure guère. Le chagrin de l’homme est balayé par le
soulagement du monarque, qui accepte enfin l’union avec Marie de Médicis en cours de négociation depuis des mois.
Preuve s’il en est que le roi fait rapidement son deuil, il prend une nouvelle maîtresse moins de trois semaines plus tard,
Henriette d’Entragues. Cette dernière n’a en commun avec Gabrielle d'Estrées que l’ambition. Aussi haineuse et violente
que Gabrielle était douce et aimante, la nouvelle favorite incommodera la vie d’Henri IV, le Vert galant, jusqu’à sa mort.
Bibliographie et références:
- François Eudes de Mézeray, "Abrégé chronologique de l'Histoire de France"
- Maximilien de Béthune Sully, "Mémoires du duc de Sully"
- Alexis Chassang, "Gabrielle d'Estrées"
- Michel de Decker, "Gabrielle d'Estrées"
- André Castelot, "Gabrielle d'Estrées"
- Pierre-André Bouteleau, "Gabrielle d'Estrées"
- Isaure de Saint Pierre, "Gabrielle d'Estrées ou les belles amours"
- Marcelle Vioux, "Le Vert-Galant"
- Michel Peyramaure, "Henri IV"
- Anne Sauquet, "Gabrielle d'Estrées"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Bien des années avant de coiffer la couronne de Suède et de Norvège, Désirée Clary fut près de devenir la
femme de Napoléon Bonaparte et de se faire couronner Impératrice des Français à la place de Joséphine de
Beauharnais. Pourtant rien dans ses origines familiales, ou sa personne, ne laissait présager son incroyable
destin. Désirée Clary, benjamine d'une famille de neuf enfants, est née le 8 novembre 1777, à Marseille. Son
père, François Clary, est issu d’une famille de négociants renommés dans toute la Provence. Les Clary sont
très réputés pour leurs tissus, principalement des soieries. Ce commerce florissant leur assure une fortune
considérable. Ils possèdent une vaste demeure rue des Phocéens à Marseille. Quand elle s'éteint, quatre-
vingt-trois ans plus tard, à Stockholm, elle est reine douairière. Mère et grand-mère de rois, fondatrice d'une
dynastie qui règne encore sur la Suède. Comme la reine Victoria, elle est également devenue l'une de ces
aïeules dont les descendants occupent les trônes de Norvège, de Danemark, de Belgique et de Luxembourg.
Marseille, c’est justement la ville où s’est établie la famille Bonaparte après avoir fui la Corse dès 1793. Letizia,
veuve de Charles Bonaparte, s’occupe seule de ses enfants, les trois filles, Elisa, Pauline et Caroline, et le dernier,
Jérôme. Ses trois fils aînés, Joseph, Napoléon et Lucien, désormais autonomes, l’aident financièrement comme
ils le peuvent. Letizia et ses filles lavent du linge et font un peu de couture pour amasser un maigre pécule. Il faut
bien travailler. Rapidement, la famille Clary fait appel à leurs services. Très vite, les relations entre les Clary et
les Bonaparte se transforment en amitié. Pour la première fois qu’elle a touché le sol français, Letizia accepte de
se lier avec des inconnus. Non seulement les Clary sont riches, mais ils sont aussi de sentiments royalistes. Ils
figurent donc en bonne place sur la liste des notables suspects plus ou moins promis à la guillotine. C’est dans
ces circonstances de cette époque révolutionnaire que Désirée va se lier à Joseph Bonaparte. L’événement peut
être situé au cours de l’année 1793, ou au début de l’année 1794, peu de temps avant la mort de François Clary,
miné par les épreuves. Bientôt, Joseph propose de l’épouser. L’affaire semble conclue, et les familles ravies.
Mais voilà. Napoléon, qui fréquente aussi de bonne grâce la maison des Clary, trouve Désirée fort à son goût.
Brune, piquante, pleine de charme, elle a tout pour faire tourner la tête d’un jeune général dont la gloire est déjà
montée jusqu’à Paris et qui a de l’ambition à revendre. Désirée ne sait bientôt plus où donner de la tête. Entre
ce tendre soupirant, bon enfant et si touchant qu’est Joseph, et ce brun impétueux, à la vive intelligence et au
regard impénétrable qu’est Napoléon, son cœur balance. Les deux frères sont si différents ! Mais Napoléon l’attire
davantage, par son charisme incontestable et son audace de jeune conquérant. Aura-t-elle le courage de rompre
ses fiançailles avec Joseph, qui ne songe qu’à lui plaire ? Napoléon va lui faciliter la tâche. Il arrange, pour ainsi
dire, à sa manière et de façon fort cavalière, les amours des jeunes gens. S’étant certainement rendu compte de
l’attachement indéniable que porte Julie, la sœur aînée de Désirée, à Joseph, il voit là une combinaison parfaite.
Curieux arrangement à la vérité mais personne ne proteste. C’est que Joseph n’est pas contre. Finalement, cette
Julie, elle lui plait bien. Il n’aura d’ailleurs pas à se plaindre de cette union, et une profonde tendresse s’installera.
Désirée quant à elle, est plus amoureuse que jamais de son général si entreprenant. Cependant, très peu de temps
après, Napoléon est promu commandant de l’artillerie de l’armée d’Italie. Il déménage à Antibes et emmène toute
sa famille avec lui. Letizia maugrée un peu car elle se sent bien à Marseille entourée de la famille Clary, mais s’en
console très vite, car le château Salé où elle réside est un véritable petit paradis perdu au milieu d’une oliveraie.
Si les fiançailles de Joseph et Julie sont officiellement célébrées, on attend que Napoléon rentre d’Italie pour le
fiancer à Désirée, qui ne cache pas son impatience. Lorsque Joseph épouse enfin Julie le premier août 1794, les
fiançailles entre Napoléon et Désirée n’ont toujours pas eu lieu. Après la chute de Robespierre, le 9 Thermidor,
Napoléon profite de ces instants de relative insouciance pour faire une cour pressante à Désirée qui est venue
voir sa sœur à Antibes et avec qui il se fiance enfin pour de bon. Son idylle semble le préoccuper tout entier.
Après une tentative de reconquête de la Corse qui échoue, Napoléon est sans véritable affectation. Il a l’opportunité
de visiter souvent Désirée à Marseille. Napoléon est tellement amoureux qu’il refuse le commandement en Vendée
qu’on lui affecte le 7 mai 1795. Il ne compte pas abandonner Désirée pour un poste qui ne lui rapportera aucune
gloire. Il doit pourtant bien se résoudre à gagner Paris, et alterne alors les emplois subalternes, en attendant mieux.
Désirée est affligée de ce départ. Au mois de juin, Désirée accompagne Joseph et Julie en Italie. Ils s’installent à
Gênes, chez leur frère, qui y fait du négoce, gérant habilement la fortune de sa famille. La correspondance devient
plus difficile. Napoléon, qui n’est pas au courant, se désespère de ne recevoir plus aucune nouvelle de sa fiancée.
Loin des yeux, loin du cœur, les sentiments refroidissent. Des aigreurs se font jour. Ils ne se comprennent plus.
Lorsqu’enfin Napoléon, mis au courant, reçoit une lettre de "sa petite fiancée marseillaise", il en est courroucé et se
sent abandonné. Étrangement, malgré les déclarations d’amour que Désirée réitère dans chacune de ses lettres,
Napoléon n’y croit plus. Il est persuadé qu’elle en aime un autre. Pourquoi ce pessimisme ? L’éloignement comme
il le dit ? Sans doute. Peut-être aussi est-il préoccupé par sa carrière militaire qui stagne depuis plusieurs mois, le
poussant à broyer du noir. Il ne veut plus croire en rien. Toujours est-il que Désirée souffre de la neurasthénie de
son promis, elle qui s’ouvre avec sincérité à celui qu’elle aime. D’autant que Napoléon, à présent affecté au bureau
topographique du Comité de Salut public, s’offre une nouvelle vie mondaine et fréquente les salons parisiens,
peuplés de très jolies jeunes femmes. Pressentant les inquiétudes de Désirée, il continue de la rassurer pourtant.
C’est dans le salon de Madame Tallien, à l’été 1795, que Napoléon rencontre pour la première fois Joséphine de
Beauharnais. Toujours occupé par ses amours avec Désirée, il s’en préoccupe peu. Mais sa passion pour la
marseillaise se relâche. Ayant réprimé avec intelligence et promptitude une insurrection royaliste, il est désormais
recherché dans la capitale, et ses pensées se tournent de moins en moins vers Désirée, si loin là-bas, en Italie.
Joséphine elle, est bien présente, et avant la fin de l’année, il en tombe fou amoureux. Les grâces de la charmante
créole lui font oublier définitivement celles de l’absente. En mars 1796, Napoléon épouse sa chère Joséphine,
qu’il aime à la folie. Désirée est brisée par cette annonce. Si Napoléon se console bien vite dans les bras de
Joséphine, il va falloir davantage de temps à Désirée pour oublier. Le futur vainqueur de la campagne d’Italie
lui aura préféré la douce et brillante Joséphine, mais pour la jeune marseillaise, la vie ne s’arrête pas là.
Si le destin de Bonaparte est en marche, pour Désirée aussi, la fin de cet amour éphémère avec Bonaparte n’est
que le début d’une longue aventure. Même si elle est délaissée, elle ne tardera pas à avoir un nouveau soupirant
en 1797 en la personne du général Léonard Duphot mais qui est assassiné à Rome en décembre de cette même
année. Désirée épousera finalement le général Bernadotte le dix-sept août, à Sceaux, et lui donne l'année suivante
le 4 juillet 1799 un fils, Oscar, qui sera leur unique enfant. Surnommé le "sergent Belle-Jambe", ce fringant soldat
à la musculature sèche et à la crinière de lion, est originaire de Pau. Et surtout, il est le rival militaire et politique
de Bonaparte, qui le déteste. Si Bonaparte, devenu Napoléon Ier, en 1804, se méfie toujours de son trop brillant
compétiteur et contradicteur, il admire le soldat. Bernadotte reçoit son bâton de maréchal de l'Empire. Et en 1806,
sans doute, par égard pour Désirée, il est fait "prince souverain de Pontecorvo", un petit état italien de la région
de Naples. En dépit de ses succès militaires, le maréchal Bernadotte peine à se réaliser dans l'ombre de l'Aigle.
Et en 1810, quand la Diète suédoise, en quête d'un "homme fort et proche de l'Empereur" pour succéder au vieux
roi Charles XIII, lui propose l'adoption, il s'empresse d'accepter. Désirée, désormais princesse royale de Suède,
doit rejoindre son époux à Stockholm. Après avoir longtemps tergiversé, elle finit par quitter Paris avec leur fils
et débarque dans son nouveau pays, le vingt-deux décembre 1810, où la température avoisine -20°C. Le choc
thermique et culturel est insurmontable pour la petite Marseillaise. Le froid glacial, l'interminable nuit d'hiver, la
nourriture. Rien ne trouve grâce à ses yeux. Elle bouscule l'étiquette empesée de la vieille cour, et choque "sa
chère maman", la reine Hedwige, et ses dames, qui ne cachent pas un profond mépris pour cette "parvenue".
À l'une d'elles, qui lui présente deux jeunes dames en insistant lourdement sur leur qualité de "filles d'un comte
du Saint-Empire", elle rétorque: "Et moi celle d'un commerçant de Marseille!" Après cinq mois passés dans les
palais glacés, Désirée s'ennuie et déprime. Elle retourne à Paris pour se refaire une santé, elle y restera dix ans.
En France, où sa soeur Julie est désormais la reine consort d'Espagne, Désirée joue les espionnes pour son mari.
Elle sert aussi à Napoléon de "diplomate privilégié" pour ses rapports avec la cour de Suède. À la chute de l'Empire,
en 1814, Louis XVIII retrouve le trône de ses ancêtres. Les Bonaparte doivent quitter la France, mais Désirée est
protégée par son statut de princesse royale de Suède. C'est encore à Paris, le 5 février 1818, qu'elle devient
"Sa Majesté Desideria", reine consort de Suède et de Norvège. Et aussi qu'elle s'enflamme pour le principal
ministre de Louis XVIII, Armand-Emmanuel, duc de Richelieu, qui n'en demandait pas tant. L'amoureuse
quadragénaire perd la tête. Elle s'envoie des bouquets avec la carte de visite de son "amant rêvé", et le poursuit
de ses assiduités, partout où il se rend en France et en Europe. Lui, persuadé qu'elle est une espionne, non
sans raison, fuit sa présence. Si l'on en croit Laure Junot, duchesse d'Abrantès, ils ne se sont même jamais parlé.
Quand Richelieu meurt d'une crise cardiaque, en 1822, la reine de Suède porte le grand deuil. Et fait scandale.
Elle jure à nouveau que sa vie est finie. Jusqu'à ce qu'elle apprenne, quelques semaines plus tard, la présence
de son fils à Spa, où le prince royal de Suède vient de se fiancer à Joséphine de Leuchtenberg, fille d'Eugène de
Beauharnais. Que son Oscar envisage d'épouser la petite-fille de l'impératrice Joséphine, "la vieille", cette rivale
honnie qui lui a volé le cœur de Bonaparte, jamais! Elle se précipite à la rencontre du prince qu'elle n'a pas revu
depuis dix ans. Trop tard, il est déjà amoureux de cette beauté de seize ans, douée de toutes les qualités pour
faire une bonne souveraine. Désirée n'entend pas se laisser supplanter. Elle se souvient, opportunément, que
c'est elle, et elle seule, la reine de Suède et de Norvège. Et, le 13 juin 1823, elle rentre à Stockholm en grand
apparat pour présenter sa belle-fille. Bernadotte, désormais Charles XIV Jean, n'est pas rancunier. Il se montre
empressé auprès de Désirée avec qui il reprend le cours de la vie conjugale. Prévenant, il lui fait construire le
ravissant petit château de Rosendal, sur l'île de Djurgården, où loin de l'étiquette du palais royal, la reine pourra
mener une vie bourgeoise. Désirée surprend toujours ses sujets par ses "excentricités", les mets exotiques
qu'elle importe de Provence, comme l'huile d'olive. Plus encore par ses interminables promenades nocturnes
dans les jardins de Stockholm. Finalement, elle s'accoutume à ce royaume des neiges. Et sa bonté fini par gagner
le cœur de ses sujets. Le vingt-et-un août 1829, elle est couronnée en l'église Saint-Nicolas de Stockholm.
À la mort de Charles Jean, en 1844, pour ne pas la perturber, Oscar Ier lui conserve ses appartements au palais
royal et son train de cour. Quand Joséphine, la nouvelle reine, suggère à sa belle-mère de réduire son personnel,
elle répond: "Toutes ces personnes ne me sont plus nécessaires, c'est vrai. Mais toutes ont encore besoin de moi."
Elle aura la joie de profiter de ses cinq petits-enfants, dont deux deviendront rois de Suède et Norvège, et même
de connaître son arrière-petit-fils le futur Gustave V, disparu en 1950. C'est dans sa loge du Théâtre royal de Suède
que Désirée vivra ses derniers instants, le 17 décembre 1860. Mais elle aura attendu la fin de la représentation.
Elle repose au côté de Charles XVI Jean, le fringant général qui la fit reine, dans la chapelle Bernadotte de l'église
de Riddarholmen, où les Suédois viennent toujours se recueillir sur la tombe de Desideria "la mère de la dynastie".
Bibliographie et références:
- Claude Camous, "Désirée Clary, premier amour de Napoléon"
- Gabriel de Penchenade, "Désirée Clary, de la Canebière à Stockholm"
- Franck Favier, "Les relations entre la France et la Suède de 1718 à 1848"
- Colette Piat, "Mémoires insolents de Désirée Clary"
- Françoise Kermina, "Bernadotte et Désirée Clary"
- Anne Marie Selinko, "Désirée"
- Gabriel Girod de l'Ain, "Désirée Clary"
- Frédéric Masson, "Napoléon et les femmes"
- Léonce Pingaud, "Bernadotte, Napoléon et les Bourbons"
- Karl Fredrik Lotarius baron Hochschild, "Désirée, reine de Suède et de Norvège"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Blanche de Castille, épouse de Louis VIII le Lion et mère de Saint Louis, est l'une des rares reines de France
qui ait trouvé grâce auprès des historiens. Parmi les régentes de l'Histoire de France, on retient souvent Louise
de Savoie, Catherine de Médicis ou Anne d'Autriche. D'entre toutes, c'est bien elle à qui semble revenir la place
d'honneur, et pas seulement pour avoir été la première à réaliser cet exercice souvent délicat. Faisant preuve
d'une constance et d'un courage à toute épreuve pour maintenir l'autorité royale, elle a transmis un royaume
apaisé à son fils, le futur Saint Louis. Fille d’Alphonse VIII le Noble, roi de Castille, et d’Aliénor d’Angleterre,
elle-même fille du roi Henri II d’Angleterre et d’Aliénor d’Aquitaine, Blanche de Castille est donc la petite-fille
de celle qui fut, par son mariage avec Louis VII le Jeune, reine de France, puis reine d’Angleterre en épousant
le Plantagenêt. L’idée de marier Blanche avec le futur Louis VIII vint d’Aliénor d’Aquitaine, qui voyait ainsi ses
descendants occuper trois trônes: Angleterre, France, Castille. En effet, la négociation du mariage du fils de
Philippe-Auguste avec Blanche de Castille fut le dernier acte politique de la vie d’Aliénor, qui voulut elle-même
se charger d’aller à la cour d’Alphonse le Noble, conclure cette union et ramener au plus tôt la jeune princesse.
Son destin n'a tenu qu'à un prénom. En 1200, la reine Aliénor d'Aquitaine, âgée de quatre-vingts ans se rend
en délégation à la cour du roi Alphonse VIII de Castille pour ramener une infante, sa petite-fille, promise au fils
et héritier du roi de France Philippe Auguste. La délégation se voit présenter l'infante. Elle a toutes les qualités
requises sauf son prénom, Urraca, la pie en français. Chacun de se demander si les français pourront jamais
aimer une reine dotée d'un si méchant prénom. Qu'à cela ne tienne, le roi de Castille leur rappelle qu'il a une
fille de rechange. La cadette a douze ans. Elle ne manque pas non plus de qualités et porte le doux prénom de
Blanca ou Blanche. Qui aurait prévu, à l’heure du divorce de Louis le Jeune, qu’un jour la France devrait la mère
de Saint Louis aux soins d’Aliénor d’Aquitaine. Lorsque la vieille reine traverse en plein hiver 1200 la France en
tenant par la main Blanche de Castille, à la voir, appuyée sur cette jeune fille, destinée dans les décrets de la
la providence à pousser de si nobles enfants , ne semble-t-il pas qu’elle vient militer son pardon, et qu’en offrant
à la France cette reine excellente et cette mère accomplie, elle demande à la postérité d’oublier sa propre faute.
Philippe-Auguste s’attacha à cette jeune princesse dont l’agrément et la grâce animaient sa cour et égayaient
son humeur. L’âge développa les qualités de Blanche. Philippe put remarquer en elle un esprit si juste, que souvent
il prit plaisir à la consulter. Quelquefois elle le fit revenir sur des décisions qui paraissaient irrévocables. En septembre
1216 les anglais, las de Jean sans Terre, avaient offert la couronne au futur Louis VIII. Mais lorsque Jean sans Terre
mourut le 18 octobre 1216, les anglais reconnurent le fils de ce prince, Henri III, enfant âgé d’à peine dix ans. Et le
futur souverain français, qu’ils avaient appelé et qui n’avait gardé que six semaines un trône dont l’esprit national
l’aurait banni, lors même que la mort de Jean ne fût pas survenue, se trouva en difficulté lorsqu’il voulut résister.
Manquant de secours, il en demanda à son père Philippe qui ne voulut point lui en donner. Blanche se présente à son
beau-père, et le supplie en faveur de son mari: "Comment, Sire, vous laisseriez votre fils mourir en terre étrangère ?
Il sera votre héritier, envoyez-lui ce dont il a besoin ou tout au moins les revenus de son apanage", à quoi le monarque
répondit qu’il n’en ferait rien. Aussi Blanche rétorqua-t-elle: "Alors, je sais ce que je ferai." Le roi l’interrogeant sur ses
desseins, elle répondit: "Par la grâce de Dieu, j’ai de beaux enfans de Monseigneur, et si vous me voulez éconduire, je
les mettrai en gage et je trouverai bien quelque seigneur qui me baillera hommes et argent sur eux. "Philippe céda.
Mère de très bonne heure, Blanche remplit les devoirs de la maternité dans toute leur étendue. Le troisième de ses fils
fut Saint Louis. Elle apportait la plus grande vigilance aux progrès intellectuels de ses fils. Le soir, avant de faire retirer
ses enfants, elle les prenait sur ses genoux, leur faisait les plus tendres caresses, puis, les rendant attentifs par mille
petites industries maternelles, elle leur racontait quelques traits de vertu et leur demandait ce qu’ils en pensaient.
Louis le Lion avait trente-sept ans quand il monta sur le trône (1223). Le 6 août, l’archevêque de Reims, Guillaume
de Joinville, présida le sacre du roi et son couronnement, ainsi que celui de son épouse. Presque aussitôt Louis prit
les armes contre les Albigeois. Les documents de l’époque citent peu la reine qui ne participa pas à l’expédition mais
suivit, de Paris, les événements, et organisa prières et processions en vue de la victoire. Dans le même temps, les
chroniques de l’ennemi la présentent comme la maîtresse du royaume. En fait Blanche soutint son époux, le réconfortant
et le conseillant, sans détenir la réalité du pouvoir. C’est au cours de cette guerre que commencèrent les révoltes des
seigneurs, qui devaient plus tard amener les troubles de la régence de Blanche. Thibaut IV, comte de Champagne, fut
le premier à manifester ouvertement son indépendance. On a dit cependant qu’il aimait la reine Blanche. Il l’avait
nommée sa dame et il portait ses couleurs. Chaque chevalier avait une dame de ses pensées, et il n’était point de
noble châtelaine distinguée par la beauté ou par l’esprit, qui ne vît plusieurs chevaliers briguer l’honneur de porter
ses couleurs. Thibaut avait vingt-six ans, la reine en avait près de quarante, mais le comte se plaisait en la science
des trouvères, de la poésie et c’est à Blanche de Castille qu’il adressait ses plus tendres et douces complaintes.
La campagne ne réussit pas moins. Le roi prit Avignon. Nîmes et Beaucaire lui remirent leurs clefs. Partout on se
soumettait, et Louis VIII, après avoir confié le gouvernement de la province à Humbert de Beaujeu, jugea la guerre finie
et voulut s’acheminer vers Paris. Blanche l’y avait devancé. Le 29 octobre, en traversant Montpensier, le roi se sentit
atteint, et fut forcé de s’arrêter. Le 3 novembre il appela autour de son lit les seigneurs qui l’avaient accompagné.
Il leur fit jurer qu’ils demeureraient fidèles à son fils qu’ils le feraient couronner sans délai et qu’ils lui prêteraient
hommage et par son testament, il laissa la tutelle à sa femme Blanche de Castille. Le roi mourant recueillit toutes
ses forces et fit les plus pressantes instances pour s’assurer de l’obéissance des seigneurs à sa femme et à son fils.
Blanche eut douze enfants avec Louis VIII. Une fille, née en 1205, qui vécut quelques jours seulement. Philippe, né
le 9 septembre 1209 et mort en 1218. Des jumeaux, Alphonse et Jean, le 26 janvier 1213, qui décèdent aussitôt.
Louis, né le 25 avril 1214, qui deviendra roi sous le nom de Louis IX ou Saint Louis. Robert, né en 1216 et tué à la
bataille de Mansourah en 1250, qui fut comte d’Artois et épousa Mahaut de Brabant. Jean, né en 1219 et mort en
1232, comte du Maine et d’Anjou. Alphonse, né en 1220 et mort en 1271, comte de Poitiers et de Toulouse. Philippe,
né en 1222 et mort à l’âge de dix ans. Isabelle, née en 1224 et morte en 1268, fondatrice du monastère de Longchamp
et sœur préférée de saint Louis, qui fut honorée du titre de bienheureuse. Étienne, né en 1225 vivant seulement
quelques jours. Charles, né en 1227 et mort en 1285, à l’égard duquel Blanche fit preuve de faiblesse, roi de Sicile,
roi de Naples, roi de Jérusalem et comte de Provence. Elle se montra aimante et attentionnée à l'égard de tous.
Blanche, après la pompe des obsèques qui eurent lieu le 15 novembre 1226, conduisit son fils à Reims pour y être
sacré. Les seigneurs, qui avaient prêté serment au lit de mort de Louis VIII, invitèrent les pairs et le baronnage de
France à la solennité du sacre. La reine n’avait auprès d’elle d’autre conseil que celui du légat du pape, le cardinal
romain de Saint-Ange mais c’était un homme habile et tout dévoué à la reine. Il fallait déjouer la ligue formidable
qui se formait, car le comte de Champagne, doublement aigri et de la calomnie qui le flétrissait et de l’affront qu’il
avait reçu au sacre, venait de se joindre à cette ligue. Ceux qui y étaient déjà entrés étaient le comte de Bretagne,
Pierre Mauclerc, Lusignan, comte de la Marche, et sa femme Isabelle, comtesse d’Angoulême, le vicomte de
Thouars et Savary de Mauléon. Au milieu de l’hiver de 1229, la reine, accompagnée du comte de Champagne,
et toujours conduisant le tout jeune roi, vint assiéger Bellême, qui capitula au bout de quatre-vingt-dix-neuf jours.
Blanche ayant amené Thibaut au Louvre, les habitués remarquèrent dans l’attitude de la reine un changement qui
les étonna. On fit courir des plaisanteries grivoises dont tout le palais se régala. Les ennemis de la Couronne
profitèrent de l’occasion pour salir Blanche de Castille. Des pamphlets coururent le pays. On traita la reine de
débauchée et de sournoise. Le roi d’Angleterre devait unir ses armes à celles du duc de Bretagne. Heureusement
Henri III d’Angleterre, âgé seulement de quelques années de plus que Louis IX, était faible, incapable, dominé par
ses favoris. Le roi d’Angleterre quitta la France n’ayant ni la volonté, ni le pouvoir de porter le poids de la guerre.
Pierre Mauclerc était le seul qui ne fût pas entré dans la pacification. Mais enfin le roi étant parvenu à l’âge de
seize ans, la résistance ayant été jusque là onéreuse, Pierre consentit à négocier. Les plénipotentiaires de Henri III
et de Louis IX réglèrent, à Saint-Aubin des Cormiers, la trêve qui consomma tous les travaux de Blanche. Cette trêve,
conclue pour trois ans avec la clause de la renouveler, fut signée 4 juillet 1231. Cinq années de bonheur s’écoulèrent
sous la fin paisible de sa régence. Son administration constante, éclairée et vigilante s’étendit à tout le royaume.
La cour de saint Louis, pour être plus sévère que celle de Philippe-Auguste, n’était pas moins splendide. Le mariage
de Robert, comte d’Artois, frère du roi, avec Mathilde de Brabant, attira plus de deux cents chevaliers, avec un nombre
proportionné d’écuyers et de servants d’armes. À sa majorité, Blanche maria son fils à Marguerite de Provence. Sans
cesser de respecter sa mère, il prend vite la direction du gouvernement et Blanche s'efface progressivement. Louis
dirige désormais les affaires. En août 1248, Louis IX quitte la France pour partir en croisade, la septième et confie à
sa mère la régence du royaume. Blanche de Castille n'était pas favorable à cette expédition que le roi a décidée à la
suite d'un vœu fait pour demander à Dieu sa guérison. Elle s'acquitte de sa tâche avec prudence et sagesse. Quand
Saint Louis est fait prisonnier en Égypte (1250), elle se dispose à réunir la somme exigée pour sa libération, ce qui ne
sera pas nécessaire. Louis IX avait remis à sa mère le gouvernement du royaume avec les pleins pouvoirs, mais avait
emporté avec lui le sceau royal, interdisant ainsi toute décision importante. Cependant, on avait appris la délivrance
du roi. Durant toute cette période, Blanche de Castille ne cessa de tenter de mettre à bas toute tentative de coalition.
La fermeté prudente et vigilante de Blanche, qui formait le trait le plus remarquable de son caractère, ne connaissait
pas d’obstacle. En 1252, la reine est avertie que les habitants de la commune de Châtenay, n’ayant pas acquitté leurs
redevances envers le chapitre de Notre-Dame dont ils relevaient, ont tous été enfermés dans la prison du chapitre
près le cloître Notre-Dame. On lui rapporte que les cachots sont si étroits, la nourriture si malsaine, et la multitude de
prisonniers si grande, que plusieurs ont péri faute d’air et d’aliments. La reine, émue à la pensée de leurs souffrances,
envoie prier les religieux du Chapitre de relâcher les victimes sur sa parole royale. La reine, entourée de ses gardes,
accourt à la prison du Chapitre et ordonne de l’ouvrir et comme la crainte de l’excommunication rendait ses serviteurs
incertains et timides, elle-même, de la canne d’ivoire qu’elle portait, donna le premier coup. Alors, au milieu des cris
d’enthousiasme, c’est à qui disputera de zèle pour achever son œuvre. Les prisonniers sont bientôt très vite libérés.
Blanche s’affligeait de l’absence de son fils. Le retour d’Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse, de Charles,
comte d’Anjou, ne pouvait la consoler ni de la mort de Robert d’Artois, tué à la Mansourah, ni de l’éloignement du roi.
Elle tenait d’une main habile les rênes de l’État, qu’elle voulait remettre à Saint Louis comme il le lui avait laissé, mais
elle craignait de ne plus le revoir. Toujours ferme, elle sut refuser à Henri III le passage par la Normandie, que ce
prince lui demandait pour aller réprimer les troubles de ses provinces de France. Ce refus de la régente préserva
les peuples des désordres qui accompagnent la route des armées et qui, au Moyen Âge surtout, étaient redoutables.
Ce fut à peu près le dernier acte important de l’administration de Blanche de Castille. Elle fut surprise à Melun d’une
fièvre violente, qui lui fit juger que sa dernière heure était venue. Il fallut la transporter à Paris. Là, elle reçut les
derniers sacrements des mains de l’archevêque de Paris. Elle se fit coucher sur un lit de cendres, voulut, selon un
usage pieux de ce temps, recevoir l’habit religieux que lui donna l’abbesse de Maubuisson, et, après avoir langui cinq
ou six jours, elle mourut le 27 novembre 1252 sans avoir revu son fils. Blanche fut inhumée à l’abbaye de Maubuisson,
revêtue des vêtements royaux par dessus l’habit religieux, portée à visage découvert sur un trône d’or soutenu par les
premiers seigneurs de la cour. Le tombeau, érigé au milieu du chœur, portait une inscription en huit vers latins. La
reine avait fondé cette abbaye en 1241. Quatre de ses enfants survécurent à Blanche: Saint Louis, Alphonse, Jeanne,
Charles, duc d’Anjou, devenu, par sa femme Béatrice, comte de Provence et Isabelle qui fonda l’abbaye de Longchamp.
Bibliographie et références:
- Marcel Brion, "Blanche de Castille"
- Philippe Delorme, "Blanche de Castille"
- Régine Pernoud, "La reine Blanche"
- Gérard Sivéry, "Blanche de Castille"
- Georges Minois,"Blanche de Castille"
- Charles Zeller, "La reine Blanche"
- Jean Richard, "Les pouvoirs de Blanche de Castille"
- José Enrique Ruiz-Domènec, "Les souvenirs croisés de Blanche de Castille"
- Ursula Vones-Liebensten, "Une femme gardienne du royaume, Blanche de Castille"
- Blanche Vauvilliers, "Histoire de Blanche de Castille"
Bonne lecture à toutes et à tous.
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François Ier aurait pu ne jamais monter sur le trône. Il appartient en effet à la maison d'Angoulême, branche cadette
de la maison royale des Valois, fondée par Jean, comte d'Angoulême, fils de Louis d'Orléans et de Valentine Visconti.
Sa mère, Louise, était la fille d'un cadet de la maison ducale de Savoie. En 1488, elle épouse Charles d'Angoulême,
arrière-petit-fils de Charles V. Lorsque Charles meurt en 1496, François n'a que deux ans et sa mère dix-neuf. À cette
date, François n'est donc qu'arrière-arrière-petit-fils de roi. Mais, par le jeu de la loi salique, dont le principe de base
est la primogéniture masculine, il est le deuxième sur la liste des héritiers du trône, après son cousin Louis d'Orléans.
Il a donc fallu que Charles VIII puis Louis d'Orléans, devenu Louis XII, meurent sans héritier mâle pour qu'il devienne,
le premier janvier 1515, le vingt-quatrième de la dynastie capétienne, par la grâce de Dieu, roi de France. Nombreuses
furent les mères de rois de France à avoir exercé la régence, mais Louise de Savoie fut la plus singulière. Si Blanche
de Castille, Catherine de Médicis ou Anne d'Autriche furent couronnées reines, Louise influença et gouverna, sans
jamais monter sur le trône et alors que son fils François I er était politiquement majeur. La profonde convergence de
vues entre Louise et son fils est suffisament rare dans l'histoire des relations entre les rois et leur mère pour être notée.
L'inséparable duo qu'ils formèrent annonce certains tandems célèbres de monarques et leur ministres, tels Louis XIII
et Richelieu ou Charles I er d'Angleterre et le duc de Buckingham. Si des historiens ont jugé durement sa politique,
notamment Jules Michelet qui l'accusa d'être le mauvais génie de François Ier, l'action de Louise de Savoie doit être
replacée dans son contexte historique, une période dangereuse pour l'unité du royaume après la défaite de Pavie.
Orpheline de sa mère à sept ans, négligée par son père, Philippe sans Terre qui avait bien d’autres soucis, Louise
est éloignée de Savoie qu’elle ne reverra jamais en se voyant confiée à son oncle et à sa tante, Pierre et Anne de
Bourbon-Beaujeu. En 1488, ces derniers la marient à douze ans avec Charles d’Angoulême (1459-1496), un lointain
cousin, alors gouverneur de Guyenne, qu’elle ne connaît pas, qui a dix-sept ans de plus qu’elle et qui ne va cesser de
la tromper ouvertement avant de la laisser veuve à vingt ans. Une catastrophe n’arrivant jamais seule, Louise perd
au même moment son époux et son père, devenu duc de Savoie mais disparaissant après une seule année de règne.
Louise va consacrer sa vie à la promotion et à la défense de ses deux enfants qu’elle élève, Marguerite d’Angoulême,
future reine de Navarre et François. Elle refuse tout remariage et s’impose au roi Louis XII comme seule tutrice de ses
enfants et elle se heurte à la reine Anne de Bretagne, née en 1477, qui avait déjà épousé le roi Charles VIII. Louise
semble avoir gagné en 1514 quand suite à la mort de la reine Anne, Claude épouse enfin François d’Angoulême
devenu roi sous le titre depuis célèbre de François 1er. Convaincue de la destinée royale de son fils, Louise de Savoie
l'a éduqué comme un prince. Celle qui assura la régence s'est imposée comme un personnage clé du gouvernement.
La figure de la mère du roi, régente du royaume, est bien connue dans l'histoire de France. Il suffit de penser à Blanche
de Castille, la mère de Saint Louis, à Catherine de Médicis, celle de Charles IX, ou encore à Anne d'Autriche, la mère de
Louis XIV. L'une d'entre elles, qui a pourtant exercé le plus d'influence, échappe aux écrans de l'histoire. C'est Louise de
Savoie, la mère de François Ier. À la différence des autres régentes, elle ne fut jamais reine. Mais, contrairement à elles,
elle gouverna alors que son fils était majeur. Avant même la naissance de François, Louise de Savoie croit en la destinée
de son fils. L'ermite italien saint François de Paule, convoqué au Plessis-lès-Tours peu après le mariage de Louise avec
Charles d'Angoulême en 1488, alors qu'elle n'avait que douze ans, ne lui avait-t-il pas prédit qu'elle aurait un garçon et qu'il
deviendrait roi de France ? Très précieux pour nous est le "Journal" qu'elle tient alors quotidiennement et qui nous permet
de suivre les nombreuses inquiétudes qu'éveillent chez elle les événements susceptibles de nuire à l'avènement de son fils.
Ce sont surtout les grossesses d'Anne de Bretagne, l'épouse de Louis XII, qui l'effraient. En effet, François n'est que le
cousin du roi. Lorsqu'en 1512 Anne perd un nouveau-né, Louise ne peut contenir sa joie. "Anne reine de France, écrit-elle,
à Blois le jour de sainte Agnès, le vingt-et-un janvier, eut un fils, mais il ne pouvait retarder l'exaltation de mon César, car il
avait faute de vie." En 1514, Louise s'attend à voir son fils monter sur le trône. La mort d'Anne de Bretagne le 9 janvier
semble écarter toute perspective d'un futur héritier. Mais le roi se remarie le neuf octobre avec Marie Tudor, la sœur d'Henri
VIII d'Angleterre. Cependant, Louis XII tombe gravement malade et meurt le premier janvier 1515. François est aussitôt
proclamé roi, sans avoir encore la certitude que Marie Tudor ne porte pas d'enfant. "Le premier jour de janvier, je perdis
mon mari, et le premier jour de janvier, mon fils fut roi de France" écrit Louise. François Ier témoigne à sa mère autant
d'amour et de dévotion qu'elle lui en marque elle-même. Il élève son comté d'Angoulême au rang de duché et lui donne
le duché d'Anjou, les comtés du Maine et Beaufort-en-Vallée ainsi que la baronnie d'Amboise. Soucieux du confort de sa
mère, il lui achète en 1518 une petite propriété au lieu-dit les Tuileries, juste en dehors de l'enceinte de Paris "pour lui
procurer un meilleur air que celui de l'hôtel des Tournelles" car si Louise de Savoie aime le pouvoir, elle apprécie aussi
l'argent. À l'avènement de son fils, elle devient ainsi duchesse d'Angoulème et fait preuve d'une avidité considérable.
Dès 1515, Louise de Savoie s'impose comme le personnage clé de la cour et du gouvernement du jeune roi. Le 15 juillet,
François Ier part combattre en Italie. Pendant toute la campagne qui dure jusqu'au treize janvier 1516, sa mère, restée au
royaume, veille sur la maison France. Mais durant cette première régence, ses pouvoirs sont limités car François Ier a
emporté avec lui le grand sceau, nécessaire pour valider les actes royaux. Après le retour du souverain, l'influence de
Louise reste grande. Elle forme avec son fils un couple compact dont il n'est pas toujours facile de distinguer la double
composante. On trouve souvent dans les correspondances des contemporains comme par exemple celles du cardinal
Jean Du Bellay, ambassadeur à Rome, l'expression "le roi et Madame", plutôt que celle de la simple expression "le roi."
Louise de Savoie joue un rôle déterminant dans le contrôle du Conseil royal, principal organe de décision. Parmi ses bras
droits, la postérité a retenu la figure du chancelier Antoine Duprat, issu d'un milieu de marchands très actifs, mais aussi
d'officiers de finances. La carrière que son talent et sa détermination lui permettent de réaliser s'appuie sur une tranquille
mais méthodique montée en puissance de sa parentèle au cours du XV ème siècle. Duprat parvient à se procurer, en 1504,
un office de maître des requêtes de l'hôtel du roi. Pendant deux ans, son activité est consacrée aux procédures qui sont
lancées contre Pierre de Rohan, le maréchal de Gié, ancien gouverneur de François. C'est l'occasion pour lui de se
rapprocher de Louise de Savoie, qui n'est pas étrangère à la procédure contre le ministre. Par sa maîtrise du Conseil,
Louise de Savoie empêche que s'impose un favori sur le modèle d'Anne de Montmorency, puis de Philippe Chabot et de
Claude d'Annebault dans les dernières années du règne. Elle contrôle les entrées et les sorties du Conseil et provoque
la chute du connétable Charles de Bourbon et celle du financier Semblançay, dont elle a pourtant au départ poussé la
fortune, et qui finit pendu en 1527. Charles III, duc de Bourbon, comte de Montpensier et connétable de France, était à
la tête d'un domaine considérable au cœur du royaume. Sa femme, la duchesse Suzanne, meurt en 1521 en lui léguant
tous ses biens. Louise conteste le testament en arguant du fait que, cousine germaine de Suzanne, elle est sa plus
proche parente. Le testament est aussi contesté par le roi. L'affaire est soumise au parlement de Paris. Mais, avant
même que la Cour ne se prononce, François fait don à sa mère d'une partie des biens du connétable qui alors se soumet.
Mais c'est pendant sa deuxième régence, d'octobre 1524 à mars 1526, durant la captivité du roi qui suit le désastre de
Pavie, que Louise de Savoie donne toute sa mesure. Installée à l'abbaye de Saint-Just, près de Lyon, depuis le début de
la campagne pour communiquer aussi bien avec la capitale qu'avec l'Italie, elle gouverne, avec l'aide de Duprat, recevant
les ambassadeurs et les représentants du royaume. La tâche est complexe. L'absence du roi encourage en effet les
revendications de l'aristocratie et du parlement, chacun entendant exploiter ses atouts dans un contexte difficile pour la
monarchie. Une coalition constituée en grande partie de conseillers du parlement de Paris et des princes du sang tente
en avril 1525 de faire tomber le chancelier. Très adroitement, Louise assortit son soutien à Duprat d'une manœuvre par
laquelle elle fait croire qu'elle désire nommer Lautrec comme lieutenant général à la place de Vendôme. Grâce à son
habileté et à sa fermeté, la coalition fait long feu. La régente a montré, dans ce contexte délicat, ses talents politiques.
Son rôle diminue lorsque François Ier revient en France en mars 1526. Mais le retour ne marque pas la fin des hostilités
avec Charles Quint. La guerre recommence et Louise de Savoie revient sur le devant de la scène. Mettant à profit ses
talents diplomatiques, c'est elle qui, avec la tante de l'empereur Charles Quint Marguerite d'Autriche, signe la "paix des
Dames" à Cambrai le trois août 1529. L'empereur renonce à la Bourgogne contre une rançon de 2 millions d'écus. John
Clerk, l'ambassadeur du roi d'Angleterre Henri VIII à la cour de France, qui avait estimé judicieux de conseiller à Louise
de Savoie d'agir en femme et de supplier à genoux l'empereur de libérer ses petits-enfants, eut la finesse de sentir
"qu'elle ne l'avait pas bien pris." Un contresens sur la personnalité de Louise est surprenant de la part d'un observateur
averti. C’est à ce moment que pour sortir le royaume de son isolement, elle amène Henri VIII d’Angleterre à se déclarer
enfin comme allié de la France mais c’est aussi elle qui va négocier une entente avec le Grand Turc. En effet, même si
elle est fine politique, Louise se caractérise par sa fermeté. Ainsi, lorsque le cardinal François Guillaume de Castelnau
Clermont-Lodève conteste la nomination d'un protégé du roi à l'évêché de Lavaur, elle fait rentrer les choses dans l'ordre
par une lettre laconique terminée par ces mots: "Je vous prie, mon cousin, que vous complaisiez au Roi et à moi et vous
vous en trouverez bien." Malgré d'ultimes concessions, Louise obtient le retour de la Bourgogne dans le giron français.
Au début de l'année 1531, Louise de Savoie voit ses forces l'abandonner progressivement. Les observateurs notent
qu'on la croit toujours près de s'évanouir. Elle meurt le vint-deux septembre 1531, à l'âge de cinquante-cinq ans, alors
qu'elle se rend dans son château de Romorantin avec sa fille Marguerite pour fuir la peste qui ravage Fontainebleau. Le
fils auquel elle a dévoué sa vie n'est pas avec elle. Il chasse à Chantilly en compagnie de son favori, Anne de Montmorency.
Le roi ordonne que ses funérailles soient celles d'une reine. À titre posthume, François Ier l'élève au rang de reine. Le
dix-sept octobre, une procession immense accompagne le convoi funéraire jusqu'à Notre-Dame de Paris pour la messe
de requiem. Dans un cérémonial habituellement convenu pour les rois et les reines, une effigie de cire portant une
couronne et un sceptre est posée sur une litière recouverte d'un drap d'or. Le cortège conduit la dépouille de Louise
jusqu'à l'abbaye de Saint-Denis où elle est inhumée dans la crypte royale aux côtés des rois et des reines de France.
Bibliographie et références:
- P. Henry-Bordeaux, "Louise de Savoie, régente et roi de France"
- Maurice Zermatten, "Louise de Savoie"
- Cédric Michon, "Les conseillers de François Ier"
- Laure Fagnart, "Louise de Savoie"
- Aubrée David-Chapy, "Louise de Savoie"
- Denis Crouzet, "Louise de Savoie"
- Alain Decaux, "Louise de Savoie"
- Gérad Binoche, "La mère de François Ier"
- Catherine Villeret, "La paix des Dames"
- Jean-Henri Volzer," Louise de Savoie"
Bonne lecture à toutes et à tous.
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Son cœur repose au cimetière du Père-Lachaise dans le caveau des d’Ornano, son corps menu et gracieux
en Pologne, dans la tombe familiale à Kiernozia. Comme la comtesse Marie Walewska le voulait. Marie vit le
jour le sept décembre 1786 dans le manoir familial. Une jolie enfant, née Laczynska, une famille ancienne de
la noblesse polonaise qui aurait dû avoir une destinée banale, comme bien des femmes de son milieu et de sa
génération, un mari, de la fortune, des enfants, un amant ou deux pour faire passer le vieil époux. Marie a eu
tout ça, mais sa très courte vie a été foudroyée par une histoire d’amour et de patriotisme éperdus au côté de
Napoléon, qui a perduré jusqu’à sa mort, à trente-et-un ans. De toutes les silhouettes féminines qui côtoient
l’intimité de l’Empereur, la plus discrète, la plus tendre et la plus touchante est celle de la jeune Polonaise
que Benjamin Constant comparait à Mlle de la Vallière. Elle n’était pas précisément grande, mais elle avait la
taille fine, les cheveux blonds, le teint clair, un visage délicieux, un sourire extrêmement agréable et un timbre
de voix qui la rendait sympathique aussitôt qu’elle parlait. Modeste et très réservée dans ses gestes, toujours
très simple dans ses toilettes. Napoléon l’évoquant disait d’elle: "Un ange à l'âme aussi belle que sa figure."
Marie voit le jour le sept décembre 1786 à Brodno, dans la banlieue de Varsovie, dans une famille de l’ancienne
noblesse polonaise. La petite enfance de Marie est heureuse, mais, à huit ans, tout s’écroule. Les Polonais se
révoltent contre l’occupant russe. Son père y prend part et, alors que le soulèvement est écrasé dans le sang,
il perd la vie. Jamais elle ne pardonnera aux Russes. Sa haine ira sans cesse croissante, et son patriotisme ne
fera que devenir de jour en jour plus fort. Durant ces années, ce qui retient sans arrêt l’attention des Polonais
ce sont les informations reçues de France. Elles alimentent les conversations depuis les salons de l’aristocratie
jusqu’aux tavernes des petits bourgs. Tout le monde est focalisé sur l’homme qui est devenu le maître de la France,
Napoléon Bonaparte. On le voit comme un possible libérateur, celui qui pourrait offrir au pays son indépendance.
Des quatre coins de Pologne, les jeunes s’échappent pour rejoindre l’armée de Bonaparte. Le général Henryk
Dabrowski met sur pied une troupe de vingt mille Polonais. Dans ses pensées, la jeune Marie ne change pas.
Marie termine son éducation à quatorze ans dans un couvent pour les jeunes aristocrates polonais. Elle est douce
et studieuse comme le prouvent les rapports envoyés à sa mère. En plus d’être appliquée elle devient très belle,
ce qui est idéal pour lui faire épouser un bon parti et ainsi assurer son avenir. Malheureusement, en 1804, alors
qu’elle n’a même pas dix-huit ans, on la marie à un homme, certes important, mais très vieux, le comte chambellan
Anastazy Colonna Walewski qui a soixante-dix ans. La jeune femme rêve d'une Pologne libre, et nourrit une haine
virile du Russe qui occupe la Mazovie, où elle est née, à quelques lieues de Varsovie, mais aussi du Prussien et
de l'Autrichien qui se sont partagé le reste du pays. Son rêve, comme celui de milliers de Polonais, c’est une
Pologne libre. Toutes ces pensées ne la détournent pas de ses devoirs conjugaux et c’est en 1805 qu’elle devient
mère pour la première fois d’un petit garçon prénommé Antoni. À l’automne 1806, Napoléon est enfin là. Les
Polonais l’accueillent comme le Sauveur, celui qui amène la liberté, si chère à la France. Marie et sa famille se
lancent dans la lutte en aidant les troupes françaises comme elles le peuvent. Le premier de l’an 1807, Napoléon
rencontre Marie déguisée en paysanne, pour la première fois au relais de Blonie, sur la route de Varsovie.
Elle fait partie des Polonais venus l’acclamer. Il la revoit ensuite à un bal organisé à Varsovie par son ministre
Talleyrand. Il faut croire que l’Empereur est déjà suivi par la presse car elle fait état de leur seconde rencontre.
La gazette de Varsovie rapporte en effet: "Sa majesté l’Empereur a assisté à un bal chez le ministre des Relations
extérieures, le prince de Bénévent, au cours duquel il a invité à une danse la femme du chambellan Anastazy
Walewski. "Presse ou pas Napoléon est séduit. Dès le jour suivant, il envoie son grand maréchal du palais, Duroc,
déposer chez la comtesse un immense bouquet de fleurs accompagné d’un mot de sa main. Napoléon, sous le
charme, se fait lyrique et amoureux: "Je n’ai vu que vous, je n’ai admiré que vous, je ne désire que vous." "N."
Marie éconduit Duroc, et surtout Napoléon, en ne répondant pas. L’Empereur qui n’est pas homme à se décourager
sur un champ de bataille, est tout aussi tenace quand il s’agit d’affaire de cœur. Il reprend la plume et Duroc fait des
allers-retours incessants entre l’hôtel de la comtesse et son quartier général. Tant et si bien qu’à la fin, l’affaire ne
s’estompe point et finit par attirer l’attention. L’entourage de Marie s’en mêle et, contrairement à ce qu’on pourrait
penser, ne désapprouve pas. Le destin a voulu qu’elle soit choisie par l’Empereur, c’est un signe du ciel, elle est là
pour aider à sauver la Pologne. Il ne manque que les voix célestes. Après discussion et avec les accords du chef
de sa famille, un brillant soldat au service de Napoléon, et du vieux mari, elle finit par répondre aux lettres et accepte
de devenir la maîtresse impériale. On la sacrifie donc au salut de la patrie et d’une hypothétique liberté en la jetant
dans les bras de Napoléon. Pour Marie, accepter est un acte de courage extrême, de sacrifice patriotique, une
manière de continuer à combattre comme elle l’a toujours fait pour son pays. C'est pour elle le combat de sa vie.
L’Empereur l’emmène avec lui au Château de Finckenstein, en Prusse. Leurs amours printanières dans ce lointain
château resteront dans la mémoire de Napoléon comme un moment unique. Surpris par la résignation et l’attitude
désintéressée de la jeune femme, Napoléon sent se transformer en un sentiment profond ce qui n’avait été d’abord
qu’un caprice de conquérant. De son côté, Marie, qui n’a connu de l’amour que ce que peut donner un vieillard,
découvre sous le masque de l’Empereur, le visage d’un homme seul, écrasé sous le poids des responsabilités et
qui pourtant aspire aussi à sa part de bonheur. Faut-il voir dans l’attachement de Marie une part, inconsciente ou
non, de calcul ? Ne l’oublions pas, le sort de son pays est entre les mains de son amant. Le fait est que les deux
amants semblent très épris l’un de l’autre. L’Empereur va même réorganiser son emploi du temps afin de consacrer
de longs moments à cet amour naissant, une chose qu’il n’a plus faite depuis sa liaison récente avec Joséphine.
Marie accompagne souvent l’Empereur et dans l’intimité de leur couple, elle n’oublie jamais sa mission. Dès qu’elle
le peut, elle revient sur son sujet de prédilection, la résurrection de la Pologne. Avec elle, Napoléon ne perd jamais
patience, il discute et argumente. Pour lui, les Polonais doivent mériter cette renaissance. Leur sort est donc lié au
soutien qu’ils lui apporteront dans sa lutte. Ainsi, ils deviendront des alliés fidèles, comme Marie d’ailleurs. Pourtant,
tout ce qu’ils auront est un éphémère Grand-Duché de Varsovie qui existera de 1807 à 1815. Après la défaite de la
campagne de Russie en 1813, il est occupé par les Russes. Marie continue quant à elle de suivre Napoléon. À Paris,
elle vit retirée, dans un petit hôtel particulier de la rue de la Victoire. Le 4 mai 1810, à 4 heures de l’après-midi, elle
met au monde un joli garçon, Alexandre, futur diplomate, qui est le fruit de ses amours adultérines avec l’Empereur.
Le brave et vieil Anastazy de Walewski, âgé de 73 ans et mari en titre, reconnaîtra l'enfant par patriotisme polonais.
Il deviendra le ministre des affaires étrangères de Napoléon III et fera une carrière brillante sous le III ème empire.
Le cinq mai 1812, avant d’aller sceller son destin dans l’immensité glaciale des plaines de la Russie tsariste, Napoléon
en présence de Marie, prend toutes les dispositions nécessaires à la garantie de l’avenir du jeune Alexandre. Il lui
fait don de soixante fermes situées dans les environs de Naples ainsi que d’une rente. À cela s’ajoutent bien entendu
des armoiries en même temps que le titre de comte d’Empire. Il reste cependant un dernier détail à régler, la séparation
de Marie d’avec son vieux mari. Perclus de rhumatismes et de dettes il n’y a plus rien à espérer de lui. De plus, la loi
sur la communauté des biens entre époux pourrait le faire profiter de la dotation de l’Empereur. En août 1812, le couple
divorce, la situation de maîtresse d’Empereur aidant dans ce genre de dossier. Mais, car il y a souvent un mais, ce
divorce ne fait pas pour autant de Marie une femme libre. Son éducation et la tradition l’obligent, par décence, à
considérer son vieux chambellan comme mari aussi longtemps qu’il vivra, ce qu’il a tout de même le bon goût de ne
faire encore, que pendant deux ans et demi. L'homme fit preuve d'une étonnante grandeur d'âme pour l'époque.
La suite est connue, la retraite de Russie, la campagne de France, l’abdication et le départ pour l’île d’Elbe en avril
1814. Après l’abdication, Marie accourt à Fontainebleau. La première femme qui ait résisté à l’Empereur tout-puissant
est aussi la dernière à l’assister alors qu’il a tout perdu. Ce n’est pas tout, un soir de septembre, une femme et un
enfant débarquent à l’île d’Elbe. On attend l’Impératrice et le roi de Rome mais c’est encore une fois la comtesse
Walewska et son fils. Ils passent deux jours auprès du prisonnier puis reprennent la route pour le continent. Ils ne se
reverront plus. Rien n’obligeait Marie à faire tout cela, à lui montrer ces dernières marques d’affection. Alors, est-elle
sincère quand, dans ses mémoires, elle écrit que sa liaison avec l’Empereur a été "un sacrifice fait à son pays" ?
Blessé en duel, incarcéré pour propos hostiles au Roi, le général d’Ornano, cousin éloigné de Napoléon et général
d’Empire dont le nom est inscrit sur l’Arc de Triomphe, se réfugie à Bruxelles en janvier 1816. Il y retrouve Marie,
exilée elle aussi, et veuve à vingt-six ans suite au décès de son mari, le comte Walewski. Depuis longtemps, Ornano
éprouve une attirance pour la jeune femme. Le 7 septembre 1816, l’archiprêtre de Sainte-Gudule les unit en présence
du notaire Dupré et de son clerc. Les exilés n’ont pas obtenu l’autorisation de résider dans la capitale. Ils quittent la
ville et vont s’installer à Liège au pied de la colline de Cointe, dans le quartier de Fragnée qui, à l’époque, est encore
un quartier synonyme de campagne. À cette époque, à Liège, il y a beaucoup de proscrits, d’anciens officiers de
Bonaparte ayant refusé de se mettre au service du Roi. Ni le général, ni Marie ne semblent avoir cherché à les
fréquenter. Marie préfère de loin la musique dans son salon aux discussions politiques et l’ancien soldat doit se
contenter de rêver aux campagnes passées. En janvier 1817, Marie enceinte, décide d’aller jusqu’en Pologne pour
y régler certaines affaires, revoir son fils Antoni, né de son premier mariage et consulter un médecin très réputé.
Sa santé n’est pas très bonne et la perspective d’une nouvelle naissance inquiète tout le monde. Les nouvelles
ne sont pas réjouissantes car le docteur diagnostique une toxémie aiguë, une maladie des reins survenant pendant
la grossesse. Elle rentre malgré tout à Liège. Le dix juin, le comte d’Ornano déclare à l’état civil la naissance d’un
petit Rodolphe, né la veille. Très faible, la jeune mère tente de surmonter la maladie en se reposant dans la maison
de Fragnée. Elle passe l’été, sur une chaise longue dans le jardin. Elle en profite pour dicter à son secrétaire, ce qui
est supposé être ses Mémoires. C’est à Liège que Marie verra l’été pour la dernière fois. Le célèbre docteur français
Corvisart, appelé en consultation, est pessimiste. Entre-temps, le général reçoit l’autorisation de rentrer en France.
Il y ramène sa famille en novembre, par étapes, pour ne pas fatiguer la malade. Le trente, ils arrivent enfin à Paris.
Onze jours plus tard, à sept heures du soir, le 11 décembre 1817, le cœur de Marie Walewska cesse de battre. Elle
s’éteint dans les bras de son mari. Elle avait eu à peine la force de fêter son trente-et-unième anniversaire quatre
jours plus tôt. Dans son testament, Marie veut que son cœur reste en France mais que son corps soit transporté
en Pologne, dans le caveau familial de Kiernozia, ce qui fut fait quatre mois plus tard. Jusqu’à ce qu’il la rejoigne
dans la mort, le comte d’Ornano gardera dans son bureau l’urne contenant le cœur de Marie. À son décès elle est
placée avec lui dans le caveau familial avec la simple inscription: "Marie Laczynska, comtesse d’Ornano." Ils
reposent encore aujourd’hui, tous deux, au cimetière du Père-Lachaise. Avant de mourir, le général d’Ornano
est devenu sénateur, gouverneur des Invalides, grand chancelier de la Légion d’honneur. Leur fils Rodolphe est
préfet, député, maître des cérémonies à la Cour de Napoléon III. Alexandre sera ambassadeur et ministre d’État.
L'émouvante figure de Marie Walewska, la plus célèbre des maîtresses de Napoléon, suscite des interrogations.
Déjà mariée au comte Walewski, beaucoup plus âgé qu'elle, a-t-elle sacrifié l'honneur conjugal à la noble cause
de la résurrection de la Pologne, ou fut-elle prise de force, comme l'assurait André Castelot ? Ce sacrifice a-t-il
été vain ? Napoléon fut-il vraiment épris de Marie Walewska, épouse polonaise de l'Empereur ou faut-il ranger
simplement cette liaison au-dessus des passades nécessaires au repos du guerrier en raison de sa durée ? À
Sainte-Hélène, Napoléon ne disait-il pas à Gourgaud, sans le moindre attendrissement: "C'est M. de Talleyrand
qui m'a procuré Marie Walewska, elle ne s'est pas défendue." Ce qui est pour le moins brutal. Et le cinéma a
contribué encore à embellir l'histoire en faisant de Greta Garbo une Marie Walewska d'une beauté remarquable.
Bibliographie et références:
- Octave d'Aubry, "Maria Walewska, le grand amour de Napoléon"
- Christine Sutherland, "Marie Walewska, le grand amour de Napoléon"
- Guy Godlewski, "Le destin tourmenté de Marie Walewska"
- Paul Bauer, "Deux siècles d'histoire au Père Lachaise"
- Jean Tulard, "Napoléon Bonaparte"
- Philippe Antoine d'Ornano, "Archives familiales"
- Simone Bertière, "Les femmes de Bonaparte"
- Janine Boissard, "Trois femmes et un empereur"
- Alexandre Walewski, "Archives familiales"
- Rodolphe d'Ornano, "Ma mère, Marie Walewska"
- Alphonse Antoine D'Ornano, "Marie Walewska"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Lorsque Marie Leszczy?ska devient Reine de France le 5 septembre 1725, elle ignore tout des subtilités
de cour et des coteries qui y font rage. Son père, Stanislas, lui a donné pour conseil de se fier entièrement
aux artisans de son mariage, le duc de Bourbon et sa maîtresse la marquise Agnès de Prie. Conseil qui va
se révéler désastreux. Le duc de Bourbon, premier ministre depuis la mort du Régent, et sa maîtresse
Madame de Prie sont au faîte de leur puissance. Louis XV est encore trop jeune et trop influençable pour
gouverner par lui-même. Le couple va s’en charger avec délectation. Marie Leszczy?ska, polonaise sans
fortune ni avenir, fille d’un roi détrôné, n’est pas devenue reine par hasard. Alors que l’on cherche de toute
urgence une épouse au roi capable de lui donner une descendance, son nom est lancé par Madame de Prie.
Elle veut "une fille de roi, mais simple, douce, docile, pieuse à souhait, sans prétentions ni appuis." En effet,
que deviendrait-elle si le jeune souverain épousait une femme de caractère soutenue par une puissante famille ?
Il n’en est pas question. Il lui faut une Reine à sa solde, inexpérimentée, prête à se fier totalement à elle.
Pourquoi ? Tout simplement pour contrebalancer l’influence du cardinal de Fleury, précepteur du Roi, très écouté
et très apprécié par ce dernier. Éblouie par la Cour de Versailles, honorée toutes les nuits par un mari empressé
et métamorphosé par le mariage, qu’elle aime de toute son âme, Marie nage dans le bonheur. Un bonheur qui
ne sera que de courte durée. Moins de quatre mois après son union avec Louis XV, elle va commettre un faux
pas qui va lui coûter cher. Elle fait entièrement confiance à Madame de Prie pour l’aider à s’acclimater et à
s’instruire de ses nouvelles fonctions. Pourquoi en serait-il autrement ? Elle est le principal artisan de cette
union inespérée avec le plus puissant roi d’Europe et son père ne jure que par elle et le duc de Bourbon.
D’autant qu’elle ignore tout de l’aspect sordide des négociations qui l’ont conduite dans le lit du roi et ne sait rien
du passé peu recommandable du duc et de la marquise. La maîtresse du duc de Bourbon jubile. Loin d’apprendre
à sa protégée toutes les subtilités de l’étiquette, et de l’aider à arbitrer les querelles de préséance, elle use de
son ascendant et se joue de la naïveté de la jeune reine pour combler de faveurs ses amis, à l’exclusion des autres.
Marie Leszczy?ska est obsédée par Mme de Prie. Il ne lui est libre ni de parler à qui elle veut, ni d’écrire. Madame
de Prie entre à tout moment dans ses appartements pour voir ce qu’elle fait, et elle n’est maîtresse d’aucune grâce.
À soixante-douze ans, le cardinal de Fleury ne s’est pas fait que des amis. Le duc de Bourbon et sa maîtresse ne
supportent pas son influence sur le Roi, qu’il garde en entretien en tête à tête pendant des heures, et son ingérence
dans les affaires. Les deux compères mettent sur pied une manœuvre pour accéder en particulier au roi et tenter de
lui parler librement. Le but ultime étant évidemment d’évincer définitivement Fleury. D’autant que le temps presse,
leur politique est de moins en moins populaire. Marie Leszczy?ska connaît l’attachement du Roi pour Fleury.
Mais elle n’apprécie pas qu’il s’immisce dans sa vie intime, allant jusqu’à lui "donner son avis sur la fréquence idéale
des rapports conjugaux." Jouet facilement malléable par le duc et sa maîtresse, elle va accepter, après quelques
hésitations, d’intercéder en faveur du duc de Bourbon. Nous sommes le 17 septembre 1725. La journée tire sur sa
fin, et Louis XV qui revient de la chasse dispose d’une heure de temps libre avant de retrouver Fleury en entretien.
Marie envoie son chevalier d’honneur, prier le roi de passer chez elle. Louis XV ne se le fait pas dire deux fois,
et rejoint son épouse dans son cabinet. Quelle n’est pas sa stupeur de la trouver en compagnie du Premier ministre.
Certainement incapable de discerner le masque de colère froide sue le visage de son mari, Marie Leszczy?ska
l’assure qu’il lui sera bénéfique de travailler en particulier avec le duc de Bourbon. Ce dernier se lance alors dans la
lecture d’une lettre hostile à Fleury puis demande au roi ce qu’il en pense. Le roi, muré dans un silence de plomb
depuis le début de ce curieux entretien, renouvelle sa confiance au vieux cardinal, son ami. La défaite du duc de
Bourbon est cinglante. Louis XV regagne ses appartements, laissant Marie en pleurs. Il a vu sa femme être
l’instrument des ennemis de son précepteur. Le piège qu’elle lui a tendu maladroitement, l’a mis dans une colère noire.
À la suite de cet épisode, les jours du duc de Bourbon et sa maîtresse à la cour sont comptés. Ils ne vont y survivre
que quelques mois. Marie Leszczy?ska, qui persiste, intercède en faveur de ceux à qui elle se croit intimement liée.
En réalité Louis XV, poussé par Fleury et faisant preuve de dissimulation, s’apprête à leur signifier leur congé. Le duc
de Bourbon est disgracié. Madame de Prie doit regagner ses terres où elle mourra quelques mois plus tard.
Non seulement elle n’a pas mesuré combien le roi était viscéralement attaché à Fleury, qui va d’ailleurs diriger les
affaires de la France jusqu’à sa mort, mais encore se rend-elle compte que l’amour qu’elle porte à Louis n’est pas
payé de retour. Du moins pas de la même façon. En outre, en brusquant ce grand timide qui déteste les drames
et les conflits, distant avec autrui, Marie a commis une faute très grave. Elle dit adieu à ses chances de devenir sa
confidente, et de voir s’instaurer entre eux une réelle complicité. À partir de ce moment-là et ce pour toute sa vie,
Marie aura constamment peur de déplaire au roi, qu’elle aime plus qu’il ne l’aime. Après ces mois éprouvants,
elle a compris qu’il la domine et elle se montre plus docile et plus soumise que jamais. Désormais, leurs relations
seront dénuées de spontanéité et, irrémédiablement, Louis XV se détachera de sa femme trop douce et trop éprise.
Seconde fille de Stanislas Ier Leszczynski et de Catherina Opalinska, Marie Catherine Sophie Félicité naît le 23 juin
1703 en Pologne. Marie Leszczy?ska n’a que six ans lorsque Stanislas Ier perd la couronne de Pologne, au profit
d’Auguste III. En 1717, Anne Leszczy?ska, sœur aînée de Marie, meurt à l’âge de dix-huit ans, laissant une sœur
et une mère inconsolables. La princesse de Pologne se réfugie à Strasbourg en 1720 avec ses parents, grâce
au soutien du Régent, Philippe d’Orléans. Marie est une princesse instruite. Elle connaît le latin, parle plusieurs
langues, dont le français et a reçu l’enseignement des lettres, de la musique, du chant, de la danse et de l’histoire.
Concernant son premier rôle de génitrice, Marie Leszczy?ska le remplit à merveille. En dix ans, elle met au monde
dix enfants. Malheureusement, huit d’entre eux sont des filles, quand le royaume a besoin d’héritiers mâles.
Si les premières années de mariage ont été calmes et heureuses, Louis XV finit par s’ennuyer que son épouse soit
toujours indisposée par ses nombreuses grossesses. Dés 1733, il prend une maîtresse, Louise-Julie de Mailly, mais
la reine ne l’apprendra qu’en 1738. En 1733, Marie a le chagrin de perdre sa fille Louise-Marie et son second fils,
le duc d’Anjou, victimes de maladies infantiles. La France se désole que la reine ne donne plus naissance qu’à des
filles. On dira que “son ventre penche fâcheusement de ce côté-là”, la rendant ainsi responsable de ne pas renforcer
la dynastie par la naissance de garçons. Fatiguée d’être constamment enceinte, Marie Leszczy?ska dira un jour:
"toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher." En cette même année 1733, Louis XV intervient dans la
guerre pour la succession de Pologne, espérant remettre enfin le père de Marie Leszczynska sur le trône vacant.
Marie étant sa seule héritière, la Lorraine reviendra à la France au décès de Stanislas. Les frontières seront ainsi
élargies pacifiquement avec l’annexion d’une région importante d’un point de vue stratégique. En 1735 et 1738, la
reine a fait une fausse-couche, d’un garçon à chaque fois. La seconde perte met un terme à ses grossesses. Les
médecins conseillent à la souveraine de ne plus porter d’enfant, insistant sur le fait qu’il y a désormais un risque
de mort pour elle. Dés ce moment, Louis XV dévoile ses liaisons amoureuses et délaisse son épouse. Celle-ci se
réfugie dans la prière et obtient du roi de pouvoir tenir un petit cercle d’amis. Le couple royal vit sa vie chacun de
son côté. Louis et Marie n’apparaissent plus ensemble que pour les cérémonies officielles. Marie Leszczy?ska
bénéficie alors d’une liberté incroyable pour une reine de France, sans pour autant déroger à ses obligations.
Cette même année 1738, les quatre dernières filles de Marie Leszczy?ska partent pour l’abbaye de Fontevraud,
pour y recevoir une éducation religieuse. Seule Félicité, de santé fragile, ne reverra pas ses parents, victime de
maladie. En 1739, la fille aînée de Marie Leszczy?ska, Elisabeth, dite Madame Infante, épouse l’infant d’Espagne
Philippe de Bourbon. Les autres filles ne se marieront pas. À la cour, les maîtresses du roi se succèdent et Marie
Leszczy?ska prie pour le salut de son époux. Cependant, si le souverain impose ses favorites à la reine, il fait en
sorte de ne pas l’humilier davantage car, à l’inverse de son aïeul Louis XIV, il n’impose pas ses nombreux enfants
illégitimes à la cour, et n’en reconnaîtra qu’un. En 1744, on croit Louis XV perdu lorsqu’il tombe malade à Metz.
Il renvoie sa favorite et promet que, s’il guérit, il demeurera fidèle à la reine. Louis XV se rétablit et reprend des
maîtresses. Marie est résignée. Elle continue ses actions pieuses, se montre charitable envers les pauvres et se
consacre à ses enfants. Elle aime le jeu, ce qui permet à la reine généreuse de pouvoir donner des aumônes.
En 1752, un deuil affecte Marie Leszczy?ska et Louis XV. Leur fille Henriette meurt de la tuberculose. Elle était la
préférée du roi. Le peuple y voit un châtiment de Dieu, pour punir le roi de sa nouvelle liaison avec la marquise de
Pompadour. Marie n’aime guère cette favorite, qui restera vingt ans auprès du roi et jouera le rôle du Premier ministre,
le cardinal de Fleury étant décédé en 1743. La marquise est à la fois la maîtresse, la confidente, la politicienne. Les
enfants du roi, scandalisés par le comportement de leur père, la surnomment "Maman putain." Encore une fois,
la reine trouve refuge dans la prière. À partir de 1759, une série de deuils frappe le couple royal. Madame Infante,
en visite à Versailles, meurt de la variole. Elle est suivie, en 1761, par le fils aîné du dauphin, qui décède de la
tuberculose osseuse. En 1763, c’est au tour d’Isabelle de Bourbon de disparaître prématurément. Le 20 décembre
1765, le dauphin Louis-Ferdinand meurt, miné par la tuberculose. Son épouse Marie-Josèphe se laisse dépérir,
atteinte elle-aussi du même mal, et le rejoint dans la tombe en mars 1767. En 1764, la marquise de Pompadour
était morte d’un cancer, libérant Marie Leszczynska de sa présence à la cour et de son influence sur le roi.
Pourtant, Louis XV et Marie Leszczy?ska vivent séparés depuis trop longtemps pour se rapprocher maintenant.
Résignée, et fatiguée par les deuils, la reine s’éteint le 24 juin 1768 à Versailles, à l’âge de soixante-cinq ans. Aimée
par le peuple, Marie Leszczy?ska est vite oubliée par Louis XV qui reprend une nouvelle favorite, Jeanne Bécu, future
Madame du Barry. Marie laisse l’image d’une reine généreuse mais qui fut discrète, mélancolique et malheureuse car
trop vite délaissée par son époux qu’elle n’a pas réussi à s’attacher. Dernière reine de France à mourir avec sa couronne,
son corps est inhumé à la basilique Saint-Denis, tandis que son cœur repose auprès de ses parents à Nancy.
Bibliographie et références:
- Michel Antoine, "Louis XV"
- Simone Bertière, "La Reine et la Favorite, Marie Leszczynska"
- Jacques Levron, "Marie Leszczynska"
- Anne Muratori-Philip, "Marie Leszczy?ska"
- Benoît Dratwicki, "Les Concerts de la reine"
- Cécile Berly, "Les femmes de Louis XV"
- Maurice Garçot, "Stanislas Leszczynsk"
- Thierry Deslot, "Impératrices et Reines de France"
- Letierce, "Étude sur le Sacré-Cœur"
- Pierre Gaxotte, "Le Siècle de Louis XV"
- Yves Combeau, "Louis XV, l'inconnu bien-aimé"
- Pascale Mormiche, "Louis XV"
- Bernard Hours, "Louis XV et sa cour"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Si Mazarin et Anne d’Autriche ont laissé le jeune roi se divertir avec Marie Mancini, c’est qu’il était important,
après la grave maladie de l’été 1658, de rassurer les sujets sur le complet rétablissement du souverain. Atteint
d’une fièvre typhoïde qui faillit l’emporter après la prise de Dunkerque, Louis XIV a appris que le pouvoir royal
est tributaire de l’état de santé du prince. De multiples cabales ont en effet secoué le royaume et le quotidien
d’une cour toute disposée à porter le roi au tombeau. Après la guérison, Mazarin a songé au mariage du
convalescent. L’aventure avec l’une de ses nièces n’aurait servi qu’à distraire le jeune monarque en rassurant
les cours européennes sur sa capacité à se marier et à faire des enfants. Marie Mancini n’aurait donc servi
qu’à exercer le roi aux plaisirs de l’amour en espérant que, le moment venu, la raison reprendrait ses droits et
que le monarque se détournerait d’elle. Mais les choses se sont déroulées différemment. Après une séparation
en public, le jeune roi inaugure une correspondance avec Marie et la revoit plus tard, à Saint-Jean-d’Angély,
le treize août 1659, alors que les négociations avec l’Espagne ont débuté la veille sur l’île des Faisans.
Pourtant, tout au long de l’été, Anne d’Autriche et Mazarin n’ont eu de cesse de convaincre Louis de ne pas
revenir en arrière et de songer à l’avenir en la personne de Marie-Thérèse. Nombreux sont les contemporains
à avoir reconnu l’amour impossible du roi dans la Bérénice de Racine. Un vers resté célèbre: "Vous êtes empereur,
Seigneur, et vous pleurez." aurait été repris de l’échange survenu entre les deux amants au moment de leur
séparation publique. Plusieurs témoignages accréditent l’hypothèse selon laquelle le roi aurait effectivement
versé des larmes au moment fatidique. Mme de Motteville indique que ces pleurs ont débuté dès la veille au
soir, dans la chambre d’Anne d’Autriche, et qu’ils ont recommencé le lendemain en présence de la jeune femme.
Celle qui est considérée comme étant la première passion amoureuse de Louis XIV naît à Rome le vingt-huit
août 1639 et reçoit le prénom de Marie. Elle est la fille de Lorenzo Mancini et Girolama Mazarini, sœur de Mazarin.
Son père, Lorenzo Mancini, lui prédit dés sa naissance un avenir malheureux. Sa mère, Girolama Mazarini, sœur
de Mazarin, a déjà trois enfants dont deux filles lorsque Marie vient au monde et remarque bien vite que de toutes
ses filles, elle est celle qui a le moins de charme, a le visage le plus ingrat. Après Marie, Mme Mancini aura
encore plusieurs enfants qui porteront la famille à huit héritiers. Dés 1647, le cardinal de Mazarin fait venir sa
famille à la cour de France. Il espère ainsi marier ses nièces et ses neveux à de bons partis. La jeune fille
rejoint la France en 1655, après la mort de son père, survenue en 1650. Olympe, est déjà courtisée par Louis XIV.
Malgré la Fronde qui éclate en 1647, Laure parvient à épouser la même année, le duc de Mercœur, petit-fils
d’Henri IV et de sa maîtresse, Gabrielle d’Estrées. Après la Fronde en 1655, Madame Mancini emmène le reste de
ses enfants à Paris. Son époux, Lorenzo Mancini est mort en 1650. Alors que toute la famille est présentée à
la cour, Marie est mise dans un couvent à cause de son caractère inconvenant et ses mauvaises manières. En
décembre 1656, sa mère finalement s’éteint, emportée par une maladie. Girolama meurt en recommandant sa
fille, Marie Mancini, à son frère, le cardinal de Mazarin, pour qu’il la mette au couvent pour y finir ses jours. Malgré
les recommandations de Girolama, Marie est enfin libre et peut aller où elle veut. C’est à cette occasion qu’elle
apparaît à la cour pour la première fois. Elle trouve que sa sœur aînée, Olympe est déjà courtisée par Louis XIV
depuis quelques temps. Il ne faut pas attendre longtemps, pour que Marie tombe sous le charme du jeune Louis.
En 1657, sa sœur est finalement mariée au comte de Soissons. En 1658, une occasion vient montrer la grande
passion qu’elle a pour le roi. Celui-ci, parti guerroyer à Calais, est prit de fortes fièvres à Compiègne et il semble
que ses jours soient comptés. Marie, amoureuse depuis longtemps mais en secret de Louis, éprouve un profond
chagrin. Quand Louis XIV se remet de sa maladie, il apprend la tristesse que la jeune femme avait eue lors de
sa maladie, et conçoit peu après une violente passion pour elle. Cette nouvelle liaison ne fait qu’attiser la jalousie
d’Olympe qui manifeste immédiatement une haine incommensurable à sa sœur. Elle souhaite à tout prix sa perte.
Elle ne comprend pas comment cette fille, qui sans être d’une grande beauté, a réussi à conquérir le cœur du roi.
Car il faut le dire, Olympe est plus belle que Marie Mancini. Et selon les dires de l’époque, Marie n’est pas très
belle, elle n’a pas la blondeur et les rondeurs de l’époque. Pour le séduire encore plus, Marie lui fait découvrir
les connaissances qu’elle a. En fait, Louis aime la littérature, la mythologie et Marie Mancini veut briller devant
en lui montrant qu’elle connaît ces choses. Elle lui fait aussi partager sa passion pour la poésie. La liaison entre
Louis et Marie éclate pendant le séjour de l'ensemble de la cour réunie à Fontainebleau, durant l’automne 1658.
En fait, Louis fait donner plusieurs fêtes somptueuses, des feux d’artifice, en l’honneur de sa bien-aimée, Marie.
La Cour comprit que c’est Marie, la nouvelle élue dans le cœur du roi et espérant en tirer des profits, tous les
courtisans se mettent aussi à courtiser Marie. Cela ne fait qu’aviver la jalousie de ses sœurs et surtout Olympe
qui avait espéré d’être toujours auprès du roi. La liaison entre Louis et Marie fût des plus platoniques. Dans les
premiers temps, Mazarin est content de voir sa nièce être aimée du roi car cela éloigne de lui des femmes
intrigantes et ambitieuses. Néanmoins, Louis commence à aimer beaucoup Marie et prévoit de l'épouser. Cette
fois, c’en est trop pour Anne d’Autriche. Elle menace Louis de faire révolter tout le pays et de le faire marcher
contre lui et à leur tête, son propre frère, le duc d’Orléans. Au début, la reine-mère pense que Mazarin approuve
cette union car Marie est sa nièce. Or elle se trompe, Mazarin avait prévu depuis longtemps l’union entre Louis
et la petite infante d’Espagne et de plus, sa nièce le haïssait. Donc Mazarin avait tout à craindre si un jour,
sa nièce parvenait à épouser Louis XIV, celle-ci aurait poussé son époux à le disgracier. Entre amour et haine.
Mazarin et Anne doivent feindre d’unir Louis XIV à Marguerite de Savoie pour éveiller de la jalousie chez le roi
d’Espagne, Philippe IV. Louis, se sentant maître de lui-même, refuse de se séparer de Marie. Il l’aime à la folie
et ces projets de mariage entre la Savoie ou l’Espagne ne lui font pas changer d’avis. Mais la reine-mère fait
entendre à son fils les méfaits qu’il y aurait s’il s’obstine à rester avec Marie. Louis XIV n’a plus de choix et pour
des raisons politiques ainsi que pour le bien de la France, il doit hélas quitter Marie. Craignant en effet l’autorité
de sa mère, Anne d’Autriche, Louis XIV est obligé de se séparer de Marie. Avant de quitter la cour, voyant le roi
pleurer, Marie ne peut s’empêcher de dire: "Vous pleurez Sire, vous êtes le maître et moi je pars." Marie Mancini
rejoint Brouage avec ses jeunes sœurs Hortense et Marie-Anne. En 1659, alors que Louis XIV part pour l’Espagne,
on lui accorde d’aller rendre visite à Marie à Cognac. C'est la dernière fois que Marie et Louis se voient seuls.
Bien que ne connaissant pas la future épouse de son fils, Anne d’Autriche en témoigne de l’affection, puisqu’elle
est sa nièce. Elle est la fille de Philippe IV, qui est son jeune frère. Elle éloigne Marie de Louis XIV, cette fois pour
de bon. Après avoir eu une liaison amoureuse avec Charles de Lorraine, Marie épouse en 1661 Lorenzo Colonna,
Connétable de Naples, un homme beau et riche que son oncle Mazarin lui a trouvé avant de mourir. Dès lors,
Marie mène un grand train de vie. Son époux est très amoureux d’elle et lui donne tout ce dont elle a envie.
Mais il ne faut pas attendre longtemps pour que Marie découvre la vraie nature de son époux. En fait, celui-ci la
trompe ouvertement avec d’autres femmes. Même si son époux la trompe, Marie n’en est pas plus fidèle. Elle
s’affiche avec d’autres galants, profite de la vie et sort plus régulièrement, allant dans plusieurs fêtes et bals.
Après huit années de leur mariage, Marie Mancini apprend que son époux a eu plusieurs bâtards que nombre
de ses maîtresses lui ont déjà donné. Exaspérée, elle refuse de partager son lit conjugal avec son époux puis finit
par s’enfuir, laissant derrière elle ses trois fils, tous jeunes. Elle, sa sœur Hortense, et son jeune frère Philippe
commencent à mener une vie dissolue. Enfin, pour éviter le scandale et que tout le monde ne sache pas ce
qui se passe, Lorenzo Colonna poursuit son épouse pour la faire enfermer dans un couvent. Marie craignant pour
sa vie, à tort, s’enfuit dans toute l’Europe, n’étant pas sûre où elle est en sécurité. En 1672, pour échapper à son
époux, Marie doit se réfugier chez sa jeune sœur Hortense. Arrivée avec elle à Aix en vêtements masculins, sa
ferme intention était de revenir à la cour. Et là, elle demande un passeport à son ancien amant. Mme de Montespan,
alors favorite en titre y met le holà en démontrant au roi combien la situation serait délicate s’il l’accueillait en
présence de la reine. Louis XIV se revisa et pria la voyageuse de se retirer dans un couvent ou de regagner l’Italie.
Marie s’installe d’abord à l’abbaye du Lys, près de Fontainebleau. C’était encore près. La marquise de Montespan
exige une retraite dans une plus lointaine province. La "Mazarinette", "outrée de douleur", séjourne quelques mois
à Avenay, non loin de Reims, puis descend à Nevers et là, ne trouvant aucun couvent agréable, demande asile au
duc de Savoie. Après, elle prend la route vers l’Espagne où elle mène une vie nomade à Madrid, où ne pouvant pas
mener un train de vie digne de son rang à cause de l’absence de ressources, elle erre d’habitation en habitation,
allant même dans un couvent. En hiver 1691-1692, Marie fait un séjour à Rome où elle se trouve mal à l’aise et
décide de retourner à Madrid. La France et l’Espagne sont encore en guerre et Marie a besoin d’un nouveau
passeport. Elle l’obtient en échange de ne pas quitter son parcours. L'errance se poursuit encore de ville en ville.
En 1700, la succession au trône espagnol est un bouleversement car c’est le petit-fils de son ancien royal amant,
Philippe V, qui devient roi d’Espagne. Ayant porté son choix sur le rival de Philippe V, Marie est obligée de s’exiler.
Alors qu’elle a plus de cinquante ans, elle obtient l’autorisation de retourner à Paris où le roi lui fait adresser "milles
honnêtetés." Mais son amour d’autrefois ne veut plus la revoir. Après 1700, Marie Mancini finira par retourner en
Italie d’abord à Rome puis à Pise où elle décède le 8 mai 1715 à l'âge de soixante-quinze ans, quelques mois avant
Louis XIV qui refusa toujours de la revoir. Après sa mort, elle est inhumée dans le couvent du Saint-Sépulcre. Son fils
favori, le Cardinal Charles, fera graver sur sa tombe, située à l'entrée de l'église, l'inscription “Cendres et poussière”.
Bibliographie et références:
- Claude Dulong, "Marie Mancini, la première passion de Louis XIV"
- Anne-Marie-Louise d'Orléans-Montpensier, "Mémoires"
- Luce Herpin, "Le Roman du grand roi; Louis XIV et Marie Mancini"
- Henry Bordeaux, "Marie Mancini"
- Michel Bernard, "Brouage, Lausanne"
- Gerty Colin, "Un si grand amour, Louis XIV et Marie Mancini"
- Claudine Delon, "Marie Mancini"
- Françoise Mallet-Joris, "Marie Mancini"
- Simone Bertière, "Les Femmes du Roi Soleil"
- Pierre Combescot, "Les Petites Mazarines"
- Frédérique Jourdaa, "Le Soleil et la Cendre"
- Emile Ducharlet, "La ballade de Marie Mancini"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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En 1615, Anne d’Autriche, infante d’Espagne, quitte son pays natal pour lier son destin à celui de Louis XIII.
Ses espoirs seront vite anéantis. Tenue à l’écart des affaires de l’État par son époux et sa belle-mère, tous
deux jaloux de leurs prérogatives, elle découvre par ailleurs le peu d’attirance du roi pour le beau sexe. Sa
vie devient un enfer. Une entrevue galante à la nuit tombée, avec le séduisant duc de Buckingham fait
scandale dans les cours européennes et déchaîne la fureur d’un souverain humilié. Le cardinal de Richelieu,
qui gouverne la France d’une poigne de fer, espionne désormais la reine sans relâche tandis que la duchesse
de Chevreuse multiplie les intrigues autour d’elle, provoquant de graves crises qui ébranlent le trône. Parvenir
à embrasser les intérêts de la France et se sentir enfin reine, tel sera l’enjeu douloureux d’Anne d’Autriche
jusqu’à la naissance de son fils, le futur Roi-Soleil. Raison souveraine la cueille comme le bouton de rose
qu’elle est en 1615, alors qu’âgée de quatorze ans, elle épouse le roi de France. Louis XIII a le même âge,
il est en quête d’amour. Sa mère, Marie de Médicis, l’en a privé durant toute son enfance, lui préférant son
frère et l’élevant dans la crainte de Dieu et de ses châtiments. La responsabilité de cette femme dans l’échec
de la vie conjugale de son fils est énorme. Henri IV, son père, est assassiné quand il n’a que huit ans. Il voit
le cadavre que l’on ramène au Louvre, il en est traumatisé. Mais un roi ne doit pas pleurer. "Père manquant,
fils manqué" disait Corneau. Fille de Philippe III d'Espagne et de Marguerite d'Autriche, grande, belle, telle
que l'ont peinte Rubens (musée du Prado) et Mignard (musée du Louvre), héroïne enfin d'Alexandre Dumas,
la reine a suscité amitiés fidèles et animosités redoutables. Louis XIII ne l'aime guère, Richelieu s'en méfie.
Le 18 octobre 1615, après des années de négociations rendues difficiles encore par l’opposition huguenote
au mariage en France, Louis XIII épousait l’Infante d’Espagne, tandis que sa sœur Élisabeth était unie à l’Infant
Don Philippe, futur roi d’Espagne. Cet événement était censé mettre fin définitivement à la longue rivalité
politique et territoriale entre les deux puissances. Aussi bon nombre de publications célébrèrent-elles le double
mariage princier en des termes dithyrambiques et se firent-elles l’écho des fêtes somptueuses organisées
pendant près de deux mois des deux côtés de la frontière. Une riche iconographie ornait les architectures
éphémères, de nombreuses comparaisons et métaphores érudites émaillaient les discours officiels, dont le
but évident était de célébrer le mariage et la consolidation des relations pacifiques entre la France et l’Espagne.
Mais ces images étaient essentiellement ambivalentes, ambiguës même. En effet elles servaient moins à
construire des représentations paradigmatiques du mariage et de l’union qu’à forger un ensemble de fictions
destinées à affermir politiquement un royaume en période de reconstruction. Comme telles elles articulaient
les mêmes questions de pouvoir souverain et d’impérialisme que les autres rituels monarchiques du règne.
Les fêtes qui marquèrent le long séjour du roi et de la cour à Bordeaux à l’automne 1615 furent multiples et
variées. Il y eut tout d’abord son arrivée et entrée dans la ville le sept octobre, puis son mariage et celui de
sa sœur Élisabeth par procuration, à Bordeaux et à Burgos, simultanément, le 18 octobre de la même année.
Le retour à Paris n’eut lieu que le 16 mai suivant, avec tout l’apparat d’une entrée solennelle. L’annonce des
mariages en 1612 avait été le prétexte de multiples réjouissances dans la capitale et ailleurs, et notamment
d’un splendide carrousel, dit du Palais de la Félicité, donné sur la place Royale, à Paris, le seize avril 1612.
Derrière cet accord de façade entre la France et l’Espagne, se dissimulaient cependant les prétentions plus
nationalistes de la part des Bourbons. Loin de manifester un désir de partage d’influence et de souveraineté
avec l’Espagne, les emblèmes et autres images retenues n’envisageaient en fait l’instauration de la paix avec
la maison d’Autriche que comme un moyen destiné à faciliter l’avènement de la France à la domination
suprême sur la Chrétienté. L’alliance n’apportait pas l’égalité entre les deux puissances nouvellement
réconciliées, ni l’abandon de leur traditionnelle rivalité, elle venait plutôt consacrer la suprématie de la France
en Europe et, imaginairement, dans le monde. La jeune infante d’Espagne Anne d’Autriche, fille aînée de
Philippe III, née en 1601, devient reine de France par son mariage avec Louis XIII en 1615. Il faut attendre
1638 pour que la reine accouche d’un enfant, Louis Dieudonné, futur Louis XIV. La maternité constitue un
tournant majeur dans la vie d’Anne d’Autriche, qui acquiert ainsi le statut de mère de l’héritier du trône que
les régnicoles lui souhaitent depuis de longues années. Les relations avec Louis XIII, marquées par les
tensions voire la conflictualité, peinent cependant à s’apaiser. À la mort du roi en 1643, le jeune Louis XIV
n’a que quatre ans et huit mois, et Anne d’Autriche assure la régence du royaume de France. Veuve et
mère du roi, elle défend avec jalousie l’autorité de son fils en même temps qu’elle s’appuie sur le cardinal
Mazarin pour exercer l’autorité souveraine. Ce dernier a toujours compté sur son indéfectible soutien.
Même s'il n'y eut jamais de mariage secret. Paresseuse, peu instruite, c'est un trait qu'elle partage avec
nombre de membres des familles régnantes de l'époque, aussi entêtée qu'autoritaire, elle n'a plus, après la
mort de son mari, qu'un souci, celui de léguer à son fils un royaume intact. Pour simplifier, disons qu'elle a eu
deux carrières politiques successives. Jusqu'en 1643, elle chaperonne l'opposition, participe peu ou prou à
tous les "complots", comme ceux de Chalais ou de Cinq-Mars, entretient avec son frère Philippe IV une
correspondance secrète qui témoigne de plus d'inconscience que de réelle trahison. Tout change avec
Mazarin. Elle se laisse aveuglément guider par l'italien, par celui qui fut peut-être l'un des plus brillants
hommes d'État du XVII ème siècle, au plus grand bénéfice de la monarchie française. Justifiée par les
besoins de la politique de rapprochement franco-espagnol de Marie de Médicis, cette union ne produit pas
d’abord tous les fruits attendus. Si les hostilités ne reprennent officiellement qu’en 1635, le roi montre peu
d’empressement auprès d’une personne qui passe néanmoins pour bien faite, et à ce dédain apparent, ou
tout au moins à ce manque d’attention, Anne répond en manifestant des sentiments espagnols de plus en
plus ardents à mesure que la menace de guerre se précise. Il faudra attendre l'intervention de Luynes.
Tout son comportement attise la défiance d’un époux naturellement soupçonneux. C’est d’abord l’affaire
Buckingham, en 1625, dont elle comprend le danger à temps, aidée par son sens de l’honneur espagnol.
C’est ensuite le complot de Chalais, en 1626, auquel elle est mêlée comme à toutes les intrigues maladroites
où Madame de Chevreuse parvient à l’engager. Elle se fait ainsi un ennemi de Richelieu, qui l’espionne avec
régularité et qui semble l’avoir longtemps desservie dans l’esprit du roi. Au point de vue psychologique et
moral, la détérioration des rapports conjugaux atteint son comble avec la découverte, en 1637, de la
correspondance secrète qu’elle entretient avec le roi d’Espagne Philippe IV et le cardinal-infant. Bien que l’on
admette généralement qu’elle est alors à deux doigts de sa perte, il n’est pas sûr qu’elle ait livré ainsi à ses
frères des renseignements de première importance. Quoi qu’il en soit, la disgrâce est très brève. En 1638,
naît le dauphin tellement attendu de tous les Français. Il n’est plus possible de répudier la mère du futur roi.
La reine est devenue indispensable, non seulement au roi, mais encore à la politique de son ministre. Elle
aurait acquis en 1642 les bonnes grâces de Richelieu en lui dévoilant les secrets du complot de Cinq-Mars.
La reine a-t-elle bien trempé dans le complot ? Rien ne permet de l’affirmer. La mort de Louis XIII, en 1643,
est une autre grande date dans la vie d’Anne d’Autriche. La régence à peine ouverte, la reine fait casser le
testament de son époux. Elle a désormais tous les pouvoirs, en particulier celui de confier les affaires du
royaume à qui lui plaît. Elle a le bon goût de nommer Mazarin chef de son Conseil. Ceux qui comptaient
sur la régence pour renverser l’ordre voulu par Richelieu et conquérir les bonnes places doivent déchanter.
Les nombreux Importants, les ambitieux ou les simples aigris réclament à grands cris le renvoi de Mazarin.
C’est mésestimer le caractère de la souveraine. Persuadée que son autorité est en jeu, Anne d’Autriche
commence par confirmer les fonctions de Mazarin dont le pouvoir sera aussi illimité que celui de Richelieu.
Et aussitôt après, elle frappe un grand coup en renvoyant en prison le plus fou des Importants, Beaufort ,
qui n’est pas encore le héros de la populace. Il n’en faut pas plus pour réduire au silence, pendant quelques
années, les velléités d’opposition. Il est difficile d’évaluer indépendamment l’action politique de la reine et
celle de son ministre pendant la période de la Fronde de 1648 à 1653, et plus généralement pendant les
dix-huit années qui séparent le règne de Louis XIII et le règne personnel de Louis XIV de 1661 à 1715.
Dès le début de la régence, la Cour, frappée par l’unité d’inspiration qui préside aux destinées du royaume,
avait conclu que la veuve de Louis XIII avait trouvé dans le cardinal un amant qui la consolait de ses déboires
passés. Sans qu’il soit possible de nier l’inclination d’Anne pour son favori, et l’influence de ce sentiment sur
la politique française, il ne faudrait pas raisonner en auteur de mazarinades et faire de la reine un jouet entre
les mains d’un intrigant italien. Les actes autoritaires de la régence ont été décidés par elle et Mazarin. Lorsque
les circonstances obligeaient à les révoquer, la reine a toujours fait beaucoup plus de résistance que son ministre.
Inversement, les actes conciliants ont été presque tous engagés ou inspirés par Mazarin. L’association d’une
Espagnole et d’un Italien a permis la conclusion définitive des traités de Westphalie en 1648, l’abaissement
des grands qui s’étaient cru à tort revenus au bon temps de la régence de Marie de Médicis, l’anéantissement
des prétentions politiques du parlement de Paris, la négociation et la conclusion du traité des Pyrénées en
1659, avec le mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse, qui était depuis longtemps le grand dessein personnel
de la reine. Ce n’est pas tout ce que Louis XIV doit à sa mère. Il semble que celle-ci lui ait légué une grande
partie de sa dignité et de sa majesté naturelle. Par sa volonté, le roi reçoit une instruction assez peu étendue
peut-être, mais solide et pratique, faite de principes simples, débarrassés des préjugés à la mode. Après la mort
de Mazarin, Anne n’a plus aucune part au gouvernement du royaume. Elle n’en continue pas moins de bénéficier
de l’affection de son fils. Anne d'Autriche, qui a toujours joui d'une bonne santé, atteinte d'un cancer du sein,
s'éteint le 20 janvier 1666, à l'âge de soixante-quatre ans. Son mariage secret avec Mazarin n’a jamais été prouvé.
Bibliographie et références:
- Ruth Kleinman, "Anne d'Autriche"
- Philippe Alexandre, "Pour mon fils, Pour mon Roi"
- Simone Bertière, "Les deux régentes"
- Aimé Bonnefin, "La monarchie française"
- Jean-Christian Petitfils, "Louis XIII"
- Michel Duchein, "Le duc de Buckingham"
- Jean-Christian Petitfils, "Louis XIV"
- Claude Dulong, "Anne d'Autriche"
- André Castelot, "L'Histoire insolite"
- Pierre Chevallier, "Louis XIII"
- Claude Dulong, "Anne d'Autriche"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Cédant aux revendications du parti anti-autrichien de la cour, Louis le Bien-Aimé lance en 1741 son royaume
dans la guerre de Succession d’Autriche, qui durera sept ans, malgré l’opposition du vieux cardinal de Fleury,
qui décède deux ans plus tard. Dorénavant, à l’image de son grand-père, Louis XV, âgé de trente-trois ans,
gouvernera sans Premier ministre. Si durant les premières années de guerre, la monarchie française collectionne
les succès militaires, telle la bataille de Fontenoy en 1745, celle de Rocourt en 1746, et enfin celle de Lauffeld en
1747, la défaite rencontrée à l’issue de la bataille de Plaisance de 1746 met cependant un terme aux espoirs
français d’établir la frontière nord du royaume le long du Rhin, aux Pays-Bas autrichiens. Cette guerre affaiblit
la monarchie au point de vue financier. Si les dépenses de la guerre de Succession de Pologne s’étaient chiffrées
à près de deux cents millions de livres, la guerre de Succession d’Autriche, premier grand conflit terrestre et
maritime du règne de Louis XV, pesa plus lourdement encore sur le budget. Le conflit engloutit plus d’un milliard
de livres, accroissant dès lors la dette de l’Etat. Le traité d’Aix-la-Chapelle, signé en 1748, restitue toutes les
conquêtes françaises aux Autrichiens, suscitant le mécontentement des généraux de Louis XV et l’indignation
dans tout le royaume. Mécontents, les français avançaient que "Louis XV avait travaillé pour le roi de Prusse."
La popularité du monarque connaît après cette paix une large érosion, alimentée de surcroît par les rumeurs
de la cour évoquant un roi égoïste et jouissif, plus préoccupé des plaisirs que lui procuraient ses maîtresses que
par la conduite de l’Etat. Pourtant, le roi formait autrefois un couple solide avec Marie Leszczy?ska, avant que
la lassitude vienne s’installer, la reine étant épuisée par ses maternités trop rapprochées. Ses grossesses
répétées l’ont tenue écartée des activités préférées du roi, la chasse et les divertissements. Bien qu’instruite,
elle manque de l’éclat capable de retenir Louis XV. La reine finit par se plaindre à son père de l’infidélité
récurrente de son mari volage, tombé successivement sous le charme des quatre sœurs de Mailly-Nesle: Louise
Julie, comtesse de Mailly; Pauline Félicité, comtesse de Vintimille; Diane Adélaïde, duchesse de Lauraguais;
Marie-Anne, marquise de La Tournelle et duchesse de Châteauroux. Tour à Tour, elles furent ses favorites.
Aînée des cinq filles de Louis III de Nesle, Louise-Julie née le 16 mars 1710, la même année que Louis XV. Elle
n’a que seize ans lorsqu’elle épouse en 1726 Louis-Alexandre, comte de Mailly. Grâce à sa haute naissance,
Louise entre dès l’âge de dix-neuf ans au service de la reine Marie Leszczynska comme dame d’honneur. La jeune
femme fut délivrée de son époux qui n’appréciait pas la cour et demeurait sur ses terres. Quant à sa mère,
Armande-Félicitée, elle est la petite fille d’Hortense Mancini et donc par conséquence, arrière-petite-nièce du
célèbre cardinal de Mazarin. Louise-Julie donc par son père et sa mère, appartient à des illustres et nobles
familles. Louise-Julie ne passe pas une enfance paisible, sa mère fréquente beaucoup d’amants et elle n’a que
seize ans lorsqu’elle épouse en 1726 Louis-Alexandre, comte de Mailly, qui est le cousin germain de son père.
Le comte de Mailly, de seize ans son aîné était débauché, le contrat de mariage ne fut pas respecté par les
beaux-parents, et le couple se trouva dépourvu de moyens. On disait: " C'est le mariage de la faim et de la soif."
La jeune Louise-Julie prit dans l'entretemps, un amant, le marquis de Puisieux qui en devient amoureux et qui
la consola de son mari. Le roi la remarque dès 1732 mais ne fait rien car il est encore très épris de son épouse.
Pourtant, les grossesses à répétition de la reine commencent à lasser Louis. Bachelier et Lebel pourvoient à leur
maître quelques passades amoureuses mais qui n'assouvissent pas ses désirs. Le Cardinal de Fleury dut se
rendre à la réalité. Il fallait trouver au souverain une maitresse-en-titre capable de lui tirer de son ennui. Afin
d'éviter que le choix du roi ne se porte sur une femme ambitieuse susceptible d'exercer quelque influence sur
le souverain, Le choix se porta sur Mme de Mailly. Ainsi, et avec la complicité du Cardinal de Fleury ainsi que
celle de Mlle de Charolais, de la comtesse de Toulouse ainsi que de Bachelier, premier valet de chambre du roi,
Louise entreprend une relation avec le roi pour le sortir de son ennui. Mais il fallait d'abord chasser l'encombrant
marquis de Puisieux qui était fou amoureux de sa maîtresse. Pour l'éloigner de bon de Mme de Mailly, on lui fit
miroiter le poste d'ambassadeur à Naples mais il refusa disant qu'il ne partirait que sur ordre de sa maitresse. Et
ce que fit Mme de Mailly. Le marquis fut surpris par sa décision à laquelle il ne se connaissait pas de successeur.
La liaison de Louis XV et de la comtesse de Mailly débutera en 1733 et restera secrète jusqu’en 1737, année
où la reine donne naissance à sa dernière enfant, Madame Louise et les deux amants utiliseront des portes et
couloirs dérobés pour se voir. Mais en 1738, Marie Leszczynska ferme définitivement la porte de sa chambre au
roi pour raison de santé. Les médecins lui ayant conseillé de ne plus tomber enceinte car une autre grossesse
pouvait nuire à sa santé. Louis s’affiche alors publiquement et sans scrupules avec la comtesse de Mailly. Ses
contemporains décrivent le portrait d'une jeune femme enjouée, bonne, tendre, adroite et désintéressée.
Pourtant Louise qui est si douce et réservée, est sans grande beauté. Elle a un long nez, une grande bouche,
un teint brun, cheveux bruns, des joues plates, une voix rude et une démarche masculine. Mais elle a un front
"ayant le poli d’ivoire", est très bien faite et adore l’intimité. Elle est aussi fort élégante et sait mettre en valeur
quelques avantages que la nature lui a donnés. Le valet de chambre de Louis XV la dépeint ainsi: "Grande
et bien faite, c'est une très belle brune piquante, sa gorge est blanche et ses yeux sont magnifiques".
Louise fut certainement celle qui, parmi les sœurs Nesle, et presque toutes les favorites de Louis XV, aima le
roi d’un amour totalement désintéressé voire sincère. Eloignée de toute intrigue, Mme de Mailly reste en
extase devant ce souverain qui lui témoigne régulièrement sa flamme, malgré les scrupules religieux qui
l'assaillent parfois. En fait il quittait parfois sa maîtresse pour rejoindre le lit de la Reine où pleurant et à
genoux, lui demandait plusieurs fois de lui accorder le pardon. Malgré sa position de favorite royale, elle ne
demandait rien au roi ni pour elle ni pour ses proches. Louis XV d’ailleurs, ne lui donnait presque rien puisqu’elle
ne le demandait pas. Même la pension qu’il lui versait était bien maigre et Louise portait parfois des robes
trouées et usées. Quoique Louise-Julie de Mailly-Nesle soit la favorite déclarée de Louis XV, en revanche,
elle est respectueuse envers la reine. Louis XV parait heureux de sa maitresse et Fleury est satisfait d'un plan
qui n'entrave pas la marche du gouvernement. Malheureusement, il ne va pas pourtant tarder à déchanter.
Louise, dans sa grande naïveté introduit bientôt à Versailles sa sœur Pauline qui vient de finir son éducation
au couvent de Port-Royal. Après avoir écrit plusieurs lettres à sa sœur, Pauline veut venir à la cour et la
supplanter dans le cœur du roi. Pauline est aussi insolente, mordante et laide que sa sœur aînée est réservée,
timide et sans grande beauté. Il apparaît bien vite que Louise ne sert plus que de paravent aux amours du roi
et de sa sœur. Mais en septembre 1741, Pauline décède brusquement lors d’un accouchement et Louis, éploré,
retourne auprès de la comtesse de Mailly. Le roi installe Mme de Mailly dans un appartement secret aménagé
au-dessus du sien. Leur relation reprit mais Louise-Julie ne parvenait plus à égayer les petits soupers des
cabinets. Elle pleurait et le roi aussi. Lorsque celui-ci partageait son lit, il se réveillait pendant la nuit pour
réciter un acte de restriction. Pour se recoucher ensuite auprès de sa maîtresse parée comme une châsse
puisqu'elle ne pouvait pas dormir sans ses bijoux. Elle avait appelé une autre de ses sœurs, Mlle de Montcavrel
qui fut sa maitresse de très courte durée. Il l'avait renvoyée et s'empressa de la marier au duc de Brancas.
La cour s'enlisait dans l'ennui et les courtisans se demandaient qui allait succéder Mme de Mailly dans le lit
du roi. Et une fois de plus, Louise encore sans défiance, fait entrer à la cour ses deux dernières sœurs, les
plus jeunes, Hortense et Marie-Anne. Le roi de France alors amoureux fou, courtise la première, qui repousse
ses avances puis la deuxième, qui finit par accepter de devenir sa maîtresse en titre. Louis XV mettra alors
définitivement un terme à sa relation avec Louise. Celle-ci quitte alors Versailles en 1742 pour Paris où,
honteuse, elle porte désormais un cilice. Elle vient d’être bannie par le roi à la demande de sa sœur, Marie-Anne,
qui souhaite être la seule favorite officielle de Louis XV. Louise de Mailly se retire à Paris où elle vit dans la
charité, la dévotion et la pauvreté. Touchée par un sermon du père Renaud, Mme de Mailly se sentit tout à coup
ravie et dégoûtée d'elle-même par cette parole douce et pénétrante qui parlait du bonheur de vivre avec Dieu.
Un jour où elle devait dîner chez M. de Boissière, elle faisait dire qu'elle ne pouvait plus s'y rendre et c'est là
qu'on apprit le renoncement de Mme de Mailly. Elle quittait le rouge et les mouches. Elle s'était complètement
métamorphosée et de ce jour, elle se vouait à une pénitence exemplaire. Le Jeudi Saint de l'année 1743, la
cour et le peuple se pressaient chez les sœurs grises de Saint-Roch pour voir Mme de Mailly, qu'accompagnait
la jeune veuve du duc de La Trémoille pour le lavement des pieds. Elle consacrait tout son argent pour des
bonnes œuvres. Elle ne s'employait qu'à visiter les pauvres, n'hésitant pas à se dépouiller en secours et en
charités, à peine se réservait-elle pour son nécessaire personnel deux ou trois écus de six livres. Cette vie de
sacrifice menée avec courage, avec gaîté même, dura jusqu'au 5 mars 1751 où la comtesse de Mailly mourait
à l’âge de quarante-et un ans en odeur de sainteté. Son légataire universel fut le jeune comte du Luc, fils du
roi et de sa jeune sœur, Mme de Vintimille, qu'elle avait adopté. Son exécuteur testamentaire, le prince de Tingry
à qui elle laissa un diamant de prix et une somme de 30 000 livres qui était destinée à payer ses créanciers.
L'ancienne favorite fut enterrée selon ses veux, au cimetière des Innocents, à Paris, parmi les plus pauvres.
Bibliographie et références:
- Alain Decaux et André Castelot, "Dictionnaire d'histoire de France"
- François Bluche, "Louis XV"
- Michel Antoine, "Les favorites de Louis XV"
- Marc Langlois, "Louise-Julie de Nesle"
- Pierre-André Laurens,"Louise-Julie de Nesle"
- Bernard Hours, "Louis XV : un portrait"
- Paul Del Perugia, Les amours de Louis XV"
- Jean-François Solnon, "La Cour de France"
- Jean Meyer, "Louis XV"
- Simone Bertière, "Les amours de Louis XV"
- Evelyne Lever, "Le crépuscule des rois"
- Jean-Christian Petitfils, "Louis XV"
- Jacqueline Suzanne, "Louise-Julie de Nesle"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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