Publication BDSM
Le siècle des lumières
Me voilà transporté en plein milieu du XVIIIe siècle, celui-là même que l’on dit bercé de lumières, versé en compagnie qui ne se quitte, dans la plus ouest des chambres d’une fastueuse demeure. De longs et brossant voilages s’ébattent, abattus en des regards semblants, cerbères diaphanes en garde du fastueux lit de bout. Combien de débats acteurs et spectateurs se sont joués sous ce trônant baldaquin ?? Témoins aux loges d’une élite sans l’habit, répondant pour qui de la réputation mondaine, figurations libres d’une société exempte de la morale Benoîte(1) et fort pensante.
Des toiles aux lignes courbes, à la peau nymphe et pâle, Watteau, Boucher et autres contributeurs, ornent le nu des murs, et habillent les couloirs et appartements de la labyrinthique bastide ; illustrations du goût aventuré, et des mœurs sans contredit libertines du maître des lieux.
Mon hôte et intrigante se montre allongée dans la tournure de son plus intime appareil, délestée de ses gouvernants effets – de là une longue robe volante à plis larges, le déplié d’un
baleiné, ses jupons de dessous, l’auteur modeste, le cancre secret – empilés sur un coussin de fauteuil dans l’arrangement de leur effeuillage.
Dame Lauraine de l’Escaut, comme on la sait de quelques discoureuses indiscrétions, entretient depuis des mois les conversations de cette même société qu’il m’est à l’occasion donné de fréquenter, là où les propos que l’on prête à une femme en d’autres cercles ne se tiennent. On ne sait que peu, très peu d’elle, seulement qu’elle a déposé cape en bord croquant de la capitale, dans la somptueuse propriété d’un cousu fort bien nanti, mais à l’article mourant ; connu pour son siège influent au parlement en grâce, également aussi – mais d’un cercle choisi – pour l’Ève au nombre de ses réceptions.
Au trépas hivernal de son âme est venue l’étrangère, rattachée à cette terre.
Oui, il en est pour avancer que de ce refroidi bien né elle serait la nièce, mais nul en la matière ne peut prétendre à la vérité.
Dit des uns on ne connaît son rang, des autres sa condition, seulement encore qu’elle est arrivée de l’Escaut comté du nord – feu du Hainaut autrichien – un jour de bas hiver tenu d’une épaisseur blanche de près de trois pieds de haut ; et qu’elle n’a depuis, en ces grâces acquises d’automne, jamais été aperçue libre de ces murs.
D’aucun à le clamer – à dater qu’il fut sien – n’aurait passé le pas de l’hédonique pavillon. Et pourtant, d’allers de discours ne désarment sur l’endroit, forts à tourner en assemblées les langues.
Pour un cénacle, il est de notoriété...
Si belle adresse, citée d’une histoire aussi dispendieuse en moments et compagnies, ne peut accueillir en maîtresse une galante qui ne soit, de par la graine héréditaire, versée aux arts non enseignés de l’amour et du plaisir.
Sa missive me fut remise en main propre par l’une de ses expédiées, que je trouvai copieusement capuchonnée devant mon pas, un après-midi d’octobre battant à pluie, postée sans dépassement devant sa berline et son ruisselant attelage à quatre.
Pas un mot, mais une lettre.
Quelques heures plus tard, et main donnée d’un peu en sols, de moins en livres, un cocher courait la poste partie de la nuit pour me conduire à destination, me déposait au petit matin devant l’auguste grille dragonne de l’adresse.
La loi du jour levant faisant bonne figure, m’y voilà fort justement attendu, par une cadette de maison, bien moins capuchonnée que son aînée, et mené sans plus de mots à mon appartement. Elle se résout à laisser filer quelques tours d’aiguille, le temps préposé d’un entracte – ce qui, ne tenant plus de curiosité, est tentative vaine – avant de me venir chercher, et cogner à ma porte : « Gentilhomme !! »
Je la suis sans filer un mot...
Nous obliquons par deux fois, puis empruntons un long couloir menés à la flamme déhanchée d’une bougie. Malgré le jour encore haut, l’aile du bâtiment confesse une lumière baignée de cire, privée sur son parcours d’ouvertures, et absente à y regarder de bras et supports à lampes.
Le halo à revers de la flamme confie à discrétion la transparence du blanc et fin tissu de sa robe, révélant sa complète nudité en dessous ; ma guide au lumignon précède mon pas commise du plus léger, les pans voletants de sa peu faraude mousseline instruisant son fort joli fessier.
Oh, comme trajet il en est de moins inspirant lorsque l’on s’apprête à retrouver âme en chambre. Parvenue devant son introduction, ma servante ouvre sans s’annoncer la lourde et silencieuse, et d’un hochet poli m’invite à entrer.
Dame Lauraine m’attend sur le lit, drapée d’un velet d’air, nue comme à son agnelage.
« Ma dame !! »
L’écart se déliant de ses jambes me répond d’une politesse fidèle en forme à l’art du recevoir.
Un jet de secondes plus tard,
Braie en disgrâce, et vit en retard,
À l’étude et peu faraud,
Il me prend d’approcher penaud.
Je la déguise sous cape, palpe sitôt l’albe noblesse de ses gorges. Leur souplesse et tenue au coucher me laisse à fort penser que les dames du nord sont l’unique argument de la bataille de Fontenoy(2). Car comment de troupes et de raison laisser aux baïonnettes de l’Österreich et du Royaume de Bretagne la jouissance de si rondelets reliefs. Mes mains de ses courtisées ne s’empêchent, manient mamelles et mamelons. Mon attention pourtant de son altitude seule ne se soucie ; incliné sur son collège, me voilà inquiet de ce qui se joue plus bas, craignant si tôt de faire mauvais invité. Les cahots du voyage, l’attente et le vain d’un entracte n’ont d’une heureuse fortune pas entamé mon prédicat, celui-ci se dressant à l’effleurement de son tertre.
L’andain effeuillé de ses pousses n’y fait aucun tapis, son tracé lisse et sans fourrés enjôle la roideur neuve de mon Priape. Dame Lauraine se garde sous moi. Je découvre, en levant un œil sur le chevet attenant, un nécessaire à parfums, aux flacons désemplis. Là est cette entêtante odeur, généreux de jasmin et fleur d’oranger, peut-être la tubéreuse – l’ensorcelante – dont on dit qu’elle tourne les sens. Toute langue dehors j’arpente son chemin. Ses deux tétons d’une vanité neuve, d’une excitation qu’enfin je vois à paraître.
Tendus et durcis, orgueilleux obélisques.
Et tandis que je m’affaire...
– Que cette joyeuse langue, aux barreaux affairé de mon balcon, ne pourrait trouver à faire un chemin plus bas.
Je stoppe l’ascension de son versant, lève en sa direction mon regard, mes lèvres baisées sur son alpe, suspendu dans l’indécis devant son apologue.
Elle reprend au bas mot.
– Certes, il est un vallon – en retrait de mes hauteurs – dont le jardin est de sécheresse à l’heure bien alarmante.
Mes mots à sa sonnette se rallient.
– Ordonnez ma dame, si votre jardin languit.
» Je suis votre servant !!
– Miracle de calotin !! J’avais grande crainte que cet introduit « ma dame » soit votre seul vocabulaire...
» Vous me voyez enfin rassurée.
Elle consent un sourire, sa virgule Aphrodite rédigée sur sa lèvre.
Les présentations d’usage échangées, je commence trajet vers sa closerie de siccité frappée. Je dévale sa dénivelée jusqu’à sa marque sans haie. Ma langue, sur sa fente faite florès, se dépose. Que sa sécheresse d’une surfine rosée se targue de bonne heure ; il y aurait donc là menterie de ma soupirante ??
Comme le secret gardé d’une dame est de sa découverte le plus délectable des présents. Je me hardis déjà, récolte son nectar, son miellat naissant. Mon hôte ouvre ses gardes, découvre les reflets pastel et rosés de son antre. Elle déploie sa blancheur d’anatidae, écarte ses membres aux points du lit, soufflant en long et soupir.
Et de sa voix...
– Oh, fixez là cette boutonnière, qui en l’instant vient de percer.
Ses doigts à deux décalottent son sujet, déshabillent les pans rosis de son manteau.
– Que joli bouton vous cachiez là !! Je dois vous rendre découverte...
» De ce joyau promu.
– Vos mots sont d’un si bel esprit !! Poursuivez je vous conjure, mais sans en user, car de mon humeur avide, votre bouche interdite devra me contenter.
– Servez, Madame, mon récipient vôtre ; et je garderai, sous cet aven, votre draperie au sec.
– Oh, de cette attention je vous suis bouche en reste ; entonnez donc à goulées.
« Oooooooohh !! Gentilhomme... léchez et léchez encore. »
…
– J’en fais ici la promesse !!
Les rougeurs sur ses pommettes découvrent leur jupon ; je pousse la chair tenue de ses cuisses, aspire le liquoreux élixir qu’en femme du monde elle me régale de politesse.
– Cher séraphin... en ma demeure.
Je ne l’écoute, lèche à n’en plus faire avarice.
– Oui, oui !! Vous lampez au parfait endroit ; embouchez sans cesser.
Et ce pendant,
… mes doigts à ce feu volant.
Ses instruments sur son petit faîte s’emmènent, entraînent son capuchon dans une valse à trois. Elle fourbit le couvercle de sa perle. Sa main s’emballe, harasse son gardien, frotte à la hâte son petit vit de chair. Je l’entends d’un sursis mourant, ses doigts au gré de son caprice, chahutant l’épissure de ses lèvres. Son mouvement s’accélère, démons en réunion, de force tourments infligés. Il n’est plus de dame... seulement Lauraine,
… dans sa géhenne au supplice.
– Hardi, hardi, mon visiteur !! Ohhh je m’ouvre... et vais verser.
» Par les saints chevauchés !!
« Ooooooo... ouiiiiiiiiiiiiiiiiii. », « OOOOUUUUI !! »
Le bris de sa mer se fracasse, son sexe incontinent déverse sa houle. Je m’accroche à sa cale, tandis qu’elle crie et gémit. Ses mains s’ancrent dans le tissu, son bassin recule d’une armée. Mon masque entre ses jambes, je bois jusqu’à l’ivre son èbe, cherche et trouve, à moins d’un point tiré, son trublion décalotté. Elle me repousse, me supplie qu’elle ne peut au-delà, cherche des yeux son libérateur. Je la plaque de nulle obéissance, la rencogne contre le montant polonais, cramponne sa taille et m’abîme entre ses geôles ; la pousse aux portes de l’inconfort, là où la dictée de son plaisir lui commande de s’échapper. D’une manœuvre acrobate elle se renverse sur le côté, gibier farouche et aux abois me chasse de sa tanière.
C’en est fini...
Elle gît sur le ventre, son séant ouvert et transpirant, son visage enfoui dans le drap, les hoquets de sa respiration soulevant son corps battant. Je ne la touche... et la regarde : les ferrades marquées de sa jouissance, les petits tressauts de son corps, le sceau de mes doigts empreint sur ses flancs. Mon membre se prend d’une irrépressible envie, m’ordonne de l’entreprendre dans la position sise. Je sais pourtant qu’elle ne laissera entrer de visiteur, sa maremme si tôt malmenée.
Elle demeure ses jambes bâillées sur le ventre, se porte enfin – ses rondeurs arrière tendues – sur la chaire de ses fesses ; se dresse Célimène. Il n’est de plus érotique tableau : le dessin de son envers, son haut nu et altier, sa remontée douce, fendue de sa terminaison de jais... magnifique et à damner. Elle ne bouge d’un soupir, comme si ce moment, de posture désordonnée, ne devait paraître. Elle se retourne et me fait face ; et sur un ton remis :
– Permettez que je donne de mon eau. Je dois me retirer céans, n’y voyez point-là désertion. Fermez les yeux – le temps d’une dégourderie d’esprit – et je m’en reviens sur vous plus légère. Je vous donnerai alors grâce de les rouvrir.
Elle se lève et s’en court derrière un voilage, tombé à un saut du lit, sa main sur le liseré s’arrête,
… et tourne son visage.
Que n’avais-je compté sur ce revers !! Je clos sitôt mes paupières, avant qu’elle ne surprenne ce regard volé, courtisé sur les rondeurs sur pieds de sa croupe.
… reste un temps aveugle.
Un ruisselet perdu frappe de sa hauteur le métal, avant de se gonfler en eau et se verser d’un trait nourri. J’entrouvre les yeux, de curiosité levée les emmène sur sa confidente station ; la découvre assise derrière le voilage, ses deux jambes accolées, coiffant à sa source sa petite cascade. Je n’avais nullement remarqué le cabinet de chaise, arrangé au carré derrière le rideau. Lauraine, ma dame, se produit légèrement penchée en avant, son séant calé sur le cercle du reposoir en bois. Je donne l’oreille, écoute sans perdre, les dernières gouttes de sa petite eau...
Son murmure doré.
Elle se relève et se décale d’un peu, enfourche un confident posé à hauteur et côté ; ses jambes en selle pioche une poignée d’eau et la projette sur sa pente glabre. Un régiment de chandelles – là sur le labret du chevet, ici sur un haut cygne solitaire, plus loin sur les bras en nombre d’une menorah – et je découvre allongé le tableau de Salomon de Bray, sa jeune femme au peigne et sein dévoilé. Le voile du rideau laisse paraître sa nudité, joue d’ombres éthérées sur son corps. J’observe ses doigts, qui écartent les pans de son intimité, dans le creux de sa main les récipients d’eau qu’elle emprisonne. C’est la première fois que j’assiste à la toilette intime d’une dame, ne veux rien perdre de l’acte et de la pièce.
Sa toilette est dressée en ordre et en soin, mériterait que je m’installe au garde-corps... mais je suis à ma dame défendante aveugle !! Ma belle d’eau se lève au-dessus du bidet ; quelques gouttes empruntent le sentier de sa cuisse, dévalent son muscle avant de retomber en ronds dans le bassin de porcelaine. Elle avance un pas et, poussant de sa paume l’écran de tissu, paraît de son cabinet privé. Je ferme à sa séance les yeux.
– Vos cils abaissés sont un réconfort ; vous n’avez, de belle évidence, à aucun moment triché !!
» Hum, comme il est plaisant de vous voir obéissant ; d’autres en place en auraient profité, et fait de la couche un poste d’observation.
» D’autres moins gentilshommes.
Oui !! Elle sait que mes yeux, sur son roi(3), ses cuisses et sa source, se sont posés ; s’en amuse et joue à mon intention. À dessein aurait-elle arrangé son petit salon de toilette ?? Je garde mes yeux fermés, cours ma langue sous le secret de ma lèvre. Mmm, un simple passage suffit à réveiller son parfum...
Le matelas chavire d’un bâbord. Sa venue sur le lit, je sens ses jambes pousser sur mes bras, se caler et s’installer d’autorité. Sa voix en hauteur retentit.
– Ouvrez à présent, et levez à ce suave rafraîchissement !!
Une goutte, sitôt suivie d’une autre, tombe et rebondit sur ma bouche, coule sur la pente d’un rien appointée de mon menton. Mes yeux s’ouvrent sur son fil, corne de peu d’abondance qui s’écoule et se verse sur mes lèvres. Elle n’a logé de linge à son sortir, l’entre de ses cuisses ouvertes me dispense le reliquat de sa toilette, une eau claire et de sa nature si subtilement parfumée. Ma soif au puits, j’ouvre plus grand ma bouche.
N’est-il pas dit que le supplice de la goutte, à malheureux sur la planche, fait trébucher l’esprit.
Elle se désarçonne, se penche et tend son bras en arrière pour se saisir d’une corde à nœud, tire deux coups, puis se repositionne à mon aplomb. Je tourne sur le drap mon visage, suis d’un regard la corde qui court sur le haut du mur, passe dans de petits anneaux de bois avant de disparaître, par une brèche ouverte, au-dessus du linteau de la porte. Redoublé et silencieux... je me demande qui à l’autre bout va répondre, et ce que ces deux coups signifient.
Sa main s’emmène et s’ouvre sur mon torse, défait ma toison en suivant ses doigts sous le couvert de mes boucles.
Mmfff !!
Je cabre ma cage, vise l’arrière de ma tête sur le drap.
– Mon bel aux yeux tricheurs !!
Mon téton supplie entre ses doigts ; elle le roule et malaxe entre ses phalanges. Je referme en grimaçant mes dents. D’un frais retard, quelques larmes s’abandonnent, roulent sur les saillies de mon cou. Sa main me relâche, descend sur mon ventre et s’arrête à un soupir de mon sexe hâlé. Elle ne le dérange ni ne le touche, gambade ses empreintes sur mon terrain écourté, avant de remonter son chemin. Elle caresse à nouveau le tour de mes mamelons, ses deux mains chassées sur ma poitrine... Ouhhh !! Mon autre chérubin, pincé d’un fer. J’enfonce ma joue dans le coton, mes deux bras reversés en arrière... lève au supplice mes yeux sur ses lèvres pluvieuses : oh, sa petite source est tarie.
Son timbre me tire de ma rêverie moyenâgeuse, un hérétique au temps de l’inquisition, livré au savoir-faire de son bourreau.
– Soyez assuré mon gentillâtre, je n’ai que de loin l’esprit aux écrits d’un promis seigneur de Lacoste(4), à l’œuvre encore confidente. Si je vous force à l’épreuve, c’est par le jeu d’une fantaisie mienne. Reconnaissez que ces deux bouts de chair, effacés sur votre poitrail, méritent ce jeu de distractions.
– Continuez ma dame, si cela fait votre plaisir. Ces fantassins, même en ordre, ne sauront me faire rendre bastion de votre siège.
– Quel bon sens au lâcher de vos mots !! Bien que forcé et sans le choix dans la situation qui est vôtre. Laissez-vous sous mon séant, un temps que je m’occupe encore. Quand l’envie me tient en ce cloître, je me plais à certains devoirs... que j'attends à l’obéi rendus.
Ma maîtresse paroissiale, à la blouse levée et ordonnée, à la règle orchestrée.
Elle m’arrache un cri jumeau, mes deux seins tirés entre ses doigts, lève de compagnie la pointe de ses otages ; à leur pinacle libérés se retourne, et dépose son visage. Je ne bronche pas, ne lui montre mon martyr. Bien que de torture, la serre de ses extrémités murmure après reddition un plaisir que je me surprends à sentir courir sous mon épiderme. Mon sexe d’une contraction se lève et rabaisse. Elle se tourne de nouveau ; son sourire est aux anges.
– Profitez de ce sentier, pour votre éducation déboisé.
» Et détroussez donc mes trésors !!
Elle se cabre en arrière, avec ses mains empoigne sa peau souple et écarte ses fesses à quelques centimètres de mon visage. Oh, me voilà si proche en dessous, le court raidillon entre ses hôtes découvrant chaque aspérité de son tracé. Je contemple son denier, au cercle parfait, frappé dans le sentier de sa raie. Ma queue se lance, bat mon bas-ventre de ses coups. Elle fait rebondir la chair de ses fesses, se désarçonne à nouveau, et tend son bras vers la petite table à rideau située juste sous la corde à nœud. Je l’entends qui fait coulisser le panneau sur son rail, et fouille une fois levé avec sa main. Je ne regarde pas, mes pensées à son faîte de chair, le suit qui rapporte son bouquet au-dessus de ma truffe.
– Prenez entre vos mains, et tenez ouvert.
Je m’exécute sans dires, ramène mes avant-bras vers ses fesses, pose mes mains au centre de chacune et écarte la porte de ses trésors.
Oh, que ce soit par un jeu sien ou mien, l’ouverture de son Saint-Luc est un émerveillement.
– Contemplez... mais ne lâchez.
Le fouet des lanières claque en un éclair, arque mon corps au-dessus du lit. Je retombe à plat sur le drap, mon souffle poussant entre mes lèvres. C’était donc là l’article derrière le rideau. Je me dis, si frais marqué, que j’aurais mieux fait de suivre l’exploration de sa main ; oui... il eut été préférable.
– Gardez vos yeux, et ne tombez les mains... où je saurai sévir !!
Et bien qu’obéissant...
Les lanières flagellent mon flanc gauche... puis se relèvent.
Les lanières cinglent mon flanc droit, et se ravisent.
Mmmfffff, je contiens ma révolte, mes mains tenant moins fières l’écart de ses fesses. Les longes de cuir passent sur mon torse, puis sur mon ventre, se posent après quelques serpentins sur mon sexe. Oh, une frayeur sitôt me prend : ici !! Que je ne peux taire :
– Ma dame !!!!
Le secours de ma voix s’élève, quelques gouttes se pressent de compagnie sur mon front. Dame Lauraine promène le fouet sur mon entrejambe, fait tourner en cercle les crins sur mon membre. Je sens le contact brut et piqué des longes, me raidis à l’instante menace. Son œil tourné dans ma direction... oh, pourvu que.
Les rênes à la traîne, et le manche abdiqué,
… elle se recule et frotte son chaton sur ma bouche, arrête ses mamelles devant l’adret de mon menton. Ma dame abaisse son visage, et commence à baiser mes tétons, dépose ses lèvres sur mon premier, puis sur le... aïeeeeeee !! Ses dents se sont rejointes, avant que j’y sois préparé. Elle joue avec, le mordille puis relâche, avant de fermer ses mors. Je ne peux là retenir plus longtemps, m’écrie en pressant mon visage contre le tuteur de sa cuisse. Elle se porte sur mon autre téton ; je me tends instinctivement ; m’attends à sa langue, ses lèvres, ses...
À qui trop attend !! Elle me tenaille sans préliminaires, mord mon bout de sein plus fort, ferme croquantes ses quenottes. Je retiens entre mes crans, emmené – sans que je ne l’explique – d’une excitation dès son soulagement. Mes pensées muettes se prennent à l’encourager, sur un fil tendu l’exhortent à continuer... partagées entre enfer et paradis : un Tenj? Tenge d’une époque que ni l’un ni l’autre ne regardons à venir. Mais je reçois de sévices seuls le baiser de ses lèvres.
Ses seins ballent devant mon menton. J’entends sous son cheval la dictée d’un pas.
Quelqu’un entre dans la chambre...
Dame Lauraine rapporte son corps, se repositionne à mon surplomb, tirant le rideau sur la cour. Je découvre une silhouette familière : ma jeune chaperonne à la flamme qui avance en faisant se croiser les volets de sa robe, tenant entre ses mains un long plateau ovale. Je cadenasse mes yeux sur sa fraîche entrée, ma situation au clou. Elle se dirige d’un pas réglé vers la table dressée à un écart du lit. J’ai le temps à son passant d’apercevoir, sur le plateau, un appariement de fruits, quelques pièces boulangères surmontées pêle-mêle, ainsi qu’une boule hollandaise en verre blanc, emplie à demi d’un fruitier lie-de-vin. Je ne la quitte, qui dépose la scène sur l’angle de la table, et déleste une à une les victuailles. Je ne sais que penser, ainsi étendu sous le dictat cavalier de ma dame.
Par les mémoires du père Dirrag(5)... que se joue là une pièce étrange !!
Et voilà que, pour donner un peu de sel à verser, je sens une main sûrement m’empoigner – oh, le fouet n’est plus !! – qui descend et remonte.
Prendrait-elle la mesure de mon pal ??
… si fait l’apparition de sa servante, et son effet de surprise.
Dame Lauraine procède avec une grande douceur, d’une confiscation délicate s’applique à redonner fringance à mon mousquetaire, d’habilité menée ne tarde à le redresser, impeccablement mis et au garde-à-vous.
– Hum, son glissé n’a d’égale que sa roideur ; un instrument dont il va me plaire de jouer la note.
Ma gêne, à la rattrapée de mon sexe, envolée... j’ouvre grand mes yeux.
Que ne suis-je à envier !! Selon en présence d’une nudité à fleur, d’une autre sous aube... mon sexe encouragé par une main experte, mes yeux rivés sur un envers de maison que je découvre sous un jour éclairé. Ma servante se penche en ordre, et débarrasse méthodiquement le contenu du plateau, son postérieur de posture droite et immobile. Elle ne tourne aucunement la tête vers la main de sa maîtresse, poursuit imperturbable son service. Et dame Lauraine – ce temps – joue de sa menotte, sans s’émouvoir de ma distraction, ni de la présence qui en fait le sujet. Elle glisse ses doigts le long de mon fourreau, le vêt et dévêt. Le séant de sa servante est de toute beauté voilé, ses formes charnues, s’enfonçant d’un joli trait foncier. N’y tenant plus, et devant les notes de ce plantureux quatuor, je retourne mon regard sur la partition de ma dame. Je tire sur les muscles de mon cou, m’aidant de mes deux mains cramponne la chair de ses cuisses et cloître mon visage entre ses aisances ; reste un temps dans sa laie, avant de renverser ma tête...
J’entends sa voix qui sermonne :
– Détrousser n’est pas bouger mon beau sire !!
» Vous voulez reclure votre visage ?? Soyez aux anges, je m’occupe pour vous de cet accommodement.
Sa vulve s’assoit sur mes lèvres, sa petite fortune reposée sur ma pointe.
– Ouiiii, votre nez et votre bouche où je les désire ; respirez tant que vous le pouvez, que je sente votre brise me caresser. Humez comme je suis à votre gourmandise.
Je respire ainsi séquestré, inhale le bouquet épicé de ses senteurs.
Sa voix me délivre :
– Comme il est plaisant de manier le vit, d’un fessier sis sur la face de son propriétaire.
» … la sève va vous monter mon sire, je m’y engage sur l’heure.
Ma dame, dépêchez avant que souffle ne me quitte,
Que le bonheur de votre siège ne fasse mon bon trépas.
Elle tire plus fort sur mon boutoir. Ouiii, mon frein endure son épreuve, s’étire à rompre tandis que sa main descend au plus bas. Son paysage sur moi se dessine... la lagune de sa vulve, le dénuement de sa dune. Elle se balance doucement, descend sur ma bouche, rattrape avec sa frappe ma respiration, son trait appuyé sur mon visage. Elle file main fermée sur ma verge, la mâte à beau temps sans que je trouve à redire. Mes pensées vagabondent, de son cavalier au doublet de ses trous, visitent sous son voile le séant de sa domestique.
La voix de dame Lauraine me chasse de ma flânerie.
– Et bien, que n’ai-je d’une hâte de voir jaillir votre laitance ; plutôt que de garder, servez-moi sans attendre.
Ma dame s’impatiente. La chaleur de mon membre se prend à mon corps, monte par une armée de vaisseaux vers ma tête et mes tempes. Elle cabre son arrière, emmène sous son passage l'ardillon de ma langue. Humm, je goûte à ses deux parangons. Sa main mène au plus briqué mon bâton. Les hauts m'en soient témoins, je suis sur la grève. La montée est brutale, m’emporte d’une vague ; je pique mes mains dans sa chair, serre au plus fort au moment où... mes lèvres capitulent sous sa censure.
– Oh, quel joyeux foutre d’artifice !! Je ne savais qu’en ce jour nous étions en fête.
Les gerbes de ma semence pleuvent, bombardent à l'artillerie mon torse nu. Elle tire sur mon chibre, le décharge de ses canonnières munitions. Je m'affale en arrière, parviens à délivrer le haut de mon visage, inspire une grande bouffée d’air. Je sens ses fesses qui se relèvent, ses jambes qui se désarment. Je l’observe qui se place genoux joints sur mon côté, et vendange d’une ligne mon poitrail madré. Elle cadenasse mon sexe, et accule en relevant ma garde une dernière goutte... la réceptionne à la chasse sur son pouce. Ma dame me sourit, ses yeux pétulants, pareils à ceux d'une jouvencelle. Sa voix d'un écho s'élève :
– Après tout, si nous sommes jour de fête...
» Je vais – à qui veut – me laisser à laper de cette eau-de-vit !!
Je la suis qui introduit son pouce dans sa bouche, et le suce de lente admission.
– Mais ma dame, votre bouche saura-t-elle collecter cette fraîche arrosée ?? J'en suis, par votre main, sur tout le buste recouvert.
Elle croise mon regard, ses deux bras dans son dos ; incline le haut de son corps, et sans surseoir...
Sa langue sur un premier ramas se dépose, d'une petite cuillère ramasse l’humeur blanchâtre sur ma futaie. Oh, elle ne laisse rien se perdre, engloutit ma lie avec une contorsion élégante. Je la regarde au jeu, qui ouvre ses yeux, et les referme avant de piocher sa langue et avaler son dû. Je ne manque en rien sa déglutition, l’apocope de mon voyage intérieur.
Et l’échiquier de mes pions se découvre...
Elle quadrille mon terrain, récolte un à un les amas éparpillés, finit sur mon bas-ventre à essuyer le plus fourni ; puis se relève, et convenant d'une dernière avalée :
– Oh très cher, votre alimentation doit être de qualité servie car votre laitance est un délice en gorge. Voyez comme je n'ai rien laissé.
Elle se retourne sur mon entrejambe, affleure sa langue sur le liseré de sa lèvre :
– Que voilà en pendant les pourvoyeurs de cette goûteuse production ; il me faut les en remercier sans attendre. Que pensez-vous ??
Je ne pense pas... lui réponds de séance.
– Je vous en prie madame, vous êtes de manières qui ne se refusent.
Mon hôtesse se lève du drap, tourne autour de l’alcôve et vient se positionner en face de moi, au pied galant du lit. Elle place ses deux mains sous mes chevilles et, m’invitant d’un regard – à lui prêter gambette – tire sur le couple de mes jambes, remorque mon postérieur jusqu’au rebord du lit. Mes deux pieds atterris sur le parquet en bois, elle écarte soigneusement mes cuisses, et ses mains d’obédience liées s’agenouille sur le sol.
Son chef s’abaisse entre mes jambes, cueille à bonne hauteur les fruits vidés de mon anatomie. Sa bouche s’arrondit, me saisit d’un bord dans sa loge. Elle m'aspire et me suce, ses yeux gardés devant, ses bras gardés derrière. Je contemple le ruban de ses lèvres qui s'étire, rattrape ma bourse libre entre ses lèvres.
Ma richesse au complet emplit à présent sa bouche.
Quelle vision que sa contenance, ses joues rebondies et emplies, mon sexe pointé au repos devant ses yeux dormant.
Je repense à sa servante : mais oui, elle n'est plus là, a remporté au sortir son galant postérieur. S'est-elle éclipsée dès son plateau rendu ?? Était-elle au service quand la main de sa maîtresse me faisait rendre grâce ??
Je saisis de deux doigts ma verge alanguie, et la guide sur son visage. Mon basilic glisse sur sa joue, longe son rempart avant de remonter sous son ajour. Pendant qu'elle se repaît, je me promène sur ses traits. Oui, la verge a changé de main : ma maîtresse paroissiale est maintenant élève à punir, forcée ses mains derrière à quelque punition de bouche. Elle me laisse faire, ne décloue pas les yeux... poursuit indifférente mon aspiration par le bas. Oh jamais bouche ne m'a de façon enrobé, je sens sa lèvre sous la cerne de mon arbre. Son récital appelant un entracte, Dame Lauraine me relâche, dépose ses lèvres à l’aplomb de mon sexe. Je goûte son souffle sur ma veine. Elle remonte au-dessus de ma verge, ne la touche mais la frôle, sa moue dictée vers moi.
Oh, comme votre bouche pourrait ce temps s’arrêter...
Et comme si elle lisait l’œuvre de mes pensées.
– Patience gentilhomme, laissons là votre vit ; je garde sa friandise pour le dessert.
» Ne pensez-vous pas qu'il est des mets à faire passer avant ??
Le haussement de ses sourcils me défie de son évidence.
– Ne suis-je pas votre perle ??
– Oh si fait ma dame, vous l'êtes.
Ses deux yeux d’angelot se posent sur moi.
– Savez-vous que l’on peut passer le fil à une perle.
…
» Indifféremment par un côté ou par l’autre.
Je la regarde sans rendre mot, ne sachant que répondre, surprends, derrière son contour, le saut de la petite aiguille – portée à dos d’éléphant – se caler entre les deux « I » romains.
Elle éclate d’un rire tonitruant, pour la première fois me dévoile toute l'étendue de son sourire.
– Allons, laissez là ce collier... et le temps venu d’enfiler ses jades. Et ne prenez pas ce sérieux, il en est des plaisirs que nous évoquons pas un – et de grâce rendue – qui ne se prête à moue.
» Venez !! Allons voir ce qu’a porté Eulalie.
Je la vois qui se redresse et se dirige vers la table, s’assoit sur une chaise de chambre, une autre du même arbre n’attendant que ma levée. Je me relève du lit, et viens en sa compagnie m’attabler. Le plateau, étalé de sa provision de nourriture, tranche avec la nudité sur nos sièges. Dame Lauraine aventure la première sa main, confisque une poire et la porte à sa bouche ; croque gourmande dans le fruit tout en me toisant.
– Qu’attendez-vous ?? Que je vous presse...
» Cette riche tablée n’est pas pour ma seule jouissance. Vous me verriez d’une forme autrement rondine si c’était le cas.
J’amuse un petit hochement de la tête, et choisis dans le tas un pet d’âne – ou beignet d’Amiens – accoquiné avec quelques confrères dans une corbeille en osier bardée d’une serviette. Humm, le goût du beignet en bouche est un régal ; j’étire un sourire tout en mâchant goulûment la boule saupoudrée de sucre glace, émiette sans attendre quelques mots.
– C’est délicieux madame.
– Si c’est à votre goût, vous me voyez exaucée !! Rassasiez-vous, vous avez quelques forces à prendre...
» Dont je vais avoir avant très peu besoin.
Un petit éclat tisonne sur la cornée de son œil.
Je laisse baguenauder mon regard tout en reprenant un beignet. Il y a là une longue grigne, à la croûte dorée et croustillante, deux corbeilles de pommes et poires, un pain bénit-brioche – moulé en rond dans son plat – aux reflets dorés, un pêle-mêle d’oranges venues du sud, bref tout un assortiment prompt à redonner vigueur à un régiment de soudards. Dame Lauraine se saisit d’un petit mouchoir, essuie en les tamponnant les pincements de sa bouche.
– Je vous ai vu la regarder.
– Qui donc ??
– Eulalie bien sûr.
Je marque un temps d’arrêt tout en la considérant.
– Je le confesse, son joli séant joue un duet...
– Fort harmonieux, votre mot !! Eulalie a quelques années de plus que ma bonne Célestine. Le bel âge immuable de ses traits est une bénédiction que je lui envie à chaque jour qui passe.
Je la regarde en mordant dans un croquant pommier, curieux à présent d’en apprendre plus. Ma dame fait cas de mon audience...
– Notre petite rosière n’avait pas vie de réjouissances là-haut, aussi me suis-je prise de l’emmener avec moi.
– Elle était donc à votre service, avant votre venue à Magny ??
– Oui, quand nous étions dans le Hainaut ; Valbert de Rochemont m’y rendait plusieurs fois l’an visites.
– Le sieur Valbert de cette maison ?? N’était-il pas d’un dit votre oncle ??
– Un oncle au vit en démange alors, qui ne rechignerait pas à honorer la lignée de ses germains.
» Non, j’étais dans les jupons et corsets de sa favorite. Quand il était de verve cavalière, le hardi attelait ses huit par vents et longes abattues pour venir me cravacher. N’ayant pas le nom garçon ou fille d’une descendance – car l’infortuné était infécond – il m’a dans l’hiver de son trépas rédigé la maison sur son héritage. J’aime à penser que la ferveur de nos ébats, à l’instant s’annonçant de ses soupirs, fut sa force de décision, et la raison de son geste.
– Par les saintes au cloître, voilà une révélation qui peut me prêter salon si je me prends à l’éventer.
– Oui, sans un conteste ; si ce n’est qu’il me plairait de vous savoir sur ce sujet de tombe. Vous n’êtes, et je veux le croire, pas gentilhomme à vous complaire dans le commérage ??
– Je le suis nenni-da ma dame, n’ayez pas la raison d’en douter. Je vous aiguille un peu, mais ne joue à la bavarde de salon que si j’y prends plaisir.
– Bien mon vigoureux ami, gardez de confession votre plaisir pour d’autres jeux de bouche. Et si j’apprends que la vôtre s’est tenue, il se pourrait qu’un autre mot Célestine – un jour où je me sentirai l’âme esseulée – vous fasse porter.
J’acquiesce d’une politesse muette ; oui, aurais de diable à perte... la récompense d’un mot soustrait des mains de la ruisselante Célestine. Mes pensées en quelques battements s’envolent, mon regard atterrit sur le sien.
– Ainsi donc Célestine est l’envoyée en pèlerine qui s’est présentée devant ma porte, capuchonnée sous les cordes.
» Et combien de gens l’entourent ?? Je veux parler à votre service.
– Voilà une question pour le plus... domestique.
» Il y a Eulalie et Célestine, que vous connaissez à présent, Marguerite, la cuisinière attachée aux fourneaux, et Hospice, en charge de la berline et des chevaux, ainsi que du tout-venant. Les trois premières habitent à demeure. Seul Hospice, une fois son labeur terminé, quitte la propriété au jour déclinant pour rentrer chez lui à moins d’une lieue de là. Je lui laisse une pouliche et une lanterne de coche – quand il fait nuit tombée – pour son transport ; qu’il monte le soir pour s’en revenir, et le matin pour s’en venir.
– Seulement quatre personnes pour une si grande bâtisse !! Voilà qui ne doit pas être d’un repos.
– Nous n’occupons que l’aile principale, celle où nous nous trouvons ; un corps suffisant pour ces pièces et couloirs. Celle qui est la moins à déplorer est Marguerite ; nous ne sommes que cinq, et je reçois très peu de visites ; sa cantine tourne rarement à pleins manches.
» Les pets d’ânes sont une de ses spécialités... délicieux non ??
– Humm oui, je dois avouer que votre marmitonne a la main d’un queux.
J’attrape la boule hollandaise en verre blanc, et incline dans son verre puis dans le mien le trait de raisin fermenté. Je repose la carafe et empoigne mon verre, attends qu’elle lève son cristal avant de l’avancer à sa rencontre.
– À vos désirs, chère dame.
Les deux coupes s’entrechoquent, au son céleste de leur matière.
– Qu’ils soient la dictée des vôtres.
J’incline un sourire et trempe mes lèvres sur les bords. J’engloutis le vin à la robe rubescente et foncée, repose après une gorgée goûtée le pied sur le plateau de la table.
– Humm, merveilleux !! Cette collation a tout d’un banquet de cour. Je vais à qui dieu profiter de ce parterre que ne renierait le bon Bacchus, et ne rien manquer de goûter ou d’entamer.
– Voyez-vous mon cher !! Nous avons tout le temps du jour encore haut pour grappiller ce repas et allonger notre digestion. Quand la clarté faiblira, il sera temps pour vous de partir, mais pas avant je l’escompte.
– Il faut que je prévienne mon cocher qui attend devant vos grilles.
– Point ne sera nécessaire, nous l’avons fait renvoyer, et payé de son sou.
– Vous l’avez...
– Et au fort de son dû, sachez-le. Je mettrai à votre disposition ma berline de voyage ; Célestine se fera une joie de vous accompagner chemin rentrant.
– Oh, votre mystérieux commis !! Mais que me sont les honneurs de votre carrosse et d’un visage que je n’ai visu que sous le fuyant d’une capuche.
– Mais mes simples plaisir et volonté ; et l’agrément d’un après-repas dont je me plais d’ores à soupirer la prose.
– Je vous suis d’un reconnaissant Madame. Voici après les jouis et voluptés de votre réception que vous me poussez dans un cabin galamment fréquenté. Cela discourt-il de prudence ??
– Comme vous convoyez en besogne. Il ne s’agit que de compagnie, de quoi vous soulager du désagrément d’un voyage de nuit esseulé. Seriez-vous en train de battre le briquet avant l’heure ??
Je surprends deux aiguillons piqués dans le fond de ses iris, en mon sourd bois l’ambroisie de ses mots, suis très curieux aussi d’en connaître la visée. Je sens soudain flirter le quintet de ses doigts sur l’escadrin de mon pied, chatouiller le bas de ma jambe. Son verre obtempère sur ses lèvres, s’épanche de son contenu dans le bal de son gosier.
– Non, rien d’un ceci. Je concède à ce retour d’être moins long et fatiguant qu’à l’aller, et plus causant aussi. Mais cela fera rentrer et coucher à l’aiguille du tard ma compagne de voyage, ainsi que son conducteur.
– Oui, le fait est certain. Mais je sais de source femme qu’elle est de fringale à bavarder avec vous, et puis vous assurer de toute son attention pendant le temps duré du trajet. Et quant à Hospice, ces petits transports nocturnes font aussi partie de son travail. Il en retire salaire à boni.
– Eh bien, si chacun en cueille avantage, j’accepte votre généreuse proposition.
Son pied remonte le long de ma jambe, entrouvre, arrivé au gradin de mes genoux, le resserrement de mes cuisses. Sa petite musique entonne...
– Humm, d’un semblant moins long oui, mais moins fatiguant... vous voilà d’une assurance bien présomptueux. L’innocence de ma servante n’est peut-être pas de foi gravée.
Dame Lauraine ouvre d’un beau joueur son sourire.
J’ingurgite à mon tour une gorgée, terrasse mon verre sans rendre la pièce. L’approche couleuvre de son pied me vise d’une roideur naissante. Elle me rend table.
– Ne devisions-nous pas d’un collier, tout à l’heure ?
(1) Prospero Lambertini est élu pape en 1740 sous le nom de Benoît XIV. Il meurt le 3 mai 1758.
(2) Le 11 mai 1745 a lieu la bataille de Fontenoy (village situé à moins de 10 km de Tournai), qui dessine la victoire française et irlandaise contre les troupes anglaises et autrichiennes.
(3) En référence à la légende du roi Midas, qui voulait que tout ce qu’il touche se transforme en or.
(4) Donatien Alphonse François de Sade, passé à la postérité sous le nom de marquis de Sade, est né un 2 juin 1740. Son œuvre au jour de ce récit n’étant pas encore couchée (il n’est âgé que de quatorze ans), comment dame Lauraine pourrait-elle tenir ces mots ?? Un bavardage prodrome... et prémonitoire.
(5) Personnage central de « Thérèse philosophe ou mémoires pour servir à l’histoire du Père Dirrag et de Mademoiselle Éradice », roman paru en 1748, et attribué au marquis Boyer d’Argens. Par beaucoup considérée comme une œuvre pornographique et anticléricale (même si le récit contient tout un pan de conversations philosophiques), le texte fut interdit dès sa première édition, mais connut une diffusion massive dans la France des Lumières.
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