Il n’y parvenait pas. Il avait beau essayer, il n’y parvenait pas. Il allait de son bureau au canapé, puis du canapé au bureau et revenait au canapé. Rien à faire. Le livre lui tombait des mains !
Et pourtant, il avait décidé que ce dimanche serait dédié à la lecture du livre de la prof de lettres du lycée de Libourne. Ce premier roman d’Isabelle Chrétien était consacré à l’une de ses passions : le vin.
Et pourtant … impossible de fixer son attention sur les lignes. Son esprit baguenaudait et revenait sans cesse à elle : catherine. « Aux portes du vin » devenait « Aux portes de l’enfer », l’enfer de n’être pas près d’elle, contre elle, à sentir son souffle, à regarder ses yeux noirs, à écouter sa voix légèrement rogomme.
L’enfer de ne pas toucher cette peau qui l’avait ému dès le premier contact, sur le petit parking de l’église de Bracieux. Qu’il semblait loin ce jour où il la vit, dans sa robe blanche, dans sa voiture blanche, sous un soleil amoureux et chaud. Il ne pouvait plus penser qu’à cela : le parc, la promenade, le sentiment d’un basculement, d’une étreinte du cœur. Longtemps il avait cru pouvoir dominer ses sentiments, se maîtriser, comme il avait l’habitude de maîtriser. Longtemps il avait voulu réduire son amour pour elle à un simple bonheur de la chair et des sens. Et il était là, reposant le livre sur le canapé ; allant boire un peu d’eau à la cuisine ; se regardant dans le miroir de la salle de bain… Il avait beau faire : catherine était là. Dans sa tête, dans chacune de ses pensées, dans chacune de ses respirations. Il avait tant à partager avec elle. Tant à lui dire encore. Tant de mots d’amour dont il voulait la couvrir comme on couvre de baisers.
Il repensa aux yeux de catherine, à son regard dans la forêt de Cheverny, aux mots d’offrande qu’elle lui dit ce jour-là… ce dernier jour où il la serra dans ses bras, ce dernier jour où il jouit en elle pour se perdre en elle et mieux se retrouver. Il n’aurait jamais imaginé que l’amour eût deux visages, deux ampleurs, deux dimensions, et qu’un second amour serait plus fort, plus violent, plus profond et plus intime.
Il l’aimait comme il n’avait jamais aimé. Il ne savait plus s’il devait s’en lamenter ou s’en réjouir.
Saint Aignan le dimanche 29 novembre 2018 ©MPL 2019 Maxime L.