On raconte qu’il arrive toujours le premier, mais qu’on ne le voit jamais entrer. Un jour, la place est vide ; le suivant, quelque chose a changé : une brume au sol, une odeur de métal chaud, une lumière qui ne vient de nulle part. Certains disent que c’est lui, d’autres pensent qu’ils se trompent, et personne n’est vraiment sûr. Il marche rarement au centre ; on le repère plutôt à la périphérie, là où les choses commencent avant de se montrer. Il effleure une structure, écoute un murmure dans le bois, rectifie un angle d’un geste presque distrait, comme s’il préparait quelque chose sans jamais annoncer quoi. Puis, sans prévenir, l’ambiance bascule : un son se lève, trop lent pour être une musique, trop régulier pour être un accident ; les ombres s’allongent, la fumée glisse le long du sol comme si elle cherchait d’elle-même sa trajectoire, et la fête commence avant même que quelqu’un ne s’en rende compte. Il ne dirige rien, pourtant tout semble se régler autour de lui : une ampoule hésitante finit par tenir, une vibration étrange se stabilise, un souffle de chaleur passe sans brûler personne. On pourrait croire qu’il contrôle l’environnement, ou peut-être que l’environnement le suit, personne ne sait. Et quand tout se calme enfin, il n’est plus là. Aucun adieu, aucune marque, rien, seulement cette impression étrange que l’espace a été déplacé d’un millimètre, assez pour que chacun le sente, trop peu pour qu’on puisse l’expliquer. Il repart comme il est venu, invisible dans son départ, inévitable dans son passage, et longtemps après on découvre un détail qui ne devrait pas être là : une lumière mieux réglée, une trace sur le sol, une sensation familière. Alors quelqu’un murmure : « C’était peut-être lui… », mais personne ne peut l’affirmer. Pas encore.