Méridienne d'un soir
par le 10/03/20
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Parmi les dieux grecs, la catégorie la plus célèbre est celle des olympiens qui regroupe traditionnellement les
douze dieux régnant sur l’Olympe et y résidant la majeure partie de leur temps; Aphrodite (????????) est l’une
des douze divinités du panthéon olympien; tout à la fois déesse terrestre, marine et céleste, elle serait née,
d'après le poète grec Hésiode (8ème siècle avant J.C), de l’écume des flots, fécondée par le sexe d’Ouranos.
Homère affirme, à la même période, qu’Aphrodite est l’une des filles de Zeus, et qu’il l’aurait conçue avec Dioné,
sa cousine germaine et fille de Poséidon. Même si Hésiode en a fait la fille d’Ouranos, et Homère, la fille de Zeus, tous
deux reconnaissent son extraordinaire beauté et la décrivent comme étant une sublime femme blonde, aux yeux bleus.
Aphrodite est la déesse de la fécondité, mais avant tout elle est la déesse de l’amour et de la sexualité, elle fut assimilée
à Vénus chez les Romains. L’adjectif aphrodisiaque est tiré de son nom. Elle inspira la passion amoureuse aux mortels
comme aux dieux. Sans doute à l'origine, une divinité orgiaque de la fertilité venue du Proche-Orient, elle est devenue,
en abordant les îles grecques, la douce déesse de l'amour et des plaisirs.
Le récit de la naissance d'Aphrodite (grec "aphro": écume) résulte de deux légendes hittites liées au mythe de la création.
Kumarbi (Cronos) arracha les organes sexuels d'Anu, dieu du ciel (Ouranos), avala une partie de sa semence et cracha
le reste sur le mont Kansura où elle se transforma en déesse; selon la seconde, Cronos conçut le dieu de l'Amour qu'Ea,
frère d'Anu, arracha de son coté; pour les grecs, elle naquit de la mer, imprégnée des organes sexuels d'Ouranos.
Selon la légende, Aphrodite est née près de l’île de Chypre, dans une nacre de perle. C’est Zéphyr, dieu du vent d’ouest
et fils d’Éos, qui l’a poussée jusqu’à Cythère puis Chypre. Elle fut accueillie par les Heures, les filles de Thémis qui lui
enseignèrent l’art de la séduction, lui offrant une ceinture d’or dont le but était de la rendre irrésistible. Pour d'autres, ce
fut un présent d’Héphaïstos, qui aurait demandé en récompense sa main, et elle se vit moralement obligée de l’épouser.
Le fait qu’elle fut mariée n’empêcha évidemment pas Aphrodite, déesse de la sexualité et de l’amour, de prendre Arès,
dieu de la guerre, comme amant. Leur liaison se déroula sans encombre jusqu'au jour où Hélios surprit les amants dans
le palais d'Arès, en Thrace. Il s'empressa de les trahir et le mari bafoué, ulcéré par l'infidélité de sa femme, forgea un
filet de chasse pour emprisonner les deux amants en pleine action, puis s’en alla demander l’arbitrage des dieux.
Malheureusement, tout comme Arès qui se réfugia à Thrace, et Aphrodite qui partit pour Chypre, Héphaïstos eut à subir
les fous-rires et quolibets de tous les dieux de l’assemblée. On raconte qu'Apollon, Hermès et Poséidon, accourus pour
admirer le spectacle, brûlaient du désir secret d'être à la place de l'infortuné dieu de la guerre. Héphaïstos prétendit
demander le divorce, mais n'en fit rien; car il était fou de sa femme. Aphrodite maudit Hélios et toute sa descendance.
Sa vengeance se retourna finalement contre lui, car les dieux virils qui avaient eu l'occasion d'admirer la déesse dans sa
nudité, s'empressèrent de la courtiser avec succès. Peu de temps après, elle céda aux avances d'Hermès, passa une nuit
avec lui, au cours de laquelle elle conçut Hermaphrodite, jeune garçon bissexué qui hérita de la beauté de sa mère. Puis
ce fut Poséidon qui succéda à Hermès. Aphrodite s'unit également à Dionysos, donnant naissance à Priape et à Hyménée.
Aphrodite en tant que déesse de la sexualité eut bien d’autres amants qu’Arès, certains étaient du royaume des hommes
et d’autres, de celui des dieux. Hyménaios était le dieu du chant nuptial. Cinyras, roi de Chypre bénéficia de ses faveurs,
même le mysogyne Pygmalion, céda aux charmes de l'irrésistible séductrice. On cite encore Boutès l'Argonaute qui lui
donna enfants: Éryx, roi sanguinaire qu'abattra Héraclès, et Polycaon, mari d'Evaechme.
Phaéton fut aimé de la déesse qui l'enleva encore enfant et en fit le gardien nocturne de son temple. Mais ce jeune dieu
ayant obtenu la permission de conduire le char solaire, ses chevaux s'emportèrent, le char incendia le ciel et la terre et
fut foudroyé par Zeus. Anchise, roi des Dardaniens, fut l'une de ses victimes consentantes. De cette union naquit Enée
qui fonda la ville de Rome. Enfin, Adonis, le bel enfant né de l'arbre à myrrhe, fils de Myrrha, la mère incestueuse.
Adonis, fruit incestueux de Cinyras, roi de Chypre et de sa fille Myrrha; pour échapper aux assiduités du roi qui ignorait
qu’elle fut sa fille, Myrrha demanda aux dieux de la changer en arbre à myrrhe. Son fils Adonis brisa l’écorce de l’arbre à
sa naissance. Aphrodite confia l’enfant à Perséphone, reine des Enfers. Cette dernière s’éprit de lui lorsqu’il fut plus âgé
et en fit son amant. Adonis, de son côté, éprouvait une véritable passion pour Aphrodite qui succomba à ses charmes.
La déesse de l’amour dû le partager avec Perséphone, suite à un arbitrage des dieux de l’Olympe. En effet, ceux-ci
décidèrent qu’Adonis devait consacrer un tiers de son temps à Perséphone, un tiers à Aphrodite et disposer à sa guise
du tiers restant. Celui-ci dédia, jusqu’à sa mort, le temps restant à Aphrodite. Les deux amants n’eurent pas d’enfants.
D’après la légende, Adonis fut tué par un sanglier et du sang qui coula de sa blessure naquirent les anémones.
C’est en poursuivant Adonis qu’Aphrodite se blessa le pied sur une épine de rose blanche. Celle-ci rougit sous l’effet du
sang coulant de la blessure. C’est ainsi que la rose rouge devint l’un des attributs principaux d’Aphrodite; comme tous
les dieux, elle possèdait de nombreux autres attributs comme la grenade, la pomme, le pavot, le myrte (symbole de gloire),
la coquille ou la conque, le cygne, la colombe, le bélier, le bouc, le lièvre et l’oie.
Tout en étant la déesse de l’amour, elle était aussi la déesse de la fécondité. Selon Hésiode, Simonide et Cicéron, elle eut
avec Arès cinq enfants: Déimos, la terreur (d’où est issu le mot démon); Phobos, l’épouvante (d’où naîtra le terme phobie);
Harmonie, l'épouse de Cadmos; Éros (aimer), et enfin Antéros (être aimé). Héphaïstos, le mari dupé, forgeron difforme et
boiteux se vit confier par les mythographes des dons magiques et créateurs et fut assimilé à Vulcain chez les Romains.
Aphrodite a également été la cause de la guerre de Troie. Éris, déesse de la discorde, n’a pas été invitée aux noces de
Pelée et de Thétis, les parents d'Achille; telle la méchante fée de la belle au bois dormant, elle s’est invitée et a apporté
l’une des pommes d’or du Jardin des Hespérides (œuvre de Gaïa). Elle a offert en cadeau la pomme portant l’inscription
suivante: "Pour la plus belle". Héra, Athéna et Aphrodite se sentant concernées, ne sont pas arrivées à se départager.
Le conseil décida, avant que cela ne tourne au drame, de s’en remettre au jugement d’un mortel. C’est Hermès qui fut
chargé de cette mission. Il s’en acquitta en allant trouver Pâris, prince Troyen évincé de son pays parce que l’oracle avait
prédit qu’il déclencherait une guerre. Chacune des trois déesses tenait à gagner; toutes promirent à Pâris une récompense
s’il la choisissait: Héra promit la puissance, Athéna le triomphe à la guerre et Aphrodite l’amour de la plus belle femme
du monde. Sans hésitation, Pâris choisit Aphrodite.
La plus belle fille du monde était, sans contestation possible, Hélène, reine de Sparte et épouse de Ménélas. Pour obtenir
la belle Hélène, il fallut l’enlever, ce qui déclencha la guerre de Troie qui dura dix années. Durant la guerre, elle accorda sa
protection aux Troyens, et à Pâris, en particulier. Lorsque Pâris combattit en combat singulier contre Ménélas, et fut sur le
point de succomber, c'est elle qui l'arracha au danger, et provoqua l'incident qui rouvrit les hostilités générales.
Plus tard, elle protégea également Enée, sur le point d'être tué par Diomède; celui-ci blessa même la déesse. Mais la
protection d'Aphrodite ne put empêcher Troie de tomber, et Pâris de mourir; cependant, elle réussit à sauver le peuple
troyen; grâce à elle, Enée, le fils qu'elle eut avec Anchise, et son petit fils Ascagne, Jule pour les latins, réussissèrent tous
les trois à s'enfuir de la cité en flammes pour porter les Pénates de Troie, jusqu'en Italie pour trouver une terre nouvelle.
Les Romains considéraient Énée comme le père fondateur de leur civilisation; la famille des Julii traça son origine
généalogique depuis Iule, fils d'Énée. Les membres les plus célèbres de cette famille furent Jules César et son fils
adoptif Auguste, le premier empereur romain; ils se servirent de cette filiation pour légitimer leur pouvoir; César éleva
un temple, sous l'invocation de la déesse, en honneur d'Aphrodite, la Vénus Mère, en latin, la Venus Genitrix.
Bien que certains font un amalgame entre Éros et Aphrodite, dans le cadre de la symbolique et de la cosmogonie, ils ne
peuvent en aucun cas se confondre. Éros est une force primordiale, la force de l’instinct alors qu’Aphrodite "marque le
moment où les sexes se distinguent, où l’union se fait sans confusion…". Et ce n’est que dans ce moment précis qu’Éros
s’associe à Aphrodite; comme il existait deux Éros, il existerait également deux Aphrodite.
Platon en fit l’un des thèmes de son célèbre "Banquet". Il opposa l’Aphrodite céleste à l’Aphrodite populaire qui sont:
Aphrodite Urania, la déesse de l’amour pur et mystique et fille d’Ouranos, et Aphrodite, fille de Dioné Pandémos,
symbolisant l’amour vulgaire et vénal (mot dont est issu le terme "maladie vénérienne "). De cette double naissance
provient sans doute la double personnalité d'Aphrodite, déesse de l'amour céleste et déesse de l'amour physique.
Les colères et les malédictions d'Aphrodite étalent célèbres. La vengeance de la déesse est terrible. Pour la vindicte,
elle ne le cède en rien à Héra, mais si cette dernière ne poursuit les femmes que par jalousie, Aphrodite ne les frappe
que lorsqu'elles la servent mal ou refusent de la servir; elles sont alors tant ses victimes que ses instruments destinés
aux hommes, plus rarement par jalousie, leur inspirant parfois des amours très difficiles.
Elle inspira à Eos qui avait séduit Arès, un amour impossible pour Orion. De même, elle conduisit les filles de Cinyras à
la prostitution. Elle châtia également toutes les femmes de Lemnos, fautives de ne pas l'honorer, en les affligeant d'une
odeur insupportable, telle que leurs maris les abandonnèrent pour des captives thraces. Elle se déchaîna sur la muse
Clio qui avait blâmé ses amours avec Adonis.
Elle inspira à Parsiphaé, fille de Hélios et de Persé, épouse de Minos, roi de Crète, et mère du Minotaure, son désir
pour le taureau. Ariane et Phèdre, ses enfants, sont poursuivies par sa vengeance tout comme Médée et Hippolyte.
Elle punit Hélios, qui avait dénoncé à son mari ses amours avec Arès, en le rendant, lui et sa descendance, toujours
malheureux en amour.
Le culte d'Aphrodite s'associe le plus souvent à la sexualité, mais ce n'est pas la seule prérogative de la déesse.
Elle est en rapport avec les activités des jeunes filles en général. Les détails du mythe de Thésée et ses amours avec
Ariane montrent une Aphrodite impliquée dans la sexualité hors mariage, tandis que celui-ci est du domaine d'Apollon.
Le culte athénien, ainsi que celui d'autres cités grecques, l'associe à la fécondité.
Les attributions d'Aphrodite évoluèrent selon les époques et les cités; toutefois, en tout temps, ce sont surtout les
jeunes filles et les femmes, plus que les hommes et les garçons, qui eurent des devoirs envers la déesse; la beauté
féminine, précieuse aux jeunes filles en vue de leur mariage, se reflète dans les miroirs décorés de la figure de la
déesse offerts au temple d'Aphrodite. C'est la seule déesse qui soit représentée nue dans l'Antiquité.
Les motifs qui font référence à Aphrodite dans les rêves, et dans les voyages chamaniques, renvoient aux notions
suivantes: amours charnelles et ordinaires, sexualité, amour pure et mystique, séduction et ravissement des sens,
être enchaîné, perfection physique, vanité, fécondité, infidélité, et enfin vengance et punition. Elle serait une figure
d'Eos, la déesse de l'aube indo-européenne.
Son culte, importé par les Phéniciens, s'étendit à la Grèce; ses sanctuaires les plus fréquentés se trouvaient à Paphos,
Amathonde, Idalie, dans l'île de Chypre, de Cythère, sur le mont Eryx, en Sicile et dans la plupart des cités grecques.
Depuis la renaissance Aphrodite fait l'objet d'un grand intérêt, avec de nombreuses interprétations artistiques.
Une des plus importantes planètes du système solaire porte son nom. Pierre Louÿs a écrit en 1896 un roman
intitulé "Aphrodite, Mœurs antiques". L'écrivain irlandais Georges Moore publia en 1931 "Aphrodite en Aulide."
Sappho écrivit une ode à la déesse Aphrodite afin que la jeune fille qu'elle désirait réponde à son amour.
" Toi dont le trône étincelle, ô immortelle Aphrodite, fille de Zeus, ourdisseuse de trames, je t'implore: ne laisse pas,
ô souveraine, dégoûts ou chagrins affliger mon âme, mais viens ici, si jamais autrefois entendant de loin ma voix,
tu m'as écoutée, quand, quittant la demeure dorée de ton père tu venais, après avoir attelé ton char, parle: si elle
te fuit, bientôt elle courra après toi ; si elle refuse tes présents, elle t'en offrira elle-même ; si elle ne t'aime pas, elle
t'aimera bientôt, qu'elle le veuille ou non."
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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