Une question brûlante d'actualité, en effet ! Et dont une réponse argumentée et détaillée serait forcément très longue, et sujet à débat sans fin (c'est d'ailleurs ce qui en fait son intérêt...) Alors je vais juste de poser quelques assertions simples, sans les justifier ni les argumenter, mais en sachant que chacune d'entre elles peut l'être de façon détaillée et aussi rationnelle que possible..
Pour commencer, deux définitions :
- Celle du Larousse : "Attitude ou tendance de quelqu'un, d'un groupe ou d'une société, définie par le refus du changement et la référence sécurisante à des valeurs ou des structures ...".
- Ensuite, celle de Wikipedia : "Le conservatisme est une philosophie politique qui est en faveur des valeurs traiditionnelles et affirme le primat des structures sociales et de la culture sur la raison humaine. Le conservatisme prône la préservation d'une situation ou le retour à une situation passée dans les domaines social, politique, moral, culturel, religieux. En ce sens, il s'oppose au progressisme.
Et une considération d'ordre psychologique : cette attitude relève fortement du "c'était mieux avant" (et donc, par voie de conséquence : c'est moins bien maintenant !). Ce syndrôme du "c'était mieux avant" se dénomme parfois "syndrôme du rétroviseur", ou "syndrôme du passéisme", et s'appuie en particulier selon certains chercheurs (cf. par ex. Daniel Gilbert & Adam Mastroianni, "L'illusion du déclin moral", Nature) sur deux biais cognitifs majeurs :
le biais de négativité et le biais de mémoire. Je ne vais pas développer cela ici, chacun pourra faire ses propres recherches sur ce vaste sujet.
Ceci étant posé, pour ma part, je considère que :
1/ c'est mieux maintenant : qui veut réellement vivre avec les valeurs du passé ? la féodalité, les castes et l'aristocratie dominant la société, la religion omniprésente et obligatoire, la cravate obligatoire dans les bureaux pour les hommes, l'égalité des droits pour tous, y compris les minorités, la femme au foyer, la pénalisation de l'homosexualité, la colonisation et l'esclavagisme blanc, etc.
2/ alors, si, justement, il y en a qui sont nostalgiques de cela, et tout particulièrement un groupe, celui des fameux "
HBHC" (Hommes Blancs Hétéro Cisgenre", vous pourrez chercher la définition pour ceux qui ne connaissent pas), qui regrettent le "bon vieux temps" où ils dominaient le monde. Et ce sont eux qui alimentent aujourd'hui la plupart des conservatismes sociaux, économiques et religieux : le masculinisme, la "tradwife", la "valeur travail" vs les "assistés", la criminalisation de l'avortement, etc.
3/ et leur attitude relève précisément du "c'était mieux avant"... sauf qu'ils oublient de préciser que c'était mieux pour eux, en tant que minorité dominante, mais pas pour le reste du monde ! (les femmes, les colonisés, les esclaves, les immigrés, les habitants des pays sous-développés, les minorités sexuelles, etc.) Ils rêvent d'un retour à cette situation d'antan, mais ils sont constamment bousculés dans leurs certitudes d'un autre âge et leur satisfaction béate par tous les mouvements d'émancipation :
#metoo, LGBT+, révolte des anciennes colonies (par ex. désintégration de la "Françafrique"), révolte du peuple contre les prétendues élites (qui conduit aux extrémismes politques de gauche ou de droite), etc.
4/ face à cette déstabilisation totale de leur pouvoir passé, ils érigent les valeurs anciennes en dogme absolu, et usent au besoin de la force pour les imposer (cf. Trump aux Etats-Unis, Orban en Hongrie, Milei en Argentine...), mais aussi de la restriction de tous les droits (en particulier, la liberté de la presse, et l'indépendance de la justice), dans un effort désespéré pour conserver leur statut et leurs privilèges...
5/ mais surtout, et c'est là le plus grave, pour justifier leur action, il leur faut trouver des
boucs émissaires (le plus souvent, les immigrés, bien sûr, mais aussi, en vrac, les musulmans, les "gauchistes", les juges "laxistes", les écologistes et les "déviants" sexuels, etc), et ils propagent la haine de ces populations Et c'est précisément là où je voulais en venir : quand la
haine devient un moyen de gouverner par la division, la guerre civile, ou la guerre tout court, n'est pas loin (cf. la République de Weimar en 1930... ou les Etats-Unis d'aujourd'hui ?). Mais même sans aller jusque-là, la haine permet de désigner des populations à la vindicte populaire, qui se sent désinhibée pour "se faire justice" ou pour "traquer" les déviants de "l'ordre moral nouveau".
Alors, oui, tout le monde l'aura compris, ma position est très claire : les pratiques BDSM - entre autres - sont en danger dans de telles sociétés. Et, d'une façon générale, toutes les pratiques déviantes de l'ordre moral traditionnel que ces gens-là veulent incarner, et imposer à tous. Et c'est d'ailleurs là le coeur du problème en réalité : c'est de vouloir
imposer par la loi, et par la force, un même ordre à tout le monde, de façon indifférenciée, sans accepter aucune nuance, aucune différenciation. Bref, le rejet des différences qui engendre la haine qui engendre la violence. Ce cercle vicieux est engagé, il est funeste, l'expérience historique le démontre amplement : il faut le combattre !
La haine ne fait pas civilisation, elle conduit à la barbarie, et en barbarie, personne n'est à l'abri d'être désigné comme coupable, sans jugement et sans droit à se défendre.