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analogique
#9
Bonjour Léonin,
Dans le défouloir, vous avez écrit ceci:

Léonin a dit...

Il me semble que le simple fait de s'exposer "publiquement", quel que soit le moyen, implique nécessairement d'être "jugé" par les autres, c'est un risque que l'on assume au quotidien lorsque l'on vit dans une société ou que l'on participe à un groupe déterminé. L'humain est ainsi fait il voit, il ressent, il juge, il classe et hiérarchise. Je suis pour ma part autant géné par les remarques péromptoires dénuées de toute argumentation autre que "c'est nul", "N'importe quoi !" que par les commentaires pseudo empathiques qui n'ont en définitive pour objet, pour certains/la plupart, que de flatter le propre ego de son auteur ou d'aboutir à des fins qui peuvent faire douter de leur sincérité...


Et je souscris pleinement à vos propos!
C'est la raison pour laquelle je suis un peu frustré lorsque je lis vos laconiques remarques cinéphiliques...
Il me semble que ce fil gagnerait beaucoup si nous faisions l'effort d'y développer les raisons pour lesquelles on a aimé ou pas un film.

Léonin a dit...

J'ai regardé pour la première fois aujourd'hui "Salo ou les 120 journées de sodome" (http://www.imdb.com/title/tt0073650/?ref_=sr_1), j'ai bien aimé le début et l'idée du film mais le reste m'a un peu ennuyé.

Sinon :
- The servant : http://www.imdb.com/title/tt0057490/ (vu, pas mal)
- Portier de nuit : http://www.imdb.com/title/tt0071910/?ref_=sr_1 (pas vu)


Je ne retiens de votre liste que ces trois films que je tiens pour des chef-d'oeuvres absolus. Il me semble primordial de préciser qu'en aucun cas il ne s'agit de films sur le bdsm, et qu'ils n'ont absolument rien d'émoustillant. Pour la plupart des spectateurs, leur visionnage procède même au contraire d'une expérience dérangeantes.
Les raisons pour lesquelles ils méritent qu'on s'y arrête sont des raisons cinématographiques et politiques.

Le "Salo" de Pasolini est une transposition de l'oeuvre de Sade dans l'Italie fasciste. C'est un huis-clos insoutenable qui renvoie le spectateur à son propre voyeurisme, et qui pousse les limites de ce mécanisme jusqu'à confronter le spectateur à ce qu'il est finalement capable d'imaginer, puisque toute la fin du film n'est pas montrée directement, mais est suggérée à travers un gros plan sur quelqu'un qui assiste à des tortures atroces.
Le projet de Pasolini était de faire vivre au spectateur une expérience extrême: faire un film qu'on ne peut pas regarder en face sans être renvoyé à ses propres démons intérieurs.
A ce titre, c'est une entreprise qu'on peut sans doute rapprocher de celle de Bernard Noël lorsqu'il a écrit le Château de Cène, et qu'il a expliqué dans la postface intitulée "l'outrage aux mots": il s'agissait, au sortir de la guerre d'Algérie, d'écrire dans la langue coloniale (le français), un texte qui retournerait cette langue contre elle-même en devenant insoutenable pour ses lecteurs.

"Portier de nuit" sonde les mystères de la relation entre une rescapée des camps de concentration et le nazi qui la torturait, qu'elle retrouve dans un autre contexte quelques années plus tard. Ce film explore la zone trouble de fascination réciproque entre une victime et son bourreau, et envisage la dimension érotique du système concentrationnaire. C'est la raison pour laquelle c'est un film aussi trouble que troublant.

Dans un registre moins dérangeant mais peut-être pas moins trouble, et servi par le même acteur que Portier de nuit (Dirk Bogarde, magistral), "the servant" campe un personnage de valet manipulateur qui prend progressivement l'ascendant sur le "maître" qu'il est sensé servir. Ce film est le lieux de tous les paradoxes et de tous les retournements. Mais le mensonge et la manipulation, faut-il le rappeler, sont là encore des choses très éloignées du bdsm...

Bref, ce sont là à mes yeux trois films extraordinaires, mais qu'on ne saurait pas vraiment recommander à quelqu'un qui espère se rincer l'oeil pour y satisfaire sa fibre fétichiste...
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