Bonsoir,
Je n'ai ni l'énergie ni le temps de m'embarquer dans une réponse très détaillée, mais je vais tenter de donner quelques grandes lignes pour ce qui me concerne.
J'ai découvert les switch un peu après avoir découvert la Ds et leur fonctionnement m'interpelle. A quel moment passez vous d'un rôle à un autre? le faites vous avec la même personne?
Ça dépend précisément de la personne, et du moment... J'ai eu des partenaires avec qui je n'ai été que dominant, et d'autres avec qui je n'ai été que soumis, certains enfin avec qui j'ai switché beaucoup et souvent. Avec ma compagne actuelle (qui a commencé par m'être soumise il y a 13 ans, que j'ai perdu de vue puis retrouvée ensuite), je suis soumis ou dominant en alternance, sur des périodes qui peuvent aller de quelques minutes à plusieurs mois. Depuis cet été, c'est elle qui détient le pouvoir. Elle me le rendra quand elle en aura envie, si elle en a envie, et ce n'est pas un problème.
qu'éprouvez-vous dans ces deux rôles?
Le passage de l'un à l'autre est pour moi très complémentaire, mais ce qui m'intéresse avant tout c'est ce qui se joue dans la relation entre moi et ma compagne, indépendamment de la place que nous y occupons. C'est l'extrême intimité que nous y partageons en y mettant à nu nos fantasmes les plus secrets, nos failles et nos faiblesses comme nos forces et nos qualités. De ce point de vue, quel que soit le statut que nous occupons à un moment donné, nous sommes dans une relation égalitaire à chaque instant.
Les switchs, ces paradoxes, pour qui le BDSM est souvent jeu, jeux, indépendendants.
Il y a des gens (et j'en suis) pour qui le jeu est quelque chose de très sérieux. Le mot "jeu", ça me renvoie davantage aux enjeux (ce qu'on met "en jeu") relationnels de ce qu'on apporte dans notre sexualité et de ce qu'on en retire qu'à la dimension ludique (qui peut exister par ailleurs).
Sinon, dans le bdsm, on peut relever que tout est paradoxe: frapper quelqu'un qu'on aime, prendre du plaisir dans la douleur ou dans la contrainte, choisir de subir, etc... Les switchs ne sont pas plus paradoxaux que le reste.
Qui jettent Codes et Régles par dessus les Donjons, les accomodent à leur gout
Je crois pouvoir affirmer que nous adoptons des règles aussi, et que ces règles peuvent être très fortes. Mais elles sont définies pour une situation donnée, entre des partenaires donnés, à un moment donné.
Ce que nous rejetons (notamment avec les copains de l'internationale switchuationniste), ce ne sont pas les règles en elles-mêmes en tant que règles, mais l'idée qu'il y aurait des règles universelles, valables tout le temps et pour tout le monde.
Au passage, en tant que dominant-sadique-farceur, j'adore d'ailleurs imposer des règles parfaitement contradictoires et intenables qui me permettront d'infliger les pires sanctions, parfaitement injustes mais parfaitement légitimées par mon excitation. Dans ce cas, les règles, c'est très bien (surtout si elles sont absurdes et arbitraires).
Le questionnement de Salomé faisait suite au fait que ma vision de soumission semble différer de soumises classiques. Soumission sans doute plus cérébrale, difficulté de plier, fierté... Conscience aigue d'etre contraint(e) dans sa volonté, plus pénible peut etre que ce qu'on peut vous demander, en fait.
Désir de soumission, pourtant, d'être la fierté du Maitre, et bonheur de plier, d'arriver là où l'on souhaite nous amener, donc de progresser dans son éducation,
Moi et ma switch ne cherchons surtout pas à nous faire progresser dans une éducation. Nous cherchons simplement à être (et être nous-mêmes plutôt qu'une image projetée par l'autre), et à nous connaitre jusque dans nos endroits les plus secrets. Cela n'exclut pas du tout des pratiques poussées qui vont jusqu'à faire plier l'autre, mais plutôt dans une perspective de "déséducation" où nous laissons notre humanité civilisée au vestiaire.
Lorsqu'elle me domine, ma compagne m'annonce parfois qu'elle va poursuivre une pratique le plus loin possible, et qu'elle ne s'arrêtera (peut-être) que lorsque je la supplierai d'arrêter, et qu'elle estimera m'avoir poussé au bout du bout de mes derniers retranchements... Nous ne faisons pas ça pour progresser, mais pour éprouver l'état dans lequel ça nous met, et surtout pour partager l'aventure qui consiste à faire ce voyage ensemble.
mais aussi mode de fonctionnement sans doute indéniablement différent, avec aussi la possibilité de poser un regard double sur le Dominant: celui adoratif de soumis(e),
Pour nous, le regard "adoratif" (pour reprendre votre expression) posé sur l'autre est un regard amoureux entre deux personnes plutôt qu'un regard de soumis ou de dominant.
mais aussi un regard critique de ...collégue?! de Dominant ?! également, sur les actions, demandes, réaction du Maitre.
Regard qui permet d'anticiper les demandes, mais aussi de parer, de contrer!:D :D :D
Le regard critique n'est pas l'exclusivité du switch: n'importe qui peut avoir le sentiment légitime que son partenaire ne tient pas la route ou ne lui convient pas.
Le regard de "collègue" dominant peut exister dans les moments de débriefing: on peut préciser des choses sur certains ressentis, sur des aspects techniques... Mais dans le moment des pratiques, quand on est "en bas", on n'est pas du tout en train de raisonner en collègue, on est bien assez occupé à être là où on est!
(Par contre, coté dominant et donc potentiellement "collègue-soumis", il peut arriver qu'on domine comme on aime être dominé: je pense que c'est en grande partie en la dominant en tant que ma soumise que j'ai fait de ma partenaire la Domina de mes rêves et que je peux aujourd'hui lui être soumis si facilement.)
De même anticiper, parer ou contrer les demandes n'est pas le privilège des switchs: les soumis expérimentés savent tout aussi bien le faire. Après, ce n'est encore et toujours qu'une question de projet, et la plupart des switchs que je connais et que j'ai pratiqué ne cherchent pas à parer ni à contrer, mais au contraire sont plutôt du genre à "jouer le jeu" à fond.
Les switchs: des anars du BDSM? Des mutants? Ou ont-ils intégré BDSM et Epicicurisme, hédonisme à l'extrême?
Le bdsm des switchs n'est pas par définition plus hédoniste ou plus léger que le bdsm des straights. Il y a des straights hédonistes qui cantonnent leurs pratiques à leur zone de confort, tout autant que des switchs qui aiment l'intense et pratiquent un bdsm inconfortable. Les pires sadiques et les plus grandes masochistes que j'ai rencontrés étaient d'ailleurs des switchs. Aucun jugement de valeur là-dedans, c'est juste un constat de diversité des approches, qui invalide le cliché selon lequel le bdsm des switchs serait forcément plus superficiel que celui des straights.
Un switch est il vraiment différent du soumis classique?
Je crois qu'il n'y a pas de "soumis classique". C'est une figure archétypale dans laquelle personne ne peut pleinement se reconnaitre, ou alors qu'il faut encore subdiviser en plein de sous-catégories pour approcher des réalités multiples et complexes, sans pour autant pouvoir parvenir à les circonscrire ou les cerner définitivement: il y aura toujours des gens qui ne rentreront pas pleinement dans la case où on voudrait les enfermer.
Donc, oui, le switch en est très différent, mais pas parce qu'il est switch: parce qu'il est une personne irréductible à la simple appartenance à une catégorie.
Si on veut aller plus loin, on peut relever que l'expression "soumis classique" ne qualifie pas tant une personne soumise que le regard porté sur elle par la personne qui utilise cette expression.
Donc, oui encore et toujours plus, le switch en est très différent, mais pas parce qu'il est switch: parce que le regard porté sur lui (quand on utilise précisément ce mot pour le distinguer) est différent.