Pendant qu'on y est, une lettre ouverte postée beaucoup depuis ce matin, sur fetlife Lettre ouverte aux hommes Je connais une femme. Elle vit dans la ville de Chambéry, en France, au vingt-et-unième siècle. Elle est mère célibataire (en instance de divorce, pour être précis, mais séparée de corps), elle est forte, indépendante et lutte chaque jour contre une santé défaillante et une situation matérielle très précaire. Elle se bat seule, complètement seule, ne demande jamais d'aide à personne et à réussi à se sortir elle-même de tant de situations difficiles que j'en perds le compte, à titre personnel. Je connais une femme. Elle est épuisée, tant physiquement que moralement, et pourtant chaque jour, malgré son corps qui la lâche toujours un peu plus, malgré cet isolement presque total qui déchire son coeur, malgré cette brutale envie la tenaillant de simplement s'allonger, fermer les yeux et... partir, malgré tout, chaque jour, elle se lève et avance, pour sa fille. Uniquement pour sa fille. Elle trouve, chaque jour, la force de créer la vie de son enfant en plus beau. Je connais une femme. Elle est belle. Elle aime être belle, elle aime se voir belle, se sentir belle. Prendre soin d'elle, de ses magnifiques cheveux noirs, de sa ligne, de sa tenue. C'est pour elle non seulement un plaisir mais également une victoire sur sa propre image d'elle-même. Sur sa vie passée. Une revanche qu'elle prend chaque jour. Elle est belle et cette beauté, voyez-vous, cette beauté elle la rend désirable aux yeux des hommes. Je connais une femme. Elle est donc désirable. Excessivement désirable. Moi-même je la désire en la voyant si belle. Je l'admets. Elle est désirable et très désirée. Lorsqu'elle sort dans la rue, les yeux sont sur elles. Des yeux d'hommes qui la structent. Qui a deshabillent. Qui la suivent. La poursuivent. Ne lui laisse jamais une seconde de répit. Jamais un instant pour souffler et se sentir anonyme au milieu des gens. Je connais une femme. Lorsqu'elle sort de chez elle, elle se fait siffler comme si elle passait là pour ça, être sifflée. Elle se fait aborder par des pseudos-séducteurs se croyant tous originaux et n'étant que les tristes répliques les uns des autres, comme si elle passait là pour ça, être abordée et leur sourire. Elle se fait suivre par des hommes fascinés par sa beauté et refusant d'accepter qu'elle ne puisse qu'être une image fugace dans leur vie, comme si elle passait là pour ça, entrer dans leur vie. Je connais une femme. Elle vit dans un quartier difficile, où le respect d'autrui n'est pas une évidence. Ou le respect de la femme est une bonne plaisanterie, au mieux. Elle vit dans un quartier où ses voisins épient ses moindres faits et gestes, se sentant en droit d'envahir constamment sa vie privée simplent parce qu'ils la désirent. Elle vit dans un quartier où des hommes -qu'ils soient célibataire ou non- viennent frapper à sa porte des heures durant, tentent d'entrer de force, comme s'ils étaient en droit de venir profiter d'elle, avec ou sans son accord. Je connais une femme. Elle ne peut pas dormir un peu plus longtemps que d'habitude sans que ces hommes ne lui envoient les pompiers pour défoncer sa porte, se retranchant derrière une fausse inquiètude pour masquer leur désir de passer à ses yeux pour le héros l'ayant sauvée et auquel elle se donnera en récompense, blanche princesse prisonnière d'une vie d'horreur n'attendant que le prince charmant qu'ils sont pour venir la délivrer et vivre ensuite heureux avec elle, avec beaucoup d'enfants de préférence. Je connais une femme. C'est une femme superbe, dans tous les sens possibles du terme, brulante et sauvage, douce et tendre, puissante et farouche, épuisée et vulnérable. Mais je suis l'un des seuls à connaitre cette femme. Pour les autres elle n'est rien sinon un fantasme vivant sur lequel projetter des désirs malsain, inassouvi et déplacé si l'on se veut un être humain décent. Las, il semble qu'aucun des hommes qu'elle a le malheur de devoir croiser chaque jour de sa vie ne soit un être humain décent. Je connais une femme. Et je sais que face à de tels comportements, face un tel harcelement constant et permanent, elle n'a aucun recours. A Chambery voyez-vous, les forces de police ont renoncé à faire appliquer les lois anti-harcelements. Elles pourraient ne pas exister lorsqu'on l'on s'adresse à eux. Il y a du mépris dans le refus des autorités compétentes de punir ces comportements odieux et innacceptable en France au vingt-et-unième siècle. Comme si à Chambery, le machisme était une religion sacrée et que les femmes n'avaient qu'à faire avec, quoique la loi française exige. Je connais une femme. Elle vit dans la terreur parce que la loi de son pays, une loi censée la protéger, n'est jamais appliquée dans la ville où elle vit. Une ville de son pays, ce pays où règne supposément le droit d'exister sans être constamment harcelé par des hommes méprisant vous imposant leur désir. Un droit, son droit, que chaque jour voit baffoué dans l'indifférence générale. Je connais une femme. Et j'ai peur pour elle. J'ai peur d'apprendre un jour que l'un d'eux aura fait le geste de trop. Aura eu l'indécence ultime de faire le geste de trop. Et j'ai honte. Honte de voir que tout le monde s'en fout autour d'elle. Honte de faire parti d'une espèce qui s'en fout de cette souffrance constante qu'une frange de la population se permet d'infliger à une autre en toute impunité. Je connais une femme. Et quand je l'entend me parler des hommes, alors j'ai honte d'être un homme. Honte d'en être réduit à devoir écrire ces mots. Honte de ne rien pouvoir faire de mieux pour l'aider. Honte de vivre dans une société dont les lois condamnent ce genre de comportements mais dont les forces chargées de faire respecter ces lois choisissent eux-même de les violer avec mépris. Je connais une femme. Et sachez, vous, messieurs, qui sifflez les femmes dans la rue, qui les abordez sans vous soucier de savoir si vous êtes ou non intrusif et violent pour elle, vous qui vous touchez la nuit dans votre lit en invoquant l'image d'une femme croisée dans la rue et dont vous ignorez tout, vous permettant de lui inventer une vie dont vous seriez le centre, vous qui refusez de comprendre le sens du mot "non" et vous permettez d'insister, encore et encore, ad nauseam, vous tous, là, sachez-le : vous n'êtes pas dans votre droit. Vous n'êtes pas des personnes décentes. Vous êtes des agresseurs. Et le mal que vous faîtes, il est violent et durable. Je connais une femme. Et j'écris en son nom et en celui de tant d'autres femmes que je ne connais pas et qui souffrent comme elle et ne possèdent pas ma plume pour s'exprimer. Et c'est en leur nom que, moi, homme blanc approchant de la quarantaine, français, et jouissant par là même d'une tranquillité dans ma vie qu'aucune d'elles ne connaîtra jamais je viens poser cette simple question : Putain mais vous vous prenez pour qui, bande de connards ? Dehorian Green (poète)Par :Elle.a
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