J'avais eu l'occasion ici même de vous exposer à quel point la sortie du placard du BDSM aux USA avait été atypique : à l'origine, deux groupes féministes, lesbiens, et sadomasochistes, Samois (West Coast) et la Lesbian Sex Mafia (East Coast) avaient servi d'allumettes pour faire détonner un baril de poudre bien prêt à exploser. Elles furent à l'origine des sex wars, aussi ! Si Samois finit par se diluer dans le grand brassage de gens et d'idées propres à l'axe Frisco/LA, la Lesbian Sex Mafia a toujours bon pied bon œil, 40 ans, et toutes ses dents ! Si vous posez la question aux bdsm'ers de NYC, en leur demandant de citer un groupe ou club sadomasochiste, vous pouvez être certain-e-s que la LSM viendra souvent en premier. A priori c'est bizarre ! C'est un groupe lesbien à 100 %, pas de « amenez-vos-maris-qu’on-rigole ». Et en clubs, le Rick's ou le Paddle, le Sapphire ou le Hunk-O-Mania, font tellement de publicité dans le milieu SM new-yorkais qu'on pourrait s'attendre à ce qu'ils soient cités en premier. Et pourtant non. La LSM tient toujours le haut du pavé. Pourquoi ? Parce que… parce que… parce qu'elle n'a jamais renié son origine féministe ! Jetez un coup d'oeil sur leur site, et regardez le calendrier : vous verrez, une fois par mois, un open board. Mais non, pas un open bar, un open board ! http://lesbiansexmafia.org/C'est quoi ça ? C'est un event mensuel durant lequel les membres peuvent demander aux organisatrices des précisions sur les questions d’intendance et d’organisation, mais aussi une occasion pour les organisatrices de rappeler aux membres que la LSM, c’est aussi et peut-être même surtout une organisation féministe, et qu’être féministe, c’est s’engager activement pour telle ou telle cause. Pourtant, qu’il aurait été simple de mettre le féminisme en veilleuse et d’évoluer petit à petit vers un simple club SM, des emm… en moins, du bonheur en plus ! Mais non. La nature même de la LSM va bien au-delà du sadomasochisme, de la sexualité F/F, et du grand tralala cuir et fouet. En quarante ans son discours n'a pas changé sur un point capital : lesbiennes ou pas, sadomasochistes ou non, il y a une chose qui devrait unir les femmes, et aussi les hommes d'ailleurs : une vision féministe de la sexualité, où la liberté n'est que le pendant de la responsabilité, où elle est basée sur un partage de l'autorité. En quarante ans, les choses ont-elles évoluées ? Oui. Et non : le sexe forcé, le viol, la domination revendiquée ou larvée du patriarcat dans tout ce qui relève de la sphère de l'intime, est-ce que ça a vraiment changé ? Croyez le si vous aimez rêver. Et ensuite, ouvrez les yeux. Le chemin accompli n'est rien vis-à-vis de celui qui reste à accomplir. Et durant les open boards, d'une façon ou d'une autre, on en revient toujours aux origines du discours de la LSM : ce n'est pas parce que vous êtes lesbienne que vous devez être féministe. Ce n'est pas parce que vous êtes une femme sadomasochiste que vous devez être féministe. Mais si vous êtes féministe, alors peu importe que vous soyez lesbienne ou non, sadomasochiste ou pas : votre devoir – et pas seulement votre droit – est d'exprimer vos idées féministes dans toutes les occasions où il est pertinent de les exposer, et notamment dans le domaine de la sexualité.

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