Quant à moi, au risque de passer pour un piètre Maître, c'est ma soumise qui me tire les oreilles et me tanne depuis deux semaines pour que j'apporte ma modeste réponse à ce fil de discussion qu'elle apprécie et sur lequel elle est désolée de ne pas voir davantage de contributions. En règle générale, les hommes sont moins à l'aise que les femmes avec l'écriture et avec l'expression de leurs sentiments. Ceci explique sans doute cela.
Je me lance donc dans cette tentative d'explication bien délicate.
La caractéristique du cerveau humain est de faire cohabiter des pulsions primitives, des émotions et des capacités de raisonnement. A l'origine il y a des motivations primaires: j'aime voir la femelle obéissante, respectueuse, sexuellement disponible, docile. Je prends plaisir à la fouetter et à l'utiliser sans ménagement. Il me semble, même si ce n'est pas politiquement correct de le dire, que cela est en partie programmé génétiquement, tout comme certaines femmes ressentent instinctivement l'envie de se soumettre et en éprouvent beaucoup de plaisir.
Fort heureusement, le néocortex passe par là et permet de magnifier ces pulsions primaires, tout en les contrôlant et en les transformant.
A mon sens, la relation bdsm est plus intellectuelle que la relation dite "vanille": elle permet de laisser libre cours à son imagination et d'explorer sans cesse de nouvelles idées. La symbolique est essentielle. On peut même, si on le souhaite, se passer de l'aspect sexuel et néanmoins éprouver beaucoup de plaisir.
La relation D/s peut être extrêmement riche humainement et intellectuellement. On se confie bien plus qu'on ne le ferait dans une relation "vanille". La notion de relation fusionnelle prend tout son sens. Personnellement, bien au delà des pulsions primitives, c'est cette très stimulante richesse dans la relation humaine et cet aspect intellectuel qui m'attire et me motive.
Plus haut, j'écrivais "fort heureusement", car je n'ose imaginer l'abject personnage que je serais sinon! Une différence essentielle entre la brute primaire et le Maître, c'est le consentement. Je n'éprouverais aucun plaisir et aucune envie de fouetter une femme qui ne serait pas pleinement consentante.
Une différence entre le macho et le Maître c'est l'état d'esprit. Les apparences sont trompeuses: quand je fouette ma soumise, il y a en réalité beaucoup d'amour derrière tout cela. Mon état d'esprit à ce moment là est à des années-lumière de celui du macho qui frappe son épouse.
Être Maître est une très grosse responsabilité. Quand vous avez entre les mains une très belle personne, qui vous fait le cadeau de sa soumission, la notion de responsabilité est omniprésente. L'aspect psychologique est le plus à risque. Un simple mot tombant mal à propos peut causer des blessures terribles. Je suis effaré de constater que certains traitent leur partenaire de "mauvaise soumise" quand ils ne sont pas satisfaits, sans se soucier de la manière dont celle qui n'a pas ménagé ses efforts va pouvoir encaisser cela.
Toute la difficulté est de trouver la partenaire avec laquelle on se sent en harmonie. Pour ma part, je perds très vite de l'intérêt dans la relation si je ne sens pas chez ma partenaire une réelle envie de fonctionner ainsi sur le mode D/s.
Ceci dit, il ne faut pas se voiler la face. Quand on a des attentes importantes, quand on espère une relation D/s très riche et fusionnelle, il est extrêmement difficile de trouver la bonne partenaire. En conséquence, on abaisse son niveau d'exigence, on essaie d'être réaliste, ce qui permet de trouver le bonheur malgré tout. Cela peut se comparer un peu à la vie professionnelle: quand on est jeune on a beaucoup d'espoirs, et puis on doit composer avec la réalité, ne pas espérer au delà du raisonnable, sinon on ne peut jamais se sentir bien et heureux, et finalement on arrive à la retraite plutôt satisfait, mais conscient d'avoir eu une vie en deçà des espoirs de jeunesse.
Et si par extraordinaire le hasard amène à faire LA rencontre, LA soumise avec laquelle on se sent complètement en phase, avec laquelle on se comprend au delà des mots, alors là c'est le Nirvana. Quand on rencontre son âme sœur bdsm, c'est une expérience extraordinaire, que peu de gens ont la chance de connaître dans leur vie.
Le destin m'a fait ce cadeau alors que j'approche de la fin de ma vie et je réalise ainsi à côté de quoi j'aurais pu passer. C'est aussi un très gros défi: une femme qui me surpasse intellectuellement sur bien des points, qui anticipe énormément et me donne l'impression de pénétrer dans mes pensées, c'est parfois déroutant, cela m'oblige à me remettre en question, à beaucoup réfléchir, mais c'est délicieusement stimulant. La sensation d'avoir en face une partenaire apte à prendre beaucoup de recul, une partenaire qui comprend mes envies et avec laquelle je peux avoir des discussions profondes et passionnantes, cela change tout. Je me sens enfin libre d'être moi-même, de placer le niveau d'exigence là où je voulais le placer, de pouvoir laisser libre cours à mon imagination en sachant que je peux discuter de tout avec elle, en sachant que toutes les options sont ouvertes et peuvent potentiellement être explorées (ce qui ne signifie pas qu'elles doivent toutes l'être: c'est là justement que le fait d'avoir en face une partenaire qui a la capacité de discuter de tout, avec le recul nécessaire, change la donne).
Je suis sans doute sorti du cadre de la question initiale. Il est difficile de ne pas déborder un peu du cadre en donnant quelques éléments de contexte si on veut être compris.