Aux premières lueurs du jour, le mistral, en maître indomptable, a projeté une vitre en éclats, et mon pied, dans un malheureux hasard, a rencontré l'un de ces morceaux tranchants. La douleur a été immédiate, poignante, saignante.
Alors que les pompiers m’emmenaient dans leur camion, un étrange mantra envahissait mon esprit. Je ne pouvais m’empêcher de penser à la douleur des coups de fouet, aux marques laissées par d'autres accessoires, qui, en d’autres circonstances, m’apportaient un plaisir intense, jouissif. Cette douleur là, je l’accueille toujours avec délectation, une transformation vers le sublime. Mais là, dans ce camion, face à cette blessure accidentelle, je me sentais bêtement impuissante, regardant mon pied qui pissait le sang, incapable de retrouver cette bulle où la douleur se fait douceur.
Quand l’aiguille est venue pour suturer ma plaie, j’ai tenté de me plonger dans cette bulle, de transformer cette douleur imposée en quelque chose que je pouvais maîtriser. Mais, malgré tous mes efforts, je n’y suis pas parvenue. La douleur restait brute, implacable, étrangère à tout ce que j’avais pu expérimenter auparavant.
Alors, une question a traversé mon esprit : l’esprit est-il à ce point pervers, capable de transformer la souffrance en plaisir dans certaines situations, mais impuissant à le faire dans d'autres ? Pourquoi cette dichotomie ? Pourquoi ce plaisir maîtrisé face à une douleur consentie, et cette incapacité totale à la transfigurer lorsque la douleur s’impose à moi sans prévenir ?
Pourtant, je reste convaincue qu'il est possible de transformer cette douleur non choisie et de la maîtriser en accédant à cette bulle, cet espace intérieur où l'esprit peut élever la souffrance brute à un autre niveau. Ce n'est pas facile, cela demande une préparation mentale, un entraînement, mais je crois que cette frontière peut être franchie, que la vulnérabilité peut être apprivoisée, même dans les moments les plus imprévus.
C’est là toute la complexité de notre psyché, ce labyrinthe où la douleur peut être tour à tour ennemie et alliée, où le contexte, le consentement, et la préparation mentale transforment l’expérience en quelque chose de radicalement différent. Peut-être que cette incapacité n'est pas une faiblesse, mais plutôt une frontière, un rappel que, même dans nos jeux les plus intimes, nous restons humains, vulnérables, et à la merci de ce que nous ne choisissons pas. Mais avec du temps, de l’entraînement, je crois que cette barrière peut être franchie, que même une douleur non choisie peut être domptée, transformée en quelque chose que l’on maîtrise.
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