AppelezmoiB
par le Il y a 22 heure(s)
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T’as remarqué la redondance des mots quand on cause? Et ce besoin de s’en trouver en commun pour s’assurer qu’on se comprend bien?
 

Tu comprends ce que j’essaie de te dire?

C’est marrant que tu dises « non ».

Quand on sait que t’as foutu ce mot là dans ton cadis avant de choper son contraire dans l’allée suivante.

On a tous fait nos courses dans les mêmes grandes surfaces, mais on a éclos au monde en bouffant les mots qu’on nous mettait à portée de mâche et de ciboulot.

J’en connais qui crèvent encore de faim et d’autres qu’on eu plus de chance ou de nécessité d’en chaparder partout sur leur passage.

Des boulimiques et des anorexiques aussi, qui les dégueulent ou les retiennent et que ça rend malade.

C’était vital au début, sous peine d’être condamné à errer seul au milieu des causants. Et puis il fallait bien nommer ce que vivaient la chair et l’âme et charpenter un esprit pour le comprendre.

Tu me comprends dis? Encore ce « non »?

Le truc avec les mots, c’est qu’il faut pas toujours les prendre au pied de la lettre.

C’est jamais qu’un packaging plus ou moins appétissant qu’il faut savoir remplir pour éviter que ça sonne creux. Comme des balles de ping-pong qui s’alourdiraient dans une partie sans fin entre le sensoriel et le symbolique. It’s a match!

 

Prends le mot « pute » tiens.

Moi j’crois que ça se trouve pas à tous les coins de rues, les putes.

Entends-moi bien. J’te parle de celles qu’ont un pédigrée qui donne une saveur particulière au mot quand on l’a en bouche, pas des pauvres types abandonnés des lettres qui te parlent de leur oedipe dès qu’ils croisent une mini jupe. Faut pas prendre les cons pour des gens.

J’te parle de celles à qui on lâche ce mot comme une nécessité vitale ou un deuxième prénom. A qui on l’offre comme une reconnaissance avant de leur cracher dix lampées de foutre à la gueule et de les galocher.

Celles-là savent distinguer l’attaque à mot armé des lettres de noblesses, le mot qui parle en elles de celui qui parle des autres, le plein du creux.

Celles-là savent depuis toujours ou presque que ce mot fait partie de leur adn et cessent vite de le fuir.

Il faut être une sacrée pute pour savoir comment travestir un oui en non, pour s’abandonner en jouant à violer le langage commun, pour se livrer crument et se vautrer dans la débauche.

Il faut une putain de sincérité impudique, hors des carcans du monde, à laquelle peu accèdent tu crois pas?

Tu comprends en fin de compte? Oui?

B.

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