par le 26/10/17
447 vues
Zone de parking. Lumière blafarde. Au loin le brouhaha d’un périphérique. Rangées de camions interminables. Les chauffeurs : pour la plupart, dans leurs cabines. Quelques uns, discutent en fumant au son des Motorhead.
Elle, 40 ans, la classe naturelle, absolue. Elle, avance. Inéxorablement, interminablement. «Slow dance, slow dance, slow dance, show me you’re a mover !». Sa jupe, serrée, courte, surmonte scandaleusement ses bottes de cuir noir.
Dans le silence de la nuit les agneaux égarés creusent des sillons de lubricité. Au milieu les allées huileuses, elle déambule, lascivement. Dans les yeux fatigués des forçats du bitume : « une pute ? ». Ce n’est pas une pute, mais son image. C’est du Magritte. Elle, son cœur, il frappe si fort dans sa poitrine, à l’étrangler. Elle, la peur au ventre, comme une artiste entrant sur scène. Envie de vomir. Ses jambes, du coton mouillé. Se poser ou défaillir. Elle sur une calandre chromée, à prendre la pose, et les ténébreux qui reluquent avec insistance. Elle sent du désir, l’odeur du désir, brutal, animal, de partout dans l’air, comme un parfum dévastateur. Elle son regard tout à coup, c’est une hyène, les rires grivois tout à coup : disparus. «Slow dance, slow dance, slow dance, drive us all crazy !».
Elle, les parkings à gros culs, ce n’est pas son monde. Ça sent la pisse, ça sent la merde et le gasoil, le foutre rance. Mais elle vibre, si fort, qu’elle pourrait exploser. Dans sa tête, les images se bousculent, cherchent un passage pour s’enfuir et reviennent en furie. Tout est clos.
Tout est écrit. Sur son corps : « De la transcendance du corps offert à la plus basse luxure, jaillira une lumière extatique », en lettres rouge-à-lèvres, dégoulinantes. En filigrane, Lemmy, « No time for anything at all, Stay out of jail ».
Elle vient d’entendre, une voix, superbement obscène, dans un concert d’invectives, « je vais de baiser comme une pute ». Le voilà, le mâle qui va devoir subir ses ambitions. « Je vais te baiser comme une pute», « Je vais te baiser comme une pute », « Je vais te baiser comme une pute », dan sa tête, comme un écho, infini, elle se voit pute, elle se voit chienne et traînée, bonne à baiser à la chaîne. Son âme, au-dessus de la mêlée grasse : elle plane, avec la blancheur de l’albatros. Elle se voit transpercée à la dure, elle se regarde, elle s’admire chuchoter des mots doux et effrayants. Elle s’entend crier, à la recherche de l’extase, elle s’entend hurler son amour de la vie.
Il vient de gicler dans un gémissement comique, un peu étranglé, désolé, apeuré. Elle, dans une quête d’absolu, déjà sur le bitume. Autour d’elle, une forêt de chibres bien durs et Lemmy qui crache sa rage.
3 personnes aiment ça.