Méridienne d'un soir
par le 11/10/19
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C'est sous le règne de Louis XV, que naquit à Paris,dans un hôtel particulier, aujourd'hui disparu, le 2 Juin 1740,Donatien, Alphonse, François de Sade,fils de Marie-Éléonore de Maillé et de Jean-Baptiste-Joseph-François, Comte de Sade, seigneur de Saumane,et de La Coste,de vieille noblesse provençale.
Son père fut ambassadeur à Moscou (1730) puis à Londres (1733), avant de devenir aide de camp du Maréchal de Villars,puis en 1739, chargé de mission auprès du Prince-Electeur de Cologne,dans les pays de Gex et de Bresse.
En épousant la nièce du Cardinal de Richelieu,née Maillé de Carman,il sut s'allier flatteusement à la branche cadette de la Maison des Bourbons, assurant ainsi la grandeur du lignage,mais surtout asseoir financièrement son rang.
Mais,c'est en devenant,l'intime confident du Prince de Condé,qui gouverna la France,durant deux ans,après la mort du Régent, qu'il s'éleva dans les salons,à la Cour du Roi.
C'est le petit fils de ce Prince, qui fut fusillé,sur ordre de Napoléon, dans les fossés de Vincennes, après un simulacre de jugement,le 20 Mars 1804.
Le père du Marquis, était un homme élégant qui savait séduire par son érudition,ses traits d'esprit,et sa prodigalité, tout en s'adonnant,de façon libertine, à tous les plaisirs frivoles de la haute noblesse du XVIII ème siècle.
Cause héréditaire des transgressions et du dérèglement pervers, de l'homme de lettres,en ligne directe ?
L'atavisme avunculaire (de l'oncle) se révèle encore plus délicieux à étudier,tant l'oncle de Sade,ami de Voltaire, était un abbé galant,et cultivé,qui après avoir vécu une jeunesse légère et dissolue, revint à la force de l'âge, à des préoccupations plus religieuses,en écrivant en ermite dépouillé,un ouvrage remarquable sur Pétrarque.
C'est sans nul doute lui, qui exerça une influence considérable sur le Marquis de Sade,en lui inculquant une éducation éclectique et non conventionnelle pour l'époque.
Le jeune adolescent, entra ensuite au collège d'Harcourt (actuel lycée Louis le Grand à Paris) où il se passionna pour le théâtre.
Âgé de quatorze ans,et doté d'un titre de noblesse,il entra à l'école préparatoire de cavalerie,en vue d’intégrer le prestigieux régiment des « chevau-légers de la garde ».
Il participa courageusement à la guerre de sept ans,avec le grade de capitaine,tout en commençant à fréquenter à Paris des femmes légères et des actrices.
En vue d'un mariage flatteur, en réalité pour effacer de lourdes dettes, sa famille le força à épouser en 1763,une demoiselle, de petite noblesse, mais dont la famille avait de puissantes relations à la cour de Louis XV.
Elle s'appelait,Renée Pélagie de Montreuil.
Son père était Président de la Cour des Aides.
Marié,le jeune Marquis continua néanmoins, à s'adonner aux plaisirs du libertinage, avec des jeunes filles,qui se soumettaient à lui,lors de séances de flagellation,de sodomie,de brûlures et de blasphème.
Louis XV pardonna la débauche mais non pas les atteintes à la religion.
Quatre mois après son mariage, le 29 octobre, le Marquis de Sade,titre de courtoisie, fut arrêté sur ordre du Roi pour la première fois de sa vie.
Il fut alors incarcéré au donjon de Vincennes pour « débauches outrées en petite maison »,lire maison close.
Sa belle mère,commença à démontrer à son égard,une attitude impitoyable et ne cessa par ses incessantes interventions,de tenter de prolonger son incarcération.
C'est l'intervention de son père qui mit fin,en Novembre,à son emprisonnement.
Libéré, il s'adonna de nouveau au libertinage en fréquentant de séduisantes actrices fort coûteuses,Mademoiselle Colet, Mademoiselle de Beauvoisin,La Dorville,et une danseuse dénommée Leroy.
Toutes les quatre dignes précurseures,des courtisanes de la Belle Epoque.
Au cours de l'année 1767,son premier fils, Louis-Marie, fruit de sa liaison avec la Beauvoisin,vit le jour, et son père décéda,ne lui laissant en réalité que des dettes.
En 1768,il fit la connaissance, à Paris, d'une fileuse de coton, qui faisait l’aumône, dont les charmes allaient le mener sur ordre du Roi,en résidence surveillée au château de Saumur.
Après l'avoir séquestrée,flagellée et sodomisée,moyennant un écu, Rose alors âgée de 36 ans, parvint à s'enfuir,mais finit par se désister contre la somme de 2 400 livres.
La famille de Sade réussit à bloquer la procédure, malgré l'instruction en cours,de la Chambre Criminelle de la Tournelle.
Notons,au passage, que c'est la seule fois dans la vie de Sade, qu'il comparut légalement, en application de la Loi Pénale en vigueur à l'époque,devant un tribunal,en l’occurrence, la Grande Chambre de Paris.
Il fut condamné à une amende de cent livres, et transféré, à la Conciergerie.
Libéré,il demeura jusqu'en 1769 à La Coste, demeure familiale provençale,située aujourd'hui,non loin, de Cavaillon dans le Vaucluse.
Il reprit, les deux années suivantes,sa carrière militaire,alors que naissait sa fille, Madeleine Laure,en 1771,avant d'être emprisonné cette fois, pour dettes non honorées.
En 1772, Sade,fuyant ses créanciers, en compagnie de son valet Latour,se réfugia à Marseille,c'est alors qu'éclata l ' « affaire des quatres filles ».
Outre divers sévices, dont elles se plaignent d'avoir été les victimes, les prostituées accusaient le Marquis d'avoir tenté de les sodomiser (crime passible de la peine de mort à l'époque) et de les empoisonner.
En réalité,elles avaient absorbé de la cantharide officinale,aphrodisiaque, largement répandu et dont Richelieu avait lancé la mode et dont l'effet était de faire grossir les parties génitales.
Plainte ayant été déposée, devant le lieutenant criminel (juge d'instruction de nos jours),un mandat d’arrêt fut lancé contre le Marquis, pour tentative d'empoisonnement et de sodomie.
Le 11 juillet, la police perquisitionna le château de La Coste,déjà en ruine à l'époque.
Le 3 septembre,après instruction,le Marquis et son valet furent condamnés,l'un à avoir la tête tranchée, l'autre à être pendu, leurs corps devant être brûlés et les cendres jetées au vent.
Le 5 Décembre, sur instance du Duc d'Aiguillon,sollicité par son pire ennemie,sa propre belle mère,Madame de Montreuil,Sade fut arrêté pour être conduit au fort de Miolans (situé en Savoie).
En 1773, avec la complicité de sa femme,Renée-Pélagie,qui tenta de casser le jugement à Paris,il parvint à s'évader en compagnie de son valet.
En 1782, il commença la rédaction des « Cent vingt journées de Sodome »,puis l'année suivante, de deux autres comédies,« Le Prédicateur » et « Le Mari crédule », ainsi qu’une tragédie, « Jeanne Laisné ».
En 1785, il acheva l'impression des « Cent vingt journées de Sodome » sous la forme manuscrite d'un rouleau de 12 mètres de long.
En 1787,il écrivit « Les infortunés de la Vertu » en seize jours,puis durant la journée du 2 Juillet 1789,il fut transféré à l'hospice des religieux de Charenton.
Le 14 Juillet 1789, lors de la prise de la Bastille,de nombreux manuscrits lui appartenant furent dispersés.
Le 2 Avril 1790,l'abolition des lettres de cachet par la Convention conduisit à sa libération.
En 1791, il publia «  Justine ou les malheurs de la vertu » qui connu un succès retentissant (six éditions en dix ans).
En 1792, malgré son profond dégoût pour les massacres de Septembre,le Marquis de Sade s'engagea en politique, en acceptant d'être nommé commissaire de la section des « Piques »,puis son Vice Président.
Assistant à la Fête de la Fédération,il rédigea de façon talentueuse, un texte favorable au retour du Roi après la fuite à Varennes.
En 1794, la Terreur s'amplifiant,il fut condamné à mort en Juillet,comme aristocrate, mais échappa de peu à la guillotine grâce à une erreur administrative.
En Octobre de la même année, après la chute de Robespierre,le Marquis fut enfin déchargé de tous les chefs d'accusation à son encontre,et rejoint le château de La Coste qui avait été pillé et pratiquement détruit.
En 1795,il regagna Versailles pour y occuper le simple poste de souffleur au Théâtre de la ville et publia « La Philosophie dans le Boudoir »,et ruiné,dû se résigner à vendre la terre de La Coste.
En 1797, Publication de la  « Nouvelle Justine ou les Malheurs de la vertu » , suivie de « l'histoire de Juliette, sa sœur ».
En 1800, tous ses biens furent séquestrés sur intervention de Fouché et du Premier Consul, Bonaparte haïssait ce « libertin athée » le considérant comme un monstre, « à enfermer à vie ».
Sade continua cependant à écrire,et publia « Crimes de l'amour » alors dépourvu de toute ressource.
En 1801, tous ses ouvrages furent saisis chez son éditeur Massé.
De Sainte Pélagie,il fut conduit à la maison de Santé de Charenton,où de façon arbitraire,sans aucun jugement,il fut illégalement détenu jusqu'à sa mort.
Le Préfet de Police Dubois estimant « qu'un procès causerait un éclat scandaleux qui ne serait point racheté par une punition exemplaire ».
En 1807, alors qu'il est détenu depuis six ans, sous la surveillance bienveillante du directeur de l'établissement,Monsieur Coulmier,Sade acheva son « Histoire d'Emilie ».
Le nouveau Préfet de Police Pasquier ordonna à son tour, la saisie de son récit «  Les journées de Florbelle ».
En 1810, alors que disparaissait la Marquise Renée-Pélagie de Sade, l'homme de lettres, auteur dramatique, organisait grâce à Coulmier,des séances théâtrales,à la Maison de Santé.
De 1812 à 1813, il écrivit « Adélaïde de Brunswick, princesse de Saxe »,puis l'« l'Histoire secrète d'Isabelle de Bavière » et enfin, « La Marquise de Gange ».
En 1814,le Marquis de Sade, alors malade, demanda en vain de nouveau à être libéré, avant de s'éteindre,peu avant midi, le 2 Décembre, en ayant exprimé,dans son testament, la volonté que « sa fosse une fois recouverte soit semée de glands, afin qu'un taillis y pousse et que les traces de sa tombe disparaissent de dessus de la surface de la terre. » 
La dernière femme qu'il aima tendrement fut sa Muse, Marie Constance Quesnet, surnommée par lui « Sensible ».
Il entretint avec elle des relations purement platoniques,écrivant lui même, à l'époque « que tout cela le dégouttait à présent autant que cela l'embrasait avant ».
« Dieu merci,penser à autre chose,et je m'en trouve quatre fois plus heureux ».
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
12 personnes aiment ça.
rainbowcat
Un grand merci pour ce partage....très bel article...bravo pour ce travail...bon week-end à vous...
J'aime 11/10/19
Cori Celesti
Je me joins aux remerciements pour cet article fort détaillé et des plus instructifs. Un travail rigoureux et chronophage, à n'en pas douter... Merci d'enrichir ainsi notre culture, j'ai hâte de parcourir votre prochain article 1f642.png
J'aime 11/10/19
bel13
Je crois que nous attendons tous avec impatience la suite. Que vous soyez ici remerciée dame Juliette.
J'aime 11/10/19
thomasreplay
Diagnostic de café du commerce : c'est son mariage forcé (1763) le déclencheur de ses désordres. :-)
J'aime 11/10/19
Cori Celesti
Ravie d'apprendre que la suite se profile à l'horizon, je parcourerai vos prochains articles avec grand plaisir. Je vous souhaite également un très bon week-end 1f642.png
J'aime 11/10/19
thomasreplay
Deux constances de comportement sont remarquables : il aura aimé la luxure quasiment jusqu'à la fin de sa vie (et sa rencontre avec Sensible) et sa "nonchalance" vis-à-vis des coups du sort (arbitraire de ses arrestations, miracle de ses libérations). Je ne sais pas si c'est de la zénitude ou un moral de vainqueur ?
J'aime 11/10/19
Dionysos66
"En 1794, la Terreur s'amplifiant,il fut condamné à mort en Juillet,comme aristocrate, mais échappa de peu à la guillotine grâce à une erreur administrative." Intéressant, je pensais jusqu'à présent que Sade avait (pour un fois !) bénéficier de chance et de l'aide d'inconnus, mais vous semblez disposer de documents nouveaux...
J'aime 12/10/19
thomasreplay
C'est fou comme l'Administration peut influer sur le cours des évènements : Sade, Schindler, Brazil, ...
J'aime 12/10/19
insolence
Merci Méri pour ce deuxième volet, bien écrit, facile à lire, explicite, merci à toi... bises
J'aime 12/10/19 Edité