Méridienne d'un soir
par le 10/03/20
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" Lève-toi, fils de Laomédon. Les plus illustres des Troyens dompteurs de coursiers,
et des Grecs à la cuirasse d'airain, t'appellent dans la plaine, pour y conclure la paix.
Pâris et le vaillant Ménélas, armés de longs javelots, combattront pour Hélène;
cette femme et ses nombreux trésors suivront le vainqueur. Puis, après avoir immolé
des victimes pour cimenter une alliance et des traités fidèles, nous habiterons Troie à
la glèbe fertile: les Grecs retourneront dans Argos, féconde en coursiers, et dans
I'Achaïe, renommée pour la beauté de ses femmes." Homère, L'Iliade, chant III
Dans l’Iliade, nous la voyons, voilée de blanc, du haut des remparts de Troie, nommer et décrire aux Anciens de Troie
les rois grecs engagés dans la bataille. Nous la voyons pleurer sur le cadavre d’Hector. Dans l’Odyssée, elle assiste
aux noces de sa fille unique Hermione avec Pyrrhus, fils d’Achille, et elle avouera avoir trahi les Troyens, en ne révélant
pas la présence d’Ulysse dans les murs de la cité. Toujours, sa beauté subjugue, mais elle est détestée par la plupart des
Troyens, seuls le vaillant Hector et le sage Priam savent qu’elle n’a été que le jouet des dieux, résolus à perdre Troie.
Hélène est la femme de Ménélas, celle pour laquelle les Grecs combattirent dix années devant Troie. Sa légende a
beaucoup évolué depuis l'épopée homérique et s'est chargée d'éléments divers qui ont recouvert le récit primitif.
Dans l'épopée homérique, sa généalogie est encore claire: fille de Zeus et de Léda, elle a pour père Tyndare et pour
frères, les Dioscures, Castor et Pollux. Sa sœur est Clytemnestre. Mais, de bonne heure, Hélène passa pour la fille
de Zeus et de Némésis. Némésis, fuyant Zeus, aurait parcouru le monde entier, prenant toutes sortes de formes.
Finalement, elle se transforma en oie. Zeus, lui, se changea en cygne et sous ce déguisement s'unit à elle en Attique.
Léda, femme de Tyndare, roi de Sparte, engendra quatre enfants, les jumeaux Castor et Pollux, Clytemnestre et Hélène.
Mais Hélène et Pollux étaient en réalité les enfants de Zeus. Selon l'une des versions de la légende, Zeus visita Léda
sous la forme d'un cygne: de cette union, Léda pondit un œuf, d'où sortirent les deux enfants divins. Considérée comme
la plus belle femme au monde, inspiratrice d'innombrables passions, elle fut enlevée par Thésée dans sa jeunesse,
qui l'emporta en Attique; mais elle fut secourue par ses frères alors que Thésée s'était absenté pour se rendre aux Enfers.
Lorsqu'elle fut rentrée à Lacédémone et en âge de se marier, tous les princes grecs briguèrent sa main. Les prétendants
se présentèrent alors en foule: seul Achille n'y figurait pas, sans doute parce qu'il n'était pas encore en âge de se marier.
Mais son père Tyndare la destinait à un riche Achéen, le prince Ménélas; comme leur rivalité risquait d'embraser la Grèce,
sur la suggestion d'Ulysse, Tyndare sacrifia un cheval, fit monter les prétendants sur la peau du cheval et leur fit prêter le
serment solennel: peu importe l'élu, ils promettaient de lui porter secours tous ensemble si jamais quiconque tentait de lui
ravir son épouse. Hélène épousa Ménélas, devenant ainsi reine de Sparte, et lui donna une fille, Hermione.
Selon certaines traditions, elle en eut aussi un fils, appelé Nicostratos; mais ce fils ne serait né qu'après le retour de Troie.
Plusieurs années plus tard, alors que Ménélas s'était absenté pour aller en Crète, le prince troyen Pâris arriva à Sparte et
charma la belle Hélène. Elle était alors la femme la plus belle du monde et Aphrodite avait promis à Pâris de lui offrir
Hélène, s'il lui attribuait le prix de la beauté. Sur ses conseils, il s'embarqua pour Arnyclées, où il fut l'hôte des Tyndarides.
Puis, à Sparte, où il fut reçu chez Ménélas, en l'absence de ce dernier, parti en Crète, pour les funérailles de Catrée.
Ainsi, elle rencontra Pâris, et bientôt, il l'enleva. La plupart des auteurs, après Homère, pensent que, dans cet enlèvement,
Hélène était consentante; certains cherchent à la justifier et assurent qu'elle ne céda qu'à la force; d'autres, enfin, rapportent
que c'est Tyndare lui-même qui, en l'absence de Ménélas, accorda à Pâris la main d'Hélène. On alla même jusqu'à assurer
qu'Aphrodite avait donné à Pâris la forme et la figure de Ménélas, pour lui permettre de séduire Hélène. Le plus souvent,
on attribue à la beauté de Pâris et à sa richesse l'action décisive dans cet enlèvement.
Hélène ne partit pas les mains vides. Elle emmena avec elle des trésors, ainsi que ses esclaves, dont la captive Aethra,
la mère de Thésée. Mais elle laissa Hermione à Sparte. Sur le voyage des deux amants, les traditions diffèrent encore.
Les poèmes homériques ne donnent guère de renseignement sur ce point; la plus ancienne version raconte que des
vents favorables permirent à Pâris de gagner l'Asie Mineure en trois jours; mais il en est une autre, selon laquelle le
navire de Pâris fut poussé par une tempête jusqu'en Phénicie, à Sidon. L' Iliade fait une allusion directe à cet épisode.
Dans la tradition homérique, Hélène vécut réellement à Troie pendant toute la durée de la guerre. Elle fut accueillie
par Priam et Hécube, qui furent émerveillés par sa beauté. Mais bientôt des ambassadeurs vinrent de Grèce réclamer
la fugitive: Ulysse et Ménélas, ou encore Acamas et Diomède; mais ces ambassades furent sans résultat et bientôt la
guerre éclata. Hélène vivait avec Pâris, dont elle était considérée par tous comme la femme. Mais elle était détestée
par le peuple troyen, qui la considérait responsable de la guerre. Seuls, Hector et le sage Priam étaient persuadés
que la véritable cause de la guerre résidait dans la volonté des Dieux et furent bienveillants avec elle.
Une légende inconnue de l'Iliade raconte comment Achille, qui ne l'avait jamais vue, conçut le désir de la connaître,
et comment les deux déesses Thétis et Aphrodite ménagèrent entre eux une entrevue. Cette entrevue est placée,
parfois, avant le début de la guerre, mais, le plus souvent, peu de temps avant la mort d'Achille. Au cours de cette
entrevue, il est possible que celui-ci l'ait aimée et se soit uni à elle. Lorsque Ulysse s'introduisit dans la ville, vêtu en
mendiant, Hélène le reconnut, bien qu'il eût pris soin de se défigurer en se peignant des cicatrices sur le visage. Mais
elle ne le trahit pas. Euripide raconte qu'elle révéla sa présence à Hécube, mais qu'elle se contenta de le chasser.
Hélène eut de Pâris une fille, Hélèna, et trois fils, Bounicos, Aganos, et Idaeos, qui furent tués lors de l'effondrement d'une
maison. Les Troyens, menés par le vaillant Hector, se battirent comme des diables pendant dix ans, si les Grecs n'avaient
eu l'idée de s'introduirent dans la ville dans le cheval de bois, les courageux habitants de Troie n'auraient probablement
pas perdu la guerre. Alors que Ménélas bénéficiait de la protection d'Aphrodite durant les hostilitiés, le malheureux Pâris
y trouva la mort, après avoir abattu de nombreux guerriers et blessé Achille au talon d'une de ses flèches.
les mythographes attribuent cinq "maris", à Hélène. Achille aurait alors été le quatrième, après Thésée, Ménélas et Pâris.
Le cinquième, qu'elle épousa après la mort de Pâris, fut un autre fils de Priam, Déïphobe. Pâris une fois mort, en effet,
Priam mit Hélène en prix, "pour le plus brave"· Déïphobe et Hélénos se présentèrent, ainsi qu'Idoménée, l'un des autres
fils de Priam. Tous les trois en étaient amoureux depuis longtemps. C'est Déïphobe qui l'emporta. De dépit, Hélénos se
réfugia dans l'Ida, où il fut fait prisonnier par les Grecs.
Après la mort de Pâris, Hélène voulut s'enfuir, mais fut reprise par les gardes qui la conduisirent à Déïphobe, fils de Priam
et frère de son défunt mari, qui l'obligea à l'épouser, suscitant la colère des Troyens. Aussi, elle n'hésita pas à le livrer à la
fureur des Grecs lors du pillage de Troie, dans l'espoir de se faire pardonner son adultère. On raconte que Ménélas après
avoir tué Déïphobe, se présenta devant elle, l'épée levée, dans le dessein de lui faire subir le même sort. Alors Hélène se
contenta de se montrer à lui à demi nue, et l'épée lui tomba des mains. Elle reprit la vie commune avec lui, qui toujours
amoureux de l'irrésistible reine de beauté, lui pardonna ses erreurs.
Le retour d'Hélène, avec Ménélas, ne fut pas plus aisé que celui des principaux héros qui avaient pris part à la guerre.
Elle mit huit ans à revenir à Sparte. Elle erra dans la Méditerranée orientale et notamment en Egypte, où un naufrage
l'avait jetée. Des légendes variées se rattachent à ce séjour en Egypte, le second, après celui qu'elle avait fait avec Pâris
en allant à Troie: le pilote de son bateau, Canobos ou Canopos, fut piqué par un serpent et mourut. Alors Hélène tua le
serpent et s'empara de son venin. Elle fit des funérailles solennelles à Canopos, devenu héros éponyme de "Canope".
De retour à Sparte, ils régnèrent dans la paix, la prospérité et le bonheur jusqu'à la mort de Ménélas qui, ayant reçu des
dieux l'immortalité, fut transporté aux Champs Elysées. Les tribulations de la veuve n'étaient pas terminées, car elle fut
chassée par Mégapenthès et Nicostrate, fils illégitime de Ménélas, et se retira à Rhodes, où la veuve du roi Tlépolèmos,
Polyxo, l'etouffa dans son bain et fit suspendre son cadavre à un arbre. Il existe d'autres traditions concernant la punition
d'Hélène: elle aurait été offerte en sacrifice par Iphigénie, en Tauride.
Fille de Zeus, d'une beauté extraordinaire, Hélène, pour qui se battirent Grecs et Troyens, est l'un des personnages
les plus captivants de la mythologie antique. L'Iliade, l'Odyssée, bien sûr, mais aussi les tragiques grecs et l'Énéide
de Virgile l'ont célébrée. Sa beauté, chantée par Sappho et Alcée, mentionnée par Hérodote, Hésiode, Stésichore
et tant d'autres, a aussi connu la fortune dans l'Orient byzantin avant de venir jusqu'à nous. Ce modèle de la femme
séductrice a traversé l'époque médiévale pour revivre à l'âge moderne dans l'opéra, la poésie, le cinéma. Au fil du
temps, l'art s'écarte peu à peu de l'image idéale du mythe pour évoquer le corps d'Hélène, sa féminité troublante et sa
force de séduction. Chaque époque, chaque version lui donne un nouveau visage ou une histoire inédite.
Fut-elle victime ou séductrice ? Le personnage d’Hélène est lié à la question de la culpabilité: si elle a suivi Pâris de son
plein gré, elle est donc responsable d’un conflit; si elle a été véritablement enlevée et forcée de suivre Pâris, Hélène est
un casus belli, un butin de guerre, en conséquence un facteur déclencheur de la guerre de Troie.
La question de la culpabilité d’Hélène hante toute la culture occidentale, et certains auteurs réhabilitent Hélène tandis
que d’autres la condamnent. Plus on s'oriente vers une interprétation humaniste de l’Histoire, détachée des divinités,
plus Hélène apparaît coupable et responsable de ses choix, car non soumise à l’influence divine. Au XVI ème siècle,
Ronsard, dans ses "Sonnets pour Hélène" comme dans "Les Amours" condamne Hélène de Troie, notamment sa muse,
Hélène de Surgères. Le poète décrit une Hélène orgueilleuse et vieillissante:
"Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle, assise auprès du feu, dévidant et filanta, direz chantant mes vers,
en vous émerveillant, Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle, lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
déjà sous le labeur à demi sommeillant, qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant, bénissant votre nom de louange
immortelle. Je serai sous la terre, et fantôme sans os. Par les ombres myrteux, je prendrai mon repos; vous serez au foyer
une vieille accroupie, regrettant mon amour et votre fier dédain. Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain. Cueilllez dès
aujourd’hui les roses de la vie."
Dans "All's Well That Ends Well" , Shakespeare met en scène une Hélène magicienne et réputée pour sa grande beauté.
Très amoureuse de Bertrand, qui contrairement à elle est de noble extraction, elle se sert de ses pouvoirs pour l’épouser
contre son gré. Au XIX ème siècle et au tout début du XX ème siècle, à une époque où la poésie est épurée, on ne cherche
pas nécessairement à juger, Hélène est réhabilitée.
Paul Valéry et le poète Yeats voient en Hélène une idée abstraite de la beauté; les auteurs reprennent la scène inaugurale
de L’Iliade dans laquelle Homère nous représente Hélène marchant sur les remparts. Au XX ème siècle, on note un refus
très net de condamner Hélène ou même de l’excuser. Hélène est, par excellence, et cette existence ne doit en aucun cas
être commentée ou justifiée.
Dans la pièce "Protée", Paul Claudel met en scène une Hélène assez inconsistante. De retour de Troie en compagnie
de Ménélas, elle doit affronter la nymphe Brindosier qui déclare être la véritable Hélène, la femme de Ménélas étant une
mystification. Giraudoux, quant à lui, dans "La Guerre de Troie n’aura pas lieu", met en scène une déesse lucide, porteuse
de vérité. C’est Hélène qui sait que la guerre de Troie aura bien lieu; elle incarne une sorte de Pythie grecque, incarnation
du destin sourd et implacable, contre lequel il est impossible d'aller. La beauté d'Hélène en fait un être démonique, dans
l'imaginaire, où Érôs et Thanatos interfèrent, où l'on se résigne mal à ce que l'émoi de l'âme, naisse de l'éclat du corps.
"Pourquoi, ma divine, souhaites-tu ainsi me tromper ? Vas-tu m’emmener plus loin, en quelque lieu des
villes bien peuplées de Phrygie ou de l’aimable Méonie, si tu as là quelque homme mortel que tu aimes.
Parce que Ménélas aujourd’hui a vaincu Alexandre et veut m’emmener au foyer, moi, un objet d’horreur,
c’est pour cela que tu es venue ici m’aborder, avec des penseurs trompeurs. Va t’installer chez lui,
renonce à la route des dieux. Que tes pas ne retournent plus vers l’Olympe. Jour après jour, veille sur lui."
Homère, "L'Iliade, III"
Hélène, déesse de la lumière, liée au culte lunaire, donna son nom à l'hélénie, plante à fleurs jaunes qui selon la légende,
naquit de ses larmes, et à une lune de Saturne découverte en 1980, grâce au télescope de l'observatoire du Pic du Midi.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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mael
Je n'aime pas Hélène, c'est ainsi, je crois même qu'elle est répulsive et je ne sais pas pourquoi. Parfois des femmes incroyablement belles peuvent produire un effet inverse. De toute façon, c'est une question philosophique. Qu'est ce que la beauté, le beau ? Par contre, lui mettre la guerre de Troie sur le dos, c'est une intox, une pure propagande. C'est une guerre fort ancienne....et qui dure toujours....
J'aime 10/03/20
mael
Rires Méridienne et bisous. Ah ces Hélllènes ....(De nos jours, les Grecs se désignent eux-mêmes comme « Hellènes » (??????? / Hellênes). Cependant, ils ont porté de nombreux noms tout au long de l’histoire. Les soldats qui tombèrent aux Thermopyles le firent en tant qu’Hellènes....d'après Wiki)
J'aime 11/03/20
swanny33
Ah! merci Méridienne d'un soir de raviver nos souvenirs scolaire bien lointain. Sauf que votre éclairage est largement plus complet . Vous lire est toujours plaisant et instructif. Bonne soirée et que tous nous prenions soin de nous , car c'est également prendre soin des autres.
J'aime 21/03/20
Tindalos
Bonjour, ne pouvant pas écrire sur votre mur, j'en profite pour vous remercier de vos textes qui ravissent mon goût pour la (les) mythologie(s) d'où qu'elles soient.
J'aime 05/05/20
Quatuor
Il fallait une encyclopédiste. Vous êtes celle-ci.
J'aime 05/05/20
Tindalos
Ne vous en faites pas, je comprends parfaitement que votre mur soit fermé. C'est d'ailleurs regrettable de devoir en arriver là, malheureusement. Et j'adore votre pseudonyme, au passage, j'aime les mots qui veulent tout dire en ne voulant rien dire, à moins qu'il ne s'agisse d'une référence qui m'échappe...
J'aime 05/05/20
Tindalos
Oui, je pensais bien au meuble, mais aussi au méridien solaire, avec le soir, une espèce d'horizon où s'étendre avec un bon bouquin en rêvassant devant un coucher de soleil... Il faut vraiment que j'arrête les petits champignons rouges à pois blancs, ça ne me réussit pas...
J'aime 05/05/20