Méridienne d'un soir
par le 18/04/20
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Fille de Cronos et de Rhéa, sœur de Zeus, mère de Perséphone ou Coré, déesse de la terre,
du blé et de l'épeautre, à la chevelure blonde comme les blés, Déméter, en grec ancien ???????,
suscita l'amour des grands dieux de l'Olympe; mais ils ne parvinrent pas à l'émouvoir. Aussi
employèrent-ils ruse et astuces. Poséidon se métamorphosa en cheval alors qu'elle s'était
transformée en jument pour échapper à ses brûlantes avances. De cette union naquirent le
coursier Aréion, muni d'un pied humain et doté de la parole, et une fille, Despoena. Ce mythe
expliquerait une invasion hellène de l'Arcadie et l'importation de chevaux de grande taille qui
faisaient l'objet d'un culte au-delà de la mer Caspienne. Elle refusa également de se soumettre
au désir de Zeus qui se transforma en taureau pour la séduire. Il lui donna un fils, Iacchos, et
une fille, Coré, qui fut plus tard identifiée à la reine des Enfers, l'épouse de Hadès, Perséphone.
Mais elle se laissa toucher par l'amour du Titant Iason. Ils s'unirent ouvertement dans un champ trois fois labouré
et donnèrent le jour au dieu de l'abondance, Ploutos. Furieux, Zeus exécuta son rival en le foudroyant. Mais la
légende de Déméter est fondée principalement sur l'enlèvement de Perséphone, dans la plaine d'Eleusis en
Attique, par Hadès, le roi des Enfers, alors qu'elle admirait un narcisse. Pendant neuf jours et neuf nuits, Déméter
parcourut la Terre pour retrouver sa fille. Le dixième jour, le nom du ravisseur lui fut révélé par Hélios. La mère
outragée refusa de regagner l'Olympe et se réfugia chez le roi d'Eleusis, Céléos, époux de Métanire.
Voulant accorder l'immortalité à leur fils Démophon, elle le tint soulevé au-dessus du feu "pour consumer son
humanité"; mais surprise par l'entrée inattendue de Métanire, elle laissa tomber l'enfant dans le feu et il mourut.
Pour la consoler, Déméter confia un épi de blé à un autre fils, Triptolème et lui confia la mission de parcourir la
Grèce pour enseigner aux hommes l'agriculture et la fabrication du pain. Elle se rendit également en Attique chez
Phytalos et lui donna l'olivier et le figuier. Puis elle se retira à Eleusis, préparant une année de disette pour les
hommes, afin de se venger du rapt de sa fille. Car, pendant l'errance de la déesse, les arbres n'avaient plus de
fruits, l'herbe se desséchait, la race humaine était menacée d'extinction.
Zeus envoya Hermès chercher Perséphone. Mais Hadès refusa de la laisser partir sous le prétexte que celle-ci
avait goûté à la nourriture infernale, ce qui lui rendait inaccessible le monde des vivants. Il fallut trouver une ruse
ou un compromis. Il fut décidé que la Reine des Enfers demeurerait avec sa mère pendant six mois (printemps,été)
et avec Hadès les six autres mois (automne,hiver); cette division de l'année symbolisant le cycle de la végétation,
la tristesse hivernale suivie de la joie printanière et de l'épanouissment de la vie. Le culte de Déméter était un rituel
agraire basé sur le cycle des morts et de la renaissance, la culture du blé; la descente aux enfers de Perséphone
représentant le séjour du grain dans les silos. La déesse de la germination symbolise le passage de la nature à la
culture, du sauvage au civilisé. Ces cérémonies étaient célébrées dans de nombreux pays grecs en novembre,
après les récoltes de l'année et les semailles d'hiver.
Les fêtes, originellement célébrées en plein air, devinrent entre 650 et 600 avant J.C des "Mystères", comme ceux
de la déesse égyptienne Isis, importés à Eleusis qui passait pour le centre de l'agriculture, et destinés à procurer
l'immortalité aux initiés qui étaient tenus au secret le plus strict sous peine de châtiments exemplaires. L'initiation
avait pour but de procurer aux adeptes une nouvelle conception de l'existence, leur permettant de s'élever au-delà
des contingences du temps et de l'espace. Ces "Mystères" comprenaient les "Petites Eleusines", marquant le retour
de Perséphone; c'était l'initiation du premier degré, la préparation procurant la palingenèse (renaissance) en Zagreos.
Les néophytes se livraient à des purifications et à des pratiques ascétiques; elles avaient lieu tous les ans en février.
Les "Grandes Eleusines" avaient lieu tous les cinq ans à Eleusis et à Athènes le vingtième jour du mois de septembre,
après la sécheresse estivale. Elles procuraient l'"époptéia", la vision suprême, la révélation du mystère de la vie et de
la mort par la déesse, couronnant la grande initiation. Le premier jour, les aspirants, précédés de la statue de Iacchos,
étaient menés en procession le long de la voie sacrée menant d'Athènes à Eleusis, accompagant les reliques sacrées
de Déméter gardées par les prêtresses. En chemin, ils s'arrêtaient auprès des sanctuaires et des bains pour accomplir
les rites de purification. Arrivés à Eleusis, on rendait à Iacchos les honneurs qui lui étaient dus, puis les fidèles, réunis
autour de l'hiérophante, se baignaient dans la mer et marchaient sur le rivage avec des torches imitant Déméter à la
recherche de Perséphone (Coré) enlevée par Hadès.
Le vingt-deuxième jour coïncidait avec les semailles d'automne. Pendant la nuit, les mystes se rendaient dans un
édifice carré entouré de gradins de pierre soutenu par quarante-deux colonnes, le "télestérion" et dans un silence
absolu, observaient, assis sur les gradins, les cérémonies sacrées se déroulant à l'intérieur du sanctuaire, dans
l''anaktoron", où se trouvaient les reliques de Déméter. Des révélations leur étaient faites concernant les formules
mystiques et symboliques et les objets cultuels, par l'hiérophante revêtu de ses vêtements sacerdotaux. Les sources
littéraires tardives font référence à un breuvage sacré le "kykeon", que les mystes du premier degré, qui avaient fait
le serment du secret, absorbaient avant de pénétrer dans le "télestérion" assister au drame reproduisant l'enlèvement
de Coré-Perséphoné. Tandis que seuls les mystes du second degré avaient le droit d'assister à la cérémonie sacrée.
L'abstinence et la chasteté étaient de rigueur pendant toute la durée du festival qui se terminait par un banquet et des
danses. Le service était assuré par des prêtres: l'hiérophante, le dadouque, l'hiérokéryx ou héraut sacré et l'épithomios.
Dispensatrice de la végétation, Déméter avait pour attributs le myrte, le narcisse, et la brione. Les Romains l'appelaient
"Céres", déesse de la moisson, dont le culte était assimilé à celui de la déesse Terre Primitive, la "Tellus Mater", mère
terrestre personnifiant le sol fertile, le fondement sur lequel reposent les éléments qui s'engendrent les uns aux autres.
"Tellus Mater" était représentée avec plusieurs mamelles, symbolisant sa fécondité inépuisable.
Paul Diel voit dans le monde souterrain le symbole de l'inconscient et la descente de Perséphone en enfer, celui du
refoulement du désir. Il attribue aux mystères éleusiens une signification psychologique sous-jacente: pour libérer le
désir refoulé, l'homme doit descendre dans le royaume secret de son inconscient pour y découvrir sa véritable nature
et les motivations qui sont à la base de son comportement négatif.
Bibliographie et références:
- Hésiode, "La Théogonie"
- Déméter, "Les Hymnes homériques"
- Homère, "Odyssée"
- Callimaque, "Hymnes"
- Pausanias, "Description de la Grèce"
- P. Chantraine, "Dictionnaire étymologique de la langue grecque"
- L. Locatelli Kournwsky, "Perséphone"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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