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Sujet: Forcée
Abyme
Finalement, Silva a tenu à intervenir après avoir lu l'intégralité de ce fil de discussions,
je lui laisse donc le clavier...
Bonjour à toutes et à tous,
Je suis assez surprise que le texte de Lady Spencer relatant mon « viol simulé » ait suscité autant de réactions diverses. Agréablement surprise, car en fin de compte le consensus a tendance à m'ennuyer, et l'indifférence serait le pire que je puisse provoquer.
Je ne regrette pas que l'essentiel du débat ait porté sur le terme employé pour cet évènement, puisque les mots révèlent le fond, et je refuse de prendre à la légère ce qui est sous-tendu par ces quatre lettres, viol. Je rejoins donc celles et ceux qui questionnent l'à propos de ce terme. Pour autant je suis loin d'avoir un avis tranché sur la question, et ne souhaite pas simplifier le débat en résumant les positionnements entre les « pour » et les « contre ». Cela me semble bien trop simpliste et réducteur, et de manière générale, je préfère butiner sur toutes les fleurs pour élaborer mon nectar...
Ce n'est pas évident de m'exprimer au sujet de cette expérience, car les sensations vécues ont été assez contrastées, autant que l'ont été mes motivations initiales, et autant que le sont encore mes aptitudes à l'« assumer », aujourd'hui.
Je vais commencer par raconter ce qui m'a poussée à faire ce pas.
Il y a 3 ans, j'ai voulu aller au devant des fantasmes de soumission qui hantaient ma sexualité. J'ai rencontré Abyme par le biais d'une amie proche, et l'évidence a fait la suite : il n'était plus possible pour moi d'occulter cette part d'indicible qui donnaient à mes cris une allure si délicieusement honteuse. Ce n'est pas ici le lieu de m'étendre sur cet épisode, durant lequel Abyme m'en a fait voir des vertes et des pas mûres, durant lequel je me suis offerte bien au-delà de l'emballage, ce qui a contribué à tisser un lien fort entre nous. En décembre dernier j'ai rendu mon collier, comme on dit, parce que j'avais le sentiment que nous étions allés au bout de quelque chose, ensemble. Nous n'avons pour autant pas coupé le lien, et il nous arrive encore de temps en temps de flirter avec nos anciens rôles.
Sur ce coup-là, j'avais envie d'autre chose. Marre d'être docile, consensuelle, marre que tout soit si simple avec moi. Mais aussi : s'aiguisait la conscience que du point de vue de celui/celle qui « domine », une part de l'intérêt relationnel se trouve dans la résistance que lui oppose sa/son partenaire « soumis-e ». En clair : S'il n'y a aucune barrière à forcer, à quoi bon ? Et cela pour l'un-e comme pour l'autre, d'ailleurs.
Cela constitue l'essence même de mon principe de soumission : je bouscule mes limites. Et je ne fais pas que « jouer », car en me soumettant je vais à la rencontre des peurs, des douleurs, des hontes que j'ai accumulé au creux de mes cuisses. Le viol en fait partie.
Très tôt j'ai incorporé mon plaisir depuis le regard de celui qui me l'arrache.
Une fois délestée du fardeau de ma dite virginité, j'avais bien intégré que pour être aimable, il fallait que je corresponde à des attentes, que je ne le déçoive pas, surtout. Se laisser faire, les yeux fermés. Ne pas faire de vagues, consentir, optempérer. Être celle qui conforte l'autre, qui rassure ses vélléités de possession, qui comble les failles affectives. Quitte à être aussi celle qui se désintègre au fil des nuits lui passant sur le corps. C'est ce que j'appelle le viol domestique. C'était il y a 15 ans, pourtant c'est hier dans mes veines.
Être enfermée dans le devoir.
Anesthésiée par la quotidienneté.
Assassinée en silence.
Une copine parle d' « auto-viol », savoir qu'on se fait violer, et ne rien faire pour ne plus l'être. Et dans ce cas, il n'est pas question de se débattre. Encore moins de se battre efficacement.
J'ai trop rejoué cette scène via le bdsm, en tant que soumise. Même si cela m'a permis de concevoir mes limites comme des repères, des jalons auxquels se fier.
Offrir ma rébellion, même vaine, m'a paru plus juste, soudain. Pour éprouver mes forces physiques, mes stratagèmes de défense.
Parce que c'était simulé, je me suis bien sûr retrouvée confrontée à ma propre retenue, en matière de résistance concrète. Il n'était pas spécifié dans mon annonce que je riposterais ou me permettrais d'insulter mes « agresseurs ». J'ai mordu des queues, ça oui, mais presque à mon insu, par réflexe, dirons-nous. C'était involontaire, et pour autant efficace, m'ont-ils dit après la sortie du ring.
Je n'ai pas joui. Comment me permettre cela, dans un contexte où je ne suis pas censée prendre du plaisir ? Comment répondre positivement à leurs injonctions contradictoires : « dis, que tu aimes ça les queues ? » Durant les 3/4 d'heure je n'ai pas décroché une parole, je me suis emmurée parce qu'en réalité, j'aurais voulu hurler, véritablement. Ne pas leur laisser ce plaisir, encore une fois. Du silence. J'aurais voulu frapper, quitte à prendre des baffes en retour.
« On ne peut pas présider à son propre viol », écrit Christine Aventin dans Des Yeux le ventre. Et pourtant on s'y obstine, la question est de savoir jusqu'où le plaisir prend racine dans l'abandon de soi … Certain-es posent la question de la surenchère propre aux processus de dépassement. Pour moi il est évident qu'elle existe, mais j'ai aimé le conseil apporté par @Annainessa : « il ne faut pas louper le moment… où c'est le moment de s'arrêter. »
Je ne pense pas avoir fait le tour de la question, concernant tout que cela a soulevé. J'ai le sentiment que réitérer l'expérience me permettrait d'affiner encore ma compréhension.
Mais d'ici-là, n'hésitez pas à m'apporter vos réactions ! Et merci pour tout ce qui précède.
Silva
Dernière modification le 19/08/2017 23:28:17 par Abyme.
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