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Sujet: Homme forcé
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Très intéressant.Merci Lady . Je n'avais pas idée que les conséquences médicales du viol masculin puissent être aussi terribles...Je continue a chercher une comparaison du viol masculin et féminin (pas forcément versus d'ailleurs!) sur le plan psychologique .
J'ai trouvé un article assez bien renseigné sur la question. Le viol masculin est évoqué. L'article date un peu .Est-ce que les chiffres ont si évolué que ça?
Accueil La Revue Numéro 85 Viol masculin vs viol féminin
par Tiphaine Bressin - 2011
Le viol fait peur, rien que le mot. Le mot victime aussi — qui veut être une victime ? — personne. Pourtant, le viol est loin d’être abstrait. En France, ce sont 75.000 femmes par an qui sont violées, soit 93% des victimes. Ce qui nous laisse donc 7% de violés, 5.600 hommes. Le viol entraîne à sa suite un grand nombre de clichés, tous faux et tenaces.
A
peu près tous les pays qui reconnaissent juridiquement le viol s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’une pénétration du violeur sur autrui, sans son consentement. Mais les législations diffèrent fortement: en France, le viol ne distingue ni le genre ni l’orifice ni même le type de corps qui a pénétré – pénis, objet ou autre. Ce n’est pas le cas dans beaucoup d’autres législations, aux USA, Royaume Uni ou en Suisse, qui ne reconnaissent explicitement le viol que comme la pénétration d’une femme, vaginalement le plus souvent, ce qui exclut d’emblée la sodomie du champ du viol. Et renvoie à d’autres articles de loi pour réprimer les crimes sexuels. La France semble être une des législations les plus avancées en la matière.
En plus d’être un phénomène de société, dont personne ne parle, le viol revêt plusieurs échelles: un viol perpétré sur une personne est une chose différente que le viol utilisé dans les conflits armés, à grande échelle. Néanmoins, il semble que les ressorts à l’œuvre derrière le viol, féminin comme masculin, soient quasi semblables, à quelques nuances près. Et tiennent de l’ordre du mythe, du symbole, et de l’image qu’on a et qu’on se fait d’un homme dans la société.
Dans le détail, le viol est commis à 98% par des hommes en France, l’âge des victimes va de 2 à 85 ans, et les proportions avancées de viol d’hommes sont de l’ordre de 7 à 10% — les chiffres sont semblables dans d’autres pays. Les clichés les plus courants sur le viol sont le consentement plus ou moins tacite de la victime, la typologie de l’agresseur et une attitude sexuellement provocante de la part de la victime. Est également mis en cause dans le viol le manque de considération et de prise en charge des victimes par la police et la justice, la mise en doute de la crédibilité des violé-e-s. Une sorte de retournement pervers qui fait des victimes les coupables – combien de fois a-t-on entendu des policiers dire « Mais vous ne l’avez pas cherché un petit peu ? ».
Le viol individuel n’est reconnu comme crime que depuis 1980. Une baisse récente des plaintes pour viol a nourri un faux espoir: celui d’une diminution des actes. La réalité est bien différente car elle traduit plutôt le silence à nouveau croissant des victimes. Le viol est peu puni car il y a peu de plaintes de déposées et les procédures sont parfois requalifiées en délits et agressions, soi-disant pour éviter aux victimes une procédure longue et destructrice. Ceci est commun à tous les pays passés ici au crible, France, UK, USA et Belgique. On estime aussi qu’environ un viol sur dix seulement ferait l’objet d’une plainte, ce qui laisse apercevoir l’ampleur du phénomène dont on n’aperçoit qu’une toute petite partie émergée. Il est imprescriptible aux USA et en Grande-Bretagne, mais pas en France. C’est un cheval de bataille des associations d’aide aux victimes: rendre le viol imprescriptible en France.
Le viol suscite un étonnant silence. Ce n’est pas media-friendly. De même, toutes les victimes qui en parlent rapportent à peu près la même chose: la suspicion que l’on jette sur elles, de toutes parts, famille, amis, police et justice. C’est un cliché tenace: elles auraient eu une attitude ambigüe, provocante, qui laisserait supposer un consentement tacite.
Le viol isole et suscite des réactions binaires: soit on devient une victime à vie, sans le droit de se reconstruire, et on doit rester dans l’affliction en permanence, soit on n’a pas vraiment été violé, si on se relève, et on devient suspect.
Un autre cliché tenace tient à la typologie des victimes et des violeurs: les victimes seraient nécessairement des pauvres, issues des couches défavorisées, et les violeurs auraient tous le profil de marginaux surgis de l’ombre pour fondre comme des rapaces sur leur proie.
Tout prouve le contraire, en France comme ailleurs: le violeur est connu de la victime dans 60 à 80% des cas. Quant au profil des victimes, on ne parle que des affaires enregistrées, celles qui ont donné lieu à dépôt de plainte. Les classes plus favorisées ont plus à perdre, un nom, une réputation etc., et le dépôt de plainte y est moins courant, d’où les statistiques disponibles.
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Autre cliché, plus spécifique au viol masculin. Daniel Welzer-Lang, seul chercheur français à s’être intéressé au sujet, rapporte dans nombre de ses travaux que le violeur qui agresse un homme se définit comme hétérosexuel. Poussant plus loin la recherche, il apparaît que c’est la question des rôles, et donc de la pénétration active, qui définirait l’hétérosexualité et, dans la tête des agresseurs, il ne fait aucun doute qu’ils sont hétérosexuels puisqu’ils sont actifs. Sont incluses toutes les pratiques, et pas exclusivement la pénétration, dans cette définition normative de l’hétérosexualité vue comme « active ». Celui qui se fait sucer, même de force, n’est pas homosexuel.
Le viol de masse
Parlons du viol de masse. Jusqu’alors « épargnés », les hommes sont aussi à présent la cible du viol de guerre, utilisé comme instrument politique. Les mêmes raisons que celles avancées pour les femmes président à expliquer ce récent changement. Loin d’être confiné à un continent, l’Afrique pour ne pas le nommer, le viol de guerre sur des hommes a aussi été rapporté plus près de nous, en Europe, dans les Balkans pour être précis. Ainsi, interrogée par Geneviève Grimm-Gobat, la jeune chercheur Carole Gerber a étudié le viol dans le conflit de l’ex-Yougoslavie. Elle a ainsi découvert qu’au-delà des « traditionnelles » victimes (hélas) des viols de guerre que sont les femmes et les enfants, une nouvelle arme de guerre venait de naître, le viol des hommes comme instrument politique. Peu de chiffres précis, 5 000 viols masculins rapportés sur une estimation entre 20.000 et 50.000 viols durant le conflit, soit 10% de violés en hypothèse basse. Décrit comme un phénomène social, le viol de guerre en Afrique et cette proportion reviennent dans d’autres conflits. Le New York Times rapporte ainsi qu’un pays tristement célèbre pour avoir institutionnalisé le viol de guerre, la République Démocratique du Congo, venait de franchir un cap et que des viols d’hommes y avaient été rapportés depuis peu et que cette tendance était en nette progression. De très nombreuses institutions, Nations-Unies, Amnesty, Oxfam, Human Rights Watch, et d’autres encore, toutes confirment ces faits.
En République du Congo tout particulièrement, les viols de guerre sont accompagnés d’actes de torture et de barbarie d’une cruauté insoutenable, frappant indifféremment hommes et femmes. Morceaux choisis: mutilation ou destruction des parties génitales, baïonnette, corde, couteau, fusil, yeux crevés, démembrements, brûlures de cigarettes, les « femmes-léopard », coups de couteau et blessures diverses, avortements provoqués par le piétinement des agresseurs, captivité en laisse attaché-e-s à des arbres jusqu’à en perdre définitivement l’usage des mains, privations de soins et de nourriture, viols répétés plusieurs fois par jour. À ces atrocités physiques s’ajoutent aussi des tortures psychologiques au-delà du supportable: viols devant témoins — comme, par exemple, ces trois hommes pygmées violés devant leurs familles suivi du viol de leurs enfants devant ces mêmes familles, relations incestueuses forcées, assorties le plus souvent de la mort en cas de refus, menaces sur les familles des victimes. Cette liste est hélas non-exhaustive. Tout cela dans l’indifférence quasi-générale.
Créer un climat de terreur
On le voit, les hommes violés sont soumis aux mêmes atrocités que les femmes — mutilations, intimidations, menaces, barbarie, avec les mêmes objectifs. Parmi eux, déstabiliser le camp adverse, en créant un climat de terreur et d’instabilité, que la peur soit perceptible, invisible mais présente. Il s’agit d’humilier les victimes, en les infériorisant, en les ramenant à un état de faiblesse qu’on attribue d’emblée aux femmes, assimilées à des victimes-nées. Les mêmes conséquences apparaissent aussi: le silence des victimes, de leur entourage, des autorités, des médias, de la population. De même que la marginalisation des victimes, réduites au silence, et souvent à l’exil, et le faible nombre rapporté de plainte — 7% sur des estimations de 43.000 victimes de viols entre 2004 et 2006 — et des crimes peu jugés, peu punis. Autre point commun, les violeurs sont en très forte majorité des hommes. Et les victimes se taisent, par peur de la honte, et du tabou liée à l’homosexualité.
Les points communs entre le viol individuel et de masse sont nombreux, exception faite de quelques spécificités pour chaque.
Dans tous les cas, le silence est la règle: le viol, on n’en parle pas, ni féminin, ni masculin.
Ensuite, les victimes sont assimilées à des êtres faibles, par nature ou par induction: qu’on les viole n’a donc pas beaucoup d’importance. Celles qui parlent sont très réticentes, et voient leur parole systématiquement mise en doute, voire instrumentalisée. Les moyens manquent, les structures aussi, pour prendre en charge ce phénomène, même si de notables améliorations ont été entreprises.
Autre point commun, autre cliché tenace: le caractère sexuel du viol, souvent présenté comme une pulsion. Faux. La plupart du temps, les témoins et professionnels rapportent souvent plus la perception qu’il s’agit d’une question et de domination, de montrer sa force, aussi bien dans le viol individuel que de masse.
On voit aussi que dans tous les cas, le viol est peu rapporté en justice, fait l’objet de peu de plaintes et, en l’espèce, semble toucher entre 7 et 10% d’hommes. Il suscite invariablement la méfiance et le rejet, la mise en doute de la victime.
Dans le cas du viol de guerre, il y a parfois des composantes magiques ou mystiques qui entrent en jeu, telles que s’approprier l’invulnérabilité — aussi appelée kilemba — en violant un homme ou décupler sa richesse future en violant une victime la plus jeune possible, au Katanga par exemple. Une spécificité du viol de masse est son usage pour souder les troupes de combattants.
La place des faibles
Pour finir, quelques points théoriques sur le viol: il nous interroge à la fois sur la place faite aux femmes et aux faibles dans la société. Amalgame écœurant qui conduit à renverser la culpabilité en faisant des victimes les coupables, au prétexte imaginaire qu’elles « seraient plus faibles », donc de peu d’utilité, enclines à « se faire bouffer » dans la société, par les plus forts justement, et partant ne jouiraient pas des mêmes droits ni même de la propriété de leur corps.
Dans le viol, indifféremment du genre, il y a quasiment toujours quelque chose de l’ordre de « ramener (sa victime) au rang de femme », voire même de « sale femme », c’est-à-dire un être inférieur, rapporté à sa fonction et à son utilité: procréer, pour assurer la perpétuation de l’espèce, en donnant naissance à une descendance, mâle de préférence, et jouet sexuel vivant pour assurer le « repos du guerrier », au propre comme au figuré.
Autre point, et c’est là le plus dérangeant: le viol comme fantasme.
Ça peut paraître étrange, mais il faut l’admettre. La pornographie regorge de scènes de viols simulés, et de mythes comme le snuff — ces soi-disant films regorgeant de violences sexuelles forcées finissant par le meurtre des victimes. La moindre recherche sur Google images, en tapant le mot viol ou rape vous renseignera mieux que ces lignes sur le viol comme fantasme. (Attention, NSFW.)
Une recherche analogue sur des sites plus spécialisés comme des sites de sex-shops ou de studios de l’industrie du porno produira des résultats analogues.
Pas convaincus que le viol fait fantasmer ? Alors repensez à ces publicités de marques qui ont commencé par mettre en scène des viols collectifs de femmes par une escouade de bellâtres, avant de décliner le concept au viol masculin stricto sensu en offrant en pâture un jeune modèle à une armée de mâles virils et visiblement sexuellement agressifs.
Toujours pas convaincu ? Alors repensez à Guantanamo et Abou Graib: quelles tortures a-t-on infligées aux prisonniers de guerre pour les faire craquer ? Vous y êtes: des sévices sexuels et des simulacres de viol.
Le viol interroge le sexisme. Plus encore, le viol masculin interroge le rapport à l’homosexualité et, une fois de plus, à l’assimilation scandaleuse qui en est faite avec la féminité, synonyme de faiblesse et d’infériorité. Le plus scandaleux dans tout ça étant bien sûr que : ça n’existe pas. On n’en parle donc ça n’existe pas. Le viol masculin, on n’en parle pas. Le viol masculin, ça n’existe pas.
Tiphaine Bressin
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