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marina001
#28
Féminisme, radicalisme, et séparatisme lesbien
Adrienne Rich, féministe très connue en son temps, poétesse et essayiste lesbienne, écrivit en 1980 un texte ayant été reconnu à l'époque comme un champ de mines posé au beau milieu de la communauté homosexuelle américaine : « Compulsory Heterosexuality and Lesbian Existence".
https://www.amazon.fr/contrainte-%C3%A0-lh%C3%A9t%C3%A9rosexualit%C3%A9-autres-essais/dp/2940116091/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1546866125&sr=8-1&keywords=adrienne+rich
Ce texte , dans l'édition originale, avait le mérite d'annoncer clairement la couleur dès son résumé de couverture : …/… heterosexuality is not "natural" or intrinsic in human instincts, but an institution imposed upon many cultures and societies that render women in a subordinate situation …/…
Colossal problème cependant, il ressemblait un peu trop au SCUM Manifesto, le talent de plume en plus. Au vu des réactions plutôt glaciales des lectrices l'auteure écrivit en 1984 un complément, le « Reflections on Compulsory Heterosexuality », dans le but de préciser que son pavé dans la mare n'était pas un manifeste « contre » l'hétérosexualité. Cette version corrigée fut un flop total. Cela sentait le faux repentir…
Le texte de 1980 fut un des grands textes fondateurs du mouvement d'émancipation des homosexuelles US dans le sens où il fut très commenté, mais pas dans le sens espéré par l'auteure : la réaction presque unanime des lectrices fut de dire – avec bien du bon sens - que les âneries du genre séparatisme lesbien, ou radicalisme lesbien, Adrienne Rich pouvait se les garder ! On fit crédit à l'auteure d'avoir parfaitement analysé les causes de la ségrégation dont étaient victimes les lesbiennes. Mais les solutions qu'elle suggérait étaient pires que le mal, un peu comme si on voulait soigner une tumeur cérébrale en coupant la tête du malade…
En fait, Rich avait commis une double erreur : la première, en tant que féministe, celle de dire que les femmes avaient le devoir sacré de se séparer socialement des hommes. Un ghetto pour les femmes, un pour les hommes. La seconde, en tant que gay, fut de chanter que les femmes hétérosexuelles ne seraient « sauvées »qu'en devenant homosexuelles. Carrément ! Dire qu'une femme « est « sauvée » parce qu'elle lèche un bonbon au lieu de sucer un eskimo, c'est comme le dernier jour des soldes chez Wal Mart : tout dans la publicité et rien dans les rayons.
Très vexée par les réactions suscitées, Rich se recentra sur la poésie à partir des années 90s, jusqu'à sa mort en 2012. Il n'en demeure pas moins que son texte de 1980 conserve tout son intérêt puisqu'il marqua le moment où la communauté lesbienne US tourna résolument le dos au féminisme ultra-radical et à la notion toxique de séparatisme lesbien. Ces femmes, plus toutes jeunes aujourd'hui, choisirent définitivement le monde, et pas le ghetto. Et bien leur en a pris. Sans cette prise de conscience qu'une femme gay est avant tout une femme, et que la misandrie est aussi blâmable que la misogynie, jamais, je dis bien jamais, les lez' américaines n'auraient pu vraiment sortir du placard et du ghetto.
Dernière modification le 12/01/2019 04:31:22 par marina001.
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