Virilité : ensemble des caractéristiques, physiques et morales, qui distinguent l’homme de la femme.
Et aussi : autre terme pour désigner le sexe de l’homme.
Masculinité : ensemble des caractéristiques physiques et comportements considérés comme propres au sexe masculin.
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La langue française utilise deux termes différents pour caractériser les attributs, comportementaux et physiques des hommes, là où il n’existe qu’un mot, « féminité » pour ceux de la femme.
Leur signification est presqu’équivalente, avec simplement la connotation supplémentaire de «qualités morales » présente dans le concept de « virilité » qu’on ne retrouve pas dans la «masculinité » qui est le simple antonyme de la féminité, ensemble des caractères morphologiques, psychologiques et comportementaux spécifiques (ou considérés comme tels) aux femmes.
Certaines y verront sans nul doute une nouvelle preuve du caractère « genré » ou sexiste notre langue.
Personnellement, ça ne gêne pas.
La masculinité est un fait : on naît homme (ou femme).
La virilité se rattache quant à elle à des valeurs « morales » considérées longtemps comme spécifiques à l’homme, le courage, la force, l’héroïsme guerrier, le besoin de conquête, la puissance sexuelle.
En ce sens, elle est la quintessence de la la masculinité, faisant de l’homme viril l'archétype de l’ «anti femme », non de par ses caractéristiques physiques mais à raison des valeurs qu’il incarne.
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Si cette définition de la « virilité » figure toujours au dictionnaire, ce qu’elle recouvre est de plus en plus questionné.
Étymologiquement, virilité a pour racine vir, le Mâle, que l’on retrouve également dans « virtus », la vertu, non pas dans son sens actuel, mais qui désignait l’ensemble des qualités qui « font la valeur de l'homme moralement et physiquement ».
La virilité, depuis l’Antiquité, a toujours été associée à la domination patriarcale.
L’homme de la Grèce ou de la Rome antique, c’est celui qui détient le pouvoir absolu sur l’oikos ou le domus, l’ensemble de ses possessions matérielles mais aussi sur les femmes, les serviteurs, les servantes, les esclaves, les enfants dont il assure en contrepartie la protection.
Elle se définit ainsi à la fois par rapport à l’extérieur (la protection) et à l'intérieur, le pouvoir exercé par l’homme, le Maître, y compris sur le plan sexuel.
Sur les femmes d’abord, réduites dans l’Antiquité à n’être que des objets sexuels, mais aussi sur les esclaves qui pouvaient également être utilisés à cette fin, quel que soit leur sexe, dans une relation sexuelle «asymétrique » qui n’unissait pas deux individus tentant de parvenir au plaisir tout en cherchant à satisfaire leur partenaire, mais bien un dominant et un dominé, un pénétrant et un(e) pénétré(e).
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Si les « valeurs » associées à la virilité ont traversé les siècles, elles se sont progressivement transformées.
Le pouvoir sexuel de l’homme s’exerçait dans l’Antiquité sur l’ensemble de l’oikos, femmes, serviteurs, servantes, jeunes hommes, esclaves.
Mais, avec l’anathème jeté sur l’homosexualité à partir du Moyen Age, le pouvoir sexuel associé à la virilité va progressivement se recentrer sur les seules femmes, cessant d’être pour l’ « homme viril » le droit d’utiliser sexuellement tous ceux qui lui étaient « soumis ».
A la domination sexuelle d’autres hommes, s’est ainsi substituée la compétition entre les hommes, pour la « conquête » des femmes, ritualisée dans le tournoi chevaleresque ou la formule «charbonnier est Maître chez soi ».
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Opposée au despotisme des rois, la Révolution de 89 va également s’opposer à celui des pères et des maris, afin, pour reprendre la formule d’Olympe de Gouges «de rompre avec l’administration nocturne des femmes (par les hommes) ».
Avec le mariage civil et le divorce par consentement ou sur demande de la femme, c’est la Révolution qui, la première, proclamera que la famille doit être régie par les mêmes lois que la nation, liberté et égalité.
Mais la fièvre des débuts et le rêve d’un autre possible ne dureront qu’un temps.
Olympe de Gouges finira sur l'échafaud et le Code Napoléon consacrera le retour à la suprématie du Mâle.
Le XIXè et la première moitié du XXè siecle marqueront l’age d’or de la « virilité » et des valeurs qu’elle prétendait incarner.
C’est l’époque des aventuriers, des héros, des conquérants, le temps de l’épopée coloniale.
A l’image de la virilité conquérante du Mâle blanc répond celle de l’africain infantilisé, de l’asiatique soumis et de l’arabe inverti qui justifient que le premier impose sa loi aux sous-hommes colonisés.
Et le héros de la conquête trouvera sa récompense avec les filles de l’Annam ou du Tonkin dans la touffeur moite des nuits d’Indochine, ou ailleurs avec des « servantes » noires ou berbères.
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Mais la roche tarpéienne est voisine du Capitole.
La première guerre mondiale commencera à voir se lézarder les valeurs traditionnellement associées à la virilité, l’honneur, le courage, l’héroïsme, la camaraderie virile.
Les colonisés découvriront que leurs conquérants pouvaient être vaincus eux aussi, pendant que l’héroisme de Lawrence d’Arabie viendra questionner la « virilité » en puisant ses racines dans le désir homosexuel et le rapport ambigu du « héros » au Mâle arabe.
Le dévoiement de la « camaraderie virile » fera des soldats perdus des Corps francs des hordes d’assassins.
Et les femmes, qui à l’arrière avaient pris conscience qu’elles étaient toutes aussi capables que les hommes de faire tourner la société commenceront à s’interroger quant à leur place dans celle-ci.
La deuxième guerre amplifiera encore le phénomène.
A la brutalité de la soldatesque nazie ou milicienne, la lâcheté de beaucoup d’hommes, la «fraternité virile » des nazis débouchant sur des orgies sadiques à composante parfois homosexuelle répondront le courage et la force intérieure des femmes « héros de la résistance » ou «compagnons » de la libération.
Elles n’étaient certes que six, mais quel symbole !
Mai 68 et les décennies suivantes, avec la libération des mœurs, les rencontres via internet, les nouveaux droits conquis par les femmes, et au premier chef celui de disposer librement de leurs corps et d’en jouir ont fait exploser le vieux modèle viriliste et patriarcal.
La cellule familiale traditionnelle a éclaté en différents modèles, entre mariage, pacs, unions libres, couples d’un soir, de quelques semaines ou quelques mois, en même temps que devenaient visibles et s’exprimaient d’autres sexualités, lgbt, bdsm, hommes soumis/femmes dominantes, trans, switch ...
Mais la liberté a un prix, la fin des certitudes, et du confort qu’il y a à se couler dans un moule immuable.
Chacun désormais est obligé, sommé de se définir en permanence par rapport à l’autre.
L’homme à son tour est devenu objet de consommation dans des amours éphémères, contraint de se ré-inventer et de répondre aux exigences parfois contradictoires des uns ou des unes, sous le regard des autres.
Et aux « valeurs morales » traditionnellement associées à la virilité, la force, le courage, l’honneur ont été substituées la dictature soft de l’individualisme généralisé, du «politiquement et sexuellement» correct et le culte de la « performance ».
Progrès ou régression ? Je ne sais, l’avenir nous le dira.
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Mais, même si ce n’est évidemment que mon point de vue, ce que je crois, c’est que cet avenir sera ce que nous voudrons qu’il soit, dans le respect de nos attentes parfois contradictoires mais le plus souvent complémentaires.
Alors, à vous, Messieurs, qui n’êtes plus désormais nos « Maîtres » » que si nous le décidons ensemble, de vous montrer à la hauteur de nos désirs, pour nous permettre de satisfaire les vôtres.
Sans pour autant renier cette « virilité » à laquelle certaines d’entre nous (dont moi) demeurent attachées dans certaines circonstances.
Thèmes:
le sens des mots - virilité
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