Cori Celesti
par le 28/09/19
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Je la connaissais bien, la bougresse, et j'entretenais une relation exécrable avec elle. Il faut dire que je n'avais que des mauvais souvenirs en sa compagnie. Je la trouvais laide, impitoyable, fondamentalement détestable. Je la haïssais avec passion, la chienne... Et puis un jour, sans prévenir, je l'ai embrassée.
Nul récit saphique ici, celle dont je parle aujourd'hui se nomme la Douleur. Un grand mot, pour de grands maux. J'ai passé 20 ans à ses côtés, sans la connaître vraiment. À tenter de la repousser, de l'annihiler, et à défaut, de la museler. Et puis, un beau jour, tout a changé.
Je n'étais alors coutumière que des fessées raisonnables, de celles qui mettent du piment dans un couple, mais ne laissent de trace ni sur le corps ni sur l'esprit. Mais ce jour-là, allez savoir pourquoi, il a mis plus de cœur à l'ouvrage. La sensation de brûlure s'est faite plus franche, plus nette. La Douleur est arrivée sur son cheval noir, désagréable, cinglante, et pour finir violente. J'ai décidé de tenir bon, serré les dents et enduré, pour ne pas capituler devant Elle. Et c'est là que le miracle s'est produit...
Il y a eu un basculement dans ma tête, dans mon être. Un lâcher-prise salvateur. Tout à coup, j'ai cessé de lutter contre la Douleur. Je l'ai regardée, droit dans la noirceur de ses yeux, et je l'ai acceptée. Le prochain coup sur ma fesse rougie aurait dû être insupportable. Il l'a été. Mais la seconde d'après, la Douleur s'est faite douce, aguicheuse, et terriblement excitante. Il a senti le changement dans mon souffle, dans ma posture, et a porté un nouveau coup, plus fort. Encore cette brûlure intolérable, suivie immédiatement par un plaisir galopant, plus franc, plus sucré. Qui ne cessait de s'élever plus haut de seconde en seconde. Mon corps se fit alors plus chaud, plus dense, gorgé de sève. Je redoutais le prochain coup dans une attente fébrile, inquiète et impatiente à la fois. Deux nouveaux coups, très rapprochés. La Douleur, immense, éclatante, a pris toute la place. Je n'ai pu retenir un cri, suivi de près par des gémissements, d'abord ténus, puis de plus en plus vibrants. Le plaisir s'élevait en vagues puissantes, divinement ravageuses. J'ai creusé davantage les reins, offrant mon cul affamé, réclamé plus, encore. Plus fort ! Je n'étais plus que désir brûlant...
Les coups se sont succédé, mordants, cruels. Les pauses se sont espacées, pour finir par disparaître, la cadence devenant somptueusement diabolique. Je ne supportais plus que ça s'arrête... Je priais, implorais, pour que les coups pleuvent. Je n'avais jamais tant perdu le contrôle de moi-même. La morsure dans ma chair était intolérable, mes cris, emplis de sanglots, se faisaient déchirants. La Douleur était omniprésente, immense, superbe, elle m'aveuglait de sa force et annihilait ma volonté. Le plaisir, incandescent, dévastateur, prenait tant de place que c'était à la limite du supportable. Mes gémissements s'étaient mués en râles, longs, profonds, suppliants, remontant des tréfonds de mon être. Jamais je n'avais ressenti une telle montée de plaisir, aussi entière, étendue, étourdissante. Plus rien d'autre n'existait que les coups et la Douleur. Et mon plaisir, toujours plus fort, au-delà de ce que je pensais possible. L'orgasme, salvateur, est enfin venu m'en libérer. Long, très long, démesurément fort, ne ressemblant en rien à tout ce que je connaissais jusque-là. Une sensation pure, nouvelle, presque trop puissante pour être supportée. Les coups ne cessèrent qu'après que mon corps, agité par de violents mouvements incontrôlables, ne finisse par s'effondrer. Je ne faisais plus un bruit, je ne bougeais plus, je ne respirais même plus. Je n'étais plus. C'est lui qui, inquiet, m'a ramené doucement à lui par la voix, me rappelant qu'il y avait un monde, dans lequel j'existais.
Il m'a fallu un long moment pour reprendre pied, revenir à la réalité. Je planais... Haut, très haut. Je ressentais une sérénité pleine, absolue, comme je n'en avais jamais connue. Tous mes doutes, toutes mes peurs, toutes mes angoisses, tous mes regrets, tout s'était envolé, loin, très loin. L'abandon, la plénitude... La sensation d'avoir trouvé ce que je recherchais depuis toujours sans le savoir. D'avoir touché du doigt le Beau, le Sacré, la Vie. Je me sentais bien. Je me sentais moi.
Il m'a fallu du temps pour me remettre du choc. J'ai mis longtemps à accepter ce qu'il s'était produit. Et ce que ça faisait de moi... Mais rien n'aurait pu m'arracher à ça. Ce que la Douleur m'a fait vivre, ce jour-là, transcendait tout. Les codes, la honte, les préjugés, rien ne pouvait faire le poids face à ça. J'avais regardé la Douleur en face, et je l'avais embrassée. Je l'avais aimée... Et dire que je la détestais tant ! Elle était belle, désormais, sur son cheval noir. Grande, puissante, redoutable... Une Reine. Je la respectais. Bien sûr, nous avons toujours nos différends, j'ai parfois du mal à supporter sa présence, mais je sais que lorsque je fais appel à elle, c'est une alliée incomparable. Elle est toujours mon fardeau, mais est devenue mon amie, mon amante... Mon amour secret.
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Thèmes: fessée, masochisme
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masque_gris
Une enivrante complicité et le récit d'une rencontre délicieusement marquante... une relation sûrement devenue indispensable...?
J'aime 28/09/19
Cori Celesti
Merci beaucoup 1f642.png Difficile, en effet, de s'en affranchir... Si la marque sur mes fesses s'est estompée depuis longtemps, celle faite sur mon esprit est toujours aussi vivace. Un lien avec la Douleur devenu indispensable, une faim qui me taraude, un manque, un vide... Sans Elle je me sens orpheline.
J'aime 28/09/19
masque_gris
Elle s'est tatouée subtilement au plus profond de votre inconscient alors que vous ne vous y attendiez pas... Mais elle savait qu'elle pouvait oser et que vous l'accepteriez car elle avait sa place... Elle est en vous, elle est votre complice... Peut être même, votre Maîtresse malicieuse et intransigeante...! Vous savez avoir un insatiablement besoin de sa présence pour satisfaire une sensuelle ivresse qui vous est nécessaire...?
J'aime 28/09/19
Cori Celesti
Bonjour Gladiateur, merci pour votre commentaire, je suis contente que mon récit vous ait tant plu... Ne vous excusez pas, je suis ravie d'échanger sur ce sujet, c'est bien pour ça que je suis ici. Je vais tenter de répondre au mieux à vos questions. Suis-je certaine d'avoir haï la douleur ? Oui, absolument. Il m'arrive de la détester encore avec ferveur. La douleur consentie est très différente de celle que je subis et qui, contre ma volonté, me ronge de ses crocs acérés. Cette Douleur-là, impossible pour moi de l'apprécier, ce n'est pas faute d'avoir essayé... Quand j'écris "ce qu'elle faisait de moi", je fais allusion au terme "masochiste", à l'image sordide et dégradante que j'en avais alors (pardon pour ma franchise). J'avais le sentiment de plonger dans un univers malsain, d'ajouter une névrose à une liste déjà bien fournie. J'ai mis du temps à changer ma perception des choses, à l'accepter, à m'accepter. Aujourd'hui le masochisme est une part intégrante de mon être, que je reconnais et que je chéris. Il m'arrive encore d'éprouver de la gêne, de la honte, vis-à-vis du regard des autres. Pour ce qui est de mon regard intérieur, je suis en paix avec moi-même. C'est, à mon sens, le plus important.
J'aime 28/09/19
Cori Celesti
Il est vrai, masque_gris, que le terme "tatouée" convient, car je ressens son empreinte indélébile sur moi. Comme vous le dites si bien, elle est désormais en moi. Mais la clé pour la libérer je ne la détiens pas, la douleur ne m'est douce que lorsqu'elle m'est infligée par l'autre. Je suis seule désormais, et si la faim insatiable est belle et bien présente, elle reste inassouvie et de ce fait frustrante.
J'aime 28/09/19
masque_gris
La faim est terrible douleur car on ne sait pas l'assouvir quand le menu ne convient pas...! Proposer la clé à n'importe qui pour vous libérer provisoirement de ce délicieux besoin de souffrance, n'est pas votre nature...? Vous êtes exigeante ...! Mais quand le besoin d'abandon est si lancinant...? Je comprends votre tourment en essayant de savoir qui pourrait la détenir... Vous brûlez d'envies d'acceptation et d'abandon...!
J'aime 28/09/19
Maître ALPHA
Bravo, un récit profond, une ode au plaisir transcendé de la douleur.... Quel plaisir, pour le maître d accompagner cet orgasme inimaginable dans un accouchement, au combien difficile !
J'aime 28/09/19 Edité
Cori Celesti
Ce n'est en effet pas dans ma nature, masque_gris. C'est une clé que je ne pourrais offrir au premier venu... La faim pourrait me dévorer vivante que je n'en serais pas davantage capable. Nul jugement ici pour celles que ça n'émeut pas, loin de là, mais pour ma part c'est simplement impensable. Confier cette clé est pour moi un don profondément intime, révélateur d'une confiance totale, d'un lien puissant, d'un abandon à l'autre. Confier cette clé c'est également confier mon corps, et par là mon coeur, je ne sais pas me dissocier... Je n'envisage une relation D/s, et à plus forte raison SM, que dans le don absolu de soi, de tout son être. Dans l'idée de s'offrir entièrement à un homme, de lui appartenir, corps et âme. Désespérément fleur bleue, je sais, vous m'en voyez consternée aussi... Mais je suis ainsi faite.
J'aime 28/09/19
Cori Celesti
Merci Lycaon, je suis contente que mon récit vous plaise. Je trouve intéressant d'avoir le point de vue de celui qui inflige. J'ai pu constater lors de séances postérieures (et je choisis ici mes mots avec soin), une fascination mêlée d'étonnement dans les yeux de mon bourreau. "Comment peut-elle prendre tant de plaisir, alors que je la fais tant souffrir ? ", semblait-il se dire. Je lisais parfois dans son regard une lueur de défi, une obstination à me mettre à terre. Et une certaine admiration, aussi, devant mon refus d'abdiquer. Et le plaisir bien sûr, purement sadique, pervers, démoniaque, dans ses yeux brûlants. Fascination pour moi aussi, devant toutes les couleurs de son regard... C'est beau, le sadisme, ça s'admire joliment.
J'aime 28/09/19
masque_gris
Savoir le partage est s'enrichir et enrichir l'autre... Dominant ou soumise... Vous êtes brillante...!!!
J'aime 28/09/19
Maître ALPHA
Bonsoir Cori,
J'aime 28/09/19
Cori Celesti
Merci, mais je n'ai pas fait grand-chose, sinon tenter de retranscrire au mieux toute cette magie...
J'aime 28/09/19 Edité
thomasreplay
Votre texte interpelle.
J'aime 29/09/19
Cori Celesti
Merci... Ce à quoi je suis arrivée, c'est cesser de repousser la douleur et la faire mienne. Le reste, en revanche, s'est fait tout seul... Autrement, merci pour tous vos commentaires élogieux, cela me touche, vraiment. Mais c'est trop d'attention pour ma petite personne, aussi vais-je laisser passer un peu de temps avant de rédiger un autre article... Je suis néanmoins très heureuse que celui-ci vous ait plu, merci à tous 1f642.png
J'aime 29/09/19
masque_gris
Ne doutez pas...!!!
J'aime 29/09/19
Cori Celesti
Merci Petit diable pour ce commentaire élogieux, je suis ravie que mon récit vous ait plu 1f642.png
J'aime 01/10/19
Cori Celesti
Cela confine à l'ivresse en effet, c'est proprement enivrant, et particulièrement exaltant.
J'aime 17/10/19
La Douleur, ha! La Douleur s'apprivoise-t-elle? Je le crois! je l"aime, exercée quotidiennement sur mes tétons: un vrai délice! un envol vers des hauteurs qui m'expulse de Moi! La douleur s'apprend, elle procure mille et Une façon de se connaitre tant dans sa "chair" que dans son Esprit. Elle s"exprime crûment: yeux bandés, corps immobilisé, parfois plus encore: oreilles bouchées. ELLE ARRIVE SANS CRIER GARE! les mains, les "objets divers" les matières ou les paroles aussi contribuent pleinement au "LACHER PRISE" instant parfois furtif tel l'éclair ou tsunami envahissant mon corps et cela devient : " DOULCEURS" (douleurs + douceurs mêlées) = pleinnitude ou extase totale; Je me regarde à l'exterieur de moi. c'est DIVIN!
J'aime 18/10/19
Cori Celesti
Bonjour speech, je comprends tout à fait votre ressenti. La douleur peut être magnifiée par une ribambelle d'autres stimuli, qui peuvent contribuer à faire monter le plaisir et mener à l'extase. Il y a en effet une certaine dissociation qui se produit alors, on s'extrait en quelque sorte de son propre corps. On se regarde, de l'extérieur, et parfois un brin surpris, prendre tant de plaisir dans la souffrance. Tout en restant résolument relié à ce corps et à ses sensations, et en profitant pleinement. Cette douce douleur qui nous transporte loin tout là-haut... C'est divin, en effet 1f642.png
J'aime 19/10/19
cette " DOULCEUR" (in) " SURPpORTABLE " me comble lorsque mes sens; Vue et ouïe sont déconnectés (yeux bandés, oreilles bouchées) les ondes de la jouissance sont indescriptibles!
J'aime 20/10/19