Méridienne d'un soir
par le 12/05/20
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Nous nous étions connus en khâgne au lycée Louis-le-Grand, me dit-elle. Je la regarde.
Elle n'a pas dû beaucoup changer: elle a à présent vingt-trois ans, elle vient de réussir
l'agrégation, sans doute enseignera-t-elle l'année prochaine. Mais elle a gardé un air très
juvénile, ce n'est sans doute pas un hasard, elle perpétue son adolescence, les visages
en disent autant que les masques. Les yeux noisette, des cheveux noirs, coupés très
courts, presque à ras, et une peau mate: Juliette a beaucoup de charme. Elle parait
épanouie, à moins de détecter quelques signes d'angoisse dans ce léger gonflement
des veines sur les tempes, mais ce pourrait être aussi bien un signe de fatigue. Nous
habitions Rouen, à l'époque, Sa cathédrale, ses cent clochers, Flaubert, et le ciel de
Normandie. Même quand il fait beau, sauf pour Monet, quelque chose de gris traîne
toujours dans l'air, tel des draps humides et froissés, au matin.
Je l'ai appelé, le soir. Nous avions convenu d'un rendez-vous chez lui. Il m'a ouvert. "Tu es en retard"
a-t-il dit. J'ai rougi comme la veille, je m'en rappelle d'autant mieux que je n'en fais pas une habitude,
et que je ne comprenais pas pourquoi ses moindres propos me gênaient ainsi. Il m'a aidée à ôter mon
imperméable; il pleuvait pour changer, mes cheveux étaient mouillés; il les a ébouriffés comme pour les
sécher, et il les a pris à pleine main, il m'a attirée à lui, et je me suis sentie soumise, sans volonté. Il ne
m'a pas embrassée, d'ailleurs, il ne m'a jamais embrassée, depuis quatre ans. Ce serait hors propos.
Il me tenait par les cheveux, j'avais les jambes qui flageolaient, il m'a fait agenouiller. Puis, il a retiré mon
pull, mon chemisier et mon soutien gorge. J'étais à genoux, en jean, torse nu, j'avais un peu froid; quand
je pense à nos rapports, depuis, il y a toujours cette sensation de froid, il a le chic pour m'amener dans des
endroits humides, peu chauffés. Il m'a ordonné de ne pas le regarder, de garder le visage baissé. D'ouvrir
mon jean, de ne pas le descendre. Il est revenu vers moi. Il a défait sa ceinture, il m'a caressé la joue avec
le cuir. Ce n'est qu'à ce moment-là que j'ai réalisé que j'étais littéralement trempée. Je dégoulinais, j'avais
le ventre en fusion et j'étais terrorisée. Il a fini de défaire son pantalon, et il m'a giflé, plusieurs fois, avec sa
queue, avant de me l'enfoncer dans sa bouche. Il était si loin, du premier coup, que j'en ai eu une nausée.
Il avait un sexe robuste, rectiligne, large à la base, plus grosse que mon poignet. J'ai commencé à aller et
venir de mon mieux. Je me suis dit que j'avais bien mérité de sucer ce membre épais. C'était comme un viol
désiré. J'étouffais un peu. C'était la première fois. Pour tout d'ailleurs, c'était la première fois. Quand il est
passé derrière moi et qu'il m'a descendu le jean à mi-cuisse. Qu'il m'a ordonné de me pencher, la tête dans
les mains, les fesses offertes. Quand il m'a pénétrée du bout des doigts, essayant la solidité de mon hymen,
avant d'enfoncer ses doigts dans mon anus, trois doigts, d'un coup, c'était juste avant qu'il me sodomise;
pas un instant, à ce moment-là, je n'ai pensé qu'il pourrait me prendre autrement. Il est revenu dans ma
bouche, sa verge avait un goût acre que j'ai appris à connaître et à aimer, mais là encore, il n'a pas joui.
Il le faisait exprès, bien sûr. Il a achevé de me déshabiller, il m'a fait marcher à quatre pattes, de long en large.
Nous sommes allés dans la cave, où il m'a fait allonger sur une table en bois, très froide; il y avait une seule
lampe au plafond et il m'a ordonné de me caresser, devant lui, en écartant bien les cuisses. La seule idée qu'il
regardait mes doigts m'a fait jouir presque tout de suite. Il me l'a reproché bien sur, c'était le but du jeu. J'étais
pantelante, j'avais joui si fort que j'en avais les cuisses inondées, bientôt, il s'est inséré entre mes jambes, les
a soulevées pour poser mes talons sur ses épaules, j'ai voulu le regarder mais j'ai refermé les yeux, à cause
de la lumière qui m'aveuglait, et il m'a dépucelée. J'ai eu très mal, très brièvement, j'ai senti le sang couler, du
moins j'ai cru que c'était du sang, il a pincé la pointe de mes seins, durement, et j'ai rejoui aussitôt.
Quand il est ressorti de moi, il n'avait toujours pas éjaculé, il m'a dit que j'étais une incapable, une bonne à rien.
Il a dégagé sa ceinture de son pantalon, et il m'a frappée, plusieurs fois, sur le ventre et sur les seins. J'ai glissé
à genoux, et je l'ai repris dans ma bouche, il n'a pas arrêté de me frapper, le dos, les fesses, de plus en plus
fort, et j'ai arrêté de le sucer parce que j'ai joui à nouveau. C'était inacceptable pour lui. Il a saisi une tondeuse
à cheveux et il m'a rasé la tête. Sanglotante, il m'a dit de me rhabiller, tout de suite, sans me laver, le jean taché
du sang qui coulait encore, le slip poisseux, souillé par son sperme.
Je lui ai demandé où étaient les toilettes. Il m'y a amenée, il a laissé la porte ouverte, me regardant avec intérêt,
sans trop le monter, ravi de ma confusion quand le jet de pisse frappa l'eau de la cuvette comme une fontaine drue.
Il m'a donné en détail, le protocole de nos rencontres. Les heures exactes, mes positions de soumission, le collier
et la lingerie que je devrais porter et ne pas porter surtout. Il m'a ordonné d'aller tout de suite chez un sellier acheter
une cravache de dressage en précisant que le manche devait être métallique.
- Qu'est-ce que tu es ? M'a-t-il demandé ?
- Je ne suis rien.
- Non, a-t-il précisé, tu es moins que rien, tu es mon esclave.
- Je suis ton esclave, oui.
Cinq jours plus tard, nouveau rendez-vous, juste après les cours. J'ai apporté la cravache. La porte était entrouverte,
je suis entrée et je l'ai cherchée des yeux. Il ne paraissait pas être là. Je me suis déshabillée, et je me suis agenouillée,
au milieu du salon, les mains à plat sur les genoux en cambrant les reins, devant un lourd guéridon bas où j'avais posé
la cravache. Il m'a fait attendre un temps infini. Il était là, bien sûr, à scruter mon obéissance. Ce jour-là, il s'est contenté
de me frapper sur les reins, les fesses et les cuisses, en stries parallèles bien nettes en m'ordonnant de compter un à un
les coups. Ce fut tout ce qu'il dit.
À dix, j'ai pensé que ça devait s'arrêter, qu'il faisait cela juste pour dessiner des lignes, et que je n'allais plus pouvoir me
retenir longtemps de hurler. À trente, je me suis dit qu'il allait se lasser, que les lignes devaient se chevaucher, constituer
un maillage, et que ça ne présentait plus d'intérêt, sur le plan esthétique. J'ai failli essayer de me relever mais il m'avait
couchée sur le bois, et m'avait ligoté les poignets et les chevilles aux pieds de la table. Il s'est arrêté à soixante, et je
n'étais plus que douleur, j'avais dépassé la douleur. J'avais crié bien sûr, supplié, pleuré et toujours le cuir s'abattait.
Je ne sais pas à quel moment j'ai pensé, très fort, que je méritais ce qui m'arrivait.
Il s'est arrêté, il m'a caressée avec le pommeau métallique de la cravache, qu'il a insinué en moi, par une voie puis
l'autre. J'ai compris qu'il voulait entendre les mots, et je l'ai supplié de me sodomiser au plus profond, de me déchirer.
Mais il est d'abord venu dans ma bouche. J'avais les yeux brouillés de larmes, et je m'étouffais à moitié en le suçant.
Me libérant la bouche, il s'est décidé à m'enculer, sans préparation, pour me faire mal. Il se retira pour me frapper
encore cinq ou six fois sur les seins en me meurtrissant les pointes. Je me mordais les lèvres au sang pour ne pas
hurler. Il m'a donné un coup juste à la pliure des genoux, et je me suis affalée sur le sol glacé. Il m'a traînée dans un
coin, et il m'a attachée avec des menottes à une conduite d'eau qui suintait. En urinant sur ma tête rasé, il me promit
de me marquer au fer lors de la prochaine séance. J'avais de longues traînées d'urines sur le visage et sur les seins.
Au fond, c'était un pâle voyou qui avait fait des études supérieures. Et qui m'avait devinée dès le début. Il avait su lire
en moi ce qu'aucun autre n'avait lu. J'ai fréquenté, un temps, certains cercles spécialisés, ou qui se prétendent tels.
Des Maîtres, jouisseurs, toujours si affolés à l'idée que l'on puisse aimer la souffrance et les humiliations, capables
d'élaborer un scénario d'obéissance, où toutes les infractions sont codifiées et punies mais sans s'interroger jamais
sur la raison ou la déraison qui me pousse à accepter ces jeux. Car c'est alors que mon corps peut s'épanouir, en se
donnant à part entière. C'est l'extase, la jouissance exacerbée par des rites souvent inattendus, l'abnégation de soi.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
Thèmes: littérature
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balletboots
Bonjour Méridienne d'un soir,
J'aime 12/05/20
balletboots
Très beau style littéraire, très fluide, agréable à lire. Et j'aime l'idée au final que certaines personnes arrivent à voir en nous ce que la plupart des gens ne décèlent pas. Bonne journée à vous.
J'aime 12/05/20
Anoa féline
Merveilleux. Les quelques mots de la fin me décrivent parfaitement. Merci.
J'aime 12/05/20
Quatuor
Toujours d'une remarquable efficacité ! La puissance de vos mots ne nous laisse guère de chance de leur échapper.
J'aime 12/05/20
Vous savez donner autant que vous savez prendre. Qualité rare.
J'aime 13/05/20
insolence
Merci, bises
J'aime 17/05/20