Méridienne d'un soir
par le 22/09/20
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Femme de cœur et d’esprit, Diane de Poitiers a régné d’une main de fer sur la Cour de France durant le règne
de deux Rois consécutifs. Faisant de sa beauté légendaire une arme de persuasion, elle appliqua sa devise
dans tous les actes de sa vie. En Dame de la Renaissance accomplie, Diane gagna par son esprit le cœur du
Sénéchal de Brézé, devenant ainsi l’une des premières dames du Royaume. Son sens aigu de l’honneur conduisit
François Ier à écrire derrière l’un de ses portraits: "Belle à voir, honnête à hanter." C’est ainsi que la plus accomplie
des femmes de France obtint la garde des enfants royaux à la mort de leur mère et entra dans le cercle privé du
Roi pour ne plus en ressortir. Les années passant, l’affection du dauphin se transforma en une admiration sans
borne, qui le conduisit à la déclarer "belle des belles" lors d’un tournoi, face à la rancunière Anne de Pisseleu
qui n’aura dès lors qu’une ambition, anéantir Diane. À l’arrivée de Catherine de Médicis à la Cour, le Roi fit
rappeler son amie afin qu’elle éduque la jeune dauphine aux coutumes de France. Celle-ci revint donc de
son château dans lequel elle s’était retirée à la mort de son époux, avec pour couleurs le Noir et le Blanc.
C’est ainsi que commencera une romance qui durera jusqu’à la mort d’Henry II. Sur la nature de ses relations
avec Diane, les contemporains étaient partagés. Pour certains, la liaison était simplement platonique. Pour d’autres,
Diane aurait été effectivement la maîtresse du roi, mais avec le temps et l’âge, le roi s’en serait lassé, ce qui
expliquerait ses incartades avec Jane Stuart et Nicole de Savigny. Diane serait alors redevenue la confidente
et l’amie des débuts. De façon certaine, Diane était la dame d’Henri, dame dans le sens des romans de chevalerie.
À la cour de France, c’était la coutume qu’un jeune homme fasse le service à une dame avec l’accord de son mari.
En retour, celle-ci devait l’édifier dans ses mœurs, lui apprendre la galanterie. C’est le rôle attribué à Diane par le
roi François Ier lui-même, conformément à la tradition qui veut que ce soit un parent qui choisisse la maîtresse.
Diane naquit le 31 décembre 1499, dans le château familial, au confluent de la Galure et du Rhône, dans le Dauphiné,
à la lisière de la Provence. Elle reçut le prénom de Diane en l’honneur de la déesse de la chasse et de la lune qui
brillait la nuit de sa naissance. Ses ancêtres étaient alliés à la plus haute noblesse du royaume. Ancienne famille
du Dauphiné, son grand père obtint la ville et le château de Saint-Vallier. La famille était alliée aux Bourbons par sa
mère. Les rois de France et de Bourgogne avaient donné le titre de Comte de Valentinois au chef de famille en 1125.
Diane, enfant préférée de son père, partait avec lui à la chasse, avait son propre faucon à l’âge de six ans. Cavalière
émérite, toute sa vie elle partira pour de longues balades à cheval. À la mort de sa mère, elle partit rejoindre la cour
d’Anne de Beaujeu et de Louis XII, et apprit ainsi le latin, le grec, le théâtre, la danse, put consulter les chefs-d’œuvre
classiques, apprendre la philosophie et la logique de Platon. Ce qu’elle apprit surtout, le mépris des intrigues, la dignité
du rang à tenir, la noblesse du goût, l’art de la conversation, bref tout ce qui faisait une vraie dame de la Renaissance.
Elle devint demoiselle d’honneur de la reine Anne, qui remarqua tôt les dispositions et le fort potentiel de Diane.
Diane de Poitiers avait été demoiselle d’honneur de la future reine Claude, épouse de François 1er. Claude et Diane
avait quinze ans lors de cette union. En 1515, eut lieu le couronnement du roi François 1er. Diane assistait au sacre,
se retira avec la cour à Blois. Anne de Beaujeu décida de la marier avec Louis de Brézé, un Bourbon apparenté à
sa famille, comte de Maulevrier, grand sénéchal de Normandie, petit-fils de Charles VII et d’Agnès Sorel, seigneur
de Nogent-le-Roi, d’Anet. Diane avait quinze ans, Louis cinquante-deux ans mais les portait allègrement. Louis de
Brézé était un chasseur riche et puissant, jouissant de l’estime de Louis XII et de François 1er. Par ce mariage,
Diane atteignait un rang royal juste inférieur à celui de princesse. Diane avait le front haut, la peau blanche et pâle,
les cheveux blonds, les yeux gris bleu, un nez droit, une petite bouche aux lèvres pleines et une silhouette élancée.
Le 24 juillet 1524, la reine Claude s’éteignit alors que le roi était en campagne. À son retour, le roi confia la garde
des enfants à Diane. Ce fut un grand honneur pour elle. François 1er fut fait prisonnier par Charles Quint. Sa mère
Louise de Savoie prit les rênes du royaume, elle nomma Louis de Brézé gouverneur de la Normandie. Diane se
trouvait à Rouen lors de la capture du roi, elle revient à la cour pour s’occuper des enfants, qui la connaissaient bien
et l’appréciaient. Henri, d’habitude bouillant, avait les yeux noyés de larmes. Diane l’apercevant ainsi, sortit de la
foule et lui dit des mots réconfortants. François 1er de retour en France, remonte le pays. À son arrivée à Rouen,
le Grand Sénéchal lui remet les clés de la ville. Diane, pour accueillir le roi, avait changé les habitudes. Elle présenta
au roi une nuée de demoiselles d’honneur vêtues de tuniques grecques. Satisfait, le roi décida de s’arrêter à Anet.
Lors de son séjour, Diane fut très présente auprès de lui. Conquis par la droiture, l’intelligence et la culture de Diane,
le roi lui offrit une nouvelle place à la cour, celle de dame d’honneur de la mère Louise de Savoie.
Lors des fêtes qui eurent lieu à l’occasion de l’entrée de la nouvelle reine dans Paris et du mariage du roi et du retour
des princes, les princes participaient à leur premier tournoi. Ils devaient choisir une dame pour laquelle ils livreraient
bataille. C’est ainsi qu’Henri s’arrêta devant Diane et la choisit à la surprise générale. Diane y vit une reconnaissance
de la part du prince pour le réconfort qu’elle lui avait apporté avant sa captivité. Les princes gagnèrent le tournoi.
Puis il y eut l’élection de la "belle parmi les belles": la reine Eléonore, la maîtresse du roi Anne de Pisseleu et Diane
de Poitiers. Le résultat des votes: égalité entre Anne de Pisseleu et Diane de Poitiers. La maîtresse du roi fut
particulièrement vexée et en voulut à vie à Diane, fit tout pour l’anéantir. La rancune féminine fut très tenace.
Louis de Brézé s’éteignit à soixante-huit ans en juillet 1531. Diane commanda au sculpteur Goujon une tombe
monumentale. Dix-sept ans de vie commune heureuse. Diane ne porterait plus que du noir agrémenté de touches
blanches. À ses armoiries, elle rajouta le symbole d’une veuve, une torche tournée vers le bas, d’où sa devise.
"Celui qui m’enflamme a le pouvoir de m’éteindre." Pourquoi allait-elle s’habiller ainsi tout le restant de sa vie ?
À trente et un ans, elle affichait une parfaite assurance, sa condition de veuve lui laissait une liberté exceptionnelle
pour une personne de son sexe à l’époque. Le secret de son charme. Son hygiène de vie, elle se lavait à l’eau claire,
prenait par tout temps un bain d’eau glacée, pas de cosmétiques, un bouillon, trois heures de cheval le matin à vive
allure, une collation à midi, règlement de ses affaires des domaines, les audiences, dÎner à dix-huit heures et au lit.
Pas de soleil, une peau toujours blanche, vêtue de soie, deux boucles de cheveux s’échappaient d’une résille
en fils de soie noirs parsemés de perles, elle attachait à ses épaules des rangs de perles se croisant sur un corsage
de velours noir pourvu d’un profond décolleté, pierres précieuses à sa taille. C’est elle qui dicta la mode de son temps.
Certains biographes ont admis que Diane fut la maîtresse de deux rois, François 1er et Henri II, mais ce n’est que
pure fantaisie. Diane dut faire face à l’agressivité et la haine de la maitresse du roi. Anne de Pisseleu se rendait
compte que le roi appréciait beaucoup Diane, elle encouragea un groupe de diffamateurs afin de diffuser des
épigrammes calomnieuses. Le plus célèbre fut un poète champenois Jean Voulté qui publia trois épigrammes
injurieuses "contre la Poitiers, vieillarde de la Cour." Ces poèmes étaient rédigés en latin mais les traductions
ne tardèrent pas à paraître. Il y avait ainsi deux camps. Celui de la maîtresse du roi avec les profiteurs et celui de
Diane avec les gens qui l’appréciaient sincèrement. Diane sentit vraiment le danger, elle était devenue une proie.
C’est à ce moment que le prince Henri se chargea de la défendre et devant la cour entière, il réitéra son serment
de dévotion à Diane. Diane et Henri défendait l’Eglise Catholique. Ainsi commençait l’une des liaisons royales
les plus constantes et les plus inattendues de l’Histoire de France. Henri se mit à rayonner de bonheur grâce à
la présence constante de Diane à ses côtés. Diane découvrit avec Henri le plaisir que procure un amant adolescent,
elle lui transmit toutes ses connaissances acquises au côté du parfait homme du monde qu’était Louis de Brézé.
Diane ne calcula pas sa fortune, elle ne chercha pas l’amour d’Henri, mais elle fit tout ce qui était en son pouvoir
pour ne pas le laisser s’éteindre, elle le retint par la puissance de son esprit et par son intelligence.
En revanche, elle devait vivre au sein d’un ménage à trois: le roi, la reine et la maîtresse, comme il était de coutume.
Diane et Catherine devaient se "serrer les coudes." L’une implorerait le roi, l’autre s’occuperait du dauphin. Elle prit
même Catherine à part, lui parla avec douceur, lui expliqua l’art de faire l’amour. Certains soirs, Diane envoyait Henri
chez son épouse. Finalement, en janvier 1544, le miracle se produisit, grâce aux pilules des médecins ou aux conseils
de Diane, Catherine donnait naissance à un petit garçon, le futur François II. Henri offrit à Diane une somme d'argent
pour la remercier de son assistance auprès de la dauphine Catherine. Diane avait su se rendre utile, une fois de plus.
Fin mars 1547, François I er rmourut, Henri II avait vingt-huit ans, Diane, quarante-sept. La révolution dans le palais
eut lieu. Anne de Montmorency fut rappelé et nommé à la tête du Conseil privé. Henri réclama les joyaux du trésor
royal et les offrit à Diane, elle recevait en plus la clé de la chambre forte. Il s’empara également de la maison que
la maîtresse de François 1er Anne de Pisseleu détenait et en fit cadeau à Diane en reconnaissance de sa passion.
Diane s’intéressait de près au gouvernement, désirait comprendre le fonctionnement des finances du royaume,
à la confiscation des biens. Pour la remercier et lui prouver son amour, Henri II lui offrit le plus beau château de la Loire,
Chenonceau en 1550. Le Culte de Diane était en marche. Partout, Henri II fit dessiner les attributs de Diane. Lors
des fêtes données en l’honneur du roi à Lyon en septembre 1548, tout fut de couleur noire et blanche. Les uniformes
des soldats, les rubans, les tuniques des amazones qui défilaient, les tapis des chevaux. Alors, c’est au cours de ces
cérémonies que Diane devint Duchesse de Valentinois. Elle parvenait ainsi à la plus haute dignité à la cour du roi.
Le temps passé à Anet fut riche pour Henri et Diane. Des heures à cheval de bon matin, des parties de chasse
trépidantes, de magnifiques banquets clôturaient les soirées. Diane fit construire un jeu de paume dans son
domaine, Henri étant un fervent amateur de ce jeu. Henri fit faire des portraits de sa favorite. C’est de cette époque
là que la tradition des portraits au bain est remise à l’honneur. Diane conserva sa beauté grâce à son bon sens.
Plus tard, Diane s’occupa d’Anet et de Chenonceau en introduisant des plantes nouvelles dans les jardins, jusqu’à
ce que le pape fasse appel à elle pour convaincre le roi, qu’il fallait conclure la paix avec l’Espagne. Une trêve avec
l’Espagne fut décrétée, mais les Guise appelaient au combat. Henri, Diane et Montmorency formaient un triumvirat
contre les Guise. Tous les trois aspiraient à la paix. Plusieurs mariages eurent lieu entre 1558 et 1559, avec de
grandes fêtes où le roi participerait à des joutes. Le troisième jour des joutes survint l’accident du roi. Le fragment
avait pénétré l’œil droit jusque dans le crâne pour ressortir par la tempe à la hauteur de l’oreille. Un autre éclat avait
transpercé la gorge. Diane voulu enjamber les palissades, mais n’y réussissait pas. C’est la première fois que Diane
se sentit totalement impuissante. Elle regagna sa maison dans les environs. Diane de Poitiers avait privé Catherine
de son mari au su et au vu de tout le monde. À l’arrivée du courrier envoyé par la reine, elle rendit les bijoux de la
couronne accompagnés d’un inventaire méticuleux. François II ajoutait à sa demande le bannissement de Diane
de la Cour ainsi que celle de sa fille Françoise et son époux. Lors des funérailles, n’ayant pas reçu d’invitations,
elle regarda le cortège de l’une de ses fenêtres. L’effigie du roi ne portait pas le blanc et noir, pas de croissants de
lune, le chiffre HD n’apparaissait pas sur le harnais du cheval du roi. Diane ne fut pas arrêtée, grâce aux alliés de
grandes familles qu’elle s’était fait. La reine ne pouvait pas se mettre à dos tout le monde, elle la bannit au château
d’Anet, mais soucieuse de ménager ses alliés, la reine lui offrit Chaumont-sur-Loire en échange de Chenonceau.
À l’aube de ses soixante ans, Diane était encore une belle femme, jouissant d’une bonne condition physique, malgré
un accident de cheval qui lui fractura la jambe, elle venait d’avoir soixante-quatre ans. Deux ans plus tard, après une
brève et grave maladie, elle s’éteignit le 25 avril 1566 dans son château d’Anet. Elle avait réparti son immense fortune
entre ses deux filles et assura des legs à un certain nombre de couvents. Elle fut enterrée dans la chapelle funéraire
qu’elle avait fait construire près du château. Les révolutionnaires français, en 1795, ouvrirent le tombeau et ceux de
deux de ses petites-filles inhumées auprès d'elle, et jetèrent ses restes dans la fosse commune. En 2008, les restes
de la favorite furent exhumés. L’autopsie révèla beaucoup plus de concentration d’or dans ses restes qu’à la normale.
Il n’y avait pas de raison puisqu’elle n’était pas la reine et ne portait pas de couronne. Les scientifiques déduisèrent
que Diane, voulant rester jeune durant toute sa vie, avait absorbé de l’or potable chaque jour, tous les matins, afin
de garder sa beauté. Cette quantité d’or l’aurait empoisonné petit à petit tous les jours et serait la cause de la fracture
de sa jambe au cours de la chute de cheval survenue en 1565 et cela aurait entraîné sa mort. Le 29 mai 2010, les
restes de Diane de Poitiers inaugurent à nouveau la chapelle du château d'Anet. Dans l'histoire des favorites royales,
Diane de Poitiers occupe une place très singulière. De vingt ans l'aînée du roi, elle l'a accompagnée de sa naissance
jusqu'à sa mort, occupant successivement tous les rôles: éducatrice, amoureuse inaccessible, maîtresse irrésistible
et sensuelle, amie très fidèle, conseillère politique, et muse inspiratrice. Elle mérite le titre de "reine des favorites."
"Celui qui m'enflamme à le pouvoir de m'éteindre."
Bibliographie et références:
- Françoise Bardon, "Diane de Poitiers et le mythe de Diane"
- Édouard Bourciez, "Les Mœurs polies et la littérature de cour sous Henri II"
- Monique Chatenet, "La cour de France au XVI ème siècle"
- Ivan Cloulas, "Diane de Poitiers"
- Didier Le Fur, "Diane de Poitiers"
- Jean Hippolyte Mariéjol, "Catherine de Médicis"
- Olivier Pot, "Le mythe de Diane chez Du Bellay"
- Patricia Z. Thompson, "De nouveaux aperçus sur la vie de Diane de Poitiers"
- Alice Tacaille, "Un curieux hommage musical à Diane de Poitiers"
- Éliane Viennot, "Diane parmi les figures du pouvoir féminin"
- Henri Zerner, "Diane de Poitiers, maîtresse de son image"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
Thèmes: littérature
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