Méridienne d'un soir
par le 10/11/20
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Marie-Adelaïde, mère de Louis XV, appartient à l’illustre maison de Savoie qui, pendant plus de deux siècles,
aura la gloire de placer sur les plus puissants trônes d’Europe les princesses les plus convoitées. Marie-Adelaïde
de Savoie, née en 1685, n’avait que onze ans lorsqu’elle fut promise comme épouse au duc de Bourgogne pour
cimenter l’alliance entre la France et le Duché de Victor-Amédée II. Son tempérament, son caractère enjoué, sa
fantaisie séduiront Louis XIV et Madame de Maintenon, son épouse morganatique et la cour qui, confrontée à la
vieillesse du roi, périssait d’ennui. L’adoration dont la duchesse a été l’objet ne doit pas masquer qu’elle mena,
assez rapidement après son mariage et tandis que son époux le duc de Bourgogne s’adonnait à la piété, une
vie de débauche où se mêlaient jeux, amours et ivresses. Y aurait-il pire à lui reprocher ? L’intimité qu’elle
partagea avec Louis XIV lui aurait permis, à la demande de son père, de pénétrer des secrets d’État en vue de
déjouer les stratégies françaises pendant la longue guerre de succession d’Espagne à la suite de la mort sans
descendance du dernier Habsbourg espagnol, Charles II et qui opposa plusieurs puissances européennes.
Marie-Adélaïde de Savoie naît le six décembre 1685. Elle est la fille d’Anne-Marie d’Orléans et de Victor-Amédée II
de Savoie. Celui-ci s’est engagé dans la ligue d’Augsbourg, contre la France, en 1686. Cependant, dès 1692, le
duc de Savoie, prêt à changer de camp quand il s’agit de l’intérêt de son pays, entretient des rapports secrets
avec la France. En 1696, un accord de paix est trouvé avec à la clef, l’union du petit-fils aîné de Louis XIV, le duc
de Bourgogne, avec Marie-Adélaïde de Savoie. Il est convenu que la princesse vivrait à la cour de Versailles jusqu’à
son mariage, afin de se familiariser plus aisément aux coutumes de son pays d’adoption. En dépit de son jeune âge,
Marie-Adélaïde connait déjà beaucoup de choses sur la cour de France, grâce à sa mère, nièce de Louis XIV, et sa
grand-mère paternelle, Marie-Jeanne-Baptiste de Savoie, arrière petite-fille d’Henri IV. Consciente du rang élevé
qu’elle va occuper un jour grâce à son mariage, Marie-Adélaïde écriera à sa grand-mère: "Je crois que je ne vous
donnais guère de joie et que vous auriez bien voulu un garçon, mais je ne puis douter que vous m’ayez pardonné
d’avoir été une fille." La princesse épouse, par procuration, l’héritier de la couronne de France le quinze septembre
1696, puis prend le chemin de la France où elle doit être accueillie par la famille royale. Marie-Adélaïde naît et
grandit au sein d'une famille très francophile. Elle aime la fête, la chasse, les plaisirs et sait faire preuve de charité.
Marie-Adélaïde y arrive le quatre novembre 1696. Outre Louis XIV et Monseigneur le dauphin, père du duc de
Bourgogne, la princesse rencontre, pour la première fois, son grand-père maternel, Philippe d’Orléans, dit Monsieur.
De suite, la piémontaise éblouit par sa grâce, son maintien et la dignité dont elle fait preuve malgré son jeune âge.
Sachant ce que représente la marquise de Maintenon pour le roi, Marie-Adélaïde n’hésite pas à l’appeler "ma tante"
en privé. Louis XIV et son épouse morganatique sont définitivement sous le charme de la jeune princesse. Le
monarque confie: "Je souhaiterais que sa mère soit ici, témoin de notre joie”. La jeunesse d’Adélaïde adoucit ses
journées et il n’est pas rare que le roi fasse sauter celle-ci sur ses genoux lorsqu’il travaille dans les appartements
de Mme de Maintenon. Les courtisans sont divisés au sujet de la jeune duchesse. Certains avancent qu’elle n’est
qu’une enfant gâtée qui ne se prive pas de toucher à tout en espionne, d’autres, qu’elle est “le rayon de soleil du roi”.
Quant à son futur époux, Marie-Adélaïde ne peut le voir qu’une fois par semaine. Tandis que le duc de Bourgogne
parfait son éducation, la princesse de Savoie tient déjà la première place féminine auprès de Louis XIV, qui ne
cesse de la divertir par des séjours à Marly. À Versailles, la princesse embellit la Ménagerie par des peintures et
des dorures. Les courtisans “rajeunissent de la vivacité de Marie-Adélaïde” et n’hésitent pas à jouer à colin-maillard
avec la princesse. Mme de Maintenon témoigne, dans ses lettres à la duchesse Anne-Marie, du “transport de joie
d’avoir reçu un tel trésor” en évoquant Marie-Adélaïde. La duchesse rechigne pourtant à se rendre à Saint-Cyr
avec Mme de Maintenon et préfère s’amuser, ce qui ne lui passera pas. Son époux, le duc de Bourgogne lui vouera
une véritable passion amoureuse tandis qu’elle prend des amants lorsque le jeune Louis est à la guerre et ne répond
que rarement à ses lettres. Marie-Adélaïde s’attire des remontrance mais elle se plaint que son mari est trop sérieux.
Si la princesse égaille Versailles, elle a aussi ses défauts, à commencer par une paresse intellectuelle. La marquise
de Maintenon ne s’en inquiète pas, avançant qu’il “ne faut pas songer à faire la princesse savante. Il faut se borner à
lui apprendre certaines choses qui entrent dans le plaisir de la conversation." Le sept décembre 1967, Marie-Adélaïde
de Savoie épouse, en la chapelle du château de Versailles, Louis de France, duc de Bourgogne. Cependant, le mariage
ne change rien à l’emploi du temps du couple. La jeune duchesse n’est pas encore nubile et elle ne pourra goûter
à la vie conjugale qu’à partir de l’année 1699. En attendant, la compagnie de la duchesse de Bourgogne est recherchée
par de nombreuses personnes, à commencer par le roi. La jeune princesse est de tous les divertissements et a su
toucher le cœur de son beau-père, Monseigneur, ainsi que de son grand-père, Monsieur, qui l’adore. Elle perd celui-ci
en juin 1701, emporté par une crise d’apoplexie. Louis XIV, qui entend ne rien montrer de sa douleur, peut alors compter
sur le soutien de Marie-Adélaïde. Mais en août, la princesse est frappée une fièvre entraînant des complications telles
que l’on craint réellement et sincèrement pour sa vie. La duchesse de Bourgogne se rétablit après dix jours d’angoisse.
Cependant, dès sa convalescence, son époux retombe immédiatement en dévotion, persuadé que la maladie de sa
femme est un signe de Dieu. Le comportement très pieux de Louis éloigne de lui Marie-Adélaïde, qui n’entend pas
renoncer aux plaisirs des divertissements de la cour. Lorsqu’en 1702, son époux part dans les Flandres rejoindre
l’armée, elle ne lui écrit pas, s’attirant les remontrances de Mme de Maintenon. À la cour, il se murmure alors que la
duchesse prend des amants. Pour blesser la jeune femme, une rumeur se répand, selon laquelle elle est incapable
de donner un héritier à la couronne. Lorsque le duc de Bourgogne regagne Versailles, Marie-Adélaïde se veut plus
proche de son époux, qui fuit les divertissements. Après plusieurs espoirs déçus de maternité, la duchesse donne
naissance à trois princes, Louis (1704-1705), Louis (1707-1712), et Louis (1710-1774), duc d’Anjou et futur Louis XV.
Lorsqu’elle perd son fils aîné en 1705, Marie-Adélaïde se réfugie dans la religion, aux côtés de son époux. Elle écrit à
sa grand-mère que Dieu “l’accable de toutes sortes de chagrins” pour l’attirer vers lui. Car la perte de son enfant n’est
pas le seul malheur qui frappe la duchesse de Bourgogne. Tout d’abord heureuse que sa sœur cadette, Marie-Louise
de Savoie, ait épousé Philippe V d’Espagne, la princesse est ensuite abattue lorsque bientôt son père, Victor-Amédée II,
s’engage dans une guerre contre la France et l’Espagne. Les deux sœurs s’unissent dans leur malheur, comme en
témoigne leur correspondance. À l’annonce du décès du petit duc de Bretagne, en 1705, la jeune reine d’Espagne écrit:
"Pour moi, qui ne suit que tante, j’ai toujours mon cher neveu dans la tête, il me semble pourtant que je l’aimais plus
que les tantes ne doivent aimer leurs neveux, car je le regardais comme mon propre enfant”. Lorsqu’elle met au monde
l’héritier du trône d’Espagne, en 1707, Marie-Louise demande à la duchesse de Bourgogne d’être la marraine du prince.
En 1708, le duc de Bourgogne part en Flandre prendre le commandement de l’armée. Suite au désaccord entre le prince
et le maréchal de Vendôme, l’armée française recule, plie devant l’ennemi. À la cour, l’honneur du petit-fils de Louis XIV
est bafoué par un grand nombre de courtisans qui soutiennent le maréchal de Vendôme, et qui rejettent toutes les erreurs
militaires sur le duc de Bourgogne. Marie-Adélaïde, appuyée par les Orléans, défend la cause de son époux en “fière
protectrice de l’honneur du prince”, à la grande surprise des alliés du maréchal de Vendôme. La princesse fait pencher la
balance en faveur du duc de Bourgogne en ralliant à sa cause Mme de Maintenon. Face aux injures et aux calomnies dont
on couvre son époux, Marie-Adélaïde perd de sa joie de vivre et est victime de plusieurs fluxions, rappelant à tous sa santé
fragile. Après le retour du duc du Bourgogne, en décembre, la princesse bat froid au maréchal de Vendôme, réussissant
même à lui faire interdire l’entrée à Marly et à Meudon, sa seule présence lui étant devenue tout simplement insupportable.
Devant la détermination de son épouse à sauvegarder son honneur, le duc de Bourgogne décide de faire de sa mère, sa
conseillère. Épouse dévouée, la princesse est également une mère aimante, suivant de près les progrès de son fils, le duc
de Bretagne, “charmant dans toutes ses manières”. Bientôt, la duchesse de Bourgogne favorise le mariage du duc de Berry,
son beau-frère, avec Mademoiselle d’Orléans. Bien que le dauphin et une partie de la cour n’y soient pas favorables, le roi
cède à sa petite-fille. Marie-Adélaïde sera bien mal récompensée de son intervention, la duchesse de Berry se montre
rapidement bien moins douce et facile que l’on ne le pensait. La duchesse de Bourgogne devient dauphine à la mort brutale
de Monseigneur, survenue le quatorze avril 1711. Devenue la première dame du royaume, Marie-Adélaïde est très jalousée
par les filles illégitimes de Louis XIV, la princesse de Conti et la duchesse de Bourbon, ainsi que par la duchesse de Berry.
La dauphine n’en a cure et se console en répétant “Je serai bientôt leur reine” et son fils aîné fait sa fierté pour son bonheur.
Le six février 1712, la dauphine se sent mal, victime d’une forte fièvre et de douleurs entre l’oreille et la mâchoire. Son
époux la veille et les médecins sont optimistes. Le roi et Mme de Maintenon prennent des nouvelles de Marie-Adélaïde
dont l’état empire le 10 février, après que la rougeole ait été diagnostiquée. Le dauphin est écarté de la chambre de son
épouse, tandis que Louis XIV est résolu à ne pas quitter le chevet de sa petite-fille. La princesse s’éteint le soir du douze
février, laissant un époux inconsolable. Dans un moment de lucidité, elle avait confié à ses dames d’honneur: “Princesse
aujourd’hui, demain rien, dans deux jours oubliée”. Sa disparition cause également au roi l’un de ses plus grands chagrins,
“la seule véritable douleur qu’il ait eue en sa vie” d’après le duc de Saint-Simon. Quant à Mme de Maintenon, elle perd,
avec Marie-Adélaïde “la douceur de son existence." En 1712, la famille royale doit faire face à une épidémie de rougeole.
Lors de l’autopsie, les médecins constatent que la dauphine était enceinte de six semaines. Le “sang brûlé” qu’ils trouvent
à l’ouverture du corps alimente des rumeurs d’empoisonnement d’autant que l’autopsie ne révèle “aucune marque de
rougeole, ni de petite vérole, ni de pourpre sur son corps”. Il se peut que, ce qui a été diagnostiqué comme étant la rougeole
soit en fait une infection dentaire, d’où les douleurs sous la tempe que la dauphine a eu au début. Cette infection aurait
dégénéré en septicémie, et emporté la princesse. Avec Marie-Adélaïde, “s’éclipsèrent joie, plaisirs, amusements mêmes
et toutes espèces de grâces, les ténèbres couvrirent toute la surface de la cour”. La princesse avait, un jour, demandé au
duc de Bourgogne qui il épouserait si elle devait décéder la première. Le prince lui avait alors répondu: "J’espère que Dieu
ne me punira pas assez pour vous voir mourir et, si ce malheur arrivait, je ne me remarierais jamais car, dans les huit jours,
je vous suivrais au tombeau." Le dauphin tiendra parole, ayant contracté la rougeole au chevet de sa femme, il décède le
dix-huit février, bientôt suivi du duc de Bretagne, le huit mars 1712. Tout ce qui reste alors de Marie-Adélaïde, c’est le duc
d’Anjou, un enfant de deux ans, de constitution fragile, qui, pourtant, deviendra Louis XV après le décès du Roi-Soleil.
Bibliographie et références:
- Fabrice Preyat, "Marie-Adélaïde de Savoie"
- Annie Pietri, "Le sourire de Marie-Adélaïde"
- Jacques-Henri Sauquet, "la vie de Marie-Adélaïde"
- Pierre Lemarignier, "Marie-Adélaïde de Savoie"
- Anne-Marie Desplat-Duc, "Les Colombes du Roi-Soleil"
- Martial Debriffe, "La duchesse de Bourgogne, mère de Louis XV"
- Annie Jay, "Adélaïde, princesse espiègle"
- Sabine Melchior-Bonnet, "Louis et Marie-Adélaïde de Bourgogne"
- Simone Bertière, "Les Femmes du Roi-Soleil"
- Yvonne Brunel, "Marie-Adélaïde de Savoie"
- Alexis Chassang, "Marie-Adélaïde de Savoie"
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
Thèmes: littérature
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