Méridienne d'un soir
par le 01/02/22
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Charlotte n'avait pas l'habitude de passer la nuit avec Juliette et de se réveiller seule, sans explication. Étrange.
Les ciels du Berry servaient de paysage à une campagne sauvage. Le relief des nuages dessinait des vallées
bleues et les soirs d'été teintaient l'horizon de toutes les couleurs qui manquaient à la plaine couverte de chaumes
gris, brûlés par le soleil. Elles descendirent le long du lac. Quelques fiancés se promenaient sur le sentier qui le
longeait. Elles les croisaient et s'embrassaient quand elles étaient seules. Une fine brume froide et blanche les
enveloppait. Partout, le calme et l'absence, un paysage lunaire, une vie désertique, des branches mortes, des
lumières glacées dans la nuit qui commençait à venir. Juliette tournait son visage vers le sien. D'elle, elle voulait
savoir quelque chose et n'apprenait rien. Charlotte demeurait silencieuse. Quelle peur des êtres ou quel ennui
l'enfermait à l'intérieur de cette armure. Qu'avait-elle fait ? Elle serra les lèvres, demeura une seconde immobile.
Elle ne voyait rien, mais elle souriait. Quand elle avait le courage, ou plutôt le cœur, d'accepter cette insensibilité,
elle lui parlait tendrement, comme on parle à un fantôme. Elle avait toujours envie de lui demander: "Pourquoi
acceptes-tu de souffrir ? Pourquoi aimes-tu être fouettée ?" Elle disait seulement: "Cela n'a pas d'importance, je
t'aime." Charlotte avouait son amour dans la soumission et la douleur. Juliette la croyait. La brume l'aidait alors
à supporter cette idée. Dans la brume, parfois tout parait étonnament vrai. Il y avait des reflets brouillés sur le lac.
La nuit avait été la nuit la plus érotique qu'elle ait connue, mais elle n'avait pas réussie à dissiper ses soupçons.
Le plus frappant était l'air de bonheur qui illuminait leur visage. Elles regardaient tout autour d'elles, très loin et
intensément, comme si elles eussent douté d'être bien rentrées dans leur terroir. Il n'y avait plus de trace en elles
des tumultes que produisent les désirs inassouvis ou les ambitions perdues. On sentait que la plénitude de leurs
vie, y compris la chute qu'elles avaient subie, libérait l'instant présent de toute inquiétude et de toute frustration.
Les yeux extasiés de Charlotte, sa voix douce, chavirée, son air de marcher sur les nuages, en apesanteur, son
succès, tout montrait la vérité. Comme les traces nettes que laissait le fouet sur son corps de bronze. Elle n'avait
pas le droit de se plaindre, elle avait parfois l'autorisation de jouir. Sur un lit blanc, elle avait rencontré sa maîtresse.
Juliette avait pris ce visage entre les mains, elle l'avait regardé de toutes ses forces. Elle s'était allongée sur elle.
Quel plaisir nouveau ce fut quand Charlotte la remercia de l'avoir fouettée. Sa bouche refermée sur son sexe, les
pointes de ses seins constamment froissées, les cuisses écartelées sur le chemin de son ventre, labouré à plaisir
quand à sa fantaisie, Juliette imitait l'homme, ceinte d'un olisbos, chaque jour, de plus en plus épais, la déchirait.
Le spectacle constant de son corps toujours offert, mais aussi la conscience de son propre corps. Charlotte en était
éclairée comme par le dedans, et l'on contemplait en sa démarche le calme, et sur son visage l'impalpable sourire
intérieur que l'on devine dans les yeux des soumises. Tu as commencé à te taire. Tu as voulu m'aimer. Sans doute
la vie n'est-elle pas faite pour les adolescentes. Elles lui demandent la lune, elle ne peut offrir que la juste densité
de la terre. La vie, elle la supporte. Les outrages et les châtiments corporels, aussi. Elle les aime tant, que parfois,
elle ne se reconnaît plus, elle s'invente pour se rendre semblable à l'autre, mais l'illusion est brève. Charlotte rêvait.
Charlotte s'était montrée sexy en diable. Elle était star jusqu'au bout des ongles et pourtant Juliette s'inquiétait.
Des êtres juvéniles étaient partis et c'étaient des adolescentes qui revenaient. Quelque chose d'apaisé, de doux,
d'accompli émanait d'elles. Pendant ces trois semaines, elles purent prendre conscience de cette transformation.
Mais lorsque elle s'apercevra que sa vie rêvée est en rupture de réalité, pour la plupart des dons qu'elle réclame
d'elle, elle sombrera dans la mélancolie. Il n'est ni plaisant de changer de peau, d'autant moins que la mue des
femmes s'accomplit à contresens, du papillon à la chenille, et que la perspective de perdre ses ailes et d'apprendre
à ramper sous le fouet n'est pas exaltante. Alors on refuse, on se cogne contre les barreaux de sa cellule. Tu te
heurtes depuis trop longtemps aux contours aigus de la réalité, il fallait qu'enfin, tu te résignes car rien n'est plus
triste que le regard d'une recluse. Ah, comment l'aurait-elle oublié ? Elle était la main qui lui bandait les yeux, le
cuir qui lui tannait la peau, la chaîne au-dessus de son lit, et parfois des inconnues qui lui mordaient les seins, et
toutes les voix qui lui donnaient des ordres étaient sa voix. Se lassa t-elle ? Non, à force d'être offensée, elle aurait
dû s'accoutumer aux outrages, à force d'être caressée, aux caresses, sinon au martinet à force d'être flagellée.
En même temps, il y avait en elle la passion pour Juliette, sa sauvage origine, la force et la gravité qu'elle mettait.
Une ignoble satiété de la douleur et de la volupté dût la rejeter peu à peu dans un monde irréel. Mais au contraire,
le harnais qui la tenait droite, les liens qui la gardaient soumise, le bijou anal qu'elle portait, le silence, son refuge
y étaient peut-être pour quelque chose, comme le spectacle fréquent des très jeunes femmes livrées comme elle.
Si elle ne l'avait pas envoûté avec son numéro de charme, Charlotte se serait montrée alors plus circonspecte.
S'y ajoutaient bien d'autres griefs liés à ses souvenirs d'enfance. Avec le temps, elle avait fini par la comprendre
et lui pardonner. Elle avait été roulée par un destin terrible, comme un nageur dans une vague, et elle avait fait
de son mieux pour ne pas couler, accomplir ce à quoi sa nature l'avait préparée, en épargnant ainsi ses proches.
Je t'approuve d'avoir voulu rester de l'autre côté de cette muraille mais c'était une mauvaise idée de tenter de
m'entraîner avec toi. cela s'appelle de la désobéissance. La soumission heureuse est une invention d'intellectuels.
Aucune soumise adolescente n'a exprimé autre chose que l'incertitude, la difficulté d'être, le trouble et le désespoir
et c'est seulement à partir d'un certain niveau d'abnégation, qu'elles se font les poétesses du fouet, comme du
charme du blé en herbe. La même réflexion vaut pour les amours passées. C'est vrai qu'elle était si belle et sans
doute bouleversante avec son corps inachevé et la simplicité peureuse qui donne tant de velouté aux âmes à fleur
de peau des adolescentes. C'est vrai que le premier soupir arraché l'une à l'autre est inoubliable. Tu l'as oubliée.
Mais dès cet instant où elle s'était mise alors à la séduire, elle avait su ce qu'elle voulait: la dominer totalement.
Le lac, au loin, était comme un bouclier d'argent sur lequel le soleil couchant plaquait le dessin des nuages et
d'aveuglantes flaques de lumières. Elle comprenait mieux qu'en en un tel endroit la joie la plus éclatante pouvait
succéder à la mortelle nostalgie que provoquait la tempête. Derrière ses faiblesses perçait un respect un peu
naïf et au-delà, une sensibilité extrême qu'elle cherchait à faire partager, sans avoir les moyens pour y parvenir.
Alors, tu veux ça, tu veux vraiment ce que je t'ai promis ? Ton visage se retourne vers mon sourire. Te taire, tu dois
te taire. Nous en avons convenu ainsi. Tu devras t'efforcer de ne pas crier quand je te fouetterai jusqu'au sang. C'est
la règle du jeu. Si tu désobéis, ce sera l'arrêt irréversible du jeu. Tes longs cils recourbés de siamoise, la fente de tes
pupilles. Tes yeux rieurs. Juliette sait ce qu'elle veut. La fouetter, oui mais plus pour son plaisir. Elle va y prendre goût.
Comme la semence des hommes. Elle s'en délecte maintenant. Déjà par dessus la nuque glisse le harnais en cuir.
Ton corps supplie. Toujours de dos, nue à mes genoux. Bientôt, mes doigts simultanément, à gauche, et à droite, ont
glissé, les lanières de cuir sur tes épaules et dans la fente de ton sexe. Les épaules de papillon, tes omoplates, ont
frissonné. Les reins soudain cambrés par un flux de désir. Mon souffle effleurant le profil de tes seins érigés avec
cette envie de toi qui tangue, cette envie de tout arrêter, cette envie de suspendre les gestes. Je t'attrape par le cou.
Je te renverse sur le grand lit. Je te mords. Tu te rebelles. Tu me supplies. Charlotte n'a pas de honte à exposer son
corps asséché de plaisirs. Tout était évident. Tu es allongée. Au-dessus de toi, la caresse est légère presque rêvée,
précisant l'ondoiement sur l'entrejambe à peine ouvert. Ton désir est envahissant. Tu écoutes les lèvres de ton sexe.
Tu cèdes enfin, je ranime les flammes. Tes mains renversées, abandonnées, la paume en l'air, haletante de bonheur.
En cet instant précis, tous ses sens s'étaient alors mis en alerte. Elle sentait encore son parfum dans la chambre.
Elle se rappelait que, dans le long calvaire que fut sa vie, elle n'avait jamais exprimé ni plaintes, ni désespoir. Au plus
noir des jours, elle cueillait des fleurs pour en faire un bouquet et elle respirait son parfum, les yeux fermés. Il n'y
avait plus ni cabales à affronter, ni critiques à redouter. L'écho de ce bonheur passé se répandait bientôt en elle.
Le feu envahit tes reins. Tu es foudroyée. Tu me fuses au visage les vagues de ton plaisir. L'orgasme est à nouveau
proche d'enfler ton ventre. Il te pénètre. Mes doigts profondément en toi pour t'avoir encore de plus près, pour te fouiller
encore plus loin, pour t'empêcher de te dérober à l'extase qui nous unit. Nos cris meurent en un baiser sauvage et
cannibale, brutal comme la secousse qui nous bascule. Un baiser fou qui exacerba chaque gouttelette de jouissance.
Bienheureuse soirée pareille à nulle autre, jamais Charlotte ne l'accueillit avec autant de joie. Elle avait joui sans le fouet.
Le temps cessa d'être immobile. Juliette lui défit les bracelets et le collier qui la tenaient captive. La nuit tomba sur elles.
Charlotte craignit de subir une nouvelle colère. Mais Juliette se détourna, reprit sa marche, les yeux fixés loin devant elle.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
Thèmes: littérature
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Oh qu'il est difficile le décryptage des mystères de Charlotte. Se révellera-t-elle un jour ?
J'aime 03/02/22
Méridienne d'un soir
"Un jour, ma princesse viendra, Un jour on s'aimera, dans son château heureux, s'en allant goûter le bonheur qui nous attend ... " Blanche-Neige ¤ Un Jour, Mon Prince viendra ¤ https://www.youtube.com › watch
J'aime 05/02/22
Je n'en doute pas. Bonne soirée.
J'aime 05/02/22
Charlie
Magnifique texte une partie 3 peut être
J'aime 06/02/22