Méridienne d'un soir
par le 18/10/23
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"Il est des cas où l'esprit consiste à n'en avoir pas. Rares sont les personnes qui le savent". "Si quelqu’un écrit ma vie, qu’il l’intitule la dernière Bonaparte car je le suis. Mes cousins de la branche impériale ne sont que Napoléon. Freud me dit quand je lui montrai cette page: "Ce crayon de bouche me semble suspect. Vous avez dû voir, enfant, une fellation. Mais ici s'ouvre une parenthèse, ainsi que je l'ai dit dans l'introduction aux cahiers". Étonnant destin, celui de la princesse de Grèce et de Danemark, née Bonaparte, dont elle se disait "la dernière." La nombreuse descendance de Lucien et ses liens avec Sigmund Freud, furent ses deux fiertés, ainsi qu’elle le proclamait en 1939: "Descendant moi-même d’une lignée qui donna au monde l’un de ses plus grands conquérants, mais fille d’un petit-neveu de l’Empereur, qui se voua aux œuvres de pensée, j’ai, depuis l’enfance, appris à estimer au plus haut les conquêtes spirituelles et c’est sans doute ce qui me porta, sur le déclin de ma vie, vers Freud, dont je m’enorgueillis d’être la disciple." Nul ne pouvait prévoir que cette arrière-petite-nièce de l'empereur, allait être la représentante française d'une science qui a bouleversé les mentalités du XXème siècle. Une psychanalyste envoyant chercher ses patients à domicile, avec chauffeur et limousine, puis les recevant allongée sur une chaise-longue dans le jardin de son hôtel particulier, en faisant du crochet. Telle est la figure singulière de Marie Bonaparte, qui fut très décriée en son temps, et jusqu'à nos jours. Pourtant, elle a beaucoup fait pour la diffusion de l'œuvre de Freud. Lorsque, en octobre 1925, Sigmund Freud reçoit une descendante de Napoléon mariée au fils du roi de Grèce, il se méfie beaucoup. Cette riche héritière risque de considérer la psychanalyse comme une mondanité. Fut-il séduit par la belle femme issue de la lignée d'un héros ? Toujours est-il qu'il accueillit Marie Bonaparte, dont la longue analyse intermittente lui a inspiré sans doute un de ses derniers textes: "Analyse terminée et analyse interminable "(1937). Freud ne devait pas regretter ce choix, tant sa patiente multiplia les égards pour son illustre analyste, malade et désargenté. Elle lui trouve un médecin, Max Schur, pour soigner son cancer, un chien chow-chow pour égayer sa solitude, des dollars pour renflouer sa maison d'édition et, plus tard, pour payer sa "rançon", exigée par le gouvernement issu de PAnschluss, quand il faut fuir l'Autriche nazie (1938). Malgré ses démarches auprès de Romain Rolland et de Thomas Mann, elle ne parvient toutefois pas à obtenir le prix Nobel de littérature pour son protégé. Tous ces cadeaux n'étaient sans doute pas désintéressés. À quarante-trois ans, Marie Bonaparte demandait beaucoup à Freud. la guérir d'une frigidité à laquelle les chirurgiens ne pouvaient rien, d'un mal de vivre lié à la disparition de sa mère, morte en couches, et d'un "complexe de virilité" non sans rapport avec un père homosexuel. Sur tous ces plans, l'analyse sera apparemment un échec. Plus tard, exerçant à son tour la psychanalyse, Marie Bonaparte doutera d'ailleurs de son utilité et notera sobrement dans ses carnets: "Freud s'est trompé. Il a surestimé sa puissance, la puissance de la thérapie."

 

"Il ne s'agit plus de vivre ma vie, mais de la comprendre". La découverte de leur contenu fut effectuée par Freud avant même que je ne les lui lise, d'après un rêve de couleurs très intenses que j'avais fait, et où, sur les rives herbues et en pente du lac du Bois de Boulogne, j'observais, d'un petit lit bas où je me trouvais, un ménage que je connais couché dans un grand lit d'adultes, après, le début de mon analyse". Cependant, le jugement de la princesse mérite toutefois avec du recul d'être nuancé. Car en même temps, l'analyse lui permettra de s'apaiser et de mener une vie professionnelle très active en réglant ses comptes avec sa famille. Sur les Bonaparte, elle n'avait déjà plus d'illusions: "Mon arrière-grand-oncle Napoléon, quel assassin monumental !" Mais elle se montrait plus indulgente avec son arrière-grand-père Lucien, frère de l'Empereur, et même fascinée par son grand-père Pierre-Napoléon, qui avait tué d'un coup de pistolet, en 1870, le journaliste Victor Noir, venu lui demander réparation d'un article injurieux. Depuis l'adolescence, son obsession était la frigidité. Marie Bonaparte, arrière-petite-fille du frère de Napoléon, Lucien Bonaparte, voulait connaître le plaisir suprême et ne supportait pas d’en être privée. La princesse ne trouvait la félicité érotique ni dans le lit de son mari Georges de Grèce, ni dans les bras de ses amants, le chirurgien Émile Troisier ou l’homme politique Aristide Briand. Marie Bonaparte ne jouissait pas mais ne renonçait pas davantage à son plaisir. Elle en vint à penser que son incapacité orgasmique devait être liée à un mauvais positionnement de son clitoris. Passionnée d’anatomie, celle qui avait voulu être médecin, se demanda si elle était la seule à souffrir de cet handicap. Elle entreprit alors de le savoir en menant une étude morphologique auprès de deux-cents femmes. De ses observations, elle publia en 1924 à l’âge de quarante-deux ans, un article documenté, intitulé "Considérations sur les causes anatomiques de la frigidité chez la femme" qui fut publié dans la revue "Bruxelles Médical." Sous le pseudonyme de A. E. Narjani, elle y expliquait que la frigidité féminine était liée à une malformation anatomique, la distance trop grande entre le clitoris et le vagin. Mais Marie Bonaparte ne se contenta pas de ces conclusions et alla plus loin. Elle décida de remédier aux erreurs de dame nature et se fit opérer. En 1927, elle passa sous le scalpel du professeur Halban, chirurgien viennois qui prétendait pouvoir déplacer le clitoris. Mais l’opération ne fut pas une réussite mais la princesse s’entêta et demanda une deuxième et même une troisième opération qui seront effectuées en 1930 et 1931. Elles ne furent pas plus efficaces.

 

"Fantasmes de désir comme des rêves, les œuvres d'art constituent pour leur créateur, comme ensuite pour ceux qui en jouissent, une sorte de soupape de sécurité à la pression trop forte des instincts refoulés". "La psychanalyse peut tout au plus donner la résignation et j’ai quarante-six ans. L’analyse m’a apporté l’apaisement de l’esprit, du cœur, la possibilité de travail, mais rien du point de vue physiologique. Dois-je renoncer à la sexualité ? Travailler sans cesse, lire, écrire, analyser ? Rien que cela ? La chasteté absolue m’effraie." "Freud me déclara avec assurance que j'avais sûrement vu dans l'enfance des scènes de coït. Je ne les aurais pas seulement entendues, comme tant d'enfants curieux, mais je les aurais vues, et il ajouta alors bientôt, en plein jour". Dépourvue de formation universitaire mais dotée d'une grande intelligence et d'une volonté tenace, elle continua ses travaux analytiques. C’est en 1923, que Gustave Le Bon, rencontré deux ans après son mariage et qui fut longtemps son maître à penser, lui conseilla "l’Introduction à la psychanalyse", qui venait d’être traduite et qu’elle lut au chevet de son père mourant, qui lui inspira de belles pages (Bonaparte, 1951), alors que sa liaison avec Aristide Briand était sur ses fins et qu’elle venait de subir quelques opérations de chirurgie esthétique. Ce fut son chemin de Damas, mais son intérêt pour la psychanalyse remontait déjà à quelques années. Peu de temps après, en 1923, elle entra en relation avec René Laforgue, qui venait d’être chargé d’une consultation de psychanalyse à Sainte-Anne. Celui-ci put, selon ce qu’il écrivit à Sigmund Freud, régler quelques conflits, mais, estimant ne pouvoir conduire, à Paris, une analyse conséquente avec elle, il l’orienta vers Otto Rank, alors à Paris, où il était venu faire des conférences à la Sorbonne. Elle les reçut tous deux à dîner, en février 1925 et demanda à René Laforgue d’écrire à Sigmund Freud, ce qu’il fit, le neuf avril, avec le diagnostic de "névrose obsessionnelle assez prononcée." Elle préférait, sans doute, s’adresser à Dieu plutôt qu’à l’un de ses saints. Cependant, déjà, préoccupée de sa frigidité, elle avait envoyé, à Sigmund Freud, son article sur la frigidité chez la femme. La rencontre eut lieu le trente septembre 1925. Ce fut, selon ce qu’elle écrivit à René Laforgue, "le plus grand événement de ma vie." À cette époque, où, en France, la psychanalyse n’avait intéressé que les surréalistes et quelques médecins, ce fut également, un événement capital pour le développement du mouvement psychanalytique français, sur lequel elle exercera longtemps, selon ses propres termes, sa "dictature."

 

"Nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons". "Je protestai, je n'avais pas eu de mère ! Mais Freud objecta que j'avais eu une nourrice. Or j'avais entendu dire par la vieille Lucie, la bonne qui avait autrefois succédé à ma nourrice, et qui vivait encore que Pascal, le piqueur corse de mon père, au sujet duquel elle avait alors perdu sa place auprès de moi, aurait été, non son propre amant. Elle le niait avec trop d'indignation pour que ce ne fût pas aussi vrai, mais celui de ma nourrice. Ma mère avait un amant". Mais sa vie ne se résume pas à sa passion pour l'analyse. En effet, éprise de justice et de compassion pour les plus démunis, elle ne cessa de se montrer généreuse et altruiste, quitte à s'attirer les foudres de sa belle-famille. Peut-on expliquer par là sa commisération pour les meurtriers présumés ? Elle intervint en effet, sans succès, en faveur de nombreux condamnés à mort du monde entier, notamment les anarchistes italo-américains Sacco et Vanzetti (1927) et le cambrioleur californien Caryl Chessmann (1960). Elle rendit aussi visite à l'épouse de Gaston Dominici, le paysan provençal condamné pour le triple meurtre de touristes anglais (1952). Mais la pitié de la princesse s'exerçait à l'égard de tous les proscrits, et surtout des juifs. Auteur d'une étude sur les causes psychologiques de l'antisémitisme (1951), elle avait, en 1939, demandé à un diplomate américain que les États-Unis créent un État juif pour tous les exilés d'Europe centrale en achetant, au Mexique, le désert de Basse-Californie. Fille de dreyfusard, elle perpétue, en ce domaine, la tradition tolérante des Bonaparte, particulièrement de Napoléon, auteur d'un statut libéral en faveur de la communauté juive (1806). Dans son milieu aristocratique et catholique, Marie Bonaparte, psychanalyste et philosémite, excommuniée à cause de son mariage avec un prince orthodoxe, le prince Georges de Grèce et de Danemark, n'était donc guère en odeur de sainteté. Sa vie privée contribuait à l'exclure de son milieu social. Elle eut plusieurs amants, dont, durant les "années folles", Aristide Briand, qui sortait à peine d'un procès en adultère. Être la maîtresse d'un président du Conseil pacifiste, rapporteur de la loi de séparation des Églises et de l'État, c'était, pour l'opinion catholique, coucher avec le diable. Ce rôle de mécène n'allait pas sans ambiguïtés. Il créait une dépendance des psychanalystes à son égard, et Jacques Lacan critiquera très vivement son "prestige social" en la traitant de "cuisinière" et de "cadavre ioneskien." Il est vrai que la princesse analyste surprenait ses collègues quand elle envoyait chercher ses patients à domicile avec chauffeur et limousine, qu'elle les recevait souvent sur une chaise-longue, dans le jardin de son hôtel particulier, tout en faisant du crochet. En fait, Marie Bonaparte jouait le rôle contradictoire d'une rentière prodigue.

 

"Aucun mortel ne peut garder un secret. Si les lèvres restent silencieuses, ce sont les doigts qui parlent. La trahison suinte par tous les pores de sa peau". "Je le rapportai alors à Freud, mais sans y attacher d'importance et sans croire moi-même que j'eusse pu rien voir, s'il y eut ébats, de ces ébats amoureux. Freud persista dans son affirmation, à laquelle j'opposai cette timide résistance". Bon sang ne saurait mentir, noblesse oblige, dit-on sauf exception. Chez la princesse, cela fut vrai. Un rôle qu'occupait déjà sa grand-mère maternelle, Marie-Félix Blanc, mariée au propriétaire de la Société des bains de mer et du casino de Monte-Carlo. L'aïeule, "vraie femme phallique", selon sa petite-fille, qui lui ressemblait tant, dépensait à profusion le produit de ce qu'on appellerait aujourd'hui de "l'argent sale." Cette fortune prélevée sur les jeux, Marie Bonaparte ne la considérera jamais comme honnêtement gagnée ni dignement héritée. Elle l'écornera beaucoup au profit d'institutions diverses. Elle subventionna notamment le laboratoire des chimpanzés de l'Institut Pasteur grâce auquel Albert Calmette et Camille Guérin pourront mettre au point, en 1927, le vaccin appelé BCG (bacille Calmette-Guérin). Mais la princesse n'eut pas une vie plus facile au sein du milieu analytique. Cofondatrice de la Société psychanalytique de Paris (1927), elle se heurta vite à son futur président, Édouard Pichon, membre de l'Action française, antisémite bien que freudien. Entre le légitimiste et la bonapartiste, les rapports furent tendus, d'autant que Marie Bonaparte entretenait une liaison avec le secrétaire-trésorier de la société, Rodolphe Lœwenstein, futur analyste de ses deux enfants. Pourtant, Marie Bonaparte se dépensait sans compter pour la cause analytique. Germanophone, elle traduisit, seule ou en collaboration, de nombreux ouvrages de Freud, dont "Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci" et "L'Avenir d'une illusion." C'est grâce à elle que furent connus, en France, les cas célèbres de l'homme aux loups ou du petit Hans. Surtout, elle mit sa fortune au service de la "cause." En 1934, elle participe au financement d'un Institut de psychanalyse situé boulevard Saint-Germain et, en 1949, cofinance avec Guy de Rothschild sa réouverture au rue Saint-Jacques. Pour les analystes désargentés, elle crée un système de bourses grâce auquel Françoise Dolto pourra poursuivre alors son analyse.

 

"Les poètes et les romanciers sont de précieux alliés. Ils sont, dans la connaissance de l'âme, nos maîtres à tous, hommes vulgaires, car ils s'abreuvent à des sources que nous n'avons pas encore rendues accessibles à la science". "Je suis alors assise très bas, sur une petite chaise ou une petite caisse, au Cours la Reine, dans la chambre de ma nourrice. Elle est debout devant la glace de la cheminée, dans laquelle le feu flambe. Je la regarde. Elle est en train de se mettre de la pommade sur ses bandeaux de cheveux noirs. La pommade, dans un petit pot blanc, est sur le marbre de la cheminée. Je trouve cela dégoûtant. Ma nourrice a un long visage jaunâtre et ressemble à un cheval. Elle aborda avec courage et détermination le second conflit mondial, dénonçant sans relâche l'odieuse hydre nazie." En effet, malgré les critiques, des mérites de Marie Bonaparte, deux au moins lui sont généralement reconnus. Le premier concerne son exil volontaire en Afrique du Sud durant la seconde guerre mondiale et le refus d'exercer toute activité analytique dans la France occupée. Bien que cette décision ait entraîné l'abandon de ses patients, elle permit d'éviter la constitution d'une psychanalyse "aryanisée", sur le modèle allemand. Le second mérite concerne l'achat à un marchand d'art de la correspondance de Freud et de Wilhlem Fliess, l'ami d'enfance avec lequel le jeune docteur Sigmund avait fait son "autoanalyse." Une fois publiées, ces lettres se révélèrent un document capital, sans lequel la genèse de la psychanalyse serait incompréhensible. Elle dut en revanche faire face à une hostilité de principe. Dans l'entre-deux-guerres, nombre de ses collègues se plaignaient qu'elle ne fût ni homme ni médecin, alors qu'ils l'étaient presque tous. Elle dut batailler sur ces deux fronts, plaider pour l'analyse "profane", pratiquée par un non-médecin puis écrire, en 1951, un ouvrage à propos de "La sexualité de la femme." Mais c'est précisément ce profil atypique qui avait séduit Freud, agacé par le conservatisme du "clergé" médical et par les incessantes rivalités "phalliques" au sein de ce club masculin qu'était alors le cercle étroit des analystes. Comme Lou-Andréa Salomé, Marie Bonaparte fut pour Freud une égérie parmi les intrigants. Elle sera présidente d’honneur de la Société psychanalytique de Paris, vice-présidente d’honneur de l’Association internationale de psychanalyse, membre d’honneur de la Société danoise de psychanalyse. Son mariage l’alliait à toutes les familles royales et princières d’Europe, mais, dans le monde de l’aristocratie internationale, on savait que sa grand-mère paternelle, Éléonore Ruflin, était fille d’un fondeur de cuivre et d’une brodeuse et que, du côté maternel, son grand-père, Edmond Blanc, à qui elle devait réellement sa fortune.

 

"L'interprétation des rêves est, en réalité, la voie royale de la connaissance de l'inconscient, la base la plus sûre de nos recherches, et c'est l'étude des rêves, plus qu'aucune autre, qui vous convaincra de la valeur de la psychanalyse et vous formera à sa pratique". "La cheminée, elle, est un symbole du cloaque féminin. Elle est noire comme l'intérieur du corps. On la ramone, comme on ramone les femmes dans le coït. Les ramoneurs me fascinaient, ainsi qu'ils font de tous les enfants. Et les feux de cheminée, symbolisant la femme qui flambe alors dans le plaisir sexuel quand il y en avait chez nous". C'est pour ces différentes raisons qu'elle donna toute sa vie sans compter. Sans doute même trop, selon sa propre belle-famille. Une enfance cheminant "entre la surabondance, l’excitation, et le morne de l’absence" marquée par trois événements: la mort de sa mère, la vision répétée de scènes sexuelles entre six mois et deux ans entre la nourrice et son demi-oncle, Pascal Sinibaldi et un chantage exercé à son encontre par le secrétaire de son père, Antoine Léandri ont réveillé l’ambivalence de son passé. Marie Bonaparte, elle-même, a écrit sur son enfance malheureuse, sur sa mère "séquestrée", la mainmise de sa grand-mère, "fille du bas-peuple, dont elle avait gardé la puissante et raffinée verdeur" sur sa mère. De plus, mariée à un homme qui sera "un vieux compagnon », mais, qui, à son épouse, préférait son oncle Valdemar de Danemark, elle avait aussi une "difficulté d’être", dont elle pouvait penser que la psychanalyse la soulagerait. Elle-même écrira qu’elle était venue chercher chez Sigmund Freud "le pénis et la normalité orgastique." Retirée à Athènes, puis au Cap, pendant l’Occupation, elle rentre à Paris en février 1945, mais ses liens avec la "Société psychanalytique de Paris" se relâchent, du fait de la baisse de ses moyens financiers, des discordes qui surgissent entre les psychanalystes parisiens et de ses déplacements à l’étranger. Néanmoins, elle reste très active, participe aux congrès de psychanalyse et se bat en faveur de l’analyse par les non-médecins, en particulier lors du procès intenté, en 1950, à Margaret Clark-Williams, psychothérapeute d’enfants, pour exercice illégal de la médecine, qui sera condamnée en appel à une peine symbolique, bientôt amnistiée, mais aussi, en 1952, pour Elise Mc Breuer, poursuivie pour le même chef d'accusation par la justice.

 

"Les illusions nous rendent le service de nous épargner des sentiments pénibles et de nous permettre d'éprouver à leur place des sentiments de satisfaction"."On peut même se demander si le pot qui, sur la cheminée, la contient, ne figurerait pas le trou de l'anus où les fèces demeurent en réserve comme dans un pot. Le large orifice de la cheminée où flambe le feu représenterait alors plus électivement le large orifice vaginal que mes yeux d'enfant auraient aperçu et que j'aurais imaginé, à l'instar de l'anal, barbouillé d'excrémentielle saleté, noire comme de la suie. D'après mes conceptions cloacales infantiles, le coït, même si je l'avais saisi comme étant vaginal, devait alors m'apparaître tout imprégné d'anal". En dehors de ses travaux analytiques et de ses activités de mécenat, la princesse se consacra tout au long de sa vie à l'écriture. L’importance de son œuvre littéraire est marquée par la présentation d’une vingtaine de ses livres et manuscrits. Marie Bonaparte devrait plutôt faire figure de précurseur dans la France d'aujourd'hui, où la majorité des psychanalystes sont des femmes non médecins. Mais on lui reproche ses faiblesses de théoricienne. En effet, dépourvue de formation universitaire, elle ne pourra pas rivaliser avec les intellectuels français de l'après-guerre. Il est significatif que le séminaire de Jacques Lacan sur "La Lettre volée d'Edgar Poe" soit devenu célèbre et qu'on ait oublié l'étude analytique en trois volumes de Marie Bonaparte, "Edgar Poe, sa vie, son œuvre, étude analytique" (1933). Ses "Mémoires" (1958), ne rencontrèrent guère d'écho: "On préfère Françoise Sagan", expliqua-t-elle. Quant à l'unique et sérieuse biographie qui lui ait été consacrée, la B.N.F l'a injustement exilée au rayon des "éliminables." Un espace est consacré à l’enfance de Marie Bonaparte et à ses résidences. Si elle mourut à Saint-Tropez, où elle avait fait construire, entre 1930 et 1932, le "Lys de la mer", c’est dans la maison de Saint-Cloud, où elle passa la plus grande partie de sa jeunesse. Son autre demeure fut l’hôtel, le "palais" de l’avenue d’Iéna, œuvre de l’architecte Ernest Janty, où la famille vint s’installer en 1899 et qui abrita la célèbre bibliothèque de Roland Bonaparte et son herbier, dont des spécimens sont exposés en compagnie d'objets ethnographiques, au musée du quai Branly. La vie et l'œuvre d'une femme qui accompagna le fondateur de la psychanalyse jusqu'à son dernier voyage, lui offrant le vase grec dans lequel furent recueillies ses cendres, devraient-elles donc être tenues pour négligeables ? Marie Bonaparte mourut le vingt-et-un septembre 1962 à l'âge de quatre-vingt ans. Suivant ses dernières volontés, ses cendres furent transportées à Tatoï et placées dans la tombe du prince Georges, où elles reposent encore.

 

Bibliographie et références:

 

- Rémy Amouroux, "Marie Bonaparte"

- Célia Bertin, "Marie Bonaparte"

- Jean-Pierre Bourgeron, "Marie Bonaparte"

- Annette Fréjaville, "La vie de Marie Bonaparte"

- Jacqueline de Mitry, "Marie Bonaparte"

- Michelle Moreau Ricaud, " La vie de Marie Bonaparte"

- Germaine de Bissy, "Marie Bonaparte"

- Bodil Folke Frederiksen, " Marie Bonaparte"

- Serge Lebovici, "À propos de l'œuvre de Marie Bonaparte"

- Alain de Mijolla, "Marie Bonaparte"

 

Bonne lecture à toutes et à tous.

 

Méridienne d'un soir.

Thèmes: littérature
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