Méridienne d'un soir
par le 26/01/24
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"N'est-il pas un artiste, celui qui s'efforce de créer l'unité dans la variété par le rythme des teintes et des tons et qui met sa science au service de ses sensations ? L'art du coloriste tient par certains côtés aux mathématiques et à la musique. Pourquoi se plaindre du manque de goût quand on ne fait rien pour éduquer l'œil". On le surnommait le yachtman anarchiste. À chaque période de sa vie, le peintre Paul Signac (1863-1935) a vécu en compagnie des bateaux. Il en possédera au total près d’une trentaine, allant de la barque de rivière de quelques mètres au yacht de mer de plus de dix mètres. Il commencera avec sa périssoire "Le Manet Zola Wagner". Sur sa yole, le "Hareng-Saur" épileptique bien dans l’esprit des canotiers d’Argenteuil, Signac emmène Seurat en promenade dès 1885. L’année suivante ce sera le "Tub" jeu de mots canotier entre le sujet de la femme à sa toilette et le bateau qui se remplit à la gite. Vient ensuite la "Walküre" cette norvégienne canot d’aviron de formes élégantes. En octobre 1889 il devient propriétaire de "Roscovite". un voilier destiné à la croisière en mer qu’il nomme "Mage", sloop de six tonneaux.Comme le souligne son ami le critique et artiste, Félix Fénéon, "c’est une véritable flottille au service de la peinture". Devenu l’ami de Jacques de Thézac, il commande en 1891 l‘"Olympia" en hommage au tableau de Manet, puis il commandera à M. Mors un monotype qu’il nommera "Faux Col" qui sera étrenné par Mallarmé à Saint Tropez. En1894, il fera construire au Petit Gennevilliers un cotre de régate à dérive "Axël" très remarqué pour son élégance, puis le dériveur "Aleph" qu’il revendra rapidement. Il se passionnera pour un petit sharpie "Ubu" et fera l’acquisition d’un dériveur américain Lark qu’il nommera "Acarus" puis en 1908 de "l‘Henriette" un canot automobile. Au moment de l’adoption de la jauge internationale, il fera alors l’acquisition d’un des premiers bateaux de course de la série nationale, "Fricka" . En 1913 sur des données précises, il fera construire un grand yawl de croisière "Sindbad", puis fera l’acquisition la même année de "Balkis". En 1927 alors qu’il séjourne en Bretagne, il fait l’acquisition d’un solide canot du genre de ceux de Belle-Île nommé "Ville-d’Honolulu". Ce sera son dernier bateau. Deux amis peintres témoigneront de la constance de cette passion de naviguer. Théo Van Rysselberghe peint en 1897 "Paul Signac à la barre de son bateau" et, trente ans plus tard, Pierre Bonnard réalise une grande huile sous le titre, "Signac sur son bateau". Créateur, avec Seurat, du divisionnisme, il combattait pour la pureté des couleurs, et illustrait le rêve d’un monde meilleur et apaisé. Paul Signac, père du pointillisme était un artiste libre penseur. 

 

"Donnez-moi un pinceau et je rendrai le monde meilleur. Les couleurs éclairent la vie et font oublier la mélancolie. Elles rendent l'homme heureux". De quoi sont faites les couleurs ? Du mélange matériel des pigments colorés, ou alors de la vibration de la lumière ? Les artistes néo-impressionnistes, Seurat (1859-1891), d’abord, et Paul Signac (1863-1935), ont poussé à l’extrême, certains ont dit jusqu’à l’absurde, l’idée selon laquelle les couleurs doivent se mélanger dans l’œil de celui qui regarde, plutôt que sur la palette ou sur la toile. Ils ont peint en juxtaposant des petites touches de couleurs pures, afin que, par leur densité, leur disposition et leur voisinage, elles constituent finalement un mélange optique. À Paris, avec quatre-vingt-une peintures et cinquante-trois œuvres sur papier, l’exposition Signac montre l’œuvre d’un peintre qui n’a pas renoncé, sa vie durant, à la méthode qu’il avait adoptée dès sa jeunesse. C’est le critique d’art Félix Fénéon qui a donné à cette méthode le nom de néo-impressionniste. Les artistes, eux, parlaient de divisionnisme. Aujourd’hui, avec les techniques d’imprimerie moderne, et surtout avec les pixels, tels qu’on peut les observer directement sur un écran d’ordinateur, le divisionnisme nous est très familier. À l’époque, il a fallu l’audace des impressionnistes, influencés par les découvertes scientifiques et stimulés par la peinture en plein air, pour rompre avec la tradition du mélange physique des couleurs. Le tableau de Monet qui a donné son nom au mouvement, "Impression, soleil levant", date de 1874. Douze ans plus tard, "Un dimanche à la Grande Jatte", de Seurat, le tableau manifeste du divisionnisme, fait alors partie de la toute dernière exposition impressionniste. Contrairement au divisionnisme, l’impressionnisme n’est pas un mouvement artistique qui repose sur une doctrine picturale, c’est un mouvement de circonstance, né du refus des genres académiques, du goût de la vie urbaine et des loisirs campagnards. Pour la plupart alors de ses participants, l’usage des couleurs pures juxtaposées était une pratique empirique, ils se servaient du mélange des couleurs sur la palette ou sur la toile. 

 

"La peinture est un art libérateur. Les musées devraient être gratuits et ouverts, jour et nuit". "Si l’on combine autrement que par le mélange optique ces éléments ennemis, les couleurs complémentaires comme le rouge et le vert, leur mixture aboutira à une teinte boueuse", écrit Signac dans un essai sur Delacroix. Conséquence de ce parti pris, un art fascinant par le chatoiement de la lumière, mais figé par une construction rigoureuse, presque abstraite, qui seule permet de maîtriser les contacts entre les formes. L’exposition dans un musée laisse cependant entrevoir, avec des dessins et de petites peintures préparatoires très enlevées, le tempérament de Signac et la manière dont il préparait ses compositions savantes. Paul Signac n’avait rien d’un doctrinaire sec. Il était, au contraire, un homme chaleureux et sociable, qui abandonnait très souvent l’atelier pour son voilier, un régatier redoutable dont l’un des premiers bateaux portait le nom d’"Olympia", en hommage à Manet et à son célèbre tableau. En 1917, il dit avec humour: "J’ai déjà eu vingt-neuf bateaux, gagné en courses plus de médailles qu’un Prix de Rome au Salon. Ma bastide s’appelle "La Hune". Et puis, quoi, j’ai quand même peint quelques marines et un peu d’eau !" Ce bon vivant, trapu et barbu, un chapeau posé à l’arrière du crâne, a été pendant des dizaines d’années le président de la Société des artistes indépendants, qui organisait l’un des plus importants salons parisiens, et, à la veille de sa mort, un partisan du Front Populaire. Il était aux côtés de Zola pendant l’affaire Dreyfus, et auprès des anarchistes, dont il illustrait les revues, au tournant du siècle. Peintre de paysages et de scènes d’intérieur, il était donc l’allié des Kropotkine et des Bakounine. L’histoire ne retient souvent que l’épisode violent des luttes anarchistes, les attentats, la guerre sociale, mais l’anarchisme est avant tout un mouvement non violent, fondé sur une foi indéracinable en la capacité des hommes de créer un monde harmonieux, débarrassé alors des pouvoirs arbitraires. "Il ne faut pas se contenter de bâtir la cité de demain", écrivait Bernard Lazare, l’un des chefs de file de cet anarchisme doux, en 1896, "il faut rendre l’homme capable d’y demeurer. Transformer les idées, développer une moralité plus large et plus humaine, tel doit être le rôle des philosophes, des poètes, des romanciers et des artistes". Signac ne concevait pas la peinture comme un instrument de dénonciation. Il n’a pas cultivé l’imagerie paupériste. Tous ses tableaux, comme "Au temps d’harmonie", illustrent l’espoir de temps meilleurs. À partir de la première décennie du XXème siècle, avec le Fauvisme et l’Expressionnisme, sa vision, à la fois raisonnable et tendre, a été submergée par un art plus radical dans sa forme et dans sa pratique, qui ne se donnait pas pour mission de proposer un modèle pour l’avenir, mais une façon d’être pour le présent. L'homme débonnaire à la longue barbe était un philosophe. 

 

"Les peintres devraient être jugés uniquement sur leurs œuvres, et non d’après leurs théories. Beaucoup de ces peintres qui évitent la touche avec le plus grand soin, sous prétexte qu’elle n’est pas dans la nature, exagèrent le contour qui ne s’y trouve pas". Paul Signac naît à Paris le onze novembre 1863 dans une famille prospère de marchands selliers installés à Asnières, aujourd'hui, Asnières-sur-Seine. En 1879, âgé de seize ans, il visite la quatrième exposition impressionniste où il remarque alors Caillebotte, Mary Cassatt, Degas, Monet et Pissarro. Il commence même à peindre, mais Gauguin le met à la porte de l'exposition avec ces mots: "On ne copie pas ici, Monsieur". En mars 1880, il perd son père. Esprit anticonformiste, Signac est adoré de sa mère qui veut faire de lui un architecte. Mais lui décide de quitter le lycée à la rentrée d'octobre 1880 pour se consacrer à une vie de peintre. Elle respecte ses choix. Il visite la cinquième exposition impressionniste, et admire Édouard Manet au Salon. La même année, il peint à Montmartre et loue un atelier. En 1882, il rencontre Berthe Roblès, une cousine éloignée de Pissarro. Il l'épousera dix ans plus tard. Il commence à peindre en 1882 à Montmartre dans l'atelier d'Émile Bin, où il rencontre le père Tanguy, puis dans l'atelier de la rue Constance et se perfectionne seul sous l'influence des impressionnistes. Il se lie d'amitié avec les écrivains symbolistes, demande des conseils à Monet qui accepte de le rencontrer et dont il restera l'ami jusqu'à la mort du maître. Le jeune Signac participe au premier Salon des Indépendants en 1884 avec deux toiles: "Le Soleil au pont d'Austerlitz" et "L'Hirondelle au Pont-Royal". Il participe aussi à la fondation de la Société des artistes indépendants. Il rencontre Georges Seurat qui expose "Une baignade" en juin 1884 à Asnières. Une constante de sa vie est le besoin d'évasion et le désir de perfection. 

 

"Ce qu’on attaque particulièrement chez les néo-impressionnistes, c’est leur technique l’on paraît regretter de les voir s’égarer dans des recherches vaines. Ils sont, par beaucoup, alors condamnés d’avance, sur leur facture, sans examen sérieux de leurs toiles". Les néo-impressionnistes influencent alors la génération suivante. Signac inspire notamment Henri Matisse et André Derain, jouant ainsi un rôle décisif dans l'évolution du fauvisme. Au Salon des Indépendants de 1905, Henri Matisse expose la peinture proto-Fauve "Luxe, Calme et Volupté". La composition aux couleurs vives a été peinte en 1904 après un été passé à travailler à Saint-Tropez sur la Côte d'Azur aux côtés des peintres néo-impressionnistes Henri-Edmond Cross et Paul Signac. La peinture est l'œuvre la plus importante de la période néo-impressionniste de Matisse dans laquelle il a utilisé la technique divisionniste préconisée par Signac, que Matisse avait adoptée en juillet 1898 après avoir lu avec beaucoup d'intérêt, l'essai de ce dernier, "D'Eugène Delacroix au Néo-Impressionnisme". En tant que président de la Société des Artistes Indépendants, de 1908 jusqu'à sa mort, Signac encourage les jeunes artistes en exposant les œuvres controversées des Fauves et des Cubistes. Signac fut le premier mécène à acheter un tableau de Matisse, ainsi c’est lui qui achète "Luxe,Calme et Volupté". Signac travaille avec Seurat et Pissarro, avec qui il va former le groupe des "impressionnistes dits scientifiques". Il se convertit très vite à la pratique de la division scientifique du ton. La technique empirique du pointillisme consiste à diviser les tons en de toutes petites taches de couleurs pures, serrées les unes contre les autres, afin que l’œil du spectateur, en les recomposant, perçoive alors comme une unité de ton. Signac et les néo-impressionnistes pensent que cette division des tons assure d'abord tous les bénéfices de la coloration. Le mélange optique des pigments uniquement purs permet de retrouver toutes les teintes du prisme, tous leurs tons. 

 

"Pour eux, on s’arrête au moyen sans vouloir constater les bénéfices du résultat. Il nous semble donc licite de venir défendre leur mode d’expression et de le montrer logique et fécond". La séparation des divers éléments, couleur locale, couleur d'éclairage, est aussi assurée, ainsi que l'équilibre de ces éléments et leur proportion, selon les lois du contraste, de la dégradation et de l'irridiation. Enfin, le peintre devra alors choisir une touche proportionnée à la dimension du tableau. En 1885, son intérêt pour "la science de la couleur" le pousse à se rendre aux Gobelins où il assiste à des expériences sur la réflexion de la lumière blanche. Il fait son premier tableau divisionniste en 1886. Par comparaison avec Seurat, Signac construit le tableau de façon plus spontanée, intuitive, et sa couleur est plus lumineuse. Il sympathise avec le symbolisme littéraire, surtout en Belgique. Il en retient plusieurs éléments, notamment l’idée d’une harmonie à mi-chemin du paradis perdu de l’âge d’or et de l’utopie sociale et l’ambition d’un art total. Sur ce dernier point, il est d’accord avec Hector Guimard, et il est à noter qu’il loge dès la création vers 1897 dans l'un des ateliers du Castel Béranger construit par ce dernier, rue La Fontaine. En 1886, il participe à la huitième exposition impressionniste, la dernière, à l'invitation de Berthe Morisot. L'année suivante, il se lie d'amitié avec Vincent Van Gogh et ensemble ils peignent sur les berges de la banlieue parisienne. Au cours des années 1890, après un voyage en Italie et un séjour à Cassis puis à Saint-Briac en Bretagne, il devient le chef de file du néo-impressionnisme. Apôtre enthousiaste du mouvement, il se livre à une véritable campagne de prosélytisme pour lui gagner de nouveaux adeptes. En 1892, il découvre Saint-Tropez, où il achètera cinq ans plus tard la villa "La Hune", et organise les expositions posthumes de Seurat à Bruxelles et à Paris. En 1894, il s’essaye à la peinture décorative, surtout pour un immense tableau, propriété de la mairie de Montreuil, "Au temps d’harmonie". 

 

"Il nous sera permis d’espérer qu’on voudra bien examiner leurs œuvres sans parti pris, car si une technique, reconnue valable, ne donne pas de talent à ceux qui l’emploient, pourquoi en retirait-elle à ceux qui trouvent en elle le meilleur moyen d’exprimer ce qu’ils sentent et ce qu’ils veulent ?" Néanmoins, s’il est vrai que Signac a alors de bonnes relations personnelles avec les nabis, notamment Bonnard, il ne partage pas du tout leurs vues esthétiques, et n’adhère pas au credo religieux de Maurice Denis. Il se veut personnalité impartiale, au-dessus des écoles, ami des uns et des autres, souple et convivial, et devient président de la Société des artistes indépendants en 1908. Le mouvement néo-impressionniste est remis en cause à la mort de Seurat en 1891, Signac tente donc de le légitimer avec son ouvrage "De Delacroix au néo-impressionnisme", publié en 1899. La publication du Journal de Delacroix entre 1883 et 1895 a également beaucoup influencé Signac puisqu’il décide de faire son propre journal en 1894, qu'il ouvre avec une réflexion sur les relations entre Delacroix et le néo-impressionnisme. Signac légitime donc les néo-impressionnistes en les plaçant comme héritiers de Delacroix dont le talent n’est pas remis en doute, décrit comme le père des coloristes. Les impressionnistes sont ainsi alors les intermédiaires entre Delacroix et les néo-impressionnistes pour le progrès de l'art qui consiste pour Signac à faire une œuvre la plus colorée et la plus lumineuse possible. "De Delacroix aux néo-impressionnistes" est un manifeste considéré dans un premier temps comme une source fiable puisque Signac avait été un des plus proches amis de Seurat, avant d’être remis en cause notamment par William Homer. Selon lui, l’ouvrage de Signac est trop simplifié, et il souligne le fait qu’entre le début du néo-impressionnisme (1886), et la date de publication, (1899), ses idées auraient évolué et ne seraient plus fidèles à Seurat. Signac aurait également voulu se donner le rôle de co-fondateur du mouvement alors qu’il aurait été relégué au second plan du vivant de Seurat. Dans son ouvrage, Signac minimise paradoxalement l'importance des théories scientifiques, mais cela est pour répondre à la critique d'être trop dogmatique. Il insiste sur le fait que la science n’est qu’un outil au service de l’artiste et qu’elle ne limite en rien sa créativité. Ces techniques sont très faciles, et peuvent s’apprendre selon lui dès l’école primaire. L'avenir lui donnera raison. 

 

"Ce qui donne tant de finesse et d'éclat à la peinture sur papier blanc, c'est sans doute cette transparence qui tient à la nature essentiellement blanche du papier. Il est probable que les premiers Vénitiens peignaient sur des fonds très blancs". La plupart des peintres importants font une sorte de pèlerinage chez Signac à Saint-Tropez, avec des personnalités aussi différentes que Matisse et Maurice Denis. Il est passionné par la mer et possède un petit yacht avec lequel il navigue le long des différentes côtes françaises. Dès 1888, il est attiré par les idées anarchistes. En1891, lors du salon des indépendants, il présente un portrait de son ami Félix Fénéon avec qui il partage son engagement anarchiste. Le portrait fait sensation. Il se lie d'amitié avec Jean Grave et collabore alors aux "Temps nouveaux", à partir de 1896, à qui il fait don de quelques-unes de ses œuvres aux tombolas organisées pour aider financièrement le journal. En 1902, il donne des dessins pour "Guerre-Militarisme", préfacé par Grave et illustré également par Maximilien Luce et Théophile Alexandre Steinlen. Il collabore à l’"Almanach du Père Peinard", d'Émile Pouget. Dans une perspective plus ou moins socialisante, il peint "Le Démolisseur" en 1897. En 1914, Paul Signac demeure fidèle à ses conceptions internationalistes et est très affecté par le ralliement de beaucoup d'anarchistes à l’union sacrée, en particulier par la signature de Jean Grave au "Manifeste des Seize". Par la suite, il engage son talent sur des paysages sans personnage, avec une palette de plus en plus libre et une grande passion des couleurs. Parmi les toiles: "Le Grand-Père", "Le Petit Déjeuner à la salle à manger", "Femmes au puits", ainsi que des paysages de Bretagne, de Normandie, des toiles méditerranéennes, "Vue de Collioure, "Voile jaune à Venise". Il est nommé peintre officiel de la Marine en 1915. À partir de 1913, il se sépare de Berthe et il séjourne à Antibes avec sa seconde épouse, Jeanne Selmersheim-Desgrange, qui est peintre également. En 1915 leur naît une fille, Ginette. Cette période est troublée pour Paul Signac, car il vit très douloureusement la première guerre mondiale. En 1929, il initie la série d’aquarelles des ports de France, avec le soutien de son mécène Gaston Lévy, cocréateurdes magasins Monoprix. Ce projet l’amène à visiter une centaine de ports à bord d'une Citroën C4 et s'achève en1931. Il peint deux aquarelles dans chaque port: une pour lui et une pour son mécène, deux cents peintures au total. 

 

"Un équilibre plus ou moins parfait des teintes chaudes et froides, des tons pâles et intenses, ajoutera au calme des lignes horizontales. Soumettant ainsi la couleur et la ligne à l’émotion qu’il a ressentie et qu’il veut traduire, le peintre fera œuvre de poète, de créateur". Le peintre meurt le quinze août 1935 à Paris, à l’âge de soixante-douze ans. Ses cendres sont inhumées au cimetière du Père-Lachaise. Grand théoricien, il laisse une œuvre profuse, exposée dans les musées en Europe, aux États-Unis et au Japon, mais plutôt rare sur le marché de l’art. En février 2019, sa toilede 1892, "Le Port au soleil couchant" (Saint-Tropez), s’est vendue ainsi pour 22,7 millions d’euros chez Christie’s, établissant le nouveau record de l'artiste. Le tableau titré "Le port de La Rochelle" (1915), estimé à 1,5 million d’euros, a été dérobé au Musée des Beaux-Arts de Nancy en 2018, avant d’être retrouvé en Ukraine près un an plus tard, en avril 2019. Pour ses aquarelles, la palette de Signac était composée des couleurs suivantes et dans cet ordre de succession: d'abord les jaunes (cadmium pâle, clair, foncé et orangé), puis les rouges (vermillon, garance rose dorée, garance rose et garance foncée), le violet de cobalt, les bleus (outremer, cobalt, cæruleum) et enfin les verts (vert Véronèse, émeraude, vert de Prusse, vert de Hooker). Il variait également ses teintes en ajoutant une pointe de blanc de Chine, qui donne "des blancs laiteux, des roses nacrés, des mauves d'une finesse exquise". Ses aquarelles représentent souvent des paysages et scènes extérieures aux bords des fleuves ou sur des bords de mer. De très nombreux musées du monde entier en sont les détenteurs et des expositions sont régulièrement organisées mettant en valeur sa grande maîtrise technique. Avec plus de cinquante musées disposant d'œuvres dans leurs fonds, Paul Signac fait partie des artistes français particulièrement représentés dans les collections publiques du monde entier. Grand artiste et homme libre, il a ouvert la voie au premier courant d’avant-garde du XXème siècle: le fauvisme. 

 

Bibliographie et références:

 

- Laurence d'Astorg, "Signac, le yachtman des couleurs"

- Béatrice Bailly-Lecouvreur, "Signac, le talentueux"

- Cristina Baron, "En escale à Saint-Tropez dans le sillage de Paul Signac"

- Françoise Cachin, "Signac, catalogue raisonné de l'œuvre peint"

- Anne Distel, "Signac, au temps d'harmonie"

- Nicolas Domenach, "Au temps d'harmonie"

- Marc Duchâtel, "Les couleurs de Paul Signac"

- Marina Ferretti-Bocquillon, "Signac, les couleurs de l'eau"

- Stéphanie Hockliffe, "Signac ou le combat néo-impressionniste"

- Richard Thomson, "Paul Signac et l'anarchisme dans les années 1890"

- Anne-Marie de Vaumas, "Paul Signac ou la folie des couleurs"

 

Bonne lecture à toutes et à tous.

Méridienne d'un soir.

Thèmes: littérature
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