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Sujet: Salope
Feuler
#55
Je salue l'érudition, toujours la bienvenue quand elle permet une mise en perspective.
Sans vouloir paraître obtus, si la notion de « réceptivité » est belle et bien présente dans l'origine du mot « enculé » et que ça fait donc partie de sa charge négative lorsqu'on l'emploie, je reste sur ma position plus basique et immédiate : enculé, comme salope et toutes les insultes qu'on pourra relever ont d'abord pour but de défouler une émotion (généralement liée à la colère) et donc de blesser l'autre dans son orgueil. « Oeil pour oeil ».
Si c'est d'un homme qu'il s'agit, c'est sur sa virilité en effet qu'on l'attaque en employant le mot enculé, mais tout comme ce peut être sur son intelligence si on choisissait d'autres types d'insultes, ou son honnêteté avec d'autres mots encore, etc. Si c'est une femme, c'est sur sa propreté qu'on l'attaque, ou la légèreté de ses mœurs, ou son intelligence aussi, etc.
Virilité pour les hommes parce qu'en effet d'après les codifications sociales, c'est là qu'on a toute chance de faire mouche, propreté pour les femmes car toujours selon ces mêmes codes genrés, idem pour l'assurance de faire mouche.
Je trouve bien ingénu de trouver cela regrettable dans le sens où, à part bien sûr si l'un ou l'une d'entre nous est réellement un(e) saint(e), je suis convaincu que dans vos accès de colère, comme tout un chacun, vous utiliserez l'insulte (et personnellement je préfère l'insulte aux coups véritables, malgré tout) pour vous exprimer, en plus de gueuler sans doute et de taper du pied !
Et dans ces moments-là, où la réflexion est par définition inhibée dans son coin, vous ne vous demanderez pas pourquoi « salope » ou « enculé » vous viendra à la bouche, ni encore moins si cela est une insulte aux femmes en général, aux homos, ou aux petits lutins du père-Noël qui n'ont rien demandé !
Après, ok, si dans la rue un mec aborde une nana direct en la traitant de salope, on n'est pas dans le cas de l'expression d'une colère (quoique psychologiquement, pas besoin d'être devin pour se douter qu'il doit avoir un gros problème avec la féminité), mais plus nettement dans l'expression d'un matchisme malheureusement pleinement assumé. Bon, mais y'en a combien des cas comme ça ? Pas assez en tout cas pour généraliser derrière et crier à la conjuration massive de tous les hommes contre toutes les femmes. Et désolé, mais si je suis particulièrement intéressé par les ravages de l'idéologie patriarcale, là pour une fois, il me semble que ça n'est pas de ce ressort : m'étonnerait bien que dans les sociétés matriarcales les insultes genrées n'existent pas.
Quant à l'équité entre les sexes, Edoné, j'abonde en élargissant même à tous les êtres humains, tant j'ai facilement Coluche qui me revient en tête («Et dieu a dit certains seront noirs, aveugles...etc »).
J'ai un peu de mal avec la notion de convergence des luttes car de fait, c'est déjà admettre qu'il y a des luttes distinctes alors qu'on peut les résumer toute en terme de confrontation à la Connerie. J'en veux pour preuve que tous les activismes, indépendamment de la justesse de leurs causes respectives, en sont très équitablement grevés, jusqu'à l'anarchisme dont je suis pourtant (sans lancer de nouveau sujet, combien de fois je me suis pris le chou avec des abrutis d'antifas par exemple).
ll ne sert de rien de vouloir entreprendre l'impossible tâche de détailler le catalogue de toutes les conneries : Einstein l'a bien dit, elle est infinie !!!
Pour moi David-Arcas, les féministes dont vous parlez, auxquelles j'ai parfois été confronté, sont des connes, des intolérantes, aveuglées de colère, le pur pendant féminin de la connerie matchiste équivalente. Je ne connaissais pas non plus les termes, mais en avais-je besoin pour les reconnaître comme telles, je ne pense pas !
D'où ma supplique éternelle : le véritable « combat » est celui de la conscience, individuelle et collective et ce n'est pas en luttant pied à pied avec la connerie en employant des méthodes tout aussi connes (frontales, de forme plutôt que de fond, agressives, égalitaristes, partisanes…) qu'on changera jamais les choses.
Malheureusement, le constat est sans appel : étant donné qu'il est plus facile de céder aux émotions, de se présenter en perpétuelle victime, de se laisser aller aux jugements hâtifs, c'est pas demain la veille que majoritairement nous franchirons ce cap, encore moins de façon unitaire, humains que nous sommes, et nos « maitres » l'ont bien compris depuis la nuit des temps !
Je compatis à toutes les douleurs, mais je refuse d'excuser la bêtise pour autant. La souffrance est notre lot commun, qu'on soit alternativement du côté de celui qui tape ou est frappé. Le début de la guérison passe par la prise de conscience que ce que je fais à autrui, je me le fais à moi-même. Cela je l'ai à présent parfaitement intégré et je le mets en pratique plutôt que de me contenter de m'en indigner ou plaindre, puisque j'en suis acteur autant que je peux le subir. A défaut de pouvoir toujours agir contre ce que je subis, je peux au moins agir sur mes actes, dans la gestion de mes émotions, là est le vrai combat, plutôt que de toujours vouloir que les autres agissent, quand bien même on a raison en théorie.
Celui qui se change lui-même change le monde. Celui qui prétend changer le monde parce qu'il se croit indépendant de lui est déjà dans l'erreur. Accuser les autres, c'est aussi l'erreur, la facilité de se débarasser sur autrui de ses responsabilités. Comprendre pour pardonner, non pour excuser.
Merci de m'avoir lu.
Dernière modification le 07/05/2017 15:23:58 par Feuler.
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