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La rubrique "Articles" regroupe vos histoires BDSM, vos confessions érotiques, vos partages d'expériences SM.
Vos publications sur cette sortie de blog collectif peuvent aborder autant les sujets de la soumission, de la domination, du sado-masochisme, de fétichisme, de manière très générale ou en se contentrant très précisément sur certaines des pratiques quu vous connaissez en tant que dominatrice/dominateur ou soumise/soumis. Partager vos récits BDSM, vécus ou fantames est un moyen de partager vos pratiques et envies et à ce titre peut être un excellent moyen de trouver sur le site des partenaires dans vos lecteurs/lectrices.
Nous vous rappelons que les histoires et confessions doivent être des écrits personnels. Il est interdit de copier/coller des articles sur d'autres sites pour se les approprier.
Document de travail – chiffres illustratifs
1. Objectif
Créer un lieu BDSM dédié qui respecte trois priorités :
Sécurité (physique, émotionnelle, juridique).
Qualité des pratiques (matériel adapté, cadre stable, ambiance maîtrisée).
Solidité financière (faible endettement, autonomie à long terme).
Ce lieu n’est pas une “soirée de plus”.
C’est un outil pour une communauté : un espace pensé pour la pratique réelle, la formation, et la culture BDSM.
2. Trois scénarios possibles
L’objectif n’est pas de vendre un rêve figé, mais de poser des options réalistes.
Scénario 1 – Modèle “léger / test”
(point de départ possible)
Immobilier :
Location de gîtes, maisons isolées, loverooms, etc.
Utilisation ponctuelle ou régulière.
Investissement de départ :
Aménagement mobile / modulable (structures démontables, matériel de base).
Budget indicatif : 20 000 à 50 000 €.
Objectif :
Tester les protocoles, la demande réelle, l’organisation interne.
Constituer un noyau de membres stables.
Ne pas s’enfermer dans une charge fixe trop lourde.
→ C’est le scénario le plus simple à lancer, avec peu de risques.
Scénario 2 – Lieu fixe classique (modèle pilier)
Immobilier :
Achat ou location longue durée d’un lieu unique.
Surface : 150 à 250 m² aménageables.
Lieu discret, parking privé, pas de voisinage direct sensible.
Financement :
1 à 3 personnes apportent le capital de départ.
Possibilité de crédit bancaire complémentaire.
Cotisations, locations et événements font tourner la structure.
Budget indicatif :
Immobilier : 300 000 à 600 000 € (fortement dépendant de la région).
Aménagement : 80 000 à 150 000 €.
Objectif :
Créer un premier pilier stable.
Prouver que le modèle fonctionne avant toute extension.
→ C’est le modèle le plus “classique” : quelques fondateurs, une banque, des membres/cotisants.
Scénario 3 – Modèle communautaire élargi (vision long terme)
Ce scénario n’est pas le point de départ.
C’est une projection possible si la communauté devient solide.
Principe :
Un groupe de passionnés finance ensemble un domaine dédié.
Exemple chiffré (purement illustratif) :
60 apporteurs × 20 000 € = 1 200 000 € de capital.
Affectation possible :
Immobilier / domaine : ~ 900 000 €
Aménagement complet (loveroom + donjon + annexes) : ~ 200 000 €
Fonds de roulement / sécurité / imprévus : ~ 100 000 €
Dette :
Endettement maximal envisagé : 10 % du total du bilan, pour garder l’indépendance.
Dans l’exemple ci-dessus : 120 000 € max, et seulement si nécessaire.
→ L’idée centrale : un lieu financé par des passionnés, pour des passionnés, sans dépendance forte aux banques.
3. Le lieu : structure générale (valable pour les 3 scénarios, à des échelles différentes)
3.1. Espaces clés
Loveroom haut de gamme
Suite 40–60 m²
Bain balnéo / douche XXL
Lits renforcés
Ambiance lumineuse modulable
Isolation phonique renforcée
Donjon BDSM
Croix Saint-André pro
Cages, structures de bondage, points de suspension
Table médicale / espace médicalisé
Éclairage réglable
Revêtements adaptés (sécurité / nettoyage)
Espaces annexes
Vestiaires, douches
Salle “soft” (sensoriel / émotionnel)
Lounge / zone de récupération
Local de sécurité (trousse médicale, matériel de contrôle, documentation)
Les montants changent selon le scénario, mais la logique reste :
fonctionnel, sécurisé, durable, pas juste “joli”.
4. Modèle économique (ordre de grandeur)
Prenons une hypothèse de croisière pour un lieu fixe (Scénario 2 ou 3).
4.1. Recettes possibles
Location du donjon
~ 90 €/heure
~ 250 €/soirée
~ 450 €/nuit complète
Location de la loveroom
~ 250 €/nuit en semaine
~ 300 €/nuit le week-end
Formations / ateliers BDSM
~ 60 à 150 € / personne selon la thématique et la durée
Hypothèse de rythme (à ajuster selon région et demande réelle) :
Donjon : 10 réservations / semaine → ≈ 6 000 € / mois
Loveroom : 12 nuits / mois → ≈ 3 000 € / mois
Formations : 8 sessions / mois → ≈ 3 000 € / mois
Total estimé : ≈ 12 000 € / mois → ≈ 144 000 € / an.
4.2. Dépenses annuelles (ordre de grandeur)
Énergie (électricité / chauffage) : ~ 12 000 €
Assurance : ~ 4 000 €
Entretien / ménage : ~ 18 000 €
Remplacement / maintenance du matériel : ~ 10 000 €
Communication interne / outils : ~ 2 000 €
Impôts fonciers / taxes : ~ 7 000 €
Trésorerie / imprévus : ~ 12 000 €
Total approximatif : ~ 65 000 € / an.
4.3. Résultat indicatif
Recettes : ~ 144 000 € / an
Dépenses : ~ 65 000 € / an
→ Résultat prévisionnel : ~ 79 000 € / an
Ce résultat peut servir à :
consolider une trésorerie solide,
financer de nouveaux aménagements ou un deuxième lieu,
rémunérer des personnes impliquées en cas de travail réel,
éventuellement réduire le capital si la situation le permet (et non servir de dividendes classiques).
5. Gouvernance et philosophie financière
Principes de base du Cercle Ébène :
Pas de dividendes au sens classique.
Les apports financiers sont :
un moyen de rendre le lieu possible,
éventuellement récupérables à terme, si la situation le permet,
jamais une promesse de rendement spéculatif.
Les personnes (associés, direction, membres, intervenants) peuvent être rémunérées uniquement pour du travail réel, justifiable.
Gouvernance envisagée :
Direction resserrée (1 à 2 responsables par établissement).
Conseil de sûreté interne pour :
valider les pratiques,
gérer les accès,
superviser les séances sensibles.
Comité pédagogique pour :
concevoir les formations,
encadrer la transmission,
maintenir un niveau d’exigence.
6. Risques identifiés
Sécurité juridique :
nécessité de règles internes strictes,
travail avec des professionnels (juristes, assurance, etc.).
Gestion des comportements :
besoin d’un comité de sûreté solide et respecté.
Confidentialité :
accès contrôlé, aucune improvisation.
Charges fixes (Scénario 2 et 3) :
vigilance sur la fréquentation réelle, surtout au début.
Entretien matériel :
prévoir un renouvellement régulier, surtout pour le matériel soumis à des contraintes physiques fortes.
7. Conclusion
Ce business plan n’est pas une promesse commerciale.
C’est un outil de réflexion pour répondre à une question simple :
“À quoi ressemble un lieu BDSM dédié, sérieux, sécurisé, viable, et comment le rendre possible sans se vendre ni se mettre à genoux devant les banques ?”
Les trois scénarios permettent :
de commencer (Scénario 1),
de bâtir un pilier solide (Scénario 2),
d’envisager, à long terme, un modèle communautaire exigeant (Scénario 3) pour ceux qui voudront aller jusque-là.
Le point central ne change pas :
le Cercle Ébène veut un lieu qui honore les pratiques et les personnes, pas un décor pour soirées jetables.
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Parmi les personnes qui m'entouraient, ceux ayant cette sorte d'idéal romanesque, aurait figuré, deux ans plus tôt, Charlotte elle-même, Charlotte qui s'était donnée du mal pour être reçue au rang de ses prétentantes qui eût achevé en consolidant sa situation de favorite, pour ne pas dépérir et s'effacer complètement, conquis son cœur, avec des liens qui se trouvèrent sanctifiés, de sorte qu'elle faisait d'elle une part plus grande. Tout à coup, je la regardais avec une sorte d'épouvante: ce qui s'était accompli dans cet être dont j'avais tant envie m'apparaissait effroyable. Ce corps fragile, ses craintes, ses imaginations, c'était tout le bonheur du monde à notre usage personnel. Son passé et le mien me faisaient peur. Mais ce qu'il y a de plus cruel dans les sentiments violents, c'est qu'on y aime ce qu'on aime pas. On y adore jusqu'aux défauts, jusqu'aux abominations, on s'y attache à ce qui fait de plus mal. Tout ce que je détestais en elle était sans prix pour moi. Et mon seul bonheur, c'était le plaisir même; le mien, le sien, tous ces plaisirs du monde, camouflés la plupart du temps sous de fugaces désirs, des amours passagères, des illusions d'un moment. Nous avions du mal à parler. Il y avait un silence entre nous, fait de nos fautes et de nos remords. L'éclatement et l'évidence des amours partagées, la simplicité qui jette les corps l'un vers les autres. Ce monde ambigu où les choses s'interprètent et où nous leur prêtons un sens qui est rarement le sens, c'était l'insoutenable légèreté du bonheur où le temps et l'espace n'étaient plus neutres dans la soumission. Ils se chargeaient de nos espoirs et de nos attentes, et le monde entier se couvrait ainsi d'un réseau de signes qui lui donnait un sens parfois absurde. Si tout était là, la vérité serait à la portée de tous, à la merci d'un miracle, mais on ne peut n'allumer que la moitié d'un soleil quand le feu est aux poudres. Qui n'a vu le monde changer, noircir ou fleurir parce qu'une main ne touche plus la vôtre ou que des lèvres vous caressent ? Mais on est où nous le sommes, on le fait de bonne foi. C'est tellement peu de choses que ce n'est rien. Mais on n'avoue jamais ces choses-là. Juliette passa ses bras autour du cou de Charlotte. Elle l'enlaça à contrecœur tandis qu'elle posait la tête contre sa poitrine. Elle l'embrassa dans le cou et se serra contre elle. Glissant la main dans ses cheveux, elle posa ses lèvres timidement sur sa joue puis sur sa bouche, l'effleurant délicatement avant de l'embrasser de plus en plus passionnément. Involontairement, elle répondit à ses avances. Elle descendit lentement ses mains dans son dos, et la plaqua contre elle. Debout sur la terrasse, assourdies par le bruit des vagues, elles se laissèrent gagner par un désir grandissant. Charlotte s'écarta de Juliette, la prenant par la main, l'entraîna vers la chambre, et elle s'écarta d'elle. Quand elle se laissait aller à ses heures de rêverie, Charlotte se figurait invariablement le moment où elle amènerait Juliette dans son lit. Cela n'était pas été séant, mais cela avait le mérite de la franchise.
Bien qu'elle s'en défendît, la jeune femme était de ces êtres qui ayant longtemps vécu dans les illusions de l'amour, ont vu le bonheur qu'ils ont donné à nombre de ses congénères, non sans créer de leur part une forme de reconnaissance et une extrême tendresse. Les murs où la jeune femme restait à attendre son amante dégageaient une fraîche odeur d'espoir qui renfermaient l'espoir de faire naître un amour consistant, paisible, délicieux, riche d'une vérité durable, inexpliquée et certaine. La lumière de l'aube inondait la pièce, jetant des ombres sur les murs. N'hésitant qu'une fraction de seconde avant de se retourner vers elle, elle commença à se déshabiller. Charlotte fit un geste pour fermer la porte de la chambre, mais elle secoua la tête. Elle voulait la voir, cette fois-ci, et elle voulait qu'elle la voit. Charlotte voulait que Juliette sache qu'elle était avec elle et non avec une autre. Lentement, très lentement, elle ôta ses vêtements. Son chemisier, son jean. Bientôt, elle fut nue. Elle ne la quittait pas des yeux, les lèvres légèrement entrouvertes. Le soleil et le sel de la mer avaient hâler son corps. Il venait d'ailleurs, de l'océan. Il émergeait des eaux profondes, tout luisant de ce sucre étrange cher à Hemingway. C'était la fleur du sel. Puis Juliette s'approcha de Charlotte et posa ses mains sur ses seins, ses épaules, ses bras, la caressant doucement comme si elle voulait graver à jamais dans sa mémoire le souvenir de sa peau. Elles firent alors l'amour fiévreusement, accrochées désespérément l'une à l'autre, avec une passion comme elles n'en avaient jamais connue, toutes les deux douloureusement attentive au plaisir de l'autre. Comme si elles eu avaient peur de ce que l'avenir leur réservait, elles se vouèrent à l'adoration de leurs corps avec une intensité qui marquerait à jamais leur mémoire. Elles jouirent ensemble, Charlotte renversa la tête en arrière et cria sans la moindre retenue. Puis assise sur le lit, la tête de Charlotte sur ses genoux, Juliette lui caressa les cheveux, doucement, régulièrement, en écoutant sa respiration se faire de plus en plus profonde. Soudain, les lèvres de Juliette exigèrent un maintenant plein d'abandon. La communion ne put être plus totale. Elle lui prit la tête entre ses deux mains et lui entrouvrit la bouche pour l'embrasser. Si fort elle suffoqua qu'elle aurait glissé si elle ne l'eût retenue. Elle ne comprit pas pourquoi un tel trouble, une telle angoisse lui serraient la gorge, car enfin, que pouvait-elle avoir à redouter de Juliette qu'elle n'eût déjà éprouvé ? Elle la pria de se mettre à genoux, la regarda sans un mot lui obéir. Elle avait l'habitude de son silence, comme elle avait l'habitude d'attendre les décisions de son plaisir. Désormais la réalité de la nuit et la réalité du jour seraient la même réalité. Voilà d'où naissait ainsi l'étrange sécurité, mêlée d'épouvante, à quoi elle sentait qu'elle s'abandonnait, et qu'elle avait pressenti sans la comprendre. Elle aurait voulu essayer de pénétrer dans le charme de cette impression qui lui proposait non de jouir du plaisir qu'elle ne se donnait pas, mais du bonheur de cette réalité. C'était une perspective enviable mais quiconque la découvrirait aussi parfaitement la mystifierait de même.
Si la jeune femme avait du goût pour ses congénaires, surtout les plus jeunes et plus chastes aux générosités du corps, elle cherchait dans ses élans amoureux moins l'espérance de les corrompre que le plaisir qu'on éprouve à se montrer vainement prodigue envers ce qu'on aime. Peut-être avait-elle obscurément senti que sa conduite avait un autre objet que celui qu'elle avait avoué, mais n'avait-elle pas su remarquer qu'elle l'avait atteint. Désormais, il n'y aurait plus de rémission. Puis elle prit conscience soudain que ce qu'en fait elle attendait, dans ce silence, dans cette lumière de l'aube, et ne s'avouait pas, c'est que Juliette lui fit signe et lui ordonnât de la caresser. Elle était au-dessus d'elle, un pied et de part et d'autre de sa taille, et Charlotte voyait, dans le pont que formaient ses jambes brunes, les lanières du martinet qu'elle tenait à la main. Aux premiers coups qui la brûlèrent au ventre, elle gémit. Juliette passa de la droite à la gauche, s'arrêta et reprit aussitôt. Elle se débattit de toutes ses forces. Elle ne voulait pas supplier, elle ne voulait pas demander grâce. Mais Juliette entendait l'amener à merci. Charlotte aima le supplice pourvu qu'il fut long et surtout cruel. La façon dont elle fut fouettée, comme la posture où elle avait été liée n'avaient pas non plus d'autre but. Les gémissements de la jeune femme jaillirent maintenant assez forts et sous le coup de spasmes. Ce fut une plainte continue qui ne trahissait pas une grande douleur, qui espérait même un paroxysme où le cri devenait sauvage et délirant. Ces spasmes secouèrent tout le corps en se reproduisant de minute en minute, faisant craquer et se tendre le ventre et les cuisses de Charlotte, chaque coup, le laissant exténué après chaque attaque. Juliette écouta ces appels étrangers auxquels tout le corps de la jeune femme répondait. Elle était vide d'idées. Elle eut seulement conscience que bientôt le soir allait tomber, qu'elle était seule avec Charlotte. L'allégresse se communiqua à sa vieille passion et elle songea à sa solitude. Il lui sembla que c'était pour racheter quelque chose. Vivre pleinement sa sexualité, si l'on sort tant soit peu des sentiers battus et sillonnés par les autres, est un luxe qui n'est pas accordé à tous. Cette misère sexuelle la confortait dans son choix. Lutter, arc-boutées, les pommettes enflammées par le désir de ne faire à deux qu'un seul plaisir. Le masochisme est un art, une philosophie de la vie. Il lui suffisait d'un psyché. Avec humilité, elle se regarda dans le miroir, et songea qu'on ne pouvait lui apporter, si l'on ne pouvait en tirer de honte, lui offrir qu'un parterre d'hortensia, parce que leurs pétales bleus lui rappelaient un soir d'été à Sauzon à Belle île en Mer.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Combien de fois à Paris, il m'arriva au printemps d'acheter un livre à la librairie de la place Saint-Sulpice et de passer ensuite la nuit devant ma bibliothèque où reposaient des ouvrages. Je les regardais sous la lumière de ma lampe, si longtemps parfois que j'étais encore là quand l'aurore les saluait. Je cherchais à les lire par imagination. La vie lui paraissait aussi légère et prometteuse à augurer que le rayon de soleil qui folâtrait au milieu des arbres et donnait une lumière si belle, si italienne, à cette promenade dans Paris. Sur la place Saint-Sulpice flottait un air doux et sucré. Il semblait contenir ainsi des provisions d'optimisme. La matinée s'épanouissait. Juliette pensait à Hemingway, à cause du printemps, du lieu. Elle l'aurait bien vu déboucher dans le soleil au coin de la rue Férou, tourner légèrement à droite pour descendre la rue Bonaparte et passer ainsi à coté d'elle près de la fontaine. Cette impression était si forte qu'elle aurait presque pu toucher sa chemise à gros carreaux. Il allait chez Lipp où l'attendait un cervelas à la vinaigrette. Absorbée dans ses songes, elle bouscula légèrement dans la foule une jeune femme blonde. Elle s'excusa. L'inconnue sourit alors de son embarras. Juliette balbutia : " - Je pensais à Hemingway ...c'est-à-dire ... il venait souvent ici, vous savez ... ". Elle la regarda avec une expression pleine d'indulgence. Ce que Juliette remarqua d'abord ce fut sa grande beauté mais plus encore l'air de bonté qui émanait d'elle, de ses yeux rieurs. Était-ce le soleil qui l'éclairait, elle lui sembla lumineuse. Juliette eut l'impression de l'avoir déjà vue. Mais peut-être était-ce dans une autre vie ou dans un roman d'Hemingway. " - Savez-vous où se trouve la librairie La Procure ?" "- Oui, répondit Juliette, vous la voyez, on la distingue sous les arbres." - Merci, dit-elle. Au revoir." La jeune femme demeura abasourdie et stupide. Pourquoi n'avait-elle pas saisi l'occasion pour engager la conversation ? Elle finit par se rendre au café de la Mairie où elle avait rendez-vous. Elle commanda un café. La personne qu'elle attendait était en retard. Elle éprouva un malaise. Elle était mécontente d'elle-même. Quelle idiote était-elle ! Pourquoi ne pas l'avoir accompagnée à la librairie ? Peut-être y était-elle encore. Elle se leva et se précipita sur la place. Elle courut jusqu'à La Procure. À cette heure, les clients ne se bousculaient pas. Elle passa du rayon des sciences humaines à celui des livres d'art, sans apercevoir d'autres personnes que des vendeurs oisifs, empressés à la renseigner. Hélas, ils ne pouvaient rien pour elle. Sur le seuil de la librairie, elle se sentit soudain dépossédée, appauvrie : une promesse de bonheur venait de s'envoler. Elle regagna le café de la Mairie. La journée était gâchée. L'église et ses clochers inégaux avait pris un air patibulaire. Elle retrouva alors son café froid et la femme avec laquelle elle avait rendez-vous. Intellectuelle, grande bourgeoise qui s'était longtemps cherchée, si l'on en jugeait par le caractère hétéroclite de ses diplômes, elle ne semblait s'être jamais trouvée. Se disait volontiers mélancolique, plus distingué que déprimée. Convaincue d'avoir raté l'éducation de son fils unique du jour où elle sut que Ralph Lauren était son écrivain préféré. Elle savait beaucoup de choses mais rien de plus. Si elle n'avait pas entendu parler de l'amour, elle ne serait jamais tombée amoureuse. Son language était d'une grande précision. Chacun de ses mots restituait la réalité matérielle d'une chose. Au début, Juliette essaya de saisir ce qu'elle disait mais, très vite, elle perdit pied. Certains mots avaient beau avoir des consonances familières, leur association entre eux lui paraissait alors hermétique. Elle se voulait pourtant convaicante. Quand elle se leva pour lui serrer la main, et lui dire au revoir, elle comprit avec soulagement que l'entretien se terminait. À cet instant, l'image de l'inconnue fut alors noyée dans un regret amer. Je fus bouleversée.
Son complaisant emballement virait à l'obstination et le risque de lui déplaire s'effaçait en un délicieux trouble. Juliette avait été injuste avec cette femme. Elle ne l'avait pas beaucoup gênée. Tandis qu'elle lui parlait, elle aurait eu le temps de retourner plusieurs fois à La Procure, de recommencer la scène de la rencontre avec la jeune femme blonde en ménageant des suites favorables. Maintenant qu'elle s'en allait, qu'allait-elle devenir ? Elle ne pouvait tout de même pas retourner à la librairie. Elle décida de déambuler dans les petites rues creusées dans l'ombre de la grande église. Peut-être s'était-elle attardée dans les parages ? Mais elle eut beau la chercher, elle avait disparue. Elle retrouvait à chaque coin de rue seulement son regret. Lasse de se faire souffrir, elle décida de rentrer chez elle. Le lendemain, son visage commença à s'effacer. La précision du souvenir s'estompait. Cela l'attrista. Deux jours plus tard, elle n'y pensait plus. La belle inconnue avait rejoint le cimetière des êtres croisés, des femmes manquées, des regards échangés sans lendemain, des promesses non tenues, des trahisons non consommées, de tous ces rendez-vous qu'on manque pour une raison inexplicable et qui laissent dans le cœur un sentiment désolé. Faute à la malchance. Le visage de l'inconnue renvoyait les désirs à l'impatience et les empêchait d'aller au-delà, ce qui donnait envie d'atteindre ce mystère indifférent qui se dérobait. Une semaine passa ainsi. La vie avait repris le dessus avec son cortège d'insignifiantes médiocrités. Juliette ne pensait plus à l'inconnue. Quelques jours plus tard, le hasard la conduisit dans une librairie au carrefour de l'Odéon. Elle remonta la rue de Seine afin d'admirer les gravures exposées chez un marchand d'estampes. Ses pas l'entraînèrent. Elle se laissa glisser le long de la rue Saint-Sulpice. Elle déboucha sur la place et se dirigea vers la station d'autobus pour atteindre la ligne 63. C'est un bus qui l'inspirait toujours. Il avait beau avoir perdu sa plate-forme arrière, où dans la jeunesse, on livrait ses cheveux au vent, il conservait un air très nostalgique. Chaque jour, il emmenait les jeunes filles du XVIème arrondissement qui allaient fleurir les bancs de la Sorbonne et de la Faculté de droit pour mourir alors d'ennui et rendre audacieux de jeunes gommeux.
Les étudiants passaient la plus grande partie de leur jeune temps à envoyer des signaux désespérés à des nymphettes qui les conservaient à distance pour éviter toute brouille et inexorablement, le bus les ramenait à la nuit tombante, grisées d'avoir entrevu les perspectives philosophiques que leur faisait miroiter François Chatelet ou Vladimir Jankélévitch, laissant un léger trouble dans leur regard, comme un écho de l'ineffable. Au moment où passant devant le café de la Mairie, elle allait atteindre la station de bus, elle se trouva face à l'inconnue, la jeune femme blonde. Elle lui sourit. Elle la regarda avec une expression d'incrédulité. On a beau croire à la providence,elle se manifeste plus rarement que la folie. Était-elle l'objet d'une hallucination ? Sa voix la ramena alors à la réalité. "- J'étais certaine de vous rencontrer ici. J'en avais le pressentiment." Sur le coup, dans le commerce des personnes que nous avons au premier abord trouvées désagréables, persiste toujours le goût équivoque et frelaté des défauts qu'elles ont réussi à dissimuler. Il y avait dans sa voix un mélange de douceur et d'assurance. Juliette sentit que dès lors les choses ne lui appartenaient plus. Il fallait s'abandonner au dieu tout puissant des circonstances. " - Je suis italienne, lui dit-elle alors, tandis qu'elles marchaient vers le jardin du Luxembourg. La reine Marie de Médicis veillerait avec bienveillance sur cette confrontation. Elle s'appelait Clara. Le lendemain soir, elle vint chez elle. Tout alla très vite. Il n'y a que les femmes légères qui hésitent à se donner. Elle ne l'était pas. Juliette l'aima aussi pour la gravité qu'elle mit dans l'amour, la laissant plus affamée d'elle encore qu'au début. Elle laissa alors filer la chaîne des jours passés, n'en conservant que le dernier chaînon disparu dans la nuit pour prolonger leur bonheur jusqu'à l'aurore à naître.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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Certaines personnes nous contactent, intéressées par le projet du Cercle Ébène, mais se retrouvent immédiatement confrontées à un blocage très simple : leur vie actuelle ne leur permet pas de participer à des rencontres réelles, même si l’envie existe.
Le cas le plus fréquent est celui que j’ai encore rencontré récemment :
Un homme, quadragénaire, passionné par le BDSM depuis longtemps, en accord total avec notre vision. Il souhaite participer, apprendre, contribuer… mais il vit en couple avec une partenaire qui ne connaît pas cette part de lui.
Il peut s’autoriser des échanges, voire des écarts ponctuels, mais pas des absences visibles, pas des « sorties » qui nécessitent une justification.
Il refuse de mentir ouvertement ou d’inventer des prétextes pour participer à un munch ou une réunion.
C’est un conflit intérieur classique :
D’un côté, le besoin réel de BDSM authentique.
De l’autre, le cadre de vie qui interdit tout engagement physique.
Ces profils sont nombreux.
Et contrairement à ce que certains croient, ce ne sont ni des “touristes” ni des “indécis”.
Ce sont des gens lucides, cohérents avec leurs limites.
Stratégies possibles pour ceux qui vivent cette situation
Aucun jugement ici. Juste les options réelles, telles qu’elles existent dans la vraie vie.
1. Participer en ligne, sans engagement extérieur
C’est la solution la plus simple.
Écrire, lire, échanger, réfléchir, proposer.
Cela ne trahit personne et ne demande aucune présence.
C’est une manière réelle de contribuer au Cercle Ébène, même sans jamais venir physiquement.
2. Construire une identité BDSM stable, mais discrète
Ce n’est pas vivre dans un mensonge :
c’est reconnaître qu’on a une part de soi qui n’a pas sa place dans la vie familiale actuelle.
Une identité cohérente, assumée, mais séparée.
Cela évite les improvisations dangereuses.
3. Explorer la communication progressive avec le ou la partenaire
Cela ne veut pas dire tout révéler d’un coup.
Parfois, introduire le sujet sous forme de curiosité ou d’intérêts personnels permet d’ouvrir une porte, même minime.
Certaines personnes découvrent que leur partenaire est moins fermée qu’elles l’imaginaient.
4. Construire une liberté négociée (quand c’est possible)
Pas forcément une ouverture complète.
Parfois une simple « soirée entre amis » cadrée, réelle, peut donner un espace respirable.
Ce n’est pas accessible à tous, mais ça existe.
5. Assumer que, pour l’instant, l’action réelle est impossible
Et ce n’est pas grave.
Le BDSM n’est pas un sprint.
On peut rester en observation et en réflexion tout en nourrissant sa passion.
Le Cercle Ébène accepte cette réalité :
tout le monde n’est pas prêt aujourd’hui.
L’important est de progresser sans se détruire.
6. S’investir intellectuellement pour préparer l’avenir
Si la pratique réelle est impossible, la construction d’idées, de méthodes, de règles, d’expériences, elle, est totalement accessible.
Participer à la réflexion du Cercle Ébène est une contribution majeure.
Conclusion
Il n’y a pas “ceux qui peuvent participer pour de vrai” et “ceux qui ne peuvent pas”.
Il y a plusieurs rythmes possibles, plusieurs vies, plusieurs contraintes.
Le Cercle Ébène n’a pas vocation à exclure les personnes en situation complexe.
Au contraire :
ce seront peut-être elles qui apporteront la vision la plus précise, la plus mature, la plus ancrée.
Et leur contribution commence ici :
en écrivant, en lisant, en partageant — à leur rythme, sans mettre leur vie en danger.
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Il y a des histoires qui arrivent sans prévenir,
qui cognent,
qui accélèrent,
qui prennent toute la place avant même qu’on ait le temps de dire stop.
La mienne avec elle…
dix jours, peut-être quinze.
Une durée minuscule,
et pourtant j’ai mis bien plus longtemps à en sortir.
Vous qui lisez…
dites-moi :
avez-vous déjà vu quelqu’un brûler plus vite que vous ?
Elle, c’était ça.
Une Sicilienne au sang chaud, au cœur trop large,
à la sincérité brute.
Le genre de femme qui ne marche pas :
elle fonce,
elle déborde,
elle veut tout avant même de savoir comment respirer.
En deux jours, elle avait déjà écrit vingt pages sur notre première rencontre, telle qu’elle l’imaginait.
Vingt pages de fièvre, de franchise, de désir.
Je devenais, ligne après ligne, à la fois un refuge, un danger,
et une obsession.
Et elle avait tout verrouillé.
Profil fermé, bloqué, scellé.
Plus personne ne pouvait lui parler.
Elle n’en voulait qu’un : moi.
Et je n’ai pas vu venir ce besoin d’exclusivité totale :
pas si tôt, pas si fort.
Il y a même eu cette petite dispute.
Rien de violent, non,
juste cette pointe de jalousie parce que je répondais encore à deux soumises,
poliment, sans enjeu.
Pour elle, c’était impensable.
Une menace.
Un risque.
Une trahison prématurée.
Elle vivait déjà dans un “nous” que je comprenais…
mais dont je n’avais pas mesuré l’urgence.
Elle voulait être ma soumise officielle.
Elle me l’a dit au téléphone,
d’une voix qui tremblait comme si l’attente elle-même lui faisait mal.
Elle voulait rapprocher notre rencontre,
me presser,
raccourcir le délai,
comme si chaque heure comptait.
Je vous regarde encore.
Soyez honnêtes :
qu’auriez-vous fait ?
Moi, j’ai essayé de la contenir.
De la calmer, l’apaiser, la ramener au sol.
Parce que je tenais à elle.
Je peux l’admettre sans détour.
Je l’ai adorée.
Je l’ai voulue.
Je me suis projeté.
Et la vérité…
c’est que j’avais déjà commencé à tout réorganiser.
Mon calendrier, mes week-ends, mes obligations.
J’avais prévu de la rejoindre beaucoup plus tôt,
de faire sauter chaque contrainte pour qu’elle n’attende pas un mois.
Je voulais lui offrir ce qu’elle réclamait avec tant d’ardeur :
l’exclusivité,
le statut,
le lien officiel.
Pas pour lui faire plaisir : parce que je le voulais, moi aussi.
Et j’avais trouvé le moment parfait.
Le lendemain du coup de fil était son anniversaire.
Je m’étais dit que ce serait mon cadeau :
le geste qu’elle n’osait même pas espérer.
Celui qui l’aurait fait trembler.
Celui que j’avais choisi en silence.
Mais son anniversaire justement…
a été le début de la fracture.
Elle m’a écrit après le déjeuner en famille.
Puis plus rien.
Un silence lourd, inhabituel.
Un vide qui s’étirait.
Et quelque chose, sans prévenir, venait de basculer.
J’ai essayé de la ramener.
Pas en force.
Pas en l’inondant de messages.
Je ne voulais ni la brusquer,
ni la harceler.
Je pensais qu’elle avait besoin d’un peu de temps,
d’une respiration,
d’un espace.
Je lui ai laissé cette place,
tout en veillant à rester présent.
Mais rien n’y a fait.
J’étais impuissant.
Je n’ai pas su trouver les mots,
ni la manière,
pour la rejoindre là où elle était tombée.
Puis tout s’est effondré.
Les excuses.
Le téléphone cassé.
Le retour fragile.
Puis la chute brutale.
Dix jours.
Pas un mot.
Pas un souffle.
Et finalement, le blocage ;
le pseudo changé ;
les photos plus provocantes,
comme si elle repeignait un masque pour effacer ce qu’elle avait laissé voir de vrai.
Elle est partie comme elle était entrée :
en brûlant.
J’ai longuement réfléchi.
Parce que malgré la brièveté,
oui…
elle m’a marqué.
Elle m’a surpris.
Elle a réveillé un coin de moi que je croyais immobile.
Vous qui êtes encore là…
je vous pose une dernière question.
Pas pour elle.
Pour vous.
Avez-vous déjà vécu un lien si rapide qu’il n’a pas eu le temps d’être solide ?
Un feu qui vous a pris par surprise,
vous a chauffé le cœur,
puis vous a laissé avec le goût d’une histoire trop courte pour être vraiment terminée ?
Moi, j’ai compris ceci,
pas en théorie,
mais dans la peau :
Le feu qu’on ne nourrit pas s’éteint.
L’intensité n’est qu’un début.
La continuité est la preuve.
Et l’exclusivité… n’est jamais un cri.
C’est un engagement qu’on construit,
lentement, dans le calme, dans la durée.
Je laisse ce texte ici.
Pour moi.
Pour déposer ce qui brûlait encore.
Et pour vous, qui lisez…
Dites-moi.
Vous êtes du genre à foncer jusqu’à tout perdre ?
Ou de ceux, de celles,
qui pensent que le vrai désir,
celui qui marque,
celui qui transforme,
se construit dans le temps,
pas dans la précipitation ?
Dom, soumise, curieux…
je vous lis.
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« Panagiótis Crapoulós. Directeur du département d’ingénierie sociale. Suprême Alliance Démocratique. »
Comme chaque matin, je m’arrête quelques secondes pour contempler le magnifique écriteau en or massif, dont les lettres cursives, en relief, ornent la porte de mon luxueux bureau. J’ai dû sucer quelques bites pour être nommé à ce poste prestigieux, à seulement 31 ans, mais cela en valait la peine. Les réseaux gays sont puissants et incontournables au sein de la suprême alliance démocratique.
Mon département occupe plusieurs étages, au niveau équatorial de la Lune jaune de Davos – celui qui offre la meilleure vue.
Toc, toc, toc.
« Entrez ! »
« Bonjour Monsieur Crapoulós. Mon chef m’a dit que vous vouliez me voir. »
Belle plante. Tailleur élégant, jupe suffisamment courte. En voilà une jeunette qui sait se mettre en valeur.
« Oui, approchez-vous, je vous en prie. »
Elle se dirige directement vers la chaise qui fait face à mon bureau. J’adore ce test, elles tombent toutes dans le piège.
« Vous ais-je permis de vous assoir ? Restez debout. Je viens de recevoir votre évaluation à mi-parcours. Ce n’est pas brillant. »
« Désolée Monsieur. Je ne comprends pas. J’ai pourtant fait de mon mieux. »
« Je crains de devoir mettre un terme à votre période d’essai. Mais la balle est dans votre camp. »
« Que voulez-vous dire, Monsieur ? »
« Vous pourriez commencer par vous montrer respectueuse. Tenez-vous bien droite, bras le long du corps, et baissez les yeux quand vous vous adressez à votre directeur. »
Cette cruche ne brille pas par ses compétences, mais elle est canon et très ambitieuse. J’aime jouer avec mes subordonnés, voir jusqu’où ils sont prêts à aller, quelles humiliations ils sont prêts à accepter. Je pressens un beau potentiel chez celle-ci.
« C’est déjà mieux. Vous voulez travailler chez nous, n’est-ce pas ? »
« Oui Monsieur, je suis prête à donner le meilleur de moi-même. »
« On ne va pas se mentir, vous ne nous serez pas d’une grande utilité… Mais vous êtes une femelle, vous avez d’autres atouts. Comme je vous disais, la balle est dans votre camp. A vous de voir. »
Je jouis intérieurement de sentir leur révolte contenue quand ces prétentieuses qui se prennent pour des femmes à la carrière prometteuse se font désigner pour ce quelles sont – des femelles.
Je pensais qu’elle était trop bête pour se sentir gênée et rougir, mais je me suis trompé. C’est excitant de la voir piquer un fard pendant qu’elle m’assure avoir bien compris. Je crois qu’elle a compris, en effet. Il ne me reste plus qu’à pousser mon avantage. J’adore ce jeu pervers.
« C’est bien. Vous pouvez compter sur moi pour vous conseiller. Je songeais justement à vous nommer responsable de l’équipe discrédit & dénigrement. Cheffe d’équipe à 19 ans et avant même la fin de votre période d’essai, c’est pas mal, non ? »
« Oh, oui, Monsieur. Merci beaucoup. Je ne vous décevrai pas, je travaillerai dur. »
« Oubliez ça et déléguez. Je vous le conseille. »
« Ils n'ont pas déjà un chef d'équipe ? »
« Si, mais je lui attribuerai une promotion, ce qui libèrera le poste. Ce sont des gens très compétents, vous verrez. »
« Qu’est-ce qu’ils font dans cette équipe ? »
« Identifier des saltimbanques grotesques, des personnages médiatiques vulgaires et ridicules, des extrémistes, des illuminés. En faire les porte-paroles des opinions qui nous gênent. Par biais cognitif, les gens associeront ces causes gênantes à la vulgarité et aux délires d’illuminés. »
« Ah, c’est ingénieux ! »
« Oui ça l’est. Pourquoi s’épuiser à discréditer une idée en la réfutant sur le fond alors qu’il est beaucoup plus efficace de l'associer à des personnes repoussantes. Par contagion, le côté répugnant du porte-parole se transmet à l’idée elle-même. On l'empoisonne en la faisant endosser par un personnage grotesque ou extrémiste. »
« Vous êtes drôlement intelligent, Monsieur. »
« C’est une vieille méthode. Je ne l’ai pas inventée. La nouveauté c’est qu’ici la suprême alliance démocratique nous fournit des moyens humains et technologiques exceptionnels pour mettre l’ingénierie sociale à l’œuvre. Mais revenons à nos affaires. Je mets cela sur le compte de votre inexpérience, mais à l’avenir je vous prie de vous présenter dans une tenue correcte quand je vous convoquerai dans mon bureau. C’est le b.a.-ba »
« Excusez-moi, Monsieur. Oui, j’ai compris, j’éviterai les jupes trop courtes ».
« Aïe aïe aïe… Ce n’est pas gagné. Je pensais que vous aviez compris, mais je vois que j’ai décidément affaire à une vraie gourde. »
« Pardon Monsieur. C’est bon, j’ai compris cette fois. »
« On ne dirait pas. »
J’adore la voir rougissante et déboussolée. Je crois que ma braguette va craquer. Elle commence, maladroitement, à déboutonner son chemisier. Après un moment d’hésitation, elle poursuit en faisant tomber la jupe. Puis s’interrompt, attendant sans doute que je lui dise que c’est bon comme ça. Mais de cela, il n’en est pas question. Je veux la voir à poil. Je ne vais quand même pas la nommer chef d’équipe à son âge et malgré son incompétence crasse en échange d’une simple exhibition en sous-vêtements. Ce n’est pas écrit « pigeon » ici !
Après un long silence, comprenant sans doute que mon silence est un ordre, elle dégrafe enfin son soutien-gorge. Ce que je découvre n'est pas mal du tout. Mais je ne suis pas là pour la complimenter.
« Tu as déjà les mamelles tombantes. C’est rare à ton âge »
J’aime passer au tutoiement quand j’ai ferré ma proie, histoire de la mettre à sa place.
« Ce n’est pas de ma faute. Désolée Monsieur »
Je suis peut-être allé un peu trop loin. Je ne dois pas trop l’humilier tout de suite si je veux profiter au maximum de toute la perversité de la hiérarchie que je suis en train d’installer. Le management pervers est un art subtil.
« Mais j’aime bien. Ca fait femelle et c’est excitant. Ne t’inquiète pas. Sautille un peu, que je vois comment tes mamelles se comportent. »
Les mouvements de ses mamelles quand elle sautille, c’est à craquer ! Je sors discrètement ma bite turgescente qui commençait à me faire très mal, coincée dans mon pantalon.
« C’est bon », lui dis-je, la voyant déjà essoufflée.
Long silence à nouveau.
« Est-ce que je dois enlever la culotte aussi ? »
« Qu’en penses-tu ? »
« Je pense que oui » me répond-t-elle après un moment d’hésitation.
« Alors, pourquoi est-ce que tu demandes ? »
« Désolée. Je suis un peu intimidée. C’est la première fois que je fais ça. »
Grosse déception en découvrant une toison brune, dense et mal entretenue. Je l’aurais imaginée plus coquette que cela et prenant soin de son intimité.
« Franchement, comment oses-tu venir au travail comme ça ? Tu n’as aucune dignité ? Aucun respect pour toi-même ? J’aime travailler avec des personnes sérieuses et responsables, pas avec des gens qui prennent le boulot en dilettante »
Pas de réponse. Yeux baissés et lourd silence. Je crois qu’elle encaisse le coup.
Je rentre ma bite, non sans mal.
« Viens, je vais te faire visiter l’étage direction »
La cruche entreprend de se rhabiller.
« Qu’est-ce que tu fais ? »
« Euh… Je dois y aller toute nue ? »
« Tout le monde est en salle de téléconférence pour assister en direct à la retransmission de l’exécution publique d’Ysideulte [1]. Les couloirs sont vides ».
« Oui, je sais. Si vous ne m’aviez pas convoquée, j’y serais allée aussi. Cela ne vous intéressait pas ? »
« Non, ça finit par me lasser ces exécutions publiques. »
« Moi j’aime bien regarder. Au début ça me choquait, mais maintenant que je sais qu’ils ont ce qu’ils méritent, ces ordures, j’aime les voir agoniser les tripes à l’air. »
En réalité, je ne suis pas certain qu’absolument tous les employés soient en salle de téléconférence, mais j’aime la petite décharge d’adrénaline procurée par le risque. Si on croise quelqu’un elle en sera quitte pour une bonne humiliation. Quant à moi, cela alimentera les bruits de couloir, mais je n’en suis plus à ça près. Et cela flatte mon égo de montrer comment je dresse les nouvelles recrues.
Une petite idée me vient à l’esprit.
« Mets les bras derrière le dos. Je vais te passer les menottes, comme ça si on croise quelqu’un tu auras l’air d’être là pour un interrogatoire. Tu sais que les présumées ennemies de la démocratie sont conduites à poil jusqu'à la salle d'interrogatoire, je suppose? Elles craquent plus vite quand elles sont humiliées. »
Personne à l’horizon, mais qu’il est jouissif de promener cette cruche complètement nue dans les couloirs cossus de l’étage moquette. Plus que tout je la sens honteuse de sa toison intime hirsute et négligée, qu'elle ne s'attendait certainement pas à devoir montrer aujourd'hui, et sa gêne manifeste m'excite.
Au milieu du couloir principal, une bifurcation mène à une plateforme qui offre une avancée saisissante sur l’extérieur et une vue impressionnante sur Davos et la région. La jeunette grelotte, nue dans le vent glacial, mais apprécie le point de vue exceptionnel, habituellement réservé aux V.I.P.
La Lune jaune, tout comme sa voisine la Lune grise, flotte dans les airs, grâce à un colossal système de sustentation magnétique. En contrebas, les impressionnants débris de la Lune rouge sont encore présents [2]. Nous avons conservé sa carcasse en l’état pour rappeler à tous les citoyens la cruauté des ennemis de la démocratie et entretenir la peur.
« Vous étiez ici quand l’attaque a eu lieu, Monsieur le Directeur ? »
« Oui, j’y étais. Cela nous a tous marqués. »
« Je me demande comment cette femme s’y est prise pour causer un tel désastre. »
« Ysideulte ? Ce n’est pas elle qui a fait ça… »
« Ah bon ? C’est qui alors ? Les Aliens ? » [3]
« Le pangolin fou. »
« Vous me faites marcher… Il n’existe pas. A la télé ils ont dit que ce sont des fake news. »
Deux mois qu’elle travaille au département d’ingénierie sociale de la suprême alliance démocratique et elle croit encore le discours médiatique. Décidément, j’ai déniché une gourde de première…
« On a toutes les raisons de penser qu’il existe, mais on n’arrive pas à le capturer. Ysideulte était une coupable tombant bien à propos et on a brodé le narratif là-dessus. Dis-moi, tu as bien compris qu’ici on établit le narratif officiel, ou bien ce n’est pas encore clair pour toi ? Tu m’inquiètes un peu, là… »
« Euh, non, je crois que j’ai compris, mais je n’avais pas fait le lien. »
« Bon, ce n’est pas grave, de toute façon je ne comptais pas sur tes compétences. Par contre j’attends de toi une présentation et un comportement irréprochables à l’avenir. Tu commenceras par prendre rendez-vous au plus vite chez l’esthéticienne pour qu’elle te débarrasse de cette horrible toison. C’est honteux de venir travailler comme ça. N’oublie pas que je peux te convoquer dans mon bureau quand bon me semble et que j’attends de toi une présentation impeccable. »
« Je ferai le nécessaire Monsieur. »
« Et oublie le soutien-gorge. C’est parce que tu en as abusé que tu as déjà les mamelles tombantes à ton âge. Laisse les libres de leur mouvement, ça leur fera du bien. »
En fait j’adore la forme de ses mamelles, mais pour l’heure il est important qu’elle se sente rabaissée.
« Je me demande pourquoi il n’a pas détruit les autres Lunes… » dis-je, dubitatif.
« Il n’en avait peut-être pas les capacités ? »
« On a perdu la maîtrise de tous les systèmes informatiques et énergétiques ce jour-là. Le pangolin fou a même pris le contrôle des canons électromagnétiques qui étaient censés nous protéger. Il pouvait faire ce qu’il voulait. C’est étrange qu’il se soit limité à détruire la Lune rouge. »
« Je ne sais pas, Monsieur. Tout cela me dépasse. »
« Je m’en doute. Ca reste une énigme. J’y repense souvent et il y a un truc qui ne colle pas. Qu’est-ce qu’il y avait de spécial dans la Lune rouge ? Toutes les archives numériques ont été détruites lors de l’attaque. »
Je me perds dans mes pensées. De toute façon ce n’est pas elle qui va m’aider. Je me demande pourquoi je lui parle de tout cela.
« Tous ces morts et cette destruction... J'étais choquée quand j'ai vu cela à la télé. »
« Il n'y a eu que quelques blessés légers malgré des dégâts matériels colossaux. Comme s'il avait voulu épargner les humains. Cela aussi, c'est étrange... »
« Allez, tourne-toi, je vais te retirer les menottes et on va descendre à l'étage inférieur pour que je te présente officiellement à l'équipe discrédit & dénigrement. Je te montrerai également ton futur bureau de cheffe d'équipe - il est très confortable, tu verras. »
Ces paroles lui glacent le sang, mais elle s'efforce de garder une contenance. Elle sait, comme moi, que l'étage inférieur est probablement vide en ce moment, mais la perspective, même hautement improbable, d'être présentée nue à ses futurs subordonnés la terrifie.
« Tu n'as pas l'air enchantée d'être promue... »
« Comment pourrais-je me faire respecter après cela, Monsieur le Directeur ? »
« Ne t'inquiète pas, ce sont des gens très disciplinés, et mes décisions sont respectées ici. De toute façon, ils découvriraient très vite que je ne t'ai pas nommée pour tes compétences, donc autant que les choses soient claires dès le début. Ce sera beaucoup plus simple pour toi, je te l'assure. »
Silence... Elle fait la moue, mais n'ose pas me contredire.
« Tu préfères peut-être retourner te rhabiller à mon bureau ? Comme je te l'ai dit la balle est dans ton camp. Ton avenir ne dépend que de toi. »
Je viens de pousser mon avantage tout près de la limite, mais, comme je le pressentais, j'ai bien ferré ma proie. Malgré un moment d'hésitation, elle choisit de me suivre. En retour je la complimente ostensiblement et lui promet un brillant avenir au sein de mon département.
Dans l'ascenseur qui descend à l'étage inférieur, en désignant son pubis hirsute, je lui fais remarquer qu'il n'est pas sérieux de se rendre sur son lieu de travail aussi négligée le jour où on va être présentée à sa future équipe. Mon sourire peut laisser penser à une taquinerie, mais il est suffisamment ambigu pour lui rappeler que le risque n'est pas complètement nul de trouver ses futurs subordonnés dans leurs bureaux et que si par malchance cela arrive elle va réellement être présentée à eux complètement nue, de manière très solennelle, par le grand directeur en personne. Surtout, le ton de ma voix indique sans ambiguïté que je me délecte de cette perspective et qu'à ce moment précis je le désire ardemment. Souffler le chaud et le froid est le b.a.-ba de l'emprise mentale.
Je sens son stress immense lorsque je frappe aux portes les unes après les autres. Ses jambes flagellantes et l'expression de son visage montrent à quel point elle appréhende ce qui pourrait arriver.
Au troisième bureau, elle sursaute et met immédiatement les mains devant sa chatte en croyant entendre « Entrez ! ». Mais c'est une fausse alerte, qui nécessite cependant un rappel à l'ordre.
« Garde les bras le long du corps et baisse les yeux pendant que je te présenterai. Bien cambrée, épaules redressées pour mettre tes mamelles en valeur ! Je ne veux pas d'une attitude avachie. Je te présente comme responsable d'équipe, bon sang ! Tu es la première qui a l'honneur d'être présentée par le directeur en personne. Sois-en fière et ne me fais pas honte. Ca a l'air de quoi de cacher ta chatte comme une ado immature ? Pense à l'image que tu donnes ! Comme je te l'ai dit, j'attends de toi un comportement irréprochable. J'espère que tu ne m'obligeras pas à te le répéter. »
Elle encaisse sans rien dire, mais me fait oui de la tête, l'air penaude.
Nous ne rencontrerons personne, mais ce jeu de pouvoir et d'humiliation m'a terriblement excité. C'est infiniment plus jouissif que le sexe banal.
De retour à mon bureau, je m'assois confortablement et je lui demande de tourner lentement sur elle-même pour que je puisse mieux l'évaluer. Elle est sacrément bête et dotée d'une ambition inversement proportionnelle à son degré de compétence, mais elle n’est pas mal du tout et je bande encore plus dur en pensant à tout le bon temps qui s'annonce. Je vais y aller progressivement pour faire durer le plaisir. Dans les prochaines semaines, je l’humilierai de plus en plus, je lui donnerai des ordres contradictoires juste pour le plaisir de la voir en pleine déroute, et quand je n’y tiendrai plus je lui mettrai la bite dans tous les orifices. Mais chaque chose en son temps – ne brûlons pas les étapes.
« Tu es lesbienne. »
« Euh… Non Monsieur », me rétorque-t-elle, surprise.
« Ce n’était pas une question. A présent tu es lesbienne et tu t’arrangeras pour le faire savoir à tout le monde dans le département. Je dois prendre en compte les indicateurs de management inclusif quand je nomme une responsable d’équipe. Sais-tu que l’année dernière mon département a reçu le premier prix du management inclusif et bienveillant ? J’ai même été nommé manager de l’année grâce à mes actions de lutte contre la discrimination et le management toxique. Je compte renouveler l’exploit cette année »
« Ah d’accord. Félicitations Monsieur. C’est bien mérité. »
Toc, toc, toc.
La porte s’ouvre…
« Putain ! Qui vous a dit d’entrer ? Qu’est-ce qui est écrit sur la porte ? Entretien en cours – ne pas déranger. Vous ne savez pas lire, Ducon ? »
L’abruti ne peut masquer sa gène en découvrant la jeunette plantée nue devant mon bureau.
« Oh ! Vraiment désolé Monsieur le Directeur »
… et la porte se referme aussitôt.
Mais l’importun hurle derrière la porte, avec une voix complètement paniquée.
« Pardon d’insister Monsieur Crapoulós, mais on a un très gros problème. Il faut absolument que vous veniez en salle de téléconférence. »
Et merde… Je me doutais bien qu’un jour ou l’autre il y aurait un problème avec ces retransmissions en direct. Je leur avais bien dit de faire du différé. Je me demande ce qui a bien pu se passer, mais pas le choix, je dois mettre un terme à cet entretien prometteur et laisser la donzelle se rhabiller, en l’assurant qu’elle semble bien partie pour une carrière exemplaire.
« J'arrive. Attendez deux minutes »
Je consulte rapidement mon agenda.
« J'ai un créneau de libre mardi prochain à 10 heures. Présente-toi ici et je t'accompagnerai à l'étage inférieur pour te présenter officiellement à l'équipe discrédit & dénigrement dans leur salle de réunion. Je viens de leur envoyer un mail pour les prévenir. Je te donnerai la parole après t'avoir présentée. Prépare un diaporama détaillant ton parcours et ton expérience professionnelle. N'hésite pas à embellir. Tu sauras faire ça, j'espère ? »
« Oui, Monsieur le Directeur, vous pouvez compter sur moi. C'est bien noté »
Je ne doute pas qu'elle saura embellir son expérience et ses compétences, quitte à mentir effrontément. Ce n'est pas l'ambition et le culot qui lui manquent. Elle a bien grugé les RH qui l'ont recrutée en période d'essai.
« J'ai convoqué l'équipe à 10h15 dans leur salle de réunion. Cela te laissera largement le temps de te dessaper, et nous aurons même un peu de temps pour discuter avant de descendre ensemble. Mais sois ponctuelle, et j'espère que cette fois il ne te faudra pas une éternité pour te mettre à poil. »
Je vois son visage se décomposer, mais elle n'ose rien dire. Voilà de quoi la faire cogiter en se demandant si je compte réellement la conduire complètement nue jusqu'à la salle de réunion ou si elle sera autorisée à se rhabiller avant de sortir de mon bureau. Je me délecte de la graine d'angoisse et d'incertitude que je viens de semer. Ce qui est sûr c'est qu'elle se présentera épilée cette fois, ou tout au moins avec la toison intime soigneusement taillée, au cas où...
« Qu’est-ce qui se passe ? », m’enquiers-je auprès de Ducon, qui m’accompagne au pas de charge jusqu’à la salle de téléconférence.
« Ysideulte a survécu et tout a été retransmis en direct. »
« Putain, mais quels glands ! Pourquoi ils n’ont pas coupé ? »
« Il y a eu des évènements bizarres. Tout le monde panique. »
Quand j’arrive dans la salle, la retransmission est encore en cours. Ysideulte est descendue de la plateforme et défie les forces de sécurité qui la tiennent en joue, n’en menant pas large. Quelle femme impressionnante! Je n'ai généralement aucun respect pour les femelles, mais je dois reconnaître que je donnerais cher pour l'avoir à nos côtés, dans le camp du bien.
« Est-ce qu’il faut l’abattre, Monsieur ? »
« Ca ne va pas? On passerait pour des cons. Des forces de sécurité surarmées tellement terrifiées devant une femme nue et désarmée qu'ils ouvrent le feu dans la panique ! Vous imaginez l'image que ça donnerait ? Faites-la reconduire en cellule et on avisera. »
« Et appelez-moi en urgence ces idiots de Best Mind Fucking television ! Qu’ils coupent immédiatement la retransmission, bordel ! Et qu’ils nous mettent un reportage terrifiant sur la menace Alien, pour faire diversion ! »
Je n’en peux plus d’être obligé de gérer des abrutis pareils.
Une fois la retransmission coupée, je demande à voir l’enregistrement.
« Je ne le crois pas… Le grand chrysaor cendré l’a baisée ? »
Il faut croire qu’il n’avait pas faim, préférant se vider les couilles plutôt que se remplir l’estomac.
« Oui Monsieur, mais ce n’est pas le plus bizarre. Après il y a eu ces éclairs… Je vais vous montrer. »
« Ils partent de son ventre ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Est-ce que vous pouvez me passer la vidéo image par image ? »
C’est bien trop puissant et trop précisément dirigé pour être un simple phénomène électrostatique aléatoire. Les bras robotisés ont complètement fondu sous l’effet de l’impact et l’électronique de commande a été instantanément carbonisée. L’énergie devait être gigantesque.
« Il n’y a pas que ça, Monsieur. Poursuivez à vitesse normale. Stop ! Attendez, revenez un peu en arrière. Ralenti. »
Un silence de mort règne dans la salle. Je n’en crois pas mes yeux. Ses plaies se referment à vue d’œil… Mais qui est cette femme ? Pourtant elle a l’air fragile et il faut avouer qu’elle est bandante. Si elle n’était pas aussi inquiétante, je me la taperais bien.
« Bon, les amis, on a effectivement un très gros problème. Réunion immédiate avec tous les chefs d’équipe en salle de gestion de crise. Il faut pondre un narratif pour sauver la face et le transmettre aux médias en urgence. »
à suivre...
Contexte et Références
L’histoire d’Ysideulte se situe dans un futur proche, au sein d’une société qui est une extrapolation d’évolutions sociétales récentes. Si cet article a éveillé votre curiosité, vous pourrez découvrir le monde d’Ysideulte à travers mes articles précédents, dont la liste est ici https://www.bdsm.fr/sylvie35/blog/ (à lire de préférence dans l’ordre chronologique de leur publication).
[1] Voir « Le souffle de la résistance » https://www.bdsm.fr/blog/11290/Le-souffle-de-la-résistance/
[2] Voir « Les Lunes de Davos » https://www.bdsm.fr/blog/9856/Les-Lunes-de-Davos/
[3] Voir « Arnaquofion - Les Queutards de l'Espace » https://www.bdsm.fr/blog/11207/Arnaquofion---Les-Queutards-de-l'Espace/
Image d'illustration: générée par IA
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La soirée la prit en pleine rêverie. Il y avait du miracle en elle et tout autour d'elle. Pour la première fois de sa vie, son corps et son âme étaient à l'unisson. Elle mit beaucoup de soin à se poudrer les joues, à lisser ses tempes, à faire bouffer sa frange brune. Elle s'était regardée dans la glace, elle fut suprise de s'y voir si jolie, plus jolie qu'elle ne l'avait été jamais été, malgré la fatigue nerveuse où elle vivait depuis trois jours. L'amour, qui est la raison d'être des femmes, est aussi leur ornement, surtout quand comme celui de Charlotte, est fait d'espoir mystérieux, de candeur illusionnée et de timidités enhardies. Elle se changea dans la chambre. La porte était entrebâillée. Elle ôta sa robe grenat et se trouva en sous-vêtements transparents également rouges. Deux bas pendaient sur le dossier de la chaise. Elle en prit un et, avec de petits mouvement vifs, le retroussa, jusqu'à en faire un anneau. En équilibre sur une jambe, le talon de l'autre jambe appuyé sur le genou, elle passa le bas ainsi roulé sur le bout de son pied, puis posa celui-ci sur la chaise et enfila le bas sur son mollet, son genou et sa cuisse, se penchant alors de côté pour l'attacher aux jarretelles. Elle se redressa, ôta le pied de la chaise et prit l'autre bas. Je ne pouvais détacher mes yeux d'elle. De sa nuque et de ses épaules, de ses seins que la lingerie drapait plus qu'elle ne les cachait, de ses fesses sur lesquelles son sari se tendait lorsqu'elle appuyait le talon sur le genou et qu'elle le posait sur la chaise, de sa jambe d'abord nue et hâlée, puis d'un éclat soyeux une fois dans le bas. Elle sentit mon regard. Elle s'arrêta, main tendue, au moment de saisir l'autre bas, tourna la tête dans ma direction en baissant les yeux. Connivence, étonnement ou résignation. "Tu es trop habillée. Défais tes jarretelles, roule tes bas au-dessus des genoux". Enfin, les bas sont roulés, elle est gênée de sentir ses jambes nues et libres sous la soie de son sari. J'allonge la main vers la ceinture de sa combinaison, défait le nœud, puis les boutons. Charlotte a maintenant les seins libres et nus comme elle a nus et libres les reins et le ventre, de la taille aux genoux. Sa nudité l'a rendait émouvante, muette et les yeux baissés. Je m'approchai d'elle et ayant agrafé le corset de cuir rouge sur le devant, je serrai durement le lacet par derrière, de façon à faire remonter ses seins et à exhiber leur pointe, tout en étranglant la taille, ce qui faisait saillir le ventre et cambrer les reins. Elle paraissait étrangement à l'aise, sans que je sache pourquoi, à moins que ce ne soit la disponibilité de ce qu'elle ne cachait pas. Elle ne semblait pas gênée que je fixe à ses poignets et à ses chevilles des bracelets, elle accepta même avec joie un collier de cuir.
L'indécence devenait décence, non pas celle de dissimuler, mais de se résigner à l'humiliation du châtiment, de la chair suffisamment meurtrie pour pour la rendre à sa première intégrité et de la renvoyer par la brutalité aux jours où le désir ne s'était pas encore déclaré. Elle devina, et vit que j'attachai à une solive au-dessus de sa tête, les bras levés, et les poings liés, une chaîne, de manière qu'elle demeurât tendue, et qu'elle la sentit se tendre. Elle ne vit pas non plus que je tenais à la main une cravache. En l'embrassant, je posai ma main gauche sur sa taille. En même temps qu'elle entendit un sifflement, Charlotte sentit alors une atroce brûlure par le travers des seins, et hurla. J'aurais voulu sur l'instant la fouetter jusqu'au sang, mais bientôt ses larmes coulaient dans sa bouche ouverte, et je renonçai à lui demander de se retourner. Il était indispensable de lui apprendre à se contrôler pour mieux ressentir ses propres limites, afin de l'amener à les dépasser. La séance avait duré cinq minutes. Quand je partis, après avoir éteint la lumière et refermé la porte, Charlotte chancelait de douleur, au bout de sa chaîne, dans le noir. Elle ferma les yeux, et somnola. Il n'y avait eu chez elle aucun sentiment, aucune affectation. Et je me rappelle que son corps, ses attitudes et ses mouvements donnaient parfois une impression de bonheur. J'avais plutôt le sentiment qu'elle s'était comme retirée à l'intérieur de son corps, l'abandonnant à lui-même, à son propre rythme, que ne venait troubler nul ordre donné par l'esprit, et qu'elle avait oublié le monde extérieur. C'est cet oubli du monde qu'avaient exprimé ses attitudes et ses gestes pour accepter l'humiliation de sa chair. Ce qu'il y a de délicieux dans l'absence, c'est qu'on n'y est jamais borné comme avec cette stupide réalité qui très vite nous arrête. Dès lors, en dépit de ses avances, je ne la voyais plus. En se livrant si facilement, elle avait rompu le pacte. Je lui reprochais de m'avoir mise en porte à faux avec mes rêves. Rares sont les amoureux qui passent le cap de la deuxième semaine. L'esprit noir de l'amour invente tous ces jeux. Dans la vie des femmes les plus anodines, il y a de ces heures fatales. Leur âme instinctive déborde tout à coup, malgré des siècles de discipline, comme les fleuves civilisés qui se déchaînent soudain et sortent de leur lit avec la même anarchie qu'ils eurent sans doute à l'âge de pierre. Une tendresse enthousiaste subsistait seule, après ces nuits et ces journées de doute. Elle ne pouvait plus rien connaître d'autre que son élan généreux vers celui qu'elle aimait.
Seuls quelques couples vaccinés contre tout poison romantique échappent à la réalité. Les sommiers ne grincent plus, un lourd silence se substitue aux fous rires. On ne gémit plus de plaisir mais d'ennui. Les griefs remplacent les serments. On était arrivé plein de feu, on se quitte plein de fiel. Les cœurs éperdus, égarés par les rêves rejoignent leur logis raisonnable. Le temps a accompli son œuvre. Son amour me pesait. Par toutes mes pensées, je la trahissais. Je souffrais d'autant plus que j'étais la seule coupable. Je ne pouvais me fournir à moi-même aucune explication. Sinon une. Mon démon m'avait repris. Il avait un joli visage ce démon, tant de jeunesse et de fantaisie. Comment aurais-je pu lui résister ? Mon cœur inflammable était déjà embrasé. En révolte contre les siens, mais sans aller jusqu'à casser de la vaisselle, elle transgressait les tabous de son milieu autant qu'il est convenable de le faire et même souhaitable pour prouver un fier tempérament. De l'indicible, quelle conscience nous reste-il de cela ? Charlotte ne me disait presque rien de sa vie. Elle ne me posait aucune question sur la mienne. Sans doute par crainte d'apprendre des choses qui auraient pu lui déplaire. Aimer écrire, c'est coucher des mots sur le papier, et non pas partager le lit de Madame de Staël. Mon existence en dehors de la littérature ne méritait pas que je la fisse souffrir avec des passades sans importance. Elle ne pouvait être jalouse de ma méridienne. Je ne vivais que dans l'attente d'un prochain rendez-vous, de baisers volés, d'étreintes usurpées. Où aurait-il lieu ? En réalité je passais plus de temps à imaginer Charlotte qu'à la voir. Et quand je la retrouvais, c'était à travers la brume de ce songe que j'avais construit autour d'elle. Elle m'écrivait des lettres brèves, quelques phrases denses comme des aphorismes, datées avec précision. Elle indiquait toujours l'heure et le temps qu'il faisait. L'amour seul nous fait pressentir l'indicible. Et la poésie. Mais c'est encore l'amour qui la suscite, module son chant et fait frémir ses incantations lumineusement obscures.
Chaque étape initiative de notre existence, est en relation intime avec un amour qui épanouit ses virtualités. J'appris un jour qu'elle avait épousé un éleveur de chevaux. Elle était fière, aussi farouche que les pur-sang que son mari dressait dans sa propriété de l'Orne. Elle préférait ne pas s'interroger sur le moment de folie qui, contre tous ses principes l'avait jetée dans ses bras. Cela lui semblait un phénomène aussi bizarre que la foudre ou un tremblement de terre. Elle avait construit autour d'elle un mur pour se protéger et se croyait à l'abri. Elle se sentait imprenable autant par dégoût des autres que par un sentiment de fierté qui lui faisait juger les choses de l'amour soit comme un idéal impossible soit comme un abandon bestial. Elle n'imaginait pas l'entre-deux. La vie devint pour elle, droite, sans écart, maintenue dans son parcours par une main inflexible, faisant de la doctrine du Cadre noir de Saumur sa ligne de conduite. " En avant, calme et droit ", la citation du général L'Hotte l'inspira. Avait-elle lu le beau roman de François Nourissier ? Au milieu de la vie, elle voyait venir l'hiver. Elle acceptait avec cran la solitude qui de plus en plus l'envelopperait dans ses voiles glacés. Charlotte échappait à cette angoisse en demandant à la nature de lui offrir les plaisirs, les joies, les émotions qui lui manquaient. Cette liberté de l'instinct débridé, l'ardeur des saillies, les montées de la sève et l'allégresse reproductrice du monde végétal la fascinaient. Elle ne vivait plus que pour les chevaux, les arbres et les fleurs. Elle habillait sa sauvagerie nouvelle d'un masque de mondanité provincial. Elle voulait que sa vie fût pareille à l'union de ces deux arbres dont l'un domine l'autre si câlinement.
À l'époque où elle se décida à renouer avec moi, elle avait depuis longtemps renoncé à aimer. Mariée depuis quinze ans à un aristocrate qui avait le double de son âge, elle formait avec lui un de ces couples unis par l'affection et par une forme de spiritualisation qui liait plus leurs âmes que leurs corps. Elle croyait son cœur fermé à jamais, mais redoutait ce pernicieux viscère comme une source de faiblesse que d'avance, elle ne se pardonnait pas. Sans doute, se méfiait-elle de moi. Bientôt elle m'invita chez elle et me présenta à son mari qui m'accueillit avec une diplomatique et rigoureuse politesse. Nous étions dans un monde où tout se joue sur les apparences, où le soupçon, les arrière-pensées étaient bannis. Un monde de civilité absolue où ce qui n'est pas montré pas plus que ce qui n'est pas dit n'avaient droit à l'existence. Il m'emmena faire le tour du parc ainsi que de manière immuable, il procédait avec ses hôtes et me tint les mêmes propos qu'il leur avait tenus à tous pendant leur visite, propos qui certainement devaient être à quelques nuances près, ceux de son père et de ses aïeux. Des chevaux gambadaient dans une prairie, d'autres travaillaient dans une carrière. Tout était dans un ordre parfait. La maison du jardinier rutilait. La serre semblait aussi propre et rangée qu'une salle d'opération. Un hommage à Monsieur de Buffon. Seul le cœur semblait ne pas avoir de place. On le considérait comme un intrus. J'allais monter à cheval avec Charlotte. Nous nous promenions dans les bois. Parfois nous rentrions avec le crépuscule, et cette demi-obscurité jetait sur nous des ombres coupables. Son mari nous attendait impavide sur le perron. Sa distance, son indifférence vis-à-vis d'une liaison qu'il ne voulait pas voir, étaient presque plus lourdes à supporter que s'il nous avait attendues un fusil chargé à la main. Ce silence du non-dit pesait comme une faute. Je regagnai ma chambre et dans cette atmosphère de crime, Charlotte se glissa contre moi. Elle devait repartir à l'aube, et au matin, m'éveillant dans le lit vide, je me demandai si je n'avais pas rêvé.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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La jeune femme rêvait. Pendant des semaines, elles n'avaient cessé de faire l'amour, de se retrouver par le corps. Il y a parfois bien plus d'émotion à retrouver un amour qu'à le découvrir simplement. Au début, ce fut une toute petite tache, comme une forme de nostagie. Mais non, en se rapprochant bien, on pouvait discerner l'aspect mauve de la mélancolie. Et de plus près encore, on pouvait voir la vraie nature d'une certaine gravité. Elle songeait avec une volubilité charmante, de ses beaux rêves chantants sans aucune des intonations criardes ou bien geignardes des paysannes. On la sentait possédée de son propre plaisir. Juliette acquiesçait et Charlotte souriait. Charlotte, accoudée à la fenêtre de sa chambre, regardait le soir descendre sur la vallée. Le soleil venait de passer derrière les grandes collines, presque des montagnes, que le contre-jour rendait noires, avec des franges de lumière sur le dos des châtaigniers qui montaient courageusement en escalade jusqu'à leurs faîtes. Elle se sentait en paix. Il y avait au loin le tintement des cloches de vaches dans l'ombre, de rares grondements de moteurs d'automobiles que l'on ne pouvait discerner sur la route sinuant sous les arbres, en bas. Des fumées s'élevaient des toits de tuiles des fermes tapies à la lisière des bois. Quelle merveille d'ajouter les fumerolles d'une cigarette aux volutes qui montaient aux flancs des collines, un verre de meursault à portée de la main. La petite ville de Rochechouard était bâtie sur une corniche de rochers dominant la vallée. Les quelque cents maisons qui la composaient se groupaient en troupeau au pied d'un château féodal dont deux tours ébréchées subsistaient seules. Le clocher de l'église, un peu plus bas, ne s'élevait pas très haut au dessus des toits pointus des maisons anciennes. C'était un village typique, les habitants disaient ville, ils y tenaient, "bien de chez nous", dominant de façon assez abrupte, un des plus beaux paysages du monde. Maintenant, il règne un silence parfait, un silence villageois, à l'heure où les travaux des champs sont abandonnés, un concert de chiens emplit la maison. Charlotte, en déshabillé noir, cache pudiquement son corps bruni par le soleil. Le diable va là où il trouve à manger et à boire. Juliette s'amusait. Elle jouait avec Charlotte, et montait et démontait de petits mécanismes et elle se promettait d'avance les satisfactions les plus vives à les voir fonctionner. Ce qu'on exprime est souvent obscur. On peut discuter sur les mots, mais enfin les mots sont là. Ce qu'on pense et ce qu'on sent, au contraire, n'est en vérité nulle part ailleurs que dans les gestes qui en naîtront ensuite. La pensée, le sentiment, tout ce qui ne s'exprime pas directement n'est pas un language intérieur perçu par une oreille secrète qui n'a qu'à le traduire en paroles pour que tout devienne clair et public. Il n'y a pas de langage intérieur et la pensée et le sentiment, qui ne sont tout de même pas rien que néant, sont plus proches de n'être rien d'autre que d'être quelque chose d'exprimable, d'univoque et de tranché. L'amour, comme la fortune, est cumulatif. Ainsi prennent place dans la chaîne des évènements, des êtres qu'on s'imagine aimer. Elles s'aimaient, non pas d'un amour impossible mais d'un amour vrai. On n'en finit jamais de nos passions.
Il n'est rien de plus grands fâcheux que ceux qui entreprennent de raconter leurs rêves. Alors en silence, elle pense à Juliette. Elle n'oublierait jamais leur première rencontre, la mémoire de leur amour à naître, brûlante, glacée, courbées par le désir, comme une bataille d'enfants avec la même innocence et les mêmes rêves. Les yeux fermés, à sa fenêtre, sans pensée, toute envahie de son absence, elle ne peut interdire sa main de glisser le long de son corps et de se caresser. Les amours l'avaient laissé indemne jusqu'à Juliette. Elle adore voir la joie de vivre dans ses yeux malicieux, avec la parfaite connaissance de ses doigts soyeux du corps féminin, jamais lasse d'étreintes fiévreuses, toujours à l'assaut. Pour Charlotte, les hommes sont le mensonge, avec leurs mains fausses, leur appétit, la politique dont ils parlent. Ils font souvent impression jusqu'au jour où leur faiblesse éclate. Pour la plupart, ils sont peureux et paresseux, et la faiblesse engendre la vulgarité. Juliette était la femme de sa vie. Avec le temps, les corps s'apprivoisent et les caractères se sculptent. Elle avait accepté de se soumettre à elle dans une totale abnégation. La flagellation et les humiliations sexuelles, ça faisait partie de la poésie de Charlotte. Entre douleur et langueur, supplices et délices, telle de la glace sur du granit, le désir était devenu une terre ardente où s'épanouissait son corps. Quand Juliette évoquait l'anatomie altière de Charlotte, sa grâce brune et allongée, femme-enfant, fragile et éternellement adolescente, ses seins parfaits, ses longues jambes toujours brunies par le soleil, elle avait peur pour elle, du soleil, des coups de cravache trop violents qui semblaient devoir la brûler. Elle l'aurait voulue, idéalement dans la pénombre d'un boudoir, dans un décor vaporeux qu'elle aurait éclairé de la lueur de ses longs cheveux noir de jais croulant en cascade sur ses épaules nues. Fragile et forte, forte mais attendrissante de faiblesse pensait Juliette en regardant la nuit monter dans le ciel immense. Ces menus débordements étaient des débauches fort modestes. Il n'y avait peut-être au fond pas de quoi fouetter un chat. La morale, toute seule, la légèreté toute seule ne sont jamais graves. Ce qu'il y a de terrible, c'est ce mélange de rigueur et de faiblesse dont on donne souvent un déplorable exemple. Elle était trop dure pour ce qu'elle avait de faible, trop faible pour ce qu'elle avait de dur. Elle se demandait si ses rêves n'étaient pas la réalité et ses brefs éveils à la réalité des rêves infiniment trompeurs, heureux état d'inconscience.
Il lui était agréable d'imaginer que même si elle fuguait, elle reviendrait cette même nuit s'installer dans sa tête. Elles furent très bien ainsi, laissant tomber de temps en temps, un mot qui exprimait avec avarice et retenue, une gamme de sentiments, l'écho sourd d'un plaisir confus. Que ferait-elle sans elle ? Elle serait totalement perdue, désemparée. Charlotte s'ouvrit et se cambra au contact de son doigt qui remontait et qui se mit à masser doucement son bouton de chair turgescent qui gîtait dans l'ombre de son pubis. Ineffable lui fut la caresse de son index à l'orée de sa voie la plus étroite, provoquant en elle une sensation de plaisir telle que jusqu'au fond de son ventre et de ses reins, elle fut traversée d'une tension exquise, presque insoutenable. Elle s'abandonna à cette jouissance, à cette extase irradiante. C'était comme si son être entier, tout son corps, tous ses nerfs, tout son sang bouillonnant affluaient dans son hédonisme solitaire. Elle eut un éblouissement d'impudicité. Elle cria sa lasciveté, avec des saccades et des soubresauts. Elle demeura debout, les cuisses écartées, les bras mous immobiles le long du corps. Elle avait encore en elle des ondes d'orgasme qui se répandaient dans une fréquence de plus en plus lente, comme les vagues qui meurent sur le sable quand la mer est calme sous un ciel étale. Une femme experte n'aurait pas été plus habile à lui donner autant de plaisir, sauf Juliette. Mais elle était heureuse de dormir seule dans le grand lit, avec le calme de la campagne tout autour. Elle allait tirer les rideaux, laisser entrer la lumière du soir recouvrir ses rêves et la lune éclairer les arbres. C'est quand on les condamne à mort que les victimes parfois sont le plus folles de bonheur. Car entre les rapports entre les êtres ne sont, tout le monde le sait, que des malentendus. C'est ainsi que naissent souvent les amours malheureuses, les illusions du cœur. Parce qu'ils rompent avec le quotidien d'où naît si vite l'habitude qui est ennemie de la passion. L'amour ne se fait que trop souvent qu'après le coucher du soleil. Tant que le soleil brille, les petites sottes peuvent faire tout ce qu'elles veulent. À partir de minuit, sauf dans le cas de l'ineffable cérémonie des bals, le danger rôde toujours. Si forte que soit la grâce en Juliette, elle sait l'étouffer, et peut-être y a-t-il du courage à se conduire ainsi.
Bonne lecture à toutes et à tous.Méridienne d'un soir.
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Le portail de pierre s’ouvre dans un souffle grave.
Élise reste un instant immobile, au seuil, le cœur battant plus vite qu’elle ne l’aurait voulu.
Le vent traverse l’arche, lui effleure la peau comme pour l’inviter ou la tester — elle ne sait pas encore.
Elle avance.
1. La traversée de l’entrée
Sous ses pas, la pierre résonne doucement, un son clair, presque solennel.
Le couloir s’élève en arches sobres, élégantes, comme un ancien monastère.
La lumière s’infiltre par de hautes ouvertures et glisse contre les murs avec une douceur presque vivante.
Élise sent ses épaules se tendre puis, progressivement, se relâcher.
“C’est calme… mais vivant.
Comme si le lieu me voyait arriver.”
Son souffle se synchronise avec le silence.
Elle ne l’avait pas prévu.
Elle ne maîtrisait déjà plus tout.
Un léger tremblement lui traverse les mains.
Elle les cache dans ses manches.
2. L’arrivée à l’accueil
La pièce s’ouvre soudain, plus large, plus haute.
Bois massif, métal travaillé, pierre claire.
Un décor noble, sans luxe inutile.
Juste ce qu’il faut pour imposer le respect.
À l’accueil, une silhouette l’attend.
Pas le Dominant.
Un responsable calme, posé, avec un regard qui lit sans juger.
Il lui sourit légèrement, incline la tête.
— Bienvenue Élise.
Sa propre voix la surprend quand elle répond.
Un peu trop douce.
Un peu trop basse.
“Respire… Tu es prête. C’est pour ça que tu es là.”
Il lui rappelle quelques règles.
Élise écoute, mais ses sens sont happés par autre chose :
le son du vent entre les arches,
la chaleur discrète du bois,
le calme parfait du lieu.
Elle se sent observée.
Mais ce n’est pas lui.
C’est l’espace.
L’architecture elle-même semble l’envelopper, la maintenir droite, attentive, presque… apprivoisée.
3. Le chemin vers le donjon
Le responsable lui indique un long couloir.
Elle s’y engage seule.
Le couloir est silencieux, mais pas vide.
Chaque pas d’Élise semble réveiller une vibration dans le sol.
Un frisson court le long de sa nuque.
Les lanternes fixées aux murs diffusent une lumière chaude.
Elles ne bougent pas, mais Élise jurerait qu’elles respirent avec elle.
“Pourquoi je suis aussi… sensible ?
Ce n’est qu’un lieu.
Un lieu…”
Elle s’interrompt mentalement.
Non.
Ce n’est pas “qu’un lieu”.
Plus elle avance, plus elle sent une énergie sourde, dense, presque électrique dans l’air.
Elle n’a encore vu personne — pas lui — mais elle sent sa présence approcher comme une tension statique.
Le couloir s’élargit.
Une double porte de bois sombre l’attend.
Elle pose une main dessus, juste pour vérifier sa propre stabilité.
Le cœur accélère.
Un souffle court.
Une chaleur étrange dans la poitrine.
Elle entend alors un bruit à peine perceptible derrière la porte :
pas un pas,
pas une voix,
juste une présence.
Elle ferme les yeux une seconde.
“Je ne suis pas prête.
… Si.
Je le suis.
Et c’est ça qui me fait peur.”
Elle inspire profondément.
Le bois sous sa main semble vibrer un tout petit peu, comme si le lieu lui-même retenait son souffle avec elle.
Puis elle pousse la porte.
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Ce soir-là, au restaurant, l’air semblait vibrer d’une électricité légère, presque ludique. Toute la journée, une audace nouvelle m’avait effleuré, un souffle d’insolence tendre qui me donnait des allures de funambule défiant son propre vertige.
Maîtresse Elie, elle, observait ce frémissement avec un calme souverain, comme une reine amusée par la danse d’un papillon autour de sa couronne.
Je croyais bousculer ses certitudes, ébranler un instant l’édifice de son autorité.
Je me trompais.
Lorsque je laissai tomber quelques mots bravaches, une provocation drapée d’ironie, elle ne s’emporta pas.
Elle se leva, effleurant mon épaule d’un geste à peine perceptible, et murmura d’une voix douce :
« Très bien, Sabine… si tu le dis. »
Ce souffle porta avec lui un parfum familier, un élixir auquel mes sens n’ont jamais su résister. En un instant, mon assurance se fendilla. Mon odorat, traître premier, se laissa happer par cette essence qui m’enlace toujours avant même que ses mains ne m’atteignent.
Quand elle revint, son geste trouva le chemin de ma peau, glissant sous le tissu de ma chemise avec une lenteur calculée, telle une brise disciplinée. Sa main, à la fois ferme et bienveillante, pinça un téton et raviva chaque fibre de mon être. Elle n’avait besoin ni de mots ni d’efforts : c’était un rappel, silencieux mais absolu, de la place que je prétendais oublier.
Puis ce fut sa voix.
Elle parlait de tout et de rien, de ces banalités qui, dans sa bouche, deviennent des sortilèges. Ses intonations, ses infimes variations, le mouvement de ses lèvres, … tout conspirait à me désarmer. J’écoutais sans réellement entendre ; je chutais déjà.
Elle prit son temps.
La lenteur était sa vengeance, la maîtrise son arme la plus élégante.
Quand elle se pencha pour m’embrasser, ce fut avec une intensité qui renversa mes dernières certitudes. La douceur de ce contact fit vaciller ma fausse désinvolture ; le goût même de sa présence me rappela que je n’avais jamais cessé d’être sous son empire.
Elle se redressa ensuite, se détacha de moi comme on retire une étoffe au ralenti, et regagna sa place avec cette démarche souveraine qui toujours m’assomme. Je la suivais du regard, impuissant à faire autrement.
Alors elle lança l’assaut final.
« Tu voulais soutenir mon regard ? Alors profites-en… tu ne pourras pas le refaire de sitôt. »
Son regard se planta dans le mien, acéré mais lumineux. Sous la table, un contact précis, à peine un appui mais d’une maîtrise totale, acheva de faire chanceler le peu de contenance qu’il me restait.
Je tentai de résister, mais son doigt, léger sous mon menton, redressa mon visage.
« Ne quitte pas mon regard, Sabine. »
Sa voix… un velours qui brûle.
Mon esprit… une forteresse dont elle connaissait toutes les portes.
Mes sens, un chœur soumis à sa baguette et à sa volonté.
J’étais ivre. Non de vin mais d’Elle, dans toute sa splendeur et toute sa magnificience.
Ivre de sa présence.
Ivre de sa volonté.
De cette puissance tranquille qui fait céder en douceur toutes mes défenses.
Un ultime regard, un dernier mouvement de lèvre, une insoupçonnable augmentation de la pression de son pied sur mon sexe tendu à l'extrême et le tsunami pouvait se répandre entre mes jambes en même temps que je ne pouvais contenir un râle orgasmique, son regard victorieux planté dans le mien, penaud.
Aussitôt sa sentence tomba, simple et limpide :
« Tu vas te lever, Sabine, et aller régler l’addition. »
Sa voix ne commandait pas : elle scellait.
Son regard ne demandait pas : il possédait.
Je me levai, le cœur battant, traversant la salle avec la conscience aiguë de l’instant, de ce qu’elle venait d’accomplir sans jamais hausser le ton, sans jamais brusquer, simplement par la force d’un empire qui dépasse les gestes.
Mon entrejambe gonflé laissait apparaître une auréole honteuse et personne se tournant vers moi ne pouvait l'ignorer.
Payer la note fut un acte à la fois banal et immense.
J’étais redevenu ce que je n’aurais jamais dû cesser d’être : son sujet, son dévoué, sa propriété douce et consentante.
Je revenais à elle humblement, la tête plus légère, l’âme plus claire.
Elle, déjà, retrouvait son trône invisible, celui qu’elle n’avait en vérité jamais quitté.
Son regard me cueillit une dernière fois, un mélange de tendresse et d’autorité.
Mon châtiment serait long.
Mon abandon serait total.
Et jamais plus, depuis ce soir-là, je n’ai songé à défier son pouvoir.
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Le BDSM n’est pas une activité que l’on pratique n’importe où.
Pas dans un salon.
Pas dans un hôtel.
Pas dans un gîte improvisé.
Et même pas toujours dans une soirée, tant les conditions changent d’un événement à l’autre.
Un lieu BDSM idéal demande des critères précis, parce qu’il doit servir la sécurité, la profondeur des pratiques et la qualité des émotions et sensations humaines.
Voici les 10 critères essentiels pour un vrai lieu dédié — un lieu qui respecte les personnes autant que les pratiques.
1. Une architecture pensée pour les pratiques
Le BDSM n’est pas une idée abstraite.
Il implique des gestes, des postures, du matériel, des distances.
Un lieu dédié doit offrir :
hauteur sous plafond suffisante,
murs pouvant supporter des fixations,
sols solides,
circulation fluide,
zones de travail distinctes.
Rien n’est laissé au hasard.
2. Une confidentialité absolue
Sans confidentialité, pas de liberté.
Un lieu BDSM doit garantir :
l’isolement visuel,
l’absence de mitoyenneté directe,
un parking discret,
une entrée non exposée,
une gestion stricte des accès.
La discrétion n’est pas un luxe : elle est essentielle.
3. Une sécurité structurée
Un lieu sérieux ne peut pas fonctionner sans :
protocole d’accueil,
règles de sécurité claires,
matériel contrôlé,
trousse médicale professionnelle,
surveillance discrète en arrière-plan.
Ce n’est pas de la méfiance : c’est du respect.
4. Un matériel professionnel, adapté et entretenu
Le BDSM demande du matériel solide, fiable, ancré dans une pratique réelle :
croix Saint-André,
cages,
points de suspension,
mobilier stable,
éclairage réglable,
revêtements résistants.
Un vrai lieu ne se contente pas de décoration : il investit dans la qualité et la solidité
5. Une acoustique contrôlée
La maîtrise du son est cruciale :
isolement phonique,
matériaux absorbants,
ambiance sonore variable.
Le lieu idéal ne laisse pas les bruits créer de la gêne ou du stress.
6. Une ambiance contrôlée
L’ambiance d’un donjon n’est pas une question de bougies.
C’est :
des lumières modulables,
une température stable,
une odeur neutre ou cohérente,
une esthétique affirmée mais fonctionnelle.
L’ambiance doit soutenir la scène, jamais la parasiter.
7. Une salle “soft” pour les pratiques émotionnelles et sensorielles
Toutes les scènes ne sont pas intenses.
Certaines nécessitent douceur, calme, proximité.
Un lieu idéal comprend :
un espace doux,
un éclairage bas,
du confort,
un environnement non technique.
Le BDSM est large : on ne peut pas tout faire sur une croix.
8. Un espace de détente et de récupération
Après certaines scènes, il faut :
se poser,
reprendre ses émotions,
débriefer,
se reconnecter.
Un espace lounge ou repos est indispensable pour :
la sécurité émotionnelle,
les transitions,
et la qualité de l’expérience.
9. Un protocole d’accès clair
Un lieu sans règles devient un chaos.
Le lieu idéal fonctionne avec :
réservation obligatoire,
identification discrète mais vérifiée,
interdiction totale des non-membres non annoncés.
L’accès crée le cadre : le cadre crée la qualité.
10. Une culture interne forte
Un lieu dédié n’est pas seulement un bâtiment.
C’est un lieu de culture.
Il porte :
des valeurs,
une éthique,
un niveau d’exigence,
un cadre relationnel,
une vision partagée.
Sans culture interne, un lieu ne devient jamais qu’un “local équipé”.
Avec une culture, il devient une référence.
Conclusion : le lieu idéal n’est jamais improvisé
Un lieu BDSM idéal n’est pas né d’une décoration rouge et noire.
Il naît :
d’une architecture,
d’une méthode,
d’une gouvernance,
d’une vision,
et d’une passion partagée.
C’est un lieu où le BDSM n’est pas toléré.
Il est pensé, compris, assumé et respecté.
Le Cercle Ébène vise précisément cela :
un lieu qui honore la pratique et les personnes.
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Le lendemain, comme il ne faisait pas très beau, elles restèrent couchées toute la journée. Le simple fait de dormir contre elle émerveillait la jeune femme. Son désir aussi. Cette manière qu'elle avait de la vouloir toujours. La violence des caresses, le silence entre elles, quand elle faisait durer le plaisir, juste par plaisir. Après, elle la regardait à la dérobée comme on fixe ceux dont on sait qu'ils vont nous manquer. Plus se rapprochait l'heure du départ, moins elle acceptait l'obligation de la quitter. Elles avaient décidé de n'en pas parler. De ne pas gâcher les quelques jours qui restaient. Pour la rassurer, parce qu'elle ne manquait pas d'audace, elle lui disait qu'un jour, elles vivraient ensemble. Charlotte n'était pas dupe, elle non plus. Elle aurait voulu trouver une solution. Agir, décider, comme elle en avait l'habitude avant de rencontrer Juliette. Mais il n'y avait rien à faire, rien à projeter. Soudain, je découvris que quelque chose avait, pour moi, sinon supprimé, du mins modifié le goût. C'était le sentiment du présent, cette fixité terrifiante des ombres nocturnes sur la petite place Furstemberg, où vécut le compositeur Tcherepnine et le peintre Delacroix, l'immobilité de la mort. Avant, je me plaisais à cette idée même de notre amour qui permettait la sérénité de mon esprit; tous les moments passés entre nous m'apparaissaient comme les pièces d'un puzzle, ou mieux les plantes d'un herbier, dont la sécheresse m'aidait à oublier qu'un jour, riche de sève, elles avaient vécu sous le soleil. Mais aujourd'hui, si je pouvais encore me plaire dans notre histoire, ce n'était qu'en l'imaginant qu'au présent. Tout cela, vu de l'extérieur, peut avoir l'air grotesque ou insoutenable, mais il n'en est rien. Le résultat est au contraire un comble de légèreté, de délicatesse et de douceur musicale. À la voir, comme ça, Juliette est d'ailleurs la réserve même, mesurée, raffinée, mince et brune, presque fragile, silhouette comme effacée interrompue par le regard clair, décidé. Elle n'a pas de temps à perdre. D'après elle, elle n'en a que trop perdu. Avec son air timide, prude, pudibond, elle pourrait même passer inaperçue. Avec Charlotte, elle jouit lucidement de la contradiction entre ses actes et son apparence. Elle croise et décroise ses jambes nues en évitant d'intercepter son regard. Tout à coup, elle la contemple avec une sorte d'épouvante: ce qui s'était accompli dans cet être dont elle avait tant envie lui apparaissait effroyable. Ce corps fragile, ses craintes, ses imaginations, c'était tout le bonheur du monde à notre usage personnel. Son passé et le mien me faisaient peur. Mais ce qu'il y a de plus cruel dans les sentiments violents, c'est qu'on y aime ce qu'on aime pas. On y adore jusqu'aux défauts, jusqu'aux abominations, on s'y attache à ce qui fait de plus mal. Tout ce que je détestais en elle était sans prix pour moi. Et mon seul bonheur, c'était le plaisir même; le mien, le sien, tous ces plaisirs du monde, camouflés la plupart du temps sous de fugaces désirs, des amours passagères, des illusions d'un moment. Nous avions du mal à parler. Il y avait un silence entre nous, fait de nos fautes et de nos remords. L'éclatement et l'évidence des amours partagées, la simplicité qui jette les corps l'un vers les autres. Ce monde ambigu où les choses s'interprètent et où nous leur prêtons un sens qui est rarement le sens, c'était l'insoutenable légèreté du bonheur où le temps et l'espace n'étaient plus neutres dans l'amour et la soumission. Ils se chargeaient de nos espoirs et de nos attentes, et le monde entier se couvrait ainsi d'un réseau de signes qui lui donnait un sens parfois absurde. Si tout était là, la vérité serait à la portée de tous, à la merci d'un miracle, mais on ne peut n'allumer que la moitié d'un soleil quand le feu est aux poudres. Qui n'a vu le monde changer, noircir ou fleurir parce qu'une main ne touche plus la vôtre ou que des lèvres vous caressent ? Mais on est où nous le sommes, on le fait de bonne foi. C'est tellement peu de choses que ce n'est rien. Mais on n'avoue jamais ces choses-là. Juliette passa ses bras autour du cou de Charlotte. Elle l'enlaça à contrecœur tandis qu'elle posait la tête contre sa poitrine. Elle l'embrassa dans le cou et se serra contre elle. Glissant la main dans ses cheveux, elle posa ses lèvres timidement sur sa joue puis sur sa bouche, l'effleurant délicatement avant de l'embrasser de plus en plus passionnément. Involontairement, elle répondit à ses avances. Elle descendit lentement ses mains dans son dos, et la plaqua contre elle. L'existence cessa de n'être que du temps. Elles se laissèrent gagner par un désir grandissant. Charlotte s'écarta de Juliette, la prenant par la main, l'entraîna vers la chambre.
Elle avait pâli. Non par plaisir, elle vérifia que la lueur dans ses yeux brillait d'un éclat accru. Elle était inquiète, donc elle l'aimait davantage. Elle l'avait voulue mystérieuse, elle était servie. Elle avait beau savoir sa valeur, et comment elle l'aurait le soir même dans son lit, et combien elle avait payé la veille, par moments c'était plus fort qu'elle: ses yeux s'emplissaient de cette brume qui précède les larmes. La tête appuyée sur l'épaule de la jeune femme, elle se laissait aller au seul bonheur qui lui restait: celle de ne pas faire semblant de croire qu'elle l'aimait. Puis, elle se redressait, mutine et plaisantait pour un rien. Elle la dévorait des yeux. Charlotte rayonnait alors de joie. Elle riait, la tête renversée, puis souriait, admirative, émue parfois. On voyait la passion s'emparer de chaque parcelle de son visage. Elles aimaient se promener à Paris lors de promenades nocturnes en taxi. La place de la Concorde leur parut belle pourtant, dans sa torpeur étale, affichant une langueur indécise, entre les lueurs de l'aube, la brume de cet été qu'elles n'oublieraient jamais et l'éclat des réverbères. Elles avaient toujours aimé la place de la Concorde au petit matin, quand on roule vite dans Paris. Le chauffeur interrompit sa rêverie et leur demanda si elles avaient un itinéraire favori. Elles répondirent qu'il pouvait aller où bon lui semblait. Les draps froissés attendraient pour une fois. Le taxi s'était arrêté juste devant l'hôtel. Le réceptionniste grommela quelque chose, il ne savait pas s'il fallait nous souhaiter le bonjour, le bonsoir ou autre chose. Elles furent heureuse de se jeter toutes les deux sur le lit de la suite luxueuse. La lumière de l'aube inondait la pièce, jetant des ombres sur les murs. N'hésitant qu'une fraction de seconde avant de se retourner vers elle, Juliette commença à se déshabiller. Charlotte fit un geste pour fermer la porte de la chambre, mais elle secoua la tête. Elle voulait la voir, cette fois-ci, et elle voulait qu'elle la voit. Charlotte voulait que Juliette sache qu'elle était avec elle et non avec une autre. Lentement, très lentement, elle ôta ses vêtements. Son chemisier, son jean. Bientôt, elle fut nue. Elle ne la quittait pas des yeux, les lèvres légèrement entrouvertes. Le soleil et le sel de la mer avaient hâler son corps. Il venait d'ailleurs, de l'océan. Il émergeait des eaux profondes, tout luisant de ce sucre étrange cher à Hemingway. C'était la fleur du sel. Puis Juliette s'approcha de Charlotte et posa ses mains sur ses seins, ses épaules, ses bras, la caressant doucement comme si elle voulait graver à jamais dans sa mémoire le souvenir de sa peau. Elles firent l'amour fiévreusement, accrochées désespérément l'une à l'autre, avec une passion comme elles n'en avaient jamais connue, toutes les deux douloureusement attentive au plaisir de l'autre. Comme si elles eu avaient peur de ce que l'avenir leur réservait, elles se vouèrent à l'adoration de leurs corps avec une intensité qui marquerait à jamais leur mémoire. Elles jouirent ensemble, Charlotte renversa la tête en arrière et cria sans la moindre retenue. Puis assise sur le lit, la tête de Charlotte sur ses genoux, Juliette lui caressa les cheveux, doucement, régulièrement, en écoutant sa respiration se faire de plus en plus profonde. Soudain, les lèvres de Juliette exigèrent un maintenant plein d'abandon. La communion ne put être plus totale. Elle lui prit la tête entre ses deux mains et lui entrouvrit la bouche pour l'embrasser. Si fort elle suffoqua qu'elle aurait glissé si elle ne l'eût retenue. Elle ne comprit pas pourquoi un tel trouble, une telle angoisse lui serraient la gorge, car enfin, que pouvait-elle avoir à redouter de Juliette qu'elle n'eût déjà éprouvé ? Elle la pria de se mettre à genoux, la regarda sans un mot lui obéir. Elle avait l'habitude de son silence, comme elle avait l'habitude d'attendre les décisions de son plaisir. Désormais la réalité de la nuit et la réalité du jour seraient la même réalité. Voilà d'où naissait l'étrange sécurité, mêlée d'épouvante, à quoi elle sentait qu'elle s'abandonnait, et qu'elle avait pressenti sans la comprendre. Le doute lancinant d'être passée à côté de quelque chose. Sans doute même cette vie précaire, frelatée, fragmentée, lui plaisait-elle un peu.
Avec quelle simplicité, elle me montrait la voie ! Pour la séduire, il s'agissait de me conformer à l'image qu'elle s'était faite de moi. Une fille cynique qui au terme d'une nuit de plaisirs, s'en allait à l'aube, sur la pointe des pieds, de la chambre. Si j'avais passé toute la nuit avec elle et devant le plateau du petit déjeuner, insisté pour la revoir, si je lui avais montré mon trouble, eût-elle jamais rappelé ? Se fût-elle même souvenu de moi ? Désormais, Je savais que pour lui plaire, il suffisait somme toute de l'inquiéter. La faire souffrir. Avec les autres avant elle, j'avais toujours gardé mes distances. Avec elle, ce serait plus difficile. Désormais, il n'y aurait plus de rémission. Elle eut seulement conscience que bientôt le soir allait tomber, qu'elle était seule avec Charlotte. L'allégresse se communiqua à sa vieille passion et elle songea à sa solitude. Il lui sembla que c'était pour racheter quelque chose. Elle avait peur de se retrouver seule. Pourtant, c'est toujours seul qu'on s'invente. Mais qui cherchait de nous deux d'inventer ? Ce que l'on sent en soi de différent, c'est précisément ce que l'on possède rare, et c'est là que l'on tâchait de supprimer. Nous prétendions aimer ntotre vie et nous nous contentions de l'imiter. L'éclat froid de son regard exigeait plus de volonté et de froideur que de bonté. Je cherchais tout au long de ses supplices, une ivresse insoupçonnable, une exaltation aveugle et sans fin. Mon indiscrétion m'a servi, puisqu'elle m'a donné le désir de la punir. Elle fit ce que j'exigeais d'elle, le souffle haletant et se rapprocha de moi en me lançant un regard anxieux. La lueur qui brillait au plafond faisait luire ses prunelles tandis que je laissais errer un regard froid sur sa nudité. Une onde de plaisir la traversa quand le cuir de la cravache lui caressa d'abord le dos, puis les hanches et les seins. Un liquide moite afflua entre les cuisses de Charlotte. Je la fit tourner vers moi, elle était dans un état second, hébétée, comme absente de son propre corps. Je la contemplais longuement en caressant tendrement les mèches de cheveux qui tombaient sur son front. Elle voulait continuer, aller jusqu'au bout de ses fantasmes. Je me détournais à temps pour que je ne puisse pas voir les larmes jaillir de ses yeux. Elle avait déjà dévoilé bien assez de sa vulnérabilité. Vivre pleinement sa sexualité, si l'on sort tant soit peu des sentiers battus par les autres, est un luxe qui n'est pas accordé à tous. Cet prouesse la renforçait dans ses audaces. Il lui suffisait d'un psyché. Nue, avec humilité, elle se regarda dans le miroir, et songea qu'on ne pouvait lui apporter, si l'on ne pouvait en tirer de honte, beaucoup de bonheur. La jeune femme n'avait pas d'autres secours que de demeurer heureuse.
Bonne lecture à toutes et à tous.
Méridienne d'un soir.
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