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Par : le Il y a 2 heure(s)
"La marche du monde commence donc avec le courage et la révolte d'une femme contre le pouvoir abusif de son mari. Chez nous, l'espérance n'existe pas, car en promettant un avenir meilleur, elle empêche d'agir. C'est comme ça depuis l'Antiquité. Pourquoi crois-tu que Pandora a enfermé l'espoir au fond de la jarre ? En faisant cela, elle nous a protégés d'un ultime fléau, celui de l'immobilisme". Grande déesse phrygienne, Cybèle étendait son pouvoir sur la région farouche et sauvage, le long de la mer Egée et de la mer Noire, elle symbolisait la puissance de la nature, de l'énergie chthonienne (enfermée dans la terre), considérée comme la source de toute fécondité, la "Magna Mater" du Proche-Orient. Toujours accompagnée d'animaux sauvages, la légende la décrit comme une déesse androgyne issue de la Terre. De ses orgânes mâles sortit un amandier dont les fruits donnèrent naissanceà Attis lorsque Nana, la fille du fleuve Sangarios, en eût mangé. On représentait Cybèle assise sur un trône protégé par deux lions et tenant un fouet orné d'os. Dans la région d'Ephèse, elle était symbolisée par une pierre noire, considérée comme un trait de foudre, une pierre céleste. Elle épousa Gordias, roi de Phrygie, rendu célèbre par le nœud compliqué en bois de cormier qui fixait le joug de son char dans le temple de Zeus. Le couple engendra Midas, qui succéda à son père sur le trône. L'étourdi roi de Phrygie fut affligé d'oreilles d'âne par Apollon qu'il avait irrité, mais auquel fut donné par Dionysos le pouvoir de transformer en or tout ce qu'il toucherait. L'infortuné roi regretta vite sa cupidité et supplia le dieu, qui, pour dissiper l'enchantement, lui conseilla de se purifier dans le fleuve Pactole qui depuis, renferme des pépites d'or. Cybèle est l'équivalent de la déesse Rhéa chez les grecs. Déesse Mère, Déesse Terre, Magna Mater, Genitrix, Déesse souveraine, Déesse des Montagnes, des Animaux et des Bêtes sauvages, c’est ainsi qu’apparaît la première de toutes les grandes divinités. Son culte est universel. Longtemps il sera le seul. On le retrouve d’un bout à l’autre de la planète, qu’il soit né en un lieu particulier d’où il aurait rayonné ou que ce culte rendu à la femme maîtresse de la fécondité, de la vie et de la mort, ait partout présenté le même visage, inspiré la même ferveur et la même terreur, donné naissance aux mêmes rites. Avant la grande déesse phrygienne, Cybèle, dont le culte a sans doute été le plus solidement implanté avec ceux de Déméter et Isis, on trouve déjà au paléolithique supérieur des statuettes féminines obèses (stéatopyges et callypyges) nues, souvent gravides de façon visible, réduites aux organes sexuels mais aussi des "Vénus" sculptées sur ossements de mammouth ou dans la pierre ou dans l’ivoire. D’aucunes sont stylisées, d’autres sont plus grossières. Le visage est à peine esquissé, lisse mais les seins sont toujours visibles et le triangle pubien coloré en rouge rappelle le premier des mystères: le sang. Cybèle conçut un amour platonique pour le beau berger phrygien Attis qu'elle nomma grand-prêtre de son culte, en échange de sa chasteté. Mais le jeune homme s'éprit de la nymphe Sagaritis, et l'épousa, provoquant la colère de Cybèle qui tua la nymphe et frappa de folie l'infidèle. Dans un accès de démence,  Attis se mutila.Pris de remords, la déesse ressuscita le berger sous la forme d'un pin. Une autre tradition raconte qu'il fut victimede la jalousie de Zeus qui le fit mettre en pièces par un ours. Cybèle a conservé sa puissance, sa liberté et les autres déesses helléniques lui ont emprunté divers dons, divers traits de caractère. Avec elle, les Grecs ont eu affaire à forte partie. Ils ne sont pas parvenus à la réduire à l'état devierge sage ou pure, à masquer sa sauvagerie. Cybèle, impériale, parcourt son royaume avec ses lions. On le sait,les Grecs ont vu d'un mauvais œil l'invasion de Cybèle, venue de Crète, ce berceau et ce tombeau de la plupart des dieux. Lorsqu'elle est accompagnée de ses Ménades, de ses Bacchants et Bacchantes, de ses Corybants, et qu'elle manifeste sa "splendeur divine", elle balaie tout sur son passage, les hommes raisonnables et les femmes chastes, parce qu'elle leur fait connaître l'extase et des expériences peu communes. Lorsque Dionysos prit le relais, les Grecs ne purent effacer le message du dieu ni celui de la Grande Déesse. Elle porta d'autres noms: Arinna la Hittite, Hébat la Hourrite et ses lions, ou même Eileithya crétoise. Les uns tirent vers le Soleil, d'autres vers la Lune, d'autres vers Vénus. Mais il s'agit toujours de la Grande Déesse incarnant le principe de fertilité, associée au cycle Vie/Mort/Renaissance qui les définit sans exception. Les Grecs tenteront de la vêtir plus décemment et de l'appeler Rhéa, Terre Nourricière. Mais pouvaient-ils mieux choisir celle qui deviendra la mère du plus vénéré de leurs dieux ? Cybèle se moque bien des autres divinités du ciel.     "Mon rêve ? Que chaque femme qui tremble aujourd'hui devant un homme, chaque mère qui redoute les accès de brutalité du père de ses enfants, chaque épouse qui doit encaisser accès de colère, virulence et despotisme d'un mari se mette sous la protection de Rhéa. Que la grande déesse primitive les inspire et leur montre le chemin de la libération. Même quand on partage la vie et le lit d'un Cronos, il y a toujours un moment où on peut donner un coup de pouce au destin, et sortir tête haute des griffes du monstre". Comme les Grecs ne savaient trop où la faire naître, ils se référèrent à un mythe phrygien. Endormi sur le mont Dindyme, Zeus aurait eu une pollution diurne. De sa semence tombée, surgit un être androgyne, ce qui, à n'en pas douter, plaide pour l'ancienneté du mythe. Les dieux, alarmés comme tous les dieux confrontés à l'inégalable puissance d'une telle créature, décidèrent de l'émasculer. Il ne resta donc que sa part féminine, qui devint Cybèle,à jamais séparée de sa nature masculine, mais ne l'ayant sûrement pas oubliée. Des organes mâles ainsi coupés coula du sang, comme pour la naissance de Vénus-Aphrodite. De ce sang naquit un amandier. Sur les origines de Cybèle il existe encore une autre version, qui la rapproche sensiblement d'Artémis, à moins qu'Artémis l'ait emprunté à Cybèle: celle-ci serait la fille du roi de Phrygie et la reine Dindyme et elle aurait été abandonnée sur une montagne, nourrie par des fauves, surtout des léopards et des lions. Cette fréquentation des bêtes sauvages était propre à développer ses instincts de fauve. Elle aurait, de bonne heure, regroupé autour d'elle des Corybantes, leur aurait enseigné des jeux, des chants, des danses, aurait créé tambours et tambourins pour accompagner ces danses, et des cymbales éclatantes. Comme Artémis encore, on dit qu'elle protègeait les enfants et les créatures sauvages, qu'elle avait un pouvoir de guérison. Les Romains l'intégrèrent à leur panthéon. Ils l'appelèrent "Bona Dea." Ovide l'introduira dans l'histoire d'Énée. Le culte de Cybèle était célébré dans des grottes ou au sommet des montagnes. Il se confondit plus tard avec celui d'Attis, dont la mort et la résurrection périodique figuraient le cycle des saisons et le renouveau printanier, et elle devint le symbole de la fécondité par la mort. Il comportait des rites organiques qui visaient à établir une communion totale entre les divinités et les fidèles, comportant des orgies extatiques. Le festival d'Attis durait cinq jours. Le premier jour était consacré aux lamentations et à la procession d'un pin entouré de linges figurant le dieu; le second à la danse frénétique des prêtres qui se flagellaient en dansant et en chantant; le troisième, aux mutilations sexuelles volontaires: ses adorateurs mâles, saisis de frénésie, s'émasculaient eux-mêmes afin d'atteindre à l'union avec Cybèle et courraient à travers la ville en brandissant leurs organes coupés qu'ils échangeaient contre des vêtements féminins pour se vouer au culte de la déesse; le quatrième jour était réservé aux réjouissances et au repas sacramentel. Le cinquième jour, enfin était réservé au repos. En Anatolie, ces mystères comportaient le rite du "taurobole": le néophyte se tenait dans une fosse recouverte d'une grille au-dessus de laquelle on égorgeait un taureau expiatoire. Il sortait entièrement couvert du sang de l'animal, mais régénéré, purifié de toute souillure, né une seconde fois. La purification était efficace pendant vingt ans. Les mystères de Cybèle sur le mont Ida, institués par Midas, se répendirent en Italie, en Gaule, en Aquitaine, en Espagne, et en Afrique du Nord en l'an 134 de notre ère. (57-178).Ce culte fut introduit à Rome au moment de la guerre avec Hannibal. La Sybille décréta que l'ennemi serait chassé si l'on instaurait le culte de la "Magna Mater" à Rome. Les adeptes firent venir le météorite noir symbolisant la déesse et l'installèrent au temple de la Victoire, sur le mont Palatin, où il demeura jusqu'en 191 avant J.C (57-186). La prédiction s'étant instituée, le peuple romain reconnaissant institua, en l'honneur de la déesse, les "Magalésiennes", fêtes qui comprenaient un banquet sacré et des jeux, ayant lieu du 4 au 10 Avril et s'étendirent dans tout le pays. Elles comportaient des offrandes à Cybèle dans son temple, des divertissements et des courses. La statue était alors conduite à travers la ville sur un char attelé de lions, par les "galles" venus d'Asie Mineure, qui exécutaient les rites propres au culte. Ces derniers, réprouvés par les autorités civiles, furent interdits aux Romains et les Magalésiennes finirent par perdre leur attrait. Les rites phrygiens connurent un regain d'intérêt sous le règne de l'empereur Claude( 41-54) de notre ère, et les fêtes de printemps de Cybèle et d'Attis furent célébrés du 15 au 27 Mars. Le prètre s'incisait, symbolisant les mutilations sexuelles, il se flagellait et offrait ainsi le sang à Cybèle.   "Lorsqu'Héra découvrit cet assassinat, elle prit les yeux de son fidèle ami et les posa sur les plumes d'un grand oiseau capable de faire la roue. Ainsi naquirent les paons, qui devinrent son emblème. Helène avait voulu s'échapper de cette vie qui l'étouffait à petit feu, fuir l'ennui mortel qui la consumait. La voici retournée à la case départ, à sa cage dorée. Hélène a joué sa vie et celle des autres. Elle a perdu. Pourtant, les remords qui l'assaillent ne seront jamais des regrets d'être partie".  Bien qu'ayant perdu leur signification profonde, les anciens rites de l'équinoxe de printemps ont survécu dans lefolklore des régions agraires du nord et du centre de l'Europe, transférés au premier Mai. Le thème mythologique y estprésenté de manière différente, mais Attis revient tous les ans sous l'aspect de l'arbre de Mai enguirlandé, en souvenirdu pin sacré. Quant à Cybèle, elle se réincarne dans la Reine de Mai, fait le tour de la place du village, portée par desjeunes villageois triomphalement, dans un char décoré. Le drame sacré de la mort et de la résurrection du dieu n'apas disparu; il revit chaque année dans la fête de Pâques de la chrétienté. Zeus, saisi un jour d’un désir irrépressible pour Cybèle, la poursuit mais en vain, et, n’y tenant plus, répand sa semence sur un rocher. Du sperme ainsi répandu naît un être monstrueux: Agdistis, monstrueux parce qu’hermaphrodite avec des troubles du caractère. Il se révèle en effet si violent, si indomptable que le conseil des Dieux, excédé, décide de sa castration. Il en charge Dionysos. Celui-ci enivre Agdistis et pendant son sommeil attache sa verge à un arbre voisin. Le monstre à son réveil et conformément à son caractère cherche à se dégager si brutalement que la verge se détache et tombe sur le sol. Elle s’y enfonce pour donner naissance à un magnifique grenadier. Une princesse, tentée, fourre l’un de ses fruits dans son sein, et enceinte, met au monde un très bel enfant: Attis. Celui-ci est, dès sa naissance, confié, ou abandonné, aux bons soins d’un bouc qui le nourrit de son lait. Devenu grand, Attis est un objet de convoitise pour toutes les femmes. Il choisit, ou on lui choisit, une princesse, mais en pleine cérémonie de mariage Agdistis qui l’aime d’un amour incestueux se précipite sur lui pour l’étreindre, il en devient fou et dans sa folie s’émascule et en meurt. Sa mère inconsolable obtient des Dieux que le cadavre d’Attis reste incorruptible à jamais. Kronos, symbole du temps, est le fruit de l’inceste de la Terre-mère Gaïa avec Ouranos, le Ciel. Les plus intelligents de leurs enfants furent les Titans et les Titanides. Kronos devint leur roi et épousa sa sœur Rhéa. À cause des mauvais traitements qu’Ouranos infligeait à Gaïa, Kronos l’émascula avec une faucille de silex et lança les organes génitaux tranchés derrière lui. Les quelques gouttes de sang donnèrent naissance aux Érinyes, aux Géants et aux Nymphes. Kronos régna alors sur Ouranos. Ayant été averti que l’un de ses propres enfants le détrônerait tout comme il avait détrôné son propre père, il les avala les uns après les autres, au fur et à mesure qu’ils naissaient, à l’exception de Zeus. Plus tard, quand ce dernier devint plus grand, il libéra les cinq autres enfants des entrailles de leur père. Kronos est souvent représenté comme un vieil homme ailé, armé d’une faux, les ailes symbolisant le temps éphémère, la faux son inéluctabilité. Par ailleurs, d’après la mythologie grecque, les enfants que Kronos avait avalés seraient restés inchangés et n’auraient subi aucun effet du temps. C’est comme si la seule façon de fuir le temps, c’était de lui céder et de se laisser engloutir. Ainsi, pour être en dehors du temps, il faut vraisemblablement être en dedans. Noé était âgé de six cents ans quand eut lieu le Déluge. Sept jours auparavant, il construisit une arche de bois de gopher et prit sept couples de tout animal pur, un mâle et sa femelle, et d’un animal impur un couple, un mâle et sa femelle, ainsi que des oiseaux du ciel, sept couples, mâle et femelle, pour en perpétuer la race sur toute la surface de la Terre. Comme le lui avait ordonné le Seigneur, Noé entra dans l’arche avec ses fils, Sem, Cham et Japnet, et avec eux, la femme de Noé et les trois femmes de ses fils, ainsi que toutes les espèces de bêtes. La pluie se déversa pendant quarante jours et quarante nuits. La crue des eaux dura cent cinquante jours sur la Terre. Au septième mois, le dix-septième jour du mois, l’arche reposa sur le mont Ararat. Les eaux continuèrent de diminuer jusqu’au onzième jour du dixième mois, et les cimes des montagnes apparurent. Alors que l’arche, plongée dans les ténèbres, dérivait à la surface des eaux, Noé demanda à sa femme: "j’ignore combien de temps s’est écoulé depuis le début du Déluge. Sa femme répondit : dix-sept jours. Étonné, Noé demanda : comment peux-tu le savoir alors que nous sommes plongés dans l’obscurité totale et qu’il est impossible de discerner la moindre lueur du jour ?" À cela, la femme de Noé répondit tout simplement: "je le sais par le beuglement des vaches, par le chant des coqs, par la pondaison des poules".    "Elle assume, tête haute, jusqu'au bout sa soif de liberté. Si c'était à refaire, elle recommencerait. Son parcours de femme rejetant les cadres contraints de la vie maritale, prenant la parole dans le monde des hommes, est un très bon exemple d'indépendance. Si Pénélope ne porte pas la mémoire d'Ulysse, alors toutes les péripéties de son odyssée auront été vaines. Le but même de cette épopée est d'ailleurs d'aller tout raconter à sa femme. Athéna arrête le char du Soleil pour que la nuit dure autant que les amants le souhaiteront. Pour qu'ils aient le temps de se retrouver, mais aussi pour qu'Ulysse puisse tout confier à Pénélope. Sans elle, le récit n'existe pas. C'est elle qui fait exister la parole. Sans elle, le héros est tout simplement mort". L’introduction à Rome de la "Mater Magna Idaea deum" marque, dans l’histoire de Rome, l’aboutissement de la dernière des grandes crises religieuses qui ont accompagné la deuxième guerre punique. L’introduction d’une divinité étrangère à Rome ne constitue pas en soi une innovation: en liaison avec la consultation des Livres sibyllins, elle s’inscrit dans une longue tradition nationale et obéit à des règles déjà bien codifiées par le collège des décemvirs. Rome a en particulier introduit au cours des siècles qui ont précédé les dieux grecs de la médecine, Apollon en 431 et Esculape en 293. Le rituel de l’"evocatio" est une procédure qui permet d’accueillir des dieux étrangers mais elle est exceptionnelle et historiquement limitée au conflit romano-véien ou romano-carthaginois. La grande innovation de la crise religieuse de 205 est de faire appel, en plein conflit romanocarthaginois, à une divinité orientale, la "Mater Magna Idaea deum". On conçoit l’attention particulière qu’ont accordée à cet événement les historiens des religions. L’histoire de cette introduction repose essentiellement sur la source livienne, qui demeure évidemment fondamentale et que les historiens de la déesse ont naturellement privilégiée. D’autres historiens ont rapporté l’événement, mais aussi des poètes, comme Ovide qui, dans ses Fastes, a consacré à l’épisode un long développement à l’occasion de la description des Mégalésies. Les jeux constituent une pratique génératrice de la théologie de la Piété, parce qu’ils sont un cadre traditionnel d’expression de la piété, sous sa double forme privée et publique, domestique et civique, piété envers les ancêtres et piété envers les dieux. Dualité longtemps essentielle, mais qui tend à se fondre avec l’évolution dynastique et la genèse d’un culte du chef. Or, dans cette élaboration, la pietas apparaît bien comme un opérateur idéologique décisif dans le cadre de la crise des structures traditionnelles, famille et cité, et des valeurs d’autorité qui leur sont liées. Officiellement exaltée à partir de la mi-IIIème siècle, comme le montrent les poèmes d’Ennius, la Pietas reçoit en 181 un temple élevé par un client des Scipions, M. Acilius Glabrio. Il s’agit alors d’une vertu gentilice et aristocratique fondamentale, enseignée par Enée lui-même aux Romains, et dont la fonction intégratrice ne peut être en discussion. Or, à partir de là, la Pietas se trouve constamment sollicitée et subit une série de distorsions dont on peut tenter d’apprécier la nature et la portée. Si les grands jeux et les jeux votifs expriment la piété et la reconnaissance de tous envers les dieux, les jeux funèbres, les jeux pour les grands morts et leur victoire sont évidemment autant de manifestations de piété filiale et tel est bien l’un des sens qu’Octave entend donner aux jeux. L’une des caractéristiques les plus notables et les plus étonnantes qui distingue Rome de la plupart des autres cités antiques aura été son degré d’ouverture. Depuis le mythe de l’asylum de Romulus jusqu’à l’édit de Caracalla en 212, une identité collective s’y est forgée autour de l’idée qu’il ne fallait pas avoir une approche restrictive de la citoyenneté, et au contraire accueillir en son sein tous les étrangers qui enrichiraient d’une manière ou d’une autre la collectivité romaine.    "Des petites flammes dans la nuit, par centaines, partent à l’assaut des vagues. On dirait une armée de lucioles surgies de la mer. Elles avancent en rangs serrés, bravant le flux et le reflux, pour gagner le large au plus vite. Parfois l’une d’elles disparaît, submergée par l’eau noire. Mais les autres continuent vaille que vaille de s’éloigner du rivage. Sur la grève, un murmure psalmodié par des dizaines de bouches accompagne le périlleux voyage des petites flammes dans la nuit". Les jeux s’imposent très vite comme une pratique constitutive de la théologie de la victoire. Dès l’origine ils sont assurément liés à la volonté et à la possibilité reconnue dans l’imaginaire de fléchir les dieux par toute une série de pratiques liturgiques en vue d’obtenir le salut de la communauté par la victoire. Et ici le modèle grec a joué comme cadre structurant, renforçant la tradition étrusco-italique, par la symbolique du couronnement des vainqueurs. Tite-Live en conserve le sens: “La même année, pour la première fois, les citoyens qui avaient reçu une couronne pour leurs exploits militaires, assistèrent couronnés aux Jeux Romains et alors, pour la première fois, suivant un usage importé de Grèce, on donna des palmes aux vainqueurs”. La victoire, par les actions de grâce et les rites propitiatoires qu’elle suscite, est donc, à ce niveau, gage de renouvellement mesuré des jeux pour une meilleure cohésion de la communauté. On le voit nettement après la deuxième guerre punique, quand les cérémonies ludiques sont massivement utilisées en vue de sceller l’union sacrée et de récupérer la dévotion populaire en la canalisant dans les cadres les plus officiels et traditionnels, face à la montée d’expressions religieuses incontrôlables et jugées, comme telles, dangereuses par les autorités religieuses et politiques, au demeurant tout à fait confondues. Cybèle, à la différence des autres divinités orientales généralement introduites à Rome par des étrangers, des esclaves, ou rapportées par des soldats revenant de lointaines expéditions militaires, pénétra dans la ville de façon tout à fait officielle, promue par l'aristocratie romaine: en 205, les "Livres sibyllins", pour chasser du sol italien l'ennemi étranger, conseillèrent aux Romains de transporter de Pessinonte à Rome le bétyle représentant la Mère des dieux. L'atmosphère d'inquiétude qui régnait à Rome depuis le début de la deuxième guerre punique et qui s'était déjà traduite par des mesures religieuses spectaculaires, la pression d'une partie de la noblesse, ouverte aux influences grecques et orientales, l'entente politique de Rome avec Attale, roi de Pergame, expliquent la rapidité avec laquelle on mit à exécution les suggestions des décemvirs. Une délégation officielle se rendit à Pessinonte et rapporta le bétyle noir, qui fut solennellement accueilli à Ostie par le citoyen le plus vertueux de Rome, P. Scipion Nasica, et par les matrones (parmi elles, Claudia Quinta, dont, ultérieurement, la légende embellit le rôle: sa chasteté fut prouvée par une intervention miraculeuse de la déesse). Installée provisoirement dans le temple de la Victoire, la "Grande Mère" eut ensuite son temple sur le Palatin, dédié en 191. En outre, on décréta en son honneur un lectisterne et les jeux Mégalésiens, célébrés tous les ans, le 4 avril. Des sodalités, composées exclusivement de membres de l'aristocratie, honoraient Cybèle par des banquets. Ce sont les seules manifestations officielles, dans la tradition nationale, du culte rendu à Cybèle. En effet, l'aspect exotique des cérémonies phrygiennes, le caractère bruyant et souvent sauvage des fêtes, le clergé composé d'eunuques aux accoutrements bariolés, prophètes et mendiants, rendaient Cybèle suspecte aux yeux des autorités romaines. Partagé entre le respect dû à cette déesse officiellement adoptée par la Ville et dont l'arrivée avait coïncidé avec la victoire sur Carthage et, d'autre part, le danger que présentaient pour la moralité romaine ces fêtes "scandaleuses", le Sénat prit des mesures destinées à isoler Cybèle dans son temple du Palatin : interdiction aux citoyens romains et aux esclaves de faire partie du clergé et de sacrifier à la déesse; rites et sacrifices confinés à l'intérieur du temple; quête publique autorisée uniquement à certains jours de l'année.   "Mon Dieu, je vous en conjure, changez les cieux et alignez toutes les étoiles pour dessiner la forme de la Crète. Aussitôt un autre poursuit : Un printemps sans mois de mai j’aurais pu l’imaginer Mais jamais, au grand jamais, que mes amis trahiraient. Un troisième enchaîne: Il y en a qui sont pris de vertige en haut de la falaise. Et d’autres qui, au bord du vide, dansent le pentozali". Ces mesures restrictives expliquent que le culte de la "Grande Mère" ait eu une existence obscure jusqu'à la période impériale. Celle-ci marque une nouvelle phase dans la religion de la "Grande Mère": Auguste, hostile aux cultes orientaux qu'il bannit hors du "pomerium", manifeste au contraire son attachement au culte de Cybèle dont il fait reconstruire le temple, détruit par un incendie, qu'il dédie en l'an III. Sa femme, Livie, est assimilée à la déesse. Les poètes augustéens rattachent le culte aux origines troyennes de Rome. Des innovations importantes sont ensuite apportées par l'empereur Claude et les Antonins. Le parèdre de la déesse, Attis, est doté d'un culte officiel et son prestige s'est progressivement accru aux dépens de celui de Cybèle. De nouveaux prêtres, les archigalles, sont choisis parmi les citoyens romains. La Mère des dieux est introduite officiellement dans le panthéon romain à la fin de la seconde guerre punique, en 204 avant notre ère. Elle est d’abord installée dans le temple de la Victoire, sur le Palatin, et c’est à côté de ce sanctuaire que lui est ensuite construit un temple. Alors que, normalement, les divinités étrangères intégrées au panthéon romain reçoivent un lieu de culte hors du pomerium, "Mater Magna" se voit dotée d’un temple au cœur même de la cité, sur la colline du fondateur de Rome. Le choix de ce site s’explique par la participation de la divinité à la légende troyenne : elle a aidé l’ancêtre de Romulus, Énée, à fuir Troie en proie aux flammes. Nouvelle arrivée dans l’Vrbs, la déesse étrangère peut donc aussi y assumer le statut de divinité ancestrale et tutélaire. En suivant un passage de l’historien hellénophone Denys d’Halicarnasse,  les Modernes ont admis que, d’emblée, deux formes de culte parallèles coexistent à Rome pour rendre hommage à la déesse: une forme romaine lors des fêtes publiques d’avril et une forme phrygienne, lors des fêtes de mars, qui font leur entrée dans le calendrier officiel romain sous l’empereur Claude. D’autres nouveautés apparaissent sous l’Empire dans le culte de la déesse: le rite du taurobole, sacrifice d’un taureau dont les testicules font l’objet d’un traitement particulier, et la fonction prophétique d’archigalle. Pour aborder ce constat paradoxal, nous avons emprunté comme voie d’accès les quelque 190 vers qu’Ovide consacre à la Mère des dieux dans le quatrième livre de ses "Fastes", à la date du 4 avril. Ce long passage se révèle particulièrement riche, dans la mesure où Ovide dépeint la divinité en utilisant une vaste palette de marqueurs: les noms et épithètes de la déesse, ses images et attributs, les pratiques et acteurs de son culte, les récits mythiques et les exégèses qui s’y rapportent. Ces marqueurs servent de révélateurs utiles des identités et modes d’action de la divinité mais aussi de ses terrains d’action. À travers ses noms et épithètes, la déesse apparaît comme liée à des montagnes de Troade et de Phrygie. "Magna et Idaea", ces deux épithètes, présentes dans sa titulature officielle à Rome, ne semblent pas lui avoir été attribuées précédemment. De même, l’image profondément ancrée dans les esprits, d’une déesse tourelée, tambourin sous le bras et trônant sur un char tiré par des lions, correspond à une manière bien romaine de figurer la divinité. Originelle et ancestrale, la déesse, assimilée à Rhéa, est mère des Olympiens mais aussi phrygienne et donc étrangère. Soutien d’Énée, la déesse à la couronne crénelée devient également protectrice de la Ville fondée par ses descendants. Elle offre sa protection à l’"Vrbs" et aux cités romaines et est largement comprise comme une pourvoyeuse de "salus". Mais la déesse peut aussi se révéler redoutable et susciter l’effroi, voire la folie, au son des instruments phrygiens qui accompagnent ses cérémonies. La déesse est assimilée à "Tellus" par plusieurs auteurs, tels Lucrèce, Varron et Servius. Revêt-elle pour autant une fonction céréalière, comme le supposent certains Modernes ? Elle ne semble pas honorée à cette fin à Rome. Ce sont les interprétations allégoriques de son culte qui la mettent en liaison avec la culture des céréales.    "Les Grecs présents sont ceux qui ont survécu mais quelque chose en eux est mort, dévoré par un monstre obscur agrippé à leur cœur comme du lierre à un mur. Une noirceur qui leur fait oublier que derrière ces murailles beaucoup ne sont pas des soldats. Qu'ici vivent des femmes, des enfants, des vieillards. Un monstre noir aux babines retroussées, au regard fou, et qui, quand il se met à hurler, efface toute bonté de ce monde". Le rapport de "Mater Magna" aux céréales apparaît conditionné dans ces exégèses par la nécessité de justifier la présence des galles à ses côtés. Les interprétations savantes rapprochant Mater Magna des céréales semblent donc reposer, non pas sur des fonctions agraires qu’aurait remplies la déesse, mais sur les pratiques des galles et sur l’homophonie "Phryges-fruges", qui permet de gloser sur l’autocastration des galles. Quant au passage de Jean le Lydien, il est dès lors plus vraisemblable qu’il fasse référence à un sacrifice pour les pâturages. "Mater Magna" en aurait été protectrice, elle que les récits mythiques renvoient à un stade pré-céréalier, tout comme l’offrande du "moretum" (mélange de fromage blanc et d’herbes) sur lequel s’interroge Ovide ("des mets antiques pour une antique déesse", pastorale). La plupart des offrandes faites au sein de l’un ou de l’autre collège présente des caractéristiques formelles très similaires. De même, les textes de ces dédicaces semblent suivre un certain formulaire. Ces fortes ressemblances pourraient laisser supposer qu’elles ont été posées plus ou moins en même temps. Pourtant, elles se sont étalées sur plusieurs décennies. Autrement dit, l’aspect matériel et la formulation de ces offrandes semblent avoir été relativement standardisés au sein de ces deux associations. Les dates retenues pour ces offrandes ont été soigneusement sélectionnées et apparaissent directement liées au choix de l’empereur ou de la divinité honorée. Les fonctions de ces dieux reflètent et complètent divers aspects de l’action de "Mater Magna". Si les liens entre Victoire et Mater Magna sont bien connus à Rome, ils sont également présents à Ostie, à travers les inscriptions tauroboliques posées pour le salut et le succès militaire des empereurs. Ce sont toutefois d’autres réseaux qu’éclairent les dédicaces des dendrophores. Ceux-ci se tissent également autour de fonctions liées au monde militaire, avec Mars et Virtus. Ils peuvent aussi s’inscrire dans des récits mythiques ou dans des interprétations allégoriques largement partagées, qui permettent d’assimiler ou, à tout le moins, de rapprocher la Mère des dieux de "Tellus". Protectrice d’Énée, la Mère des dieux est, pour les Romains, troyenne et ancestrale. Dans le même temps, elle est aussi phrygienne, de Pessinonte, étrangère donc. Le caractère exotique de ses processions et de certaines pratiques liées à son culte reflète, aux yeux des Romains, cette provenance lointaine, phrygienne, chargée d’ambigüité. Au terme de notre parcours, il apparaît que l’extranéité de la déesse est certes liée à ses origines mais qu’il s’agit aussi d’une extranéité construite. C’est ce que montre la représentation de la déesse tourelée, trônant sur son char tiré par des lions. Si cette image évoque le caractère étranger et exotique de "Mater Magna" et de son culte, elle n’a pas d’équivalent, sous cette forme, dans sa contrée de provenance ou dans les mondes grecs et hellénistiques. C’est ce qu’indique aussi le titre officiel de la déesse: grande et idéenne, deux épithètes qu’elle ne porte pas avant son arrivée à Rome et qui sont pourtant constitutives de sa nouvelle identité. On représentait Cybèle sous les traits et avec la prestance d’une femme robuste. Elle portait une couronne de chêne, arbre qui avait alors nourri les premiers hommes.    Bibliographie et références:   - Clément d’Alexandrie, "Protreptique" - Christhian Bonnet, "La divinité Cybèle" - Philippe Borgeaud, "Cybèle, la Mère des dieux" - Claude Brixhe, "La déesse Cybèle" - Henri Graillot, "Le culte de la déesse Cybèle" - Denys d’Halicarnasse, "Antiquité romaines" - Emmanuel Laroche, "La déesse Cybèle" - Filippo Coarelli, "Guide archéologique de Rome" - Claude Brixhe, "Le nom de Cybèle" - Paul de luzy, "Cybèle, la Mère de Dieu" - Jacqueline de Romilly, "Le culte de Cybèle" - Robert Turcan, "Cybèle et Attis" - Aurelius Victor, "De viris illustribus"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir. 
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