La rubrique "Articles" regroupe vos histoires BDSM, vos confessions érotiques, vos partages d'expériences SM. Vos publications sur cette sortie de blog collectif peuvent aborder autant les sujets de la soumission, de la domination, du sado-masochisme, de fétichisme, de manière très générale ou en se contentrant très précisément sur certaines des pratiques quu vous connaissez en tant que dominatrice/dominateur ou soumise/soumis. Partager vos récits BDSM, vécus ou fantames est un moyen de partager vos pratiques et envies et à ce titre peut être un excellent moyen de trouver sur le site des partenaires dans vos lecteurs/lectrices. Nous vous rappelons que les histoires et confessions doivent être des écrits personnels. Il est interdit de copier/coller des articles sur d'autres sites pour se les approprier.
Par : le 05/05/24
"J'avais pour les étables un goût plus irrésistible que jamais courtisan pour les antichambres royales ou impériales. On n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n'en a pas". Ce sont deux lapins dodus et craintifs qui grignotent une carotte. Rien de mièvre cependant dans ce petit tableau animalier, brossé à la manière flamande, qui retient l’attention du jury du Salon annuel de peinture de Paris de 1841. Surprise d’être sélectionnée, Rosa, qui n’a que dix-neuf ans (1822-1899), se réjouit d’exposer, pour la première fois, aux côtés de son père, l’excentrique Raimond Bonheur. Dans cette famille d’artistes adepte des idées philanthropiques saint-simoniennes, la jeune fille a appris la peinture et la sculpture en même temps que ses frères Auguste et Isidore et sa sœur Juliette. Car Auguste, en 1864, a alors racheté l’atelier d’un autre peintre animalier Jacques Raymond Brascassat, qui influença beaucoup les Bonheur, à Magny-les-Hameaux. Il y était plus facile d’entretenir là une ménagerie d’animaux-modèles qu’à Paris. Rosa, cependant, ne viendra que rarement à Magny. Il semble qu’Auguste, bon peintre animalier lui-même, se soit posé en rival, alors qu’Isidore, ayant choisi la sculpture, est resté son complice. La jeune femme accède au succès dès 1849 avec un tableau majeur, "Labourage nivernais": un train d’attelage de bœufs saisi dans son élan, baigné d’une lumière dorée héritée des maîtres italiens qu’elle a étudiés. C’est à elle, désormais financièrement indépendante, qu’incombera durant une quinzaine d’années, de soutenir la famille, d’autant que leur père décède cette année-là. Cette France paysanne, éternelle et sereine, qu’elle peint, correspond aux idées conservatrices du nouveau régime: le second empire. Puis son "Marché aux chevaux", chef-d’œuvre de 1853, va l’installer dans un rôle quasi officiel. L’impératrice Eugénie elle-même, la visitera deux fois dans l’atelier qu’elle s’est choisi à By, près de Fontainebleau, et fera d’elle la première femme à recevoir la légion d’honneur, avec ce compliment: "Le génie n’a pas de sexe". Pourtant, Rosa passe pour une anticonformiste, célibataire vivant avec une autre femme, s’habillant volontiers en homme pour visiter les foires, fumant le cigare avec le cow-boy Buffalo Bill venu pour l’Exposition universelle de 1889. Mais jamais elle ne fera scandale ni ne se posera jamais en porte-parole de la cause féministe. C’est après sa mort qu’on la verra comme telle. "Le Marché aux chevaux" la rend si célèbre en Grande-Bretagne et aux États-Unis, qu’elle va désormais surtout peindre pour cette clientèle étrangère. Au point qu’aujourd’hui son œuvre est à tort, jugée dépassée en France, alors qu’elle reste estimée outre-Atlantique où se trouvent les meilleurs de ses quatre mille tableaux et dessins. Femmes célèbres, illustres, extraordinaires, exceptionnelles, héroïques, fortes. Les qualificatifs rivalisent pour isoler celles dont les qualités ou les actes rompent tant avec la définition normative de la féminité qu’elles suscitent l’étonnement ou l’admiration. Si l’historiographie rejette, à juste titre, les "depuis toujours", force est d’avouer que, dans le cas présent, on peine à dater le premier auteur intéressé par ce sujet qui s’inscrit dans la lignée des "Vies parallèles des hommes illustres" de Plutarque. On s’accorde, néanmoins, à reconnaître un précurseur en Boccace et son "De Claris Mulieribus", débuté en 1360. La première édition est imprimée en français en 1491 sous le titre "Des Dames de renom", bien après que Christine de Pizan a inauguré en 1405 avec "La Cité des Dames" la vogue de ces biographies féminines qui ne cessera plus. Le XIXème siècle, à peine influencé par l’héroïsation révolutionnaire, démocratise un peu et l’étend à toutes les femmes qui se sont distinguées par leur courage, leur beauté, leurs talents et même leurs erreurs ou leurs vices.    "Les animaux sont des amis tellement agréables, ils ne posent jamais de questions, ils ne font aucune critique. On peut juger de la grandeur d'une nation et ses progrès moraux par la façon dont elle traite les animaux". En 1830, Louis Prudhomme propose alors en quatre volumes rédigés par une Société de gens de lettres une ambitieuse "Biographie universelle et historique des femmes célèbres", mortes ou vivantes qui se sont faites remarquer dans toutes les nations et, tandis que la patrie n’est toujours reconnaissante qu’aux grands hommes, le Panthéon des femmes cherche sous la direction d’Achille Poincelot à mesurer en 1854-1856 leur influence, Édouard Plouvier n’est pas en reste avec "Le Livre d’or des femmes, publié en 1870. Un marronnier de l’édition est bel et bien planté. Il renaît à chaque saison, ajoutant quelques nouvelles fleurs à un bouquet un peu fané. Dès lors, la célébrité devient un critère incontournable. Se côtoient, désormais, des héroïnes de l’Histoire, des comédiennes, des écrivaines, mais aussi quelques épouses et des mères exemplaires, figures d’époques révolues, plus que du temps présent. Le XXème siècle, plus soucieux d’un succès commercial que de rigueur historique, confond, lui, célébrité et exceptionnalité. Il préfère mettre en valeur une actrice qui fera davantage recettes, qu’une peintre injustement oubliée. Une star, adulée de ses fans, potentiels lecteurs, qu’une résistante, retournée après-guerre à un quotidien qui ne fera pas vendre. De fait, l’héroïsme, plus souvent sacrificiel chez les femmes que chez les hommes, s’affadit, avant que le terme ne disparaisse des couvertures et des récits, contribuant à banaliser les vies féminines, à normaliser le féminin. Quelques figures séculaires échappent à cet ostracisme, mais elles survivent, le plus souvent, caricaturées dans ces ouvrages, comme dans la plupart des manuels scolaires des deux premiers tiers du XXème siècle. Cléopâtre réduite à son nez, Aliénor d’Aquitaine à sa nombreuse progéniture, Jeanne d’Arc à sa virginité. Plus négatives sont les descriptions de Catherine de Médicis, couverte du sang de la Saint-Barthélemy, de Marie-Antoinette, une traître car louve autrichienne, voire mère incestueuse, ou de Charlotte Corday, cruelle meurtrière de Marat. Cette distorsion de la réalité par des plumes essentiellement masculines a des effets négatifs sur l’appréhension du féminin. En effet, même admiratives, ces biographies réduisent la grandeur féminine à quelques individus, créant ainsi une inégalité numérique et qualitative entre les sexes. La preuve en est que les grands hommes, créateurs ou hommes publiques, peuplent les dictionnaires de noms propres et que certains sont panthéonisés, alors que parler d’une grande femme, c’est évoquer sa taille, tandis qu’une femme publique est une prostituée. Quant au Panthéon, il ne se féminine que bien timidement depuis la fin du siècle dernier, sous des présidences socialistes de la République. En 1995, à l’initiative de François Mitterrand, la scientifique, par deux fois nobélisée, Marie Curie (1867-1934) est "le premier grand homme" à reposer, soixante ans après sa mort, dans le temple de l’excellence, la présence de Sophie Berthelot, "l’inconnue du Panthéon", ne se justifiant que par la volonté familiale de ne pas séparer la dépouille du chimiste Marcellin Berthelot de celle de son épouse. Mais Rosa Bonheur se moquait bien de toutes ses considérations, même si elle accepta des mains de l'impératrice Eugénie la "rosette".    "De tous les animaux qui s'élèvent dans l'air, qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer, de Paris au Pérou, du Japon jusqu'à Rome, Le plus sot animal, à mon avis, c'est l'homme". Avant d'être celui d'une guinguette du parc des Buttes-Chaumont, Rosa Bonheur est le nom d'une artiste, spécialisée dans la peinture animalière. Médaillée au Salon de 1848 pour "Bœufs et taureaux", race du Cantal, plébiscitée l'année suivante avec "Le Labourage nivernais", elle devint riche et célèbre en 1853 pour son "Marché aux chevaux". À l'époque, son œuvre est alors qualifiée de "peinture d'homme, nerveuse, solide, pleine de franchise". Il faut dire que Rosalie, dite "Rosa" (1822-1899), ne respecte guère les conventions. Elle fume, visite les foires en pantalon et partage son existence avec une femme. Rosalie Bonheur naît le seize mars 1822 à Bordeaux. Sa mère Sophie Marquis (1797-1833), née de parents inconnus, est adoptée par un riche commerçant bordelais, Jean-Baptiste Dublan de Lahet. Rosa Bonheur se plaira à imaginer que le mystère de ses origines maternelles cache quelque secret d'État et qu'elle est de sang royal, jusqu'au jour où elle apprend que Dublan de Lahet était bien son véritable grand-père. Sophie Marquis épouse, le vingt-et-un mai 1821 à Bordeaux, son professeur de dessin, le peintre Raymond Bonheur. Son père à Bordeaux a été ami avec Francisco Goya qui y vivait en exil. Il encourage ses enfants dans la voie artistique. Rosa, Auguste et Juliette deviendront peintres animaliers tandis que leur frère Isidore sera sculpteur. Elle est également la cousine du peintre Ferdinand Bonheur. Fortement influencé par le Saint-simonisme, Raymond Bonheur décide de s'installer à Paris en 1828. Sa femme et ses trois enfants l'y rejoignent l'année suivante, Rosa a alors six ans. Leur fille Juliette y naît en juillet 1830. Mais la famille vit dans la gêne. En 1831, Raymond Bonheur décide de rentrer, avec un groupe de Saint-Simoniens, au couvent de Ménilmontant. Pendant ce temps, Sophie ne reçoit plus de subsides de son père supposé, mort en 1830, et elle s'épuise à travailler pour surmonter une vie de misère. D'après les témoignages familiaux, Rosa est une enfant indisciplinée et a du mal à apprendre à lire. Pour y remédier, sa mère lui a appris à lire et à écrire en lui faisant sélectionner et dessiner un animal pour chaque lettre de l'alphabet. La mère de Rosa Bonheur meurt en mai 1833. Son père se remarie neuf ans plus tard, en 1842, avec Marguerite-Félicie Peyrol , avec laquelle il a un dernier fils, Germain-Louis, qui sera également peintre. Après la mort de sa mère, Rosa fréquente l'école élémentaire, puis est mise en apprentissage comme couturière, puis en pension. Son père finit par la prendre dans son atelier, où se révèlent ses aptitudes artistiques. Pendant l'été 1839, elle commence à étudier les animaux qui deviendront sa spécialité, tant en peinture qu'en sculpture. Élève de son père, elle expose pour la première fois à dix-neuf ans au Salon de 1841. Elle obtient une médaille de bronze au Salon de1845 et une médaille d'or au Salon de 1848 pour "Bœufs et Taureaux, race du Cantal". Cette récompense lui permet d'obtenir finalement une commande de l'État pour réaliser un tableau agraire pour une somme de trois mille francs.    "Je n'ai pas besoin de me marier. J'ai trois animaux à la maison qui remplissent le même rôle qu'un mari. J'ai un chien qui grogne le matin, un perroquet qui jure l'après-midi et un chat qui rentre tard dans la nuit". À la mort de son père en mars 1849, Rosa Bonheur le remplace à la direction de l'École impériale gratuite de dessin pour demoiselles, ou École gratuite de dessin pour jeunes filles. Elle y conserve ce poste jusqu'en 1860. "Suivez mes conseils et je ferai de vous des Léonard de Vinci en jupons" disait-elle souvent à ses élèves. Avec son immense tableau "Le Marché aux chevaux", présenté au Salon de 1853, Rosa Bonheur obtient une grande notoriété. À une époque où des polémiques opposent sans cesse romantiques et classiques, son tableau "a le rare et singulier privilège de ne soulever que des éloges dans tous les camps. C'est vraiment une peinture d'homme, nerveuse, solide, pleine de franchise". À la suite de ce succès, elle accède alors à une reconnaissance internationale qui lui vaut d'effectuer des tournées en Belgique et en Angleterre, organisées par Gambart, au cours desquelles elle est présentée à des personnalités, telles que la reine Victoria. Le tableau part ensuite aux États-Unis où il est finalement acquis par un milliardaire américain pour l'énorme somme de 268 500 francs-or, avant d'être offert au Metropolitan Museum of Art de New York. Rosa Bonheur séjournera à plusieurs reprises en Auvergne, dans le Cantal en 1846, 1847 et plus tardivement en 1889. À l'été 1855, elle se rend en Angleterre et en Écosse pour présenter "Le Marché aux chevaux", que la ville de Bordeaux a refusé d'acheter. Elle se lie d'amitié avec le marchand londonien Ernest Gambart, qui devient son seul agent en Grande-Bretagne et qui achète le tableau pour quarante mille francs. Elle a également rencontré le maître anglais de la peinture animalière, Sir Edwin Landseer (1802-1873), ainsi que la reine Victoria et l'influent critique John Ruskin. Entre 1856 et 1867, elle n'expose plus au Salon, toute sa production étant vendue d'avance. "Nous avons toujours professé une sincère estime pour le grand talent de mademoiselle Rosa Bonheur", écrit Théophile Gautier cette année-là," avec elle, il n'y a pas besoin de galanterie, elle fait de l'art sérieusement, et on peut la traiter en homme. La peinture n'est pas pour elle une broderie au petit point". En 1860, Rosa Bonheur s'installe à By, coteau viticole près du village de Thomery en Seine-et-Marne, dans une vaste demeure au sein d'une propriété de quatre hectares où elle fait construire un très grand atelier, par Jules Saulnier e taménager des espaces pour ses animaux. Un de ses proches: "Elle avait une ménagerie complète dans sa maison: un lion et une lionne, un cerf, un mouton sauvage, une gazelle, des chevaux. L'un de ses animaux de compagnie était un jeune lion qu'elle laissait courir souvent. Mon esprit fut plus libre d'esprit quand cet animal léonin a rendu l'âme".    "Entouré d'un univers de choses tangibles et visibles. Les animaux, les végétaux, les astres, l'homme, de tout temps, perçoit qu'au plus profond de ces êtres et de ces choses réside quelque chose de puissant qu'il ne peut décrire, et qui les anime". En juin 1864, l'impératrice Eugénie lui rend une visite surprise, pour l'inviter à déjeuner, fin juin, au château de Fontainebleau avec Napoléon III. Cette visite a donné lieu à une gravure sur bois d'après un dessin d'Auguste Victor Deroy, conservée au musée du château de Fontainebleau. L'impératrice revient à By l'année suivante, le dix juin 1865, pour lui remettre, elle-même, les insignes de chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur, faisant ainsi de Rosa Bonheur la première artiste et la neuvième femme à recevoir cette distinction. Elle est aussi la première femme promue Officier dans cet ordre, en avril 1894, soit, selon les termes également en usage dans la presse de l'époque, la première officière de la Légion d'honneur. Rosa Bonheur présente dix toiles à l'Exposition universelle de Paris de 1867. À partir de 1880, Rosa Bonheur et Nathalie Micas passent régulièrement l'hiver à Nice, tout d'abord dans la demeure d'Ernest Gambart, la villa "L'Africaine", puis à partir de 1895, dans celle qu'elles acquièrent, la villa "Bornala". Rosa Bonheur y peint plusieurs toiles. À l'occasion de l'Exposition universelle de Paris de 1889, elle invite Buffalo Bill dans son domaine après qu'il l'eût invitée à être artiste en résidence dans son "Wild West Show". À cette occasion, elle reçoit une panoplie de Sioux. Une amitié forte naît entre eux, et elle fera même son portrait. En 1893, lors de l'Exposition universelle de Chicago, deux tableaux de Rosa Bonheur sont exposés au Palais des Beaux-Arts. Il en est ainsi pour trois lithographies au "Woman's Building". Mais dans les deux cas, ce furent des prêts de collectionneurs privés (Gambart, Keppel). En effet, bien qu'il l'ait sélectionnée, le comité français d'organisation fut obligé de renoncer alors à envoyer ses œuvres à Chicago, ne pouvant faire face aux frais d'assurance requis pour le transport. Ayant contracté une congestion pulmonaire à la suite d'une promenade en forêt, Rosa Bonheur meurt le vingt-cinq mai 1899 au château de By, sans avoir achevé son dernier tableau "La Foulaison du blé en Camargue". Elle est inhumée à Paris au cimetière du Père-Lachaise, dans la concession que la famille Micas lui avait léguée. Elle y repose aux côtés de Nathalie Micas et d'Anna Klumpke, dont les cendres furent rapatriées en 1948, après sa mort aux États-Unis en 1942. Les obsèques de Rosa Bonheur font l'objet de nombreux articles dans "La Fronde", journal féministe fondé par Marguerite Durand en 1897. Hubertine Auclert regrette qu'elle n'ait pas accepté les honneurs militaires pour ses obsèques, hommage qu'elle aurait pu recevoir en tant qu'officière de la Légion d'honneur, mais que Rosa Bonheur avait clairement refusés. Elle était trop "patriote".    "Au début des temps, il n'y avait pas de différence entre les hommes et les animaux. Lorsque nous ramenons des animaux sauvages à la nature, nous les renvoyons simplement à ce qui leur appartient déjà. Car l'homme ne peut pasdonner la liberté aux animaux sauvages, il ne peut que leur enlever". De son vivant, sa peinture est achetée et admirée tant par les institutions que les collectionneurs privés. Aujourd’hui, elle est perçue comme une figure emblématique du féminisme, car elle a réussi, à son époque, à mener la vie qu’elle souhaitait en s’affranchissant des modèles stéréotypés de son temps. Au cours de ses années de jeunesse à la campagne, au château Grimont à Quinsac, Rosa Bonheur a la réputation d'être un garçon manqué, réputation qui la suivra toute sa vie et qu'elle ne cherchera pas à nier, portant les cheveux courts et fumant par la suite, en privé, cigarettes et havanes. Elle a toujours refusé de se marier, afin de rester indépendante, et en raison des mauvais souvenirs que lui a laissés l'attitude de son père vis-à-vis de sa mère. Et puisqu'à l'époque, le mariage fait des femmes mariées des subalternes de l'homme, elle considère qu'il l'aurait empêchée de se dévouer à son art. La vie émancipée que menait Rosa Bonheur n'a pas fait scandale, à une époque pourtant très soucieuse des conventions. Comme toutes les femmes de son temps depuis une ordonnance datant de novembre 1800, Rosa Bonheur devait demander une permission de travestissement, renouvelable tous les six mois auprès de la préfecture de Paris, pour pouvoir porter des pantalons dans le but, notamment, de fréquenter les foires aux bestiaux ou de monter à cheval. Nathalie Micas avait également une autorisation de travestissement. Cependant, sur toutes les photographies "officielles", Rosa Bonheur respectait la loi et portait toujours une robe. Si le lesbianisme de Rosa Bonheur, évoqué par des auteurs, mais réfuté par d'autres, n'est pas avéré, elle a cependant vécu, en réel compagnonnage, avec deux femmes. La première, Nathalie Micas, rencontrée en 1837. Rosa avait quatorze ans et Nathalie douze, qui deviendra peintre comme elle, et dont elle ne sera séparée qu'à la mort de cette dernière en 1889. La seconde, après la mort de Nathalie Micas, en la personne de l'américaine Anna Klumpke, également artiste-peintre de talent, qu'elle connut à l'automne 1889 et qu'elle reverra à plusieurs reprises. Anna Klumpke vint vivre avec elle à By en juin 1898 pour faire son portrait, et écrire ses mémoires. À la demande de Rosa Bonheur, elle y demeure et devient son héritière et sa légataire universelle, tout comme Rosa Bonheur l'avait fait, auparavant avec Nathalie Micas."C'est moi qui ai payé, aussitôt que cela me fut possible les frais d'éducation de Germain. L'on a dit que c'était moi qui étais sa mère et non sa bienfaitrice. C'est là des choses qu'on peut pardonner, mais oublier jamais "ou bien des médisances sur A. Klumpke circuleront, qui la feront souffrir. "Admiration qui ne demandait qu'à se muer en affection". Rosa Bonheur vécut riche, célèbre, heureuse, en exerçant dès l´adolescence le métier qu´elle s´était choisi: peintre animalière. Pour une femme du XIXème siècle, une exception, un défi. Grâce à un immense talent et une puissante force de travail, elle accomplit la promesse faite à sa mère, sa mère morte. Sophie X-Bonheur mourut à trente-six ans dans d´insupportables circonstances. Rosa n'avait qu'onze ans. Cette tragédie aurait pu l´anéantir totalement, elle lui transmit au contraire la force d´accomplir ce qui devint alors une mission de vie. "Relever la femme, venger la mère ".   "La cruauté ne peut venir que des hommes. Les animaux ne tuent que par nécessité, et non pour le plaisir. Pour être heureux, inspire-toi de la conduite des animaux". On mesure combien la définition même de l’exceptionnalité féminine est liée à celle du féminin, non dans sa dimension biologique, mais dans sa construction sociale, culturelle, politique, ceque l’on nomme désormais le genre. Comme celui-ci, elle est donc historicisable. Écrivaine au talent reconnu, influente politiquement, anticonformiste dans son pseudonyme littéraire, dans ses tenues vestimentaires et dans sa vie privée tumultueuse, Aurore Dupin, alias George Sand (1804-1876), remplit au cœur du XIXème siècle tous les critères de l’exceptionnalité féminine, lesquels au début du XXIème siècle lui vaudraient de voir alors son œuvre saluée, sans qu’elle-même soit qualifiée de femme extraordinaire. Qualifiées communément de grandes dames, tonalité nobiliaire qui les différencie du peuple-femme, ces êtres d’exception sont alors marginalisés par la discrétion et la modestie des honneurs qui leur sont rendus. À sa création en 1802, la Légion d’honneur, une reconnaissance essentiellement militaire, ne concerne pas les femmes, exclues de surcroît de l’armée depuis une loi de 1793. Pourtant, en 1851, Marie-Angélique Duchemin (1772-1859), veuve Brulon, "sous-lieutenant aux Invalides", en est décorée pour "ses sept ans de service, sept campagnes, sept blessures", dans sa lutte contre les Anglais le cinq prairial an II (vingt-quatre mai 1794). En fait, cette décoration permet surtout à Louis-Napoléon Bonaparte de s’affirmer alors, après son coup d’État, héritier de la Révolution. Soucieuse de faire reconnaître les talents féminins, d’inscrire cette récompense hors du champ de la guerre, l’Impératrice Eugénie intervient pour promouvoir en 1865 la peintre Rosa Bonheur (1822-1859) Chevalier de l’Ordre. Alors que la première guerre mondiale, de par la figure écrasante du soldat, accentue impartialement le déséquilibre quantitatif entre les sexes, l’inscrivant aussi dans les monuments aux morts, bien oublieux de la contribution féminine, il faut attendre 1931 pour que la grande poétesse Anna de Noailles (1876-1933), nommée Officier en 1925, devienne Commandeur en qualité de femme de Lettres, et 1953 pour que soient élevées à la dignité de Grand-officier, l’écrivaine Colette (1873-1954), Commandeur depuis 1936 et, pour son action sociale, la maréchale Lyautey (1862-1953). Derrière cette identité maritale, qui accorde même le haut grade d’un militaire à son épouse, disparaît Inès de Bourgoing. La filleule de l’Impératrice Eugénie se dévoue toute sa vie aux causes humanitaires, particulièrement au Maroc, et devient en 1926 Présidente du Comité central des Dames de la Croix-Rouge française. Ce registre humanitaire justifie que la Grand ’Croix de la Légion d’honneur soit enfin attribuée en 1997 à une femme, Geneviève De Gaulle-Anthonioz. Si, depuis les années 2000, chaque promotion respecte la parité, la multiplication de ces nominations, et surtout leur vulgarisation ont vidé, en partie, la Légion d’honneur de sa grandeur originelle et donc ainsi de son exceptionnalité.    Bibliographie et références:   - Henry de Collet de La Madelène, "Rosa Bonheur ou le talent animal" - Dore Ashton, "Rosa Bonheur, a life and a legend" - Marie-Jo Bonnet, "Les deux amies, un couple de femmes dans l'art" - Marie Borin, "Rosa Bonheur: une artiste à l'aube du féminisme" - Danielle Digne, "Rosa Bonheur ou l'insolence" - Albertine Gentou, "Rosa Bonheur: une femme au service de l'art" - Natacha Henry, "Rosa Bonheur l'audacieuse" - Anna Klumpke, "Rosa Bonheur: sa vie son œuvre" - Frédéric Lepelle de Bois-Gallais," Biographie de Rosa Bonheur" - Eugène de Mirecourt, "Rosa Bonheur" - Gonzague Saint Bris, "Rosa Bonheur, liberté est son nom"   Bonne lecture à toutes et à tous .Méridienne d'un soir.
286 vues 4 aime
Par : le 04/05/24
Cette nuit. Douceur absolue. J'ai le bonheur de faire la rencontre d'une personne qui me touche. Je me refais nos échanges en boucle dans ma tête. Son imagination m'a émoustillé. Je me refais le film, je m'endors. Rêve incroyable!! Mon imagination a très bien travailler. Mes rêves sont la continuité de nos échanges!! Douceur !!😇 Chaleur! Me voilà sorti de mes songes dur!! Très dur! Haletant et déboussolé ! Un peu humide même... Je reprend mes esprits et me rend compte que ce n'est pas mon lit, pas chez moi... Je regarde auprès de moi, j'y trouve des pieds divins. Je suis donc aux pieds de quelqu'un... Ma curiosité me pousse à découvrir à qui appartiennent ces pieds. Je remonte donc délicatement toujours très dur... Je découvre avec délice un long corps. Des jambes interminables d'une douceur que je ne peux me retenir de carresser de ma joue, mes lèvres. Mes lèvres carressent ce corps de plus en plus haut. Une fleur que je préfère laisser tranquille. Je ne sais toujours pas qui j'ai le bonheur de goûter. Un nombril mignon me fait un clin d'œil sur mon passage. Une jolie petite poitrine dont les tetons sont fièrement dressés. Ce doit être la fraîcheur nocturne... Voilà que mes lèvres rencontrent un cou que je me suis plu à imaginer mordre. Je commence à comprendre. Je me redresse et devine dans la semi obscurité un magnifique sourire dont je connais la malice. Un œil s'ouvre légèrement sur un iris perçant. Me voilà figé par cet œil! Une voix magnifique, suave... JOUJOU! Au pied!!!!! Je gémis. Cet ordre... Je m'entend répondre : Dame, j'ai rêver de vous. On me retorque: Tu es dur?? Ma réponse ne fut qu'un gémissement acquiesseur... Le second œil apparaît avec une lueur d'envie dans le fond du regard. J'explique: Dame, j'ai rêver de vous et c'était bon. Je suis humide de désir... Cet œil se durci, l'ordre fuse ! ALLONGE TOI!!! Cette voix suave qui claque dans la nuit ne me laisse pas le choix. Je m'allonge donc avec soumission. Je crois que l'être divin que j'ai réveiller tiens à reprendre le plaisir que je lui ai voler dans mes songes. Je sent du cuir froid autour de mes poignets... Il se réchauffe très vite tellement ils sont serrés. Ce même cuir sur mes chevilles. Douleur chaude et prometteuse. Ma Déesse passe ensuite une lanière de lin avec minutie dans chaque anneaux de mes liens. Je me délecte de sentir son parfum de fleur à chacun de ses passages prêt de mon visage. Sa voie suave me demande si je suis prêt. J'acquiece en gemissant. Cette domination si douce m'enlève tout les mots de la bouche. D'un geste habile et grâce à la minutieuse préparation de ma Dame, tout mes membres se retrouvent liés entre eux. J'attrape donc mes chevilles avec les mains, c'est tout ce que je peux faire. Ce sourire de contentement de ma déesse me rempli de fierté. Elle est fière d'elle et me glisse à l'oreille.. Bon Jouet! Je fond!! Elle me crache au visage pour me faire comprendre que je vais servir. "Tu n'as pas le droit de jouir sans moi!!! Tu es donc puni pour ça!!" La violence de ces propos contraste avec la douceur de cette voix dans laquelle j'entends de l'amusement. Je ressens un nouveau sentiment indescriptible... Mélange de fierté, d'appartenance... Mon corps est tremblant. Nouvelle pluie de salive sur mes lèvres. C'est bon!!! Voilà maintenant une fleur qui s'offre à mes lèvres. Ma Dame veut jouir. Elle m'ordonne de lui rendre l'orgasme que j'ai pris dans mes songes. Je m'y attele avec toute mon âme. Ma langue est en émoi. C'est si bon, chaud, floral. Je sens avec délice le corps de cette déesse faire des vas et viens sur mon visage. Je suis dur c'est intenable... ma Dame le sent et gifle mon intimité en m'ordonnant de me retenir! Ses mouvements divins se font de plus en plus intenses. Me coupant le souffle par moment. Dame gémis. Moi aussi! Nouvelle gifle sur mon sexe. Ses mouvements s'amplifiant, ses gemissements se transformant en cris... Mon bonheur est total! Ma Déesse jouie !!! Me voilà humide de son bonheur!!! Délicieuse pluie odorante sur mon visage! La fierté d'un devoir de jouet accompli. ma Dame se repose sur le côté. J'aperçois avec délice ses yeux gratifiants. Je bratte en lui demandant si je peux lui en offrir un autre avec mon sexe... Elle rit! Qu'il est beau ce rire!!!! Elle s'en va me laissant attaché, dur, souillé de son plaisir. J'entends sa douce voix : Pour ta prétention, j'en veux un autre, mais ton sexe restera inutile!! Je le prend comme je le veux!!! dit elle en me bâillonnant avec un sexe en plastique... Je gémis. Je gémis. Je ne peux faire que ça. Je m'abandonne à ses désirs si doux qui me transcende ! La voilà de nouveau assise sur mon visage!! Cette fois ci elle se fait pénétrer par un jouet qui prend naissance dans la bouche de son autre jouet. MOI!!! Quel délice de faire équipe!! Ses vas et viens incessants avec cette fleur si proche de mon regard me rendent fou... Elle le sent et me gifle de nouveau le sexe. Ses courbes idylliques se mouvant tel les vagues qui frappent une plage.... Ses gemissements doux comme des nuages... Sa peau habillée de la fraîcheur nocturne... Ses vas et viens sont pour moi le rythme de l'amour pour son jouet sur une symphonie de plaisir partagé! Sa main frappant mon sexe avec plus de vigueur, sa fleur frappant mes lèvres avec plus d'intensité. Mes joues se remplissent à nouveau de sa pluie d'amour. Ses cris se mêlant à mes gemissements. Son amour me coule dans la nuque... Elle continue de plus en plus fort, et avec ses hanches, et avec ses gifles si bien jetées sur mon sexe... Quel bonheur d'être le jouet d'une déesse ! Elle hurle de plaisir!!! Me voilà inondé!!! Son bonheur étant le mien, je jouis à mon tour... Elle cris de plus belle. Je gémis encore plus fort. Nos bonheur partagés, j'entends un doux "merci Joujou" tu as bien travailler. Fierté non dissimulé !! Elle défait doucement mes liens pour se blottir au creux de mon épaule. Elle s'endort avec douceur, son souffle dans ma nuque. Ses paroles résonnent dans mon esprit "merci joujou" je m'endors donc à mon tour avec le sentiment d'appartenance si doux... Mais mon réveil sonne... Je viens bel et bien de rêver... Douce frustration... Mes draps s'en souviennent... J'espère m'en souvenir longtemps…
303 vues 1 like
Par : le 03/05/24
Les jours suivants, une espèce d'écrin s'est installé, tendre, doux, comme un grand voile de soie. Dès que nous étions libre de nos obligations, à la sortie du travail et moi du lycée, une seule idée, être ensemble, je ne pensais même plus à trainer avec les copines, aux sorties du samedi, d'ailleurs je n'ai pas échappé aux commentaires du genres " on ne te vois plus, tu réponds pas aux messages, t'es amoureuse, il est comment, tu l'a déjà fait avec lui, tu peux bien nous raconter, c'est ça, t'es toute rouge, hahaha ! " je n'avais qu'une envie c'était de rentrer. Bien avant eux à la maison, je sautais sur mes cours pour terminer au plus vite. Un petit maquillage, un peu de parfum, j'adorais celui de Julien "Eau Sauvage" je recherchais le sourire, le commentaire, tous les soirs ne se ressemblent pas et parfois, un peu triste. Difficile à cet âge, tout change, le corps, les envies, la vie de chaque jour, parce qu'on a évolué et sauté quelques étapes mais j'étais encore un gamine, juste une ado  avec un peu d'avance , qui avait encore beaucoup à apprendre. C'était un de ces soirs où je rêvais du "Prince charmant " bien plus entreprenant que dans le comte, que ma sœurette se glisse sous ma couette, comme souvent, blottie dans mon dos, des frissons partout, à voix basse, Lydia me demande un coup de main pour le cadeau de St Valentin de Julien, en vrai,  " j'aimerais lui faire la surprise de sa vie et je pense avoir trouvé la merveille, qui en a envie aussi depuis longtemps" je suis passée de la douce chaleur de nos corps à la sueur de la trouille d'avoir compris qui était le cadeau 🎁 surprise. Jusque-là les caresses, les baisers et les doigts inquisiteurs suffisaient à ma curiosité mais là... Il faisait très chaud sous ce duvet, wouha. Je laissais échapper un "oh non" . Attends je t'explique: " nous allons souper au restaurant tous les trois, j'ai réservé, aussi au cabaret, après la soirée, on rentre à la maison, je préparerais les petits 📦 sur la table du salon à ouvrir après la soirée. On rentrent, comme d'habitude, on se déshabillent, on passent à la douche. J'ai achetais du ruban 🎀 en velour rouge, il est dans le tiroir des strings, je viendrais t'aider, pour faire de jolis nœuds à tes chevilles, aux poignets, autour de ta taille et à ton cou. Le reste sera noué au ruban à ton cou, dans son petit paquet cadeau il y aura un petit mot disant, qu'il lui faut trouver, le bout de ruban rouge au salon, il le trouvera près de la porte de ta chambre et devra le tirer, tu va sortir de ta chambre avec ta mine de petite souris et je lui dirais que mon cadeau de St Valentin c'est toi, j'aimerais que tu dises que nous lui offrons ta virginité en gage de notre 💘 que tu ne veux personne d'autre pour la première fois. On a un mois pour te préparer et je serais avec toi, je te tiendrais la main si tu as peur, je vais te montrer en détails ce que tu devra faire, Julien n'est pas un sauvage et tu sais qu'il t'adore, il a respecté sa parole quand vous étiez seul non? Je peux pas faire ça, il va se moquer de moi, je ne suis pas aussi jolie que toi, je n'y connais rien et je ne saurais pas quoi faire ni quand... Pas de panique, tu en as envie je le vois bien, on t'entend glousser le soir dans ton lit, depuis quelques semaines tes petits seins on prit du volume, tu es parti plusieurs fois au lycée sans culotte avec ta jupe plissée, j'espérais que tu n'avais pas un copain trop entreprenant... Non j'ai personne, juste exitée de sentir l'air sur ma vulve, je te jure rien de plus. Tu ne peux imaginer la peur et l'envie qui me brûle en même temps, tu sais, je vous aime mais suis complètement perdue, si j'ai mal ? Terrifiée ? Si je saigne et la honte de salir partout ? Je vais mourir. Non je te promets, on va tout voir ensemble, la seule chose que tu dois supporter c'est le passage de fille à femme, être déflorée, une minute de douleur avant un immense plaisir, je vais t'aider en préparant l'entrée pour limiter le côté pénible. Et d'ici là rien ne t'empêche de continuer avec 2 doigts... Même si je te tiens la main, tu dois lui appartenir entièrement toute la nuit et je te guiderai, penses y, pour nous trois, accepte ma Choupette 💋💝
579 vues 9 aime
Par : le 02/05/24
"La pureté du site nous exaltait. La côte, sur une longue distance, était plate, et nous circulions dans une parfaite solitude, entre deux ou trois lignes simples, ou notre œil n'aurait pu déceler le plus léger accident: la ligne noire de la forêt, à notre droite, une ligne dorée, devant nous, à la frontière du sable et de l'écume et à gauche, un horizon liquide, dur et gonflé. Toutes ces lignes couraient se rejoindre sous nos yeux, en un point éloigné vers lequel nous entraînait leur convergence, et qui fuyait toujours". Dans "Le Vent noir" de Paul Gadenne (1907-1956), le personnage principal, Luc, a aimé plusieurs femmes auprès desquelles il a cru trouver une vérité, évanescente et éphémère. Il a perdu l’une après l’autre ses compagnes mais c’est auprès de Marcelle, tour à tour proche et lointaine, douce et glaciale, "les yeux pleins d’un calme et insoutenable mépris", que Luc a contemplé la face grimaçante et sordide de la vérité qu’il a coûte que coûte recherchée. Cette révélation a valeur de jugement car Luc, au moment où il voit le mépris qu’il inspire dans le regard de Marcelle, "interprète sa rupture, son échec, comme une condamnation". Dès cet instant fulgurant qui semble avoir cristallisé le destin funeste du personnage, Luc aura l’impression de s’enfoncer dans la solitude la plus extrême, infernale, qu’aucune lueur d’aube, sinon celle d’un meurtre, ne trouera. Le souffle maléfique qui anime ces pages, parmi les plus sombres et puissantes de la littérature française, est celui du vent noir, un véritable "vent de ténèbres", comme s’il s’agissait pour Paul Gadenne de nous raconter une histoire pleine de bruit et de fureur qui emporte tout sur son passage et recouvre le monde, tout autant que Luc qui en est la créature la plus abandonnée, d’une nuit sans partage. Paul Gadenne, poète, romancier et essayiste fut, aussi, professeur, exerçant ce qu’on appelle avec raison le plus beau et le plus noble des métiers, aujourd’hui l’un des plus salis par la démagogie de la co-construction pédagogique. Paul Gadenne fut professeur, et ce malgré la tuberculose qui l’emporta à quarante-neuf ans, l’obligeant, on s’en doute, à écourter ses années d’enseignement de façon drastique. Chassée d'Armentières par la guerre, la famille Gadenne passe un temps à Boulogne-sur-Mer avant de s'installer à Paris, où Paul fait ses études à partir de 1918. Après avoir suivi les classes d'hypokhâgne et khâgne au lycée Louis-le-Grand, où il est notamment condisciple de Thierry Maulnier, Robert Brasillach et Maurice Bardèche, Paul Gadenne obtient à la faculté des lettres de l'université de Paris la licence ès lettres et le diplôme d'études supérieures, consacré à Proust. Agrégé de lettres en 1931, il occupe un premier poste de professeur en1932 à Elbeuf en Normandie. Mais la tuberculose le contraint alors en 1933 à interrompre sa carrière d’enseignant.Il passe alors de longs mois d'ennui au sanatorium de Praz Coutant situé près de Sallanches en Haute-Savoie.   "Ce blanc aurait pu être celui de certaines pierres, dont l'effort vers la transparence s'est heurté à trop d'opacité, et dont toute la lumière est tournée vers l'intérieur. Mais on distinguait, par endroits, des tâches d'un vert fondant et, prés de la tête, des serpentements mauves ou bleu ciel, fort subtils, qui disaient bien leur appartenance". Le onze juillet 1936, Gadenne prononce son "Discours de Gap" au lycée de Gap où il était enseignant. Après avoir constaté que "la plupart des hommes ne supportent ni l'immobilité ni l'attente", il y déplore l'incapacité de l'homme moderne à échapper au tourbillon d'activité caractéristique selon lui de la société moderne, et qui ôte à l'homme son aptitude à réfléchir sur soi, à recréer le monde qu'il reçoit et à bâtir sa propre vie de manière spontanée. Il critique aussi le rôle nouveau pris par la foule, par la rue dans la vie de l'homme moderne, son discours se concluant par ces mots. "Car la vie, mes chers amis, cela ne se ramasse pas sur le pavé". Son premier roman, "Siloé" (1941), est en partie autobiographique et traite de ses séjours en sanatorium et de la réflexion qu’ils lui inspirent. Puis il tente de saisir, dans "La Rue profonde" (1948) et "L'Avenue" (1949), le mystère de la création artistique à travers un personnage de poète. La rencontre, la séparation et la culpabilité, dans le contexte de la guerre et de la collaboration, sont des thèmes également très importants et récurrents dans son œuvre. "La Plage de Scheveningen" (1952) en fournit une parfaite illustration. Ce livre est l’un des plus réussis de Gadenne, avec "Les Hauts-Quartiers", œuvre posthume publiée seulement en 1973, et qui a grandement contribué à sa reconnaissance. Ce dernier récit est écrit dans un style proche de "Siloé", même s’il en constitue une parfaite antithèse. En effet, si "Siloé" relate l’éveil d’une conscience à la vie, dans "Les Hauts-Quartiers" est décrit cette fois un lent acheminement, dans l’enfer de la ville, vers les ténèbres, et une perte de soi à laquelle l’on ne peut échapper que par la médiation de l’écriture, qui permet d’atteindre un au-delà de la littérature qui est la vie même. Gadenne a écrit des nouvelles, désormais rassemblées sous le titre de "Scènes dans le château" (posthume, 1986), un recueil de "Poèmes posthumes", et des réflexions sur l’art d’écrire et le métier de romancier: "À propos du roman". La maladie l'emporte après une longue agonie à l'âge de quarante-neuf ans. Sa réclusion le pousse à la réflexion puis à l’écriture. Son œuvre a un remarquable pouvoir de suggestion. Gadenne parvient en effet à créer une atmosphère lourde, tout en utilisant des moyens narratifs simples, où s’expriment la solitude de l’homme et la difficulté de son existence.    "Les teintes de la mort sont exquises: parfois nous croyions voir s'entrouvrir une rose. Devant cette chose qui ressemblait plus à un catafalque qu'à une bête morte, devant ce monument orné de signes délicats, qui viraient ça et là au colchique ou à la violette fanée, nous étions pris d'un doute, à quoi s'ajoutaient par moments, d'une façon bien inattendue, la sorte d'inquiétude qu'on ressent au chevet d'une personne malade". L’époque actuelle étant au spectacle, Paul Gadenne peut à bon droit être considéré comme une espèce d’intermittent, non pas de l’effort et de l’écriture, qui étaient sa chair même et son esprit, le "ciel des fixes" qu’il contemplait constamment, mais de la fulgurance d’une renommée bien capricieuse à l’égard de son œuvre, voire parfaitement marâtre avec elle. Nous pouvons hélas affirmer, comme Henry de Montherlant l’écrivait de Barrès, et avec bien plus de rapidité que celle qui excentrait hors de notre cercle de références communes l’auteur des "Déracinés", que Paul Gadenne s’éloigne. Il est vrai que, dans une société du paraître à outrance, un tel écrivain, d’une discrétion inadmissible, n’a certainement aucune place, lui dont l’œuvre est pur effacement, icône alors plutôt qu’idole. Professeur mais avant tout immense écrivain, Paul Gadenne reste ainsi un inconnu dans l’esprit même de celles et ceux qui jamais ne s’aviseront de parler à leurs élèves d’une œuvre admirable, préférant leur servir les habituelles carnes persillées de Voltaire, Zola ou Sartre, lorsqu’il ne s’agit pas de Prévert. L’écrivain fut professeur, au sens le plus noble de ce terme qui est à mes yeux indissociable de la notion méprisée de responsabilité, mot creux, mot frelaté, partout employé à la place d’un autre, admirable celui-ci: fraternité, qui est un mot à vrai dire lui aussi bien sali par le mercantilisme universel. Paul Gadenne comme Dostoïevski crut en effet toujours bon de rappeler que nous étions tous responsables des actes des autres, responsables donc coupables des atrocités commises par nos frères déclarés ou renégats, c’est-à-dire devenus, comme Caïn, nos ennemis les plus intimes. La fraternité qu’évoque Paul Gadenne n’est certes pas celle, utopique donc meurtrière, du communisme, encore moins le corporatisme de telle ou telle profession mais celle, spirituelle et éminemment chrétienne, qui unit tous les pécheurs, qu’importe qu’ils aient jeté des innocents sous la dent des lions de Rome, ou bien qu’ils aient transformé en savon plusieurs millions d’hommes, de femmes et d’enfants ou que, expéditivement et en toute bonne conscience, ils aient abattu d’une balle dans la tête les immondes collaborateurs déclarés, comme Hersent, traîtres. Gadenne était un homme d'esprit.   "Le bonheur, c'est quand on n'attend plus, quand l'espoir ni l'anxiété n'ont plus de sens, quand il n'y a rien de ce qui pourrait être qui soit supérieur à ce qui est". "Permettez-moi de vous dire que s’il y a une moitié de l’humanité qui rançonne l’autre, je me suis toujours honoré d’être dans la seconde moitié", déclare le romancier qui, image poétique ou pas, nous donne l’éclairage le plus saisissant sur sa condition. Un tel cri de douleur qui déchire bien évidemment le masque de l’hypocrisie rejoint alors l’admirable volonté de pauvreté jetée par Simone Weil, autre dévorée vivante, à la face des puissants. Humble Paul Gadenne et même, à la nuance péjorative et ironique près, pauvre Paul Gadenne. Coupable parce qu’il est innocent, nous ne pouvons nous étonner que le génie romanesque de Gadenne, avec une remarquable constance, ait cherché à peindre le mystère de la damnation, cette culpabilité absolue, irrévocable. Ainsi Hersent, derrière lequel se cache un portrait de Robert Brasillach que Gadenne connut en khâgne, Hersent le traître à la patrie qui sera exécuté comme il se doit après la Libération, devient, sous de multiples métamorphoses, le personnage unique des romans de l’écrivain qui ne s’est jamais lassé alors d’assumer la garde du frère maudit, de laver la faute et d’accompagner l’errance mauvaise de Caïn, ce premier meurtrier, ce coupable par excellence, à la fois père et frère d’Hersent, marqué d’une marque au front qui le fera exclure de toutes les communautés humaines. Sans doute le romancier, dont l’intelligence et la lucidité étaient extrêmes, a-t-il parfaitement compris qu’il ne pouvait strictement rien faire d’autre que d’accompagner son réprouvé prisonnier de l’hermétisme démoniaque, c’est-à-dire tenter quelque peu d’amoindrir sa peine, d’une parole, d’une écriture, d’une geste grandiose qui en disent tout à la fois l’horreur, le malheur et la damnation, comme le tenta William Faulkner dans le splendide "Absalon, Absalon !" retraçant l’ascension et la décadence de son démiurge sudiste et personnage diabolique, Thomas Sutpen, qu’il s’agissait d’écouter bien plus que d’abandonner, de condamner peut-être, non sans avoir essayé d’en comprendre la volonté prométhéenne, comme telle vouée à l’échec.    "Et ce bonheur-là contenait alors plus que le bonheur, car il ne faisait que rentrer dans cette paix qui vient du sentiment d'un accord intime avec le monde". C’est pourtant cette geste héroïque et noire, c’est pourtant cette parole qui ne se lasse pas de répéter la même histoire sous mille formes différentes, moins puissantes que le signe que Dieu a tracé sur le front du réprouvé, qui seront seules capables d’empêcher que le vagabond fratricide ne soit exécuté par vous et moi, l’anonyme de la foule, ce bourreau en puissance comme le savait Poe, quelque honnête passant sans doute n’ayant rien à se reprocher, qui croisera la triste figure du Maudit et se fera un devoir citoyen de le dénoncer aux autorités compétentes. Si donc la littérature, comme l’écrit Paul Gadenne dans un des textes d’"À propos du roman", s’écrit et doit s’écrire devant le Bourreau, si l’acte véritable de créer, aujourd’hui plus que jamais, nous confronte à une solitude sans pareille, si notre voix doit accepter ainsi de subir le meurtre ordonné par les "docteurs en pureté", alors l’écrivain véritable, s’il ne peut décidément empêcher l’exécution, s’il ne peut rien faire, quelle que soit la procrastination toute borgésienne par laquelle il gagnera, pour son personnage, quelques heures de vie miraculeuse, avant que la balle ne s’enfonce dans le crâne du condamné, n’en finira jamais d’être quitte, et est même celui qui n’en finira jamais de plaider l’innocence du puni, fût-il le premier criminel de l’humanité, le salopard le plus insigne de l’histoire. Loin des édulcorations pour midinettes que nous sert le clergé catholique contemporain, Paul Gadenne sait que la culpabilité comme l’innocence traversent les âges, que le Dieu vengeur et impitoyable n’est alors pas uniquement le rêve de vieux Juifs à la nuque raide, obsédés par la punition de leurs ennemis jusqu’à la soixante-dix-septième génération. Le romancier écrit d’ailleurs dans l’un de ses carnets que seul ce Dieu de l’Ancien Testament a quelque valeur à ses yeux. Paul Gadenne, plusieurs fois, a perdu celles qui furent ses compagnes. Jamais cependant il n’a semblé souffrir davantage qu’après l’échec de sa relation avec Simone Crapart, de laquelle il s’est séparé définitivement en 1938 et qui, sans exagération aucune, l’a hanté pour le reste de ses jours. Dans l’un de ses carnets remarquables, dont la rédaction a suivi la séparation douloureuse avec cette jeune femme, Paul Gadenne parle d’une "Permanence de désespoir", état qui est inconciliable avec l’expérience humaine, car il est, au propre, la plus rigoureuse définition de la damnation. Le désespéré, s’il ne peut guérir de son désespoir, fait alors ce qu’il faut pour mettre un terme à son supplice.    "Issue de la main du temps voici l'âme, dans sa naïveté, égoïste et irrésolue, malchanceuse, claudicante, incapable d'un mouvement en arrière ou en avant, fuyant la chaude réalité, le bien offert, reniant l'appel opportun du sang, ombre de sa propre ombre, spectre dans ses ténèbres, laissant des papiers en désordre dans une salle poussiéreuse". Quant au désespéré qui ne se tue pas, sans doute la part de lâcheté est-elle inséparable de la certitude qu’un jour une réponse sera apportée, fût-elle la plus surprenante de toutes lorsqu’il s’agit du miracle accepté d’une nouvelle rencontre, d’une reprise, mouvement de don et d’abandon, de gain et de perte qui hanta Sören Kierkegaard après sa rupture avec Régine Olsen. Il va de soi que Paul Gadenne a médité longuement le Danois génial, voyant peut-être dans son histoire la matrice de la sienne. Cet état de désespoir permanent, réellement infernal, Paul Gadenne l’a contemplé en tout cas, ausculté longuement puis décrit avec une impitoyable lucidité dans chacun de ses romans, l’ensemble de son œuvre pouvant être assurément lu comme l’entrée dans un royaume figé par le sortilège mauvais et la folle tentative d’en rompre le charme. La rupture est un échec. Elle est bel et bien l’Échec suprême, en d’autres mots la condamnation d’un être par un autre. Après avoir commis un meurtre, Luc pénétrera pour ne jamais ensortir dans ce royaume de fer. Il entrera comme Judas dans une nuit éternelle, lui qui n’a pourtant trahi personne, certainement pas celle qui l’a quitté sans une parole d’explication ni même de réconfort. Pour Luc qui, comme Macbeth, en s’enfonçant dans la nuit et le sang ne peut plus, désormais, revenir en arrière ni au grand jour, le meurtre sera une véritable libération. Mais ne nous trompons pas sur les intentions de Paul Gadenne qui désespérément cherche pour son maudit ce qu’il cherchera pour chacun des délaissés qu’il a peints: "Un être avec qui l’accord eût été complet, dont la présence eût été la compréhension même".    "Didier la regardait à la dérobée et vit une mince larme sur son visage. Il savait alors ce qu'elle pensait, tant d'injustice ! Être chassé par les allemands, cela devait lui paraître régulier, presque juste". Guillaume Arnoult, le personnage principal de la "Plage de Scheveningen" (1952), entrera alors lui aussi, le temps d’une nuit mystérieusement élargie, dans ce lieu où les paroles, en se figeant, acquièrent l’éclat de l’irrévocable, ce poison du diable selon Léon Bloy. Séparé une nouvelle fois de celle qu’il a aimée naguère, en la quittant après cette nuit augurale sur le rivage du monde en guerre, Guillaume trouvera-t-il du moins, sans doute pour ne point pouvoir s’y reposer, la réelle et lumineuse présence d’une halte qui, sans rien expliquer du mystère de la séparation, affirmera qu’une pureté miraculeuse peut être reconquise par le réprouvé ? Paul Gadenne, tout comme Kierkegaard qu’il a lu avec passion, a donné un nom à cette reconquête: la Reprise, ne craignant pas d’affirmer qu’elle seule permet au passé de ne point perpétuellement contaminer le présent, en ouvrant celui-ci à l’éternité. "Je ne puis affirmer avec certitude que le romancier est parvenu au stade religieux de la reprise ou bien au contraire, comme l’un des pseudonymes de Kierkegaard, Constantin Constantius, s’il a pu faire sien ce constat d’échec. La reprise est aussi trop transcendante pour moi. Je peux faire le tour de moi-même, mais je ne peux pas sortir de moi pour m’élever au-dessus de moi-même." C’est au contraire parce que Paul Gadenne a été dévoré par une véritable faim religieuse qu’il n’a eu de cesse de quêter le moment où l’amour se transformait en mépris et la joie en rage puis en indifférence, cet instant mystérieux, incommensurable mais fugace, cet équilibre précaire d’un Bien fragile qui n’a pas encore basculé dans le Mal, puis a essayé de remonter la pente en somme, a tenté d’inverser le coursin éluctable qui nous emporte depuis l’instant fatal de la Chute. C’est donc au contraire parce qu’il a su lire dans les œuvres d’un Conrad, d’un Faulkner et, bien sûr, d’un Kafka, une interrogation pressante de notre condition d’hommes creux débarrassés de Dieu que l’anecdote la plus insignifiante, par exemple l’échouage sur une plage d’un cétacé, a pu résonner de bouleversantes questions, et être alors soulevée jusqu’à la dimension d’une apocalypse, autrement dit d’une révélation. Image symbolique très littéraire.   "La guerre, c'est cela même et, sans parler des revanches toujours possibles, où le chasseur est chassé à son tour, on peut se consoler en pensant que l'ennemi n'agit pas au nom de la loi, qu'il ne peut pas avoir l'ordre du monde et la musique des planètes à son service, comme le croyait à l'évidence ce propriétaireau visage bouffi, qui mâchonnait son cigare". Ainsi, comme nous le voyons dans la courte nouvelle intitulée "Baleine" (1948), sans doute l’un des chefs-d’œuvre pratiquement inconnus de la littérature française, le cadavre immense de l’animal biblique venu mourir sur une plage ne peut être occulté. À vrai dire, il est même exposé aux yeux de tous, comme celui d’Abel, car depuis la nuit des temps il pue sous le nez des belles comme la charogne baudelairienne, il empeste de son odeur la terre entière, mais nul ne semble le voir, et la puanteur, ma foi, nous finissons tous par nous y habituer lorsque nous ne vivons plus que dans un monde où la mort seule semble rôder, cherchant qui dévorer. Dans "L’Avenue", nous pouvions comprendre l’histoire du sculpteur Antoine Bourgoin tentant de mener à la perfection sa statue, Ève, et essayant de scruter le mystère de la Construction, sur la signification de laquelle les habitants d’une petite ville du Sud-Ouest de la France ne parvenaient pas à se mettre d’accord, comme une méditation sur le sens de l’Art, qui ne peut être, pour Gadenne, qu’un moyen de quêter Dieu, en redonnant à la beauté sa pleine consistance terrestre, charnelle. Le même parcours en creux, comme une lumière trop vive qui, en frappant la pellicule, aurait noirci toute image, pouvait ainsi se lire dans "La Rue profonde", dont l’écriture fut presque rigoureusement contemporaine de celle de "L’Avenue". Si Paul Gadenne est ainsi un quasi-inconnu aux yeux de nos critiques, c’est sans doute parce qu’il effaça consciencieusement toute trace évidente, trop éclatante, toute publicité qui ne pouvait que le corrompre. Plus profondément,c’est parce qu’il fut, à l’instar d’un Bernanos qui aurait été dépouillé de son génie de l’invective, un écrivain de l’inquiétude et que celle-ci ne nous importe plus, ne nous aiguillonne plus comme une fièvre dont il faudrait à tout prix augmenter la température. Vivre, donc, ne sert à rien, vivre n’est rien de plus que l’aventure commune de pourceaux dont l’unique but est de se bâfrer sans jamais lever la gueule vers le ciel, à la différence des chiens d'Isidore Ducasse, Lautréamont qui, au moins, étaient épris d’infini.    "Il peut paraître puéril d'être troublé, en pleine guerre, par un incident aussi bête. Mais Didier avait vu sa mère humiliée et ce souvenir devait creuser une ride sur sa mémoire. Peu importe la taille de l'incident qui vous apporte la révélation". C’est ainsi que l’écriture de Paul Gadenne se double à nos yeux d’une vertu éminemment pratique, qui l’incarne un peu plus profondément et lui confère une force et une portée bien éloignées du bruit faux et de la fureur passagères de nos lettres superficielles et cliquetantes. C’est donc l’humilité et la profonde vérité de l’œuvre de Paul Gadenne qui font qu’elle accompagnera toujours l’homme dans sa quête harassante, parce qu’elle ne le trompe pas et ne tend pas devant ses yeux une toile de foire l’empêchant de fixer l’horreur. L’œuvre de Paul Gadenne ne ment pas, ne tend pas un miroir séducteur devant nos yeux qui ne cessent de quêter des visages là où nos écrivains ne leur offrent que quelques masques qui se fendillent d’ailleurs de tous côtés, et révèlent le visage aussi hideux que commun de l’imbécile au sens que Bernanos donnait à cette insulte. C’est aussi cette même humilité et cette même vérité qui font que, jamais, nous ne pourrons reprocher aux romans de Paul Gadenne leur coupable esthétisme, en un mot, leur indifférence à ce qui appartient au règne si fragile de l’homme. C’est la souffrance même du romancier, personnelle avant que d’être écrite, qui a incarné son œuvre dans la chair humble et misérable soumise à la douleur de la maladie, à la séparation, à la mort, mais aussi, dans le même mouvement pascalien qui est le sceau de notre grandeur, mouvement qu’il fut donné au génie de Gadenne d’évoquer sans relâche, à la gloire. Cet abaissement est pourtant élévation, cet effacement est pourtant présence pleine, cette petitesse est pourtant force, réelle force, seule force capable de faire face à la brutalité de notre âge. Cette humilité qui ne s’est jamais payée de mots est celle qui à jamais rendra la balle du bourreau impuissante face à notre irrésistible volonté. Paul Gadenne s’est-il jamais délivré de ses fantômes, son art lui a-t-il jamais apporté une consolation, fût-elle maigrement esthétique ? Oui, d’une certaine façon rien de moins que littéraire puisque, d’un roman à l’autre, du "Vent noir" à "La plage de Scheveningen", c’est l’errance de Caïn qui se poursuit, d’abord condamné à chercher un refuge illusoire dans les ténèbres, en espérant sans relâche de vivre une seule minute de paix.    Bibliographie et références:   - Bruno Curatolo," Paul Gadenne: l'écriture et les signes" - Paul Gadenne, "Siloé"- Paul Gadenne, "Le Vent noir" - Paul Gadenne, "La Rue profonde" - Paul Gadenne, "La Plage de Scheveningen" - Paul Gadenne, "Les Hauts-Quartiers" - Paul Gadenne, "Baleine" - Paul Gadenne, "Scènes dans le château" - Paul Gadenne, "À propos du roman" - Paul Gadenne, "Une grandeur impossible" - Marie-Hélène Gauthier-Muzellec, "La poéthique, Paul Gadenne" - Juan Asensio, "Paul Gadenne" - Didier Sarrou, "Paul Gadenne, le romancier congédié"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
309 vues 4 aime
Par : le 02/05/24
"Que serait-ce quand il faut dans un livre, dans du livre mettre de la réalité. Et au deuxième degré quand il faut dans la réalité mettre de la réalité. Trois tailleurs de pierres travaillent sur un chantier. Quelqu'un passant par là leur demande ce qu'ils font. -Je taille des pierres, soupire le premier. -Je construis un mur", répond le second. -Je bâtis une cathédrale, s'exclame le troisième"."La seule force, la seule valeur, la seule dignité de tout, c’est d’être aimé". Le cinq septembre 1914, tombait au champ d’honneur l’écrivain Charles Péguy, lieutenant au 276ème régiment d’infanterie, mortellement touché d’une balle en plein front près de Villeroy (Seine-et-Marne). Une mort qui est le couronnement de toute une vie et donne un relief particulier à son œuvre, scellée, par le sang versé, aux cités charnelles qu’il sut si bien chanter: "Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, couchés dessus le sol à la face de Dieu. Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés". Une guerre qui faucha aussi deux semaines plus tard son fidèle ami qui l’avait accompagné sur les routes de Chartres, l’écrivain Henri Alain-Fournier, auteur du "Grand Meaulnes". Maurice Barrès a admirablement bien résumé le sens de la mort de Péguy: "Il est tombé les armes à la main, face à l’ennemi, le lieutenant de ligne Charles Péguy. Le voilà entré parmi les héros de la pensée française. Son sacrifice multiplie la valeur de son œuvre. Il célébrait la grandeur morale, l’abnégation, l’exaltation de l’âme. Il lui a été donné de prouver en une minute la vérité de son œuvre". Tout a été dit sur Péguy dont la figure ne cesse d’intriguer politiques et historiens des idées, qui s’évertuent sans succès à le classer arbitrairement selon les schémas de pensée de l’idéologie dominante. Celle-ci voudrait empêcher qu’un socialiste dreyfusard d’origine modeste soit devenu sans rien renoncer à lui-même, un poète mystique, un chantre de l’enracinement patriotique et un pèlerin de l’espérance chrétienne. Or, Charles Péguy fût tout cela à la fois. Inclassable Péguy dont la pensée est constamment guidée par un même fil conducteur, une quête inlassable et insatiable de vérité. En créant "Les Cahiers de la Quinzaine", en 1900, il assigne à sa nouvelle revue l’ambition de "dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste". C’est au nom de la fidélité à cette même vérité qu’il se séparera de son ami Jaurès, critiquant le parlementarisme bon teint de la République radicale, déplorant le dévoiement de l’idéal de justice qui prévalait encore au début de l’affaire Dreyfus: "La mystique républicaine, c’était quand on mourait pour la République, la politique républicaine, c’est à présent qu’on en vit". Né à Orléans dans un milieu modeste, son père était menuisier et sa mère rempailleuse de chaises, Péguy garda toujours l’empreinte de ses origines. N’écrit-il pas dans "L’argent" (1913), pamphlet contre le matérialisme: "Avant que nous ayons douze ans, tout est joué". Son œuvre n’est-elle pas, dans un certain sens, un perpétuel retour sur son enfance ? Un contact intime, direct et prolongé, presque animal avec la réalité paysanne eut des conséquences d’une incalculable portée sur sa philosophie: réaliste, enracinée, incarnée. Sur son patriotisme: "défense de l’âtre et du feu", de la "terre charnelle" et "des pauvres honneurs de la maison paternelle".Il n’eut qu’à se souvenir de son enfance dans son œuvre entière: la Beauce dans la "Présentation", les châteaux de la Loire dans les "Sonnets", les villages d’Île-de-France dans la troisième "Situation", et dans Ève le "Jardin d’Éden", qui suivent la prodigieuse procession des paysans ressuscités, et les innombrables vers gorgés de réalités rustiques: vignes, chênes et blés, eaux et forêts, soleil et vent. Péguy ne fut pas un paysan poète, mais à coup sûr un poète paysan, fier de l’être.   "Qu'arrive-t-il toujours. Le soir tombe. Les vacances finissent. Il me faut une journée pour faire l'histoire d'une seconde. Il me faut une année pour faire l'histoire d'une minute. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. Heureux deux amis qui s'aiment assez pour savoir se taire ensemble. L'amour excuse bien des maladresses. Cœur dévoré d'amour fervente joie, mangé de jour en jour vivante proie". Au moment de l’adolescence, Péguy perdit la foi. Un passage de la première"Jeanne d’Arc" suggère que cette révolte du cœur s’est produite très tôt, au moment de la première communion. Boursier, il gravit brillamment les marches de la méritocratie républicaine. Il prépare l’École normale supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. D’après son condisciple Albert Mathiez, c’est vers la fin de cette période qu’il devient brièvement "un anticlérical convaincu et pratiquant". Il fait de septembre 1892 à septembre 1893 son service militaire au 131ème régiment d’infanterie, intègre l’École Normale en 1894. Dreyfusard, converti au socialisme sous l’influence de son maître Lucien Herr, le patriote ardent qu’il n’a cessé d’être s’en détache en raison de son caractère matérialiste et dogmatique, tout en ne gardant pas moins une tendresse pour les humbles, nourrie d’un rêve de fraternité et d’amour d’inspiration religieuse. Mais, la rupture définitive avec Jaurès a lieu en 1913 lorsque Péguy se révolte contre le pacifisme de celui qui fut son maître à penser. À ses yeux, il a trahi les intérêts de la nation. Pour lui la nation plonge sa grandeur dans l’histoire millénaire du peuple français et s’enracine dans le christianisme, conception qui inspirera Bernanos et de Gaulle. Parallèlement il revient à la foi de son enfance. Le cinq janvier 1900, paraît le premier des "Cahiers de la Quinzaine", puis en 1910 "Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc". Entre ces deux dates, s’inscrit une période de la vie de Péguy à la couleur très tranchée. Ne vivant que d’abonnements, de souscriptions, d’emprunt, les "Cahiers" ont une existence précaire, mais, dans chacun, l’écrivain s’engage à fond. Tous les sujets y sont traités, aussi bien le débat sur le romantisme, sur la philosophie de Bergson que l’actualité politique avec le scandale des "fiches" exigées par le général André, ministre franc-maçon de laguerre. Il s’oppose à Diderot, Renan, Taine, et s’attaque aux mythes modernes: progrès, science, démocratie et défend avec véhémence la reconquête de l’Alsace-Lorraine. Les collaborateurs affluent alors: Anatole France, Julien Benda, Romain Rolland, André Gide, Daniel Halévy, Alain-Fournier, Ernest Psichari, Jacques Maritain, et Jacques Copeau. La petite boutique du huit rue de la Sorbonne aura été, en ce tout début du XXème siècle, un foyer spirituel, un brasier comparable à ce que fut Port-Royal au XVIIème siècle sur le plan religieux. Mais Péguy ne se réduit pas à la magnifique entreprise des Cahiers. Le "Mystère de la charité de Jeanne d’Arc" est une œuvre neuve, angoissée et imprégnée d’une puissante spiritualité liée à son retour au christianisme. "Quand l’homme manque Dieu, Dieu manque alors à l’homme".   "Il me faut une vie pour faire l'histoire d'une heure. Il me faut une éternité pour faire l'histoire d'un jour. On peut tout faire, excepté l'histoire de ce que l'on fait. Il faut toujours dire ce que l'on voit: surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit. Je ne juge pour ainsi dire jamais un homme sur ce qu'il dit mais sur le ton dont il le dit. Ce que nous disons est souvent grave, sérieux. Le ton dont nous le disons l'est toujours". Entre chaque livre, on découvre la détresse, la souffrance, la douleur. Péguy se reprend avec "La Petite Espérance". Il cherche quelque chose de plus grand, de viril, de fort. Aller au-delà de l’espoir et au-delà du désespoir. Non pas concession de la faiblesse, d'un vague optimisme, mais exigence d’héroïsme, possible seulement dans la vie de la foi. Poète ardent, artisan, compagnon incomparable de la langue française et mystique, son œuvre est imprégnée de sacré, portée par une verve familière. L’été flamboyant de 1910 s’achève sur des cris d’orgueil: "J’ai mis ce "Cahier" sur pied en quatre semaines. À combien d’hommes une telle compensation a-t-elle été donnée ? "Accentuant sa prise de position catholique, il publie "Laudet, un nouveau théologien", archétype du catholique mondainet athée déguisé, il s’en prend à deux formes d’athéisme. L’un révolutionnaire, avec qui tout n’est pas perdu, car "des flambées de charité peuvent y brûler, détournées" . L’autre bourgeois, "avec lequel il n’y a rien à faire", car "c’est un athéisme sans charité, c’est un athéisme sans espérance". Épousant le paradoxe, tenant ensemble les contraires, sa pensée vivante et toujours en mouvement s'est pourtant laissé accaparer par les écoles, voire les chapelles, et non des moindres. La droite nationaliste de Barrès a cru pouvoir le compter parmi les siens, lui qui fut l'un des hérauts acharnés de la défense de Dreyfus. C'est qu'il n'est pas facile à saisir. Mystique et socialiste, écrivain et philosophe, antimoderne car adversaire du positivisme, conservateur et révolutionnaire, défenseur farouche de la liberté, ouvert à l'événement, promoteur de l'aventure et du risque, que l'économie du monde moderne semble avoir jugulés, invitant la subjectivité à inquiéter la science, ami exigeant, ennemi intransigeant, mari fidèle, amoureux passionné mais platonique, philosémite et catholique fervent mais anticlérical, prônant toujours "dans la réflexion sur le fait collectif un individualisme salubre". Ce fils d’Orléans s’attache à la figure tutélaire de Jeanne d’Arc non encore politisée. En elle, il trouve ainsi un modèle d’engagement et de contradiction aussi. Péguy pourrait être considéré comme un "catholique anticlérical" dont la foi dépoussiérerait la religiosité confinée et ouvrirait grandes les églises. Car cette pensée de haute volée se conjugue à ungénie de la langue. Une poésie, un style, qui nécessitent de nos jours, un minimum d’investissement pour être compris.    "Je ne peux pas conter une histoire, on ne voit jamais que le commencement de mes histoires premièrement parce que toute histoire n'est pas limitée, parce que toute histoire est tissue dans l'histoire infinie, deuxièmement parce que, dans leur système, toute histoire elle-même est infinie. Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance, qui demeure aux prés, où tu coules tout bas. Meuse, adieu, j’ai déjà commencé ma partance en des pays nouveaux où tu ne coules pas. Voici que je m’en vais en des pays nouveaux.Je ferai la bataille, passerai les fleuves. Je m’en vais m’essayer à de nouveaux travaux. Je m’en vais commencer là-bas des tâches neuves". Aimer Péguy "ce grand fils demi-rebelle entièrement docile", est une chose. Tenter de le faire aimer en est une autre qui vous oblige à instruire sans répit son procès en réhabilitation, tant sont tenaces les soupçons, les caricatures, les légendes et les contresens dont son œuvre et son destin continuent de faire l’objet. Il n’est pas si simple, de "déboutonner l’uniforme" dans lequel le lieutenant Charles Péguy est mort, "tué à l’ennemi" sur le front de la Marne le cinq septembre 1914. Péguy a contre lui d’avoir été lu à l’envers, si on peut dire, à partir de sa mort héroïque et de sa fin glorieuse, quand il aurait fallu l’aborder à partir de son insurrection première et de son insoumission d’"inglorieux"."L’accès, l’abord, la présentation, l’entrée, l’accueil est beaucoup", disait-il lui-même, "dans la valeur même et dans lateneur et dans la signification. L’heure est venue où Péguy peut être véritablement abordé après avoir été si longtemps anthologisé par les manuels, séquencé par les biographes, récupéré par les politiques et instrumentalisé par les clercs. Charles Péguy nait le sept janvier 1873 à Orléans. Il est le premier et l'unique enfant d'une famille d'artisans modestes. Sa mère et sa grand-mère maternelle sont rempailleuses de chaise. Son père, ouvrier menuisier, a laissé sa santé sur les barricades de 1870. Il meurt alors que Charles n'a que dix mois. Les deux femmes entre lesquelles grandit le petit garçon s'activent du matin au soir pour gagner l'argent nécessaire aux besoins du foyer. Charles, dès qu'il tient debout, s'évertue à les aider. Lever matinal, soins du ménage, tâches modestes qu'il peut accomplir pour aider alors sa mère. Pourtant, rien d'infernal dans cette cadence. Loin de lui paraître accablante, elle reste liée dans sa mémoire au paradis de l'enfance. Chez les Péguy, on est à son compte, on ne subit pas l'autorité du patron. On travaille par nécessité, biensûr, mais aussi par goût, et si l'existence comporte son lot de soucis pour la veuve Péguy et sa vieille mère, le garçonnet ne perçoit de cette vie laborieuse que l'allégresse, le rythme et la satisfaction du travail accompli. L'ardeur à l'ouvrage et l'amour du travail bien fait sont tout le patrimoine de Charles Péguy. Certes il est d'humble origine, mais ce n'est pas un "déshérité". Lorsqu'il observe sa lignée, c'est pour tirer gloire d'une ascendance qui ne comprend ni grand nom, ni fortune, et qui pourtant recueille toute la richesse d'un peuple. "L'anonyme est son patronyme". Par cette formule de la "Note conjointe sur Mr Descartes et sa philosophie", il rend hommage à la foule de ceux qui ont existé avant lui, analphabètes comme sa grand-mère, intelligents et braves comme elle, capables de durer en dépit des épreuves.    "Il me faut une éternité pour faire l'histoire du moindre temps. Il me faut l'éternité pour faire l'histoire du moindre fini. Et pendant ce temps-là, Meuse ignorante douce, tu couleras toujours, passante accoutumée, dans la vallée heureuse où l’herbe vive pousse, O Meuse inépuisable et que j’avais aimée, tu couleras toujours dans l’heureuse vallée, Où tu coulais hier, tu couleras demain. Tu ne sauras jamais la bergère en allée, qui s’amusait, enfant, à creuser de sa main, des canaux dans la terre, à jamais écroulés". Dans "L'Argent", ouvrage paru en 1913, un an avant la mort de Péguy, l'homme de quarante ans nous dépeint le monde de son enfance. C'est un monde idéalisé, paré de toutes les vertus que le présent n'a plus: "De mon temps, on chantait." Le culte du travail, la sobriété des mœurs sont la marque de ce monde révolu. Pourtant, Péguy n'a pas toujours eu ce regard sur son passé. Un autre texte, écrit bien plus tôt et resté inachevé, ajoute une touche d'ironie à la nostalgie des souvenirs. Son titre, à lui seul, est tout à fait révélateur: "Pierre, commencement d'une vie bourgeoise". Le jeune homme qui se penche alors sur son enfance ne la considère pas avec la même indulgence que l'auteur de "L'Argent". Le milieu d'artisans dont il est issu, loin d'incarner toutes les vertus sociales, connaît l'ambition et même une sorte d'arrivisme. La mère du petit Pierre, double de Péguy, lui enseigne à bien travailler, à bien obéir, dans l'espoir d'avoir une honnête situation, une petite retraite, une maison à soi, bref lui transmet un idéal petit-bourgeois avec lequel Péguy prendra ses distances. En dépit de son parcours personnel, s'élever dans la société ne sera jamais pour lui un objectif. Bien au contraire, ce qu'il souhaite, c'est que soit rendu à chacun la dignité de son état: "Tous ensemble et chacun séparément premiers." Voilà sa conception de la démocratie. Aussi ne voit-il qu'une "perversion de l'esprit démocratique" dans la fierté que sa mère tire de sa réussite, et qu'il raille en ces termes: "Que le fils d'un ouvrier mécanicien fût reçu à Saint-Cyr, c'était tout à fait bien. Qu'un fils d'instituteur fût reçu à Polytechnique, c'était mieux encore. Et que le fils d'une rempailleuse de chaises provinciale fût reçu à l'École normale supérieure, c'était la gloire même." L'école est la part la plus précieuse de l'enfance de Péguy. Elle lui adonné sa chance, non en l'extrayant de son milieu, mais en lui permettant d'être lui-même et d'épanouir les dons qu'il avait pour le travail intellectuel. De ses maîtres de l'enseignement primaire, les "hussards noirs de la République", il fait des héros, et sa première école, il nous la dépeint comme un lieu d'enchantement. Cet émerveillement demeure tout au long de ses études. Dans "L'Argent", il évoquera ainsi son entrée en sixième comme une expérience tout à la fois vertigineuse et décisive. Vertigineuse, parce qu'elle le fait accéder à un univers de connaissances insoupçonnées.   "Voyez ce qui nous est arrivé aujourd'hui. Sous le nom de Clio nous n'avions pas assez de fiches pour établir même une pauvre petite thèse complémentaire. Nous n'avions, je pense, que deux fiches. La bergère s’en va, délaissant les moutons, et la fileuse va, délaissant les fuseaux. Voici que je m’en vais loin de tes bonnes eaux, voici que je m’en vais bien loin de nos maisons. Meuse qui ne sais rien de la souffrance humaine, O Meuse inaltérable et douce à toute enfance, O toi qui ne sais pas l’émoi de la partance". "Ce que fut pour moi cette entrée dans cette sixième à Pâques, l'étonnement, la nouveauté devant rosa, rosae, l'ouverture de tout un monde, tout autre, de tout un nouveau monde, voilà ce qu'il faudrait dire, mais voilà ce qui m'entraînerait dans des tendresses."Décisive, parce que sans le discernement de M. Naudy, le directeur de l'école, qui l'orienta vers le lycée alors que ses origines sociales le destinaient plutôt à l'enseignement professionnel, rien sans doute de ses engagements ni de sonœuvre ne serait advenu. Boursier, Péguy poursuit un parcours sans faute jusqu'au baccalauréat. Le concours d'entrée à l'École normale supérieure se révèle un obstacle plus redoutable, et il doit s'y reprendre à trois fois pour être reçu, en1894. Le petit garçon studieux est devenu un jeune homme ardent, qui séduit ses camarades par sa personnalité puissante. Loin de s'enfermer dans l'étude, il se passionne pour le sort des hommes. En khâgne au lycée Lakanal, il fait une collecte auprès de ses condisciples pour les ouvriers en grève de Carmaux. La haute figure de Jaurès le fascine. À l'École normale supérieure, il est l'élève de Romain Rolland et d’Henri Bergson, qui ont une influence considérable sur lui. Nourri de la fleur de l'esprit classique en même temps que des généreux idéaux de l'esprit moderne, Péguy était appelé à concilier en lui les appels les plus divergents et à incarner la totalité de l'esprit français. Jean Jaurès, normalien, professeur de philosophie, est un intellectuel qui a décidé d'entrer dans l'action politique pour promouvoir son idéal de justice sociale. D'abord député de centre gauche, il adhère au socialisme à l'époque où ce courant de pensée, nourri des utopies de la première moitié du dix-neuvième siècle, n'a pas encore subi l'attraction du marxisme. A l'École normale supérieure, Péguy subit l'influence de ce grand aîné, relayée par celle de Lucien Herr, le bibliothécaire de l'École. Avec quelques camarades, il se livre à de grands débats d'idées dans sa chambre, baptisée la "thurne Utopie". Dès 1895, Péguy devient membre du parti socialiste. À l'École normale, il fonde un cercle socialiste et thésaurise des souscriptions pour un futur "journal vrai". Lucien Herr, bibliothécaire de l'École, de 1888 à 1926, l'appuie, et c'est avec le "caïman" de philosophie, Lucien Lévy-Brühl, dreyfusard de la première heure, qu'il s'engage. Il revendiquera bientôt lui-même un engagement dans l'Affaire, antérieur au "J'accuse" d'Émile Zola et à la pétition des intellectuels du douze janvier 1898.    "Mais sous le nom de l'histoire nous allions à tant de fiches que par l'autre bout d'impossibilité il nous devenait impossible d'établir même peut-être une grosse thèse. Toi qui passes toujours et qui ne pars jamais, O toi qui ne sais jamais rien de nos mensonges faux, O Meuse inaltérable, ô Meuse que j’aimais, quand reviendrai-je ici filer encore la laine ? Quand verrai-je tes flots qui passent par chez nous ?" En 1897 il publie sa première "Jeanne d’Arc" dédiée "à tous ceux qui seront morts pour l’établissement de la République socialiste universelle", pour aussitôt démissionner de l’École, se marier civilement, engloutir la dot de sa femme dans lacréation d’une librairie socialiste, devenir un ardent militant dreyfusard et bien sûr échouer à l’agrégation de philosophie et compromettre définitivement la carrière d’enseignant à laquelle il était promis. En 1900, refusant de se soumettre au diktat du congrès des organisations socialistes visant à sacrifier la liberté de la presse à l’unité idéologique, il rompt avec Lucien Herr et Jean Jaurès et se lance en solitaire dans l’aventure des "Cahiers de la Quinzaine" pour "dire la vérité, dire bêtement la vérité bête", dénoncer sans relâche "les arrière-pensées du monde moderne" fondé sur le règne implacable de l’argent, traquer l’idée de derrière la tête de la science moderne, combattre l’orgueil de l’historien fait Dieu, la terreur sociométrique des sociologues, pourfendre l’esprit du système et tous les ismes du parti intellectuel, alerter le siècle sur la menace totalitaire que font peser sur l’avenir ceux qui veulent "faire un cloître à l’humanité". Il va se battre alors aux frontières, il va se battre sur tous les fronts. On ne peut rien comprendre à la colère de ce "mécontemporain" si l’on sous-estime ce qu’a été "le plus grand événement de sa vie morale", son adhésion au socialisme. Il s’y est converti comme on entre en religion, une religion de salut temporel, une véritable mystique que l’affaire Dreyfus qui éclate en 1898 va porter à incandescence. C’est dans l’exaltation de ce qu’il appellera lui-même "un dreyfusisme forcené" que naît le Péguy combattant dont toutes les prises de position et tout le labeur d’écrivain seront animés par le seul désir de ne jamais en finir avec l’affaire Dreyfus. Il refusera l’amnistie que le parti veut accorder aux anti-dreyfusistes de gauche pour sauver son unité. Refuser l’amnistie, c’est pour lui la seule manière de "refuser l’amnésie". L’effritement progressif de son amitié avec Jaurès correspond à ce qu’il appellera dans "Notre jeunesse", "la décomposition du dreyfusisme en France", cas de la dégradation de la mystique en politique. L’affaire Dreyfus est le moment hautement symbolique où son socialisme peut tendre la main à la Jeanne chrétienne, où la solidarité des damnés de la terre peut s’ouvrir à la communion des Saints, où la vocation républicaine de la France peut contribuer à l’avènement du Royaume de Dieu.    "Permettez, dit-elle, que je voie ici encore un symbole, s'il est encore permis d'employer ce mot. Sous mon nom de Clio je n'ai jamais assez de fiches pour faire de l'histoire. O maison de mon père où j’ai filé la laine, où, les longs soirs d’hiver, assise au coin du feu, j’écoutais les chansons de la vieille Lorraine, le temps est arrivé que je vous dise adieu. Tous les soirs passagère en des maisons très nouvelles, j’entendrai des chansons que je ne saurai pas. Tous les soirs, au sortir des batailles nouvelles, j’irai dans des maisons que je ne saurai pas". Péguy s’était éloigné de la religion de son enfance qui lui avait enseigné la réalité de l’enfer éternel qui se présente comme l’effet d’une excommunication divine et qui a pour équivalent, dans l’ordre temporel, la misère qui exclut des humains de la cité terrestre. C’est pour sauver l’humanité de la misère que précisément il avait adhéré au socialisme. Le héros dreyfusard qu’il a été va progressivement entrer en contact avec la réalité de cet enfer contre lequel il a voulu mobiliser toutes ses forces. Par une double expérience. Celle de sa propre exclusion du monde moderne et celle de l’expulsion du monde moderne hors de la vie vraiment vivante. Au fil des années, il va éprouver dans sa chair ce qu’il appelle "l’enfer social moderne laïcisé", cette solitude où l’ont rejeté les modernes, ceux du parti socialiste et ceux du parti intellectuel. Le vingt-huit octobre 1897, il épouse civilement Charlotte-Françoise Baudouin, sœur de Marcel Baudouin, un de ses proches amis décédé, et s'installe avec elle au sept, rue de l'Estrapade. Ils ont quatre enfants. Le trente octobre 1897, il est promu sous-lieutenant de réserve. Un an plus tard, il fonde, près de la Sorbonne, la librairie Bellais, qui sert alors de quartier général au mouvement dreyfusiste. Son échec à l'agrégation de philosophie l'éloigne définitivement de l'université. Cependant, dès 1900, après la quasi-faillite de sa librairie, il se détache de ses associés Lucien Herr et Léon Blum et fonde dans la foulée les "Cahiers de la Quinzaine", au huit, rue de la Sorbonne, revue destinée à publier ses œuvres et à faire découvrir de nouveaux auteurs. Romain Rolland, Julien Benda, Georges Sorel, Daniel Halévy et André Suarès y contribuent. Son retour au catholicisme, dont il avait été nourri durant son enfance, a eu lieu entre 1907 et 1908. En juin 1910 paraît "Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc", qui s'inscrit dans la perspective d'une méditation catholique manifestant publiquement sa conversion. Plutôt que par le mot conversion qui sous-entendrait un rejet de sa vie passée, c'est par un approfondissement du cœur qu'il retrouve la foi.    "Sous mon nom de l'histoire je n'ai jamais assez peu de fiches pour faire de l'histoire. J'en ai toujours de trop. Maison de pierre forte où bientôt ceux que j’aime, ayant su ma partance, et mon mensonge aussi, vont désespérément, éplorés de moi-même, autour du foyer mort prier à deux genoux, autour du foyer mort et trop vite élargi". Ce qui fascine en elle le jeune Péguy, c'est son engagement solitaire au cœur de la mêlée. Bouleversée par le spectacle de la guerre qui ravage les campagnes, elle n'hésite pas à prendre les armes et à se lancer dans "la bataille humaine". La Jeanne de Péguy incarne à la fois la grandeur et les limites de l'engagement individuel. L'œuvre est dédiée à "toutes celles et tous ceux qui auront lutté contre le mal", et particulièrement à celles et ceux qui "auront connu le remède", c'est-à-dire le socialisme. Jeanne d'Arc était seule avec ses voix improbables pour combattre la violence, l'injustice, le pouvoir. Son action, toute éclaboussée de gloire, ne pouvait que sombrer dans l'échec et la mort dégradante. Péguy, lui, croit avoir trouvé dans le socialisme la panacée, et l'on sent dans sa pièce, en contrepoint à l'aventure tragique et singulière de la bergère guerrière, l'assurance de celui qui se sait partie prenante d'un grand mouvement collectif. À partir de 1911, Péguy qui est au tournant de la quarantaine, fait l'amère expérience des déceptions, des ratages et des critiques injustes des milieux académiques après les remous provoqués par l'essai polémique contre Fernand Laudet. Au milieu de tant de difficultés, s'ajoute en 1912, l'inquiétude provoquée par la maladie de Pierre, son second fils. Péguy fait alors le vœu de se rendre en pèlerinage à Chartres, du quatorze au dix-sept juin, parcourant cent quarante-quatre kilomètres en trois jours. Alain-Fournier l'accompagne sur une partie du chemin. C’est ce pèlerinage qui, par la suite, inspira l'œuvre,"Les pèlerinages de Chartres". Péguy célèbre avec flamme des valeurs qui pour lui sont les seules respectueuses de la noblesse naturelle de l'homme, de sa dignité et de sa liberté. D'abord, son humble travail, exécuté avec patience, sa terre, cultivée avec respect, sa famille. "En réalité, il n'y a qu'un grand aventurier au monde, c'est le seul père de famille".   "Quand il s'agit d'histoire ancienne, on ne peut pas faire d'histoire parce qu'on manque de référence. Quand il s'agit d'histoire moderne on ne peut pas faire d'histoire parce qu'on regorge de références. Quand pourrai-je le soir filer encore la laine ? Assise au coin du feu pour les vieilles chansons. Quand pourrai-je dormir après avoir prié ? Dans la maison fidèle et calme à la prière. Quand nous reverrons-nous ? et nous reverrons-nous ? O maison de mon père, ô ma maison que j’aime". Comme écrivain, Péguy adopte d'emblée une position anticonformiste. Pour lui, la personne de l'écrivain est multiple et différente de celle de l'homme. Ils ne coexistent ainsi pas dans la même temporalité et ne vivent plus de la même vie. Les étapes de la construction de la "personne" littéraire de Péguy jalonnent treize ans de publications, de "Jeanne d'Arc" à "Victor-Marie, comte Hugo", des œuvres de jeunesse à "Notre jeunesse".Les pseudonymes se multiplient dans les articles d'avant 1900: Pierre Baudouin, Jacques Daube, Jacques Lantier, Pierre Deloire et quelques-uns de ces noms reparaissent dans les premiers "Cahiers", inaugurés par une "Lettre du provincial adressée à Péguy", lettre supposée d'un lecteur, à laquelle il répond brièvement: l'auteur se construit un interlocuteur et mobilise son destinataire. À la fin de 1900, les "Cahiers" publient "Pour ma maison", puis "Pour moi". En octobre 1901,"Vraiment vrai" signé Péguy, expose le programme des "Cahiers". Enfin, "De la raison", en décembre 1901, préface admonestatrice aux écrits de Jaurès, fait entendre la voix de toutes ces figures, à la première personne du pluriel, pour avertir celui que les dieux perdent ou qui perd ses dieux. De même dans "Notre patrie", "Notre jeunesse". Rappelons que l'entreprise des "Cahiers" réunit une multiplicité d'auteurs. Ce pluriel est peut-être une fiction fondatrice de l'œuvre et la condition fixée à sa mission de chef de chœur assemblant les voix populaires et mystiques qui s'adressent aux puissants où vont prier Dieu ("Les Suppliants parallèles", 1905). "De Jean Coste" (1902) révèle alors où Péguy place sa légitimité. La misère, celle du gérant, est une grandeur de situation qui donne autorité à sa personne. "De Notre patrie" (1905) à "Notre jeunesse" (1910), un second système d'autorité reposera sur la dénonciation de l'adversaire que désigne déjà "Zangwill" (1904). Le monde moderne, dont "la pensée de derrière la tête", formulée alors par Hippolyte Taine et Ernest Renan, est de s'attribuer toute légitimité grâce à la science déterministe. L'enjeu de cette bataille, la conquête du temps.   "Voilà où ils m'ont mis, avec leur méthode de l'épuisement indéfini du détail, et leur idée de faire un infini, à force de prendre un sac, et d'y bourrer de l'indéfini. Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle. Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre. Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle. Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles". Péguy a toujours affirmé qu'il n'avait jamais varié. Sa personne finit par comprendre ainsi "l'immense océan de sa silencieuse race", tous les français illettrés, fils d'Adam à qui parlait Dieu et qui parlent Dieu en France et en vers avec "Le Porche du mystère de la deuxième vertu" en 1911, "Le Mystère des saints innocents" (1912), "La Tapisserie de sainte Geneviève" (1912), "La Tapisserie de Notre-Dame" (1913) et enfin les quatrains d'"Ève" (1913). Parallèlement, les œuvres en prose: "Victor-Marie, comte Hugo" ( 1910), "la Note sur M. Bergson" ( 1914), qui concerne aussi Descartes, et la "Note conjointe sur M. Descartes" (1914) qui parle de Bergson, délimitent le terrain stratégique où Péguy se place enfin. Le présent, neuf, jaillissant, déshabitué du passé et des programmes intellectuels d'un avenir tout fait. L'homme du présent, éternellement jeune, est aussi l'homme des légendes, l'homme de la mémoire non écrite, de l'instinct vital et de l'intuition, sa personne s'est "incarnée" dans un peuple élu, dans un moment ressenti comme sacré, le présent, dont il est le témoin sacrificiel et le combattant. S’il est un trait qui caractérise Péguy, c’est son patriotisme. Loin d’être une vague abstraction ou une idéologie, il procède de l’étroite imbrication des intérêts spirituels et de leur enracinement dans la vie d’une nation. "Car le spirituel est lui-même charnel, et l’arbre de la grâce est raciné profond, et plonge dans le sol, cherche jusqu’au fond". Péguy n’est pas nationaliste car pour lui, la nation ne constitue pas l’horizonin dépassable de l’homme: "La patrie n’achève pas l’homme, elle le forme et le protège des destins qui la dépassent".   "Dans sa propre chair d’homme, devant la mort, instantanément il venait de connaître ce que c’est que la faiblesse et que l’infirmité de toute chair d’homme, la faiblesse, l’infirmité de la chair d’homme. Heureux ceux qui sont morts car ils sont retournés dans la première argile et la première terre. Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre. Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés". Péguy fait partie de l'une des dernières générations à avoir fréquenté la classe de Rhétorique. S'il s'est révolté contre le formalisme et ses exercices vains, il a souvent affirmé, en ancien boursier, son idéal des humanités pour tous. À l'art de penser et de parler, cette discipline alliait un imaginaire humaniste et politique. La situation de Péguy est d'autant plus intéressante qu'il était contemporain des réformes de l'enseignement et des recherches modernes sur le style. Lui aussi s'est interrogé sur ce qu'est un style singulier, subvertissant le goût classique prédominant à l'école, autant que les méthodes positivistes. Dans sa prose torrentielle, l'éloquence apparaît à la fois comme l'ennemie et le vecteur de l'expressivité. Qu’on ne s’y trompe pourtant pas, quand Péguy parle de "style", le mot ne signifie pas chez lui le sens assez vague de "manière d’écrire". Dans une étude approfondie des apparitions de ce terme dans les "Cahiers" et des variations sur la formule "le style, c’est l’homme". Dès lors, il ne désigne jamais d’abord un ensemble de procédés valant inscription littéraire, ni même un ensemble d’habitudes linguistiques valant signature personnelle, mais bien un "ton" plus qu’une "forme". Comme toute réflexion moraliste, celle de Péguy s’appuie sur des "lieux", à ceci près que ces lieux n’en sont pas toujours, dès lorsqu’ils s’organisent en un système de contre-valeurs jetées à la face de la contemporanéité. Il importe pour lui que sa prose ne trahisse pas ce qu’il veut toujours être et paraître: un représentant du peuple. Étrange revendication d’une posture de porte-parole qui s’accommode de la construction d’un personnage d’homme en marge, voire d’homme au ban. On ne le donc dira jamais assez. L’écriture de Péguy est largement polémique. Son horizon, c’est le pamphlet. Son arme, plus encore que l’allusion qui assoit son autorité, ce sera l’ironie qui mine celle de l’adversaire et l’humour qui fait du lecteur un complice. Si Péguy a fait des concessions à l’éloquence, il a voulu tenter de se garder de son double caricatural: la grandiloquence. Y est-il parvenu ? Pas toujours. Conséquence du recours au registre mystique.    "Voyez ce que c’est que notre chair, et notre tentation. Il faut veiller. Il faut prier. On n’est jamais tranquille. On n’a jamais un moment de tranquillité, un moment de tranquille. Moi-même votre frère je ne suis jamais tranquille. Car le surnaturel est lui-même charnel. Et l’arbre de la grâce est raciné très profond. Et plonge dans le sol et cherche jusqu’au fond. Et l’arbre de la race est lui-même éternel. Et l’éternité même est dans le temporel. Et l’arbre de la grâce et l’arbre de nature, ont lié leurs deux troncs de nœuds si solennels, ils ont tant confondu leurs destins fraternels. Que c’est la même essence et la même stature". Péguy a cette destinée singulière d'être, parmi les grands écrivains du XXème siècle, celui qui, de son vivant, a été enseveli sous le plus lourd silence de la critique, et qui, depuis sa mort, a provoqué la plus abondante foison d'articles et de volumes. Au final, sa pensée, indissociable du personnage tant il a voulu la vivre profondément, demeure une boussole pour notre temps. Il s’attache aux continuités de notre histoire. Il est celui qui voit dans la méritocratie républicaine la poursuite de l’œuvre monarchique, là où beaucoup d’idéologues s’efforcent d’y dresser une antinomie. Il conçoit la patrie comme l’enracinement des valeurs spirituelles dans une terre charnelle et lui accorde un amour de préférence sans pour autant lui conférer le statut d’idole qui embrasse toutes les dimensions de la personne. Il reste enfin un modèle de ténacité, de liberté et de courage pour avoir inlassablementre cherché la vérité, parfois au prix douloureux de ses amitiés, et incarné ses convictions jusqu’au sacrifice suprême.Au cours de ses années d'intense création littéraire, Charles Péguy est en proie à l'exaltation du poète, mais aussi à des tourments intérieurs. Épris de Blanche Raphaël, une jeune agrégée d'anglais fréquentant la boutique des "Cahiersde la quinzaine", l'écrivain choisit de combattre cette passion par fidélité à sa femme et à sa foi. Il en souffre beaucoup, comme en témoignent les quatrains de "La Ballade" du cœur qui a tant battu, demeurés longtemps inédits. Mais ce renoncement est aussi une fidélité à soi-même, qui porte ses fruits. La cohérence entre la vie et la pensée de Péguy assure la portée de son œuvre. Lieutenant de réserve, il part en campagne dès la mobilisation en août 1914, dans la 19ème compagnie du 276ème régiment d'infanterie. Il meurt le cinq septembre, en Goële, près de Meaux, lieu des combats de la bataille de l'Ourcq à la veille de la première bataille de la Marne, tué d'une balle au front, alors qu'il exhortait sa compagnie à ne pas céder un pouce de terre française à l'ennemi. Il serait mort, selon Victor Boudon, l'un de ses camarades de combat présents à ses côtés, en disant: "Oh mon Dieu, mes enfants". Mémoire des hommes.    Bibliographie et références:   - Jean Bastaire, "Cahier Charles Péguy" - Marie Boeswillwald, "Comprendre Péguy" - Robert Burac, "Charles Péguy, la révolution et la grâce" - Bernard Collignon, "Pourquoi ont-ils tué Péguy ?" - Maurice David, "Initiation à Charles Péguy" - Matthieu Giroux, "Péguy, un enfant contre le monde moderne" - Daniel Halévy, "Charles Péguy et les Cahiers de la Quinzaine" - Jean-Pierre Rioux, "La mort du lieutenant Péguy" - Alain Finkielkraut, "Le mécontemporain, Péguy, lecteur du monde" - André Robinet, "Métaphysique et politique selon Péguy" - Jean-Noël Dumont, "Péguy, l'axe de détresse" - Alexandre de Vitry, "L’individualisme civique de Charles Péguy"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
301 vues 4 aime
Par : le 01/05/24
"Pâles deviennent tous mes rêves, jamais il n'y eut de fin plus triste dans mes livres de poèmes, la vie doucement coule. Je sais qu'il me faudra mourir bientôt et pourtant tous les arbres brillent après le baiser de juillet longtemps désiré. La nuit est veloutée et tendre, telle une rose. Viens, donne-moi tes mains, mon cœur bat, il est tard et à travers mon sang, vaque la nuit ultime qui va et vient, sans bornes, et sans fin, comme une mer. Et puisque tu m'as tant aimée, cueille donc la joie suprême de ton jour, et donne-moi cet or que nul nuage ne trouble". Lors de son discours du vingt novembre 2003, pour l’acceptation du prix Nobel de littérature, Elfriede Jelinek fit un vibrant hommage à Else: "Écolière, j’ai adoré la stature extravagante, exotique et bariolée d’Else Lasker-Schüler. Je voulais à tout prix écrire des poèmes comme elle, même si je n’en ai point écrit, elle m’aura beaucoup marqué". Démente ou extralucide, Else Lasker-Schüler (1869-1945) aura enflammé son siècle, et aura été le porte-parole de l’expressionnisme allemand. Gottfried Benn, amant puis ennemi car rallié au nazisme, dira d’elle, "ce fut la plus grande poétesse lyrique que l’Allemagne est jamais eue". Karl Kraus, l’avait désigné comme "la plus forte et la plus impénétrable force lyrique en Allemagne". Ceci pour situer l’immense Else. Elle était maigre et ses yeux étaient immensément tendus vers vous. Une force terrible émanait de sa personne. Else Lasker-Schüler envoûte ou fait jaillir la haine par sa vie provocante. Elle mendiera une partie de sa vie pour se nourrir, elle fera exploser les valeurs bourgeoises et la forme poétique. Peintre, poète, meneuse ardente des causes intellectuelles, amante passionnée, elle reste une comète foudroyante passée dans notre ciel. Nous n’en avons pas encore pris toute la mesure immense. Le début du siècle à Berlin, c’est elle qui l’a façonnée. Ses amis qu’elle vit souvent mourir, Georg Trakl, Franz Werfel ou Franz Marc, bien d’autres encore sont le bord de sa route. Une première génération se fit décimer pendant la première guerre mondiale, une deuxième par le nazisme. Else vit tout cela. Perte et absence, exil et projections bibliques feront le fondement de son œuvre. "Une Sapho qui aura traversé de part en part le monde" dira d’elle Paul Hille son ami le plus proche. Ce nouvel ange bleu sera la madone des cafés littéraires et tous les hommes devinrent des professeurs "Unrat". Elle sera à jamais le prince de Thèbes ou une femme prise dans le tragique entre Berlin et Jérusalem. Sa terre d'exil sera sa terre de renaissance.    "Le printemps nous contemple de sa lumineuse majesté. Tu me cueilles une fleur en guise de salut, et moi, je l'aimais déjà quand elle n'était que graine. Du lointain pays de la nuit, des harmonies se pressent, s'enflent. Je fais le pas. Je serai la vie, vie blottie contre vie. Quand au dessus de moi des astres édéniques berceront leurs premiers humains. Tes yeux se posent sur les miens, jamais ma vie n’eut tant de chaînes". Else était tout entière dans ses jeux de rôle, elle se faisait appeler le jaguar ou "le prince de Thèbes" et baptisait tout son entourage de nouveaux noms. Franz Marc était le "Cavalier bleu", Karl Kraus, "le Dalaï-Lama", Gottfried Benn, "Giselheer le Barbare", Georg Trakl était "le cavalier en or", Franz Werfel "le prince de Prague", Peter Hille, "Saint-Pierre", et Oskar Kokoschka, "le troubadour ou le géant". D’autres encore se firent totémiser de ces noms étranges venus d’autres planètes. Ses amis furent foison, parfois aussi amants, le plus souvent égaux et amis: Gottfried Ben, Georg Grosz, Karl Krauss, Murnau, Trakl, Werfel, Marc, Peter Hille, Kokoschka, Richard Dehmel, Alfred Döblin, Tristan Tzara, Gropius, Walter Benjamin, Martin Buber, mais la liste est longue, tant était foisonnante cette ville de Berlin sous son versant bohème, avec tous ces cafés où l’on refaisait l’art et le monde. Elle se promenait dans les rues de Berlin accoutrée en Prince de Thèbes. Elle a dit "si j’avais été un homme, j’aurais été homosexuel", car elle allait creuser la part féminine de ses amants au tréfonds d’eux-mêmes. Elle restera une pure hétérosexuelle, bien complexe toutefois avec son côté dominateur et homme. Là, à Berlin, se sont constitués alors les mouvements picturaux essentiels, der "Brücke" (1905-1913) et des "Blauen Reiter" (1911), l’expressionnisme, et le Bauhaus (1919), le mouvement Dada venant de Suisse avec Tzara (1918), et ce que l’on a désigné comme les "Berliner Secessionisten". Des peintres comme Oskar Kokoschka, Emil Nolde, Ludwig Meidner, August Macke, Paul Klee, Franz Emil Marc, Ernst Ludwig Kirchner, Karl Schmidt-Rottluff, Wassily Kandinsky, ont fait alors revivre les couleurs de la peinture et changer le cours de l’art. Ils figureront tous sur la liste des artistes dégénérés dressés par le nazisme. L'art contre les armes.   "Vois-tu mon amour, ma vie se perdre dans tes yeux. Jamais ne fut si profondément en toi, si profondément désarmée. Et parmi tes rêves ombreux mon cœur d’anémone boit le vent aux heures nocturnes, Et je chemine en fleurissant par les jardins paisibles de ta solitude". Cette poursuite du monde de l’invisible, du monde magique derrière le réel, l’intrusion des bêtes métaphysiques, la découverte réelle de l’âme humaine, avaient trouvé en Else sa théoricienne car cela, elle l’avait déjà intégré dans ses textes. Cette parole de Paul Klee résume la philosophie des mouvements: "L’art ne doit pas reproduire le visible, mais rendre visible l’invisible". Croqueuse sincère d’hommes, elle jouait d’eux et d’elle, et tombait pourtant amoureuse à chaque fois. Et elle écrivait des poèmes pour eux tous. Elle rayonnait alors auprès d’eux, tant l’immensité de ses dons, sa passion ardente, étaient éclatants. Elle sera donc la figure de proue de l’avant-garde de ce Berlin du début du vingtième siècle, avec sa bohème, ses cafés bohèmes où l’on réinventait le monde à venir. Ce ne fut pas le monde lumineux de Franz Marc ni le monde énigmatique des expressionnistes qui advint, ce fut la peste brune de Hitler. Elle l’avait pressentie et s’enfuit dés 1933. Élisabeth (Else) Schüler était née le onze février 1869 à Eberfeld, aujourd’hui Wuppertal, cadette de six enfants. L’ombre du père jovial et d’une mère difficile pèse sur elle. Fille rebelle, elle quitte à onze ans l’école qui l’ennuyait profondément. Maladive, feignant de l’être, elle poursuit ses études à la maison. À vingt-six ans, elle se marie avec un docteur Berthold Lasker bien plus âgé qu’elle. Ainsi elle prend ses distances avec sa famille de banquiers et elle peut enfin fuir la petite vie de province. Elle est enfin rendue à Berlin qui la fascine. Là elle suit des cours de peinture de Simon Goldberg et fonde un atelier. Elle va alors se lancer à corps perdu dans une vie de bohème. Elle rencontre peintres, musiciens, écrivains et devient vite le pivot d’une vie violente et exaltante dans cette nouvelle communauté. Avec la flamme noire et la passion d’une Marina Tsétaëva, toutes deux pas très jolies, elle embrase son milieu d’intellectuels excentriques. Un enfant, Paul, de père inconnu car Else n’en dira jamais le nom, lui naît le quatre août 1899, et son mari accepte alors de le reconnaître.   "La nature m'entoure de sa beauté et dans la nuit, tes yeux brillent. Je sais qu'il me faudra mourir bientôt et pourtant tous les arbres brillent après le baiser de juillet longtemps désiré, pâles deviennent tous mes rêves, jamais il n'y eut de fin plus triste dans mes livres de poèmes". Mais le couple est brisé et divorce en 1900, et Else poursuit seule sa vie de danse au-dessus des volcans. Elle est désormais sans ressources et ne survit que par l’aide de ses amis, dormant sur les bancs publics ou ceux des gares, squattant alors des chambres, mangeant rarement. Elle vivait de lectures, de mendicité auprès de ses amis, de performances et de conférences. En 1913, Karl Kraus lance un appel au secours dans sa revue célèbre "Der Fackel", pour la soutenir matériellement. Son œuvre est sa vie, et sa vie son œuvre. Poésie et vie ne faisaient qu’un pour elle, les gouffres qui toujours s’effondraient entre ces deux domaines et ne se laissaient point enjamber. Ceci faisait alors les douleurs et les confusions de son moi. Elle va se lier avec le cercle de poètes de Peter Hille et publia "Stryx", son premier recueil de poèmes très mal reçue par les critiques car trop étrange et énigmatique. Elle partagea bientôt l’existence de Herwarth Walden, Georg Levin de son vrai nom et se maria en 1901 avec lui. Il était éditeur de la revue expressionniste "Der Sturm" qu’elle va alimenter et fondateur de la galerie du même nom. Walden fit se rencontrer à Berlin toute l’avant-garde européenne et se fit l’éditeur de celle-ci. Une pièce de théâtre d’Else "Die Wupper" parle de cette période de basculement. En 1912, après avoir divorcé de Walden après deux ans de séparation, elle se lia avec Gottfried Benn. Mais le tournant de son œuvre vient du choc de la mort tragique le sept mai 1904 de son ami le plus intime, Peter Hille, qui fut aussi son mentor. Un courant mystique l’envahit désormais qui se traduira par l’écriture des ballades hébraïques et sa plongée profonde dans les contes orientaux. "Mon cœur" et sa transformation en "Prince de Thèbes" seront sa rédemption. En 1913, elle voyagera à Saint-Pétersbourg et Moscou. Quand la première guerre mondiale éclate, elle pressent la mise au tombeau de la culture européenne et farouche pacifiste, elle s’enfuit en Suisse où elle côtoie le mouvement dadaïste. En 1920 elle sort de l’anonymat avec la publication de six volumes de poèmes, des livres avec ses lithographies ("Thèbes"), et l’admiration du metteur en scène Max Reinhardt qui monte ses pièces, ses dessins sont exposés.    "Je suis l'ultime nuance de l'abandon, il n'y a plus rien après. Rien sauf ta beauté intemporelle. Tu me cueilles une fleur en guise de salut, et moi, je l'aimais déjà quand elle n'était que graine. Pourtant je sais qu'il me faudra mourir bientôt. Mon souffle plane sur les eaux du fleuve de Dieu, sans bruit je pose mon pied sur le chemin qui mène à la demeure éternelle". Elle est alors intronisée chef de l’expressionnisme. Mais au lieu de rentrer dans ce nouveau rôle, elle reste une clocharde refusant tout ordre établi. La mort de son fils Paul de tuberculose, en 1927, la foudroie et elle commence à se retirer du monde. Scandaleuse elle était pour tous, et les nazis la qualifièrent de "juive pornographique" et voulaient sa tête. Elle avait toujours su que la bête immonde viendrait la dévorer, alors elle émigra en Suisse à Zürich, en avril 1933. En 1932 elle avait reçu le grand prix de littérature Kleist. Sa nationalité allemande lui sera retirée en 1938. Berlin se changea peu à peu en Jérusalem, elle se replongea dans sa culture juive et biblique. Et après des allers retours en Palestine en 1934 et 1937, elle s’y fixa en 1939 à plus de soixante-dix ans. De l’holocauste subi par son peuple, passe des thèmes bibliques et l’exaltation du moi "Ich und ich". "Je vais au jardin de Gethsemani et prier pour vos enfants". La terre sainte ne fut pas à la hauteur de ses espérances, et là aussi pauvre et solitaire, elle survivait par la lecture, la première autorisée en juillet 1941 à soixante-douze ans, de ses poèmes et par une bourse d’un tout petit éditeur, Salman Schocken. Elle vivait au milieu d’illusions, de ses délires, elle écrivait des lettres folles à Goebbels, à Mussolini, pour sauver son peuple, de son immense solitude. L’ingratitude la blessa profondément. Ses appels incessants pour faire la paix entre arabes et juifs étaient fort mal reçus. Et quand elle allait alors dans les synagogues orthodoxes elle s’asseyait toujours parmi les hommes. Ses derniers textes, "Mon piano bleu" (1943) paru à moins de quatre cents exemplaires en tout et pour tout, et "je et je" ne fus pas compris du tout. Else Lasker-Schüler mourut d’une crise cardiaque le vingt-deux janvier 1945 au matin, et elle fut alors enterrée sur le mont des Oliviers.    "Quand le jour tombe, je revis en te contemplant dans la galaxie. En secret la nuit, je t'ai choisi entre toutes les étoiles. Et je suis éveillée, fleur attentive dans le feuillage qui bourdonne. Nos lèvres veulent faire du miel, nos nuits aux reflets scintillants sont écloses. À l'éclat bienheureux de ton corps, mon cœur allume la flamme embrasant le ciel, tous mes rêves sont suspendus à ton or, je t'ai choisi parmi toutes les étoiles". Comment se meut la poésie d’Else Lasker-Schüler ? Elle parle surtout d’atmosphères, de lune, de bougies, d’amour qui ne vient pas ou qui ne comprend pas. La nuit est omniprésente, les lettres envoyées ou reçues sont là reprises, des dessins aussi. Le silence et la nervosité extrême aussi. Le café semble imbibé ses ratures et ses écritures. Tous les contes bibliques et ceux de l’Orient sont près d’elle et lâchent leurs démons. Les mots sont réduits à l’essentiel, à leur dureté, pour capter alors correctement les instants de vie, donc ses poèmes. Le souvenir des amis, des tableaux, poussent leurs stridences en elle. Les amants sont penchés sur elle, surtout ceux qui ont fui. L’obsession de quelques mots est toujours au bout de son crayon: lune, bleu, âme, pleurs, douleur, vie, mort qu’il faut consoler, étreinte et baisers, étoiles, frontières perdues, cœur, sang, ange, douceur, monde. Sans arrêt ces mots reviennent et se mélangent sans souci de faire de belles métaphores. Else n’est pas un livre d’images, mais un livre de vie. 'Le prince de Thèbes'" voyait plus loin que tous. Plus qu’un peintre, un poète, un dramaturge, elle fut la première à réaliser ce que l’on appelle ainsi aujourd’hui des performances, mêlant les arts, dansant sur ses textes en s’accompagnant de clochettes, et parlant une langue inventée, la langue de l’origine. Elle fut méprisée, accusé de grossièreté, on riait d’elle, de ses chaussures bizarres de ses chapeaux de mauvais goût, mais on l’admirait aussi passionnément. Elle ne savait ni vivre ni mourir, mais vociférer sans raison et tendre vers la dure vérité au travers des mensonges. Personne ou presque ne l’écoutait.    "À l'ombre de tes rêves, la nuit venue, mon cœur d'anémone s'abreuve de vent. Mais tu ne vins jamais avec le soir, j'étais assise en manteau d'étoiles. Quand on frappait à ma porte, c'était le bruit de mon propre cœur. Maintenant le voilà suspendu à tous les montants de porte, à la tienne aussi". Elle reste cet être tout à fait énigmatique et tragique qui réalisa alors sans doute le mieux cette fusion entre la judaïté et la source allemande expressionniste. Ce conflit de ses deux racines l’aura écartelé. Elle était "le Prince de Thèbes" exilé sur cette terre. On pourrait dire qu’Else Lasker-Schüler vécut comme une Allemande à Jérusalem. Le cas tient du paradoxe en ce sens que Else Lasker-Schüler avait vécu comme une Orientale à Berlin, se faisant appeler Prince Youssouf, prétendant être née à Thèbes en Égypte et déambulant, vêtue de pantalons bouffants, un poignard à la ceinture. Son écriture témoignait également de sa fascination pour un Orient mythique, mais aussi pour l’histoire et la terre du peuple hébreu comme le reflète le titre du recueil "Ballades hébraïques". Toutefois, comme chacun sait, il y a souvent loin de l’imagination à la réalité, et pour Else Lasker-Schüler le choc fut rude. Il faut dire à la décharge de l’écrivain qu’elle n’avait pas choisi de s’installer en Palestine mais fut plutôt victime d’un fâcheux concours de circonstances. Else Lasker-Schüler, que ses origines juives mettaient en péril, décida en 1933 de quitter ­l’Allemagne pour la Suisse. C’est au cours de cet exil de six ans qu’à l’invitation d’un couple de mécènes, elle se rendit pour la première fois en 1934 dans cette Terre promise où la conduisait depuis toujours son imagination poétique. Le premier voyage fut un émerveillement. E. Lasker-Schüler avait le sentiment de voir renaître un pays où couleraient bientôt le lait et le miel. Elle avait choisi de fermer les yeux sur les réalités les plus dérangeantes pour rédiger à son retour "Le pays des Hébreux", et en faire un hymne à la terre d’Israël. Malgré l’enthousiasme, Else Lasker-Schüler était en effet rentrée à Zurich car elle avait compris au cours de ce voyage qu’elle était avant tout européenne dans l’âme, qu’elle avait besoin des théâtres, des cinémas, de la presse et de toute cette vie intellectuelle que la Palestine d’alors ne pouvait lui offrir. Au cours d’un second voyage en 1937, le rêve avait commencé de se fissurer. Else Lasker-Schüler avait été agacée par le vacarme des rues de Jérusalem et davantage encore par la plus totale indifférence des autorités culturelles sionistes à sa personne.    "Et je traverse, florissante, les jardins de ta paisible solitude. Rose de feu qui s'éteint entre les fougères dans le brun d'une guirlande. Je fis pour toi le ciel couleur de mûre avec le sang de mon cœur. Mais tu ne vins jamais avec le soir, je t'attendais, debout, chaussée de souliers d'or". Elle accepta pourtant la proposition d’un troisième voyage en 1939 qui s’avéra être un voyage sans retour puisque, en raison de l’imminence de la guerre, l’écrivain n’obtint pas l’autorisation de regagner la Suisse. C’est donc une femme fatiguée, à la santé chancelante et éprouvée par la vie, qui s’installa alors contre son gré en 1939 à Jérusalem. Très vite, Else Lasker-Schüler prit en grippe le lieu de son nouveau séjour. Elle se plaignit des rigueurs du climat, de la rudesse des mœurs, de l’inconfort de son logement, de la pauvreté de la vie culturelle et de la misère qui l’environnait dans les rues de Jérusalem. C’est ainsi que le pays qui lui avait inspiré tant de livres depuis les Ballades hébraïques jusqu’au Pays des Hébreux devint son dernier rêve brisé. Elle trouva donc refuge dans la culture allemande et, au lieu de s’ouvrir à son pays d’accueil qui possédait déjà une vie littéraire non négligeable grâce à l’immigration d’écrivains venus d’Europe de l’Est comme Gershon Schofmann ou Samuel Yosef Agnon, elle décida de continuer à mener à Jérusalem la vie d’une femme de lettres allemande. Malgré sa vue qui déclinait et un bras endolori par l’arthrose, celle qui n’avait vécu que par et pour l’écriture, décida de réunir autour d’elle dans un cercle littéraire germanophone ses compagnons d’infortune. Le cercle fut baptisé "Der Kraal". Le plus souvent, les réunions du Kraal prenaient la forme de soirées littéraires au cours desquelles Else Lasker-Schüler et ses invités lisaient alors à l’intention du public des extraits de leurs œuvres. Else Lasker-Schüler avait un temps envisagé de recevoir le public et ses invités dans sa chambre mais l’idée manquait par trop de réalisme. Comme les autorités culturelles sionistes ne souhaitaient pas offrir une tribune à des intellectuels allemands, Elle dut alors faire du porte-à-porte.    "Toujours, toujours j'ai voulu te dire tant d'amour. Il tombera un grand astre dans mon sein, nous veillerons la nuit, et prierons en des langues, sculptées comme des harpes. La nuit nous nous réconcilierons, tant que Dieu nous inonde. Nos cœurs sont des enfants, qui, pleins d’une douce langueur, voudraient reposer". Si Else Lasker-Schüler semble ne s’être jamais vraiment réconciliée avec sa terre d’accueil et trouva jusqu’au bout des mots très durs pour parler de Jérusalem et de ses habitants, on ne peut pas dire pour autant que ces années en Palestine furent un échec. Ce serait méconnaître la sublimation littéraire de l’épreuve. Le recueil "Mon piano bleu", publié en 1943 apparaît ainsi comme une variation poétique sur le thème de l’exil. Au-delà de Jérusalem, dans ce recueil, c’est le monde lui-même qui apparaît comme le lieu de l’exil. Il n’existe nulle part sur cette terre de havre de paix, il n’y a pas de terre d’asile, d’où la nécessité de porter son regard plus loin. Au terme d’un long chemin, Else Lasker-Schüler était parvenue à la conclusion que le paradis qu’elle cherchait depuis toujours n’était pas de ce monde. La foi lui apparaissait désormais comme l’unique chemin conduisant au salut, d’où la tonalité profondément religieuse de ce dernier recueil dans lequel la poétesse supplie Dieu de l’arracher à son exil terrestre. Ceux qui ont connu l’écrivain dans ses dernières années parlent de ses absences, de ses monologues étranges avec des créatures invisibles. Il semble, en effet, qu’elle n’était déjà plus de ce monde, qu’elle ne l’habitait plus que physiquement, en pensées elle était déjà ailleurs. Nul doute que nombreux furent les juifs immigrés qui se sentirent déracinés voire en exil en terre d’Israël, mais rares furent ceux qui eurent le courage de l’écrire. Elle est devenue une légende passée un jour près de nous.   "Nous scellerons le jour dans le calice de la nuit, je suis sans attache, partout il y a un mot de moi.car j'ai toujours été le prince de Thèbes. Et nos lèvres veulent se trouver, pourquoi hésites-tu ? Mon cœur n’est-il pas proche du tien, ton sang me rougissait toujours les joues. La nuit nous nous réconcilierons, si nous nous caressons, nous ne mourrons pas". Son grand-père était un grand rabbin vénéré, ses parents des juifs parfaitement assimilés, elle sera la folle égérie d’un Berlin d’entre les guerres où se construisait la nouvelle modernité. Recluse encore plus misérable à Jérusalem, elle détestait tout ce que l’on avait écrit sur elle et ne rêvait que de revoir Berlin, comme avant. Elle que personne n’invitait plus rêvait ceci: "Dieu vint et me dit je t’invite. J’étais assise autour d’une table immense, à côté se tenait l’ange Gabriel et il me tendit un rôti de la main de ma mère. C’était à peu près le plumpouding, que nous mangions à la maison". Else avait un mysticisme intérieur qu’elle projetait sur les gens aimés et aussi sur la mort. Son art aura fusionné l’expérience juive et la haute culture allemande, l’émancipation féminine jusqu’à la provocation, la mutation du monde avec son individualisme forcené. Cette étrange étoile fit le passage de Berlin à Jérusalem où elle finit sa vie, refusant toute traduction de ses textes en hébreu: "Mes poèmes sont assez juifs en allemand" et ayant une attitude libre envers la religion, scandalisant ainsi jusqu’à son dernier souffle. Elle ne parlait ni le yiddish, ni l’hébreu car pour elle le sens des prières n’avait pas besoin de compréhension. Très belle étoile filante, Else a apporté à la poésie son sens des images son baroque expressionniste. Ses dessins étranges, ses lettres exaltées, ses poèmes surprenants et profonds entre rêves fous et angoisses laissent une trace inaltérable. Cette rebelle absolue contre tout ordre bourgeois ou matrimonial est une épée flamboyante dans la chair du siècle. Cette énergie volcanique a marqué au fer rouge son temps et les hommes qu’elle a calcinés. Else fut cette clocharde céleste qui à Berlin se cachait sous les balcons pour que ses parents au ciel ne la voient pas dans sa misère. Elle n’aura pas raté sa vie. Le scandale, c’était les autres qui ne l’ont pas comprise. Pauvre, elle fut, émancipée. Petite étoile et grande comète, elle continue de déambuler en nous avec ses vêtements orientaux. Elle croyait fortement à la force des mots et elle avait aboli toute frontière entre réalité et visions. Briseuse de tabous, elle aura cassé le tabou du monde réel. Le sérail de ses rêves et de sa poésie sont nos oasis. Belle et obscure reste sa poésie. "Mes poèmes sont impersonnels, ils doivent toujours inspirer les autres. Je sais que je vais bientôt mourir. Je suis l'ultime nuance de l'abandon, il n'y a plus rien après".    Bibliographie et références:   - Franz Baumer, "Else Lasker-Schüler" - Sigrid Bauschinger, "Else Lasker-Schüler" - Paul Cassirer, "Le Prince de Thèbes" - Benoît Pivert, "Terre d'exil, terre de renaissance" - Itta Shedletzky, "Else Lasker-Schüler" - Paul Tischler, "Else Lasker-Schüler" - Walter Fähnders, "Else Lasker-Schüler" - Iris Hermann, "Else Lasker-Schülers" - Erika Klüsener, "Else Lasker-Schülers" - Friedrich Pfäfflin, "Else Lasker-Schüler" - Margarete Kupper, "Else Lasker-Schüler" - Caroline Tudyka, "L'exil d'Else Lasker-Schüler"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
248 vues 5 aime
Par : le 30/04/24
"La vie est une côte. Tant qu'on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux mais, lorsqu'on arrive en haut, on aperçoit tout d'un coup la descente, et la fin, qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. À votre âge, on est joyeux. On espère tant de choses, qui n'arrivent jamais d'ailleurs. Au mien, on n'attend plus rien que la mort". "Il a le faciès d'un petit taureau breton", disait de lui Flaubert. Il en avait la force en tout cas, les épaules, le regard fier. Comme lui, il n'a vécu que pour créer. Il n'a pas aimé une femme, mais toutes les femmes, et avant tout sa mère. Il a été formé par la femme, a vécu d'elle et pour elle, a été poussé à la célébrité par des milliers de lectrices bourgeoises, genre nouveau qui apparut en France vers 1848. Disgrâce suprême enfin, il est mort de la femme sans avoir réellement cru en elle. La Manche brasse ses galets, détrempe le pays de Caux, province de craie et d’aquarelle. Celles de Gustave de Maupassant révèlent un tempérament d’artiste qui trompa vite ses espérances, à défaut d’un génie qui échoit à son fils. Guy de Maupassant naît le cinq août 1850 en Normandie, sans qu’on sache encore si ce fut à Fécamp, au Bout-Menteux, ou au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arque, ou enfin à Sotteville, près d’Yvetot. Laure, sa mère, cavalière émérite, férue de littérature, fume des cigarettes qui n’apaisent pas ses nerfs délicats, passe pour une excentrique, de grèves en pommeraies, bref ne semble pas être n’importe qui et ne saurait se résoudre à vivre n’importe où. Elle voulait une particule, une demeure imposante où poser son berceau, la voilà servie. Le soleil chauffe la pierre grise et les briques roses du château, détache sur fond d’azur les feuilles des hêtres qui bordent l’allée quand Guy pousse ses premiers cris, à huit heures du matin. Dans la chambre ronde baignée de lumière, le docteur Guiton s’empare du nouveau-né, le place alors entre ses genoux puis commence à lui pétrir le crâne avant de déclarer à la jeune accouchée dont les grands yeux bleus le considèrent:"Vous voyez, madame, je lui ai fait la tête ronde comme une pomme qui, soyez sûre, donnera plus tard un cerveau très actif, et sûrement une intelligence de premier ordre". En attendant de mûrir, Guy, ondoyé, baptisé, n’égaie pas longtemps le bonheur de seconde zone où s’enlisent ses parents. Lorsqu'ils décidèrent de se séparer à l'amiable, alors qu'il était encore tout enfant, c'est à sa mère que Guy, avec son jeune frère Hervé, fut confié, et c'est sa mère qui veilla, un peu jalousement, sur sa première éducation. Elle avait été la compagne de jeux de Gustave Flaubert et la sœur de cet Albert Le Poittevin, jeune poète très tôt disparu, qui lui avait donné une passion des lettres qu'à son tour elle transmit à son fils, dont elle facilita de son mieux la vocation littéraire. Dans sa propriété des Verguies, à Étretat, où elle s'était retirée et où Maupassant passa son enfance, elle dirigea minutieusement ses premières lectures, lui révélant en particulier William Shakespeare. Mais, pour tout le reste, elle lui laissa la plus grande liberté, et les premières années de l'écrivain, qui était doué d'une vigueur physique remarquable, furent certainement les plus heureuses et même les seules vraiment heureuses de sa vie. Sans contrainte, seul ou en compagnie d'une mère indulgente pour toutes ses fantaisies, il courait à travers les champs, faisait de longues promenades sur les falaises ou en mer, dans les barques de pêcheurs, et c'est dès cette époque qu'il acquit cette connaissance directe et profonde du pays et du peuple normands qu'on retrouvera dans tant de ses nouvelles. C'est au cours de ces promenades qu'il croise avec chance et intérêt le peintre Jean-Baptiste Camille Corot et rencontre pour la première fois Claude Monet.   "Je n’attends rien, je n’espère rien. Je vous aime. Quoi que vous fassiez, je vous le répéterai si souvent, avec tant de force et d’ardeur, que vous finirez bien par le comprendre. Je veux faire pénétrer en vous ma tendresse, vous la verser dans l’âme, mot par mot, heure par heure, jour par jour, de sorte qu’enfin elle vous imprègne comme une liqueur tombée goutte à goutte, qu’elle vous adoucisse, vous amollisse, vous force, plus tard, à me répondre: Moi aussi je vous aime". Lorsque son fils eut treize ans, Madame de Maupassant se résigna cependant à le placer comme pensionnaire au séminaire d'Yvetot. Guy y travailla fort peu. Il s'y sentit isolé, froissé par des camarades grossiers. L'internat lui était insupportable et plus encore les manières ecclésiastiques, qui lui donnèrent un dégoût de la religion qu'il devait garder toute sa vie. Sa seule consolation était d'écrire des vers. Certains d'entre eux, qui raillaient ses maîtres, furent un jours aisis par le directeur du séminaire, et le jeune homme, renvoyé, dut entrer, toujours comme pensionnaire, au lycée de Rouen, où il se montra assez brillant élève et passa aisément son baccalauréat. Il y a pour professeur de littérature le philologue Alexandre Héron. À cette époque, il côtoie alors Louis Bouilhet et surtout Gustave Flaubert, dont il devient le disciple. En 1868, en vacances à Étretat, il sauve de la noyade le poète anglais Charles Algernon Swinburne qui l'invite à dîner dans sa chaumière de Dolmancé en remerciement pour son courage. Mais, ce qu'il voit lors de ce repas l'effraie. Une tête de mort dans une coquille rose sur une table, des tableaux étranges, une guenon habillée, la main écorchée et momifiée d'un supplicié. Maupassant comprend, au bout de trois visites, les mœurs de la maison. Il en tirera la nouvelle "La Main d'écorché", qu'il modifie, publie en 1883 sous le titre de "La Main". Bachelier ès lettres en 1869, il part étudier le droit à Paris sur le conseil de sa mère et de Flaubert. La guerre qui s'annonce va contrarier ces plans. Ayant à peine 20 ans, Guy de Maupassant s’enrôle comme volontaire pour la guerre franco-prussienne. Affecté d’abord dans les services d’intendance puis dans l’artillerie, il participe à la retraite des armées normandes devant l’avancée allemande. Après la guerre, il paie un remplaçant pour achever à sa place son service militaire et il quitte Rouen pour s'installer durablement à Paris. Si les balles prussiennes ne l’ont pas tué, le ministère pourrait bien avoir sa peau. Maupassant tourne comme un lion en cage dans cet univers confiné, que régissent les chefs et les sous-chefs, que baigne une lumière d’aquarium. Tout ça sent mauvais. Sent la sueur, les vieux papiers, les vieux garçons. Son emploi dans la bibliothèque du ministère de la marine et des colonies le fait vivre, mais à quel prix, et d’ailleurs pas tout de suite. Il n’y a pas de poste vacant et Maupassant commence par travailler sans percevoir de salaire, en mars 1872, vivotant avec les cent dix francs par mois que lui donne son père. L’attaché à la bibliothèque est du moins dans la place, et le dix-sept octobre, il est nommé surnuméraire en titre à la direction du personnel, au bureau des équipages et de la flotte. Cette position lui offre une sécurité nouvelle et lui promet des appointements modestes, que cependant il doit encore attendre. Aussi réclame-t-il à son père de l’aider une fois de plus, pour payer son chauffage. Gustave lui refuse les cinq francs dont il a besoin, une violente dispute éclate entre les deux hommes un samedi matin. Guy se précipite alors dans sa chambre, prend la plume et raconte en détail l’incident à sa mère.   "Le peuple est un troupeau imbécile, tantôt stupidement patient et tantôt férocement révolté. On lui dit: "amuse-toi". Il s’amuse. On lui dit: "Vote pour l’Empereur". Il vote pour l’Empereur. Puis, on lui dit: "Vote pour la République. Et il votepour la République. Ceux qui le dirigent sont sots, mais au lieu d’obéir à des hommes, ils obéissent à des principes, c’est-à-dire des idées réputées certaines et immuables, en ce monde où l’on n’est sûr de rien, puisque la lumière est une illusion, puisque le bruit est une illusion". Vigoureux, en pleine santé, très gai, adorant les farces, ne donnant encore aucun signe de la maladie nerveuse qui devait l'emporter prématurément, il se jetait alors avec gourmandise sur tous les plaisirs de la capitale. Sa passion principale, c'est toutefois le canotage sur les bords de la Seine, en compagnie de joyeux camarades et de demoiselles peu farouches, parties hebdomadaires que rien n'aurait pu lui faire sacrifier et dont on retrouvera l'atmosphère dans la nouvelle intitulée "Mouche". Il va à Bezons, Argenteuil, Chatou, Bougival et le plus souvent se rend à l’auberge Poulin, à la "Maison Fournaise" et à "La Grenouillère", un radeau-établissementde bains située face à Croissy-sur-Seine. En compagnie de ses quatre amis, Henri Brainne, Léon Fontaine, Albert de Joinville, et le peintre Robert Pinchon, Maupassant forme une joyeuse confrérie, et emmène en promenade des filles dociles sur la yole achetée en commun et baptisée "Feuille de rose'". Lui se fait alors appeler "Maistre Joseph Prunier, canoteur ès eaux de Bezons et lieux circonvoisins". Auparavant, fin janvier 1877, le romancier russe Tourgueniev le rencontre et le trouve usé et vieilli, bien qu'il n'aura que vingt-sept ans en août. Le diagnostic tombe: syphilis. Cette maladie, il en mourra, ne cessera d'empoisonner l'existence du jeune homme, même s'il s'en gausse alors dans une lettre écrite le deux mars 1877 à son ami Pinchon: "Tu ne devineras jamais la merveilleuse découverte que mon médecin vient de faire en moi, la vérole. J'ai la vérole, la vraie, pas la misérable chaude-pisse, pas l'ecclésiastique christalline, pas les bourgeoises crêtes de coq, les légumineux choux fleurs, non, non, la grande vérole, celle dont est mort le roi, François Ier. Et j'en suis fier, Alléluia, j'ai la vérole, par conséquent, je n'ai plus peur de l'attraper !" En mars 1877, Maupassant prend un traitement à base d’arsenic et d’iodure de potassium. Mais cela lui occasionne des troubles digestifs. Il doit l’arrêter. Ladreit de la Charrière, médecin au ministère de la marine, l’envoie alors faire une cure d’eaux sulfatées. En 1877 toujours, Guy Maupassant se plaint à Tourgueniev de perdre ses cheveux par poignées,ce qui est le signe d'une syphilis secondaire. Il se plaint également, de migraines tenaces qui lui broient la tête et quil’empêchent de lire plus d’une heure de suite. Une autre activité de Maupassant est la chasse. Il ne la manquera que rarement dosant la poudre de ses cartouches et sélectionnant ses chiens d'arrêt. L'activité cynégétique de l'auteur est surtout présente dans l'imaginaire des contes. Aux antipodes des écrivains ou des philosophes qui affirment la supériorité de l'homme sur le règne naturel, l'animal Guy de Maupassant, "machine à sentir et à jouir", s'abandonne littéralement aux rythmes de la nature qui le traverse et qui le constitue. "Avec les femmes, c'est un lapin, quand vient la nuit, il devient chouette, quand il écrit, c'est un caméléon", selon Zola. Loin des bons sentiments religieux, loin de l'emphase romantique, il préfère la vraie bassesse à la fausse grandeur, l'individu au groupe, la précision aux fioritures.   "Ce que l'on aime avec violence finit toujours par vous tuer. On finirait par devenir fou, ou par mourir, si on ne pouvait pas pleurer. On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts. Le silence de la nuit est le lac le plus profond de la terre". Il travaillait aussi, pourtant. Non pas dans le bureau du ministère, mais auprès de Flaubert, auquel sa mère l'avait confié et qui, de 1873 à 1880, veillera alors avec le plus grand soin sur les années d'apprentissage du jeune écrivain, lui conseillant telle ou telle lecture, l'exhortant à tout sacrifier à la seule cause de l'art, lisant et corrigeant ses premiers manuscrits, le prenant même pour collaborateur, puisqu'il le chargea de diverses recherches nécessitées alors par la rédaction de "Bouvard et Pécuchet". Flaubert imposa à Maupassant les minutieuses exigences de l'esthétique réaliste. Il lui apprit à regarder le monde, à s'exercer à la description précise, à rechercher patiemment l'exactitude du détail vécu. C'est encore lui qui introduisit Maupassant dans la société littéraire de l'époque, qui lui fit ainsi connaître Alphonse Daudet, Joris-Karl Huysmans, Émile Zola, Ivan Tourgueniev, et le présenta également à la princesse Mathilde Bonaparte. Grâce à cette protection et à ces amitiés, Maupassant commença à collaborer à divers journaux: "Le Gaulois" et "Gil Blas" notamment. Cette activité de chroniqueur fut extrêmement importante. Maupassant n'a pas écrit moins de trois volumes de chroniques sur les sujets les plus divers: littérature, vie sociale, événements politiques. Ses écrits sur l'Algérie sont d'une grande perspicacité. Certaines des idées agitées dans ces pages furent assez souvent reprises dans les contes ou les romans, de sorte qu'on a pu dire à juste titre qu'elles constituaient un réel "laboratoire d'écriture".Cette expérience de la vie des salles de rédaction, il en tira profit dans "Bel-Ami" (1885). À cette époque, il pensait avoir une vocation de poète, dans laquelle Flaubert l'encourageait d'ailleurs, et les nombreux vers qu'il composa de 1872 à 1880 lui fournirent la matière de son premier livre, "Des vers" (1880), qui s'ouvre sur une fervente dédicace au maître de Croisset. Cette œuvre, délaissée en dehors de quelques morceaux d'anthologie ("Nuit de neige"), mérite cependant l'attention. Maupassant y apparaît comme l'un des rares, sinon le seul, représentant du naturalisme en poésie. En même temps, il se livrait à des essais de théâtre, représentés en privé dans sa propriété d'Étretat ou dans des salons parisiens amis. Même si ses œuvres, "La Paix du ménage", "Musotte", "Une répétition", "Histoire du temps" n'ont pas toujours rencontré le succès escompté, Maupassant a, sa vie durant, gardé un faible pour le genre dramatique. L'adaptation théâtrale, cinématographique ou audiovisuelle de plusieurs de ses nouvelles le prouve. Ce n'est guère que vers 1875 qu'il s'orienta vers la nouvelle. Il travailla d'abord pendant quelque temps à un roman historique, qui fut abandonné, puis, pendant l'été de 1879, au cours d'une réunion chez Maupassant, fut alors décidée la publication du fameux recueil des"Soirées de Médan" (1880), auquel il apporta sa nouvelle "Boule de Suif". Le grand succès de cette œuvre le décida à se mettre en congé du ministère, qu'il ne quittera officiellement, avec un soulagement immense, qu'en 1882, et, dèslors, jusqu'au moment où la maladie ne lui laissera plus de répit, il n'allait plus vivre que pour la rédaction de ses livres.   "Le baiser frappe comme la foudre, l’amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu’avant. Se souvient-on d’un nuage ? L'œil. En lui, il y a l'âme, il y a l'homme qui pense, l'homme qui aime, l'homme qui rit, l'homme qui meurt, la conquête des femmes est la seule aventure exaltante dans la vie d’un homme". Devenu très rapidement un écrivain à la mode, il se vit alors sollicité par les salons, mais il leur résista farouchement, car il y avait en lui un profond dégoût de la vie mondaine qui lui a inspiré son roman "Notre cœur" ( 1890). Son travail n'était pas distrait par les passions. Il eut des liaisons, courtes, nombreuses, mais il n'a jamais rencontré un autre amour que l'amour physique, ou du moins, s'il exista, comme c'est vraisemblable, lui et ses amis prirent grand soin d'en masquer l'existence. Il fut, comme l'a dit Edmond de Goncourt, un "véritable homme de lettres", mais dans le meilleur sens du mot, dans sa plus totale exigence. Il refusait la réclame facile, il cachait sa vie, allait même jusqu'à interdire qu'on publiât des portraits de lui, s'indignait lorsqu'il voyait livrées à la curiosité publique les correspondances privées des grands écrivains, et tenait qu'un artiste digne de ce nom ne doit compter pour s'imposer que sur son œuvre. Les horloges du ministère de l’Instruction indiquent trois heures et demie. C’est un samedi après-midi comme un autre rue de Grenelle, ce huit mai 1880. Guy de Maupassant vient de prendre connaissance du télégramme qui lui est adressé: "Flaubert, frappé d'apoplexie, sans espoir, partons, six heures, venez si possible". Signé Commanvile. Quand Maupassant arrive à Croisset avec les Commanville, Flaubert est mort. Il ne s’est pas vu partir. Il se réjouissait d’achever "Bouvard et Pécuchet", de prendre le train pour Paris le lendemain, plus que tout se réjouissait du succès de Maupassant. Son "chéri", son "fils" est accablé de chagrin. Il fait la toilette du mort, le coiffe, l’habille, le veille. L’enterrement a lieu le onze mai. C’est un mardi et il fait beau. Goncourt et Zola, Daudet et Charpentier sont venus. Commanville joue les vautours, songe à l’argent qu’on peut tirer des œuvres du défunt. La messe est dite dans l’église de Canteleu. Muni de son viatique pour l’au-delà, Flaubert descend dans la fosse au cimetière monumental de Rouen. Sous le soleil de la mi-journée, on distingue Catulle Mendès, Théodore de Banville, François Coppée, Céard, Hennique, Huysmans. Alexis Tourgueniev se trouve en Russie et Renan, malade, n’a pu faire le voyage. Hugo et Dumas n’ont pas ces excuses. L’inhumation pourrait être une page de Flaubert. Quatre fossoyeurs doivent agrandir le trou, trop petit pour le cercueil du grand homme. Laure, en Corse pour se refaire une santé, passe deux jours à pleurer. Celui qui ne craignait pas de le sermonner n'est plus: "Il faut, entendez-vous, jeune homme, il faut travailler plus que cela. J'arrive à vous soupçonner d'être légèrement caleux. Trop de putains, trop de canotage, trop d'exercice. Monsieur, le civilisé n'a pas tant besoin de locomotion que prétendent les médecins. Vous êtes né pour faire des vers, faites-en ! Tout le reste est vain, à commencer par vos plaisirs et votre santé. Foutez-vous cela dans la boule".   "La vie si courte, si longue, devient parfois insupportable. Elle se déroule, toujours pareille, avec la mort au bout. On ne peut ni l’arrêter, ni la changer, ni la comprendre. Et très souvent une révolte indignée vous saisit devant l’impuissance de notre effort. Quoi que nous fassions, nous mourrons. Quoi que nous croyions, quoi que nous pensions, quoi que nous tentions, nous mourrons". À cette occasion, il écrit un peu plus tard: "Ces coups-là nous meurtrissent l'esprit et y laissent une souffrance continue qui demeure en toutes nos pensées. Je sens en ce moment d'une façon aiguë l'inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des évènements et des choses et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui". Il resta fidèle avec intransigeance à l'éthique littéraire de son maître Gustave Flaubert, alors que commençait sa véritable carrière. Celle-ci fut alors d'une fécondité prodigieuse. En dix ans, de 1880 à 1890, Maupassant publia régulièrement trois, et parfois quatre et cinq volumes chaque année, au total six romans, seize volumes de nouvelles, livres de voyage et de très nombreux articles dans les journaux et les revues. Le sens des affaires joint à son talent lui apporte la richesse. Voyant le succès obtenu par "Boule de Suif", il avait immédiatement abandonné ses projets de poèmes et, puisant soit dans les souvenirs de son enfance normande, soit dans ses premières expériences de la vie parisienne, utilisant souvent avec une féroce exactitude des faits divers qui lui avaient été contés par des amis d'Étretat, d'Yvetot ou de Fécamp, il écrivit les huit nouvelles qui parurent en 1881 avec "La Maison Tellier". Le succès fut immense et, l'année suivante, Maupassant écrivait "Mademoiselle Fifi" (1882), inspirée comme "Boule de Suif" par la guerre de 1870. À l'inspiration normande, dominante chez Maupassant jusqu'à1885, se rattachent en particulier: "Une vie" (1883), qui fut son premier roman, "Les Contes de la bécasse" (1883), "Clair de lune" (1884), "Les Sœurs Rondoli" ( 1884) et "La Bête à Maît'Belhomme" ( 1886). Parmi son abondante production, dans ces années de maturité pendant lesquelles l'auteur jouissait encore de toute sa santé, il faut également citer: "Mon oncle Jules" (1884), "Miss Hariett", "Les Contes du jour et de la nuit" (1885), "Yvette" (1885), "Toine" (1885), "Bel-Ami"(1885), "Monsieur Parent" (1885), "La Petite Roque" (1886), "Pierre et Jean" (1888), ainsi que "La Main gauche" (1889).   "On naît, on grandit, on est heureux, on attend, puis on meurt. Adieu ! homme ou femme, tu ne reviendras point sur la terre. Et pourtant chacun porte en soi le désir fiévreux et irréalisable de l'éternité, chacun est une sorte d'univers dans l'univers, et chacun s'anéantit bientôt complètement dans le fumier des germes nouveaux". Maupassant était maintenant célèbre. Sans transiger en rien avec son idéal littéraire, il avait toujours pensé qu'il était juste que son œuvre lui apportât l'aisance et même la richesse. Il surveillait de très près ses droits d'auteur, les bénéfices de ses traductions, les chiffres de tirage des rééditions, et bientôt fut à la tête d'une des plus grandes fortunes du monde littéraire de l'époque. Toujours attiré par sa terre natale, il se fit construire à Étretat une jolie villa et venait très souvent en Normandie, soit pour travailler dans un isolement farouche, soit pour chasser. C'était chez lui une passion dont on trouve les échos dans "Les Contes dela bécasse". Poussé par un mystérieux besoin de fuite augmentant avec les années et où l'on peut voir un des premiers signes de sa maladie mentale, il entreprit également des voyages plus lointains en Corse (1880), en Algérie (1881), en Bretagne (1882), en Italie et en Sicile (1885), en Angleterre (1886), en Tunisie (1888), dont il rapporta de passionnantes impressions recueillies dans les volumes intitulés "Au soleil" (1884), "Sur l'eau" (1888) et" La Vie errante" (1890). Enfin, un séjour en Auvergne, à l'occasion d'une cure, pendant l'été 1885, lui donna le cadre de son roman "Mont-Oriol" (1887). En 1884, il vit alors une liaison avec la comtesse Emmanuela Potocka, une mondaine riche, belle et spirituelle. Il fait une croisière sur son yacht privé, nommé "Bel-Ami", d’après son roman de 1885. Cette croisière, où il passe par Cannes, Agay, Saint-Raphaël et Saint-Tropez lui inspire "Sur l'eau". Il y aura également un "Bel-Ami II" à bord duquel il visite alors la côte italienne, la Sicile, navigue d'Alger à Tunis puis vers Kairouan. Il retrace son périple dans "La Vie errante". Une plaque, toujours existante, apposée sur le môle, par les amis de l'auteur commémore le court séjour de Maupassant à Portofino. L'écrivain jette alors ses dernières forces dans l'écriture. En mars 1888, il entame la rédaction de "Fort comme la mort" qui sera publié en 1889. Le titre de l'œuvre est tiré du Cantique des cantiques: "L’amour est fort comme la mort, et la jalousie est dure comme le sépulcre". Le soir du six mars 1889, Maupassant dine chez la princesse Mathilde. Il y croise le docteur Blanche ainsi qu'Edmond de Goncourt, leurs rapports restent distants. En août 1889, Hervé de Maupassant est de nouveau interné à l'asile de Lyon-Bron. La vie de Maupassant est toujours plus handicapée par ses troubles visuels. Durant ses dernières années, se développent alors en lui un amour exagéré pour la solitude, un instinct de conservation maladif, une crainte constante de la mort et une certaine paranoïa, dus à une probable prédisposition familiale, sa mère étant dépressive et son frère mort fou, mais surtout à la syphilis, contractée pendant ses jeunes années. Maupassant se porte de plus en plus mal, son état physique et mental ne cesse de se dégrader, et ses nombreuses consultations et cures à Plombières-les-Bains, Aix-les-Bains ou Gérardmer n'y changent rien. Après avoir caressé quelques espoirs de guérison, Guy de Maupassant, vers la fin de l'année 1891, se rendit compte qu'il allait inéluctablement vers la folie. Dans la nuit du premier au deux janvier 1892, après avoir rendu visite à sa mère établie à Nice depuis plusieurs années, il s'ouvrit la gorge avec un coupe-papier en métal, mais ne se fit alors qu'une blessure sans gravité. Laure de Maupassant consulta le psychiatre Émile Blanche, qui jugea nécessaire de faire rapatrier l’écrivain à Paris pour l’interner, à Passy.   "L'âme a la couleur du regard. L'âme bleue seule porte en elle du rêve, elle a pris son azur aux flots et à l'espace. Le voyage est une espèce de porte par où l'on sort de la réalité comme pour pénétrer dans la réalité inexplorée qui semble un rêve. On pleure les illusions avec autant de tristesse que les morts". La clinique du docteur Blanche, établissement de grand renom, est située au dix-sept, rue Berton, dans l’ancien hôtel particulier de la princesse de Lamballe, à Passy. Dans la rue, des journalistes attendent, font le siège pour savoir ce qu’est devenu Maupassant, ce romancier célèbre jusqu’en Russie. C’est une rue pavée, paisible, au charme provincial. De l’autre côté se trouve une des entrées de la maison où vécut Balzac, qui mourut treize jours après la naissance d’un petit garçon pourvu d’une tête ronde comme une pomme. Le petit garçon devint l’un des écrivains les plus célèbres du siècle sous le nom de Guy de Maupassant. Maupassant fit son œuvre en dix ans et, rongé par la syphilis, devint l’ombre de lui-même. C’est une histoire brève, implacable comme ses nouvelles. On l'interne à Paris, le sept janvier, dans la chambre quinze, qui sera désormais son seul univers. Il meurt de paralysie générale un mois avant son quarante-troisième anniversaire, après dix-huit mois d’inconscience presque totale, le six juillet 1893, à onze heures quarante-cinq du matin. Sur l’acte de décès figure la mention "né à Sotteville, près d’Yvetot", ce qui ouvre alors la polémique sur son lieu de naissance. Le huit juillet, les obsèques ont lieu à l'église Saint-Pierre-de-Chaillot à Paris. Il est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris. Émile Zola prononce l'oraison funèbre: "Je ne veux pas dire que sa gloire avait vraiment besoin de cette fin tragique, d'un retentissement profond dans les intelligences, mais son souvenir, depuis qu'il a souffert de cette passion affreuse de la douleur et de la mort, a pris en nous je ne sais quelle majesté souverainement triste qui le hausse à la légende des martyrs de la pensée". Quelques jours après l'enterrement, Émile Zola propose alors à la Société des gens de lettres d'élever un monument à sa mémoire. Le monument fut inauguré le vingt-cinq octobre 1897 au parc Monceau. En 1891,Guy de Maupassant avait confié à José-Maria de Heredia: "Je suis entré dans la littérature comme un météore, j’en sortirai comme un coup de foudre". Maître français incontesté de la nouvelle, pour rester fidèle à l'idéal d'attachement intransigeant à la réalité, il ne s'est pas encombré, comme Émile Zola, d'aspirations sociales humanistes. Chantre de la sensation, il s'apparente souvent aux impressionnistes, à Claude Monet notamment, qu'il avait vu peindre du côté d'Étretat et qu'il évoque dans une de ses chroniques. Disciple de Flaubert, il est exigeant sur son style qu'il veut d'une telle simplicité qu'on a pu la confondre avec de la platitude ou de la banalité. C'est que, par une rhétorique savante, toute d'illusion, Maupassant sait rendre la grisaille dont s'enveloppe souvent la vie humaine. Il sait ainsi en peindre les pulsions irraisonnées, inquiétantes, les déviations, les courts bonheurs comme les grandes misères. Il sait dire surtout qu'il n'existe pas, à ses yeux, ni espoir, ni d'au-delà pour l'homme. Pessimiste, Maupassant ? Sur le genre humain, incontestablement. Soucieux de sa santé, de l'état de ses finances, de sa famille en détresse, mais pas malheureux.   "Il faut être, en effet, bien fou, bien audacieux, bien outrecuidant ou bien sot, pour écrire encore aujourd'hui. Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût diffèrent, créent autant de vérités qu'il y a d'hommes sur la terre. J'aime la chair des femmes, du même amour que j'aime l'herbe, les rivières, la mer". Maupassant était un homme naturel, charnel, presque solaire, acharné dans son travail et dans sa quête de l'autre. On l'a décrit souvent comme excessivement solitaire. Pourtant, il était plutôt sociable et bon vivant. Il faisait partie du cercle de Médan, aimait à canoter sur la Seine avec de jolies filles, fréquentait les dîners parisiens, recevait beaucoup dans sa villa "La Guillette" à Etretat. C'était un ami fidèle, chérissant toujours son maître Flaubert, sorte de substitut d'un père absent. Mais il n'était pas très expansif, restait discret en société, écoutait et observait. Pour nourrir ses œuvres, sans doute. En réalité, c'était un homme qui travaillait beaucoup, qui avait besoin de s'abstraire souvent de la société pour écrire. Maupassant n'était pas dément. Du moins jusqu'à son internement, qui le conduisit en dix-huit mois de la paralysie à la mort et correspondit à la phase finale de la maladie contractée très jeune, la syphilis. Le diagnostic tomba en 1877, alors qu'il n'avait que vingt-sept ans. Les médecins étant alors complètement désarmés face à cette infection sexuellement transmissible inguérissable, Maupassant fit contre mauvaise fortune bon cœur, essaya d'oublier son mal, perdit quasiment la vue, mais nullement ses esprits. Les dépressions de son oncle Alfred, l'ami de Flaubert, et de sa mère, Laure, l'internement de son frère, Hervé. On a trop vite fait le lien entre ces drames familiaux et la santé de Maupassant. De même, ce n'est pas parce qu'il écrivit sur la folie dans certains de ses contes, comme "Le Horla", qu'il en était lui-même atteint. Pendants du réalisme, le fantastique et les dérèglements de l'esprit étaient pour lui, seulement une matière littéraire. Rien de plus calculé que ce récit. S’il en était encore besoin, la ferme et belle écriture du manuscrit du second “Horla” visible à la Bibliothèque Nationale, est une preuve de plus que cette narration n’est pas faite par un écrivain en état de folie. La syphilis avec l’absinthe et ses ravages, était la maladie du siècle. Artistes, écrivains, tous ou presque en étaient alors atteints. Maupassant fanfaronne, comme pour exorciser une mort qu’il sait inéluctable. C’est déjà l’esquisse de l’idée maîtresse qui habite l’œuvre en devenir, le pessimisme comme antidote du désespoir, s’attendre toujours au pire pour n’être jamais déçu et dont le romancier accusera la noirceur jusqu’à ses derniers écrits. On trouve alors là l’influence schopenhauerienne. Et cette propension au catastrophisme, qui a exalté la lucidité et le talent de cet écrivain hors pair, a également inspiré les toiles fulminantes d’un Van Gogh. Le déclin de sa santé mentale, avant même l’âge de trente ans, le porte à s’intéresser aux thèmes de l'angoisse et de la folie. Passant du réalisme au fantastique, il refuse toutes les doctrines littéraires. Comptant parmi les écrivains majeurs du XIXème siècle, il se rattache à une tradition classique de mesure et d’équilibre et s'exprime dans un style limpide, sobre et moderne. L’influence de Flaubert a été déterminante quant à sa vocation. Elle est aussi très grande à travers la vision et l’approche désabusée du monde, caractéristique de l’aîné et que son cadet lui emprunte alors. Flaubert révèle à Maupassant les ridicules de la société bourgeoise contemporaine, devant lesquels l’artiste n’a d’autre choix que d’observer et de raconter, d’être celui "qui fouille et creuse le vrai tant qu’il peut". Dès lors, son pessimisme apparaît lié à sa méthode comme écrivain, tout en reflétant les mouvements de sa conscience. Dans son œuvre, le panorama de la détresse humaine se transforme à mesure qu'il appréhende alors sa propre capacité à comprendre ses semblables, à les dénoncer ou à leur pardonner.   "Les sentiments sont des rêves dont les sensations sont les réalités. Le baiser est la plus sûre façon de se taire en disant tout. C'est par l'écriture toujours qu'on pénètre le mieux les gens. La parole éblouit et trompe parce qu'elle est mimée par le visage, parce qu'on la voit sortir des lèvres, et que les lèvres plaisent et que les yeux séduisent. Mais les mots noirs sur le papier blanc, c'est l'âme toute nue". L’ensemble de son œuvre romanesque se présente comme une fable tragique sur le temps, comme une mise en intrigue des ravages de celui qui est, pour Maupassant comme pour Baudelaire, l’"Ennemi" par excellence. De la chronologie intime et quasi linéaire d’"Une vie", où l’histoire privée tend à se substituer à l’histoire collective, aux derniers romans, où l’analyse psychologique s’accompagne d’une critique biaisée de la mondanité, en passant par ces deux romans de conquête que sont "Bel-Ami" et "Mont-Oriol", situés pour leur part dans une actualité récente et parfois brûlante, Maupassant ne cesse de s’interroger sur la distance qu’il convient alors de prendre avec le temps de l’histoire. Même lorsque celle-ci apparaît très en retrait, notamment par rapport aux modèles balzacien puis zolien, elle fait toujours l’objet d’une mise en question implicite, soulignant le passage d’une force dynamique à une fatalité écrasante où prédomine le retour du même. Mais c’est d’un poids bien plus lourd encore que pèse le passé dans ses romans. En lui se matérialise ainsi tragiquement le sentiment d’une perte fatale, prenant la forme du regret ou de l’assimilation nostalgique du maintenant au jadis."Une vie" se termine, il ne finit pas. Avec l’image de Jeanne tenant dans ses bras "la fille de son fils", la vie, de toute évidence, continue. L’émotion exubérante de l’héroïne et la parole mémorable pleine de bon sens de la domestique promue au rang de sa maîtresse ont de quoi satisfaire le lecteur sentimental comme celui qui attend du roman un enseignement moral. Le contentement exprimé par Jeanne signe assurément l’accomplissement du contrat narratif mais l’œuvre reste ouverte. Il serait vain de prétendre conclure. Les romans de Maupassant sont longtemps restés dans l’ombre des récits courts, contes ou nouvelles. Admirés par les écrivains et par un vaste public, ceux-ci ont même réussi à se frayer une voie au sein de la critique savante, acquérant ainsi le rare privilège de plaire au plus grand nombre tout en satisfaisant le lecteur érudit. Les multiples adaptations cinématographiques qu’ils ont suscitées, en France comme à l’étranger, et une large pénétration du domaine scolaire ont contribué à accroître leur popularité ainsi que le renom de Maupassant nouvelliste. Le romancier demeure plus secret, comme lui avait enseigné Flaubert, l'ultime ambition de l'auteur est l’effacement de sa personne au bénéfice de son œuvre.   Bibliographie et références:   - Pierre Bayard, "Maupassant, juste avant Freud" - Mariane Bury, "La poétique de Maupassant" - Philippe Bonnefis, "Comme Maupassant" - Gérard Delaisement, "La modernité de Maupassant" - Pierre Borel, "Le vrai Maupassant" - Léon Gistucci, "Le pessimisme de Maupassant" - Algirdas Julien Greimas, "Maupassant, la sémiotique du texte" - Gisèle d'Estoc, "Cahier d'amour, suivi de Guy de Maupassant" - Jacques-Louis Douchin, "La vie érotique de Guy de Maupassant" - Laurent Dubreuil, "De l’attrait à la possession, Maupassant" - Marlo Johnston, "Guy de Maupassant" - Frédéric Martinez, "La vie de Maupassant" - Fabrice Thumerel, "Les romans de Maupassant"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
276 vues 4 aime
Par : le 28/04/24
"Le monde entier est un théatre et tous, femmes et hommes, n'en sont que les acteurs. Et notre vie durant, nous jouons plusieurs rôles." Dans l’histoire littéraire, la fin du XIXème siècle est marquée par l’avènement d'une nouvelle tendance dramaturgique que les critiques anglais appellent "New Drama". Le terme de théâtre nouveau, ou théâtre moderne, définit davantage une période dans l’histoire du théâtre qu’une théorie scénique spécifique. Dans la foulée du naturalisme littéraire de Zola ou de Dostoïevski, une nouvelle génération de dramaturges européens se penchent sur les rapports sociaux entre les sexes et les classes. Une des particularités du théâtre nouveau est de donner une place centrale à des figures féminines qui sont en rupture non seulement avec leur rôle social mais également avec des archétypes dramatiques antérieurs comme la femme de mauvaises mœurs, la brave mère, ou la jeune fille pure, telles qu’on peut les voir dans les mélodrames du début du XIXème siècle. En Angleterre, le théâtre assimile à sa manière cette influence nordique en faisant du théâtre nouveau, un théâtre de réflexion débattant de phénomènes sociaux. Plus discursif que naturaliste, le théâtre nouveau britannique ne se contente pas de dépeindre les rapports sociaux de façon détaillée, mais se revendique alors comme une forme théâtrale intellectuelle, construite autour d’un raisonnement et impliquant, dans certains cas, un jugement. L’héritage des études féministes dans le domaine littéraire, aussi jeune soit-il, a heureusement permis de combler une partie des lacunes de l’histoire du théâtre nouveau. Voilà une trentaine d’années que les études féministes, les études "genre" et les études théâtrales anglophones portent un réel intérêt à l’histoire très fragmentée des praticiennes de la scène. C’est grâce à ces recherches sur la production artistique des femmes que l’on doit la redécouverte et la prise en compte de textes dramatiques trop malheureusement rapidement écartés de l’histoire du théâtre anglais. C’est le cas, de "Votes for women", écrite par Elizabeth Robins qui signait aussi des romans sous le pseudonyme de C. E. Raimond.   "La vie est une pièce de théâtre, ce qui compte, ce n'est pas qu'elle dure longtemps, mais qu'elle soit bien jouée". Connue sous le nom de "Lisa aux yeux bleus", Elizabeth Robins (1862-1952), née aux États-Unis, a vécu plus de la moitié de sa vie en Angleterre et faisait partie de l'intelligentsia londonnaise. Elle était l'amie de George Bernard Shaw, d'Oscar Wilde, d'Henry James et à la fin de sa vie de Virginia et Leonard Woolf. Influencée par ses racines américaines, l'élite littéraire britannique et ses nombreux rôles d'héroïnes d'Ibsen, elle a accompli une carrière prestigieuse en tant que dramaturge et romancière. Parmi ses œuvres les plus célèbres, il y a sa pièce "Votes for Women" (1907), qui porta sur scène la politique de rue du mouvement pour le droit de vote des femmes, et "The Magnetic North" (1904), un roman inspiré par sa recherche désespérée dans l'espoir de retrouver son frère disparu en Alaska. "Votes pour les femmes" n'est pas sa seule tragédie, mais c'est la seule qui fut produite sur scène. Peu de temps après sa mort, Elizabeth Robins est tombée peu à peu dans l'oubli. Elizabeth Robins, est née à Louisville au Kentucky, le six août 1862, au début de la guerre de Sécession. Elle a vécu son enfance à Staten Island avant de déménager chez sa grand-mère à Zanesville, dans l'Ohio, à l'âge de dix ans. Surnommée "Bessie" ou la fille facétieuse, ses amis d'enfance aimaient sa compagnie car toujours gaie, elle plaisantait souvent, comme jeter un livre d'école dans les toilettes. Elle fit ses études au Putnam female seminary, où elle étudia l'arithmétique, la géographie, la lecture et l'orthographe. Au grand dam de son père, Robins, influencée par ses camarades de classe, Elizabeth développa très tôt une passion pour le roman et la scène.   "Une pièce de théâtre, une comédie, une tragédie, un drame, cela doit être une sorte de personne: cela doit penser, cela doit agir, cela doit vivire." Elle figura en bonne place dans les récitals de l'école et fut encensée dans le journal local pour son rôle dans "Hamlet." Elizabeth savait à quatorze ans qu'elle voulait devenir une comédienne de théâtre professionnelle. Après avoir vécu sous la coupe de son père pendant plusieurs années, et la mort de son mari qui se suicida, Elizabeth Robins partit pour New York en 1881. À l'automne, grâce à James O'Neill, "son ami dramaturge indispensable", qui était en pension dans la même maison qu'elle, elle obtint le rôle de religieuse dans "Les deux orphelins" d'Adolphe d'Ennery et d'Eugène Cormons. En janvier 1882, elle était en tournée. Elle continua sa carrière d'actrice aux États-Unis avec O'Neill, endurant les objections continuelles de sa famille. En signe de réprobation, son père sortit même en pleine représentation du "Comte de Monte-Cristo", où elle interprétait Mercedes. En 1888, elle regagna l'Angleterre, où elle commença à se produire à Londres dans des théâtres réputés. Au cours de sa carrière à Londres, elle interprèta des pièces de théâtre d'Henrik Ibsen. Son premier rôle d'Ibsen fut Mme Linden dans la "Maison de Poupée", elle fut la première comédienne à jouer Hedda Gableret Hilda Wangel en anglais. En dépit de jouer divers rôles dans des pièces de théâtre pourtant prestigieuses, elle devint frustrée et constata que les théâtres publics seraient seuls à la hauteur de son grand talent. Elle travailla ainsi en étroite collaboration avec le mouvement du théâtre indépendant et avec "The independent Theatre" de Londres lui-même, en organisant plusieurs saisons rendant possible la production de "Little Eyolf" d'Ibsen, jouée en 1896 et "Mariana", jouée en 1897 dans la capitale britannique. En plus de sa carrière théâtrale, en 1890, Elizabeth Robins commença à écrire des romans sous le pseudonyme de C.E Raimond, mais sa véritable identité ne fut révélée dans la presse que peu de temps après la publication de Bildungs roman, "The Open Question" en 1898. Elle continuera alors à écrire jusqu'à sa mort, sous ce pseudonyme, en poursuivant des projets d'écriture de plus en plus diversifiés. En 1902, elle met un terme à sa carrière de comédienne. En 1904, elle signe son roman "Magnetic North." Place alors à des préoccupations politiques et féministes.    "Le théâtre est un point d'optique. Tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, tout doit et peut s'y réfléchir mais sous la baguette magique de l'art." Lorsque l'union sociale et politique des femmes (WSPU), une organisation dirigée par Emmeline Pankhurst et ses filles, abandonne Manchester pour Londres, Elizabeth Robins assiste aux rassemblements en plein air à Trafalgar Square "par curiosité citoyenne". En 1906, elle devient membre du comité national de l'UPMS, prêtant sa voix en faisant des discours publics appelant à l'action féministe, mais son engagement à l'union demeura timide au début. Cependant, c'est à cette époque qu'elle écrivit "Votes for women" (1907) qui conduisit les mouvements de rue de "la cause" sur la scène anglaise et ouvrit la voie à la création de nombreuses autres pièces de théâtre revendiquant le droit de vote pour les femmes. Elle publia ensuite son roman "The Convert", une adaptation de "Votes for Women". Christabel Pankhurst l'encouragea alors à s'impliquer davantage aux cotés des suffragettes, mais elle refusa. Elle rompit finalement avec le WSPU et s'éloigna d'Emmeline Pankhurst en raison de son militantisme devenu trop agressif. Sa rupture avec WSPU ne mit pas fin à son implication dans le mouvement des droits pour les femmes. Elle devint la présidente de la Ligue de suffrage des femmes écrivains (WWSL), fondée par Cicely Hamilton et Bessie Hatton en 1908. Ses romans prenaient la forme de revendication féministe. En 1924, elle publia "La part d'Ancilla", acte d'accusation de l'antagonisme sexuel qui, outre "Votes for Women", fut probablement son ouvrage le plus célèbre contre la société patriarcale et l'asservissement de la femme par l'homme.   "L'attitude d'un auteur, quand il écrit pour le théâtre, doit être affective avant d'être intellectuelle car tout le théâtre s'adresse à l'émotion avant tout." En 1908, Robins rencontra Octavia Wilberforce (1888-1963), qui devint sa compagne de toujours. Wilberforce, docteure en médecine, s'était spécialisée dans les questions de santé concernant les femmes et les enfants. Elle travailla au "New Sussex Hospital for Women and Children", où la romancière siégea au conseil d'administration. En 1927, avec le docteur Marjorie Hubert, elles convertirent sa maison de campagne, Backsettown, en un lieu de repos pour les femmes surmenées. Elle fit en sorte que Backsettown reste un lieu de soin après sa mort. L'établissement est toujours en activité aujourd'hui. L'intérêt de Robins pour le féminisme se poursuivit tout au long des années 1920. En 1924, elle publia "Ancilla's Share", un recueil d'essais sur le sexisme qui aborde également le problème du racisme et la nécessité du pacifisme. Au cours de cette période, elle siegea au conseil d'administration du "Time and Tide", un magazine féministe créé par la vicomtesse Rhondda, Margaret Haig Mackworth, et s'impliqua dans "The Six Point Group". Durant la première guerre mondiale, elle collabora courageusement à la mission de secours du "corps d'urgence", fut bibliothécaire honoraire à l'hôpital militaire de Londres et donna des conférences aux écoliers du Sussex. Elle fut le porte parole du ministère anglais de l'alimentation et travailla avec le "Henfield Women's Institute" installé à Lewes dont elle devint ensuite la présidente d'honneur. Elle passa la majeure partie de la période de la seconde guerre mondiale aux États-Unis. La "Vassar Alumni House" à New York, le"Princeton Inn dans le New Jersey" et enfin, le "Prince George Hotel" à New York furent ses résidences. Elle mourut en Angleterre le huit mai 1952, dans sa quatre-vingt-dixième année. Figure de premier plan dans le nouveau théâtre de la période édouardienne, romancière, dramaturge féministe et suffragette d'une beauté sans pareil, Elizabeth Robins mérite de sortir de l'oubli. C’est en se penchant sur les conditions historiques, sociales, idéologiques ou culturelles qui, dans le passé, ont permis aux femmes de cohabiter avec les hommes de manière créative ou de s’aménager un espace artistique propre que l’histoire fragmentée des contributions féminines sera reconstituée. Il faut donc espérer qu’au gré des rééditions futures, les historiens et critiques littéraires sauront assimiler l’héritage féministe et tirer parti de ses spécificités pour lui faire prendre place neutralement dans une tradition harmonieuse mixte par l’esprit et par la forme.   Œuvres: - The new moon (1895) - Below the salt, (1896) - The open question, (1898) - The magnetic north, (1904) - Votes for women, (1907) - Camilla, (1918) - The Messenger, (1920) - Ancilla's share: an indictment of sex antagonism (1924)   Bibliographie et références: - Angela V. John, "Elizabeth Robins" - Iveta Jusova, "The new Woman" - Joanne E. Gates, "Elizabeth Robins" - Pat Jalland, "Autobiography of Elizabeth Robins" - Katherine Kelly, "Modern Drama by women" - Sowon Park, "Elizabeth Robins" - Kerry Powell, "Women and victorian theatre" - Victoria Glendinning, "Elizabeth Robins biography" - Alexandre de Ruvigny, "The new woman in theatre" - Serge Tallandier, "La vie d'Elizabeth Robins"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
321 vues 4 aime
Par : le 27/04/24
"Imaginez qu’un point de votre corps éprouve le besoin de se distendre démesurément, effroyablement, et d’occuper un diamètre égal à l’arbitre de Saturne. Imaginez qu’on vous attache par le milieu du corps à un câble, que l’on fasse tourner ce câble à une vitesse vertigineuse. Vous tournerez en cercles de plus en plus vastes, dessinant une spirale dans l’espace, la tête en bas, de plus en plus vite. Et vous volerez dans les immensités cosmiques, vainqueur des espaces, devenu vous-même espace. Vous serez emporté par cet ouragan, quand votre corps, comme un lest inutile, sera rejeté". Né en 1880, fils d'un mathématicien réputé de l'Université de Moscou, mort en 1934 en U.R.S.S. où, après avoir voyagé à travers bien des pays d'Europe, d'Afrique du Nord et du Proche-Orient, il vivait en "émigré de l'intérieur", Andréi Biély, pseudonyme de Boris Bougaïev, est considéré avec Alexandre Blok comme un des chefs de file du symbolisme russe. Esprit précoce nourri dès sa prime jeunesse de Goethe et de Schopenhauer, de Nietzsche et de Dostoïevski, de Kant et des Upanishads, influencé tour à tour par des idéologies révolutionnaires et les philosophies indiennes, par le christianisme et l'anthroposophie, Biély reste, malgré les influences subies, un des écrivains les plus originaux de Russie. Il laisse un héritage littéraire extrêmement volumineux et hétéroclite: des dizaines de volumes, de nombreux écrits épars et manuscrits. Publié pour la première fois en 1916, réédité à Berlin en 1922 et en 1928,et 1935 en U.R.S.S. avec des modifications atténuant son caractère "théosophique", le roman "Pétersbourg" apparaît comme le sommet de la création de Biély et, en même temps, comme une œuvre maîtresse de la littérature mondiale. La publication tardive de "Pétersbourg" en français est intervenu sous de bons auspices. À la veille de la Révolution de 1905, un étudiant en philosophie bourré de kantisme, et qui par plus d'un côté ressemble à Biély, reçoit d'un parti terroriste l'ordre de tuer son père. Ce père, grand juriste et sénateur tout-puissant, régente l'empire russe à coup de décrets. Il est, comme son fils, rongé jusqu'aux os par la pensée abstraite. Leurs rapports ressemblent à tout sauf à de l'amour et le fils les ressent comme un acte physiologique honteux. L'organisation terroriste lui transmet une bombe dans une boîte de sardines. Après maintes hésitations, le fils remonte alors machinalement le mouvement d'horlogerie, et au moment où il est décidé à se débarrasser de la bombe en la jetant dans la rivière, il s'aperçoit qu'elle lui a été subtilisée. Son père s'était emparé de l'objet sans se douter de sa nature. La bombe finira par éclater sans tuer la victime désignée. Le sénateur, dont le personnage rigide fait penser au père de Biély, donne sa démission au moment de la grève insurrectionnelle en renonçant à briguer le poste de premier ministre qui lui avait été promis.   "Elle avait un teint extraordinaire. C’était un teint, ah ! Un teint de nacre avec les reflets roses et blancs de la fleur du pommier". Le fils échouera en Égypte, comme Biély, où il se plongera dans les commentaires de textes anciens, et ne reviendra en Russie qu'après la mort de son père. Les velléités révolutionnaires l'abandonnent. Il vieillit dans la peau d'un gentleman-farmer solitaire attiré par le mysticisme et fréquentant l'église. Le vrai héros du roman n'est ni le père enfermé dans sa tour d'ivoire, machine de précision apte à concevoir et à appliquer les articles du code, ni même le fils qui, tiraillé entre un échec amoureux, l'étude de Kant et les "contacts" révolutionnaires, vêtu d'un domino rouge, hante les boulevards et les ponts fantomatiques de la capitale. Conformément au titre, le vrai héros est la ville de Saint-Pétersbourg comme Alexandrie l'a été pour Durrell, Dublin pour Joyce. Andréï Biély est d’abord un poète qui se rattache au mouvement symboliste russe. C’est également un penseur. Il ira voir du côté de l’occultisme, de la théosophie, puis de l’anthroposophie du docteur Rudolf Steiner, mais les rapports sont complexes. C’est que Biély, se tournant vers les hommes et les doctrines, se retrouve immanquablement avec lui-même et ses propres questions. Il n’interroge pas le monde. Il s’interroge d’abord. Le monde pour toile de fond. Il admit la Révolution, mais le plan sur lequel elle se déroulait ne pouvait que le décevoir. Elle était politique et sociale, d’un athéisme combatif, et il l’attendait sur un plan culturel et religieux. Il espérait de la Russie une mission anthroposophique. Pour autant, il ne rejoint pas l’émigration, tout en gardant des liens avec elle. Penseur religieux déçu, il se transforme en essayiste et expérimentateur du langage, en quelque sorte mécanicien de sa propre machine corporelle et psychique à écrire. La prose soviétique des riches années 1920, ornementale à ses débuts, lui doit beaucoup: Pilniak, par exemple. Ou même Léonid Léonov, Vsévolod Ivanov. Et, pour les années trente, le "Moscou" de Boulgakov fait alors pendant au "Pétersbourg de Biély. Mais l’art de celui-ci, comme toujours, tient alors davantage du jeu cérébral de l’homme avec lui-même, beaucoup plus qu’avec les autres. Parmi ses romans, qui tiennent à la fois de l’expérience phonétique et sémantique, de l’onirisme et du témoignage idéologique et social, sa plus belle réussite est "Pétersbourg" (1913), plusieurs fois retravaillé, plusieurs fois publié, notamment au cours de la période soviétique. "Pétersbourg", baigné de signes, de prodige et d’humour, où tout est alors symbole et plonge le lecteur dans l’énigme et le fantomatique.   "Sa crise aiguë de folie apparaissait sous un jour nouveau. Il avait maintenant conscience d'être vraiment fou. Sa folie était comme le compte rendu que ses organes sensoriels délabrés faisaient à son moi conscient. Chichnarfné n'était qu'un anagramme mental". Biély est inclassable parce qu’il ne partage pas sa classe où l’on se bouscule pour accéder. Seulement, on ne peut pas, pour la raison qu’il est là et occupe bien, trop bien, la place. Que pour les autres, sans lui, cette place présente quelque charme, elle reste comme un jardin inattendu sinon inconnu. Inexpliqué.Et qu’en faire ? C’est pourtant aussi une vue sur le monde réel dont Biély possède apparemment seul une clef et une entrée particulières. Mais on pousserait trop aveuglément et maladroitement la porte, là même où lui s’engouffre, court à perdre haleine dans la lumière. Son feu peut sembler s’affaiblir et devoir s’éteindre quand Biély précisément s’apprête à tout embraser. Il n’aura jamais la prudence ni l’onction d’un quaker. À travers les cités, les rues, les routes, les ponts, les gares de la Russie et l’âme de ses héros, emmenant tout ce fourbi dans ses circonvolutions cérébrales, Biély expose, emporte et soustrait son secret d’écrire. Biély entraîne son lecteur dans une Russie qui roule à l’abîme. On pense bien sûr à cette fraction de l’intelligentsia russe qui s’est lancée dans le nihilisme, sous Alexandre II et Alexandre III. On pense aussi, du côté de la littérature, à Gogol et son "ardente troïka" dont nul ne saurait distancer ni arrêter la course folle. Mais il y a bien de la distance de Gogol à Biély. Comme bien de la parenté. On sait d’abord que Biély ne s’intéresse pas vraiment à la réalité sociale russe, mais aux mécanismes mentaux de ses héros, sinon aux siens propres. La Russie lui sert de toile de fond, d’écran sur lequel lui-même et ses démons intérieurs apparaissent et barbouillent le monde. Il parle autant de lui que de ses héros. C’est un théâtre d’ombres où l’auteur se laisse glisser à l’exagération, jusqu’à paraître artificiel. Biély conduit avant tout son lecteur dans un jeu cérébral, la Russie et les types sociaux étant les pièces du jeu. Cependant, russe dans l’âme autant que Gogol, Biély saisit quelque chose du pays et des forces qui le désagrègent à l’approche de 1914. Gogol garde une étroite maîtrise de l’écriture que refuse Biély qui fait courir les mots à grandes guides. Gogol, c’est déjà la Russie qui s’interroge, et les prémices d’une fin. Il recherche toujours une guérison spirituelle pour lui-même et son pays. Biély, avec la fin historique qu’il pressent et précise à son tour, annonce et commence une autre Russie, sous l’image du chaos. Mais c’est toujours son âme à lui, qu’il lui faut refondre. Biély était également musicien, mathématicien et poète.   "Ce n'était pas Chichnarfné qui le poursuivait et le persécutait, mais ses propres organes qui pourchassaient son moi. L'alcool et l'insomnie rongeaient sa complexion corporelle. Le corps était lié aux espaces. Et quand le corps avait commencé à se désagréger, les espaces s'étaient fissurés". Yeux pervenche tendus vers l’éternité, la folie en ombre opaque sur lui comme nuées, sourire angélique, Biely s’avançait dans notre pauvre monde en labourant la terre de la langue russe. Frénétiquement, tendrement, poétiquement. Occulté en Occident par son frère-ennemi, son double astral, Alexandre Blok, ce sont les travaux de Georges Nivat qui nous parlent encore de lui. Une grande partie de son œuvre est disponible grâce aux éditions de l’Age d’homme et à Jacqueline Chambon et, malgré l’obstacle ici certain de la langue, car tous les romans de Biély sont tous en prose rythmée, on peut saisir l’ombre immense du "plus halluciné des symbolistes russes". Celui qui voulait comprendre, épouser et déchiffrer "le rythme de l’univers". L’âge d’Argent, qui prend fin au tournant de la grande Révolution laisse un héritage considérable, surtout au niveau poétique, mais le visage entier de la Russie change en 1917 et un besoin de transformation se fait sentir. En littérature comme ailleurs, c’est la chute de tout un monde qui laissera place au renouveau artistique. Andreï Biély en sera le prophète inspiré, puis brisé. Réceptacle des mystères du monde, de son origine tumultueuse, il allait toujours en quête des révélations. Assoiffé d’infini et de gnoses, il allait guettant les signaux pour les initiés. Violent, exalté, de totale mauvaise foi, moine-soldat du symbolisme brûlant tout sur son passage, il portait souvent l’incendie aux cœurs des tièdes et des raisonneurs. Il n’était pas un écrivain ou un poète, mais le fondateur d’une religion des mots, ces mots qui devaient changer la vie rabougrie du monde. Il était l’aboyeur de l’éternité. Ses transes verbales et érotiques ont fécondé la langue russe. Son aura continue à l’illuminer. Il demeure l’inventeur du "mot vivant", le grand expérimenteur des sons et de la langue. Andreï Biély est ce chaman halluciné qui atransformé en profondeur la langue russe, aussi bien en poésie qu’en prose. Il l’aura projetée dans la modernité. Expérimentateur exalté il a tordu la langue, l’a ensemencée, a violé sa syntaxe, l’a fait danser sur les braises ardentes du tambour fou du rythme, dépassant totalement le courant symboliste russe pour interpeller l’éternité.   "Dans les fissures, entre les sensations, les bacilles s'étaient infiltrés. Les espaces s'étaient mis à grouiller de spectres. Qui était Chichnarfné ? C'était l'envers d'un rêve abracadabrantesque, l'envers d'Enfranchiche, c'était un cauchemar né de la vodka". Écrivain prolifique et torrentiel, il est au moins l’équivalent de James Joyce pour la littérature russe. Vladimir Nabokov voyait en lui l’écrivain le plus important du vingtième siècle. Il fut aussi salué par Mandelstam. Si la répétition continue et un peu radoteuse de ses thèses ésotériques et philosophiques assez fumeuses a beaucoup vieilli, il reste un souffle puissant, une musique débordante de ses images, qui font d’Andreï Biély le mélange entre "le fou" propre au monde russe, et le prophète des origines et des fins dernières. Aspiré par le cosmos, il aura su édifier une cosmogonie. Une cosmogonie pathétique comme le fut le personnage avec ses élans, sa foi en le dépassement humain, lui le danseur toujours aux bords des abîmes. Il a fait entrer l’espace et l’immensité dans les lettres russes. Derviche tourneur de la langue russe il lui a donné lumière et explosion du moi et des rythmes. "Oh non ! Ne dites pas que je suis un dérangé ! Laissez-moi bouleverser mes changements jusqu’à l’authenticité ! Laissez-moi la mortelle, la souffrante personne de Biély reposer dans l’éternel repos. Et avant sa mort, écrire son testament, raconter le transport de son Moi en lui-même par une personne morte". Andreï Biély était l’instabilité même, la toupie égarée de sa propre vie. Il savait aussi se déchiffrer lucidement, cruellement, en écrivant ses "Carnets d’un toqué". Il aura dansé toute sa vie, toujours présent sous ses multiples apparences, ses pirouettes, ses dons géniaux et effrayants. André Biély était né Boris Nikolaïevitch Bougaïev à Moscou le vingt-six octobre 1880. Son père était alors professeur à l’Université de Moscou où il enseignait les mathématiques. Il était d’une intelligence froide et raisonneuse, et fort laid de surcroît. Et Biély aura voulu effacer et le nom et le poids de son père en lui. Le parricide est une sorte de fil rouge qui parcourt son œuvre. Sa mère, Alexandra était bien plus jeune que son père, vingt ans de moins. Enfermée dans un silence neurasthénique et rêveur, elle ne sera pas le rempart aimant nécessaire au jeune Boris. Les innombrables disputes le poussent à se créer un monde intérieur. Et toute sa vie est pour lui apparition d’événements ayant tous un sens mystique.   "Sur le roc retombèrent en tintant les sabots métalliques, le coursier alors s'ébroua: naseaux qui fument dans le brouillard incandescent. Le profil du Cavalier d'Airain se pencha sur le dos du Cheval. Un éperon sonore griffa le flanc de métal". Il est doué pour tout: mathématiques, philosophie, musique, sciences naturelles, peinture et dessin. Il en est presque effrayant de dons multiples. Paratonnerre de toutes les foudres du monde, il est marqué pendant son adolescence par la musique et la poésie, et les grands romanciers. Chopin, Wagner, Beethoven, Goethe et Heine, Gogol et Dickens, Dostoïevski, Ibsen, Maeterlinck, Tolstoï, l’influencent ainsi que les contemporains français. La philosophie le passionne, Schopenhauer, Nietzsche, Kant qu’il rejettera ensuite, et le philosophe russe Vladimir Soloviev. Il va se lier profondément à la famille Soloviev, surtout avec Sergueï le jeune fils. Il va connaître et admirer le précurseur du symbolisme russe Vladimir Soloviev, frère du père de Sergueï. Entre 1901 et 1908, André Biély écrit ainsi quatre symphonies: "La Symphonie Nordique"," La symphonie dramatique", "Le Retour", "La coupe desTempêtes". C’est pour la parution de la "Symphonie dramatique" écrite en 1901, et publiée en 1902, que Mikhaïl Soloviev lui invente un pseudonyme. Boris Bougaïev, jeune étudiant en sciences naturelles est oublié avec tout son lourd environnement, place à Andreï Biély, André le Blanc, André le Candide, ainsi baptisé par son ami, place à un génie turbulent et visionnaire. Le choc de ce livre est considérable. Cette irruption dans la littérature russe est une véritable épiphanie, qui change la face de la langue russe. Alexandre Blok sans le rencontrer encore en est foudroyé. Si Alexandre Blok est le phare de Saint-Pétersbourg, Andreï Biély est celui de Moscou. Entre 1903 et1912, Andreï Biély est alors de toutes les aventures littéraires, de toutes les revues, de tous les cénacles, publié abondamment. On ne peut échapper à ses écrits et à sa parole en ce temps-là. La rencontre avec Blok ne se fera pourtant qu’en 1905. Il va devenir avec Blok un des meneurs du courant symboliste russe. Sa relation fusionnelle, orageuse, passionnée avec Blok et sa femme Lioubov, sera alors le chant d’amour et de mort de la poésie russe.   "Un martèlement pesant et sonore courut sur le pont qui menait aux îles. Le Cavalier d'Airain passa au galop. Les muscles de ses bras métalliques étaient contractés, le pavé sonnait sous les sabots. Un hennissement éclata alors comme un rire". C’était l’époque de ses élans d’amour fou pour la créature idéale, la Sophia, que le cercle de ses amis ainsi définissait comme l’idéal féminin, source de lumière, et proche de l’amour courtois. En 1901, lors d’un concert, il jette sa cristallisation, son idéal amoureux, sur Margarita Morozova, épouse d’un riche négociant. Il l’accable de lettres enflammées sans se dévoiler. Si l’aventure resta platonique, elle engendra alors plus tard "La symphonie Dramatique" et surtout le recueil de poèmes "Premier Rendez-vous". Les amours d’André Biély sont à l’image de sa vie: un défilé inaccompli et hallucinatoire. Sa peur du charnel, sa recherche d’une sœur plutôt que d’une femme, expliquent ses atermoiements. Ainsi vont passer Nina Petrovskaïa, trop femme pour lui, Lioubov Mendeleïev en 1906, femme de Blok dont il est follement amoureux, rêvant d’un ménage à trois avec Blok, dont il est aussi amoureux, Assia Tourgueniev graveur et sculpteur qu’il épouse en 1911 comme une sœur et non comme une femme, et enfin Klavdia Nikolaïevna Vassiliev son oasis finale. Après la tragique liaison impossible et déchirante avec Lioubov, il s’enfuit à Munich, puis à Paris jusqu’en février 1907 où il se lie d’amitié avec Jean Jaurès. Il avait vécu le début de la révolution russe à Saint-Pétersbourg et fait les réunions révolutionnaires de Moscou. Pour lui aussi il fallait faire exploser le vieux monde corrompu. Convalescent de ses peines d’amour, il revient en Russie après ses innombrables conférences et publie sa quatrième symphonie en 1909, "La Coupe des tempêtes", mais aussi un roman étrange et tragique, empli des superstitions profondes de la Russie: "La colombe d’argent". En 1910 Assia devenue sa compagne l’entraîne dans de lointains voyages: la Sicile, l’Égypte, la Tunisie et la Palestine. C’est de retour en Europe, à Bruxelles puis la Norvège et enfin Leipzig en Allemagne, que Biély commence la rédaction de "Pétersbourg", son grand chef-d’œuvre, qui connaîtra bien des avatars.   "On eût dit le sifflet déchirant d'une locomotive. L'haleine des naseaux noya la rue d'une vapeur blanche et brûlante. Sur son passage, les chevaux, en renâclant, se jetaient de côté et les passant fermaient les yeux". En mai 1912 a lieu à Cologne la rencontre qui va changer sa vie et mettre un visage sur sa quête: Rudolf Steiner fondateur de l’anthroposophie qui voulait réconcilier le spirituel dans l’homme avec le spirituel dans l’univers. Biély et sa femme deviennent des disciples soumis et fervents. Ils s’intègrent humblement à la communauté à Dornach, où ils s’installent en 1914 pour construire le "Johannes Bau" qui fut dénommé ultérieurement "Goethéanum". Dans un rapport d’esclavagisme intellectuel, ils suivent religieusement, comme le dernier des moines, les actes et les paroles du gourou. Biély va suivre Steiner dans ses tournées de conférences : Stuttgart, Munich, Vienne, Prague. En 1916, il est convoqué par l’armée pour la mobilisation. Il rentre en Russie en passant par l’Angleterre, mais il bénéficie d’un sursis. Il reste en Russie alors qu’Assia refuse de quitter Dornach et la communauté. Lui donne des conférences exaltées où il tente d’évangéliser les gens à son nouvel ésotérisme inspiré de Steiner. Dans cet environnement où sa paranoïa naturelle peut s’épanouir, face au tragique et au grotesque de sa situation, il termine une sorte d’autobiographie: "Kotik Létaïev", plongée dans son enfance. Sa mémoire monstrueuse, son"kodak" disait-il, lui font se souvenir du moindre détail depuis la forme des nuages, jusqu’aux galets de la plage. Il écrit son livre le plus hardi, le plus hermétique, "Glossolalie", poème sur le son, véritable manifeste sur l’origine du langage, et le sens du son. Il publie aussi "Le Christ ressuscité", "Premier Rendez-vous", et "Poèmes épiques". C’est alors la période des doutes que son autobiographie "Les Carnets d’un toqué" (1918-1922) résume. Doutes envers Steiner et sa doctrine, doutes aussi envers la révolution léniniste qu’il avait ardemment soutenue, mais qui instaure un climat étouffant et totalitaire. Mais surtout l’année 1921 est l’année de la mort d’Alexandre Blok, lefrère. La police politique se referme sur ses amis et sur son groupe. Ainsi Blok se sera laissé mourir de désespoir, Essenine lui se suicidera finalement en 1925, et Biély le plus fou de la bande va alors survivre vaille que vaille.   "Défilèrent les avenues, un quai de la rive gauche, débarcadères, cheminés de bateaux, amoncellement grisâtre de sacs de chanvre. Défilèrent aussi les terrains vagues, les péniches, les palissades, les bâches, les innombrables maisonnettes. Au bord de la mer, aux confins de la ville, brilla la façade d'un estaminet turbulent". Nikolaï Goumilev, un des fondateurs du mouvement poétique de l’acméisme et mari d’Anna Akhmatova, est fusillé. Biély considéré comme un parasite plutôt que comme un opposant reçoit l’autorisation de quitter le pays. En 1921, il revient à Berlin, où se trouvent beaucoup d’intellectuels russes. Assia le quitte alors. Il ne supporte pas ce milieu d’émigrés reclus dans la nostalgie et la haine. Malheureux, hanté par la folie, il décide en octobre 1923 de revenir dans la gueule du loup. Il rentre en Russie et Trotski l’assassine littérairement. Il vit avec Klavdia Nikolaïevna Vassilieva et publie"Moscou et Masques". Il entreprend de réécrire la plupart de ses poèmes quitte à les massacrer, pour les rendre conformes à ses dernières théories sur le rythme. De cette époque datent aussi ses efforts pitoyables et dérisoires pour se mettre vainement au diapason des nouveaux thèmes léninistes. En 1931, il s’installe près de Leningrad. Deux ans plus tard, il subit une première crise cardiaque et meurt à Moscou le huit janvier 1934 d’une insolation. Il savait qu’un jour les flèches solaires l’atteindraient. Il est inhumé au cimetière de Novodiévitchi. Il meurt méprisé par le régime léniniste, qui s’il ne le tue pas, le prend pour un fou illuminé mais pas dangereux, donc à laisser croupir dans sa pauvreté et sa solitude. Jamais il ne connut "la paix apaisée". Il était totalement inadapté au bonheur. Lui le grand mystique cinglait vers d’autres territoires où les anges donnent rendez-vous, les démons aussi. "Je suis écrivain et je n’ai même pas une pierre où reposer ma tête. J’ai pourtant écrit "Pétersbourg". J’ai pourtant prévu la chute de la Russie impériale, dès 1902, j’ai vu en rêve la mort du tsar: d’un côté, une hache, de l’autre une scie".   "Le terne soleil se ternissait, et la lumière grésillait comme les milliers d’insectes dans le pré. Déjà le soleil s’inclinait, et des sons fêlés flottaient à la suite de Darialski". André Biély entre prophétie et démence, entre sagesse et feu intérieur, aura été un génie visionnaire. Ses livres, ses poèmes portent la littérature moderne, avec ses trouvailles de mots, ses étincelles de rythmes et de couleurs. Au travers de ses vaticinations, de ses incohérences, il voyait venir le grand incendie sur sa chère Russie. Il en pressentait comme un sismographe halluciné les crépuscules et le sang à advenir. Homme du surconscient il voyait aussi bien "l’ici que l’éternité". Il aura tenté de vivre dans une course hors du temps. Vivre dans l’ivresse de l’air. Chaman en transes verbales, tout à la fois totalement archaïque et profondément avant-gardiste, il est une voix unique, fascinante. Sa vision est apocalyptique et le monde terrible est perçu au travers de ce prisme enraciné en lui. André Biély croit au pouvoir des mots, lui si imprégné de la Genèse et des paroles de Jean sur la création des origines par le verbe. Mais Biély autodestructeur et plein d’autodérision et de fascination pour le Mal, utilise souvent son don de la parole comme magie noire. Tendu entièrement par le rythme et la musique, il compose de véritables contrepoints, des structures complexes proches des symphonies classiques. La primauté de la musique sur les mots est pour lui un dogme absolu, issu de son admiration pour Wagner. Il joue des formules incantatoires, des assonances, des leitmotive, la polyphonie, et le contrepoint verbal. "Glossolalie" (1917) est sa tentative la plus délirante et la plus extraordinaire de poésie sonore. Il se rapproche en fait beaucoup de Scriabine et de ses tentatives d’art total. "Pétersbourg", son haut chef-d’œuvre aura connu au moins quatre versions connues, et les éditeurs se perdent dans les versions infinies de ses poèmes et autres écrits. En fait pour lui le chevalier blanc du symbolisme, tout était symbole. Et tout dansait comme atomes au soleil. Entre magie incantatoire, autodérision, et folie lyrique, il est une toupie divinatoire. Il aura inventé une sorte de danse verbale pour rendre compte du monde. Écrivain du "réalisme onirique", il fait se télescoper descriptions au ras du réel et envolées cosmiques. Selon Georges Nivat, "Andreï Biély, prophète de la lumière, fut l’un des plus extraordinaires geysers de mots dans la littérature russe".   Bibliographie et références:   - Andreï Biély, "Symphonie dramatique" - Andreï Biély, "La Colombe d'argent" - Andreï Biély, "Pétersbourg" - Andreï Biély, "Kotik Létaïev" - Andreï Biély, "Glossolalie" - Andreï Biély, "Carnets d'un toqué" - Andreï Biély, "Souvenirs sur Rudolf Steiner" - Andreï Biély, "La Coupe des Tempêtes" - Georges Nivat, "Le Jeu cérébral" - Pierre Pascal, "Aux lecteurs d'Andreï Biély" - Claude Frioux, "Andréi Biély, le collecteur d'espaces" - Evgueni Zamiatine, "Le Métier littéraire" - Ilona Svetlikova, "Le symbolisme d'Andrei Biély"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
387 vues 6 aime
Par : le 20/04/24
"On appelle défauts ce qui, chez les gens, nous déplaît, et qualités ce qui nous flatte. Pour le primitif l'art est un moyen, pour le décadent, il devient un but. On méprise l'aumône qui est dure, mais on ne se méprise pas d'être si complètement dépourvu de véritable charité". Incarnation pour beaucoup du poète pur et intransigeant, Pierre Reverdy (1889-1960) fonda son autorité sur une pratique sans faille du poème où perça jusqu’à la fin un sens aigu de l’évolution des formes poétiques. Mais également sur une réflexion visant à dégager les "moyens" propres à la poésie et ceux, non moins spécifiques, d’autres arts comme la peinture. Car s’il fut un "phare" de la poésie du XXème siècle, c’est aussi parce qu’il s’affirma en publiant des textes théoriques et esthétiques susceptibles de désencombrer lucidement l’idéologie moderniste de son temps. Assise sur sa pratique autant que sur sa parole théorique, cette autorité ne s’imposa pas seulement à ses cadets surréalistes, qui du reste s’essayèrent parfois à en secouer le joug. De nombreuses générations de poètes jusqu’à nous ont en effet continué à se référer périodiquement à l’auteur de "Plupart du temps" et du "Livre de mon bord". "Legs de Reverdy" s’émerveillait Breton dans "L’Amour fou", au point de faire de sa rencontre fortuite avec ce "legs", rappelé par le titre d’une affiche légale pointée par René Char sur les murs d’une mairie, un événement majeur de hasard objectif. Et si Soupault comme Aragon surent également rendre hommage à celui qui fut à jamais à leurs yeux "le poète exemplaire", la fascination n’épargna ensuite ni la génération de Cadou et son école de Rochefort, ni celle des poètes nés de l’après-guerre, Du Bouchet et Dupin en tête, ni encore aujourd’hui, par des manifestations réitérées d’intérêt et de gratitude peu communes à l’égard d’un poète mort voici plus de soixante ans, les générations contemporaines. Et il ne faudrait pas oublier ici les peintres, les artistes, qui lurent aussi et continuent à lire passionnément Reverdy, de Picasso, Braque et Juan Gris, à, plus près de nous, Simon Hantaï, Gérard Titus-Carmel et François Rouan. Cependant, si l’influence de Reverdy et de son œuvre est un fait qui se constate régulièrement, le contenu et les modalités de cette transmission ne sont pas sans poser problème, et c’est aux questions qu’ils soulèvent que le présent ensemble voudrait apporter quelques réponses. D’une part en effet l’œuvre de Reverdy, par sa singularité, continue d’opposer une résistance notable aux efforts de description et de commentaire. L’œuvre de Reverdy pose en outre la question de la subsistance d’une forme de transmission au cœur de la modernité. C’est en cela qu’elle révèle l’existence d’une "tradition moderne". Par "tradition moderne", nous n’entendons pas le retour, encore moins la revanche ou le triomphe de la tradition dans la modernité. Plutôt en réalité, une tradition qui se cherche et se réinvente alors.   "Il n'y a pas d'amour sans souffrance et il ne peut pas y avoir de christianisme sans amour. On est plus durement prisonnier de la haine que de l'amour". Il s’agit en première approximation de tout ce qui, dans la modernité, par-delàl es mots d’ordre de singularité, d’autonomie, de table rase, d’intransitivité, travaille souterrainement à la transmission de savoirs et de pratiques, de questions partagées, tout ce qui contribue à la constitution d’un langage collectif et favorise l’apparition d’une communauté à elle-même. Reverdy lui-même ne l’entendait pas autrement, lui qui se revendiquait tout autant agent de la modernité que de la tradition: "Nous nous rattachons à une pure tradition de poésie", n’hésitait-il pas à proclamer en mars 1918 dans ce numéro de "Nord-Sud" rendu célèbre par le fameux texte sur l’image invoqué plus tard par Breton dans son premier "Manifeste du surréalisme". Pareille revendication d’une appartenance à la tradition pouvait, et peut toujours, surprendre venant d’un poète soucieux de se situer à l’extrême pointe des avant-gardes littéraires de son époque, voire de toute de la modernité artistique. D’autant que cette affirmation, loin d’être isolée, était alors largement amplifiée dans le même numéro de revue par une de ces "mises au point" dont Reverdy avait le secret et qui s’intitulait précisément "Tradition". Néanmoins si le directeur de "Nord-Sud" y revendiquait nettement son aspiration à la tradition, c’était bien à la condition de la redéfinir, en la déclarant profondément compatible avec le mouvement moderne. Sous sa plume, l’innovation devenait en effet indispensable à la perpétuation d’un apport artistique commun: "Créer grâce à une sensibilité nouvelle, servie par des moyens nouveaux appropriés, des œuvres qui, par leur différence, sont un apport de plus au domaine de l’art, c’est rester dans la tradition. C’est le seul effort qui soit utile". Rejoindre cette tradition vivante, tel est dès lors le but avoué du créateur moderne. Redéfinie par Reverdy comme un niveau d’excellence, la tradition devient implicitement un autre nom de la valeur littéraire, et s’obtient donc au prix d’un effort d’innovation réussi. N’est-ce pas ainsi afficher l’ambition de produire des classiques de la modernité littéraire ? Des classiques qui, au même titre que ceux d’autrefois, atteignent ce statut grâce à la nouveauté durable qu’ils introduisent ? Rien de réactionnaire ici: la prise de position de Reverdy en faveur de la tradition lui permet bien de se démarquer fermement des traditionalistes et des néoclassiques bornés de son temps, férus de répétitions en tous genres, mais aussi des tentations qu’Apollinaire pouvait lui-même nourrir en ce sens, notamment dans sa conférence intitulée "L’Esprit nouveau et les poètes". La poésie de Reverdy naît tout armée, comme une Minerve anxieuse.   "La gloire est un vêtement de lumière qui ne s'ajuste bien qu'aux mesures des morts. L'infini, c'est la limite ou l'échec de nos facultés d'appréciation et de mesure". Ensuite nous la verrons se diversifier, doter le poème envers d’une forme nouvelle, réfléchir ses propres principes dans une esthétique aux dimensions de l’art moderne, et revenir au plus près de sa source spirituelle. Si Reverdy est tout entier dans les Poèmes en prose, cela veut dire que son esthétique y est à l’œuvre. C’est en effet non des recueils en eux-mêmes, mais du travail de création qui les a suscités, que cette esthétique se dégage. Elle donne une forme générale et explicite aux principes intuitifs auxquels la poésie obéissait, et qui à ce stade n’existaient encore, outre les discussions auxquels ils avaient donné lieu, que par les effets qu’ils déterminaient. De même le rêve préexiste à son élucidation, qui n’en est pas le sujet, et la théorie se forme à côté de l’expérience onirique. En revanche les enjeux littéraires qui sont impliqués par le choix d’un titre tel que "Poèmes en prose" ne peuvent manquer d’être conscients. ils se situent sur un autre plan, mais entre les deux apparaissent des points de tangence. Donner à sa première œuvre publiée le titre de "Poèmes en prose" est une démarche à la fois modeste et orgueilleuse. Modeste par la neutralité du terme et le refus d’un mot faisant image, tel qu’"Illuminations" ou plus tard "Capitale de la douleur". Mais cette modestie avait été le fait de Baudelaire et de Mallarmé, et récemment encore de Fargue. En la circonstance, c’était se réapproprier en en proposant un nouveau modèle, simple, cohérent et moderne, un genre instable, toujours en attente d’une définition, et qui en se répandant risquait de se perdre dans l’élégance facile des chroniques et des pages de littérature. Le geste ne s’accompagne d’aucune justification. Lui seul a valeur de manifeste. On sait que cette démarche revêt une autre dimension. Quoi qu’on puisse en penser, Reverdy a devancé Max Jacob. Nouveau Jacob de ce nouvel Esaü, il l’a dépouillé de son droit d’aînesse. Aborder la question de la présentation chez Pierre Reverdy, c’est assurément se situer au point d’articulation entre sa réflexion théorique d’une part, où la notion de "présentation" s’affirme comme un concept-clé, et sa pratique poétique d’autre part. Or c’est cette articulation qui est problématique dans son cas d’authentique poète, de praticien talentueux, voire génial, uni à un théoricien. Théorie et pratique sont-elles cohérentes chez Reverdy ?   "II y a des hommes qui ont le sens de la réalité, et d'autres à qui il fait totalement défaut. L'amour sans les actes n'est que la plus grande illusion supportée par un mot des plus courts". Certes la poésie a toujours été présentée. Ni "Les Ardoises du toit" ni même le "Coup de dés" de Mallarmé ne modifient en cela la nature ancestrale de la poésie. Mais avec Reverdy ce geste est repensé, on serait tenté de dire: non repensé mais pensé, la crise du vers libre à la fin du dix-neuvième siècle ayant révélé les défaillances d’une pensée de la présentation poétique, sensibles notamment dans la domination du paradigme musical sur un paradigme visuel pourtant plus pertinent. Pensé donc, mais conjointement mis en pratique, avec des interactions mais peut-être aussi des distorsions entre théorie et pratique. Dans le discours théorique de Reverdy en 1918, donc juste avant le tournant de 1919 et l’arrivée en force des surréalistes, la notion de présentation revient comme un leitmotiv, presque un mot d’ordre, sans jamais toutefois donner lieu à la création d’une étiquette de groupe comme c’est alors à la mode. Il n’y aura pas d’art ni de poésie dite "présentative" ou "présentativiste" revendiquée pour faire pièce à d’autres "ismes". Reverdy se méfiait des étiquettes de groupe. Chaque fois, sous sa plume, le mot présentation apparaît en couple avec celui de représentation, sur le mode de l’opposition. D’abord dans un curieux compte rendu des "Ardoises du toit" publié dans "Nord-Sud", composé par Reverdy lui-même à la manière des "critiques-réclames" qu’Apollinaire faisait sous pseudonyme de ses propres ouvrages dans les journaux. Pris dans les rafales du temps, glissement lent des plis du jour sur les plis des jours, la poésie de Reverdy s’éloigne pour les lecteurs négligents. Pierre Reverdy, l’ermite de Solesmes, est un poète passé de mode, lui qui fut longtemps considéré comme le plus grand. On préfère maintenant des liqueurs plus fortes comme les éclats de silex de René Char, ou les jongleries verbales de Gherasim Luca ou Jacques Roubaud. Mais il est tant de poèmes de Reverdy pour lesquels je donnerais les œuvres complètes de ceux-là. Notre Narbonnais aux sourcils noirs, à la mèche combattante et à l’accent épais et râpeux comme le vin lourd de la Clape, est décrété trop monotone. Certes bien sûr il a écrit des centaines de poèmes, mais en fait toujours les mêmes vous dit-on, comme ce pauvre Vivaldi avec ses concertos. C’est ne rien vouloir comprendre aux mouvements imperceptibles de l’infini. Mais qui encore écrit comme cela de nos jours, qui va aussi loin dans la réalité du silence ? Sa lecture demande la complicité des nuits haletantes où tout est suspendu.   "Qu'est-ce que c'est qu'un grand homme méconnu ? C'est comme un arbre dont les branches constamment taillées et retaillées le laisseraient se développer d'abord tout en racines. L'épanouissement en hauteur n'en serait que plus luxuriant après, mais ceci n'est dit que pour l'œuvre. De l'homme, autant dire, évidemment, que ce n'est rien". Une suite de mots infiniment simples, d’objets familiers, de sensations connues, et leur mise en ligne dans le poème conduit aux grands mystères. En se mélangeant ces morceaux de briques élémentaires font un château hanté. Sa poésie semble se refermer hautaine sur de l’ombre entrevue, elle nous ignore nous de l’autre côté de la feuille blanche, elle nous résiste, nous sourit comme un sphinx. À vous de voir et de savoir nous dit-elle, chat noir parmi les chats noirs. Il a fait partie de l’équipage du Bateau-Lavoir, jusqu’en devenir l’astrolabe. Il est le théoricien de la poésie et du cubisme. Reverdy aura été ce charbonnier au fond des forêts des fougères d’images et des arbres sombres, il aura allumé bien des feux où le quotidien a fait naufrage. Il a traqué "Cette émotion appelée poésie". Il lui a fait rendre gorge. On veut tendre les mains pour saisir les sens du texte, celui-ci se dérobe, se replie, s’enfuit de l’autre côté de la page. Oui chez Reverdy tout est dans les replis. Mais ils semblent tissés de rosée et d’inquiétude, alors on n’ose les dérouler. Il procède par replis, lentes énumérations, lisières des choses. Mais contrairement aux surréalistes, il refuse le hasard non contrôlé des images. Et il refuse d’être un simple médium passif du monde. Lui l’ascétique, le converti au catholicisme en 1926, et très vite désillusionné, refuse le jeu. Il met toujours son existence en balance dans ses mots. Ses poèmes "ne sont qu’entre les lignes". Il faut les deviner, passer par leur ambiguïté, leurs flaques de silence et de verre, leurs tourbillons d’ombre, leur musique d’ombre. L’univers de Reverdy est un univers mouvant, incertain. Il faut savoir s’y perdre, se chercher dans ses déchirures, ses signes énigmatiques. Il met les mots à la suite "comme un tas de pierres". Ils continuent à tenir debout malgré tous les vents du temps.   "Mémoire sans éclat où rien n'est enfermé. Esprit qui se rendort aussitôt qu'éveillé. La nuit d'un œil hagard contemple le désastre". Pourtant il nous faut lentement déplier les strates d’émotions, faire sécher sur la table des sentiments les draps humides de ses dérobades. Ses poèmes refusent de fournir la moindre aspérité où s’accrocher, pas de prise, le vertige plus bas, il faut escalader à mains nues en créant ses propres voies. Et nul ne vous assure, vous tomberez tout au fond, sans rappel aucun. Pas de chemin, pas de balise, une zone proche de celle que décrivait Tarkovski dans "Stalker", on sait que s’y trouve une source d’éternité, d’apaisement, mais on ne la voit qu’avec un cœur pur, donc jamais. La poésie de Reverdy se situe dans une autre échelle de temps, qui paraît immobile pour nous, qui vit à l’intérieur de lui-même. Inquiet, il regardait vivre le monde et ne voulait pas le suivre. Il se fait grand silence dans les poèmes de Pierre Reverdy. Les mots sont inquiets, ils font le guet, les chemins tournent vers le rien, le temps est suspendu mais cela doit être un piège, il va nous tomber dessus, au-delà du toit. Les catastrophes sont tapies, elles ne se montrent pas, on voit leurs ombres à contre-lune. Une porte craque, et en se refermant sur elle-même elle tombe dans le grand vide. Les choses lentement s’effacent, tombent alors au ralenti dans ce drôle d’espace-temps que sont les poèmes de Reverdy. Toute en impression fugitive, sa poésie semble rester la patte en l’air, figée par ce qu’elle seule a vu, et que nous ne voyons pas encore. Ce descendant d’une lignée de tailleurs de pierre savait ce que voulait dire le geste juste, le geste sobre, le geste d’éternité. Son père lui avait appris le vent dans la montagne, la lecture et l’écriture. Il connaissait le poids du pain, le poids des choses, la difficulté de l’amour. Une inquiétude qui sourd, un climat de suspension avec le terrible tapis devant la porte. Quelque chose est passé ou va passer, et le simple frémissement du vent est peut-être notre heure dernière. Des mots élémentaires, des phrases courtes, simples à pleurer. Des ombres furtives de mots. La poésie de Reverdy ne dit pas, elle chuchote. L’angoisse est aux aguets. Le temps s’arrête. L’invisible marche de long en large. Ses pas craquent jusqu’à nous. Pudique il parlait peu de sa vie, il sera simplement mentionné qu’il est né le treize septembre 1889 à Narbonne, qu’il aura été imprégné des odeurs de la Montagne et de la mer, qu’il aura connu Paris et ses artistes dès 1910.   "La poésie a été mise au monde par l'homme et elle ne peut être ailleurs que dans lui, mais il la cherche dans la nature comme s'il l'avait laissé échapper". Là il débarque dans les brumes de la ville et des locomotives. Il aura froid, il aura faim. "En ce temps-là le charbon était devenu aussi précieux et rare que des pépites d’or et j’écrivais dans un grenier où la neige, en tombant par les fentes du toit, devenait bleue". Il parlera peinture comme ses amis peintres, Juan Gris, Picasso, Braque. Il parlera poésie comme ses amis poètes, Apollinaire, Max Jacob. Ses premiers poèmes en prose sont de 1915. Sa revue emblématique "Nord-Sud" est lancée début 1917. Avoir quasiment instauré sur terre la religion du surréalisme ne lui suffira pas. L’immensité de ses manques ne pouvait se résoudre dans la traque de l’invisible et du surréel. Ses doutes et son cheminement spirituel le conduisent à rompre avec le brillant littéraire et s’installer à Solesmes en 1926, aux portes de l’abbaye. Il n’a même pas trente-sept ans. Il ne trouvera jamais la clé de la porte, et comme dans un conte de Kafka, restera dans l’antichambre où le gardien lui dira que cette porte n’était que pour lui. Veilleur, il n’aura pas vu l’ennemi venir car "la prière est inconnue aux habitants de l’ombre". Le dix-sept juin 1960, il meurt à soixante-et-onze ans, à Solesmes, dans "cet affreux petit village où il fait toujours froid". Dans la solitude et l’exigence. Il voulait alors vivre et mourir dans la même tempête, ce fut une tempête de silence et de questions. Il écrira peu en ce lieu, toujours tendu vers Paris. Sa poésie est traces de passage, avertissement des feuilles qui craquent, de la nuit qui rôde. Il est totalement limpide, dangereusement limpide, aux frontières de la transparence et de la disparition. Nous ne sommes plus sur la terre ferme, mais dans l’infini volatil. Pierre Reverdy est le cristal de l’attente, il sait rendre le flottement dans les flaques des jours, et ses mots en marge sont "une lutte contre le réel tel qu’il est". Il rend palpable ce qui ne peut être retenu, ce qui se dissout dans une angoisse tapie, et dans la déchirure des nuits froissées. Il retisse l’invisible dans la couture de l’incertain. Il fait de la poésie "un réel humanisé" en transformant par sa création le quotidien en l’énergie de drames intérieurs que nous ne pouvons que deviner. Un grand mystère passe sur la poésie de Reverdy. Grande est sa fascination. Un souffle obscur où il est question de lui, question de nous. Tous ces manques, ces absences, ces trous de mots, sont emplis de cette vie qui nous cristallise. La poésie de Reverdy est lourde, lourde de sens, et lucide, secrètement aimantée par les rêves des pierres. Une flamme sourde. Mouvants reflets d’un monde très proche et étranger à la fois. Dans sa poésie une étrange partie se joue. Nous ne voyons pas les cartes. Et c’est pourtant notre destin qui se joue face à nous et sans nous. Le vent se tait, la voix se tait. Sans bruit, la neige de ses mots tombe sur nous. Grâce lui soit rendue.     Bibliographie et références:   - André du Bouchet, "Envergure de Pierre Reverdy" - Claude Cailleau, "Dans les pas de Pierre Reverdy" - Michel Collot, "Reverdy selon Du Bouchet" - Michel Collot, "Horizon de Reverdy" - Jean-Claude Coquet, "La poésie de Reverdy" - Valéry Hugotte, "Vertige de la poésie, Pierre Reverdy" - Odysseas Elytis, "Pierre Reverdy entre la Grèce et Solesmes" - Mortimer Guiney, "La Poésie de Pierre Reverdy" - Gil Pressnitzer, "Pierre Reverdy, une poésie aux aguets" - Jean-Baptiste Para, "Pierre Reverdy" - Gaëtan Picon, "Poétique et poésie de Pierre Reverdy" - Jean Rousselot, "Pierre Reverdy"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
141 vues 6 aime
Par : le 18/04/24
 Pendant ces deux semaines, nous avons beaucoup échangés par téléphone avec Monsieur Gilles. Il m'appelait chaque jour, en, fonction de ses poses et des ses rendez-vous. J'attendais chaque jour ses appels avec impatience, seul les week-ends étaient longs sans nouvelles de Lui. Dès le lundi matin, j'avais posé mes jours, du lundi au jeudi. J'avais prévenu mon épouse que j'avais une formation pendant trois jours et que je ne serai pas joignable. Tout était en place et chaque jour j'avais une petite boule au ventre en attendant le lundi après-midi!!! Le jour venu, je suis préparé selon les ordres de Monsieur, avec et rasage complet de tout le corps. et suisparti largement en avance. Monsieur m'avait demandé d'aller dans un sex-shop acheter deux plugs, un petit et un moyen... Je me suis donc rendu dans un des sex-shop de la gare à Nantes...ce n'était pas le choix qui manquait !!! Je me suis porté vers des plugs en silicone noir, un bâillon boule en silicone noire également, et des bracelets en cuir pour les poignets et les chevilles...je devais avoir tout ce que Monsieur m'avait demandé! A 17h, j'étais comme convenu à la porte de son appartement. Je sonnai. Il est venu m'ouvrir, mais ne m'a pas laissé entrer. Après avoir regardé a droite et à gauche, il m'a ordonné de me déshabiller, là, sur le palier ! Mort de honte je me suis mis nu! Après m'avoir fait attendre quelques minutes, il m'a laissé entrer....heureusement, personne n'était passé sur le palier !!!!   Poses tes affaires et viens me rejoindre dans la salle. Tu as tout ce que je t'ai demandé? - Oui Monsieur j'ai les deux plugs, les bracelets, le bâillon  Parfait, donne-moi tout cela. Pour le moment c'est moi qui ait un cadeau pour toi.  Il me donne un petit paquet tout noir, avec un ruban rouge. Je l'ouvre devant lui et j'en sors un anneau en métal.... - Merci Monsieur...mais qu'est-ce que c'est?? - Ah tu ne connais pas ? C'est un cockring ... Tu vas le placer à la base de ton sexe, derrière tes couilles....allez exécution ! Ce n'est pas si simple de placer ce cockring quand on n'a pas l'habitude...J'ai du m'y reprendre à plusieurs fois ! Le fait de bander n'arrangeait rien... Mais tant bien que mal j'ai réussi à placer cet anneau. -Très Bien tu le porteras désormais tant que nous serons ensemble, je t'interdis de le retirer même s'il te fait un peu mal au début, tu t'y habitueras tu verras! -Bien Monsieur, mais je devrais le garder quand je serai à la maison, même pour travailler? - Bien sur, c'est la marque comme quoi tu m'appartiens ! Tu vas le porter en permanence! 24h sur24, 7 jours sur 7. Et pendant que tu seras avec moi tu porteras celui-ci. Et il me tend un anneau beaucoup plus petit.  La pose est beaucoup plus facile, même si mon gland se met à gonfler et à devenir foncé.... Approche toi, tend moi tes bras !      A genoux je lui tends les bras, il y attache les bracelets, puis c'est au tour des chevilles. Il termine en me mettant un collier de cuir noir, qu'il ferme d'un petit cadenas... Lui seul pourra me le retirer désormais...             - Bien tu vas aller à la cuisine, tu vas commencer par passer l'aspirateur, puis tu prépareras le diner.      - Bien, Monsieur  Comme je me dirigeai vers la cuisine, je l'entends dire:" à 4 pattes... Ici les soumis marchent à 4 pattes devant leur Maître !" Je mis à 4 pattes pour aller chercher l'aspirateur à traineau dans le placard.  Je le branchai et commençai à le passer, quand arrivant derrière moi il l'arrêta et me dit: "pas comme cela"       Il avait une cordelette à la main...il la passa dans le cockring et dans l'anneau à la base de mon gland... puis l'attacha à l'aspirateur.              -tu dois le trainer sans y toucher avec les mains... Tu peux te mettre debout pour le passer tu seras plus efficace... Chaque mouvement de l'aspirateur me tirait sur les couilles et le gland....au début cela me faisait un peu mal mais très vite cette petite douleur s'est transformée en un grand plaisir!!! Et je sentais que je mouillais de plus en plus la cordelette... ce "supplice" dura une  bonne vingtaine de minutes. Il a fallu que je passe et repasse pour que tout soit parfait! Bien maintenant tu nous prépare un repas léger.... un potage cela ira très bien pour moi Bien Monsieur..... ( Mais pourquoi, j'avais été lui dire que je savais cuisiner et que j'aimais cela????) Le diner préparer il a fallu le lui servir, mais monsieur voulait un service spéciale. Petit plateau attaché comme l'aspirateur et dessus le potage, un verre, assiette et les couverts…Je peux vous garantir que marcher avec un plateau entre les jambes ce n'est pas simple, mais quand en plus chaque pas vous tire sur le bas ventre cela devient vraiment une tâche compliquée !!! J'ai quand même réussi à ne pas faire tomber trop de potage sur le plateau !!! Malgré cela, comme il y avait quelques gouttes sur le plateau, j'ai eu le droit à une bonne fessée... C'était la première que je recevais depuis mon adolescence...Et je ne me souvenais pas que cela chauffait autant !!!!  Apres le diner de Monsieur, j'ai tout ramené à la cuisine sur le même plateau, mais c'était plus facile car il ne restait pas grand chose.... Vaisselle Monsieur, m'a dit habille toi nous sortons Pantalon, chemise, veste ... voila très bien, je veux que tout le monde voit bien ton collier, de toute façon là ou nous allons cela ne choquera personne! MAis......   Non rien Monsieur.... PArfait, alors en route Nous sommes partis près du château d'Anne de Bretagne à Nantes, un petit Bar qui s'appelait Plein Sud . Monsieur était visiblement bien connu dans ce Bar, il y avait surtout des hommes, et quelques femmes qui discutaient entre elles. On salua un groupe d'hommes, visiblement des copains de Monsieur....  Monsieur me présenta comme son soumis.... Il est mon soumis depuis peu, mais je t'assure qu'il est fait pour cela....Il,apprend vite et aime visiblement cela.... Jete l'amènerai demain on verra comment il réagira!!!   Je ne comprenais pas très bien ce qu'ils voulaient dire.... - Approche toi ... Je fis un pas vers l'homme qui venait de m'adresser la parole.... Sa main se dirigea directement vers mon entrejambe... - ne bouge pas !  Ecarte un peu les cuisses... Bien Monsieur , cet homme à ouvert ma braguette et à  sorti mon sexe ...bien tu portes déjà les marques de ton Maître....C'est parfait....  Rhabilles-toi! Tout en me rhabillant je les entendais parlé et piercing et de tatouage....Heureusement Monsieur refusa en disant que c'était beaucoup trop tôt... Monsieur s'est assis, je me suis placé derrière lui, entre lui et l'homme qui m'avait parlé.... - Quoiqu'il arrive tu ne bouges pas, compris? - Oui Monsieur Au début je n'ai pas compris le pourquoi de cet ordre, mais au bout d'un moment l'homme à côté de moi s'est mis à me caresser de façon de plus en plus explicite!... PAs question de déplaire à Monsieur... je me suis laissé faire, j'avais honte de ne pas réagir et en même temps je trouvais cela tellement bon.... Comme nous étions dans un recoin de la salle, l'homme qui visiblement commandait le groupe m'a ouvert la braguette, puis m'a sorti une nouvelle fois mon sexe.... je bandais terriblement, et le cockring et l'anneau rendaient mon sexe monstrueux...ce qui n'est pas le cas d'habitude, je ne suis pas fortement membré...loin delà!!!       - En plus, il aime cela...pourtant avec ton anneau il doit avoir mal...et pourtant regardez comme il bande la salope !   Par contre, tu l'amènera à Josiane, pour qu'elle lui fasse une vraie épilation.... Tu t'es rasé quand?       - Ce matin Monsieur       - Parfait, Tes poils commencent à repousser, donc jeudi matin ils seront à la bonne longueur.... Tu l'amènes jeudi matin à 10h au salon elle saura quoi lui faire!       - Mais jeudi je ne peux pas, je travaille...       - Je ne veux pas le savoir tu seras jeudi matin à 10h au salon, pour le reste tu te débrouilles...       - Bien Monsieur Nous sommes restés encore un peu, monsieur me caressait discrètement, tout en parlant avec les autres. Puis nous sommes rentrés à l'appartement.       - Tu dois être crevé... pour une première soirée tu as été gaté ... Il ne t'a même pas gifflé....tu dois lui avoir plû!!! tu seras bien le premier que je lui présente et qui ne se fait pas rabrouer aussi sec !  Tu es vraiment une belle petite lope tu sais !        Monsieur avait préparé un petit matelas, au pied de son lit, il m'a attaché les poignets dans le dos...       - Pas question que tu te touches cette nuit !  Je te mets le réveil à 6 h pour demain matin, le temps que tu prennes ta douche et que tu prépares mon petit -déjeuner pour 8h30...       - Bien Monsieur... Monsieur s'est couché et je suis resté un long moment a genoux sans trop savoir quoi faire, voulait-il que je le suce ? Comme il ne disait rien j'ai décidé de m'allonger sur le  petit matelas et d'essayer de dormir….    à suivre    .../...  
1.7000 vues 12 aime
Par : le 17/04/24
"Un autre homme m’a fait élargir fantasmatiquement et incommensurablement la collectivité fornicatrice. Il amorçait le dialogue en prétendant qu’il m’emmenait dans une chambre d’hôtel, dont il n’était pas utile de préciser la catégorie. Des hommes faisaient la queue jusqu’au couloir. Combien payaient-ils pour décharger dans mon con ? J’avançais: "Cinquante francs ?" Rectification doucement glissée dans mon oreille: "- C’est bien trop cher. Ils donneront vingt francs pour t'enfiler dans le con, trente francs pour t’enculer. Combien tu vas en prendre ?" - Moi, sachant bien que je sous-estime: "Vingt ?" "Coup de bite un peu sec donné comme un avertissement: "C’est tout ? Trente ! " De nouveau le boutoir au fond de monvagin. "- Tu en prends cent et tu ne te laveras pas. "Il y aura de très jeunes garçons qui déchargeront à peine entrés dans ton con. "Sur ton ventre et sur tes seins aussi, tu seras toute poisseuse." –Tu pourras dormir, ils continueront à te baiser. Et on reviendra le lendemain, le patron de l’hôtel amènera un chien, il y en a qui paieront pour te voir prendre par le chien. "Nous nous vantons souvent d'avoir aimé les romans à succès, surtout ceux qu’on n’a pas lus ou si peu et qui appartiennent au genre éprouvant des ouvrages “qu’il faut lire” parce que toute le monde en parle. La culture prend ici un tour décidément paradoxal. Il y a les livres qui se lisent et dont on ne parle pas et ceux qu’on prétend avoir lus parce qu’on en a entendu parler. Les plus illisibles ne sont pas ceux qu’on croit. Comment lire en effet un livre couvert par la rumeur des médias et des dîners en ville, comment entrer dans un livre qui ne résiste pas, si peu que ce soit, à la lecture et qui s’offre aussi facilement aux bavardages ? Les vrais livres se taisent. On ne sait pas trop encore quoi en penser, on ne les domine pas, on ne les circonscrit pas comme une quatrième de couverture qui se parcourt livre fermé. Il ne s’ensuit pas qu’un livre à succès immédiat, tel celui dont il va être question, soit nécessairement du genre à faire beaucoup de bruit pour rien. Sans doute, la meilleure méthode de s’en assurer serait encore d’aller y voir soi-même. Je ne l'ai pas fait, du moins pour le moment. Mon propos est ailleurs et a tout à gagner à cette ignorance, qui ne tient d’ailleurs, à strictement parler, qu’à celle de la lettre puisque pour ce qu’il en est de l’esprit la rumeur s’est chargée de le propager. L’intention n’est pas critique mais diagnostique. Il ne s’agit pas d’apprécier la valeur littéraire d’un livre mais d’interroger à partir d’un symptôme, d’un détail qui a fait signe d’époque, un mode de fonctionnement de la littérature contemporaine, plus précisément de ce qui s’appelle la demande littéraire. Quel type de fiction requiert un certain lecteur d’aujourd’hui ? Qu’est-ce qu’il redemande ?    "Je suis toujours profondément admiratrice du temps suspendu dans lequel vivent les baiseurs et qui retient ma sympathie. Il peut s'être passé dix ans, que dis-je vingt ans et plus encore, depuis qu'ils ont joui avec une femme, ils vous en parlent, ou s'adressent à elle, comme si c'était hier."  Le roman de Catherine Millet, publié en 2001, best-seller par malentendu, est un spécimen singulier, en apparence très paradoxal d’une telle stratégie anti-libidinale. Ce livre, en effet, n’est ni érotique ni pornographique. Bien que le sujet et les mots s’y rapportant charrient avec eux quelque chose de l’excitation liée à la sexualité, sa lecture n’est que ponctuellement et assez rarement troublante. L’auteur le revendique. "Je me situe dans l’ordre de l’échange verbal, sans intention d'établir une relation érotique, je ne tiens pas du tout à toucher l’interlocuteur ou l’interlocutrice dans le tréfonds de son instinct sexuel" écrit-elle dans l’avant-propos de l’édition de poche. Cette déclaration est cohérente avec la démarche profonde de Catherine Millet telle qu’elle transparaît à travers les aventures de son héroïne. "J’ai cessé d’être vierge à l’âge de dix-huitans mais j’ai partouzé pour la première fois dans les semaines qui ont suivi ma défloration. " L'auteur décrit d’emblée et de façon détaillée une pratique intensive des partouzes durant une période de sa vie qui a duré quelques années quand elle avait entre dix-huit et trente ans. Catherine M., on le comprend vite, n’est pas une jeune fille banale. Elle ne cherche pas la complicité féminine, n’est pas sentimentale, son objectif à cette époque n’est manifestement pas de séduire un amoureux pour la vie. Elle est plutôt un petit soldat du sexe, qui part à la découverte de territoires inconnus et à la conquête d’un destin. Elle évoque en effet une ignorance tardive et obstinée de la sexualité. Elle est passée sans transition de l’innocence des jeunes filles du temps passé, à une pratique licencieuse, sans interdit ni censure. Or que ce soit par les livres, les dictionnaires ou les amies, elle aurait eu les moyens de se renseigner. Cette ignorance est donc à mettre sur le compte d’une inhibition plutôt que sur celui d’un défaut d’information. Son approche particulière de la sexualité n’est sans doute pas étrangère à la levée de cette inhibition première. La volonté de découvrir a fait suite à l’interdit de savoir. Au début de l’âge adulte, la sexualité est, pour elle, un continent inconnu qu’elle a décidé d’explorer. Parallèlement à ce besoin de connaître, elle poursuit un autre objectif qui lui est sûrement tout aussi nécessaire, échapper au destin féminin. Il y a un jeune homme imaginaire en elle, téméraire et libertin, qui transforme ces séances de sexualité collective avec les hommes anonymes du bois de Boulogne ou des boîtes à partouze parisiennes, en autant d’aventures romanesques et mémorables.    "Leur plaisir est une fleur vivace qui ne connaît pas les saisons. Elle s'épanouit dans une serre qui isole des contingences extérieures et qui fait qu'ils voient toujours de la même façon le corps qu'ils ont tenu contre eux, celui-ci serait-il flétri ou rigidifié dans une robe de bure." Elle fait parler son héroïne avec une lucidité autorisant le lecteur à avoir sa propre opinion sur les motivations sous-jacentes de ses choix sexuels. Quand la romancière décide de raconter la vie charnelle de Catherine M., elle englobe manifestementdans le terme vie sexuelle les fantasmes de la petite fille et la pratique de la jeune femme. Mais nous ne sommes pas certains, qu’elle pense, que l’activité particulière de Catherine M., à l’époque des partouzes, avait pour objectif prioritaire d’étouffer le trouble lié aux fantasmes, qu’elle avait, à ce moment-là de sa vie, besoin d’un excès de sexualité pour lutter contre la sexualité psychique. Si le livre n’est pas excitant pour le lecteur c’est qu’il est issu d’une stratégie anti-érotique. En restant maître du jeu sexuel, elle peut en contrôler l’émoi. Cependant, la victoire de la maîtrise sur l’émoi sexuel n’est jamais acquise une fois pour toutes. C’est un combat à mener sans relâche car la pulsion sexuelle est toujours à l’œuvre. Dès que l’on a repéré ce fil conducteur, la lutte contre le trouble, toutes les particularités de la vie sexuelle de Catherine M. à cette époque-là, acquièrent une cohérence. La badinerie, la séduction, la drague, les préliminaires, tous ces moments qui, pour la plupart, précèdent l’acte lui-même confrontent à des degrés divers avec un émoi qui, s’il est souvent recherché, est ici redouté car il perturbe inévitablement le calme intérieur. Mais pourquoi donc ce M. plutôt que Millet, pourquoi cette élision manifestement parodique du nom propre ? L’auteur n’a en effet laissé aucun doute à ce sujet en faisant savoir urbi et orbi qu’elle est bien l’héroïne de ce récit d’une vie libertine, sans compter que Jacques Henric, son compagnon, a fait paraître en même temps un "Légendes" de Catherine M. accompagné de photos sur lesquelles on reconnaît Catherine Millet. Il ne fait pas de doute qu’un des ressorts de l’immense succès rencontré par le livre, tient à l’audace tranquille de la mise à nu de sa vie sexuelle par l’auteur elle-même et au contraste offert par l’image d’une femme douce et posée et l’âpre récit de sa jouissance. On peut y voir l’aveu courageux d’un désir de femme qui mène la danse de ses plaisirs aulieu de se faire le simple objet du désir des hommes. Comme Don Giovanni de Mozart, c’est elle qui compte et tient le catalogue de ses nombreux partenaires. Dans cette affaire libertine, il ne s’agit toujours que de savoir qui est le maître, ou la maîtresse, de cérémonie et qui est la dinde ou le dindon de la farce, bref qui en définitive tient les comptes du petit commerce amoureux entre les hommes et les femmes. Qu’une femme donne son corps n’implique pas qu’elle y perde latête. Ne dit-on pas une femme de tête pour une maîtresse femme ! Un aveu peut donc en cacher un autre. Alors, vertige et égarement du nombre qui chiffre l’excès libertin ou dénombrement de la liste des figurants par la maîtresse de ballet ?    "Je n'ai pas été très étonnée lorsque des critiques hostiles à mon livre ont été exprimées par des gens dont on peut croire, pourtant, qu'ils ont eux-mêmes une sexualité relativement affranchie. Ceux-ci doivent trouver leur plaisir dans la transgression, donc avoir besoin de maintenir des tabous, notamment dans la parole, pour continuer de jouir en cachette." La romancière a beaucoup insisté dans ses nombreuses interviews sur son souci de vérité, souligné en couverture par l’appellation "récit" et signifié dans le titre "La Vie sexuelle de Catherine M." Elle y affirme ainsi sa volonté de témoigner d’elle-même comme s’il s’agissait d’une autre, sans concession aucune à la fausse pudeur ou à l’utopie béate de la libération sexuelle. On n’est pas loin du récit des vies saintes mais au plus loin de l’imagerie sulpicienne, façon Bernanos donc plutôt que curé d’Ars. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, Catherine Millet semble vouloir s’appliquer la définition lacanienne du saint, celui qui "décharite" en refusant l’aumône de l’amour ou de la sympathie compréhensive pour mieux dénuder la vérité du désir. On est d’autant plus porté à le croire qu’un constant et puissant rapport a toujours existé entre libertinage et religion, ainsi que l’atteste l’autre grand Dom Juan, celui de Molière. Comment d’ailleurs ne pas y croire quand l’auteur multiplie les "apparitions" télévisuelles ou photographiques pour attester de la troublante identité de l’auteur et de son personnage: "Catherine M., c’est moi !", "M. la scandaleuse, c’est moi !" Elle vient en quelque sorte légender son récit et son personnage en leur prêtant sa voix et son image. Il ne s’agit évidemment pas de lui demander des preuves mais de comprendre pourquoi, vrai ou faux, on la croit et on en redemande. Quelle idée de la vérité et de la littérature se font jour dans cette rencontre d’un livre et d’un public par l’intermédiaire de la personne de son auteur ?   " N'ayant jamais attribué au sexe une valeur sacrée, je n'ai jamais éprouvé le besoin de l'enfermement dans un tabernacle comme le font finalement ceux qui me reprochent de faire tomber tout mystère." Les romanciers sont toujours trop riches d'eux-mêmes. Il leur faut apprendre avant tout à s'oublier un peu pour écrire. Le scandale de la vérité n’est pas dans l’objet du récit lui-même, une vie sexuelle sans doute un peu particulière, il est dans son assomption publique. L’effet de vérité est supposé être dans ce passage du privé au public. Je suis la femme, ou l’ai été, et ne m’en dédis point. Mais pour qui cette vérité, et à quel usage ? Quand Sade écrivait ses romans, il ne prétendait nullement les avoir vécus quand bien même ils n’étaient pas sans quelque rapport avec sa vie, les comptes qu’il tenait étaient ceux de ses personnages et de ses fantasmes, sa littérature était de révolte contre le mur des prisons mentales et des enfermements arbitraires. Catherine Millet n’en est manifestement pas là, alors pourquoi lève-t-elle le voile sur sa vérité ? Témoignage sur une époque, celle des années soixante-dix, qui a fait de la sexualité sa religion ? Oui sans doute. Mais son récit participe manifestement d’un esprit plus actuel qui identifie affichage public des secrets privés et vérité. Ce n’est plus la littérature qui supplémente la vie en lui ouvrant les portes de la fiction ou du sens mais la vie qui sustente la littérature en se proposant d’en être la matière du reportage et du colportage sur la place publique. La vie devient une fiction plus vraie que nature qui s’apparente à un live show. Avant de s’exclamer "Madame Bovary,c’est moi ! ", Flaubert a dû passer par l’épreuve de l’écriture du roman. Il ne l’a pas su avant de s’être projeté dans la fiction de son personnage. Pour s’y retrouver, il lui a d’abord fallu s’y perdre, s’effacer devant lui jusqu’à l’impersonnalité héroïque qui lui donnerait l’occasion de surgir hors de lui dans l’espace romanesque. Le personnage de Madame Bovary est une fiction vraie qui offre à Flaubert de s’y reconnaître parce que la littérature est le masque et le détour nécessaire à la découverte surprenante de soi. "Madame Bovary, c’est moi" n’a rien de l’aveu public d’un secret privé, c'est une vérité sur soi induite par l’écriture même du roman, non une traduction, passage d’un idiome privé à la langue publique, mais une trahison de soi par soi dans le détour de l’œuvre. L’écriture est une trahison de l’auteur par ses personnages.    "Le désir exaspéré est un dictateur naïf qui ne croit pas qu'on puisse ni s'opposer à lui ni même le contrarier. Les plaisirs sont ressentis comme les plus intenses, les douleurs comme les plus profondes lorsqu'ils mobilisent le plus de canaux émotifs, qu'ils drainent une quantité incalculable de souvenirs heureux ou malheureux, d’espérances réalisées ou brisées. " Dans cette mise à nu, très franche et exhaustive, la romancière se meut en Catherine M. en se jouant de la distanciation. L’initiative sexuelle, dont on a vu comment elle avait été utilisée contre le trouble, est ici dirigée contre l’ennui. Ennui qui est lui-même venu se substituer à une timidité dont elle s’est débarrassée, semble-t-il, avec un certain soulagement. Or le lien entre la timidité et le trouble est facile à repérer. On peut dès lors se représenter la séquence suivante: le trouble, associé à des fantasmes sexuels sous-jacents, se traduisait par un état que l’héroïne a identifié comme de la timidité. Cet état émotionnel, même désexualisé s’est révélé pénible, il est alors réprimé et laisse place à l’ennui. Catherine M. ne trahit pas Catherine Millet, elle se contente de la publier en l’exposant au public. C’est en quelque sorte un "ready made" littéraire. On sait que le "ready made" d’invention du champienne consiste en la transformation d’un objet quelconque, banal de préférence, en œuvre d’art par la seule vertu du regard de l’artiste qui décide de son appropriation en l’exposant et en le signant de son nom. Critique d’art connue, elle se traite elle-même selon le destin moderne de l’art qui fait primer la valeur d’exposition sur la valeur d’expression. Mais si l’auteur feint de se dévoiler, il n’est pas sûr qu’elle ne s’en dissimule pasmieux. L’œuvre "ready made" est un artéfact qui soustrait l’objet quelconque à sa valeur d’usage et le coupe de la prose quotidienne lui donnant sens. Loin de consacrer l’intrusion de la réalité dans l’art, il annonce l’artificialisation de toute réalité.    "Comme je me suis décidée à lire les livres dont tout le monde parle ou a parlé, ceux qui font ou ont fait le buzz, me voilà empruntant celui-ci à la bibliothèque." Dans ce court roman où l'écriture cisèle la chair crûment, l'acte sexuel se voit souvent réduit à une focalisation technicisée et décérébrée qui ne se réfère qu'à elle-même, qui n'est attentive qu'à elle-même. Qui plus est, on décèle dans les scènes qui nous sont relatées moins des manifestations d'archaïsme, de primitivité que des pulsions de consommation. Désert de la conscience, vacuité de la considération envers autrui, recherche de la satisfaction égotique immédiate, présence du profit personnel. Ce ne sont donc pas tant les scènes pornographiques vécues qui font récit, que leur restitution-construction dans le paysage mental du sujet écrivant. Pour ce faire, Catherine Millet choisit une écriture visuelle, purement descriptive, privée d’interprétation morale ou amorale, d’effets de séduction. Il ne s’agit aucunement de jouer avec la libido du lecteur ou de la lectrice. La narratrice évoque moins le plaisir brut de sensations corporelles immédiatement vécues, que le plaisir distancié d’une mise en œuvre de sa sexualité. Les actes comptent moins en eux-mêmes que par leur intellectualisation, processus d’archivage et de remboîtement à posteriori dans un champ visuel, textuel et littéraire bien plus large que celui des circonstances et des situations. De ce fait, les mêmes scènes sexuelles semblent se répéter continûment, leur variation ressortant uniquement à l’architecture des corps et à leur inscription dans l’espace physique. Le nombre se rapporte à un fantasme de renouvellement continu et indistinct du partenaire sexuel, renouvellement indifférencié qui place le corps et la conscience dans une sorte de ballottement végétatif. Il y a dans cette idée de destinée et de fatalité quelque chose de romanesque par lequel on peut assimiler l’auteure-narratrice, personne réelle s’il en est, à un personnage de fiction agi par un déterminisme sur lequel il n’a aucune prise, un personnage tenant son rôle sans faillir jusqu’à l’excipit, qui aurait puévoluer tout aussi bien dans un roman de Bataille, de Sade, la violence bien sûr en moins, ou enfin de Pauline Réage.    "Aucun style, l'auteur a posé ses mots tels qu'ils sont sortis de sa tête. L'écriture est lourde, désordonnée, saccadée. Le style me fait penser à des discussions de comptoir ou de blablatages entre copines." Le balancement entre le déferlement et l'abandon de soi se construit dans l'espace du fait de la double position du sujet qui saisit ce qui l’environne et de l'objet saisi. Cette disjonction de l’être qu’enclenche le regard, voir et être vu, est exprimée dans une formulation qui, par sa syntaxe et son lexique, crée elle-même un effet de miroir. Mais le scénario de base, très élémentaire, ne cesse de se reformuler tout au long du texte, chaque acte sexuel n’étant que la réactivation d’une même image mobile, d’un même fantasme nourri depuis l’enfance. Une file indienne d’hommes vient se frotter au corps de la narratrice puis la pénétrer tour à tour, la topographie des lieux et les circonstances variant d’une réactivation du fantasme à l’autre. Si le désir est enclenché par le fantasme, ce dernier ne surgit jamais par inadvertance, il ne prend pas par surprise, il est la résultante d’un processus de reconstruction psychique qui confère à l’activité sexuelle un caractère tout cérébral, caractère souligné par l’auteur qui revient sans cesse sur la concentration mentale nécessaire à produire la scène et enclencher le désir. Viennent alors s’ajouter à cette image toutes celles produites par la filmographie pornographique, enregistrements personnels compris, participant également à générer le plaisir théâtral. Voir pour se voir être vu permet ainsi de briser l’écran entre le fantasme et le réel et de le maintenir. Le plaisir est affaire de clichés, d’images pétrifiées.   "Bref, je suis entrée dans la vie sexuelle adulte comme, petite fille, je m'engouffrais dans le tunnel du train fantôme, à l'aveugle, pour le plaisir d'être ballottée et saisie au hasard. Ou encore : absorbée comme une grenouille par un serpent." Dans ce roman où l'auteur se refuse à la fiction, à la narration et à la psychologie au profit du style de l’inventaire et du documentaire, le vocabulaire pornographique invariablement usité produit un même effet. La romancière prend soin d’utiliser le registre obscène dans ses descriptions, comme les protagonistes le font. Décrire précisément et vertement, c’est porter un éclairage cru, brutal, discordant sur des corps qui devrait être cachés. D’aucuns qui se verraient surpris parun regard extérieur durant un acte sexuel se dissimulerait, par pudeur, par honte, par ridicule. La sexualité nous projette en marge de la société et fait de nous, pour un temps, des êtres asociaux que la rhétorique pornographique associe aumoralement bas afin de rendre visible cette infraction. En usant du mot obscène, elle met en pièces les corps sociaux pour montrer les corps bestiaux, elle force le réel dans la mesure où elle crée l’obscénité là où il n’y a que des corps érogènes. Le mot ordurier vise à exprimer, à extraire l’image absente de ce corps sous-terrain, purement bestial, qui loge au tréfonds de nous, la bête tapie. Dans le dernier chapitre intitulé "Détail", elle aborde pour la première fois le thème duplaisir: "Je n’exagère pas si je dis que, jusqu’à l’âge de trente-cinq ans, je n’ai pas envisagé que mon propre plaisir puisse être la finalité d’un rapport sexuel. Je ne l’avais pas compris." Catherine M. a dû faire l’impasse sur son sexe et son corps. Autant les sexes d’hommes sont précisément décrits et même classés, autant les sexes féminins sont absents. Dix pages avant le point final, il est question pour la première fois du clitoris, "sorte de nœud embrouillé, sans véritable forme propre, un minuscule chaos se produisant à la rencontre de deux petites langues de chair comme lorsque le ressac jette deux vagues l’une contre l’autre." L’imprécision et le flou dominent dans cette évocation alors même que la narratrice ne cesse tout au long du récit de rappeler sa faculté d’observation et son souci de l’exactitude en matière de description. Le corps féminin échappe à la radioscopie, il est conçu pour être sous le regard de l’autre masculin. Comment connaître son propre corps si on ne l’explore pas, si on ne l’écoute pas, si on ne le questionne pas dans sa relation intime au désir et au plaisir ?    "Ceux qui obéissent à des principes moraux sont sans doute mieux armés pour affronter les manifestations de la jalousie que ceux que leur philosophie libertine laisse désemparés face à des explosions passionnelles." Le but non avoué de la romancière n'est-il pas de s'auto-analyser tout au long de son récit, l'écriture remplaçant le divan. Dans la réduction de son nom restreint à l’initiale, résonnant comme un pseudonyme rappelant le masque des libertins, l’auteur mettrait donc en scène la fiction de sa mise à nu. Le libertin est athée et des croyances, il aime faire tomber les masques que par ailleurs il affectionne parce qu’ils entretiennent l’utopie d’une vie sans fard enfin réduite à sa pure et simple nudité. On prétend certes que la vérité sort toute nue du puits, faut-il pour autant en négliger les effets, si bien nommés ? N’auraient-ils pas dans leurs plis et replis beaucoup d’histoires à raconter ? Il était une fois une jeune fille qui, à l’âge de seize ans se piqua le doigt à un fuseau. Victime d’un sort, elle tomba dans un profond sommeil. La "Belle au bois dormant" devait dormir ainsi cent ans et, à son réveil, découvrir le prince charmant. Elle sut d’emblée lui parler car, nous dit Charles Perrault: "Elle avait eu le temps de songer à ce qu’elle aurait à lui dire, car la bonne fée, pendant un si long sommeil, lui avait procuré le plaisir des songes agréables." Certaines femmes éprouvent dans leur vie la nécessité de différer la rencontre amoureuse. "Le sexe avec tant d’ardeur, aspire à la foi conjugale, que je n’ai pas la force ni le cœur,de lui prêcher cette morale." Catherine M. est une "Belle au bois dormant" d’un genre très particulier. Fillette trop excitée par les assauts d’une sexualité précoce et perturbatrice, elle ne peut s’endormir et rêver tranquillement, alors, au lieu de dormir, elle "baise", et elle s’achemine lentement et assez tardivement vers la découverte de tous les plaisirs de la chair, au détriment parfois de la Littérature.   Bibliographie et références:   - Catherine Millet, "La vie sexuelle de Catherine M." - Louis Aragon, "Le roman inachevé" - Pauline Réage, "Histoire d'O" - Robert J. Stoller, "L’excitation sexuelle" - Jacques Henric, "Légendes de Catherine M." - Maurice Duchamp, "La septième face du dé" - Catherine Millet, "Jour de souffrance" - Jérôme Garcin, "Bis repetita" - Delphine Peras, "Les partouzes d'une intello" - Charles Perrault, "Les contes de ma mère l’oye"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
556 vues 12 aime
Par : le 10/04/24
"Tout instant de la durée est une création nouvelle. Ce que nous fûmes hier, ou ce que nous sommes aujourd'hui,nous ne le serons plus demain. Elle t'aura dit de venir. La nuit du rendez vous, vas-y, tu es venu et la porte reste close. Prends sur toi. Pas de paroles enjôleuses, pas de vacarme à la porte. Épargne à tes côtes la dureté du seuil. Le lendemain, il fera jour. Que tes paroles soient vierges de rancœurs, et ton visage lisse de tout signe de chagrin. Son dédain passera vite, en te voyant si détendu encore un service que tu devras à notre art. La chance est puissante. Laisse toujours ta ligne dans l’eau et tu attraperas un poisson quand tu attendras le moins". Chaque quinze février dans la Rome antique se jouait un rite sibyllin et envoûtant dont les origines demeurent assez mystérieuses. Les Lupercales semblent trouver leur justification dans plusieurs mythes, provenir de plusieurs instigateurs, invoquer plusieurs divinités et procurer plusieurs vertus. Voyage dans une festivité aussi nébuleuse que capiteuse, où purification et fécondation s’embrassent sous des odeurs de boucs et des hurlements de loups. Faunus, ou Lupercus, petit-fils de Saturne, est le dieu des bergers et des troupeaux. Il leur assure la fertilité et les défend contre les loups, et parfois, la nuit, dans les bosquets sacrés, brise le silence par des oracles tapageurs. Au nombre de douze, les Luperques, prêtres de cette divinité favorable, sont désignés parmi les anciennes familles patriciennes de Rome des Quinctiliani et des Fabiani, auxquelles s’ajoute la famille des Julii, à partir de Jules César. À l’aube du quinze février, deux d’entre eux sont nommés par le grand prêtre officiant pour assister au sacrifice de deux boucs et d’un chien sur l’autel de la grotte du Lupercal. Les deux jeunes hommes vêtus d’un simple pagne en peau de bouc sont marqués au front par le sang de l’holocauste, après quoi ils doivent rire aux éclats. Le couteau ensanglanté, trempé dans du lait, découpe en lanières le cuir des bêtes immolées. Les Luperques, totalement nus, éclusent du vin dans une course frénétique et euphorique autour du mont Palatin et dans la cité pour purifier la ville de leurs courroies bénies. Les femmes postées sur l’enceinte d’Urbs (ville) offrent volontiers leurs corps nu à la flagellation sacrée des lanières, pour la bonne cause. "Elles sont persuadées que c'est un moyen sûr pour les femmes grosses d'accoucher heureusement et, pour celles qui sont stériles, d'avoir des enfants", selon Plutarque, "Vies parallèles des hommes illustres"(cent ans après J.C.).    "La beauté est un bien fragile: tout ce qui s'ajoute aux années la diminue. Elle se flétrit par sa durée même. Ni les violettes, ni les lys à la corolle ouverte ne sont toujours en fleurs, et, la rose tombée, l'épine se dresse seule. Toi aussi, bel adolescent, tu connaîtras bientôt les cheveux blancs. Tu connaîtras bientôt les rides, qui sillonnent alors le corps. Forme-toi maintenant l'esprit, bien durable, qui sera l'appui de ta beauté: seul il subsiste jusqu'au bûcher funèbre". Le soir, avant qu’un grand banquet ne vienne clore la fête, chaque jeune fille glisse dans une jarre un parchemin marqué de son nom, et chaque jeune homme tire au sort celle qui l’accompagnera pour le dîner. De cette loterie amoureuse placée sous les auspices de Junon, protectrice des femmes, du mariage et de la fécondité, bon nombre de couples vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. À l’évidence, le sacrifice dans la grotte symbolise la mort, l’éclat de rire des jeunes hommes annonce le retour du souffle vital, annonciateur de la renaissance de la nature, le bouc illustre l’allégorie de la fertilité. Mais le chien ? "Immolé comme une victime propre à purifier" ou "l’ennemi naturel des loups" ? Plutarque lui aussi s’interroge. Ovide également. Si les Romains ont opposé l’exigence de vérité propre aux historiens aux fables mensongères des poètes, ils n’en avaient pas moins conscience que poésie et histoire étaient intimement liées. C’est en vers que Naevius et Ennius ont écrit l’histoire de Rome, et c’est en vers toujours, à une époque où l’historiographie était pourtant reconnue comme un genre littéraire à part entière, que Virgile et Properce ont évoqué les origines de la Ville ou qu’Horace a chanté Auguste. Étrange coutume qui en trois mouvements mêle rite initiatique, sauvagerie et superstition, avec une date et un lieu chargés de sens. L’année romaine commençait en mars avec la première lune du Printemps. Févier, mois funeste, pluvieux et froid, jours néfastes selon Plutarque, est introduit par Numa Pompilius dans le calendrier romain et veut dire "purification", comme nous l’explique Ovide. "Februa, chez nos pères, signifiait alors cérémonie expiatoire. Enfin tout ce qui est expiation pour la conscience de l'homme était désigné sous ce nom chez nos ancêtres à la longue barbe. Ce mois s'appelle donc Februarius, parce que le Luperque asperge alors tous les lieux d'eau lustrale, avec des lanières de cuir, et en chasse ainsi toute souillure, ou bien parce qu'on apaise alors les mânes des morts, et que la vie recommence plus pure, une fois les jours passés des cérémonies funèbres", "Les Fastes" (dix après J.C.).    "J'ai voulu supporter cette perte. J'ai voulu, je l'avoue, vaincre ma douleur. L'amour a triomphé. Je vous en conjure par ces lieux pleins d'effroi, par ce chaos immense, par le vaste silence de ces régions de la nuit, rendez-moi mon Eurydice. L'amour est une sorte de guerre. Tout peut se corrompre quand les âmes sont enclines au mal". Ce temps précédant les calendes de mars multiplie en effet les rites purificateurs: les Fébruales début février célèbrent alors la mémoire des morts, les Lupercales prolongent la purification personnelle et citoyenne, chaque maison fait l’objet d’un grand ménage de printemps pour saluer et accueillir le renouveau de la nature. Le point d’ancrage de cette cérémonie annuelle est ainsi la grotte du Lupercal, au pied du mont Palatin, où la fameuse louve a allaité Romulus et Rémus. Les jumeaux fondateurs de Rome, abandonnés nourrissons dans le Tibre, ont en effet échoué sous un figuier sauvage, également appelé Caprificus, le figuier du bouc, à cet endroit précis. Romulus aurait donc crée les Lupercales pour rendre hommage à la louve nourricière qui l’a sauvé avec son frère d’une mort certaine. La course des Luperques dénudés pourrait trouver ses origines dans un épisode que Plutarque nous rapporte datant d’avant la fondation de Rome, où les jumeaux, ayant perdu alors quelques troupeaux, prièrent Faunus puis coururent nus rassembler le bétail sans être indisposés par la chaleur. Quant à la flagellation fécondatrice, elle remonte sans doute à l’enlèvement des Sabines qui n’ont pas assuré la prolificité nécessaire à la fondation d’une ville, et quelle ville.Romulus aurait dit: "Que m'a donc servi l'enlèvement des Sabines ? Sommes-nous plus puissants ? La guerre. Voilà tout ce que nous avons gagné avec ces violences. Pour avoir à ce prix des épouses stériles, mieux eût valu s'en passer", écrit Ovide . Selon le poète, une voix se serait élevée dans le bois sacré en réponse à l’injonction du fondateur de Rome (Faunus ?). "Mères du Latium, qu'un bouc velu vous pénètre". Un devin fit une interprétation plus douce de l’ordre divin et l’on comprend mieux pourquoi les romaines se prêtaient de si bonne grâce au jeu de la fustigation. C’est aussi sur le mont Palatin que le roi Evandre, exilé d’Arcadie a fondé son royaume quelques siècles avant la fondation de Rome, qu’il avait nommé Pallantium en souvenir de sa ville natale. Qui de Romulus ou d’Evandre, dont Virgile disait "rex Evandrus Romanae conditor arci", le roi Évandre fondateur de la forteresse romaine, est-il le vrai fondateur de Rome ? selon "L’Énéide" (trente. J.C.). Les Lupercales sont-elles alors nées à l’initiative de Romulus ou d’Evandre ? Honorent-elles alors Faunus ou Pan ? En 494, le pape Gélase interdit définitivement le rite païen et immoral des Lupercales, et pour la faire oublier instaure la fête de la Saint Valentin de Terni, martyr du IIIème siècle, célébré le quatorze février, veille des Lupercales. La cérémonie antique tombe dans l’oubli, tandis que les jeunes gens, sous le regard bienveillant de Saint Valentin, tombent alors amoureux.    "S’il est glorieux de faire des conquêtes, il ne l’est pas moins de les garder. L’un est souvent l’ouvrage du hasard, l’autre est un effet de l’art. J’entreprends de chanter les métamorphoses qui ont revêtu les corps de formes nouvelles. Dieux, qui les avez transformés, favorisez mon dessein et conduisez mes chants d’âge en âge, depuis l’origine du monde jusqu’à nos jours". Afin d’illustrer la fragilité de la frontière entre histoire et poésie, nous nous intéresserons ici à l’exemple d’Ovide. Le poète latin, dans les "Fastes", a adopté la figure d’un historien des religions, s’inspirant de la méthode et de l’écriture propres à l’historiographie. Il a voulu expliquer l’origine de la fête et de ses rituels, ainsi qu’il l’a explicitement affirmé pour introduire le passage consacré aux Lupercales. C’est avec le regard d’un antiquaire qu’Ovide a abordé le passé. Il n’a pas adopté l’ordre chronologique caractéristique de l’écriture historique et il a, en apparence du moins, préféré suivre un ordre thématique, la nudité des Luperques d’abord, l’origine des noms lupercus et lupercal ensuite et la signification du rite de la flagellation enfin. Les recherches du poète ne se sont pas limitées au domaine linguistique, et les modernes s’accordent généralement à reconnaître la fiabilité des détails religieux des "Fastes". Certes, Ovide est moins complet sur la cérémonie des Lupercales que Plutarque, ce dernier a en outre mentionné l’immolation du chien, le détail des bandelettes trempées dans du lait et le rôle joué par les deux jeunes garçons. Le témoignage des "Fastes" n’en reste pas moins exact et précis. Le poète en effet a relevé la présence du "flamen dialis", fait deux fois allusion au rire rituel qui accompagnait le sacrifice et nommé les deux groupes de Luperques, les "Fabii" et les "Quintilii". En choisissant pour thème principal sur les Lupercales l’origine de la course des "luperci nudi", course qu’il a associée aux notions de transgression et de licence, il s’est en outre attaché à rendre compte de la spécificité de cette fête, décrite de manière similaire par Cicéron, Tite-Live,Virgile ou encore Properce. Bien qu’Ovide n’ait pas cité ses sources et se soit placé sous la seule autorité des Muses, son témoignage ne doit donc pas, nous semble-t-il, être considéré comme fantaisiste, parce que poétique. si la tradition est presque unanime à assigner la création de la cérémonie à Évandre, elle l’associait également à la légende de Romulus et de Rémus qui, avec les bergers du Palatin, auraient célébré dans leur jeunesse la fête de Pan-Faunus, dieu du monde sauvage. Ovide, dans sa dernière étiologie, a décrit les Lupercales comme une cérémonie destinée à assurer la fécondité des femmes. Alors que les Sabines de Romulus étaient atteintes par une épidémie de stérilité, un oracle de Iuno Lucina aurait indiqué qu’elle cesserait si on frappait les femmes avec des peaux de bouc. Telle aurait été l’origine du rite de la flagellation, repris plus tard par les historiens modernes.    "Avant la création de la mer, de la terre et du ciel, voûte de l’univers, la nature entière ne présentait qu’un aspect uniforme. On a donné le nom de chaos à cette masse informe et grossière, bloc inerte et sans vie, assemblage confus d’éléments discordants et mal unis entre eux. Le soleil ne prêtait point encore sa lumière au monde". Le témoignage des "Fastes" marque un tournant dans la tradition, tournant qui reflète le changement de sens des Lupercales sous le Principat. Pour faire oublier peut-être le souvenir de la célébration de l’année quarante-quatre av. J.-C. où César s’était vu offrir la couronne royale par Antoine, Auguste a alors transformé la signification de la cérémonie au moment où il l’a restaurée. Il en a moralisé le déroulement, en interdisant la course aux jeunes gens imberbes, et il l’a inscrite dans le cadre de sa politique nataliste. La "februatio" archaïque est devenue une fête destinée à assurer la fertilité. Les Luperques abattaient les caprins amenés devant le Lupercal. Au sujet de leur sexe les auteurs semblent diverger. Certains parlent des boucs, Plutarque mentionne des chèvres, mais Ovide parle tantôt des chèvres, tantôt des boucs. Le couteau ensanglanté était l’arme avec laquelle on venait d’abattre les caprins. En conséquence, le sang sur le couteau, et donc aussi celui sur le front des jeunes, en provenait. Si les deux jeunes étaient déjà passés dans le monde sauvage, il fallait encore que les autres Luperques en fissent autant. Ici intervenait le rite du travestissement. Les Luperques écorchaient des caprins et découpaient leur peau pour s’en faire des pagnes et des lanières, au moment de la course, ils étaient alors ceints de pagne. Après le travestissement, on procédait, vers midi, à achever le sacrifice lupercal. On procédait à l’"immolatio", la consécration de la victime à la divinité, en versant du vin sur son front et en promenant le couteau sacrificiel sur son dos. Les entrailles étaient apportées aux sacrifiants qui, après les avoir découpés en morceaux, les jetaient dans le feu de l’autel. Ils procédaient alors à la "profanatio" des chairs de la victime en y imposant la main, ce qui les faisait sortir de la propriété de la divinité et permettait alors leur consommation lors du banquet sacrificiel. Même si elles ne s’adressaient pas à la même divinité et avaient des modalités culturelles en partie différentes, les diverses cérémonies avaient une origine et une transformation historique similaires. De probables rites d’initiation de jeunes hommes à l’époque protohistorique, elles étaient devenues des cultes de purification fondés sur l’utilisation de toutes les forces du monde sauvage par l’entremise de la consommation des entrailles.   "Un dieu, si ce n’est la bienfaisante Nature elle-même, mit fin à cette lutte, en séparant la terre du ciel, l’eau de la terre, et l’air le plus pur de l’air le plus grossier. Quand il eut débrouillé ce chaos, et séparé alors les éléments enmarquant à chacun d’eux la place qu’il devait occuper, il établit entre les lois d’une immuable harmonie". Chaque groupe avait une fonction rituelle précise, les "Fabiani" faisant entrer en ville les forces sauvages, les "Quintiliani" veillant à ce que ces dernières n’y restassent pas à demeure. Après la manducation des entrailles et juste avant la course devait vraisemblablement avoir lieu le sacrifice du chien. Tandis que la course figurait l’irruption totale du monde sauvage à Rome, le chien était justement un excellent représentant de cette vie ordonnée et civilisée que les coureurs abolissaient. Une fois que le banquet sacrificiel bien arrosé était terminé, et qu’ils s’étaient séparés en leurs deux confréries traditionnelles, les Luperques commençaient dans la gaieté générale leur course, pendant laquelle ils fouettaient avec leur lanière caprine tous ceux qui se trouvaient alors sur leur chemin. La fustigation ne concernait pas que les femmes désirant devenir mères, mais toute la communauté romaine: hommes et toutes les femmes, y compris celles qui étaient déjà enceintes. En clair, les Luperques frappaient tous les Romains qui se tenaient sur leur parcours, ce qui donne raison aux anciens qui prenaient les Lupercales pour une purification du populus. Les Luperques coureurs étaient alors vus à Rome comme des "ludii", des histrions, ce qui veut dire qu’ils assuraient une performance, une mise en scène rituelle, dont le sens peut être compris grâce à leur statut et à leur accoutrement. En effet, alors que par leur passage rituel au monde sauvage les Luperques rejoignaient le domaine de Faunus, par leur habit en peaux de bête identique à celui de Faunus-Lupercus, ils faisaient bien plus, ils imitaient le dieu des Lupercales. Cela veut dire qu’à l’instar du flamen Dialis par rapport à Jupiter, les Luperques devenaient alors l’incarnation du sacré faunesque et fonctionnaient comme des "prêtres-statue", des signes vivants du patron divin, qui, par leur présence, figuraient, à la manière d’un double, la présence de Faunus. Les Luperques coureurs se présentaient, et donc se comportaient, comme des "Fauni". La fête en elle-même comportait toujours ainsi trois temps forts: les sacrifices, la course des luperques et un grand banquet. L'ordre ne changeait jamais.    "L'intervention des dieux, c'est à dire le destin, semble parfois injuste et cruelle. Tout, dans la nature, est sacré et l'on peut être sacrilège sans le vouloir, être puni sans l'avoir mérité. Sur la terre, jusque là commune à tous aussi bien que l'air ou la lumière du soleil, l’arpenteur défiant traça de longs sillons pour limiter les champs. L'homme ne se contenta plus de demander à la terre féconde les moissons et les aliments qu'elle lui devait, mais il pénétra jusque dans ses entrailles". "On célébrait la fête des Lupercales, qui, selon plusieurs écrivains, fut anciennement une fête de bergers, et a beaucoup de rapport avec la fête des Lyciens en Arcadie. Ce jour-là, beaucoup de jeunes gens des premières maisons de Rome, et même des magistrats, courent nus par la ville, armés de bandes de cuir qui ont tout leur poil, et dont ils frappent, en s'amusant, toutes les personnes qu'ils rencontrent. De nombreuses femmes, même les plus distinguées par leur naissance, vont au-devant d'eux, et tendent la main à leurs coups, comme les enfants dans les écoles. Elles sont persuadées que c'est un moyen sûr pour les femmes grosses d'accoucher heureusement et, pour celles qui sont stériles, d'avoir des enfants." (Plutarque, "Vie De César", LXI.). Avant le banquet qui se tenait pour clore les festivités, on organisait alors une sorte de loterie amoureuse, placée sous les auspices de Junon. Les jeunes filles inscrivaient leur nom sur une tablette qu'elles déposaient dans une jarre, et chaque jeune garçon tirait au sort le nom de celle qui l'accompagnerait tout au long du repas. Ainsi, la dimension érotique de la fête des Lupercales est réellement flagrante. Outre les luperques entièrement nus, les femmes mariées elles-mêmes se dénudaient partiellement pour être flagellées. L'empereur Auguste y mit cependant fin. Il exclut du collège des officiants les jeunes hommes imberbes, considérés comme trop séduisants et, pour que la cérémonie devienne un peu plus décente, il fit garder aux luperques les pagnes en peau de bouc. Au cours du IIème siècle après J.C. enfin, les femmes romaines d'un certain rang, restaient habillées, et tendaient simplement leurs mains aux fouets. Dans les premières années du christianisme, l'empereur romain Claude II prit également des mesures. Il interdit formellement le mariage aux militaires, tentés alors de demeurer dans leur foyer, afin de les forcer à combattre. Un prêtre se révolta contre cette mesure. Il célébrait ainsi des mariages chrétiens en secret. Nommé Valentin de Terni, il fut arrêté et emprisonné, décapité à la veille des Lupercales de deux-cent-soixante-dix.    "À cet âge les femmes sont plus savantes en l'amoureux travail , qui possèdent l'expérience qui seule fait les artistes. Par des soins elles compensent les outrages du temps, elles se prêteront pour l'amour à mille attitudes. Chez elle le plaisir nait sans provocation artificielle. Pour qu'il soit vraiment agréable, il faut que la femme et l'homme y prennent part également. Je hais la femme qui se livre parce qu'elle doit se livrer, qui n'éprouvant rien, songe à son tricotage". Les Lupercales étaient si populaires qu'elles survécurent à l'implantation et au développement du christianisme, bien que les dignitaires chrétiens n'appréciaient guère ces démonstrations publiques érotiques, ces flagellations obscènes et ces sacrifices païens. Ceux-ci eurent beau être interdits en l'an trois-cent-quarante-et-un, rien n'y fit. On célébra toujours les lupercales, plusieurs Papes échouèrent dans leurs tentatives, à les faire disparaître. Mais, avec le temps, les Lupercales évoluèrent défavorablement et, en lieu et place des nobles luperques nus, c'était désormais la canaille, qui en profitait pour semer le désordre dans les rues. Ce fut finalement le Pape Gélase, quarante-neuvième pape de l'Église catholique (494 - 496) qui décida de les abolir définitivement. Toutefois, la fête fut célébrée à Constantinople jusqu'au Xème siècle. Certains auteurs affirment que Gélase remplaça les lupercales par la "fête de la purification dela bienheureuse vierge Marie", fixée au quinze Février. D'autres prétendent qu'il y aurait substitué la célébration du martyr de Saint Valentin. "Quant au chien qu’on sacrifie, si cette fête est réellement un jour d’expiation, il est immolé sans doute comme une victime propre à purifier. Les grecs eux-mêmes se servent de ces animaux pour de semblables sacrifices. Si au contraire c’est un sacrifice de reconnaissance envers la louve qui nourrit et sauva Romulus, ce n’est pas sans raison qu’on immole un chien, l’ennemi naturel des loups. Peut-être aussi veut-on le punir de ce qu’il trouble les luperques dans leurs courses." (Plutarque, "Vie De Romulus", XXVII.). Si les lupercales étaient un des temps forts des célébrations religieuses dans la Rome antique, elles sont aussi restées dans les mémoires suite à un évènement politique, survenu en quarante-cinq avant J.C. Le quinze février, Antoine qui participait aux Lupercales en profita pour tendre à Jules César une couronne de lauriers, l'invitant ainsi à accepter le titre de roi. Les huées de la foule forcèrent César à repousser la dite couronne à deux reprises, le peuple romain, décidément, ne voulait pas d'un nouveau roi.    Bibliographie et sources:   - Georges Dumézil, "Les Lupercales anciennes à Rome" - Jean-Yves Duval, "Les Lupercales, rites et symboles" - John Scheid, "Les Lupercales, fêtes érotiques" - Ovide, "Fastes I, II, III, IV, V et VI" - Plutarque, "Erotikos, dialogue sur l'amour" - Plutarque, "Vies des hommes illustres" - Agnes Freda Isabel Kirsopp, "Les fêtes païennes à Rome" - Karlis Konrads Vé, "Les rites des Lupercales" - Daniel Babut, "Plutarque et l'érotisme" - Jacques Boulogne, "Plutarque dans le miroir d'Épicure" - Robert Flacelière, "Sagesse de Plutarque" - Jean Leclant, "Dictionnaire de l'Antiquité" - Paul-Marie Veyne, "Les Lupercales" - Ellen Marie Wiseman, "Les Lupercales"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
508 vues 10 aime
Par : le 09/04/24
  Dès notre première rencontre, Maître J m’avait demandé si je souhaiterai avoir une relation sexuelle avec une femme. Cela faisait partie de ses fantasmes que d’avoir deux soumises à sa disposition. Je l’avais rassurée sur le fait que non seulement je n’étais pas contre, mais qu’en plus j’étais plutôt très intriguée de connaître une soirée ou plus dans les bras d’une femme et si cela se passait sous les ordres de mon maître, j’en serai encore plus heureuse. Il me teasait donc régulièrement sur cette possibilité et un soir, il me dit qu’il se pourrait qu’il me fasse rencontrer l’une de ses bonnes amies, une jeune femme lesbienne, qu’il connaissait depuis longtemps et avec qui il avait déjà évoqué ses soumises. Cela me mis dans une grande excitation et j’espérais que cela arrive un jour prochain.  Finalement, presque deux mois après nos retrouvailles, Maître J. m’indiqua que son amie Dame V. allait passer une soirée chez lui, qu’il lui avait dit que peut être, elle pourrait rencontrer sa soumise et qu’elle en était d’accord et intriguée. La pression monta d’un cran et je passais la semaine à me questionner sur cette soirée. Qu’allait-elle penser de moi ? Qu’est-ce que mon maître allait me demander ? Serais-je à la hauteur de ses attentes ?  Finalement, le dimanche soir tant attendu arriva. Les jours précédents, Maître J m’avait indiqué qu’il souhaitait que je porte une nouvelle tenue qu’il m’avait achetée et qui était très courte et échancrée, mon collier d’intérieur (le plus gros), et un plug. Je tiendrais mon rôle de soumise et les servirais pendant la soirée. J’étais donc arrivée un peu plus tôt pour aider à préparer le repas (une raclette, pas trop compliqué, heureusement), et j’étais dans un état d’excitation et de stress démesurés. J’avais enfilé pour venir un joli pull noir avec un décolleté sympa fait de liens sur la poitrine et une mini-jupe. Cela plut à mon Maître qui décida que je resterai ainsi au final. De même pour le collier, le petit était suffisant. Il s’agissait de ne pas faire fuir son amie dès les premières minutes, me dit-il en riant. Je me sentie un peu mieux et il me rassura en m’indiquant qu’il fallait surtout que l’on passe une bonne soirée et qu’il n’y avait pas besoin de stresser. Je lui demandais également, si Dame V. venait à poser des questions (et c’était sûr que cela serait le cas), devais-je y répondre de manière évasive, sincère, détaillée, avec des mots plutôt adaptés ou précis…? Quel était son souhait?  Il me dit qu’à son avis, son amie ne serait pas facile à choquer et que je pourrais donc lui répondre comme cela me plaisait.  J’étais dans la cuisine lorsqu’elle arriva, préparant les bols de biscuits apéritifs. Elle entra dans la cuisine, avec une énergie et une confiance qui me séduisit de suite. Elle me claqua une bise dynamique sur les joues et je me sentis immédiatement à l’aise. Nous passâmes dans le salon où mon maître oublia presque qu’il avait une soumise pour l’aider à servir et s’occuper d’eux. Pendant l’apéritif, nous nous sommes mis à parler de choses et d’autres, de ses loisirs et passions, de leur amitié et de leur loisir commun qui les avait amenés à se rencontrer.  Dame V. parlait, racontait, expliquait et j’étais en admiration devant elle. Elle semblait si bien dans ses baskets, si épanouie, si sincère. Elle avait aussi un langage assez fleuri, ce qui me rassura sur la suite de notre discussion. J’ai toujours aimé ce genre de femmes que rien ne peut arrêter. Elle avait eu mille vies et je me plaisais à l’écouter parler. Aussi, lorsque finalement, elle commença à poser des questions sur ma soumission, cela me prit un peu au dépourvu.  Nous avons donc commencé à lui expliquer quels étaient les tenants et les aboutissants de notre relation et petit à petit, j'ai pris conscience que je ne ressentais aucune honte à exprimer ma position. J’étais même fière d’être la soumise de mon maître et de le dire. Je sentais aussi qu’il n’y avait pas de jugement de la part de Dame V. même si elle ne comprenait pas forcément que j’accepte de me mettre dans cette relation de domination.  La soirée se passa de manière très sympathique et c’est bien tard que mon maître accepta de me libérer car je travaillais le lendemain. Je rentrais donc avec le cœur léger, mais plein de pensées dans la tête. Dame V. m’avait beaucoup plu et même si la soirée avait été très sage, je me sentais très attirée par elle. Peut-être que nous pourrions nous revoir lors d’une autre visite. Je l’espérais en tout cas.    Aussi, quelle ne fut ma surprise lorsque le lendemain matin, Maître J. m’envoya un message m’indiquant que nous nous retrouverons le soir même dans un club libertin humide de la capitale. Le même club dans lequel nous nous étions rencontrés, lui et moi, 10 ans auparavant. Dame V. était très impatiente de découvrir cet endroit dont nous avions parlé la veille. Par message, il me dit aussi qu’il ne fallait pas que je me mette à fantasmer de trop, V. était certes curieuse mais pas forcément de la partie échangiste de la boîte, plus de l’atmosphère, du jacuzzi et du sauna… Malgré tout, j’avoue que j’eu du mal à me concentrer au travail ce jour-là. Maître J. travaillant un peu tard dans la soirée, j’avais proposé que je puisse retrouver Dame V. un peu avant dans un bar du quartier afin qu’elle n’attende pas seule et je la rencontrais donc une petite heure avant notre rendez-vous devant le club. Ce fut une petite heure sympathique, pendant laquelle nous avons pu discuter de choses et d’autres. Mais aucun sujet en dessous de la ceinture ne fut abordé à ma grande déception.  A l’arrivée de mon maître, nous nous sommes donc dirigés tranquillement vers le club. J’en profitai pour rappeler quelques éléments qui me semblaient essentiels : un non veut dire non. Si quelqu’un est trop insistant, elle peut nous demander d’intervenir ou directement à l’entrée. Mais maître J se mit à rire en me disant qu’il avait plus peur pour ceux qui tenteraient quoi que ce soit avec Dame V. Cela détendit un peu tout le monde et nous nous sommes rapidement dirigés vers les vestiaires.  C’était très étrange de se retrouver de nouveau dans ce lieu si familier, qui à la fois n’avait pas changé, mais présentait de nombreuses nouveautés. J’eu la chance de pouvoir me préparer tranquillement car nous n’étions pas dans le même vestiaire et une fois, nus, avec nos paréos et nos serviettes, nous étions fin prêts à rejoindre la soirée.  Nous avons commencé par une petite visite, à la fois pour que V. puisse se repérer et également pour évaluer les changements depuis la dernière fois. Quelle surprise de voir le nombre de couples un lundi soir ! Nous pensions que le club serait vide et il n’en était rien.  Nous avons donc traversé le bar, le coin repas, passé devant un jacuzzi presque plein et qui semblait déjà bien “animé”. À l'étage, le hammam et le sauna était toujours aussi invitant et nous fîmes un rapide tour dans les coins câlins déjà bien investis. Je ne pus m’empêcher de jeter un œil à 2 couples en pleins ébats. J’ai toujours aimé admirer les corps amateurs en action. Mais Dame V. ne semblant pas très à l’aise et mon maître ne souhaitant pas rester, nous voilà repartis pour tester le jacuzzi.  Devant le bain, on se prépare à y rentrer. Les paréos tombent et je me retrouve pour la première fois nez à nez avec Dame V. totalement nue. Elle est superbe et j’en ai le souffle coupé. Ses tatouages révèlent encore plus la ligne de ses cuisses, ses seins sont magnifiques et je me retiens de la caresser. Nous prenons une douche rapide avant de nous laisser glisser dans l’eau chaude et bouillonnante. On trouve un petit coin encore dispo et on se retrouve tous les trois, assez proches car il est difficile de s’entendre. Autour de nous, plusieurs groupes sont déjà formés. Un homme et deux femmes à quelques centimètres de nous ont l’air d’avoir oublié les règles du jacuzzi (pas de sexe, masturbation, pénétration). Plus loin, ce sont 2 couples qui ont l’air d’être littéralement collés les uns aux autres. Cela m’excite terriblement et j’ai dû mal à les quitter des yeux. Entre nous, petit à petit, la discussion prend une tournure un peu sensuelle. On parle de nos expériences, de nos fantasmes, de nos souhaits. Parfois, par le contact de l’eau, nos jambes se frôlent mais cela reste chaste et j’hésite même à caresser mon Maître. A un moment, plusieurs personnes entrent et sortent et nous discutons du physique et de l’importance que cela revêt pour avoir envie d’une personne. Dame V. explique qu’elle doit se sentir attirée par le corps de celle avec qui elle va coucher et je me dis qu’au moins les choses sont claires et que cela n’ira pas plus loin. Mon physique me parait disgracieux comparé au sien et à plusieurs personnes présentes dans le jacuzzi. Le buffet est servi dans le coin bar et plusieurs personnes quittent les eaux tumultueuses pour aller se restaurer. Nous en profitons pour changer d’emplacement et je me glisse cette fois entre mon Maître et Dame V. Je commence à me rapprocher de lui, j’ai chaud, j’ai envie de le toucher, qu’il me touche et pendant un moment, sous l’eau, il joue un peu avec mes seins, me caresse et je lui rends la pareille. Par moment, je frôle V. avec ma jambe ou ma main, mais je ne la sens pas réactive. Je me concentre donc sur mon maître car je ne me vois pas quitter le club sans un peu de bon temps.  Au bout d’un moment où les discussions oscillent entre du très quotidien et des sujets un peu plus chauds, nous partons nous restaurer et il ne reste déjà presque plus rien sur les plateaux. Nous trouvons un coin un peu calme et je vais chercher une coupe de champagne, rappelant à mon Maître que je suis après tout, là pour les servir.  L’heure suivante s’est passée tranquillement, à discuter de choses et d’autres. Pendant une absence de V. pour ravitailler son assiette, je commence tranquillement à masser les épaules nues de mon maître. J’ai clairement envie de prendre un moment avec lui dans un coin câlin mais il m’indique que pour ce soir, à son avis, on va rester sur un sauna traditionnel, qu’il n’est pas trop dans cet esprit. Je comprends totalement car ce n’est pas évident d’être dans cette situation avec une amie proche mais je continue néanmoins à le masser au retour de V.  L’estomac bien rempli, Dame V. propose une visite au hammam et nous voilà partis dans les escaliers du club. La chaleur humide du hammam est très agréable et nous nous posons dans un petit coin. Je suis un peu gênée car une petite lumière est braquée sur moi et mes partenaires sont dans la pénombre. Nous rions car une dame dans un autre endroit du hammam émet de drôles de sons. Elle semble avoir la bouche bien pleine et je l’envie un peu. Je ne peux m’empêcher de jeter un regard complice à mon maître, ce qui le fait sourire. Un petit silence s’installe pendant quelques temps, puis, mon Maître propose à V. que je lui masse le dos, car elle s’est plainte de douleurs suite à des travaux manuels quelques jours auparavant. V. accepte et se tourne et je commence à la masser. Je ne suis pas très douée en massage et j’ai toujours peur de faire mal et de mal faire. J’ai très envie de prendre des cours un jour. Mais à ce moment-là, je m’applique du mieux que je peux, et je masse avec application chaque partie de son dos. Mes mains glissent parfois vers le bas de ces reins, mais je reste sage et concentrée. Elle m’indique parfois où appuyer et me dit que je peux y aller plus fort. Au bout d’un petit moment, elle me dit que c’est mon tour et qu’elle va me faire voir comment appuyer. Je me retourne donc et croise le regard très souriant de mon Maître. Il en profite aussi à sa manière. Dame V. pose ses mains sur moi et mon souffle se coupe instantanément, c’est électrique. Elle commence à me masser et ses mains sont dures, brutales, intransigeantes. Je souffre et en même temps, j’adore. Je me laisse totalement aller dans ce massage qui me détend et me maltraite en un même instant. Le temps semble s’être arrêté et lorsque Maître J. indique qu’il a trop chaud et qu’il sort, je m’en rends à peine compte. Je ne suis que sensations et plaisir à ce moment-là. Ses doigts glissent sur mes muscles, massent ma tête, mes côtes, et je suis en plein extase. Lorsque ses mains s’arrêtent finalement, je prends un temps pour respirer et me retourne pour la remercier. V. m’embrasse alors à pleine bouche. Sa langue force l’ouverture de mes lèvres, sa chaleur se répand en moi et son baiser est comme son massage, chaud, doux, fort. Mon ventre se tord de désir et j’essaie autant que possible de lui rendre son baiser.  Puis, on se relève. Je suis totalement essoufflée et j’entends V. proposer un sauna. Cela me ramène brutalement à la réalité. Mon maître est dehors, en train de nous attendre, depuis un temps indéfini. En sortant, je ressens un mélange d’émotions : l’excitation d’aller lui raconter ce qui vient de se passer et l'appréhension qu’il soit frustré d’avoir dû attendre ou déçu que je l’ai embrassé sans sa permission. Mais il me semble agréablement surpris et heureux de ma joie et de mon excitation. Je saute presque littéralement sur place. Moi, qui trouvait cette petite soirée un peu trop sage, je ne regrette pas le déplacement.  V. m’emmène dans le sauna mais Maître J préfère rester dans le couloir. On s’installe côte à côte, très proches, mais je me sens de nouveau un peu pudique. Dame V. me raconte alors qu’elle est dans une situation personnelle un peu compliquée actuellement. Elle me parle de ses maîtresses, de ses frustrations, de ses besoins. Elle me raconte comment elle aime faire jouir une femme, qu’il faut être à l’écoute car chaque femme est différente. Je bois ses paroles, mais la proximité de son corps nu n’invite pas à la concentration. Parfois, elle joint le geste à la parole, me caresse la cuisse ou me prends par le cou et chacun de ses gestes envoie des ondes électriques dans mon corps. Sur le moment, je reste plutôt statique, je ne veux pas brusquer les choses, aller trop vite, trop loin. Je profite juste de ce moment.  Lorsque la chaleur nous étouffe, nous sortons retrouver J. D’humeur joueuse, il me demande si lui aussi aurait droit à un massage et propose que l’on se pose dans un coin câlin. V. nous indique qu’elle va aller se balader un peu et je lui dis qu’elle est la bienvenue quand elle veut. Maître J cherche donc un coin câlin et comme on ne souhaite pas forcément être dérangés, on en choisit un avec une porte qu’on laisse légèrement entrebâillée pour Dame V. Pendant notre déambulation dans les coins câlins, j’en profite pour observer quelques couples en action pendant quelques instants. La chaleur dans mon bas ventre augmente. Dans notre petit coin câlin, mon Maître s’installe sur le ventre et je commence à le masser. Ce n’est pas très agréable sans huile de massage mais j’essaie de m’appliquer et de mettre en application les conseils de V. J’appuie plus fort, je suis plus dure dans mes gestes et mon maître semble apprécier. J’hésite à lui proposer une fellation car j’ai peur que cela fasse fuir V. si elle passe la tête. Et effectivement, elle arrive peu après et nous rejoint dans le petit coin. Un moment de flottement à son arrivée est vite dissipé lorsqu’elle pose son paréo s’installe à mes côtés et propose de masser “dignement” monsieur J. Il se retrouve donc masser à 4 mains et je sens qu’il prend son pied.  Elle commence à masser sa jambe droite et j’essaie tant bien que mal de faire la même chose sur la gauche. Je suis chaque mouvement en essayant de les reproduire à l’identique. Puis V. masse son dos, sa nuque et moi je m’occupe du bas du dos et des fesses. Chacune trouve sa place. Sa chaleur à mes côtés est très agréable et je ne peux m’empêcher de regarder ses seins, ses reins pendant qu’elle le masse. Désolée maître, je suis assez peu concentrée. Pendant le temps du massage, une femme partage avec tout le club le plaisir qu’elle est en train de recevoir avec de grands cris de plaisir. Cela me fait rire mais Dame V. se demande comment on peut crier si fort pour cela. Puis, Maître propose de se retourner et se place sur le dos. V. se retire un peu vers le fond du coin câlin et je commence à lui masser le ventre, le torse. Je ne m’approche pas trop de la zone sensible car j’ai senti une petite tension lorsqu’il s’est retourné. Je n’insiste donc pas. Je rigole en disant que j’ai vraiment du mal à trouver la bonne force dans mes mains et que j’ai l’impression d’être vraiment nulle en massage. V. me dit avec autorité qu’elle va me montrer. Elle se place derrière moi et cette fois, son massage est presque brutal. Ses mains sont dures, fermes et me font parfois pousser des gémissements. Mon côté maso se réveille, j’aime cette douleur. Elle me rassure. J’essaie de continuer à masser mon maître mais il m’est difficile de me concentrer sur la douleur, le plaisir, son plaisir. Mais je sens qu’il ne m’en veut pas et il me dira plus tard qu'il a profité du spectacle avec le miroir au plafond. Elle me masse avec autorité et j’apprécie cette sensation d’être à sa merci. Je rêve que ces mains glissent vers mes fesses, vers mes reins, vers mes seins. Mais elle reste dans des zones bien définies. J’arrive parfois à glisser quelques caresses sur les jambes et l'entrejambe de mon maître, mais à ma grande surprise, il ne réagit pas, très concentré sur la situation.  Au bout d’un certain temps, elle m’invite à me pencher légèrement sur elle et commence à masser le haut de ma poitrine, sur le sternum. Ça fait mal, c’est bon. Je vis à fond l’instant présent. Ses gestes sont précis et ne descendent jamais trop bas, ce qui me rend folle d’excitation.    N’y tenant plus, je décide de me tourner vers elle légèrement pour la remercier d’un baiser comme la dernière fois. Mais elle se penche en même temps sur mon oreille et me titille le lobe avec sa bouche. Son souffle dans mon oreille me rend folle et d’un coup, elle m’embrasse de nouveau, à pleine force. Je suis scotchée, surprise, mais totalement excitée. Ses mains descendent enfin vers mes seins et les massent quelques instants, je suis en extase. Ma bouche parcourt son cou, son torse pendant que sa bouche fait la même chose. On se découvre par nos baisers, de plus en plus envahissants. Petit à petit, ses mains descendent sur mon ventre et le caresse, puis se dirigent vers mes cuisses. Je suis toujours plus ou moins allongée contre elle, à moitié tournée vers elle. La position devenant inconfortable pour elle comme pour moi, elle me demande de me retourner, ce que je fais avec inquiétude, ayant peur de briser la magie du moment. Mais dès que je me retourne, elle reprend là où elle en était. On s’embrasse de nouveau, nos bouches explorent l’autre avec avidité. Je sens tout à coup les mains de mon Maître se poser sur mon dos et me caresser et cela me lance une décharge. Je suis prise en sandwich entre les deux et je sens mon corps s’embraser littéralement de désir. Je lève les yeux vers elle et lui demande si je peux, en montrant ses seins. Pour toute réponse, elle pousse ma tête vers le bas et je pose doucement mes lèvres sur ses seins. Quel bonheur pour moi de pouvoir enfin lui lécher le têton, le prendre en bouche, le titiller avec ma langue. Je profite à fond de ce délice quand soudainement, elle me redresse, me pousse en arrière et je bascule vers le fond du coin lit, tout contre mon Maître.  La situation a totalement dérapé en quelques secondes et je me retrouve allongée sur la banquette, ouverte, offerte. Je jette un œil à mon maître qui observe dame V. avec attention et je sens son excitation même s’il reste un peu en distance pour ne pas interrompre la scène en cours.  V. entreprend de parcourir mon corps. Je ne vois pas ce qui se passe, mais je sens sa bouche, ses mains, parfois les deux partout sur mon corps sauf sur mon bas ventre, là où je rêve plus que tout qu’elle vienne y déposer ses baisers. Mais elle évite soigneusement la zone. Et pourtant chacun de ses baisers, touchers provoque chez moi une décharge d’électricité, je me  tords de douleur,  de plaisir, de sensations totalement hors de mon contrôle.  Parfois, ses lèvres me mordillent, d'autres fois me lèchent. Mon Maître, de son côté, me triture par moment les seins, lorsque V. ne s’en occupe pas. Je suis tellement heureuse qu’il participe, j'essaie d’attraper sa queue mais je n’arrive pas à me concentrer.  Soudain, sa bouche se pose sur mon clito et je pars au 7ème ciel. Ses lèvres embrassent mon bouton, sa langue lèche, ses dents jouent avec mon intimité et je ne sais plus où j’en suis. Je caresse mon Maître par moment, tente de ne pas crier le reste du temps, ne sait plus où donner de la tête.  La pression monte dans mon ventre. Je sens ses doigts qui descendent vers mon vagin et je me fige. Nous avons discuté un peu plus tôt (au café) que j’étais en fin de période féminine et que par sécurité, je m’étais équipée à ce niveau-là. Elle ne pouvait donc pas mettre ses doigts. J’essayais de trouver les mots pour lui dire cela sans casser l’ambiance, sans que tout s’arrête mais elle commença tout doucement à parcourir le bord de mon vagin avec son doigt et je perdis toute raison. Je ne pouvais plus réfléchir à rien, mon corps ne me répondait plus. En insistant un peu, elle arriva à introduire son doigt légèrement et se mit à me caresser l’intérieur du vagin, tout en continuant à lécher et sucer mon clito. Je gémissais et retenais mes cris. Je ne voulais pas me laisser aller à une telle démonstration au vu de notre conversation quelques minutes auparavant et je me mordis durement la main droite, la gauche étant occupée avec mon Maître. Cela le fit rire et il m’enleva la main de la bouche, comme s’il souhaitait que je crie fort. Soudainement il m’embrassa avec force, à pleine bouche. C’était l’un de nos premiers baisers réels et j’en restais toute retournée.    Le plaisir monte en moi à grande vitesse et je sens que je ne vais pas tarder à jouir. Je suis en extase de sentir sa bouche sur mon clito, son doigt dans mon sexe, la main de mon maitre qui torture mon sein, son sexe dans ma main. Je murmure à mon maître que j’ai envie de jouir, lui demandant ainsi son autorisation. Son éducation se révèle de plus en plus ancrée en moi, même dans une telle situation. Il me donne la permission avec un petit sourire et je me laisse enfin aller. Je ne peux retenir un cri et cet orgasme est à la fois merveilleux et douloureux tellement il est fort. Mon corps brûle, se tord, crie. Je suis totalement déstabilisée. V. continue à me lécher, me sucer et mon corps ne peut plus le supporter. Chaque contact m’envoie une décharge entre l’effet d’une chatouille et celui d’un coup de fouet. Je me tords pour que cela s’arrête et part en fou-rire. Je ne peux plus me retenir, l’intensité est trop grande. V. se redresse le sourire aux lèvres. J’hésite à me tourner vers mon maître pour m’occuper de lui, mais l’ambiance a changé, le moment est passé. On se rhabille un peu maladroitement, je me sens extrêmement gênée et quelqu’un propose d’aller boire un verre. Je descends les escaliers sur un petit nuage, ne sachant si je viens de rêver ou si j’ai vraiment vécu l’un des plus incroyables orgasmes de toute ma vie. En arrivant près du jacuzzi, V. semble changer d’avis, prend une petite douche et se dirige vers celui-ci. Ravis, nous la suivons dans ce bain chaud. Cela me fait un bien fou car j’ai un peu froid après tant d’excitation et de sensations.  On s’installe de nouveau dans le coin du fond, moi toujours entre V. et J. Après quelques minutes un peu tranquilles, je commence à caresser doucement mon Maître qui devient rapidement très réactif. Je suis heureuse de sentir quelques secondes plus tard ses doigts sur mon clito, jouant avec lui. Mon corps est de nouveau parcouru de frissons, pas encore rassasié. Je sais que je suis moi aussi en train de dépasser les interdits du sauna, mais à ce moment-là, ça m’importe peu. Par moment, ma main frôle la jambe ou la cuisse de V. qui se laisse faire, ne dit rien. Mais je n’insiste pas vraiment. Au vu de la configuration du jacuzzi, ma jambe est posée sur le muret en face de moi, faisant une petite barrière entre mes 2 partenaires et par moment, je sens des mains qui se baladent sur elle. Je comprends assez rapidement, que non seulement mon maître me caresse mais également la somptueuse V. En effet, mon Maître a une main, posée sur mon sein et l’autre sur mon clito. Il ne peut donc me caresser la jambe en deux endroits.  Alors, je me permets petit à petit des caresses un peu plus appuyées sur sa jambe, sa cuisse et je commence à me rapprocher doucement de son entre-jambe. Je ne peux pas voir son visage car elle est assise à côté de moi, près de mon épaule et je n’ose me retourner pour l’observer, voir si elle est d’accord, j’y vais donc très en douceur, étape par étape, guettant la moindre crispation ou geste qui indiquerait que je doive retirer ma main. Je commence à caresser les doux poils de son pubis et là encore, je ne sens ni rejet ni rapprochement. J’hésite à continuer. Peut-être n'ose-t-elle pas me dire non ? Petit à petit, mon doigt descend le long de sa petite fente et touche puis masse son clitoris. Et finalement, je sens qu’elle repositionne légèrement ses jambes pour me permettre un meilleur accès. Je souris et mon Maître me regarde avec curiosité. Il n’a aucune idée de ce qui se passe sous la surface de l’eau et je continue à le caresser doucement. J’ai l’impression à ce moment-là de les posséder un peu tous les deux. Je m’occupe donc avec un doigt puis deux de son bouton et je le sens petit à petit qui gonfle, qui pousse les lèvres pour sortir et je suis toute émoustillée. L’un de mes doigts commence à se diriger vers son vagin et à le caresser. Mais je reste à l’extérieur, massant simplement la zone. Soudain, je sens sa main qui attrape la mienne et l’espace d’une seconde, je pense qu’elle va la retirer et me demander d’arrêter. Mais avec autorité, elle prend mon doigt et se l’enfonce dans son vagin. Mes yeux s'écarquillent et de nouveau, je sens le regard inquisiteur de mon maître. Je m’applique donc à lui pénétrer délicatement le vagin avec mon doigt. C’est une sensation extrêmement étrange que d’avoir le majeur à l’intérieur d’un sexe, chaud, humide, plein et creux en même temps. Quelques instants plus tard, V. appuie sur ma main pour m’indiquer que je peux aller plus en profondeur, plus fort. Je commence donc à la doigter un peu plus durement, à jouer avec son intérieur, sans trop savoir ce que je suis en train de faire. Je rajoute un 2ème doigt et je sens sa respiration qui s’intensifie. A ce moment-là, mon maître a compris qu’il se passe quelque chose et il s’occupe de ma chatte en même temps que de mes seins. Il fait très très chaud dans ce jacuzzi. V. respire de plus en plus fort, elle se cambre un peu.  Si ça continue comme ça, il va falloir qu’on retourne rapidement dans les coins câlins.  Est-ce une menace, une invitation? Je lui souris simplement et lui dis que je la suis avec plaisir. Elle se dirige en nageant vers la sortie du jacuzzi et je la suis en lui caressant les fesses, les jambes. Maître J. nous suit, totalement surpris. Un petit passage aux douches rapides et nous repartons dans l’escalier. Je m’assure que mon maître nous suit et je vois que V. prend le couloir du hammam plutôt que du coin câlin. Pourquoi pas après tout.  Mon maître étant un peu en arrière, je m’assure qu’il a vu notre destination et je rentre derrière elle. Je suis hésitante entre les deux et V le voit. Je lui demande si Maître J. peut venir et elle dit oui sans hésitation.  Elle s’est installée dans la salle principale du hammam cette fois, sur le banc en hauteur et lorsque je m’assois sur le banc du dessous, ma tête est pile à portée de son sexe. Maître J vient s'asseoir à côté de moi. Dame V. se penche pour m’embrasser, stoppant net les milles questionnements qui me passent dans la tête pour savoir où commencer. Comme plus tôt dans la soirée, ses baisers sont envahissants, puissants, chauds et humides. Je commence à y prendre vraiment goût et à lui rendre avec plus d’assurance. J’ai le souffle court. Timidement, je me dirige vers ses superbes seins et lui baise longuement. Maitre J. me caresse le dos doucement et cela m’excite énormément. Je commence à descendre mes baisers sur son ventre et lui dit que les préliminaires ayant déjà eu lieu, j’ai envie de descendre directement. En guise de réponse, elle appuie sur ma tête jusqu’à ce qu’elle atteigne son clitoris. J’imagine que cela veut dire oui, en souriant intérieurement.  Me voilà devant son pubis, joliment poilu, son clitoris apparaissant délicatement entre ses lèvres. J’ai déjà lécher une femme lors d’une soirée en club, mais cela avait durer un dixième de secondes et je n’avais pas ressenti grand chose. Là, je suis follement excitée mais également stressée. Vais-je savoir faire? Quel goût a sa mouille? Je suis en terrain totalement inconnu et le stress me gagne. Finalement, je me lance et commence à lécher avec ma langue. Instantanément, elle bascule légèrement en arrière et je suis heureuse de la voir réagir. Je sens avec ma langue qu’elle est très mouillée et cela me fait plaisir. Ma langue se fait plus envahissante et ses réactions s’intensifient. Elle gémit, se contracte, se rapproche, pousse sur ma tête. Je “kiffe” ce moment, j’aime cette sensation. Mon Maître en profite pour attraper mes seins à pleines mains et je suis aux anges. Je rapproche mes doigts de son vagin et commence à la pénétrer doucement. Je sens par moment la main de mon maître se promener sur mon clito et je rêve qu’il me prenne par derrière. Mais il reste sage et contribue seulement à mon plaisir du moment. De nouveau, elle attrape ma main pour que je la pénètre plus fort, plus profondément. Je lui enfonce donc deux doigts, fort, en faisant des vas et vient et elle gémit. Je la suce, je l’aspire, je la lèche, je suis totalement concentrée sur son plaisir. La sensation de ses muscles du vagin se crispant sur mes doigts est extraordinaire. Son orgasme est comme ses massages, puissant, soudain, violent. Elle se contracte en avant, emprisonnant mes doigts, avec un petit cri léger. Je suis totalement ébahie, heureuse, soulagée d’avoir pu, su la faire jouir. Je continue à la caresser quelques instants et elle m’indique à un moment de m’arrêter. Je me retourne d’un coup et me met à genoux devant mon maître pour le prendre en bouche. Cela les surprend tous les deux et les fait rire. Peu importe, j’ai envie de sa queue, je ne suis pas encore satisfaite. Je me mets à le sucer avec application, j’ai encore le goût de V. dans ma bouche, c’est totalement jouissif. Je m’applique sur sa queue, le gobant autant que possible. J’imagine que V. me regarde et cela m’excite. Mais V. ne se laisse pas intimider et se glisse derrière moi. Elle commence à jouer avec mon clito. Ses doigts le presse, le masse, le triture et elle joue avec le début de mon vagin. En quelques secondes, j’ai un orgasme puissant alors que je suis en train de sucer mon Maître et je crie sur sa queue pour ne pas hurler. Je n’ai pas pu lui demander l’autorisation de jouir, car j’ai été surprise et j’ai la bouche pleine :) . Au bout d’un moment, mon Maître me relève, il a trop chaud, et préfère que j’arrête pour l’instant. Ce soir, mon plaisir lui est prioritaire et j’en suis très heureuse. Je me retrouve donc assise par terre, entre leurs jambes nues. Je les caresse, les embrasse et je me sens totalement à ma place, dans une réelle position de soumise. Je suis totalement satisfaite de ce moment-là et c’est une image que je grave dans ma mémoire.    Au bout de quelques instants, J. décide de sortir car il a trop chaud dans ce hammam. Au fond de moi, j’espère qu’il ne m’en veux pas trop d’avoir joui de nouveau (parfois les idées d’une soumise sont un peu idiotes). Je me retrouve seule avec V., un peu ailleurs, dans un autre monde, et je continue à lui caresser doucement les jambes, les cuisses, à l’embrasser, la léchouiller.  Il va falloir que tu te calmes un peu, parce que si ça continue, il va falloir que tu recommences. Tes désirs sont des ordres Fais gaffe, il va t’arriver des bricoles.  Je prends cela comme une invitation et en un instant, je me retrouve de nouveau au niveau de son sexe. Lors de cette nouvelle session de cuni, elle est plus directive, m’indiquant comment la pénétrer, me demandant de mettre plus de doigts (j’en rajoute donc un 3ème puis un 4ème). Elle s’ouvre au fur et à mesure mais je ne force pas. Elle me demande d’arrêter les vas et vient et de simplement masser avec mes doigts à l’intérieur de son vagin. Je sens sa chatte qui pulse sur mes doigts, et je continue en même temps à m’occuper de son clito avec ma bouche. Elle jouit d’un coup, d’une seule pulsion vers l’avant, avec un cri un peu plus fort que la fois précédente. C’est fort et extrêmement satisfaisant. On reprend notre souffle toutes les deux et soudain, elle me pousse contre le dossier du banc, m’installe et se penche entre mes cuisses. De nouveau, cette sensation incroyable de sentir à peine ses lèvres sur mon clito, comme un souffle d’air, de douceur et d’un coup, une succion, un petit mordillement qui me portent aux bords de la jouissance. Elle pénètre mon vagin avec ses doigts un peu plus profondément et je suis incroyablement frustrée qu’elle ne puisse pas aller plus loin. C’est tellement bon que je ne peux me retenir de jouir dans un long cri qui la fait rire. On s’embrasse ensuite et on reste ainsi quelques instants. Je me dis qu’on a bien profité et que l’on va rejoindre mon maître, mais elle me dit qu’elle est insatiable, qu’elle pourrait baiser toute la nuit. Elle aussi est frustrée de ne pas pouvoir me prendre complètement. Je m’excuse de mon indisponibilité et que j’espère que l’idée de mes menstruations ne sont pas trop dérangeantes. Elle me dit de ne pas m’inquiéter. Cela ne la dérange pas, au contraire, elle aime le goût cuivré d’un vagin féminin et que si on était ailleurs, elle me demanderait de me rendre disponible quand même. Puis, pendant quelques minutes, elle m’explique comment s’assurer de faire jouir une femme, les signes à chercher pour savoir si cela lui convient, pour deviner ce qui la fait jouir. Nous sommes l’une contre l’autre et j’aime cette proximité, cette douceur. Je continue à la caresser doucement. Et finalement, elle attrape de nouveau ma tête et me penche sur son clito. Je me repositionne et repart à l'assaut de son mont de vénus. Je m’applique à suivre les consignes qu’elle vient de me donner, me concentre sur ses contractions, son souffle, ses soupirs. Je la pénètre de nouveau avec plusieurs doigts directement. Elle est toujours aussi mouillée, je ne sais plus si c’est l'excitation ou la moiteur du hammam. Tout à coup, un couple entre et s’installe un peu plus loin mais en face de nous. Je lui demande si elle veut qu’on arrête mais elle fait non de la tête, je me remets donc à la tâche avec application. Le couple ne nous quitte pas des yeux. De nouveau, elle jouit fort, se courbant sur moi comme après un choc électrique, mais cette fois, son orgasme se prolonge un peu en petits soubresauts.    Cette fois, nous sommes toutes les deux un peu fatiguées et l’on sort sans regret. J’ai vraiment besoin d’un verre et hâte de retrouver mon Maître. Je suis dans un nuage cotonneux et j’ai l’impression de flotter. On retrouve Maître J. à l’extérieur, il nous attend dans le couloir et je guette avec attention son ressenti. J’espère qu’il n’est pas frustré, ni déçu d’avoir dû attendre aussi longtemps. Je n’ai aucune idée du temps passé à l’intérieur, mais ça devait être long. Je sais qu’il était d’accord sur le principe, mais la réalité peut être différente. Pendant que V. prend une douche un peu plus longue que la mienne, je lui raconte en deux mots ce qui vient de se passer. Il m’indique qu’il faudra que je mette tout cela par écrit bien entendu, que je serai punie pour avoir joui sans autorisation (mais il le dit avec un grand sourire). Le club s’est vidé entre-temps, il est minuit passé. Ma soirée ne s’est définitivement pas terminée en citrouille et je suis heureuse. J’aimerai proposer à mon maître un temps tous les deux avant de partir, mais je sens qu’il est passé à autre chose et qu’il est un peu fatigué. On se pose un moment dans les canapés à l’entrée pour se remettre de nos émotions, avant de rejoindre les vestiaires. En sortant du club, j’ai l’impression de passer dans un univers totalement différent. Il fait froid, il pleut et j’ai l’impression d’être différente. Nous nous quittons sur le pas de la porte après un échange de baisers et je grimpe dans un uber. Je suis comblée, même si je reste un peu frustrée de n’avoir pu satisfaire mon maître, ou être pénétrée par l’un ou par l’autre. Mais cela laisse le champ libre pour d’autres soirées à venir. Quelques échanges de textos assez chauds avec V. avant de m’endormir me confirment qu’il y aura probablement une nouvelle session de découverte de ma bisexualité et j’en suis très impatiente. Je m’endors (très tard), le sourire aux lèvres.   
668 vues 15 aime
Par : le 03/04/24
Le Shibari, cet art du bondage qu'on ne présente plus , séduit de plus en plus d'adeptes à travers le monde pour son esthétisme et sa profondeur relationnelle, le forum ou les publications du site suffisent à le démontrer, s'il en était besoin. Plus qu'une simple pratique BDSM, le Shibari est une forme d'expression artistique et un moyen de communication et de partage des plus intime. Plus sophistiqué que le bondage à l'aide d'accessoires, le shibari nécessite une compréhension et une confiance mutuelles mais aussi et surtout des techniques. Cet art, en combinant technique, esthétique, et échange émotionnel, offre ainsi une palette d'expériences enrichissantes et intensément connectées. Dans "L'art du Shibari, Tome 1", Steph Doe, avec la collaboration de Dirty VonP, deux figures  du Shibari en France, partagent leur expertise pour guider les novices et les praticiens plus avancés. Ce guide se veut une référence indispensable, couvre non seulement les techniques de base nécessaires pour pratiquer, mais s'interesse également à l'aspect relationnel de cet art. Les tutoriels sont précis, agrémentés de photos pour vérifier le bon positionnement des cordes, tandis que la nécessité de l'échange entre les partenaires est exploré pour que les lecteurs et lectrices puissent explorer le shibari en maximisan l'intensité de l'expérience. Avec ce premier volume, l'autrice s'engage à rendre le Shibari accessible à tous, proposant une multitude d'exercices et de ressources pour devenir autonome dans sa pratique. À travers "L'art du Shibari, Tome 1", Steph Doe réussit à démystifier une pratique souvent perçue comme complexe et réservée à une élite. On soulignera la clarté et la précision des explications, permettant même aux débutants de se lancer en toute confiance. Le livre se fait clair et propose des illustrations propices à la pédagogie. Les auteurs parviennent à transmettre leur passion pour cet art dans une approche qui ne peut qu'inciter au respect. On pourra toutefois regretté une brièveté du contenu si au delà de la découverte, on veut approfondir encore plus ses connaissances. Malgré ce bémol, l'ouvrage se distingue  notoirement par sa capacité à rendre le Shibari accessible et à permettre d'entamer une approche pour qui s'interesser au shibari qu'il soit novice ou expérimenté. Si vous avez lu ce livre, n'hésitez pas à laisser votre avis en commentaires ci dessous.
614 vues 21 aime
Par : le 01/04/24
"Cela peut-être génial sans que ce soit idiot". "Un baiser apaise la faim, la soif. On y dort. On y habite. On y oublie . La longue et froide Henriette était l’esclave de la moue que dessinaient ses lèvres dès qu’elle se mettait à parler". Audiberti, lorsqu'il reçoit en 1938 le premier prix Mallarmé, est reconnu par Paul Valéry, Léon-Paul Fargue, Paul Fort, comme un nouveau poète dont le système de sons et de formes ouvre un espace inconnu, trouée anachronique, puisque les surréalistes ont liquidé la forme fixe et le vers ancien. Mallarmé avait été le maître de Benjamin Péret et d'André Breton, et Valéry publiait à "Littérature" en 1920. Mais en mars 1938, cette consécration par un jury presque exclusivement symboliste, cette reconnaissance officielle ne pouvait que gêner et même empêcher une diffusion parmi les nouveaux poètes. Car l'esthétique d'Audiberti ne satisfait ni les symbolistes attardés, ni les néo-classiques qui peuvent lui reprocher son incontinence, son incohérence et son obscurité, ni les nouveaux qui refusent tout cadre. Desnos n'a-t-il pas été exclu pour excès de rimes ? Pourtant André Breton et ses amis admiraient Roussel et Jarry, poètes versifiant. Jacques Audiberti, qui est ce bloc compact, ce rempart de syllabes, ce roc carré sans prénom, Audiberti, le génitrix de ces titres étranges: "Abraxas", "L'Empire et la Trappe", "Urujac", "Des tonnes de semences", "La Nâ", "Monorail", "Race des hommes", "Carnage", "Ange aux entrailles", l'écrivain poète au rythme impérial ? En1947, de New York, Saint-John Perse répond ainsi à une lettre: "Il y a longtemps cher Audiberti, que je suis votre voile à l'horizon. J'en connais l'angle et la hauteur. J'aime votre gréement et votre plan de voilure et l'allure même qui vous est propre de naissance." Bachelard est enthousiasmé à son tour par cette œuvre qui surgit vierge et fraîche.    "La moue d’un perpétuel délit, d’un renoncement triste et moqueur. Elle était toute entière marquée par ce détail de son apparence, et, par lui, sans cesse repoussée aux renfrognures, contaminée en défiance". Audiberti, invité en Egypte en 1955 rencontrera Gabriel Bounoure, vieil ami de Suarès, qui déjà en 1938 dans la N.R.F, avait publié un compte rendu admiratif de "Race des hommes", une des rares critiques de l'époque. Dans une lettre de 1955, il lui dit son admiration: "Je suis très épris de vos romans, ils expriment une sensibilité entièrement nouvelle, en correspondance avec la culture scientifique moderne, la culture des électrons. Vous avez rompu avec ce mythe de l'unité du concevable." Des premiers poèmes envoyés à Jean Rostand ou publiés dans "Le Réveil d'Antibes" au dernier poème inédit publié dans le numéro spécial N.R.F en 1965, nous distinguons quatre périodes déterminées par l'activité même d'Audiberti. De 1914 à 1925, c'est l'époque de la gestation d'un style, de la recherche d'un rythme propre au travers des poètes passés admirés: Victor Hugo, Leconte de Lisle, Heredia, Baudelaire, Edmond Rostand alors en 1912, au faîte de la gloire. Les nouveaux poètes comme Mallarmé, Rimbaud, Lautréamont n'étaient pas connus à Antibes. Le vers libre et l'effervescence du Paris de Revedy, autour d'Apollinaire, de Jacob, de Cendrars, puis bientôt de Reverdy ne pouvaient influencer le jeune Audiberti. Les années de formation sont toujours tributaires du milieu et des rencontres. Jusqu'en 1925, il est un disciple des maîtres classiques du Parnasse. Cette influence sera prépondérante car il préférera toujours le vers solide et carré à la musicalité, à la méthode de Verlaine, puis surtout d'Apollinaire. Il faut y voir une double influence du milieu culturel: l'école et les livres lus dans l'enfance et la jeunesse et du milieu naturel: l'architecture du Fortcarré et des Remparts de Vauban, la solidité massive de l'église et du château Grimaldi, leurs tours carrées compactes devant le déferlement de la mer, sa présence claire et miroitante et sa violence secrète, la luminosité de l'air, tout concourt à une lucidité sans brumes ni mélancolie, enfin la présence d'un père solide et d'un grand-père maternel, véritable colosse d'où naîtra le mythe des géants. La langue elle-même, l'antibois, aux sonorités pleines et rauques, façonne l'oreille de l'enfant qui, plus tard donnera au français une coloration chaude et cuivrée, un martèlement très vivace qui n'a rien de la marche lourde, piétinante et académique d'un Péguy ni de la lenteur mystique parfois lancinante d'un Claudel.    "Sa bouche eût-elle pris, dans la parole, une autre forme, que la fille Laclef, peut-être, se fût joyeusement déliée en complaisances d’amour et de feu envers la vie". L'influence d'un parler local est fondamentale si l'on veut comprendre la puissance rythmique populaire d'Audiberti et sa virtuosité linguistique. Un poète épique authentique ne peut naître que dans le peuple, en contact avec ses légendes, le travail, le language de la rue et des métiers. Son rire burlesque et goguenard ne peut se former que dans un bain réaliste. Antibes, avant 1920, n'a pas encore subi la vague touristique, les collines sont encore couvertes de figuiers et d'oliviers. L'enfant vit des moments d'exaltation intense sur la colline de la Garoupe encore vierge de maisons, ivre de puissance etde rêve devant l'immense tapis vert-bleu immobile à ses pieds, avec l'appel magique de la Corse, face au cap d'Antibes. Napoléon résonne étrangement dans sa mémoire. Il vit dans la ville qui a refusé de se rallier à l'Empereur revenant alors triomphant de l'île d'Elbe. Sa chambre d'enfant est tapissé d'aigles impériaux. On comprend son admiration pour Victor Hugo. Ce n'est pas un thème littéraire, mais une expérience rêvée. Les civilisations s'entrecroisent à Antibes. Les traces archéologiques des Ligures, la présence des Grecs, des Arabes, des Romains, des anciens cultes païens, la présence d'un port et l'appel vers le Moyen-Orient ou l'Afrique, la luxuriance d'une végétation exotique alors importée, palmiers, cactus, eucalyptus. Tout favorise la naissance d'une imagination exubérante dont le foisonnement est marquant dans ses récits. La deuxième période coïncide avec son arrivée à Paris en 1925, à l'âge de vingt-six ans: chance remarquable, il fait la connaissance au journal où il travaille, comme pigiste de commissariat de banlieue, de Benjamin Perret, qui lui révèle les surréalistes. C'est la deuxième influence fondamentale. Cette période sera couronnée à la suite de ses premières œuvres par le prix Mallarmé. En 1938, il publie son premier récit ésotérique "Abraxas", l'un des plus beaux livres de son temps. La période s'achève avec la publication de "Des tonnes de semences", livre qui ferme la séquence hermétique avec"Latvia", dernier poème vraiment obscur et ouvre la veine ample, aux rythmes assouplis, à la plus vive clarté. Paulhan de la N.R.F lui demande des chansons joyeuses et populaires, il ne veut plus de poèmes hermétiques et trop ardus.    "Le cirque est reparti, laissant un rond dans l’herbe et puis moi je suis seule et je tourne dedans. Je tourne comme un vieux cheval". De 1940 à 1947, va s'épanouir la période la plus féconde de sa vie. Il n'est plus au "Petit Parisien" depuis début 1940, il va donner des articles à "Aujourd'hui" et à "Comoedia" des poèmes dans quelques revues et surtout il va avoir du temps libre. Il partira dans le Massif central avec l'exode, il ira en Savoie pour un long séjour, puis à la fin de la guerre il sera à Antibes. Cette période est centrale pour comprendre la mythologie d'Audiberti, il découvre d'autres lieux que les espaces privilégiés de son enfance.  Audiberti n'est pas un poète clos dans ses souvenirs locaux, c'est le poète de l'espace, de l'air, de l'eau et de la terre, animé par un feu interne inépuisable. Il faut lire ses poèmes comme les chants d'un vaste récit fragmenté dont la prose produit l'espace propice. L'auteur est un arbre à poèmes dont la sève inépuisable engendre des végétations exotiques, des bourgeons d'êtres et de rêveries que tout à chacun peut librement poursuivre à sa guise. La dernère période de 1948 à 1965 se manifeste, au contraire, par un renversement remarquable, un transfert vers une production théâtrale. Les récits, aussi riches, n'ont plus la saveur épique d'une savane et d'une végétation exubérante de lyrisme. Une nouvelle manière s'impose, le récit populaire, avec l'invasion de l'argot et de la langue vive de la rue. C'est une autre richesse qui donnera aux poèmes un ton âpre, rauque, de balade populaire, prévisible dans "Race des hommes" mais pleinement épanoui maintenant avec toute la gouaille d'un homme de soixante ans qui voit l'impuissance de son art poétique à transformer le monde. Progressivement, il a su assouplir son instrument jusqu'à pouvoir lui faire dire la rue.   "La tempête s'emballait. Vainement elle cherchait, de ce qui l'exaspère, le difficile secret dans les mollesses qu'elle chavire. La caravelle, de toutes ses forces, se contractait. Elle se bouchait les oreilles au bruit de ses mâchoires dont éclate l'os délicat". Naissance à Antibes, le 25 mars 1899. Fils unique de Louis Audiberti, maçon, et de son épouse Victorine: "Je suis né à l'extrême rebord du XIXème siècle. C'est donc entre la fin du XIXème siècle et la Grande guerre que j'ai fait des études au Collège d'Antibes". Dès l'âge de douze ans, il écrit des poèmes. Installé à Paris en 1924 et reporter au "Journal", puis,dès l'automne, au "Petit Parisien, " j'appris en quoi consistent les crimes, les incendies, les tabassages, toute la poésie de la banlieue ". Il a pour collègues Benjamin Péret et André Salmon. Il épouse en 1926 une jeune institutrice venue de la Martinique et en a deux filles, Jacqueline et Marie-Louise. En 1930, son premier livre, un recueil poétique publié à compte d'auteur, "L'Empire et la Trappe", est salué par Valery Larbaud, qui l'introduit auprès de Jean Paulhan par Jean Cassouet, Maurice Fombeure. Au cours des années suivantes, il publie des poèmes dans diverses revues, Les Nouvelles littéraires, La NRF, Les Cahiers du Sud, puis un second recueil, Race des hommes, et sa première pièce, "L'Ampélour."    "Cernée par les vagues ameutées, elle leur demandait, pourtant, de la porter, de la masquer. Perdue dans une bave massive, elle frissonnait aux jambes chaque fois qu'une gifle liquide l'écrasait dans l'élasticité diluvienne, laquelle prenait sa part de la bourrade allongée et, de plus belle, s'ébouriffait". Pendant la seconde guerre mondiale, il suit Le "Petit Parisien" en exode, mais ne fait plus partie de la nouvelle équipe qui le fait reparaître à Paris en octobre 1940. Il se met alors à gagner sa vie comme critique cinématographique à "Comoedia". Il collabore aussi à La NRF de Drieu La Rochelle et nourrit l'espoir de fonder une revue littéraire. En 1942, malade, il revient dans sa ville natale, à Antibes où il rédige "Rempart et La Beauté de l'amour". Quand il regagne Paris, il séjourne souvent à l'hôtel "Taranne", il tente de "vivre de sa plume". Découverte de l'écriture théâtrale: "Le Cavalier seul" (1952). Parallèlement, il publie des romans: "Cent jours" (1950), "Marie Dubois" (1952), "Le Soldat Dioclès" (1956), "Lagune hérissée" (1958), "LesTombeaux ferment mal " (1963). Il donne des critiques, à La Nouvelle NRF, aux "Cahiers du Cinéma", où FrançoisTruffaut le soutient avec admiration. Prix des Critiques, en 1964: " Dans un salon de l'avenue Victor-Hugo, je dois faire face aux photographes. L'habituelle cohue féminine se brasse autour de ma personne fuyante que mon énorme frousse des contacts amène aux confins de la pure impalpabilité". Il parle "à la radio, rue François-ler, à propos d'"Ange aux entrailles". L'appareil, à hauteur de voix, me métallise et me fortifie vaguement. Pompeux et poupin, le critique Alain Bosquet me ditavant de nous y mettre: "Accepterez-vous que je vous demande, au cours du dialogue enregistré, si vous vous considérez comme un poète mineur ? - Mineur, soit ! Mais de fond." Cancer de l'intestin, qui nécessite deux opérations. À l'instigation de Jacques Baratier, il retravaille la matière de son journal dont il biffe les dates avant d'en remettre la dactylographie à son éditeur. "- Marre ! Marre ! Marre !" sont les derniers mots qu'il écrit avant de s'éteindre, le 10 juillet 1965. Son ami Claude Nougaro lui rend un vibrant hommage cette même année avec sa "Chanson pour le maçon", allusion au père d'Audiberti. Il est inhumé dans le caveau de sa belle-famille au cimetière parisien de Pantin dans la trente-deuxième division.    Bibliographie et références:   - Laurent Allard, "Jacques Audiberti, le poète" - Gaston Bachelard, "Poétique de la rêverie" - Nelly Labère, " Jacques Audiberti, l'imaginaire de l'éclectique" - Gérard-Denis Farcy, "Les Théâtres d'Audiberti" - Bernard Fournier, "Métamorphoses d'Audiberti, une biographie" - Jacques Jouet, "Audiberti" - Monique Pantel, "La Chemise de Nuit" - Michel Giroud, "Audiberti" - Pierre Grouix, "Jacques Audiberti" - Claude Nougaro, "Chanson pour le maçon" - Maxime Le Forestier, "Monsieur Audiberti vous parle d'inconnu"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
237 vues 5 aime
Par : le 30/03/24
"Lui, un homme d’action autrefois était devenu une étonnante machine à rêve comme ceux qui ont longtemps habité la mer ou les pampas. Quand le visage est obligé de sourire pour des besoins professionnels, il faut bien que notre humaine tristesse se réfugie quelque part." Comme Apollinaire et la plupart des poètes de son temps, Jules Supervielle s'est trouvé engagé dans la longue querelle de la tradition et de l'invention. Mais entre l'ancien et le nouveau, entre l'ordre et l'aventure, il n'a pas voulu choisir, s'établissant plutôt dans "l'entre-deux." Il naît le 16 janvier 1884 à Montevideo, en Uruguay. Drôle de petit pays qu’il faudrait visiter le temps d’un mélancolique été austral, pour y errer sur les traces de trois curieux poètes francophones. Les deux autres eurent des trajectoires plus fulgurantes, plus éphémères aussi puisqu’ils n’atteignirent pas la trentaine. Le premier est Isidore Ducasse, qui se dira comte de Lautréamont, auteur des sulfureux "Chants de Maldoror", y vit le jour en 1846 et mourut mystérieusement en 1870, quatorze ans avant la naissance de Supervielle. Le second est Jules Laforgue, poète symboliste et traducteur de Walt Whitman, qui naquit aussi à l’embouchure de la Plata en 1860 avant de devenir lecteur de l’impératrice allemande Augusta de Saxe-Weimar-Eisenach et de mourir de phtisie en 1887. À l’été 1884, la famille Supervielle, mère basque et père béarnais fraîchement émigrés, revient passer quelques semaines en France pour présenter le nouveau-né à la famille. C’est dans "Boire à la source", ses confidences parues en 1933, que Jules raconte l’épisode dont il ne peut se souvenir. Et pour cause, il n’a que huit mois. Ses parents, dans une maison de campagne, boivent l’eau d’un robinet qui n’avait pas été ouvert depuis longtemps. Ils s’effondrent quelques heures plus tard dans d’atroces convulsions, s’alitent avec une forte fièvre et meurent très vite, sans savoir ce qui leur arrive, ni que l’autre est mort, ni qu’ils ne reverront pas leur fils. Sans rien savoir du tout sinon que l’eau d’Oloron-Sainte-Marie n’avait pas très bon goût. Empoisonnement au vert-de-gris ? L’enfant de huit mois ne sait rien non plus, lui qui hurle dans son berceau tandis qu’agonisent ses parents. il n’y a pas de plus belle formule pour parler de la naissance, dira-t-il bien plus tard. Car le miracle demeure: le petit Supervielle ne regrettera jamais le jour que deux morts lui ont donné. Il aime trop la vie pour cela.    "Toujours l’horizon ou le mur de leur chambre a quelque confuse nouvelle à leur annoncer. Nul ne savait mieux que lui mêler son présent aux conditions atmosphériques, à la couleur du ciel, aux bruits de la rue, à ceux de son appartement". Cette vie commencée dans le drame se poursuit dans le mensonge. Il a de la chance, il ne faut pas l’oublier. L’oncle a créé sa banque sud-américaine en 1880 et la famille de petits horlogers bijoutiers du Sud-Ouest a fait fortune grâce à l’aventure américaine. Élevé deux ans en France par sa grand-mère, il vit jusqu’à ses dix ans en Uruguay, avec sa tante et son oncle, eux-mêmes frère et sœur de ses propres parents, qui l’élèvent comme leur fils, avec leurs propres enfants, un frère-cousin, quatre sœurs-cousines. Le gamin qui n’a pas su ce qui arrivait dans la chambre pyrénéenne ne saura pas davantage qui sont ces gens qu’il prend pour ses parents et qui l’aiment comme tels. Devenu adulte, le poète considèrera toujours qu’il fut bien heureux d’avoir échappé à la folie. Ou plutôt, de l’avoir frôlée en la domptant, de n’avoir jamais cédé à ses vertiges, ses prestiges. Trop modeste pour ça peut-être, le petit Jules qui écrivait à neuf ans, justement l’année de la découverte de la vérité toute nue et pas très belle, ses premiers mots. Un poème en espagnol. Le seul qu’on lui connaisse puisqu’il dira avoir "fermé les portes de l’âme" à l’espagnol et lui avoir toujours préféré, comme langue d’écriture, le français. Il semble bien qu’elle ne lui servira qu’à ça, l’écriture. À exorciser les monstres d’abord. Poète de la douceur, il met toute sa colère dans ses personnages de contes: "Guanamiru", l’improbable géant de la pampa qui tente de domestiquer un volcan, "Bigua" le voleur d’enfants. J’aime que l’ogre chez lui soit oxymorique, comme nombre de ses titres d’ailleurs ("Le Forçat innocent", "Les Amis inconnus", "Oublieuse Mémoire"). Cet ogre ne dévore personne, il explose en feu d’artifices et finit par lancer des bombes de bonne volonté. Imagination débordante. L’écriture est la seule manière qu’il a trouvé de dompter le double qui le menaçait. Les ombres de ce que nous pourrions devenir, il nous reste à les clouer sur des pages pour les empêcher de nuire. Il le fera avec des gestes d’entomologiste tendre. Il s’écartèle en papillon, jouit de toutes ses métamorphoses: "Chacun a toujours en luide quoi devenir autrui", le lapin peut devenir zèbre et l’éléphant s’envoler, le serpent se fait aigle et le furet devient la branche même sur laquelle il tentait de courir. Les mots servent à ça, prodige d’être et de ne pas être le même.    "Il y eut des miracles: la tortue se dépêcha, l'iguane modéra son allure, l'hippopotame fut gracieux dans ses génuflexions, les perroquets gardèrent le silence". "Reste immobile, et sache attendre que ton cœur se détache de toi comme une lourde pierre". Les mots servent aussi à autre chose de plus fondamental. À réparer le gamin abandonné qui restera toute sa vieun géant insomniaque, encombré de lui-même, de ses bras et de ses songes, de ses désirs et de ses lassitudes. Les mots, comme des petits soldats pour mettre en ordre l’anarchie de l’âme ? La racine soldatesque de la poésie, les mots guerriers pour combattre la nuit. Le jeune poète est modeste parce qu’il ne cherche pas à recréer le monde avec sa poésie, mais à l’ordonner pour le supporter. Se pourrait-il que les vers ne soient que des camisoles de force pour nous empêcher de verser dans la démence ? À moins que les mots ne soient des guerriers, mais pour servir quelle guerre ? Celle de soi contre soi ? "En attendant il me faut vivre sans prendre ombrage de tant d'ombre." Quand on dit de Supervielle qu’il est un écrivain sain, et simple, on le fait sourire. Il sait bien, lui, qu’il n’écrit que pour tenir à distance la folie et le morbide, l’effroi et le doute, la rupture de ban et l’effondrement. Il les apprivoise comme tous les animaux qui traversent son arche de Noé, ses crocodiles bienveillants et ses antilopes effarouchées, ses chiens errants et les chevaux du temps qui galopent toujours trop vite. On l’aime justement, Supervielle, parce qu’il est de cette lignée qui sait la magie vaine du poème, sans puissance thaumaturgique. Sans miracles pour ressusciter les morts qu’elle ne ramènera jamais. La magie pourtant subsiste, plus douce et moins flamboyante, la simple magie réparatrice. Lignage de ceux qui savent que l’on écrit pour se réparer, pas pour réparer le monde, pour se sauver, pas pour sauver qui que ce soit d’autre. "Je retrouve dans ma plénitude ce que je n'osais plus envisager." Il n’est pas si triste d’ailleurs, Supervielle, plutôt mélancolique, ou bien c’est d’un humour triste, autre oxymore, d’un vague à l’âme qui nous sourit sans y croire. Il a été un gamin choyé par sa famille d’adoption, un adolescent libre et voyageur, un rentier sans contrainte, un mari et un père comblé. Sa femme, Pilar, rencontrée à dix-neuf ans, fut autant que l’on sache son unique et véritable amour. Elle lui donna six enfants désirés, trois fils et trois filles. Il n’est pas triste, il est comme ces grands oiseaux qui planent, l’air dépossédé d’eux-mêmes, à la poursuite d’on ne sait quel poisson volant. Qu’est-ce qui le rend si fou de nuages alors, comme s’il voulait les suivre par-delà les mers qu’il n’a cessé de traverser dans tous les sens, lui qui n’aura jamais pris l’avion de sa vie ? Il est un peu comme eux, trop fluide et battu par les vents pour être bien certain d’exister réellement: "Les nuages, c’est du ciel qui pense à la terre et, comme elle, voudrait devenir consistant." "Un homme à son corps enchaîné, et ce qu'on appelle douceur."    "La peur de la folie que j’ai connue pendant la première moitié de ma vie me faisait fuir les impressions étranges qui m’habitaient et si mes monstres ne sont pas terrifiants c’est que je ne pouvais les tolérer qu’apprivoisés." Suffisamment neurasthénique, pour imaginer, sur le pont de l’un de ces cargos qui font la traversée de l’Atlantique, l’un des contes les plus douloureux de la littérature française. L’enfant de la haute mer qui s’ennuie dans un village sous les flots, en attendant que passe une voile au loin, est né du songe d’un marin qui pensait trop fort à sa petite fille morte. Croit-il vraiment, qu’en pensant très fort à ses parents, il les fera revivre sous la mer ? Qu’est-ce qui le fait courir derrière des fantômes, l’exilé perpétuel, celui qui vient du dehors et qui ne va nulle part, qui n’est tout à fait chez lui ni ici ni ailleurs, ni dans le seizième arrondissement parisien ni dans la pampa, ni à Oloron-Sainte-Marie. Homme de peu de dogmes, il ne fait pas de politique et ne paraît pas s’y intéresser outre mesure. C’est qu’il a déjà beaucoup à faire avec la vie, la mort et les voyages. Il traverse la Première Guerre mondiale sans s’en apercevoir, occupé qu’il est alors à lire Rimbaud et Hugo. Il est d’ailleurs mobilisé, s’occupe de la censure postale où son don des langues fait merveille et contribue à l’arrestation de l’espionne Mata Hari, dont il intercepte un courrier écrit à l’encre sympathique. C’est probablement l’épisode le plus romanesque d’une vie sinon bien sage. Supervielle est panthéiste plus que mystique, et ne trouve pas de refuge dans une pensée religieuse avec laquelle il joue dans "La Fable du monde", mais comme on s'amuse avec des mythes. C’est qu’il a trop à faire avec la beauté du monde, l’immensité de la mer. Quel besoin d’aller chercher dans le surnaturel ce que la nature lui accorde en abondance ?   "La poésie vient chez moi d'un rêve toujours latent. Ce rêve, j'aime à le diriger, sauf les jours d'inspiration où j'ai l'impression qu'il se dirige tout seul." Il se met au théâtre, qui lui semble une initiation à la transparence de la parole. Il le conçoit comme une école de l’anti-hermétisme, de l’anti-obscurité. Une main tendue, celle des raconteurs d’histoire, vers le grand public. En lui, dit-il, "le conteur surveille le poète", et c’est ce qui donne à chacun de ses textes une allure de petit apologue. On les relit pour en sonder la morale. On les répète pour les avoir bien en bouche, comme un comédien le ferait. Ses passions de la maturité vont aux grands classiques, La Fontaine et Shakespeare. Comme si l’essentielle anarchie, une fois domptée, ne pouvait déboucher que sur un miracle de pureté. En 1951, il donne l’un des plus beaux arts poétiques qui n’ait jamais été écrit, une sorte de plaidoyer sans fioritures pour une poésie de l’émerveillement, de la sincérité, de la décantation, de l’étrangeté domestiquée. C'est le récit autobiographique intitulé "Boire à la source." Drôle de funambule encore que celui qui, gardant un pied dans le noir, veut quand même courir vers la lumière. Le poète échappe à la transe mais ne veut rien perdre de la magie qui la justifiait. La surface doit être limpide mais le miracle profond. Poète de la nuance et du fondu enchaîné, de l’esprit d’escalier et des métamorphoses nocturnes, des intermittences du cœur et de la raison, Supervielle l’orphelin, dont la colère aurait pu prendre le pas sur la douceur, n’aura finalement de cesse de rendre hommage à la vie, et ce faisant d’apporter des raisons de vivre à ceux qui s’encherchent indéfiniment. L'oeuvre de Supervielle est orientée vers un espoir. Elle tend vers la clarté. Elle évolue positivement de l'entre-deux à l'ubiquité, de la plainte à l'articulation de la joie. Elle se penche "à la fenêtre du monde."   Œuvres et recueils poétiques:   - "Les poèmes de l'humour triste" (1919) - "Débarcadères" (1922) - "L'Homme de la pampa" (1923) - "Gravitations" (1925) - "Le Voleur d'enfants" (1926) - "Le Survivant" (1928) - "Le Forçat innocent" (1930) - "L'Enfant de la haute mer" (1931) - "La Belle au bois" (1932) - "Boire à la source" (1933) - "La Fable du monde" (1938) - "Le Corps tragique" (1959)   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
437 vues 9 aime
Par : le 29/03/24
CHAPITRE 7   : MONSIEUR CHU   Mes rapports avec Maître Julian étaient ambigus. En lui j’aimais cette dualité entre le bien et le mal. En moi il avait éveillé une sensualité qui s’accordait en tous points à mes fantasmes. Il savait me prendre et me faire progresser, d’une progression toute calculée. Insensiblement, il repoussait mes limites et me faisait découvrir des horizons nouveaux.   Jouant sur l’excitation de situations nouvelles, tantôt tendre tantôt directif, ne me laissant d’autres alternatives que d’accepter. Ainsi en peu de temps, il avait fait de moi une parfaite et dévouée élève. Je soulevais ma jupe au moindre de ses désirs, lui offrant mon corps pour des moments intenses de plaisir. J’avais abandonné toute pudeur pour lui plaire. Pourtant je n’étais ni exhibitionniste, ni délurée, ni même masochiste. Etais-je folle ou amoureuse ? Certainement un peu des deux. Mais lui m’aimait-il ? D’une certaine manière, j’en avais l’impression. Du moins jusqu’à ce lundi.   Un certain monsieur Chu avait rendez-vous à 18 heures. Maître Julian me demanda d’être particulièrement polie avec lui. C’était un client important et je le reçus d’une manière parfaite. Je dois avouer que j’avais fait d’immenses progrès en anglais, et je m’exprimais avec une certaine aisance. Ma tenue, une de celles choisies par Mademoiselle, était composée d’une jupe assez courte et d’un chemisier blanc. Je portais des bas et des chaussures à talons. Pantalons et collants avaient été bannis des tenues que je pouvais mettre au bureau. Celle-ci était assez sexy, mais non dépourvue d’une incontestable touche de classe. Mais à peine Monsieur Chu avait-il pénétré dans les locaux que  je regrettais mon choix. Quelque chose en lui me mettait mal à l’aise. Peut-être sa façon de me dévisager, il me déshabillait littéralement du regard. Je feignis d’être très occupée afin de ne pas lui laisser deviner mon trouble. Le temps semblait suspendu et lorsque Maître Julian me pria de l’introduire dans son bureau, je me sentis immédiatement soulagée et c’est d’un cœur léger que je continuais à travailler. Ils étaient ensemble depuis environ une demi-heure, lorsque Maître Julian me pria de leur apporter deux martinis on the rox. A mon entrée, la conversation c’était interrompue. Pendant que je me penchais pour poser les verres et la bouteille, sur la table basse, je sentis leurs regards s’attarder sur mes fesses. Pourtant stoïque, je fis le service en les gratifiant de mon plus beau sourire. Je me préparais à sortir ou plutôt à m’enfuir lorsque Julian m’apostropha en anglais. « Nathalie, notre invité te trouve très jolie » Décontenancée, je me tournais vers lui et le remerciais. Julian reprit. « Mais il voudrait en voir un peu plus. Alors sois gentille, montre lui.»   « Pardon ? » dis-je  certaine d’avoir mal compris.   « Allons ne fais pas de manières. Vite, ou je serais obligé de te punir devant lui. »   Jusqu’à présent il avait été très discret. Personne ne soupçonnait la nature de nos rapports. Et voilà que non seulement il trahissait ma confiance, mais pire il me menaçait devant un parfait inconnu. J’étais effondrée. Devant mon absence de réaction, il s’empara négligemment de la cravache que je connaissais si bien et que je redoutais tellement, et la tapota entre ses mains. Je l’implorais du regard, mais il avait son air intraitable des mauvais jours. Jetant un bref coup d’œil vers son invité, je compris que je n’avais aucune aide à attendre de son côté. Au contraire, ses yeux pervers ne perdaient pas une miette du bras de fer qui se déroulait. Vaincue, j’entrepris de déboutonner mon chemisier, dévoilant un soutien-gorge blanc qui soulignait mes seins. Et baissant pudiquement les yeux, j’attendis.   « Approche un peu de monsieur Chu, ne fais pas ta timide »   Hésitante je fis quelques pas vers lui. J’étais en plein dans mon rêve, à la seule différence que tout cela était affreusement réel. Monsieur Chu me demanda d’une voix extrêmement douce de bien vouloir ôter ma jupe. Tremblotante, je m’exécutais. J’étais en bas, porte-jarretelles, et petite culotte en coton blanche. Il me fit signe d’approcher plus près. Ses yeux ne quittèrent pas les miens et d’un geste lent, il baissa ma culotte. A la vue de mon sexe épilé il eut un sourire de satisfaction. Maître Julian s’était silencieusement placé dans mon dos recréant la scène si souvent vécue dans mon rêve. Il dégrafa habilement mon soutien-gorge, libérant mes deux seins. M’obligeant à pencher la tête en arrière, il saisit mes lèvres et m’embrassa. Je lui rendis son baiser, reconnaissante de ne pas m’abandonner seule aux mains de cet homme. Monsieur Chu avait glissé sa main entre mes cuisses, et il put constater qu’une certaine humidité commençait à envahir mon bas-ventre. Vaincue je m’abandonnais à leurs caresses. J’avais l’impression d’être Ysabel, les images de mon rêve et la réalité se mélangeaient. C’était étrange et déroutant, un mélange de perversité et de volupté me poussait à accepter cette situation. Lorsqu’ils furent certains que toute idée de résistance avait quitté mon esprit, ils cessèrent de me caresser et me demandèrent de garder la position. Jambes bien écartées et bras dans le dos, c’était à la fois humiliant et terriblement excitant. S’offrir ainsi aux regards et savoir que mon corps éveillait leurs désirs me donna le courage de m’abandonner totalement. Monsieur Chu, sortit, de je ne sais où, des cordes. De vraies cordes en chanvre. Entourant mon cou de l’une d’elles, il la fit glisser en deux extrémités d’égale longueur. La crainte de me retrouver attachée totalement à sa merci me glaça plus sûrement que le froid des cordes et je ne pus m’empêcher de trembler. Faisant faire plusieurs tours à la cordelette, il m’emprisonna habilement les seins jusqu’à les compresser et les faire saillir. Puis après un nœud serré, il laissa descendre le fil de chanvre jusqu’à mon sexe et le coinça étroitement entre les deux cordelettes et les fit remonter le long de la raie de mes fesses. Le tout fut relié à mon cou, emprisonnant ensuite mes coudes dans mon dos. Les cordes furent serrées à la limite du supportable. Je ne pouvais esquisser le moindre mouvement, sans sentir au plus profond de ma chair, leur empreinte. Visiblement j’allais découvrir des sensations nouvelles, victime consentante entre les mains exigeantes de ces hommes mûrs.   Ensuite il me fit m’agenouiller et écartant mes cuisses d’un geste sûr, il entreprit de relever mes mollets. Il les fixa, à l’aide de deux lanières et je me retrouvais en équilibre instable sur mes genoux. Pour finir, il passa une autre boucle autour de ma taille, l’enserrant étroitement et relia l’ensemble des cordages à un crochet du plafond. Julian attentif, l’assista veillant à bien équilibrer la tension. Puis ensemble, ils me hissèrent à environ 1 mètre au dessus du sol. J’étais ainsi suspendue en l’air, incapable de bouger. Les cordes qui passaient entre mes cuisses comprimaient mon sexe, et me faisaient ressentir ma condition de femelle, offrant en prime, l’impudique spectacle de mes cuisses écartées au maximum. Je rougis de honte toute en me sentant terriblement excitée. Ce bondage était réalisé avec une rare maîtrise et Chu était assurément un maître dans ce domaine. Me faisant pivoter sur moi-même en se servant de mes seins, il s’amusa un moment à me faire tournicoter comme une toupie, puis il se recula pour admirer son œuvre d’un air satisfait.   Julian le complimenta et l’invita à se servir de ma bouche. Sans se faire prier il ouvrit sa braguette, et glissa son sexe entre mes lèvres. Je dus le sucer et le lécher selon ses désirs pervers, il fut particulièrement long à jouir et il veilla à ce que j’avale tout. Enfin, il m’abandonna. Sans attendre, Julian prit sa place et je dus le satisfaire pendant que sa cravache taquinait mon clitoris.   Après un nouveau verre, ils décidèrent d’aller dîner et m’abandonnèrent ainsi, malgré mes supplications.   Je passais des moments terribles, suspendue, seule dans les bureaux désertés. Les cordes entamaient ma chair et le moindre mouvement accentuait la douleur. Je maudissais Julian. Plus le temps passait, plus je me mettais en rage. Mes membres étaient engourdis, j’avais des fourmis dans tout le corps et je mourrais de soif. Puis à la colère succéda une profonde période d’abattement. Je subissais résignée, me demandant s’ils m’avaient oubliée, priant pour qu’ils reviennent vite. Ce n’est que quelques heures plus tard, qu’ils revinrent de très bonne humeur. Taquin, Julian s’approcha de moi et me demanda si j’allais être une parfaite soumise, où si je préférais continuer à bouder toute seule dans mon coin. Je promis d’être obéissante, je le suppliais de me détacher. Ce soir là, j’aurais promis tout ce qu’il voulait pour être libérée.   Enchantés de me voir dans de si bonnes dispositions, ils entreprirent alors de me faire toucher terre et me délivrèrent avec d’infinies précautions. En me détachant, le sang se remit à circuler et je criais de douleur. Je n’arrivais à allonger ni mes bras ni mes jambes. Ils me massèrent longuement presque amoureusement et séchèrent mes larmes. Julian déclara que je méritais bien une récompense et il déboucha une bouteille de champagne. Je bus plusieurs coupes et je sentis  une légère ivresse m’envahir, et je plaisantais avec eux plutôt contente de m’en tirer à si bon compte. Mais une fois de plus je prenais mes désirs pour des réalités. Je le compris lorsque d’un geste vif, Monsieur Chu m’attira vers lui, et glissant un doigt entre mes fesses, il s’approcha de ma rondelle. Je sursautais de surprise. J’étais vierge de ce côté là. Julian y avait bien fait allusion, de temps à autre, mais devant ma réticence, il n’avait pas insisté. Monsieur Chu n’avait pas cette délicatesse. Savoir que cet endroit était à déflorer, semblait l’exciter au plus haut point. Je gigotais, essayant de lui en interdire l’accès. Voyant cela Julian ordonna. « A quatre pattes, cuisses écartées et mains derrière la nuque. Obéis » Je protestais, implorais. En vain et je pris la position à contrecœur. Il faut dire que c’était une des premières qu’il m’avait enseignée. Bien cambrée, j’offrais mes fesses pour être punie. Il aimait me fouetter ainsi. Mais ce soir en la prenant, j’avais conscience de franchir un pas de plus dans ma soumission. Non seulement j’allais être livrée à un inconnu, mais de plus sodomisée. Approchant sa verge, Chu força mes reins et s’enfonça en moi sans aucune préparation.  Sa brutale pénétration me fit horriblement mal et je hurlais. Pourtant indifférent à mes plaintes il continua à s’introduire en moi. Son sexe était plus mince que celui de Julian. Mince consolation et je pleurais sous l’assaut. Il adopta un rythme rapide, veillant vicieusement à s’enfoncer au plus profond de moi. Je devinais qu’il voulait me posséder et m’asservir totalement, bestialement. Il était à sa manière beaucoup plus dur que Julian. Pas la moindre émotion ne transparaissait. Il me prenait comme on prend une femelle totalement soumise dans un coït brutal sans s’inquiéter de ses désirs, de sa souffrance. Emoustillé, mon Maître se glissa sous moi. Il m’obligea à m’allonger sur lui, et me pénétra. Leurs sexes remplirent mes deux orifices. Leurs mouvements se synchronisèrent et je criais à la fois de plaisir et de douleur. Et soudain je sentis monter un orgasme venu du plus profond de mon corps. Ils apprécièrent en connaisseurs l’arrivée de la déferlante de ma jouissance. Elle me laissa brisée et pantelante et ils ne tardèrent pas à jouir à leur tour. Satisfaits ils décidèrent d’arroser mon dépucelage au champagne. Après le départ de Chu ce soir là, Julian m’avoua qu’il était fier de moi, et en récompense il m’emmena pour la première fois dans son appartement situé à l’étage du dessus. C’est allongée dans son grand lit entre ses bras, que Julian me confia l’histoire de sa rencontre avec Chu. C’est la première fois qu’il se confiait à moi et sa confiance m’émut. « Ce jour là » commença-t-il d’une voix douce. «  j’avais rendez-vous avec monsieur Chu, un investisseur asiatique qui opère sur le marché du diamant.  C’est un monde très fermé où le Cartel, mot familier qui désigne la toute puissante CSO, contrôle près de 80% des approvisionnements en diamants de la planète. Monsieur Chu est un homme raffiné et d’une politesse exquise. Mais derrière ce masque se cache un redoutable homme d’affaires. Une grande estime doublée d’une réelle amitié c’est  tissé entre nous. »   « Et de quand date cette amitié ? » demandais-je curieuse. « C’était il y a de cela dix ans. Déjà dix ans. Tout jeune avocat je débutais ma carrière dans une grande banque de la City à Londres. Chargé de la partie juridique des opérations, mon travail consistait à finaliser des transactions à fort potentiel financier. Je voyageais beaucoup,  New-York, Paris, Hongkong…   J’avais fait la connaissance de monsieur Chu à Hongkong. A l’issue d’âpres négociations un excellent accord avait été conclu et Monsieur Chu pour me remercier m’avait invité à une soirée. En m’y rendant, je ne savais pas que toute ma vie allait être transformée. »   « Et la mienne ne crois-tu pas que tu l’as entièrement bouleversée ? » lui demandais-je en me serrant tout fort contre lui ? « Si bien-sûr, mais je suis à tes côtés » et il m’embrassa tendrement. Il poursuivit son récit.   « L’endroit où m’avait entraîné monsieur Chu ne payait pas de mine. Situé dans le quartier des entrepôts la façade ne possédait aucune enseigne. Une simple porte en fer surmontée d’une caméra avec sur le côté une sonnette. Monsieur Chu appuya 3 coups brefs et la porte s’ouvrit. Un costaud à la mine patibulaire nous accueillit. Il reconnut mon hôte et s’effaça poliment devant nous avec force de courbettes. Je suivis mon hôte dans un vestiaire où montrant l’exemple il m’invita à me déshabiller. Après  une rapide douche, deux jeunes ravissantes asiatiques entièrement nues nous invitèrent à nous allonger sur des tables de massage. Une très jolie eurasienne me prodigua un massage thaïlandais. Ces body-body ont fait fantasmer des milliers de touristes et la fortune des tours-opérator. Mais elle était exceptionnellement douée. Légère comme une plume, elle me frôlait de son corps souple aux formes troublantes. Mutine, câline, tantôt distraite et boudeuse, tantôt passionnée. Une femme enfant qui éveillait les sens et s’en émerveillait. Mon érection n’avait pas l’air de l’émouvoir le moins du monde, et elle en joua avec une diabolique habileté. Son corps semblait n’exister que pour se fondre dans le mien. Mais elle n’en fit rien. Elle  s’offrait et se dérobait prenant garde à ne pas se laisser saisir. Puis elle appliqua délicatement sur mon gland turgescent et mes bourses une pommade aphrodisiaque. L’effet fut prodigieux. Une chaleur envahit mon bas-ventre et mon sexe se durcit à un point incroyable qui me fit presque défaillir de désirs. Elle me regarda d’un air satisfait dévoilant ses petites dents nacrées. » « Tu en parles comme ci ce souvenir datait d’hier » l’interrompais-je un peu jalouse. « Ce sont des moments qui sont gravés dans ma mémoire…Ecoute la suite »   « Je compris alors que nous n’étions pas là pour une simple  partie de jambes en l’air. Ces préludes cachaient en fait le véritable objet de notre visite. Après nous avoir délicatement séchés, elles nous vêtirent de peignoirs en soie, et monsieur Chu m’entraîna dans une salle immense. Au centre, un podium identique à celui des défilés de mode, quoique moins haut, traversait la salle de part en part. De part et d’autres de confortables fauteuils en cuir des années 1930 étaient occupés exclusivement par des hommes. Ils portaient pour tout vêtement des peignoirs semblables aux nôtres. Des hommes d’âge mur issus des classes aisées. J’étais le seul blanc et le plus jeune participant. Je m’installais dans un fauteuil aux côtés de mon hôte et une charmante hôtesse très peu vêtue nous apporta une collation. L’ambiance commençait à s’échauffer. Un homme arriva sur  scène et prit la parole. Le public manifesta et applaudit à la présentation de la soirée. Je n’en compris pas un traître mot et Chu ne prit pas la peine de traduire se contentant de trinquer avec moi. Je pensais qu’il devait s’agir de paris clandestins et je m’attendais à assister à des combats de boxe.   Ce qui advint ensuite me laissa sans voix, proprement estomaqué. Les projecteurs inondèrent un coin de la salle et deux hommes de petite taille habillés en jockey, portant casaque et cravache à la main  firent leur apparition juchés sur deux montures. Tirant légèrement sur les rennes ils progressèrent lentement sur le podium. L’insolite de la situation tenait aux montures elles-mêmes. Il s’agissait de deux pony-girls. Chacune portant une petite selle étroitement sanglée sur son dos et harnachée comme un véritable cheval de course. Ses cheveux étaient attachés en queue de cheval, un mors dans la bouche relié à un harnais lui enserrait la tête. Des œillères complétaient le tableau et l’empêchait de regarder de côté.  Mais de temps en temps elles se jetaient un regard en biais plein d’animosité. Pour l’heure, elles trottaient à quatre pattes dans un mouvement harmonieux et synchronisé effectuant un tour d’honneur. La croupe bien saillante et les seins se balançant au rythme des pas. Elles étaient entièrement nues et épilées, le corps luisant telles deux pouliches prêtes à courir. De vraies bêtes de course. Lentement les jockeys les placèrent sur la ligne de départ. Au signal du starter elles s’élancèrent sur une distance que j’évaluais à 50 mètres. Les jockeys les cravachaient et elles galopaient, soutenues par le public. La fille au dossard rouge prit la tête. La casaque verte ne réussit pas à remonter son handicap malgré les encouragements énergiques de son jockey. Elles finirent en trombe luttant jusqu’à l’arrivée. La gagnante revint au centre sous les acclamations des spectateurs. »   « Mais c’est incroyable » m’exclamais-je. Il ignora mon interruption et poursuivit plongé dans ses souvenirs.   « Le présentateur réapparut et d’étranges échanges de signes eurent lieu entre lui et le public. Des applaudissements crépitèrent. Monsieur Chu se tourna vers moi et m’expliqua que la gagnante venait d’être vendue aux enchères pour la nuit. On lui ôta sa selle et toujours à quatre pattes, elle fut en effet emmenée par la bride, auprès d’un monsieur ventru qui affichait un grand sourire. Quant à la perdante, elle reçut une véritable fouaillée administrée par son jockey à l’aide de sa cravache. Puis elle sortit de la salle en larmes sous les cris de la foule. »   « Vendue » je frissonnais involontairement « Tu serais capable de me faire cela ? » lui demandais-je d’une voix apeurée. « Bien sûr, mais au poids tu ne me rapporteras pas grand-chose. » répondit-il sur le ton de l’humour. Il se resservit à boire avant de poursuivre.   « Monsieur Chu continua à m’expliquer. Nous allions assister à plusieurs courses. Toutes les  gagnantes seraient vendues et les  perdantes mises à disposition des spectateurs dans une salle appelée salle des supplices. Je me dis que le sort de la perdante ne devait pas être agréable. Livrée aux joueurs qui  pourront en quelque sorte se rattraper en nature. »   « Mais c’est cruel » dis-je révoltée. « C’est la règle du jeu. Il y a besoin de règles. Même toi tu les acceptes. Quoique parfois… » et il sourit. « Tu veux écouter la suite ? » « Oui, mais cela semble t’exciter de me raconter » Son sexe était à nouveau dur et je saisis son membre entre mes doigts.   « La deuxième course tenait du trot attelé. Chaque femelle debout tirait une espèce de buggie dans lequel un jockey avait pris place. La course fut très disputée et les deux juments ne se départagèrent  que d’une courte encolure. La vente eut à nouveau lieu et c’est mon voisin de droite qui remporta les enchères. La gagnante dételée lui fut amenée. Je ne pus m’empêcher de la regarder de près. Visiblement la course l’avait éprouvée.  Elle avait un visage très jeune. Le mors l’obligeait à tenir la bouche entrouverte, un peu de salive perlait entre ses dents et coulait le long de son menton. Ses deux jeunes seins montaient et descendaient au rythme de sa respiration. Sa peau fine et luisante brillait dans la pénombre. Des zébrures marquaient sa croupe et coloraient sa peau. Arrivée devant l’homme, le jockey remit la longe à son Maître d’un soir. Elle s’agenouilla à ses pieds les baisant en signe de respect et de soumission. La perdante pendant ce temps reçut sa punition et les coups de cravache lui arrachèrent d’émouvants gémissements. Je n’étais pas insensible à ce spectacle et ma verge me faisait mal tellement je bandais.   « Et là tu sens quelque chose ? » lui demandais-je en enserrant son gland. Il rit tout en se dégageant.   . Les courses se succédaient et bientôt je fus entouré d’hommes ayant à leurs pieds de jeunes pouliches soumises et dévouées. Chu participa à la vente aux enchères. Il m’offrit une somptueuse créature toute de cuir harnachée. Sa beauté me donna une irrésistible envie de la posséder sauvagement. Accroupie à mes pieds elle attendait un ordre de ma part. Je la saisis par ses cheveux noués en  queue de cheval et lui donnais ma verge à sucer. Je fermais les yeux de bonheur sous la précision de la caresse. »   « Cela ne m’étonne pas. » répondis-je. Il ne releva pas se contentant de caresser mes seins. Mes pointes frémissaient sous sa main et je ne bougeais pas, étendue lascivement à ses côtés Cette soirée m’apparut dans toute son irréalité. Ma métamorphose semblait correspondre à une inéluctable prise de conscience. Perdue dans mes pensées, des sentiments contradictoires occupaient mon esprit. Pouvait-on donner son corps à un inconnu par amour pour son Maître ? Et lui se pouvait-il qu’il m’aime et désire m’offrir à un autre ? Ou n’étais je qu’un objet entre ses mains ? Il me regarda et pendant un instant je sus qu’il devinait le combat qui se livrait en moi. Il faillit prononcer les mots que secrètement j’espérais mais il se ravisa et poursuivit son récit.   « Soudain monsieur Chu me toucha l’épaule et m’indiqua le podium. Levant les yeux je sursautais. Pour la première fois de la soirée une européenne allait affronter une asiatique. Elle était attelée à un buggie. Cette dernière course de la soirée promettait d’être passionnante. Les paris connurent un rebond de frénésie. Plus grande d’une tête que sa concurrente, elle avait de longs cheveux blonds, un corps musclé et de longues jambes. Ses seins généreux attiraient tous les regards, deux clochettes y étaient suspendues et tintaient à chaque pas. Le jockey armé d’un long fouet souple lui taquinait les fesses et elle sursautait à chaque caresse. Nerveuse, elle prit place sur la ligne de départ. Chu se pencha vers moi et me demanda si je voulais parier. J’acceptais avec joie et pariais 200 dollars sur sa victoire. Elle était cotée à 10 contre 1 ! »   « Et bien sûr tu as perdu ! » « Arrête de m’interrompre » tu es trop impatiente.   « Au signal elle bondit tétanisée par le coup de fouet qui atteignit le bas de ses reins. Elle prit la tête pendant les vingt premiers mètres, mais irrésistiblement son adversaire regagnait le terrain perdu. Son jockey l’encourageait de coups bien ajustés mais rien n’y fit. Elle fut coiffée sur le poteau par sa concurrente. Conscient des enjeux suscités, son driver la punit sévèrement. Elle cria et gémit bien plus fort que ses consœurs, suppliant son tortionnaire de l’épargner. Mais il n’en fit rien et elle dut subir sa punition jusqu‘au bout. Une dernière volée de coups de fouet la laissa effondrée sur le sol et elle fut rapidement traînée en direction de la salle des supplices. Chu me murmura à l’oreille que j’allais pouvoir lui faire payer chèrement sa défaite et cette proposition m’excita bien plus que je ne l’aurais imaginé. »   « Vois-tu, ce spectacle avait quelque chose de fascinant tout en étant profondément amoral.     La nuit que je passais fut peuplée de plaisirs indescriptibles. La docilité de celle qui était devenue ma petite esclave attitrée m’enchanta. La découverte de la salle des supplices où était pratiqué l’art du shibari enseigné par des maîtres de cérémonies m’émerveilla. Je restais admiratif devant le raffinement des tourments infligés et la mise en scène toute imprégnée de l’esprit japonais. J’étais conquis, subjugué par ce culte de la beauté et par ces rites secrets.  Et bien sûr, je m’initiais à ces pratiques découvrant le plaisir de tourmenter ces jeunes corps consentants.»   Il s’arrêta de parler et sembla émerger d’un rêve. Je lui caressais doucement son sexe dressé. « Et depuis tu ne peux plus t’en passer. Tu aimes me voir souffrir, n’est-ce-pas ? » dis-je dans un souffle. « Oui, mais tu ne fais pas que de souffrir dans mes bras, petite hypocrite » et il m’enlaça tendrement. Nous refîmes l’amour jusqu’au petit matin.   Suite à cette nuit nos relations prirent un tour nouveau. Une complicité nous unissait dans une même recherche. Il m’avait dévoilé une partie de son passé et m’avait jugée digne de confiance. Un trimestre idyllique venait de s’écouler ainsi. Contrairement à Valérie qui devait subir à son corps défendant, les attouchements de son patron et le satisfaire d’une manière conventionnelle, Julian avait instauré des règles d’obéissance basées sur l’imagination et la perversité. Ainsi pour ma tenue au bureau j’avais l’obligation de la choisir afin que je sois toujours accessible et offerte. Je n’avais bien entendu pas l’autorisation de croiser les jambes et sa main devait à tout moment pouvoir se glisser en moi. Il aimait m’exciter dès le matin et me maintenir dans cet état tout au long de la journée. Il variait les plaisirs à l’infini. Parfois il m’accrochait une pince à mes lèvres avec un poids afin disait-il de les allonger, ou parfois me glissait un god dans l’un ou l’autre de mes orifices afin que je me souvienne à tout instant de ma condition de soumise. Je ne savais pas à cette époque que cette domination physique et cérébrale était basée sur des rapports sadomasochistes. Il avait subtilement développé ma tendance naturelle à l’obéissance et j’étais continuellement humide. Les sens exacerbés j’étais prête à le satisfaire pour des demandes toujours plus insolites. Mon impudeur n’avait d’égale que son imagination perverse. Je me souviens qu’un des ordres auxquels j’avais le plus grand mal à obéir consistait à peine il effleurait mon clitoris, à tirer ma langue. Cela devait devenir un réflexe, une seconde nature. Devant mon manque d’empressement, il avait pris l’habitude de me punir en accrochant une pince lestée d’un poids à ma petite langue rose et j’étais particulièrement honteuse de voir couler ma salive en même temps que s’humidifiait mon petit bouton. Cette soumission quotidienne était facilitée par le fait que je vivais pratiquement chez lui, ne rejoignant mon appartement qu’épisodiquement. Parfois il m’attachait dans son lit, étroitement entravée et engodée et me laissait seule dans l’incapacité de bouger pour la nuit, sortant rejoindre des amis. Cela paraît complètement surréaliste mais son attitude était empreinte de respect et je me sentais désirée et aimée.
563 vues 8 aime
Par : le 29/03/24
"Je ne suis qu’un peu d’air, mais tellement sensible que tout semble à l’envi me désigner pour cible et pourtant je ne te suis rien et tu m’oublies. C’est ta peur de la mort qui nous réconcilie". Il y a des poètes de la douceur, comme il y a des poètes de la colère. Supervielle en fait partie. Figurons-nous le un instant, grâce à la plume de Claude Roy: "Grand, maigre, plissé, caverneux, mal déplié dans son corps, comme un cheval qui se souvient d’avoir été préhistorique et de n’avoir pas eu de nom encore dans les dictionnaires des hommes à venir." Supervielle hante vaguement nos réminiscences écolières à la manière des vieux fantômes las et fatigués. Il fut pourtant nommé "Prince des poètes" par ses pairs, quelques jours avant de rendre l’âme en 1960. On trouve ses œuvres poétiques complètes en un volume à la Pléiade, mais ses contes n’ont jamais été édités en recueil, son autobiographie est introuvable et aucune biographie ne lui a jamais été consacrée. Les enseignants encore férus de poésie l’aiment et le font aimer à leurs élèves. Les enfants qui grandissent oublient qu’ils apprirent à lire avec lui et le passent à la trappe des grands dédaignés. "Mais avec tant d’oubli comment faire une rose. Avec tant de départs comment faire un retour ? ", se demandait-il déjà, lucide et trop conscient lui-même des pièges de la mémoire. On le prend facilement pour un poète ornemental, celui qu’il faudrait faire lire dans les cours d’école ou les maisons de retraite. Et peut-être est-ce vrai, mais pas pour les raisons que l’on croit. L’innocence et le goût de la fable, l’amertume conciliante et la nostalgie des choses passées ne seraient-elles réservées qu’aux "à peine nés", aux "presque morts" ? À l'élection de l'entre-deux comme espace privilégié de l'écriture, la biographie du poète apporte une première explication. Né à Montevideo, en Uruguay, de parents français, Jules Supervielle est à peine âgé de huit mois lorsque son père et sa mère, en août 1884, traversent l'Atlantique et rejoignent la France où ils disparaîtront accidentellement quelques mois plus tard. D'abord recueilli par sa grand-mère maternelle au Pays basque, Supervielle s'en retourne à Montevideo avec son oncle en 1886. Il en reviendra huit ans plus tard pour entreprendre ses études secondaires à Paris, au lycée Janson-de-Sailly. Son imaginaire d'orphelin va se loger entre deux mondes. Ses premiers essais d'écriture vont tenter tant bien que mal de conjurer l'oubli et de consoler la perte. La première plaquette de poèmes que Supervielle publie à compte d'auteur, en 1901, s'intitule "Brumes du passé". Elle s'ouvre sur un court texte: " À la mémoire de mes parents": Il est deux êtres chers, deux êtres que j'adore, mais je ne les ai jamais vus, je les cherchais longtemps et je les cherche encore. Ils ne sont plus ... Ils ne sont plus ..."   "Je n'ai rien reçu de vous depuis mon arrivée. J'espère avoir un mot cette semaine ! Mon adresse, jusqu'à la fin Juin toujours la même. Vous me manquez beaucoup. J'ai ici de gentils camarades mais quand je parle avec eux. Il me semble que nous ne donnons pas aux mots le même sens. Il faudrait tous les définir, un à un et encore." Fasciné par le vide et l'absence, le poète adolescent ne peut alors que s'essayer à des évocations mélancoliques dont le caractère très conventionnel suffit à démontrer combien elles font office de diversions à la douleur ou de déni d'une vérité insupportable. Supervielle entre en poésie en s'efforçant de boucher un trou. Il n'est pas encore à même de faire entendre sa voix, puisqu'il lui faut avant suturer les lèvres de sa blessure intime et éluder son "moi profond." Le lyrisme sentimental de ses débuts entremêle des influences étrangères, un peu de Parnasse pour la description, un peu de symbolisme pour le rêve éthéré, et beaucoup de musique verlainienne pour l'inflexion des "voix chères qui se sont tues. Si limité soit-il, cet originel rapport à la poésie ne manquera pas d'infléchir la trajectoire tout entière de l'oeuvre de Supervielle dont il semble qu'une part importante tende vers un classicisme naïf. C'est dire qu'elle maintiendra jusqu'au bout un rapport à la tradition du vers et à sa mélodie ayant pour objet d'inscrire contradictions et déchirures dans une langue de la continuité qui les apaise. "Pour moi, avouera-t-il dans "Naissances", ce n'est qu'à force de simplicité que je parviens à aborder mes secrets essentiels et à décanter ma poésie profonde." Paul Éluard lui écrivit un jour: "Vos poèmes m’aident à vivre. "Ce n’est pas rien, ni si fréquent, un poète qui aide à vivre. Supervielle est de ceux, bien rares au XXème siècle, qui se sont toujours refusés aux charmes vénéneux du mystère qui fait les beaux jours de l’entre soi poétique. Voici un poète qui ne supporte pas de n’être pas compris. "Personnellement je suis un peu humilié quand une personne sensible ne comprend pas un de mes poèmes. Je me dis que ce doit être ma faute et je tourne et retourne mon poème pour voir d’où elle provient. Quand j’ai voulu dire quelque chose et pas autre chose, je tiens à ce qu’on saisisse exactement ma pensée." Il s’excuse même par avance dans la "prière d’insérer" de son recueil titré "Le Forçat innocent" : "S’il m’est arrivé, dans les précédents recueils, de tomber dans le désordre, sinon dans l’hermétisme, ce fut toujours malgré moi. Et j’espère que cette fois."    "Marins qui rêvez en haute mer, les coudes appuyés sur la lisse, craignez de penser longtemps dans le noir de la nuit à un visage aimé". Supervielle est venu à la poésie pour survivre. Ce n’est pas un littérateur, mais un homme qui tente de transmuter des cauchemars en leçons existentielles. Comment fabrique-t-on avec des mots quelque chose qui permette de survivre à l’abandon ? Comment devient-on celui que l’on est ? Et comment s’assure-t-on que celui que l’on est devenu est bien le même que celui qu’on était ? Ces questions qui l’occuperont toute sa vie n’ont pas surgi des limbes. Il nous faut retourner à son enfance pour les comprendre. Jules naît le 16 janvier 1884 à Montevideo, en Uruguay. Issu d'une famille de banquiers d'origine basque, très vite orphelin, ses parents furent emportés par le choléra, il fut élevé par des membres de sa famille d'abord en Uruguay, puis en France. La perte de ses parents influencera sa sensibilité et lui inspirera des oeuvres sur les thèmes du manque, de l'absence et de la mort. En France, le jeune Supervielle, qui déjà parlait le français, l'anglais, l'espagnol et le portugais, découvrit les poètes du dix-neuvième siècle comme Alfred de Vigny, Leconte de Lisle, Victor Hugo et surtout Lautréamont. C'est ainsi que ses premiers poèmes furent d'inspiration clairement parnassienne. Après avoir effectué son service militaire, il décrocha une licence d'espagnol à la Sorbonne et revint en Uruguay. Il s'y maria l'année suivante avec Pilar Saavedra. Son amour pour Pilar lui inspira le recueil "Comme des voiliers" (1910). Puis il retourna à Paris tout en continuant à faire de fréquents voyages en Amérique Latine. En 1919, parurent "Voyage en soi", "Paysages", "Les poèmes de l'humour triste", "Le goyavier authentique", dédiés à sa mère, ces poèmes créent des images de paysages terrestres et maritimes, d'arbres, de plaine et de montagnes vus à travers les yeux du poète-voyageur. Il trouvera cependant sa vraie voix poétique avec "Débarcadères" (1922). Désormais bien installé dans le milieu littéraire parisien, il devint l'ami de Valéry et de Michaux, publia les recueils qui, dans la lignée de "Débarcadères", continrent ses meilleurs poèmes: "Gravitations" (1925), "Le forçat innocent" (1930) et "Les amis inconnus" (1934).   "Il faut savoir être un arbre durant les quatre saisons, et regarder pour mieux se taire, écouter les paroles et ne jamais répondre. Il faut savoir être tout entier dans une feuille et la voir qui s'envole". Dans le même temps, il écrivit également de la prose, avec "L'homme de la pampa" (1923), roman d'une extrême inventivité, "Le voleur d'enfants" (1926) et "Le survivant" (1928). Supervielle était en Uruguay lorsque la seconde guerre mondiale éclata, et il vécut très mal cet exil. Son amour de la France et sa santé défaillante l'inspireront pour écrire le recueil intitulé "Poèmes" (1945). En 1946, il revint à Paris en tant qu'attaché culturel honoraire uruguayen. Son ultime recueil, "Le corps tragique" fut publié en 1959, il meurt l'année suivante, le 17 mai 1960. Élu prince des poètes par ses pairs la même année, il est inhumé à Oloron-Sainte-Marie.    Bibliographie et références:   - Jacques Arthaud, "La poésie selon Supervielle" - Béatrice Bailly, "Jules Supervielle" - Louis Cattiaux, "Transhylisme" - Michel Collot, "Œuvres poétiques complètes" - Claude Roy, "Jules Supervielle" - Sabine Dewulf, "Jules Supervielle ou la connaissance poétique" - Jacques Le Gall," Les Pyrénée" - Odile Felgine, "L'Ecriture en exil" - Ignacio Bajter, "Jules Supervielle" - Jacques Le Gall, "Les Pyrénées. Saint-Jean-Pied-de-Port"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir. 
321 vues 5 aime
Par : le 27/03/24
"Nos paroles sont lentes à nous parvenir, comme si elles contenaient, séparées, une sève suffisante pour rester closes tout un hiver ou comme si, à chaque extrémité de la silencieuse distance, se mettant en joue, il leur était interdit de s’élancer et de se joindre".Tenter de cerner la poétique de René Char est un sujet attirant par sa difficulté même. Quelle méthode adopter ? À ne considérer que le nombre de pensées qu'il a consacrées à la vocation de poète, à la nature et à l'exercice de la poésie, la tâche devrait pourtant être aisée. Nul poète, peut-être, parmi les contemporains, n'a laissé tant de jalons le long de sa route. Mais dès qu'il s'agit d'introduire parmi ces pensées quelque structure qui rende leur ensemble comparable à telle autre poétique, le terrain vient à manquer. C'est que cette structure serait parfaitement étrangère à ce qu'elle prétend expliquer. Continuant à réfléchir à l'élusivité de ce qui s'obstine ainsi à fuir toute tentative de définition, le lecteur de René Char finit par comprendre que la clef du mystère doit résider dans son élusivité même. Cerne-t-on le vent ? Emprisonne-t-on l'éclair ? Or, chez lui, toute démarche, est mouvement perpétuel et s'abolit dans son accomplissement, orientée qu'elle est vers l'unique. On ne saurait réduire aux rouages d'un système le cheminement d'une pensée qui évite si obstinément de repasser sur ses propres traces une seconde fois. Non seulement le poète se refuse-t-il ainsi à encourager imitateurs et disciples futurs. Il se force lui-même à quitter sa propre piste, à ne jamais "demeurer". "Epouse et n'épouse pas ta maison." ("Feuillets d'Hypnos") Qu'est-ce à dire, sinon que la tension créatrice provient de cette apparente entorse à la logique ordinaire, impératif d'épouser et de pas épouser tout à la fois. Qu'épouser soit vu comme une prise en charge totale, cela ressort du fait que le poète ne réclame cette unité que pour la scinder, tout aussitôt. À qui ne se donnerait qu'à contrecœur, à moitié, il ne serait pas nécessaire d'ordonner la séparation brutale et salutaire. "Epouse et n'épouse pas ta maison", c'est l'exigence de la plus haute intensité dans chaque "habitation" successive; chaque geste, chaque démarche, chaque image auront la nouveauté des commencements et l'éclat des choses menacées. Leur apparition unique tire leur prix justement de ce qu'ils ne reviendront pas. Mais se peut-il qu'une poétique soit fondée sur une telle discontinuité ? Oui, à condition justement d'admettre qu'il existe une poétique de la discontinuité. Or, chez ce poète qui s'identifie à la force et à la mobilité du vent, le mot, c'est "Quitter", titre d'un groupe de poèmes. On pourrait citer la tendance de René Char à l'aphorisme pour illustrer ce goût pour l'unique et pour l'absolu sur le plan de la création poétique.   "Notre voix court de l’un à l’autre, mais chaque avenue, chaque treille, chaque fourré, la tire à lui, la retient, l’interroge. Tout est prétexte à la ralentir". Engagé dans les maquis et refusant toute publication pendant la durée de la guerre, René Char semblait entériner l’incompatibilité entre l’action sur le terrain et l’action par la poésie, "dérisoirement insuffisante". La lecture approfondie de "Fureur et Mystère" incite cependant à nuancer de telles affirmations. Les questions abordées au fil des articles permettent de cerner les caractéristiques d’une poésie résistante qui refuse de se dire "poésie de la Résistance. "Il y est question notamment des relations entre l’action et le verbe, du recours au silence poétique et à l’obscurité, du choix des formes, du rôle joué par la figure de Sade. Souvent, dans l'histoire de la poésie, la double exigence de l'esthétique et de l'éthique a été ainsi réunie en une seule et même exigence. Mais cette affirmation unifiante a parfois abouti au sacrifice de l'une ou de l'autre exigence. Soit que l'engagement du poète monopolise sa vision jusqu'à lui faire croire que la beauté, nécessairement, suivra la fidélité, soit qu'orgueilleusement il réduise l'éthique à l'esthétique, le poème devenant la totalité de son engagement. Chez Char, les deux exigences sont maintenues dans une tension dialectique qui force le poète à une expansion constante de son être. Le donné est accepté pour ce qu'il est, y compris toutes ses laideurs qui sont sans doute les courbes mêmes de la volonté poétique jaillie d'elles comme leur négation. Toute expérience n'en est que plus pleinement vécue. Aborder la vie et ses émotions en littérateur n'avance en rien la littérature. Fraternelle, la poésie de René Char l'est parce qu'il vit la fraternité et non parce qu'il l'aurait choisie comme sujet et ambiance de sa poésie. Mais la vie en expansion, c'est déjà chez René Char l'expansion de la parole telle que la passerelle de l'artifice s'avère rapidement superflue. On est tenté de penser qu'aux yeux du poète une insuffisance dans l'expression pourrait bien provenir, chez ceux qui cherchent la poésie sans la trouver, d'une insuffisance de vie. L'idéal serait que tout poème fût cela, en effet. Mais les grands poèmes sont ceux de "l'instant de la déchirure", alors que la parole cesse d'être simplement le contenant de la réalité et du songe et le lieu de leur affrontement, et qu'elle devient elle-même poème, alors qu'en dehors de ces moments privilégiés elle avait simplement "penché pour le poème." Quels sont ces moments heureux de la création ? Il se pourrait que ce soient simplement les moments malheureux de la vie et que "l'instant de la déchirure" par laquelle la vie fait irruption dans le poème soit aussi instantde déchirure pour l'âme. Et ne s'agirait-il pas, en fait, de la même déchirure ? "Etre poète, c'est avoir de l'appétit pour un malaise dont la consommation, parmi les tourbillons de la vie, provoque, au moment de la fin, la félicité."   "Tiens vis-à-vis des autres ce que tu t'es promis à toi seul. Là est ton contrat. La lucidité est la douleur la plus proche du soleil. Les arbres ne voyagent que par leur bruit". Cet emprisonnement du vécu l'éternisait sans l'idéaliser. René Char portait trop de respect et d'amour à la vie pour vouloir lui conférer une beauté autre que celle qu'elle possède en étant exactement, et souverainement, elle-même. Ainsi, le poème ne saurait fournir au poète l'occasion de vivre une expérience substituée à celle qu'en fait il n'a pas vécue. Le poème, dans ce sens, est véhicule d'inachèvement plutôt que de perfection: " Magicien de l'insécurité, le poète n'a que des satisfactions adoptives. Cendre toujours inachevée." Nous voyons là une des raisons pour lesquelles René Char a dépassé le surréalisme. L'imprévu lui-même peut devenir prévisible. Habitué à voir s'entrechoquer des images inattendues, le lecteur pourrait finir par considérer l'inattendu lui-même comme un procédé. Est-ce à dire que Char ne se soucie pas de l'expression poétique ? Tout au contraire. C'est parce qu'il s'en soucie au plus haut point qu'il se refuse à s'installer dans une forme poétique et dans une imagerie éprouvées une fois pour toutes. Que le poème doive être une réussite sonore, avec tout ce que cela comporte d'harmonie et de puissance suggestive, cela va de soi aux yeux de René Char. Sans ces qualités, pas de véritable poésie, pas de poème, tout simplement. Un poème ne mérite son nom qu'à force de risques. Char ne parle pas de littérature engagée; il ne connaît d'autre parole qu'engagée, dans une vie qui l'est également. Pour lui, écrire se définit à tout moment comme "l'acte poignant et si grave d'écrire quand l'angoisse se soulève sur un coude pour observer et que notre bonheur s'engage nu dans levent du chemin." N'est-ce pas là l'image même de la création devant l'absurde telle que la conçoit Camus ? C'est de Sisyphe que Char nous parle lorsqu'il parde de la condition du poète. Or Sisyphe n'est grand que parce qu'il est menacé. La création absurde telle que nous la vivons au XXIème siècle diffère des notions plus anciennes de la création surtout par la lucidité inhérente, selon elle, au regard du créateur. Cette lucidité a pour revers l'angoisse, et la poésie moderne connaît nul bonheur qui n'ait pour témoin l'œil fixe de l'angoisse. C'est là son inconfort. Impossible de s'endormir. Le poète connaît la solitude dans la mesure où nul autre ne s'aventure aussi loin que lui dans la connaissance de l'instable. Car à ce degré solitaire de conscience et de lucidité le poète, plus que jamais, retrouve autrui. La poésie est "commune présence", et "le poème est toujours marié à quelqu'un."   "Nous vivons avec quelques arpents de passé, les gais mensonges du présent et la cascade furieuse de l'avenir. Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux". Le silence est un acte poétique à part entière. La parole doit être laissée un moment en suspens avant d’être relayée par l’action. La poésie de Char est aux antipodes de celle d’Aragon, épopée, "bel canto" ou "carmen." Si le silence et la "parole entravée" sont constitutifs d’une certaine poésie moderne, chez Char ils témoignent d’une violence consentie pour échapper à la rhétorique et à la gratuité des images. Le silence est résistance contre la propagande nazie, mais aussi contre le bavardage littéraire. Aucun culte de l’ineffable toutefois dans l’écriture de Char. Le silence est le préalable d’une parole authentique, la poésie est le "non encore formulé", le refus de la forme figée. La poésie est parole d’enfance, parole émergente. La "voix d’encre" ne parle jamais qu’à "l’asymptote du silence." Char indéniablement fuit le style "cocardier." Le poème en prose est allégé malgré la gravité du propos. Les nombreuses occurrences du motif de l’apesanteur traduisent le refus de toute morale édictée, au nom d’une conception nietzschéenne de la liberté. N’obéissant qu’à ses propres règles, cette forme coïncide avec une "morale du soulèvement, de l’autonomie, du dépassement." Les ressources propres à la poésie y atténuent le sérieux de la sentence, tout en maintenant intacte l’énonciation d’une éthique de la révolte. Hostile à toute résolution des contraires, le poème en prose vit de mystère, d’ambiguïté et d’hybridité. Le poème n’est ni plainte, ni consolation, ni charme, ni divertissement, ni maniérisme, ni quête d’un sacré galvaudé, ni rhétorique gratuite. La poésie est un faire qui, travaillant avec la résistance de la langue, produit des "accès de sens" comparables à des "accès de fièvre", fulgurants, aphoristiques. La poésie se fait combattante. Pour porter cette fureur, les mots se font silex, ils sont "repères éblouissants" ou au contraire rêveurs, inquiétants. Lieu d’une expérience resserrée, l’écriture doit être précise et efficace comme les tirs du maquis. Mais elle se déploie aussi en "extension", adoptant toutes les formes et toutes les énonciations possibles. La dureté, les antagonismes, l’insécurité l’emportent. Les métaphores fluides, le lyrisme musical n’y ont pas leur place. "Les Feuillets d’Hypnos", ce sont des notes rapides, intermittentes comme l’action, ajustées à elle, au plus précis, au plus bref. Parallèlement sont revendiquées, dès le texte liminaire, les plus hautes exigences morales. La poésie de Char est solidaire d’une poignée d’hommes réunis dans un paysage bien localisé du Vaucluse, à la fois champ de bataille et refuge. La nature complice se personnifie et souffre. Le poète préconise un engagement "terrestre", sensoriel et païen malgré sa soif d’infini. La présence silencieuse, pure, précaire est exacerbée par l’idée de la finitude. Les villageois, bergers, artisans, vagabonds, cueilleuses de mimosas,"princes" de la terre, sont les défenseurs d’une nature et d’un monde menacés, et le poète est le "conservateur des infinisvisages du vivant." L’homme qui lutte est lucide, assoiffé, espérant indéfiniment, apte à transformer la défaite en victoire.    Œuvres et recueils poétiques:   - "Les Cloches sur le cœur", (1928) - "Arsenal", (1929) - "Le Tombeau des secrets", (1930) - "Ralentir Travaux", (1930) - "Le Marteau sans maître", (1934) - "Moulin premier", (1936) - "Dehors la nuit est gouvernée", (1938) - "Seuls demeurent", (1945) - "Feuillets d'Hypnos", (1946) - "Fureur et Mystère", (1948) - "Lettera Amorosa", (1953) - "La Parole en archipel", (1952-1960) - "Dans la pluie giboyeuse", (1968) - "Sur la poésie", (1974) - "Œuvres complètes", (1983 Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade)   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
474 vues 8 aime
Par : le 25/03/24
Nathalie la douce ingénue : suite chapitre 6 : Réminiscences   Je ne sais pas si vous croyez au destin, aux vies antérieures et à toutes ces histoires de réminiscences qui font la couverture des magazines. Moi pas. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de me poser des questions. Adolescente, je faisais souvent un rêve étrange. Un rêve de  princesse. Mais toutes les histoires qui parlent de princesses ne sont pas toujours des contes de fées.     Il était une fois une princesse trop blême, aux longs cheveux soyeux qui du haut d’une tour, guettait le retour de son seigneur et maître, partit guerroyer. Le château, imposante citadelle juchée au sommet d’un pic vertigineux, dominait toute la plaine, et le chemin escarpé qui y menait n’était guère emprunté par les voyageurs.   La princesse Ysabel n’avait que peu de distractions. Un de ces plus grands plaisirs consistait à monter Coly, un magnifique destrier à la robe grise. Elle aimait le chevaucher des heures durant dans la forêt entourant le domaine. Elle en connaissait tous les secrets. Les sentiers dissimulés qu’empruntaient, dit la légende, les esprits de la forêts. Elfes mutins et fées espiègles, se rendent certains soirs dans une clairière et y dansent des rondes folles au son du violon et de la harpe. Gare au malheureux voyageur qui écoute leurs chants. Ces mélodies aux pouvoirs ensorceleurs et à la beauté romantique exercent, un charme fatal sur les oreilles humaines.   Ysabel aimait aussi, au terme d’une promenade, se rafraîchir au bord d’une cascade et se reposer à l’ombre d’un buisson d’aubépines. Mais par superstition ou par prudence, jamais au grand jamais, elle ne serait restée dans les bois une fois la nuit tombée. C’est pourquoi Ardabert, le fidèle capitaine des gardes, scrutait avec anxiété par cette chaude fin d’après-midi du mois de juillet, le ciel chargé de nuages sombres. L’orage n’allait pas tarder à éclater et toute la montagne semblait se préparer à la fureur des éléments. Ysabel au cours de sa promenade avait suivi le cours d’un torrent qui serpentait au creux d’un frais vallon. Son cheval avançait d’un pas vif et assuré. Ysabel lui avait lâché la bride afin de lui permettre de choisir son chemin dans les passages caillouteux. Elle voulait rejoindre un petit lac situé plus haut dans la montagne. Les jours de grande chaleur elle avait coutume de s’y rafraîchir. Des genêts dorés se dressaient par endroits devant les flancs de Coly, et caressaient au passage les mollets de la princesse.   Le murmure de l’eau, les chants d’oiseau étaient les seuls bruits perceptibles. Ces moments de quiétude remplissaient le cœur de la princesse de bonheur. Des sapins centenaires ombrageaient le sentier et, leur odeur mélangé à la sueur du cheval et à son propre parfum, lui montaient doucement à la tête. Elle se promit de se rappeler ces senteurs lorsque l’hiver venu, elle sera cloîtrée au château, auprès d’un grand feu de bois crépitant dans l’immense cheminée. Imperceptiblement elle frissonna. Que les hivers étaient longs et pénibles dans cette forteresse glaciale. Qu’il serait doux de passer cette saison dans la vallée au climat clément. Mais son mari Ygor, seigneur et maître du comté ne voulait en aucun cas quitter son fief situé sur ce pic d’aigle imprenable. Ygor, comme son souvenir lui paraissait lointain. Mariée à 16 ans, elle avait dû renoncer à la douceur d’un palais vénitien où les fêtes se succédaient, et à un père attentionné qui lui passait le moindre de ses caprices. Otage d’une union forcée, elle s’était retrouvée toute tremblante dans les bras d’Ygor. Fier guerrier, bon chasseur, mais si peu au fait des rêves d’une princesse de sang royal. Aujourd’hui âgée de 20 printemps, elle ne s’estimait pas malheureuse. Ygor était un bel homme, grand, bien bâti. Malgré sa nature frustre et sauvage, il n’en était pas moins un bon mari. Ses étreintes passionnées, si elles n’avaient pas encore réussies à lui donner à ce jour ce fils tant désiré, lui avaient pourtant révélé un monde de plaisirs insoupçonnés. A cette pensée, elle sentit une douce chaleur envahir le creux de ses reins. Elle profita adroitement des mouvements du cheval pour prolonger ce moment. L’ascension touchait à sa fin. Au détour du sentier, elle aperçut le lac aux couleurs d’émeraude, qui resplendissait dans son écran de verdure. Impatient, le cheval pressa l’allure désireux de se désaltérer. La vue sur la vallée était d’une beauté saisissante. Quelques rares bergers habitaient l’été la montagne, et les troupeaux de moutons s’égrenaient sur les versants abrupts. Des clochettes, accrochées au cou des bêtes annonçaient de loin leur présence. Le berger n’étant jamais très éloigné, Ysabel aimait aller saluer ces hommes, rudes mais honnêtes, qui la traitaient avec tout le respect dû à son rang. Mais nul bruit de clochettes ne tintait dans le lointain. Elle était seule.   Arrivée au bord du lac, elle sauta avec agilité au bas de sa monture.  Après s’être déchaussée, elle courut dans l’eau, éclaboussant sa robe et poussant de petits cris de joie. Prise d’un désir soudain, elle se dévêtit et se jeta à l’eau, nue. Elle nagea dans l’eau fraîche. Toute à son bonheur, elle ne s’était pas aperçue que tapis derrière un rocher, deux hommes épiaient le moindre de ses gestes. A pas de loup, les inconnus s’approchèrent de l’endroit où Ysabel avait déposé ses vêtements. Cachés par les joncs, ils la guettèrent à sa sortie de l’eau et à l’instant où ruisselante, elle voulut attraper sa robe, ils la coiffèrent d’un sac de toile et la ceinturèrent. Elle hurla, mais le sac fut resserré et les cris s’étouffèrent dans sa gorge. Rapidement, elle fut entraînée par ses ravisseurs derrière un des rochers bordant le lac. « Allons ma belle cesse de gigoter où je t’embroche avec mon épée. » La voix lui parvenait assourdie. Une autre voix s’éleva. « Par tous les diables, la pêche a été fameuse quelle jolie prise dans nos filets »   « Je vous en supplie laissez moi partir » la voix d’Ysabel était faible.   « Cesse donc de geindre comme une pucelle effarouchée, on va te sortir de ta nasse. Mais n’essaie pas de nous jouer un mauvais tour sinon… »   Et dénouant le sac d’un coup sec, ils la libérèrent du noir dans lequel elle se trouvait plongée. La clarté du soleil lui faisait cligner les paupières, et elle mit quelques instants avant de pouvoir les distinguer.   Elle détailla ses ravisseurs. Leurs visages étaient menaçants. Tous les deux mal rasés, à la chevelure hirsute. L’un était grand et anguleux, l’autre trapu. Vêtus d’habits de toile grossiers, de hauts de côtes dépareillés, et de bottes de cuir usés. Ils n’avaient pas dû changer de vêtements depuis longtemps. De courtes épées pendaient le long de leurs cuisses musclées. Celui qui paraissait être le chef tenait un fouet à la main. Certainement des soldats déserteurs devenus brigands ou mercenaires pensa Ysabel.     Soudain elle réalisa qu’elle était nue, s’offrant à leur regard. Pudiquement, elle cacha ses seins et son sexe. « Messires laissez moi me vêtir. Une gente dame ne peut être surprise ainsi. » dit-elle d’une voix mal assurée.   « Certainement pas coquine, si tu ne veux pas goûter de la lanière de mon fouet tu vas ôter tes mains de là. » La voix était menaçante.   « Messires je vous en conjure, épargnez moi cette honte. Mon seigneur vous comblera de présents. Je l’assurerai que vous m’avez sauvé d’un grand péril. Mais il vous tuera, si vous attentez à mon honneur. »   La réponse fut cinglante. « Drôle de princesse que voilà. Je ne vois qu’une femelle lubrique qui a le feu au croupion. Tu as dû te plonger dans ce lac pour refroidir tes ardeurs. »   A ces paroles, le deuxième homme se mit à rire bruyamment.   « Je sais que j’ai mal agis en me baignant nue mais.. »   « Assez parlé. Allons, dépêche-toi catin où je te fouette… »   Dans un sifflement strident le fouet s’éleva dans les airs et cingla les chevilles de la princesse.   « Non pitié, je suis à votre merci. N’avez-vous aucun sens de la chevalerie ? »   « Assez, obéis où tu vas goûter de mon fouet » Et un nouveau coup ponctua ses paroles.   Ysabel sentit les larmes monter à ses yeux, et d’une voix entrecoupée de sanglots elle reprit. « D’accord, d’accord messires, j’ôte mes mains. » et joignant le geste à la parole, elle dévoila son corps à ses deux bourreaux.   Elle est d’une grande beauté, sa peau a la pâleur du lait. Ses seins fermes aux formes harmonieuses sont un véritable appel à l’amour.   « Voilà qui est mieux  ma belle, tu vas obéir à présent » « Que dois-je faire ? » « Ce n’est pas à toi de poser des questions, dévergondée, contente-toi d’obéir et sans traîner. » Et dans un geste menaçant il releva son fouet.   « Non arrêtez. J’obéis »  cria Ysabel.   « Voyons si tu as compris, catin, approche toi de mon compagnon et quoiqu’il te fasse, ne bouge pas »   Ysabel fit prudemment quelques pas vers l’homme qui la détaillait l’œil salace. Tremblante, elle s’arrêta à distance respectable de l’inconnu et baissa les yeux. Pudiquement, elle serrait ses cuisses, sa toison blonde dissimulait maladroitement ses trésors. Ses longs cheveux blonds recouvraient en partie sa poitrine. D’une main malhabile, le brigand entreprit de palper son corps d’albâtre. Avidement, il s’empara de ses seins, magnifiques présents aux douces courbures et à la douceur satinée. Il les malaxa sans délicatesse, arrachant une grimace de douleur à Ysabel. Sursautant sous ce contact brutal, tout son corps s’est raidi. Toutefois prudente elle ne fit aucun geste pour échapper à ces attouchements. Subrepticement, le deuxième homme se glissa derrière elle, et saisissant sa chevelure, il tira d’un coup sec. Sa tête se renversa en arrière et son corps se ploya vers lui. De surprise, un cri s’échappa de sa bouche, et le traître en profita pour y glisser sa langue, fouillant sa bouche. Il rit de l’avoir ainsi forcée et desserra un peu son étreinte. « Te voilà moins fière. Ton seigneur ne devrait pas te laisser sortir sans ceinture de chasteté. » La cambrure d’Ysabel donna des idées à l’autre compère. D’un geste sûr, sa main se glissa entre les cuisses de la belle, là ou la peau si douce mène au délicieux sillon. Forçant le passage, ses doigts rugueux entreprirent de se frayer un chemin vers sa fente. « Non, Non pitié » réussit-elle à articuler, tout en déglutissant avec peine. Mais l’infâme renégat accentua sa pression, et Ysabel ne put résister. Sans ménagement les doigts fureteurs franchirent le doux rempart de son intimité pour s’enfouir en elle. Arrivée à ce moment de l’histoire, invariablement je me réveillais en sursaut. Bizarrement j’étais excitée, terriblement excitée. Je ne savais pas qu’un jour, je vivrais une aventure ressemblant étrangement à celle de la princesse.
435 vues 1 like
Par : le 21/03/24
Nathalie la douce ingénue : suite      chapitre 5   CHAPITRE 5   : L’ETUDE DE MAITRE JULIAN   Maître Julian m’accueillit avec un café bien chaud. Cette attention me plut. La journée  passa très rapidement et fort agréablement. Le travail était varié et intéressant. Au cours de la journée il se montra prévenant, attentif et il ne fit aucune allusion à ce qui s’était passé entre nous. Pour un peu j’aurais douté que tout ceci ne soit passé ailleurs que dans ma tête. Vint le soir et le cours d’anglais. J’étais tendue et mal à l’aise. Cette fois Maître Julian n’attendit même pas un prétexte pour me punir. Il exigea que je lui remette mon slip et que je soulève ma jupe. Tremblante j’obéis. Il put constater que j’étais épilée selon ses désirs. Satisfait, il me fit signe d’approcher. Je me raidis sous la caresse de ses doigts et lui en voulut de sa précipitation. Il m’examina attentivement comme s’il découvrait mon sexe. Visiblement il appréciait  ma totale nudité et il s’amusa à pincer mes lèvres offertes. Puis il me fit asseoir jambes écartées, jupe relevée et commença le cours d’anglais jetant de fréquents coups d’œil à l’agréable spectacle de ma chatte imberbe. J’étais troublée et du coup moins attentive et il lui fut facile de me prendre en défaut. Consciencieusement, il comptait les fautes que je commettais. Arrivé à dix il se leva chercha un objet le garda caché dans la paume de sa main et se dirigea vers moi. « Debout» J’obéis promptement, comme si j’attendais cet ordre depuis le matin. « Déshabille-toi » Je commençais par ôter mon chemisier et mon soutien-gorge et mes deux seins apparurent. D’un mouvement de la main il les effleura, les titillant légèrement pour en faire saillir les pointes. Puis j’ôtais ma jupe et il m’intima l’ordre d’écarter les jambes. J’étais offerte et pourtant pudique. Belle et désirable devant mon tourmenteur. Je lui offris ma bouche. Tout en m’embrassant tendrement il saisit la pointe de mon sein et d’un mouvement rapide il y accrocha une pince. Je criais de surprise. Une légère douleur irradiait mon téton. Je tendis la main vers ma poitrine mais il me ramena les coudes derrière le dos. Et le cours reprit. A ma vingtième faute je fus à nouveau récompensée à sa manière ! D’une pince à l’autre sein. Puis aux fautes suivantes il m’accrocha une pince à chaque lèvre de mon sexe. Le poids les étira de manière impudique. Petit à petit la simple sensation de gêne provenant des pincements à ces endroits si sensibles faisait place à de la souffrance.  Je protestais faiblement, n’osant pas ouvertement lui demander de les ôter. Compatissant, il m’embrassa et me caressa, mais il les laissa en place. Cette douleur irradiait tout mon corps en même temps qu’une une douce chaleur m’envahissait et rendait cette épreuve supportable dans l’attente de la délivrance. Il prit la parole d’une voix douce mais ferme. « A quatre pattes » Je pris la position et les pinces étiraient tétons et lèvres vers le bas en remuant au moindre de mes gestes. « Jambes et mains bien écartées » J’obéis aussitôt « Fesses en l’air » Je me cambrais dans cette position dévoilant mon intimité. Mes fesses tendues, les deux globes bien dessinés ne semblaient attendre qu’une caresse pour s’animer. Je me sentais vulnérable, comme une petite fille qui va être punie pour des bêtises. A cette pensée un frisson involontaire parcourut mes reins. « Bouche entrouverte, tu seras obéissante n’est ce pas ? » « Oh oui Monsieur » répondis-je d’une voix faible. « Ferme les yeux »   Maître Julian n’avait pas haussé le ton, mais les intonations avaient changé. La menace à peine voilée me fit abaisser les paupières et retenir ma respiration. Troublée je ne bougeais plus dans l’attente. Je perçus la présence d’un objet quelques instants avant qu’il ne s’attarde sur les courbes de mon corps. Une cravache qui descendit lentement, pour se poser sur mes mamelons. Elle les agita rapidement à tour de tôle et fit bouger les pinces. Je serrais les dents. Puis continuant son exploration elle s’insinua dans la raie des fesses, s’attarda sur mon sexe humide, et le quitta comme à regret. Sa main me mit un bandeau sur les yeux, et il fixa une chaînette reliant les pinces accrochées à mes seins. Une courte laisse y était accrochée et je me sentis tirée en avant. Docilement je me mis en marche pour une promenade peu ordinaire. J’avais l’impression de marcher depuis des heures. Mes genoux et mes coudes étaient douloureux. Il prenait un malin plaisir à accélérer et à ralentir le pas, en tirant sur la laisse. Mes seins étaient devenus hypersensibles. J’appris à devancer ses ordres, mes sens aux aguets. Tout mon corps prêt à bondir et à se plier aux positions les plus insolites qu’il m’enseigna. Apparemment satisfait de ma bonne volonté, je le sentis se placer derrière moi et il me prit dans cette position. Il me fît  l’amour tout en tirant sur la chaînette pour tendre mes seins. Aussi étrange que cela puisse paraître je jouis, une jouissance animale. Lorsqu’il retira les pinces, le sang refluant vers les extrémités provoqua une douleur violente et insupportable. Je hurlais. Il me prit dans ses bras dans un geste protecteur, me consola, et me félicita d’avoir supporté cette épreuve.   Le lendemain était le premier jour où je retrouvais mes camarades de classe. Cela me parut presque irréel de reprendre normalement les cours et de rire avec Valérie. Elle remarqua immédiatement certains changements en moi. Déjà ma tenue. Celle-ci était plus soignée, merci Mademoiselle, mais aussi dans mon attitude. J’avais mûri. Elle ne cessait de me questionner mais je ne voulus rien lui dévoiler. Elle gardait son insouciance et je me dis qu’elle avait finalement bien de la chance. Huit jours passèrent ainsi. Mon éducation continuait à son rythme et je commençais doucement à l’apprécier. C’est alors que tout bascula. Ce soir là j’étais tranquillement chez moi, une soirée cocooning. J’étais devenue casanière, sortant et recevant peu. J’avais largué mon petit ami le trouvant fade et de plus il devenait terriblement jaloux, s’apercevant de ma transformation et devinant les bouleversements de ma vie. Je regardais la télé lorsqu’un coup de sonnette me fit sursauter. Je me levais à contre cœur, bien décidée à chasser l’intrus qui osait me déranger en ce début de soirée. C'était Valérie qui se tenait devant ma porte. Elle avait l’air effondrée et je n’eus pas le temps d’ouvrir la bouche qu’elle se jeta dans mes bras en pleurant. Je la fis entrer et elle me raconta tout.   Son employeur, possédait plusieurs commerces florissants. Il n’était que rarement présent et avait tendance à la laisser agir à sa guise. Cette situation n’était pas pour lui déplaire et elle travaillait sans trop se fatiguer. Son boulot consistait essentiellement à de la vérification comptable. Etablir les bons de commande, éditer les factures, rien de très passionnant...   Et aujourd’hui elle avait commis une grave erreur dans la facturation et sa faute allait avoir des conséquences financières. Son patron l’avait convoqué à la fin de la journée et voulait la renvoyer séance tenante. Il téléphona devant elle à Mademoiselle Pinbal pour l’informer de sa décision. A sa grande surprise, celle-ci lui demanda de ne rien entreprendre avant sa venue et de l’attendre. Effectivement quelques minutes après elle arriva, déboulant comme une tornade dans le bureau. D’un rapide coup d’œil elle jugea la situation : Valérie pleurait à chaudes larmes et son employeur tournait en rond furieux. Prudemment, elle fit sortir Valérie pour s’entretenir en tête-à-tête avec le directeur et après des minutes qui parurent interminables, Valérie fut invitée à les rejoindre dans le bureau. La situation était toujours tendue. Mademoiselle la gronda d’une voix forte. « C’est grave Valérie, par votre faute  vous avez fait perdre de l’argent à la société, beaucoup d’argent» Valérie pleurnicha de plus belle. « Je comprends tout à fait la réaction de Monsieur Ernest. Vous méritez d’être renvoyée. Toutefois par égard aux bonnes relations que nous entretenons depuis de longues années il veut bien passer l’éponge » « C’est vrai ? » s’exclama Valérie pleine d’espoir.   « Oui mais tu comprendras que tu dois payer pour ta faute. Pour que cela te serve de leçon » reprit Mademoiselle d’une voix posée.   « Je ferais très attention. Cela ne se reproduira plus » dit Valérie.   « Je l’espère bien mais en attendant, tu vas quand même être punie. Ici même et tout de suite. Es-tu d’accord ? »   « Oui mais.. »   « C’est oui ou non. Décide-toi. Vite » Et Valérie prononça un timide oui.   Je devinais la suite des événements, cela ressemblait si étrangement à mon histoire. Effectivement Mademoiselle lui ordonna de se lever et de se pencher en avant. Elle obéit, non sans essayer une dernière fois de parlementer. Mais les arguments de Mademoiselle étaient imparables. Que représentait une petite fessée face à un renvoi ? Etait-elle trop orgueilleuse pour obéir ? Elle se résigna et se pencha en avant saisit les montants du fauteuil dans lequel Monsieur Ernest avait pris place. Elle  n’eut pas le temps de réaliser que déjà Mademoiselle l’avait déculottée et elle reçut une longue fessée de ses mains. Bien entendu, Monsieur Ernest ne resta pas inactif. D’un geste vif il l’attrapa par les cheveux et ouvrant sa braguette il lui glissa son sexe dressé dans sa bouche. Valérie tenta bien de se dérober mais rien n’y fit. Monsieur Ernest la fit le sucer au rythme de la fessée que lui administrait Mademoiselle. Il jouit rapidement et elle dut avaler sa semence jusqu’à la dernière goutte. Elle s’enfuit honteuse du bureau. Tout d’abord elle ne sut pas quelle attitude adopter. Révoltée, elle voulut immédiatement dénoncer son employeur à la police, mais son erreur de facturation et les conséquences financières lui revinrent en mémoire et calmèrent ses velléités de vengeance. Prise d’une inspiration soudaine, elle courut chez moi pour me demander mon avis. Bien évidemment j’étais très mal placée pour la conseiller. Que pouvais-je lui dire moi qui vivait une situation analogue ? Je lui devais la vérité. Je séchais ses larmes et je lui racontais mon histoire. Elle m’écouta incrédule. Ce fut une drôle de soirée. Nous étions tour à tour indignées, furieuses, résignées. Des sentiments contradictoires occupaient notre esprit. Pour ma part je dus bien l’avouer, je trouvais des avantages à ma situation. Mon patron était séduisant, prévenant et généreux. Et je n’étais pas loin de là insensible à son charme. Elle même ne savait trop que penser et partant du principe que la nuit porte conseil, nous décidâmes de nous mettre au dodo. Au moment du coucher, elle découvrit d’un air étonné mon sexe rasé. D’un doigt malhabile elle l’effleura et nous nous caressâmes, innocemment. Nous avions toutes les deux besoin de câlins et de douceurs et nous avions tant d’amour à donner. Lorsque nos jeunes corps furent rassasiés, nous nous endormîmes, épuisées dans les bras l’une de l’autre.   Le lendemain, dès notre arrivée à l’école, elle fut convoquée par Mademoiselle Pinbal et je ne la revis pas de la journée, mais je connaissais le déroulement de celle-ci. Je ne savais trop si je devais être triste ou contente de savoir que nous étions une fois de plus réunies et complices. Je regardais mes camarades d’un autre œil. J’avais bien remarqué que nous étions moins nombreuses. Combien parmi elles étaient tombées dans le même piège que Valérie et moi ? Je craignais de connaître la réponse. Naïvement, j’avais mis ces abandons sur le compte de la difficulté de trouver un employeur et sur les cours qui devenaient de plus en plus difficiles. Pourtant tout comme nous, les douze élèves restantes semblaient vouloir continuer. Notre façon de nous exprimer et nos tenues avaient évolué et nous ressemblions de plus en plus à des adultes. Nous avions découvert leur monde et perdu au passage  une grande partie de notre innocence.  
570 vues 3 aime
Par : le 21/03/24
  Je retire ma main de son antre tout en lui frottant le clitoris qui était gonflé de désir et d’envie, puis elle prit son gode XXL et me le tendis.    Je compris qu'elle n'en avait pas assez et qu'elle en voulait plus, et je ne me fis pas prier pour lui donner du plaisir. Je lui enfonçai sans mal dans sa petite chatte et commençai des allers-retours. De l'autre main, je lui donnai des claques sur les fesses qui commencèrent à prendre une belle couleur.    Ensuite, je m'approchai d'elle et lui dis : "Je ne vais pas te prendre, j'ai juste envie de te voir jouir comme une folle." Je mis plus d'ardeur à l'intérieur de son sexe, et étonnamment, elle se mit à squirter, ce que j'adore et qui m'a excité encore plus. Lorsqu'elle me dit : "Je suis une petite fontaine," avec un sourire qui me satisfait en pensant au plaisir que je lui fais ressentir, j'ai été agréablement surpris.    Je suis très vicieux, alors je lui demandai de s'allonger sur le dos et entrepris de la faire ruisseler en mettant ma main sur son cou, qu'elle prit avec ses deux mains pour ressentir mon étranglement.    C'est à ce moment-là que je me suis dit que c'était elle avec qui je voulais m'amuser, car rien ne l'arrêtait, et ce côté masochiste me donnait du plaisir à faire ressortir mon sadisme, ce que j'ai rarement l'occasion de faire.   Ensuite, je la regardai jouir et gicler sur le lit et la moquette, c'était vraiment sublime et si excitant de voir un si joli visage d'ange se transformer en une si belle diablesse. Il ne faut pas se fier aux apparences. Nous nous arrêtâmes pour nous désaltérer, moi avec mon jus de fruit et elle avec son eau, et nous avons pris le temps de discuter de ce moment et d'autres.    Cependant, ce n'était pas la fin de notre rendez-vous, car nous avons continué la session encore plus intensément avec la cravache, le paddle, le martinet. Malgré mes paroles disant que je ne la prendrais pas sexuellement, elle entreprit de me défaire la ceinture, donc j'ai retiré mon pantalon et m'en suis servi sur ses fesses.    N'ayant pas fait de test hiv, et bien que je sache que je n'ai pas de maladie, pour sa sécurité, elle ne m'a pas sucé, mais elle a entrepris de me masturber avec désir en me regardant droit dans les yeux.    J'ai joui sur sa poitrine, quel plaisir de la voir souillée de mon sperme, qu'elle a pris en photo en me demandant l'autorisation, ce que je lui ai donné en cadeau pour le plaisir qu'elle m'a offert.   Nous avons passé deux heures ensemble à rire, à jouir et à prendre plaisir à chaque instant. Nous prévoyons de nous revoir pour continuer d'explorer ensemble de nouvelles pratiques, une relation de jeu S/M sans lien sentimental, juste des moments sexuels et des impacts.    Notamment qu'à ce jour, la balançoire n'a pas été utilisée, et je lui prévois d'autres pratiques que nous envisageons déjà de mettre en place.    Merci d'avoir lu mon récit, qui est le récit de ma réalité du moment que j'ai passé avec une diablesse qui se prénomme Vendeta.
339 vues 3 aime
Par : le 20/03/24
"La terre est bleue comme une orange. Jamais une erreur les mots ne mentent pas". "Il y a des mots qui font vivre et ce sont des mots innocents. Le mot chaleur, le mot confiance, amour, justice et le mot liberté. Le mot enfant et le mot gentillesse". Paul Éluard est le nom de plume du poète français Eugène Émile Paul Grindel (1895-1952), un des fondateurs du surréalisme, mouvement de révolte et de rupture. Son lyrisme s’épanche grâce à la poésie involontaire découlant du songe et de l’imaginaire sans toutefois perdre son honnêteté. Sa force poétique associe le secret et la simplicité. Sa poésie devient engagée: son devoir, celui de tout poète selon lui est de s’enfoncer dans la vie des hommes. Ses images spontanées s’expriment dans une équivalence rythmique et soutiennent cet engagement. L'année où il compose à Saint-Tropez le conte pour enfants "Grain-d'Aile", avec Jacqueline Duhême, est son annus mirabilis. Paul Éluard publie "La Jarre peut-elle être plus belle que l'eau ?", "Le Phénix", "Le Visage de la paix" et "Pouvoir tout dire." Il meurt l'année suivante, d'un arrêt du cœur, le 18 novembre 1952, à son domicile de Charenton, aux portes de Paris. Il avait cinquante-six ans. Son premier biographe soulignait: "Voici un poète qui se présente à nous avec une œuvre d'apparence légère, composée de poèmes courts pour la plupart, écrits avec des mots familiers et dont les images sont parfois la simplicité même." Plus que tout autre, Éluard fut le poète de la liberté, de l'amour passionné et de la Résistance. Ses poèmes sont marqués pour la plupart par une fraîcheur naïve, une simplicité juvénile qui ont toujours séduit les lecteurs. Les titres de ses principaux recueils en témoignent: "Mourir de ne pas mourir" (1924), dont le titre a été inspiré par Thérèse d'Avila, "Capitale de la douleur" (1926), "L'Amour, la poésie" (1929), "La Vie immédiate" (1932), "Cours naturel" (1938), "Le temps déborde" (1947). "La nuit n'est jamais complète, il y a toujours puisque je le dis, puisque je l'affirme au bout du chagrin une fenêtre ouverte". Marqué par Rimbaud, influencé par le comte de Lautréamont, il a su, en vers et en rimes, transfigurer l'amour et ses valeurs subversives. Souvenons-nous de son poème le plus universellement célèbre, "Liberté", publié en 1942. D'abord intitulé "Une seule pensée et adressé à la femme aimée", il en fera un hymne à cette liberté chérie et alors meurtrie, dont on rappellera le premier des vingt-et-un quatrains qui le composent. "Sur mes cahiers d'écolier, sur mon pupitre et les arbres, sur le sable, sur la neige, j'écris ton nom". Poète de la Résistance intérieure, on lui doit également l'initiative de l'anthologie "L'Honneur des poètes", publiée clandestinement en juillet 1943, et réunissant Aragon, Desnos, Ponge, et Tardieu. Éluard avait fait sienne la revendication inflexible de Lautréamont: "La poésie doit être faite par tous, non par un", qui deviendra, dans sa bouche, "la poésie doit avoir pour but la vérité pratique." Dès lors, le poète quittera les cimes et les nuages pour devenir "celui qui inspire, bien plus que celui qui est inspiré." Depuis, la Terre peut être "bleue comme une orange mais jamais une erreur, les mots ne mentent pas."    "Une fenêtre éclairée. Il y a toujours un rêve qui veille, désir à combler faim à satisfaire". Trop longtemps confondu avec celui d'un enfant exemplaire du XXème siècle, l'itinéraire de Paul Éluard est pourtant vraiment unique: gravement malade dès son adolescence, cet homme qui ne savait pas dire non, pour peu que l'enjeu fût de poésie, de fraternité ou d'amour, brûla sa vie sans souci d'économie d'aucune sorte. Poète et intellectuel d'un âge oublié où les mots se mesuraient aux armes, Éluard a peut-être vaincu l'oubli parce qu'il célébra aussi la beauté simple et lumineuse, sensuelle et pure, de l'union amoureuse. Enfant unique d'un comptable et d'une couturière de Saint-Denis, dans la banlieue parisienne, Eugène Émile Paul Grindel, qui choisit en littérature le nom de sa grand-mère maternelle, connut rapidement une enfance choyée et heureuse. Le succès de son père dans des affaires immobilières lui permit très tôt de passer des vacances en Suisse, d'aller apprendre l'anglais à Southampton, bientôt de se soigner dans le sanatorium de Davos, en Suisse, lorsqu'il fut atteint de tuberculose pulmonaire en 1912. Bien plus tard, à la mort de son père, Éluard hérita d'une véritable fortune, qu'il dépensa très vite en voyages, en œuvres d'art, en mode de vie enfin, loin de toute volonté de posséder quoi que ce fût d'une manière définitive. S'il faut rappeler ces réalités, c'est que toute une hagiographie, communiste d'inspiration, a longtemps présenté le poète de Saint-Denis comme un prolétaire que ses origines devaient forcément conduire aux engagements futurs, alors que ces engagements vinrent d'une réflexion et surtout d'une certaine pratique de la poésie. En réalité, Paul Éluard était loin de toutes ces considérations. "Un cœur généreux, une main tendue une main ouverte, des yeux attentifs, une vie la vie à se partager". Au cours de son séjour forcé au sanatorium de Davos, Éluard lit beaucoup, compose ses premiers poèmes et publie à son retour à Paris quelques textes en prose, "Dialogue des inutiles", préfacés par le premier amour fou de sa vie, Helena Dimitrievnia Diakonova, surnommée Gala. Il l'a rencontrée au sana. Par-delà la guerre et sa mobilisation, rendue particulièrement dangereuse par sa santé fragile, Éluard entretient avec la jeune femme une correspondance passionnée. Il épouse Gala au cours d'une permission, en février 1917. En juillet 1917 paraît une plaquette de poèmes, le "Devoir et l'Inquiétude", qui évoquent de façon simple et poignante les souffrances des hommes du front. En 1918, ce sont les "Poèmes pour la paix" qui poussent Jean Paulhan, initiateur essentiel et durable pour Éluard, à faire la connaissance du jeune homme. Dès lors tout s'enchaîne: présenté à Breton et à Aragon, Éluard passe par le dadaïsme, manifestations scandaleuses auxquelles, il participe avec joie avec Gala, fonde sa propre revue, "Proverbe", dans laquelle il expérimente les techniques poétiques et les jeux de langage du surréalisme. Il écrit beaucoup. En 1920 "Les Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux"; "Les Nécessités de la vie, les Conséquences des rêves", trace de l'intérêt des surréalistes pour la vie nocturne et pour toutes les manifestations qui se placent en dehors de la raison et de la conscience lucide.    "Il n'y a pas de hasard. Il n'y a que des rendez-vous. Pleure: les larmes sont les pétales du cœur. Je t’aime pour toutes les femmes que je n’ai pas connues". Devenus inséparables de Simone et André Breton, Éluard et Gala, qui les accompagnent en voyage, rencontrent Ernst à Cologne. Une amitié profonde naît entre Éluard et Ernst, qui écriront ensemble en 1922 les "Malheurs des immortels". À cette époque, où ils habitent à Saint-Brice, près de Montmorency, la maison de Paul et Gala est le rendez-vous de tous les artistes et des poètes qui inventent l'art du premier XXème siècle: Desnos, Ribemont-Dessaignes, Paulhan, Soupault, Aragon, Picabia. Mais malgré cette vie intense et amicale, Éluard traverse une crise personnelle et conjugale assez grave pour qu'il disparaisse littéralement pour un tour du monde d'où il revient à la fin de 1924. À son retour, il s'engage totalement dans le surréalisme, qui vient de se donner avec le "Manifeste des bases théoriques." S'il rédige une quantité de manifestes collectifs, s'il se livre à tous les jeux avec le langage qui visent à en détruire le conformisme et le pouvoir de terreur ou de silence, Éluard écrit aussi, pour lui-même, une œuvre originale. Cette part intime de la poésie éluardienne est particulièrement sensible dans "l'Amour, la poésie", où, sur fond de rechute tuberculeuse, de désespoir de la relation avec Gala, qui le quitte en août 1929 pour vivre avec Salvador Dalí, de crise économique de la Grande Dépression. "Je t’aime pour tous les temps où je n’ai pas vécu. Pour l’odeur du grand large et l’odeur du pain chaud". Au moment où il perd Gala, en plein désespoir, Éluard rencontre René Char et Georges Sadoul, amis pour toujours. Éluard fait bientôt la connaissance de Nush Benz, actrice et chanteuse, sa deuxième merveilleuse compagne, qu'il épouse en 1934. Il n'a pas cessé de militer au sein du mouvement surréaliste ni d'écrire, tantôt avec Breton, tantôt avec Char, des œuvres collectives: "Ralentir travaux", avec Breton et Char", "l'Immaculée Conception" avec Breton, la même année. Plusieurs voyages, une croisière en Méditerranée, un séjour à l'île de Sein, l'amour de Nush font des années 1931-1935 une des périodes les plus heureuses de la vie d'Éluard, malgré la montée du fascisme, malgré son exclusion du particommuniste. Nush, photographiée par Man Ray, modèle préféré de Picasso, devient la véritable égérie de ce groupe qu'on pouvait croire inséparable, mais le Front populaire et la guerre d'Espagne creusent le désaccord avec Breton. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, Éluard a beaucoup agi, jamais il n'a cessé d'être un intellectuel révolutionnaire, beaucoup écrit aussi. "Les Yeux fertiles" (1936) chante les deux faces du mystère bouleversant de la vie, l'amour et la poésie, et célèbrent la "Femme avec laquelle j'ai vécu, femme avec laquelle je vis, femme avec laquelle je vivrai, celle qui met "au monde un corps toujours pareil, le tien", celle en qui vient se mirer la nature. L'année 1936, celle où se tient à Londres l'exposition internationale du surréalisme, Éluard prononce à l'occasion une conférence: "l'Évidencepoétique." S'il y célèbre toujours le surréalisme, qui a travaillé à "réduire les différences qui existent entre les hommes", il appelle l'homme à s'emparer de "tous les trésors aussi bien matériels que spirituels qu'il entasse, depuis toujours, au prix des plus affreuses souffrances, pour un petit nombre de privilégiés aveugles et sourds à tout ce qui constitue la grandeur humaine" ; en même temps, il y définit le poète comme celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré.    "Pour la neige qui fond pour les premières fleurs. Pour les animaux purs que l’homme n’effraie pas. Je t’aime pour aimer." Ni sa mobilisation ni sa semi-clandestinité, à partir de 1942, ne tarirent l'écriture d'Éluard. En 1939, il composa la première partie de "Livre ouvert". En 1941, "Moralité du sommeil et "Sur les pentes inférieures". Ayant demandé sa réinscription au parti communiste clandestin, Éluard choisit de combattre avec ses mots: dans "Poésie et Vérité" paraît le fameux poème "Liberté", dont la diffusion massive par la RAF sur la France occupée fit de lui, un homme traqué, contraint de changer de nom et de changer aussi sans cesse de cache. Comme l'a bien compris Claude Roy, ce poème a fait brutalement d'Éluard, un mythe et pas seulement un type classique de "poète engagé." Éluard, compagnon de cette lutte, déduit la liberté de l'amour et le rêve collectif des foules du monde à travers son expérience personnelle. Dès 1940, des millions d'hommes et de femmes ont été véritablement amoureux de la liberté. Ils ont lu et compris "Liberté" comme on comprend une déclaration d'amour. Chargé de constituer dans la zone nord le Comité national des écrivains, Éluard regroupe autour de la Résistance Vercors, Jean Paulhan, Louis Aragon et Elsa Triolet, Jean Cassou, Jean Tardieu, Robert Desnos, Lise Deharme, et Lucien Scheler. L'activité résistante d'Éluard le conduit encore à consacrer beaucoup de force aux Lettres françaises, le journal de Jacques Decour et Jean Paulhan. Réfugié en Lozère, il publie sous le pseudonyme de Jean du Haut les "Sept Poèmes d'amour en guerre" (1943). "Au Rendez-vous allemand" (1944-1945) bouclera le cycle des poèmes de guerre. "Je t’aime pour toutes les femmes que je n’aime pas. Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu. Sans toi je ne vois rien qu’une étendue déserte." La poésie de guerre d'Éluard est une poésie engagée, vibrante de l'espoir que les coupables seront punis, simple aussi en ce qu'elle porte la parole d'un peuple humilié. En contrepartie, elle court le risque de devenir prêcheuse et partisane. Éluard le savait, qui répondit dans un texte des Poèmes politiques" (1948) à ses amis exigeants qui se détournaient de lui quand il chantait son pays entier comme une rue sans fin. Poésie ininterrompue, dès 1946, avait déjà esquissé ce travail d'autocritique sous la forme d'un dialogue avec l'amante, évoquant tous les risques: celui de la lassitude quotidienne. La figure lumineuse de Nush, son corps gracile écartaient alors cependant le danger. Mais hélas, la mort vint la frapper, en novembre 1946. Elle avait quarante ans. Bouleversé, désespéré, il voulut mourir. Aidé par ses amis, par l'écriture encore, il finit par accepter que Nush ne fût plus là. Ses derniers textes politiques, "Une leçon de morale", ainsi que son activité militante disent ce qu'il espérait de la fraternité. Éluard rencontra son dernier amour, Dominique, qu'il épousa en 1951 et en hommage à laquelle il écrivit son dernier poème d'amour, "le Phénix", l'oiseau magique, semblable au désir qui renaît perpétuellement. Il travaillait à son "Anthologie" sur l'art lorsqu'il mourut d'une crise cardiaque, le 18 novembre 1952. Malgré le clivage commode et largement décrit entre un Éluard surréaliste et un Éluard communiste, il existe une grande unité dans la vision politique et esthétique de ce poète faussement clair. Elle tient dans la volonté de maintenir ensemble ce qu'il est si tentant de séparer, l'amour et la révolution, le couple et la collectivité. Elle exige un incessant mouvement de va-et-vient et de partage, la volonté de concilier l'imaginaire et le réel, car l'imaginaire permet de refuser la stérilité, aussi bien dans la perspective artistique que dans la perspective politique. Le peintre et le poète sont bien de ceux qui donnent à voir. Ils éclairent le monde extérieur mais aussi leur monde intérieur, miroir individuel où l'universel vient se mirer.    Bibliographie et références:   - Nicole Boulestreau, "La poésie de Paul Éluard." - Marc Dachy, "Dada et les dadaïsmes." - Jean-Charles Gateau, "Paul Éluard ou le frère voyant." - Jacques Gaucheron, " Paul Éluard ou la fidélité à la vie." - Raymond Jean, " Paul Éluard par lui-même." - Laurent Jenny, "Surréalisme et espace psychique." - Jean-Claude Mathieu, "Inscriptions et écritures. Leiris, Éluard, Char." - Michel Murat, "Le surréalisme." - Louis Parrot, "La poésie de Paul Éluard." - Marcel Raymond, "De Baudelaire au surréalisme." - Robert D. Valette, "Paul Éluard."   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
429 vues 4 aime
Par : le 17/03/24
"La peinture ne célèbre jamais d'autres énigme que celle de la visibilité. Elle fait obstacle à la vision pour mieux capter l'invisible. Les hommes aiment le merveilleux, de quelque couleur qu'il soit ils courent ça et là, ils s'agitent,se tourmentent pour fuir l'ennui. Ils se précipitent et vont étouffer pour voir une tragédie qui les déchire, quoique bien souvent ils n'y gagnent que de funestes idées. On risque moins avec la peinture le remède est presque toujours plus près du mal". "On devrait toujours s’excuser de parler peinture" écrivait Paul Valéry. Les critiques s’en chargent avec plus ou moins de bonheur, les modestes forment une appréciation nuancée, les polémiques détruisent, les intellectuels ou réputés tels jargonnent. Pierre Igon (1922-2006) lui s’expri­mait peu, courtois et très discret il disait simplement "ça se regarde". Par ailleurs il ne donnait pas de titre à ses œuvres, ceux-ci sont souvent ajoutés a posteriori et ne constituent pas pour autant des légendes. Le visuel ne se laisse pas enfermer dans des mots, les réalités plastiques échappent à toute réduction. L’image n’est pas le symbole et le non-figuratif n’est pas la voie royale de l’abstraction. L’aventure de Pierre Igon est ainsi significative d’un parcours générationnel assez classique mais singulier. Quant à l’inspiration. C’est de l’observation aiguë de la nature, ou plutôt de la création qui n’a cessé de féconder ses productions, ses carnets de notes en témoignent: fleurs, plantes, insectes, curiosités géologiques, paysages des Pyrénées et d’ailleurs, qui méri­teraient toute notre attention. Cependant à partir de cette vision amoureuse du créé, Pierre Igon ne se contente alors pas d’une transcription réaliste ou naturaliste de ce qu’il perçoit car, au-delà des apparences formelles, il est parmi les peintres qui abstractionnent le réel c’est-à­-dire qui passent de l’image au symbole, cet art relève d’un travail progressif de stylisation et d’abstraction. L’objet existe d’abord, l’on en fait un signe ou un symbole, il cesse bientôt de devenir identifiable.Pierre Igon abstrait total ? Non mais plutôt non-figuratif avec le champ presque infini qu’ouvre cette perspective immense, lyrique, attentive au monde, à la création dans ses moindres détails réinterprétés et transfigurés.    "L’art est une abstraction, c’est le moyen de monter vers Dieu en faisant comme notre divin Maître, créer. Le seul réel dans l’art, c’est l’art. L’art, est à l’image de la création. C’est un symbole, tout comme le monde terrestre est un symbole réel du cosmos". Toutefois Pierre Igon ne serait-il pas un romantique moderne tant le sentiment de la nature, la création l’habitent, le hantent dans la multiplicité de son travail, le cosmos dans ses plus petits fragments, alvéoles, insectes, et animaux. Tous ces éléments paraissent parfois issus d’un microcosme et souvent traversés par des forces telluriques qui contribuent à la construction d’un univers plastique contrasté et librement structuré, les cernes noirs, la générosité des couleurs, la configuration des compositions souvent très centrées. En 2006, à Toulouse, la galerie Tiny Factory n’a pas voulu organiser une véritable rétrospective mais plutôt faire quelques choix d’atelier significatifs, pour respecter la mémoire d’un peintre qui aurait pu connaître une plus large audience si les mondanités circonstancielles l’avaient davantage servi. Sa modestie l’a peut-être desservi. Mais sa peinture est là, d’une force rayonnante, d’une solidité édifiante qui résistera au vent des modes. L’exposition de 1987 au musée des Augustins témoignait de l’ampleur de son œuvre. Des critiques d'art ren­dent compte avec pertinence de la complexité de cette œuvre polymorphe dont il ne faut pas négliger la dimension religieuse. Certes Pierre Igon incarne magnifiquement tout un courant d’art multiforme (1950-1980) issu des années quarante qui a alors perduré et dominé jusqu’en 1970 mais dont les prolongements continuent encore de nos jours avec de beaux éclats. S’il n’y a pas chez Igon l’inquiétude théorique d’une pureté du pictural par la seule raison que sa pensée ne peut être que picturale, il y a constamment l’in­terrogation de la tradition, du pictural et du sacré. Aujourd’hui avec de telles œuvres et de telles interrogations, Igon est de ceux qui témoignent à leur créneau de la vitalité d’un art dont il assure le devenir et l’avenir. "Plus l’art voudra être philosophiquement clair plus il se dégradera alors et remon­tera vers le hiéroglyphe enfantin plus au contraire l’art se détachera de l’enseignement et plus il montera vers la beauté pure et désintéressée", écrivait Charles Baudelaire. Pierre Igon semble en avoir fait son credo.   "L'art, c'est la création propre à l'homme. L'art est le produit nécessaire et fatal d'une intelligence limitée, comme la nature est le produit nécessaire et fatal d'une intelligence infinie. L'art est à l'homme ce que la nature est à Dieu". Trente années de peinture. Quand il s’agit de Pierre Igon, cela suffit largement à faire une œuvre. Non point tant pour des raisons quantitatives. Pas un amateur d’art, sans doute, n’a attendu cette rétrospective, et l’accumulation que forcément elle propose, pour savoir qu’Igon portait en lui un monde, qu’au fil des ans, patiemment, obstinément, silencieusement, il le faisait accéder à l’existence visible. Qui n’a pas compris, il y a aujourd'hui trois quarts de siècle, que ce peintre secret et discret était doué d’une force créatrice implacable ? Que pour sa part il n’attendait rien du monde extérieur, ni des modes, ni du regard d’autrui. Que cet homme infiniment civil, à la courtoisie toujours calme et souriante, et fort peu loquace, surtout devant sa peinture, poursuivait sans ostentation un grand rêve intérieur. Un rêve dont on ne pouvait rien dire, dont il n’y avait rien à dire, avec les mots, qu’ils fussent quotidiens ou savants. Mais dont lui-même élaborait les signes propres à le révéler. Qui n’a peu ou prou senti très vite qu’Igon se livrait, palette en main, à une alchimie de l’indicible, qui pût lui permettre de dresser de toile en toile rien d’autre que le cadastre de son intériorité ? Il aurait pu, certes, ne pas tenir ses promesses premières. On se souviendrait alors de lui comme d’un talent éphémère. À l’inverse, comme devant toute rétrospective d’un artiste vivant, il y a quelque danger à s’abandonner à la contemplation d’un univers qu’on pourrait croire achevé, définitivement clos sur lui-même, alors qu’il demeure gros, évidemment, de tout son futur et que dans le temps même qu’on espère le saisir enfin d’un seul regard, on voit bien qu’il est toujours porteur d’une immense part d’insaisissable. Nous sommes dans un domaine où chaque instant retentit constamment sur le passé. À la lumière de ses toutes dernières œuvres, on regarde alors quelque peu différemment celles des années cinquante et soixante. L'artiste a sans cesse évolué.   "La peinture est un art, et l’art dans son ensemble n’est pas une création sans but qui s’écoule dans le vide. C’est une puissance dont le but doit être de développer et d’améliorer ainsi l’âme humaine". Tout comme ces dernières éclairaient a posteriori les toiles figuratives des années antérieures. Igon affectionnait avant la représentation de crânes et d’animaux écorchés. Dans une harmonie volontiers sourde, des cernes vigoureux aimaient affirmer les formes. On aurait pu croire qu’on avait affaire à un peintre animalier tenté par un misérabilisme à la Buffet. Et voici que les dernières toiles nous contraignent à orienter différemment notre regard. Le passage d’Igon à l’abstraction n’a fait que donner de la force à ses signes dont l’ossature noire des graphismes s’apparente assez à des figures mystérieuses de peintures rupestres ou de totems. L’essentiel, dès 1953, c’était déjà les cernes, non les crânes. Initialement, au cœur des problèmes liés à la psychologie de l’art se trouvent les lois de la perception artistique, qui sous-entendent que l’image véhicule du contenu et du sens, tandis que la forme de l’œuvre, en stimulant l’apparition des émotions, favorise la perception à travers l’identification de l’auteur et du spectateur, l’identification de leurs images, ainsi que la fusion des sens et du vécu esthétique. Dès lors, l’apparition de l’art abstrait peut être envisagée comme un phénomène entièrement nouveau. Du point de vue du rapport de la forme et du contenu, il se distingue profondément même des orientations de ce qui a été désigné par "l’art pour l’art". La principale différence est qu’en ce qui concerne le contenu, le signe objectif, le sens, n’est plus au premier plan, désormais occupé par une symbolique subjective et impénétrable sauf aux initiés. Aussi la forme extérieure acquiert-elle un rôle indépendant, souvent prépondérant. Le mot latin "sensus" est habituellement traduit par sensation, perception, sentiment, et le mot "abstraho" par abstraire, extraire, tirer de. Ainsi, l’action d’abstraction se comprend-elle alors comme l’extraction d’un élément ou d’un groupe d’éléments issus d’un objet appréhendé par les sens, suivie d’un examen mental de ces éléments.    "L’art véritable n’est pas seulement l’expression d’un sentiment, mais aussi le résultat d’une vive intelligence. L’œuvre d’art n’est pas le reflet, l’image du monde, mais elle est à l’image du monde". Les penseurs de tout temps et de toute origine ont longuement étudié, débattu et approfondi ces questions situées au croisement des disciplines, mais aucun n’a pris en considération un fait pourtant simple et connu, dont l’examen aurait obligé à reconsidérer entièrement le cœur du problème lié à l’étude de l’intellect, et plus généralement de la réflexion et de la perception. Il s’agit de l’apparition du langage chez l’enfant. Mais ce n’est certainement pas le lieu de remettre sur le tapis le vieux débat abstraction-figuration, d’autant que dès qu’on le soulève, c’est en général pour conclure que c’est un faux débat. Il n’est peut-être pas sans intérêt quand même d’aborder l’univers de Pierre Igon en le replaçant dans les conditions qui l’ont vu éclore, en le jaugeant ainsi d’abord par l’impact qu’il eut sur le premier public appelé à voir cette peinture. Il est certain qu’en 1952, dans une ville comme Toulouse, sa nouveauté était quasi-totale. Non parce qu’il s’agissait d’une peinture "abstraite", mais d’une certaine "abstraction". Elle avait d’emblée le handicap de toutes les connotations du mot "abstrait", celui-ci évoquait d’autant plus un art combinatoire purement formel s’adressant à la cérébralité, non à la sensibilité, que la notion de "peinture abstraite" renvoyait en priorité à l’abstraction géométrique, faute d’une information qui fut à la mesure exacte de son époque. On percevait assez mal alors que cette peinture-là aurait pu tout aussi bien s’appeler "concrète", du moment qu’à défaut d’être un dialogue avec le monde extérieur, la nature, les objets, comme on voudra, elle n’en était pas moins une empoignade avec ces données sensibles et tout à fait réelles, objectivement réelles, que sont les couleurs, les formes de la toile.    "En art, il faut croire avant d'y aller voir. Je ne fais ni de l’art pour l’art, ni de l’art contre l’art. Je suis pour l’art, mais pour l’art qui n’a rien à voir avec l’art, car l’art a tout à voir avec la vie". Il n’est pas tout à fait vrai de dire qu’une toile "abstraite" n’a pas de "sujet", puisque son sujet c’est elle-même. Les premières peintures non-figuratives d’Igon apparurent donc à Toulouse dans un contexte somme toute assez peu favorable. Et, le contraire eût été étrange, elles suscitèrent quelques polémiques. Mais lors même qu’un assez large public était encore hostile ou indifférent à la non-figuration, qu’on vît en elle imposture, provocation, ou facétie, et, dans tous les cas, barbouillage, les toiles d’Igon imposèrent à tous, spontanément, le respect. L’œil était certes souvent perplexe, mais admiratif aussi. Il y avait là une qualité de facture qui ne mentait pas. Une beauté rayonnante qui désamorçait alors toute velléité de raillerie. Par-dessus tout, un climat qui piégeait le cœur tout autant que le regard. Beaucoup ont alors perçu pour la première fois avec autant de netteté, que le mystère à l’état pur pouvait être ainsi une dimension de l’art. Que "comprendre" une toile n’était alors pas nécessairement déchiffrer ce qu’elle est censée représenter, ou raconter. Que ce peut être, aussi, se laisser simplement envahir par ce pur objet qui s’appelle la toile et n’indique ni ne signifie rien d’autre que lui-même. Il faut dire que cette peinture avait tout pour plaire. Des matières raffinées jouant voluptueusement sur des bruns chauds et sur des mordorés. Des contrastes subtils de valeurs, où des formes sombres et floues émergeaient de plages claires et comme embuées. Un espace tout à tour opaque et aéré, qui se reflétait pour ainsi dire constamment sur lui-même sans jamais déboucher sur une réalité saisissable, un climat de poésie évanescente, jamais mièvre pourtant, car le graphisme était toujours très soigneusement structuré.    "Ce qui importe par-dessus tout dans une œuvre d’art, c’est la profondeur vitale de laquelle elle a pu jaillir. Une œuvre d’art a un auteur, et pourtant, quand elle est parfaite, elle a quelque chose d’essentiellement anonyme. Elle imite l’anonymat de l’art divin. Ainsi la beauté du monde prouve un Dieu à la fois personnel et impersonnel, et ni l’un ni l’autre". Ses toiles des années soixante avaient tout pour être, au sens classique des mots, de la belle peinture, séduisante et par elle-même très émouvante. Tout. Sauf le sujet. Et pourtant. L’ultime clé, croit-on, de son pouvoir de fascination, c’est qu’elle restait de la peinture "évidente". Même si elle ne se réfère plus au contexte trop lisible des apparences, on la sent longuement portée et habitée par l’artiste, et jaillie dans une nécessité impérieuse et informulable en termes de raison. Igon ne s’est jamais départi de ce souci, peut-être totalement inconscient, d’évidence plastique qui, alors à l’opposé de toute construction intellectualiste, confère à chacune de ses toiles une sorte de vérité organique, en fait un être autonome pleinement achevé, se suffisant à lui-même, enfermant ainsi dans ses limites la totalité de sa propre et nécessaire organisation interne. Il suffit de voir comment d’apparents déséquilibres de formes, avec des mises en page alors presque acrobatiques, se replient, se bouclent en quelque sorte sur eux-mêmes pour retrouver un équilibre supérieur et comme idéal. Evidence formelle et évidence de l’expression se sont toujours, chez lui, confortées l’une l’autre. C’est pourquoi sans doute, et dès 1960, le regard se sentait sécurisé, comblé, par cette peinture qui, si elle ne donnait rien d’autre à voir que les couleurs, la lumière et les formes, appelait pourtant une "lecture", sollicitait du regard qu’il erre, circule, revienne et reparte,se pose alors ici, puis se faufile ailleurs, un peu comme devant la représentation d’un simple paysage.    "Avant l’œuvre, œuvre d’art, œuvre d’écriture, œuvre de parole, il n’y a pas d’artiste, ni d’écrivain, ni de sujet parlant, c’est la production qui produit le producteur, le faisant naître ou apparaître en le prouvant". Il y a toujours un moment où une image quelconque, abstraite ou hasardeuse, un nuage, une tache au plafond, la lézarde d’un mur, finit par "prendre", devient la représentation de quelque chose. Les premières toiles non-figuratives d’Igon se donnaient comme si "évidentes" que maintes d’entre elles pouvaient renvoyer, involontairement sans doute, à une nature que le peintre aurait rêvée, plutôt que de la décrire. Une sorte de pesanteur structurelle des moyens mis en œuvre tirait cette peinture vers une représentation vague, lointaine, purement allusive certes, disons, sur un terrain que l’œil trouvait malgré tout familier. Bref, il y avait, dans ces symphonies fugitives, d’une tristesse souvent automnale et féerique, à la flamande, quelque chose d’aussi poignant et d’aussi naturel que la nature. Et très vite, une nouvelle décantation s’est opérée. Sans renoncer à ce que sa peinture conserve son atmosphère propre et soit l’expression spécifique de sa sensibilité, Igon, de ce qui était jusqu’ici sa manière, a dégagé son écriture. Il a sacrifié le clair-obscur et le flou au profit d’un espace de plus en plus rigoureusement plan, qui laissait de moins en moins de place au trompe-l’œil. Et qui devint à la limite la pure page blanche sur laquelle allait s’inscrire un pur langage de signes. Naquit alors sous son pinceau ce vocabulaire étrange fait de couleurs et de traits noirs, souples et puissants qui savaient conserver le dynamisme du geste qui leur avait donné naissance. Signes plastiques qu’il fallait chaque fois articuler les uns sur les autres, et organiser en un tout cohérent qui, sans jamais répéter la toile d’avant, entretienne avec elle une évidente parenté. Infinies créations, créatrices chacune de son propre absolu, tout en exprimant chacune le même au-delà, le même rêve intérieur qui leur donnait corps et nécessité. Il est à noter que très peu de ses œuvres sont figuratives.    "Toute grande œuvre d’art est le fruit d’une humilité profonde. La pensée sort de l’œuvre, et jamais une œuvre ne sort d’une pensée. Nulle découverte n’a jamais été faite par déduction logique, aucune œuvre d’art sans calcul, ni métier; dans l’une comme dans l’autre interviennent les jeux émotifs de l’inconscient". C’est alors qu’on vit apparaître la large calligraphie d’Igon, ses signes noirs ou couleur de rouille inscrits sur de vastes fonds blancs, rouges ou beiges. Ses formes arrondies au puissant chromatisme, closes, bloquées, comme prisonnières de grilles imaginaires ou d’un filet dont les mailles ne laisseraient échapper que des taches de couleurs et des traces impalpables de gestes. La toile se concentre parfois sur un noyau complexe, sur une zone apparemment chaotique ancrée sur une grande plage calme. Elle éclate parfois en véritables mouvements browniens. Les détails s’enchaînent et s’articulent comme des pattes ou des mandibules d’insectes. L’espace s’étale librement à l’infini, pour mieux laisser se condenser des agglomérats d’une matière imaginaire où la moindre tache colorée se charge d’un poids considérable. Les cernes peuvent se briser, le geste peut devenir très ample, les formes éclater à leur tour, c’est toujours, de toile en toile, le développement d’un langage qui s’invente, se découvre alors lui-même constamment en s’écrivant. Un langage chiffré, bien sûr, à ceci près qu’il n’y a pas à le déchiffrer. Car il est sa propre magie, elle se suffit à elle-même. Ce n’est pas un hasard si, quand il fait de la sculpture, par adjonction d’éléments, d’ailleurs, et non par taille du matériau, ou quand il peint sur des cylindres, ce qui pour lui revient presque au même, Igon rejoint spontanément le langage totémique. Il aimait travailler aussi sur des matériaux bruts.    "Le but de l’art, c’est la délectation. L’art conserve la mémoire d’une grande beauté. Toute habilité dans un art quelconque mérite des éloges". Sa peinture a toujours été le verbe silencieux de quelque incantation, la mise à plat de quelque cérémonial à la fois somptueux et inconnu. C’est pourquoi, quand on parle à son propos de"signes", mais il ne faut pas songer seulement au sens strict du terme, au côté "caractères chinois" que son graphisme eut au début de sa carrière. La couleur aussi est signe pour lui, et ce n’est pas un hasard non plus s’il n’a que progressivement élargi la palette sourde de ses débuts. Il l’a fait avec circonspection, presque avec crainte, en s’y préparant longtemps en tout cas, passant des camaïeux bruns et or, au blanc, au rouge et à l’ocre, puis au bleu, beaucoup plus tard encore au vert. Comme si chaque couleur recelait en elle quelque sortilège avec lequel on ne joue pas impunément, quelque secret pouvoir qu’il faut dompter, maîtriser, avant de le libérer sur la toile. Si Pierre Igon a fui très tôt le monde réel et ses apparences, puis s’il a dépouillé sa peinture de tout ce qui pouvait y renvoyer par glissement vers l’illusion ou l’allusion, ce fut à coup sûr pour aller au-delà de ce réel, pour explorer une "terra incognita", forcément irrationnelle et subjective, mais dont il savait bien, puisqu’il est peintre, qu’elle n’a pas d’existence hors du geste de peindre. Chacune de ses toiles balise son itinéraire intérieur. À ceci près qu’ici le chemin n’a d’autre réalité que ses propres jalons, il ne leur préexiste pas. Ainsi a-t-il révélé à elle-même, en la construisant, son œuvre. Un monde plastique parfaitement autonome, replié sur ses propres secrets, mais constamment ouvert sur son propre enrichissement, un monde impénétrable parce qu’il est porté par un langage hermétique, au sens originel du terme, fascinant justement pour cela, doué d’un trouble et puissant pouvoir émotionnel parce qu’il a su donner forme et couleur aux plus indicibles pulsions de l’imaginaire. Ce pionnier nous quitte le cinq juin 2006, à l'âge de quatre-vingt-trois ans.    Bibliographie et références:   - Jean Anciaume, "Pierre Igon, le peintre discret" - Hélène Minaux, "Pierre Igon, le magicien des couleurs" - Maurice Pezet, "L'art abstrait de Pierre Igon" - Pierre Descargues, "Un génie méconnu, Pierre Igon" - Jean-Claude Lamy, "L'obscession des couleurs de Pierre Igon" - Yann Le Pichon, "Un pionnier nommé Pierre Igon" - Claude Roger-Marx, "Cent tableaux de Pierre Igon" - Michel Roquebert, "Pierre Igon, le précurseur de l'abstrait" - Paul Dumas-Ricord, "Pierre Igon, le cadastre d’une intériorité" - François de Valence, "Mon ami, Pierre Igon" - Charles Sorlier, "Pierre Igon, et la jeune école toulousaine" - John Sillevis, "Pierre Igon, ou la magie de l'abstraction"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
338 vues 5 aime
Par : le 16/03/24
Nathalie la douce ingénue : chapitre 4   CHAPITRE 4    : LA JOURNEE DE SHOPPING     Le lendemain matin à peine arrivée à l’école, Gustave le concierge me signifia que Mademoiselle Pinbal désirait me voir. De suite. Une sourde angoisse m’étreignit. Cela devait forcément avoir un rapport avec Maître Julian. Que pouvait-elle bien me vouloir ? Un sinistre pressentiment m’envahit. Après tout je m’étais conduit comme une petite gourde en entrant dans son jeu. Qu’aurais-je comme excuse ? J’avais accepté de venir en dehors des heures de bureau, de me déguiser en petite écolière aguicheuse et j’allais me plaindre après des conséquences de mes actes ? Comment pouvait-on être aussi naïve ? Et si après s’être ainsi amusé avec moi il avait décidé de ne pas m’embaucher ? Si tel était le cas j’aurais tout perdu, ma dignité et mon boulot.   En toquant à la porte du bureau de la directrice, mon cœur se mit à battre plus fort. « Entrez » Sa voix résonna étrangement dans le couloir vide.   « Ah ! c’est vous Nathalie » Elle m’accueillit avec un grand sourire et visiblement elle semblait d’excellente humeur.   « Alors racontez moi, comment c’est passée cette première journée chez Maître Julian ? »   « Heu, bien  » bafouillais-je mal à l’aise. Elle reprit d’une voix suave.   « Rassurez-vous il est content de vous. Bien sûr il vous faudra travailler dur pour réussir. Mais vous lui plaisez. Je me suis laissé dire qu’il avait déjà commencé votre entraînement » Et elle sourit d’un air entendu. Elle savait. Cette garce savait tout. J’en étais sûre. Ils devaient être complices et elle se délectait de la situation. La petite rebelle que j’étais avait été matée. Et avec quelle facilité. Je m’étais rendue presque sans résistance lui offrant mon  corps en  prime. Je rougis à cette pensée. Le souvenir de son dard butinant mon calice, me revint en mémoire. Et plongée dans mes souvenirs, je sentis au plus profond de moi les frissons du plaisir qui nous avait enveloppés et insensiblement ces moments remontaient à la surface comme une vague submergeant tout sur son passage. Cette pimbêche pouvait imaginer tout ce qu’elle voulait, je savais que quelque chose de plus puissant qu’un simple accouplement nous avait réuni. Elle poursuivit inconsciente de l’état d’excitation dans lequel je me trouvais. « Bien entendu vous n’oubliez pas que la première qualité d’une secrétaire est d’être discrète. Et nous le sommes toutes les deux. N’est-ce pas ? »   Je ne répondis pas l’esprit ailleurs, me contentant d’hocher la tête.   « Ce matin vous n’irez pas en cours. Ce cher maître m’a confié le soin de renouveler votre garde-robe. Nous allons donc faire un peu de shopping comme deux amies. » Et elle sourit à nouveau. Elle était effectivement de très bonne humeur.   Mademoiselle Pinbal avait du shopping une idée très précise. Pas question d’aller au petit bonheur la chance. Elle avait ses boutiques et ses habitudes. Dans chacune d’elles les vendeuses se précipitaient à sa rencontre empressées et mielleuses. « Bonjour Mademoiselle, quel plaisir de vous revoir. Que puis-je faire pour vous ? » Elle les repoussait gentiment. « Non, non ce n’est pas pour moi que je viens, c’est pour elle. » Et tous les regards se tournaient vers moi. Elle expliquait. « Voyez-vous, il faut me la transformer ou plutôt me la métamorphoser » Elles adoptaient une mine de circonstance. « Des tenues classiques, discrètes, faciles à porter avec une petite touche d’originalité… » On lui présenta des tailleurs stricts qui allaient me faire prendre 10 ans d’un seul coup. Mais elle ne s’en laissait pas compter. La sûreté de son jugement m’étonna.   «  Non, c’est trop fade vous n’avez pas quelque chose de plus… »   D’essayages en essayages, j’ai du enfiler d’innombrables tenues. Mademoiselle choisissait pour moi. Elle aimait assortir les couleurs, sélectionner les matières afin de composer des ensembles originaux et de qualité, adaptés à ma personnalité. A aucun moment elle ne regarda les prix. Nous sortîmes. J’étais habillée de pied en cap. « Voyons Nathalie, c’est un excellent début de quoi allons nous occuper maintenant ? » « Je ne sais pas il me semble que c’est parfait » « Mais non voyons, qu’est ce qui chez une femme devient si important dans certaines circonstances ? » Je restais sans voix. «  Je veux parler bien évidemment des dessous, de la lingerie fine. Nous y allons de ce pas. »   La boutique dans laquelle elle m’entraîna était discrète. Une atmosphère feutrée y régnait. La patronne vint à sa rencontre et elles s’embrassèrent comme deux amies. C’était une très belle femme d’environ 40 ans. Une silhouette mince avec des formes généreuses habilement mises en valeur. Après avoir parlé des derniers événements qui faisaient l’actualité de notre ville, Mademoiselle Pinbal dit simplement. « Je viens pour la petite » Son amie m’observa attentivement avec un sourire attendri. «  Je vois , il faut la rendre plus… » Elle s’adressa à moi d’une voix douce et sensuelle. « Venez un peu par ici mademoiselle, marchez. Encore. Stop  c’est bien restez ainsi » Je ne bougeais pas intriguée. Je n’avais jamais été ainsi examinée, soupesée, évaluée par un regard féminin et je n’accordais que peu d’attention à mon physique. « Comment la trouvez-vous ? » interrogea Mademoiselle Pinbal « Intéressante elle a quelque chose de séduisant, il faut mettre sa silhouette en valeur » Mademoiselle Pinbal suggéra. « Pensez-vous qu’un corset ? » « Certainement sa taille s’y prête à merveille. Nous allons voir cela » Puis se tournant vers moi « Soyez assez aimable de vous déshabiller » Une fois de plus je me retrouvais en sous-vêtements. « Quelle affreuse culotte, elle vous abîme la peau. De grâce, ôtez-la. Votre soutien-gorge aussi » Nue devant les deux femmes je cachais pudiquement ma poitrine et mon sexe. Elle s’approcha de moi intriguée. « Oh ! s’exclama-t-elle lorsqu’elle aperçut les traces roses qui coloraient mes fesses, elle a été… » Mademoiselle  prit la parole « Juste une petite fessée, vous savez comment sont les jeunes, il faut bien parfois les corriger. Mais elle sera sage maintenant. » Je baissais les yeux ne sachant plus où me mettre. Son amie était visiblement intéressée et elle passa délicatement sa main sur mon derrière. Je sursautais involontairement sous la caresse. L’endroit était encore sensible. A la vue du  corset que l’on me voulait me faire essayer, je faillis éclater de rire. C’était un accessoire que je croyais relégué au musée. Elles ne s’imaginaient quand même pas que j’allais m’exhiber ainsi ailleurs que dans ce lieu. Mais lorsqu’elle me le mit et serra au maximum les lacets , j’en eus le souffle coupé. Ma taille avait rétréci de plus de 10 centimètres et mes seins et mes fesses semblaient projetés vers l’extérieur. Mes formes qui d’ordinaire n’attiraient pas un regard devenaient le point de mire, ma féminité si profondément enfouie en moi prenait sa revanche et s’exposait au grand jour. Je respirais avec peine par petits à coups. « Cela la met véritablement en valeur » dit-elle d’un air satisfait. Elle me jeta un regard et devant ma mine défaite reprit. « Saura-t-elle apprécier ? » « Elle non, mais lui oui » répondit simplement Mademoiselle Pinbal. « Marchez. Pas si vite. Il va falloir lui apprendre à se déplacer avec grâce, vous n’enseignez pas cela dans votre école ? » « Hélas, ce n’est plus au programme ». Une pointe de regret perçait dans sa voix. « Je pourrais peut-être m’en occuper. En me servant de certains arguments, je pense que l’on pourra faire de cette petite sauvageonne une véritable perle » « Pourquoi pas ? j’y songerai » répondit Mademoiselle avec un clin d’œil malicieux en ma direction. Je ne goûtais absolument pas cette allusion. Mon supplice ne s’arrêta pas là. Elles entreprirent de me vêtir d’un porte-jarretelles et de bas. Encore des accessoires qui m’étaient inconnus et que je croyais réservé à des femmes de peu de vertu. Mais étais-je bien placée pour penser cela ? Pour les slips et soutien-gorge le choix fut difficile. Finalement elles optèrent pour des modèles simples, sans frous-frous ni dentelle. La soie me fut refusée sous prétexte de ma jeunesse. Je soupçonnais Mademoiselle, de ne pas retenir certains modèles, sous le fallacieux prétexte de  conserver mon innocence. Il est certain qu’elle désirait conserver certaines prérogatives. Mon rôle était de jouer la petite écolière punie. Le sien d’être la maîtresse femme. Etait ce convenu avec son ami ? Car cela paraissait certain nous partagions le même amant. Lorsque je fus parée de tous ces dessous elles me firent me déplacer, me pencher. Il m’était impossible de me courber sans ressentir dans ma chair le corset qui me maintenait le dos droit. Une magnifique illustration de l’expression, souffrir pour plaire. Ainsi parée la cambrure de mes reins faisait saillir ma croupe et elles s’extasièrent devant cet impudent spectacle. Les nombreux miroirs disposés dans la boutique renvoyaient l’image d’une jeune fille délicieusement perverse. Et cette jeune fille c’était moi. Puis  elle m’entraîna dans un magasin de chaussures. A peine arrivées, on  me fit essayer des escarpins. Juchée sur des talons aiguilles de 8 centimètres, je tentais maladroitement quelques pas et faillis me tordre la cheville. Devant mon incapacité à marcher avec élégance. Mademoiselle se résolut à procéder par étapes. Elle se contenta de me choisir une délicieuse  paire d’escarpins de 5 centimètres et nous quittâmes la boutique. Sur le pas de la porte elle me promit avec un grand sourire de m’y ramener bientôt.     Elle avait l’air de beaucoup s’amuser et en quelques heures elle avait réussi à bousculer pas mal de mes habitudes et à ébranler quelques unes de mes certitudes. Moi d’ordinaire si fière, j’acceptais d’être réduite au rôle de jouet entre leurs mains. Mais avais-je le choix ? Et inconsciemment cela ne correspondait-il pas à un fantasme de ma part ?   Je pensais sincèrement en avoir terminé avec toutes ces épreuves. Mais Mademoiselle Pinbal n’était pas de cet avis. « Nathalie on se dépêche, on a rendez-vous dans 10 minutes chez l’esthéticienne. » Nous avancions au pas de course slalomant entre les flâneurs. Le cabinet de l’esthéticienne se trouvait à 200 mètres entre une banque et un coiffeur. Essoufflée je ne rêvais que d’une bonne douche et d’une boisson fraîche. Mais Mademoiselle m’entraîna par le bras dans le magasin. Nous fûmes chaleureusement accueillies et aussitôt introduites dans un petit boudoir. Deux jeunes filles nous rejoignirent. Elle leur demanda de me prodiguer le programme de soins complet. « Soins du visage manucure et épilation. » acquiesça la brunette qui paraissait être la plus qualifiée. Les deux employées devaient avoir sensiblement mon âge. Maquillées et coquettes elles étaient jolies. Leur blouses blanches cachaient des fruits qui ne demandaient qu’à être cueillis. Au moment où je me fis cette réflexion je rougis de mes pensées. Que m’arrivait-il ? Moi d’ordinaire si prude, cela ne me ressemblait si peu. Légèrement intimidée je pris place dans un confortable fauteuil. Pour la première fois de ma vie j’allais être traitée en dame et cette idée me plaisait. Pendant que l’une étalait avec délicatesse une crème nourrissante  sur ma frimousse, l’autre s’empara de ma main. Elles s’appliquèrent et le temps passa agréablement. Mon visage fut nettoyé, revitalisé. Elles allèrent même jusqu’à m’appliquer un soupçon de maquillage qui soulignait mes yeux et coiffèrent mes longs cheveux. J’étais totalement sereine profitant de ce véritable moment de bien-être et de relaxation. Sans transition elles commencèrent à préparer la cire pour l’épilation. Je me déshabillais ne gardant que mes sous-vêtements et m’allongeais sur une table de travail. Mes aisselles, mes jambes, mes cuisses furent l’objet de leurs soins attentifs puis elles s’attaquèrent au haut du maillot. Je sursautais lorsque Mademoiselle Pinbal dit d’une voix ferme. « Pas juste le haut du maillot. Epilez la intégralement » Je tentais de protester mais son regard m’arrêta. Gênée, je dû sous leurs regards ôter mon slip et leur dévoiler mon intimité. Gentiment mais fermement elles entrouvrirent mes cuisses et ainsi leur permettre d’accéder à cet endroit où la femme est la plus sensible. La cire chaude appliquée sur les bords de mon petit abricot provoqua une sensation fulgurante de brûlure. Mais le pire était l’arrachage. Pratiqué d’un coup sec la douleur me faisait pousser de petits cris. Inlassablement elles répétaient l’opération s’approchant de plus en plus près de mon minou. Elles saisirent les lèvres et entreprirent de les dénuder dévoilant d’une manière indécente l’intimité de mon calice. Ce supplice semblait ne jamais devoir finir. Tout mon bas ventre était en feu. Mes deux mains  serraient les accoudoirs jusqu’à ce que mes doigts deviennent blancs. Intérieurement je maudissais Mademoiselle d’y assister. Puis on me mit sur le ventre et les deux employées s’échangèrent un regard lourd de sous-entendu à la vue de mes fesses ornées des marques de ma punition. Je fuyais leurs regards. Prudemment elles ne firent aucun commentaire. Mais je constatais qu’elles redoublaient d’attention et même le fin duvet de mes fesses fut soigneusement éliminé. Puis elles me lavèrent délicatement afin d’éliminer toutes traces et sourirent satisfaites à la vue de ma nudité intégralement dévoilée. Lorsque ce fut terminé, Mademoiselle ravie, accentua encore mon humiliation en me demandant de bien écarter afin de pouvoir contrôler. Elle passa longuement un doigt sur les bords de ma fente afin de juger de la qualité du travail effectué. Satisfaite, elle me complimenta sur la douceur de ma peau. J’étais aussi nue qu’au jour de ma naissance et je me sentais totalement vulnérable. Puis Mademoiselle les pria d’oindre mon intimité meurtrie et mes fesses zébrées d’un onguent à base de plantes. Elles l’appliquèrent avec une douceur empreinte de sensualité. Effleurant mon intimité comme deux papillons butinant délicatement le calice d’une fleur. Je m’abandonnais à leurs mains expertes profitant pleinement de cette récompense. Ce doux massage relaxant  calma le feu de la douleur et fit même plus. Mon sexe béant semblait implorer un mouvement plus hardi. Je vis le regard de Mademoiselle se troubler devant ce spectacle, et elle devint songeuse. A regret elle les pria d’interrompre la séance et peu après nous sortîmes. L’après-midi était déjà bien entamée et nous n’avions rien mangé. « Et si nous allions grignoter Nathalie ? » proposa-t-elle d’un air gourmand J’avais faim et j’acquiesçais. Tous ces événements avaient aiguisés mon appétit et mes sens. Elle m’entraîna dans un petit restaurant charmant où vu l’heure tardive nous étions seules. Après avoir commandé deux salades composées elle dit. « Vois-tu Nathalie tout cela doit te sembler un peu étrange et pourtant … » « Et pourtant … » répétais-je interrogative suspendant le mouvement de la fourchette. « As-tu déjà été fessée par un de tes amants ? » « Oh  non jamais, aucun n’aurait osé ! » m’exclamais-je véhémente. Elle sourit. « Et tu as aimé  être fessée par Julian? » « Aimer n’est pas le mot. Non cela fait mal » Je me tortillais sur ma chaise à ce souvenir. « Pourtant tu as pris du plaisir » « Après oui mais pas pendant » et j’évitais son regard. Après un long silence je demandais. « Puis-je vous poser une question Mademoiselle ? » « Bien sûr Nathalie ne sommes nous pas amies ? » Je pris ma respiration et posais la question qui me brûlait les lèvres. « Etes-vous sa maîtresse ? » « Oui si tu veux on peut le dire comme cela, on se connaît depuis de longues années.» « Mais alors ? » « Pourquoi ne suis-je pas jalouse ?  Au contraire j’aime lui offrir des cadeaux. Et tu es un très beau cadeau. Je te choque ? » « Je ne sais pas c’est tellement inattendu… » « Tu comprendras un jour, l’amour emprunte différents chemins». Ainsi elle l’aimait, et moi pensais-je quels étaient mes sentiments pour Julian? En étais-je amoureuse ? Et si notre liaison dépassait le stade d’une simple passade accepterais-je aussi facilement de le partager sans vouloir le posséder pour moi seule ?     En quittant Mademoiselle Pinbal, je rentrais directement chez moi. La journée de shopping m’avait épuisée et c’est avec délectation que je plongeais dans un bain chaud et moussant. Sur le coup des huit heures mon petit ami arriva. Je le reçus en peignoir. A peine installé, il voulut me faire l’amour mais je prétextais une dure journée pour refuser. J’étais épuisée mais en vérité je ne voulais pas montrer mon sexe imberbe et devoir lui fournir des explications. Il partit fâché.  Je ne fis rien pour le retenir.   Cette nuit là je fis un rêve étrange. C’était l’heure où la pâle lumière plongeait le lointain dans une douceur amère. L’heure de l’amertume où les désirs s’éveillent, au battement des vagues qui se meurent sur la grève. S’amusant à éviter les objets qui roulent à ses pieds et déposés par l’océan en offrande, une fille court le long de la plage déserte. Un épagneul la devance, et de temps en temps elle lui envoie un morceau de bois qu’il attrape et lui ramène. Elle est vêtue d’une jupe noire très ample, ses cheveux blonds retombent sur ses épaules, et un T-shirt blanc dissimule deux petits seins pointus. Soudain lassée de ce jeu elle se laisse tomber sur le sable et s’étire le corps cambré, comme en offrande au soleil levant. L’épagneul tourne autour d’elle, son morceau de bois dans la gueule l’incitant en vain à reprendre le jeu. Elle le taquine et ses aboiements se mêlent à son rire. Apparemment résigné, le jeune chien se couche à ses pieds et les lui lèche. Elle le laisse faire et pendant ce temps sa main s'égare entre ses cuisses et elle se caresse doucement… Le lendemain je me rendis à mon travail pleine d’entrain et curieusement ma tenue ressemblait étrangement à celle portée par l’adolescente dans mon rêve.  
837 vues 5 aime
Par : le 13/03/24
"En maillot de bain sur la plage, télescope en main, l’assassin, par un heureux hasard, repéra Marie et sauta alors dans une barque de location. Vois, la maison approche, ses neuf fenêtres ouvrent et se ferment à mesure que je respire; touche ces murs gris dotés d‘écailles trempés par la brume". Une muse au troublant profil de femme oiseau, tout droit venue d'Égypte pour séduire des surréalistes amoureux. Une photo en noir et blanc. Celle d’une femme au long visage, frange courte et bouche généreuse ponctuée d’un grain de beauté dont le regard s’échappe. Une beauté qui fleure les seventies, robe à ramages, épais cigare entre les doigts. La poétesse au temps de sa splendeur. Ni muse, ni épouse, la postérité n’a pas retenu son nom. Hors des cercles littéraires, il ne parle à personne, ou presque. L’œuvre de Joyce Mansour dérange ou intrigue autant que son personnage. Disons-le d’emblée, il est tout à fait sommaire, comme Hubert Nyssen l’affirma en son temps, de réduire Joyce Mansour à une égérie érotomane du surréalisme ou même à un ange du bizarre. Il est plus juste de voir que l’insolence de son langage, la perversité de ses métaphores, l’obscénité de certaines de ses images, les conflagrations illuminant ses dialogues, l’humour dévastateur de ses imprécations, mais également parfois un réalisme bouleversant, sont d’un poète qui défie le temps et la mort avec les seules armes dont il dispose. Joyce Mansour échappe aux codes, aux schémas imposés par la littérature et la société. Méprisant la notion de l’art pour l’art, elle incarne, de la façon la plus naturelle, la plus nécessaire, cette "liberté du désir" prônée par André Breton, pour trouver sa voie, sa voix: "Tu aimes coucher dans notre lit défait. Nos sueurs anciennes ne te dégoûtent pas. Nos cris qui résonnent dans la chambre sombre. Tout ceci exalte ton corps affamé. Ton laid visage s’illumine enfin. Car nos désirs d’hier sont les rêves de demain." Joyce Mansour, Patricia Adès de son vrai nom naît le 25 juillet 1928, à Bowden en Grande-Bretagne. Ses parents sont de nationalité britannique et de confession juive. Ils appartiennent à la haute société égyptienne et résident au Caire. La jeune Joyce reçoit alors une éducation bourgeoise. Le premier séisme intervient en 1944. Sa mère, Nelly Adia Adès, décède des suites d’un cancer. La mort traverse sa vie pour la première fois et ne la quittera plus, jusqu'à l’obsession. Trois ans plus tard, Joyce Adès rencontre Henri Naggar, qu’elle épouse en mai 1947. Son jeune mari est foudroyé par un cancer en octobre 1947. Deuxième séisme. Joyce se replie sur sa douleur. C’est à cette époque qu’elle naît à la poésie, pour exprimer et contrer sa douleur. Un an plus tard, elle fait la rencontre de Samir Mansour, un homme d’affaires franco-égyptien des plus avisés, qui devient son deuxième mari. Dès lors, britannique de naissance, Joyce Mansour va alors apprendre et écrire en français.    "Il approcha à grands coups de rame, les yeux globuleux de plaisir, la bouche pleine d'un clapotis animal, un lourd serpent noir pendant hors de son nombril. Pousse la porte qui ne se fermera qu‘une fois pour ne jamais plus s'ouvrir, cette porte que je frôle et blesse ainsi que ma verge l'abîme quand elle te pénètre brutalement".  Dès lors, par le fruit du hasard, et forte de ses connaissances littéraires étendues, elle se rapproche du mouvement artistique. En effet, c’est au cours d’une réception en Égypte, qu'elle se lie d’amitié avec Claire Klein. Cette dernière, femme d’un ministre égyptien, anime le principal salon du Caire, et a ouvert sa porte au mouvement surréaliste "Art et Liberté" fondé en 1938 par le poète Georges Henein, Ramsès Younane et Fouad Kamel. Henein ne tarde pas alors à apprécier la poésie comme la personnalité de Joyce Mansour, qui "donne voix à ses réflexes. Nous sommes ici dans le domaine de la parole immédiate qui prolonge le corps sans solution de continuité. À chaque organe son verbe comme une poussée de sève, comme une flaque de sang." Georges Henein est alors le personnage central de l’avant-garde artistique du Caire. Il vient de rompre avec les surréalistes français, qui peinent à retrouver leur vitalité d’avant-guerre. "N’êtes-vous pas frappé de constater que ce qui a maintenu le surréalisme depuis la fin de la guerre, ce sont les actes et les œuvres individuels, tandis que tout ce qui tendait à l’expression collective aboutissait au plus cruel échec, quand il ne minait pas l’édifice patiemment élevé ?" C’est néanmoins Henein, dont la rencontre est décisive, qui va révéler le surréalisme à Mansour. Mais c’est de France que vient l’aide attendue. Elle publie "Cris", son premier recueil, grâce à Georges Hugnet. Humour noir, automatisme lapidaire, poèmes visionnaires, vers cinglants, images foudroyantes et hallucinatoires, la parole prend forme dans l’angoisse, car la douleur transforme le monde en une cacophonie générale.Ainsi débute le mythe de l’étrange poétesse, cette merveilleuse et ténébreuse beauté orientale, pleine d’humour, érudite et amicale, qui déteste la banalité et fume le cigare, "mon onzième doigt", dont les boîtes recyclées lui servent derangement pour sa correspondance et ses vers, dont les feuilles de protection en bois servent de support au poème.    "Marie crut qu’il était envoyé de Dieu. "Je me noie", gargouilla-t-elle. L'assassin se jeta à l'eau et répondit avec tristesse : "Tu es mon ombre, ma lumière. Tu es nous deux. - Je me noie", hurla Marie, son âme singulière adossée à une peur immense. Elle flottait entre deux eaux, les membres mous, résignée à une mort précoce". L'originalité de l'auteure ne doit pas faire de l'ombre à son grand talent. Nombreux furent ceux qui chantèrent ses louanges de son vivant. Derrière une grande élégance, son absence totale de pudeur dénote une forme de révolte, essentiellement féminine, contre le despotisme sexuel de l'homme, qui fait souvent de l'érotisme sa création exclusive. Réinventant la poésie, amie et admirée de Michel Leiris, André Pieyre de Mandiargues ou Henri Michaux, complice de Hans Bellmer, Sébastien Matta, Pierre Alechinsky ou Wifredo Lam, qui tous illustrèrent ses recueils, Joyce Mansour fut sans aucun doute un écrivain majeur du courant surréaliste. Son œuvre elle-même suffit d’ailleurs à en témoigner. Seize volumes de poésie, quatre recueils de fictions narratives, une pièce de théâtre, enfin une centaine d'articles parodiques publiés. Les surréalistes ont un pape, André Breton, qui les agrège tous, notamment autour de rituels comme celui du rendez-vous vespéral au café. Là, rive droite ou rive gauche selon les époques, le pape attend ses disciples, les regardant arriver dans les miroirs. Joyce Mansour en est. Breton a découvert et aimé ses écrits, sa poésie crûment érotique. Il est subjugué par la femme, étrange et exotique. Car elle a su le conquérir. En 1953, elle lui adresse un exemplaire de son premier recueil de poèmes "Cris" accompagné d’un bristol: "À Mr Breton, ces quelques "cris" en hommage." Il en aimera le "suave parfum ultra-noir d’orchidée noire" et tombera définitivement sous son charme.    "Saignée, irradiante de folie hypnotique, était nue à mes pieds. Saignée, au visage de mythe et au corps de puma, était nue sur la plage. Saignée, belle forêt de nacre, savoureuse fleur de massacre, sexe insatiable aux langues de vipère". Dès lors, unis par des liens passionnels, les deux artistes qui s'admiraient mutuellement pour leur art respectif, ne se quitteront plus. Ils passeront onze années entre 1955 et 1966, jusqu’à la mort de Breton, à déambuler dans Paris, àchiner des objets et pièces d’art océaniens. Elle est la dernière héroïne du surréalisme. Même si elle correspond aux canons de la femme-enfant espiègle chère aux surréalistes, Breton célèbre la "suprême espièglerie de ses écrits." Elle est une sorte d’antithèse aux canons relationnels des surréalistes avec les femmes. L'œuvre de Joyce Mansour estavant tout celle d’un poète. D’un grand poète, même, à en croire ceux qui, de Pieyre de Mandiargues à Alain Jouffroy, en passant par Henry Maxhim Jones ou Philippe Audouin, ont pris la plume pour lui rendre hommage, publiquementou en privé. Écrivain en herbe, c’est d’ailleurs à la poésie qu’elle s’adonne dès son plus jeune âge. En 1953, "Cris"révèle au public une soixantaine de textes bouleversants, aussi violents dans leurs thèmes que dans leurs termes,et dont la crudité et la hauteur de ton contrastent avec la révolte étouffée des productions contemporaines. L’accueil enthousiaste que lui réservent les surréalistes, et André Breton en particulier, encourage d’ailleurs la jeune femmedans cette voie et elle donne en 1955, sous le titre "Déchirures", un second recueil qui non seulement tient les promesses du précédent, mais même porte la fureur imprécatrice à un plus haut degré d’incandescence encore. Dans sa maturité, c’est, enfin, à la poésie qu’elle reviendra exclusivement, publiant une dizaine de recueils jusqu’à sa mort. Pourtant, c’est davantage à ses très nombreux contes que Joyce Mansour doit sa fragile renommée.    "Saignée aux seins d'écume, aux offrandes terrifiantes, aux odeurs de sauvage. Saignée qui recule a mesure que ma main avance vers tes cuisses ouvertes, sois toujours ouverte devant moi, Saignée. Nous irons habiter la maison de ma jeunesse". Tout est paradoxe chez cette femme chétive et orientale, à la beauté solaire et mystérieuse, pleine d'humanité et d'humour. Exempte de toute référence à quelque entité extérieure, muse ou souffle divin jadis célébrés par les romantiques, la poésie s’apparente en effet pour elle à une substance interne, voix ou corps étranger qui émane d’unespace originel du moi bien antérieur à la séparation des langues et des sexes, mais auquel ni l’introspection ni l’effusion ne donnent accès. Avec "Cris", recueil construit sur les ruines d’un passé dévasté, la poésie fait en effet l’expérience de la douleur, de l’angoisse, de l’effroi paroxystiques, à la limite du formulable. Hantés par des images douloureuses du passé, la plupart de ces poèmes ont trait à la mort d’êtres chers, la mère et le premier époux del’écrivain, emportés par un cancer à quatre années de distance, dont le souvenir harcèle sans relâche l’écriture. Se devine d’ailleurs, en filigrane de ses premiers textes, un véritable mythe du poète, idéal inaccessible incarné par quelques prédécesseurs, certes, mais aussi rôle dans lequel il s’agit d’entrer pour, peut-être, trouver à y ancrer une identité à la dérive, écartelée entre plusieurs cultures et plusieurs langues. Ainsi l’écriture se place-t-elle d’abord, par le jeu des références, sous le signe d’illustres ascendants, de Baudelaire à Rimbaud, Apollinaire ou Michaux,comme pour esquisser en filigrane le portrait de ce poète que la jeune femme s’efforce, à ce moment, de devenir.    "Ton corps modèlera mon lit perméable et maculé de ton sang comme autrefois, tu cueilleras mes rêves qui tombent sur le parquet en flocons de joie et tu tremperas leurs tiges dans l'eau pour les vases de demain". Chez elle, pas de faux-semblant ou de pruderie, la poésie se fait plaisir charnel dans l'affrontement violent des mots. On a reproché au poète la force de ses images, mais ce n’est pas seulement l’érotisme ou l’onirisme qui sont placés sous le signe de la violence, de l’affrontement, mais la vie elle-même: "Le sexe ressemble alors beaucoup à la guerre."Tout chez elle, qui est également dotée d’un humour hors-norme, nous renvoie à notre condition d’être périssable. Aussi la femme est-elle l’objet d’une haine ambiguë qui découle d’un processus d’autodestruction: mère, sœur ou rivale, double-ennemie en tous cas. Quant à l’œuvre en prose, elle s’est élaborée parallèlement aux recueils de poèmes, et ne fait que prolonger, en les développant, les grands thèmes, les obsessions de l’étrange demoiselle, l’érotisme, le rêve, la mort, la maladie, l’humour, le fantastique, le merveilleux, le sexe et l’humain. Loin, en effet, d’être subordonné à une forme verbale particulière, son art dépasse les catégories génériques et même franchit les frontières de l’expression littéraire. Il peut être trouvé en vers comme en prose, en récit comme en théâtre, en écriture comme en peinture. La poésie est toujours, en quelque sorte, la troisième dimension de son œuvre, ombre fascinante qui hante l’écriture sans que le sujet puisse cerner, au juste, ce qu’elle est. Car si Joyce Mansour fit œuvre de poète, cette œuvre peut avant tout se lire comme une série de stratégies successivement déployées pour mettre au jour ce que désigne cette propriété, cette qualité substantielle dont la belle jeune femme a très tôt l’intuition qu’elle fonde son identité, sans pouvoir la saisir par les moyens de la réflexion. Là est sa grande richesse.    "Toi qui avales mon sexe sans quitter le ciel, toi qui glisses a travers murs, plaisirs, crimes; ta voix résonne dans mes veines comme une cloche de montagne, femmes aux pensées verticales, aux orifices vibrants, je porterai ton corps vers la maison de mon choix, fauchant les obstacles d'un seul regard de ton sein vengeur". Afin d'étoffer son art, à la fin de sa vie, elle a exprimé la volonté de s'émanciper totalement du mouvement surréaliste. Aussi sa deuxième période littéraire sera-t-elle, en premier lieu, celle d’un retour à la poésie, terme entendu ici dans l’acception, formelle, de parole en vers. Avec "Rapaces", en 1960, et "Carré blanc" en 1965, la jeune femme donne deux recueils poétiques majeurs, plus amples que les premiers, où elle compile notamment les textes clairsemés dans diverses revues au cours des années précédentes. C’est aussi en poésie qu’elle fera ses adieux définitifs à Breton, dédicataire posthume des "Damnations", et encore en poésie qu’elle réaffirmera, en 1969, son engagement surréaliste, dans "Phallus et Momies." Mais l’expérience de la prose ne s’en poursuit pas moins activement, avec la publication consécutive, entre 1961 et 1967, de cinq récits qui seront, en 1970, recueillis sous le titre "Ça." Au mythe du poète a succédé un mythe du livre. À cette étape de son parcours, la poétesse part en quête d’un "livre total", ce livre-somme qui puisse recueillir une infinité d’expériences visant en premier lieu à établir la poésie sur un autre plan que discursif. C’est, d’ailleurs, le désir d’ouverture à l’autre qui prédominera, dans la dernière période de son œuvre. C’est, en effet, au seuil du tombeau que résonnera la voix qui se fait entendre dans "Trous noirs", dernier recueil de Joyce Mansour, où les dessins de Gerardo Chávez se font le support d’un essai de représentation de la mort. Et c’est là, peut-être, son ultime conquête, rejoindre son double artistique en peinture. En 1984, la muse orientale apprend qu’elle est atteinte d’un cancer, maladie dont elle a la hantise, et qui l’emporte à son tour le vingt-sept août 1986.    Bibliographie et références:   - Stéphanie Caron, "Le surréalisme de Joyce Mansour" - Marie-Claire Barnet, "La Femme cent sexes" - Alain Marc, "Écrire le cri" - John Herbert Matthews, "Joyce Mansour" - Marie-Laure Missir, "Joyce Mansour, une étrange demoiselle" - Richard Stamelman, "Poésie et éros chez Joyce Mansour" - Georgiana Colvile, "Scandaleusement d'elles" - Pierre Bourgeade, "Joyce Mansour" - Jean-Louis Bédouin, "Anthologie de la poésie surréaliste" - René Passeron, "Le surréalisme oriental"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
455 vues 8 aime
Par : le 10/03/24
Ce récit je l'avais écrit avant l'an 2000 et je l'ai retrouvé au fonds d'un vieux tiroir ... NATHALIE LA DOUCE INGÉNUE   CHAPITRE 1  L’ECOLE DE MADEMOISELLE PINBAL   Bien qu’âgée de 40 ans, Mademoiselle Pinbal ressemblait, jusqu’à la caricature, à une vieille fille sévère. Elle dirigeait d’une main de fer l’école BURAXE, qui selon les brochures publicitaires formait les secrétaires, assistantes de direction idéales. Ce jour là, Mademoiselle Pinbal m’avait convoquée dans son bureau pour me parler de mon avenir. Nerveuse, je bougeais sans cesse sur ma chaise, attendant qu’elle ait fini de feuilleter mon dossier et qu’elle daigne m’adresser la parole. « Et bien Nathalie, commencer un BTS en alternance à 23 ans ce n’est pas facile, il faut beaucoup de chances pour trouver un employeur qui accepte de payer 30% plus cher une débutante ».   En disant ces mots elle me fixa de son regard perçant et je me retrouvais telle une petite fille prise en faute. Je me sentis rougir et je baissais la tête. C’était plutôt désespérant ce type de réaction, mais j’avais beau essayer de me contrôler rien n’y faisait. D’une voix timide je répondis que je le savais. Elle aussi d’ailleurs, pensais-je, qui avait accepté de m’inscrire dans son école, quelques semaines auparavant. Mais je me gardais bien de lui en faire la remarque. Lors de notre première rencontre, elle m’avait longuement fait expliquer les raisons qui me poussaient à choisir cette profession. Suspicieuse, elle m’avait interrogé sur l’étrange cursus qui m’avait fait passer d’un poste d’agent des services hospitaliers, un doux euphémisme qui désignait un poste ingrat et corvéable de fille de salle, à un retour à une scolarité normale sanctionnée par un bac G1. Elle avait d'ailleurs admiré la volonté dont j'avais fait preuve pour reprendre ma scolarité. « Concernant votre caractère, il va vous falloir apprendre à composer. Sous votre apparente timidité, se cache une fierté et un orgueil que n’apprécient guère les chefs d’entreprise. Vous êtes trop entière, trop idéaliste. Quant à votre accoutrement, une secrétaire ne s’habille pas comme une étudiante des beaux-arts. » Ces remarques avaient été prononcées d’une voix calme et sans chaleur. Un constat d’une évidence certaine, asséné comme si elle parlait d’une personne absente. Mais c’était bien de moi qu’il s’agissait, et malgré moi je sentis des larmes me monter aux yeux. « Alors c’est inutile que je continue à suivre les cours ? »  Dis-je d’une petite voix  fluette au bord du désespoir.   « Je n’ai pas dit cela mais il va falloir vous accrocher. Le voulez-vous ? »   « Oui Mademoiselle, je suivrai vos conseils à la lettre ». Dubitative, elle réfléchit intensément pendant quelques secondes qui me parurent des heures Je l’observais à la dérobée. Vêtue d’un tailleur strict, elle se tenait droite et hautaine dans son fauteuil de direction, et sans être belle je dois reconnaître qu’elle n’était pas dépourvue de charme et de classe. Elle reprit soudain.   « Eventuellement, j’ai peut être un employeur qui pourrait accepter de vous embaucher. Mais il est exigeant, très exigeant. De plus c’est un ami. Alors si vous le décevez c’est moi que vous mettrez dans l’embarras. Comprenez-vous ? »   Je comprenais et la peur s’empara de moi, car ces mots, et l’expression de son visage, exprimaient une menace à peine voilée.   « Oh ! Merci Mademoiselle, je suis sûre que vous pouvez me faire confiance ».   Mon hypocrisie et le sourire que je lui adressais d’un air ingénu me surprit moi-même.   Satisfaite, elle empoigna le téléphone, composa le numéro et demanda à son interlocuteur quand il pourrait me recevoir.  Elle me nota l’adresse sur une carte de visite. Puis après m’avoir bien recommandé d’être ponctuelle, elle m’expédia en cours. « Alors, raconte comment cela s’est passé ? » La jolie brunette qui m’interrogeait c’était Valérie ma meilleure amie. Agée de 20 ans, une nature gaie et enjouée. Toujours prête à rendre service. En classe on était inséparables. Assises l’une à côté de l’autre en train de comploter et de partager de petits secrets. Elle adorait rire et s’amuser. Du haut de mes 23 ans, j’étais plus réservée, timide même. Méfiante je fuyais les regards trop appuyés des hommes et je ne souriais jamais aux inconnus. Cela me donnait une réputation d’une fille froide, distante. Valérie, elle adorait allumer et provoquer. Elancée, des formes parfaites et une bouche mutine qui en enflammaient plus d’un. Elle aimait plaire. Quant à moi s’il m’arrivait d’aimer mon visage, encadré de cheveux blonds avec deux yeux bleus expressifs et mon corps mince, je regrettais mon manque d’assurance et mon allure un peu gauche. Je ne faisais rien pour séduire, et je voulais que les garçons s’intéressent à mon intelligence avant de penser à mon corps.   « Bien, cela s’est bien passé, j’ai un rendez-vous chez un patron demain, mais il paraît que c’est un enquiquineur et que c’est son ami »   « Ouaah ! d’ici à ce qu’elle t’ait envoyée chez son amant. Tu vois le tableau, t’auras intérêt à faire gaffe à ce que tu dis… » et Valérie éclata de rire. Toute la classe tourna la tête vers nous. « Il ne faudrait pas vous gêner Valérie » la voix du professeur d’informatique venait d’interrompre son fou rire. « Puisque vous avez tant envie de parler, parlez-nous d’Internet, dîtes-nous donc ce que signifie le sigle AOL» Le visage de Valérie devint grave « Euh… » Le professeur reprit « America on Line premier service en lignes d’accès à Internet. Soyez plus attentive ou je serais obligé de vous donner une retenue. » Il n’était guère facile de faire classe à 20 jeunes filles juste sorties de l’adolescence, qui ne rêvaient que de liberté et de garçons. La sanction suprême restait la convocation dans le bureau de la directrice. Et toutes les filles de la classe savaient qu’il valait mieux ne pas se faire un ennemi de Mademoiselle Pinbal. Heureusement la cloche se mit à sonner et c’est dans un joli brouhaha que toutes les filles se précipitèrent à l’extérieur. L’heure de la sortie. Je quittais l’école en compagnie de Valérie. « Dire qu’il va falloir supporter cela pendant deux ans, on n’est plus des gamines… » Son visage exprimait la colère mais je savais bien que cela ne durait pas. « Et quand as-tu rendez-vous avec ce délicieux personnage ? » Son ton était ironique. « Demain matin à 10 heures. » « Tu te fringueras comment ? » « Aucune idée ». Contrairement à la plupart des filles de la classe je n’étais pas une obsédée de fringues. Evidemment après la remarque de la directrice, j’avais intérêt à compléter rapidement ma garde robe. Mais je détestais être en jupe et je me sentais fagotée dès que je quittais ma tenue préférée : le jeans-basket. En rentrant chez moi ce soir là, j’avais la certitude que ma vie était en train de prendre une nouvelle direction  
572 vues 3 aime
Par : le 21/02/24
Dans l'ouvrage "Jouir d'avoir mal" d'Olivia Benhamou, le lecteur/ la lectrice est invité(e) à plonger au cœur d'une exploration du masochisme sexuel. À travers une enquête psychologique et sexologique menée de main de maître(sse), Benhamou, psychologue clinicienne et sexologue, déconstruit les tabous et les stéréotypes entourant cette pratique sexuelle sulfureuse. Ce livre, écrit à la première personne, se distingue par son approche introspective et empathique, offrant une perspective inédite sur le masochisme. Le point de départ de cette quête de compréhension est la rencontre de l'auteure avec un patient dont le besoin impérieux d'éprouver de la douleur pour atteindre le plaisir sexuel suscite sa curiosité et son intérêt professionnel. Ce cas catalyse une exploration plus large, à laquelle Olivia Benhamou nous convie, naviguant entre réflexion théorique, analyses des représentations culturelles du masochisme, et témoignages intimes de personnes pratiquant le BDSM. Olivia Benhamou propose un decryptage du masochisme sexuel loin des clichés, envisageant cette pratique comme une quête de sensations extrêmes, un moyen de lâcher prise totalement, ou encore comme une manière de forger une connexion amoureuse unique. Elle souligne également comment le masochisme peut servir d'échappatoire aux contraintes quotidiennes ou répondre à des difficultés sexuelles spécifiques. Le livre prend la forme d'une série de portraits intimes, où les individus partagent ouvertement leurs expériences sexuelles et la signification profonde de ces dernières dans leur parcours de vie. Ces histoires personnelles sont mises en perspective avec une analyse rigoureuse des enjeux psychiques du BDSM, dans un contexte où ces pratiques gagnent en visibilité et semblent de plus en plus acceptées socialement. "Jouir d'avoir mal" se révèle être une œuvre à la fois pédagogique et émouvante par certains côtés, qui brise les idées reçues et invite à la réflexion. L'auteure accompagne le lecteur à travers son processus de découverte, partageant ses questionnements, ses surprises, et ses conclusions. Ce faisant, elle offre un éclairage précieux sur les dynamiques complexes du plaisir et de la douleur, enrichissant la conversation sur la sexualité humaine dans sa diversité. Au-delà de son sujet qui sent le souffre, ce livre est une ode à la complexité des désirs humains, mettant en lumière la capacité de l'individu à trouver du plaisir dans l'atypique. Olivia Benhamou réussit le tour de force de traiter un sujet controversé avec respect, sensibilité, et une profonde humanité, faisant de "Jouir d'avoir mal" un livre essentiel pour quiconque s'intéresse aux intrications de la psyché humaine et à la richesse de ses expressions sexuelles. Si vous avez lu ce livre, n'hésitez pas à laisser votre avis en commentaires ci dessous.
544 vues 10 aime
Par : le 20/02/24
Épisode 5 : » la présentation « suite et fin du dressage de la chienne   Revenons à nos moutons, pardon je voulais dire revenons à la chienne …   De retour dans la maison et après une pause bien méritée: une gamelle pour lilly et un verre de whisky pour nous.   La leçon suivante consista à savoir honorer son Maître. Au retour de son Maître une bonne chienne doit l'accueillir joyeusement à quatre pattes et lui embrasser les pieds en remuant la queue. Il proposa de lui apprendre une variante plus perverse. « au pied la chienne «  Lilly trotta jusqu’à lui en remuant la queue. Il lui tendit un de ses pieds. « lèche ma botte » Elle s'exécuta avec réticence et lécha du bout de sa langue une de ses bottines de cuir. « Mieux que cela ou gare à tes fesses » Elle s’appliqua et sa langue s’agita avec plus de dextérité. Il s’assura que toute la surface soit consciencieusement nettoyée. Après de longues minutes il parut satisfait. « Fais la briller avec ta chatte. » Elle prit la bottine entre ses cuisses et son sexe se colla contre le cuir. Elle se frotta dans un mouvement de haut en bas. C’était vulgaire, j’avais vu des chiens essayer de se branler ainsi sur le mollet de leurs Maîtres avant de se faire éjecter d’un coup de pied. Il imprima le mouvement avec son pied l’obligeant à être plus rapide et elle s’appliqua à le satisfaire de son mieux. Il semblait ne jamais vouloir arrêter ce supplice. Le cuir râpait son sexe entrouvert et le frottement dans son intimité était à peine supportable. Après la deuxième bottine elle était épuisée et son visage semblait résigné .   Je la sentis humiliée comme rarement je l’avais humiliée. Visiblement il jouissait de son humiliation.. Dresseur pervers il en avait fait un petit animal soumis et craintif qui guettait le moindre de ses ordres. Autant on avait pratiqué certaines de ses scènes entre nous, dans notre couple, autant d’être chienne devant un inconnu froid et calculateur, la rabaissait au rang d’animal. Ce dresseur repoussait ses limites bien mieux que je n’y arriverais  jamais car il n’avait aucun sentiment qui interférait. Seul le résultat comptait et il voulait atteindre les objectifs qu’il s’était fixé. Mais il n’était pas inhumain. Il était attentif et savait doser et reculer si nécessaire, mais obstiné il revenait à la charge dès que Lilly avait récupéré. J’étais certain qu’après quelques séances elle serait une parfaite chienne obéissante.   Si le sexe n’était pas la priorité, il ne s’en priva pas. Elle était sa chienne pour quelques heures et traiter Lilly de chienne en chaleur était une expression qu’il affectionnait. « Chienne, tiens toi prête pour la saillie, présente ton cul et cambre toi au maximum. » Lilly prenait la pose cuisses écartées, son sexe bien ouvert sous l’action des pinces qui l’écartelaient. Son orifice béant était une invitation à la pénétration, mais il n’en avait strictement “rien à foutre”. Il préférait son cul.   D’un geste rapide il lui ôtait le plug et introduisait son membre dans son cul encore entrebâillé. Il l’encula ainsi à de nombreuses reprises et avec un plaisir pervers, sachant s’arrêter à  temps. L’empêchant de prendre son pied. Il aimait la fesser, lui flatter la croupe, la tirer par les cheveux en la sodomisant. Il alterna le cul et la bouche et elle aurait en temps normal fait “la fine bouche”. Mais elle n’avait plus la force de résister. Le summum de sa dépravation fût atteint à plusieurs  reprises au cours de la soirée. Sur le point de jouir, il l’obligeait à se préparer à goûter son sperme jusqu’à la dernière goutte. Vicieusement il vérifiait qu’elle avait tout avalé en lui retroussant les babines, en glissant deux doigts de par et d’autre de sa mâchoire. Comble du sadisme il lui tapotait la joue en disant “bonne chienne”.   Honteuse, elle aurait aimé pouvoir se cacher dans un trou de souris et pleurer tout son soûl, mais il la gardait à portée de main, couchée à ses pieds le sexe toujours bien ouvert. Offerte et disponible.     Pourtant Lilly en bonne femelle avait d’instinct repéré les caresses, les positions, les parties de son corps que préférait son tourmenteur. Elle jouait de sa langue, de son cul et de tout son corps pour devancer ses désirs, les combler et ainsi tenter de l’amadouer. Elle savait rien qu’au timbre de sa voix dans quelles dispositions il était et agissait en conséquence en s’offrant sans pudeur. Elle anticipait aussi lorsqu’il la cravachait et modulait ses plaintes. Certains gémissements ayant des pouvoirs d’excitation, d’autres couinements le faisait frapper moins fort. Telle une vraie chienne elle apprit à être en totale osmose avec son dresseur. Privée de la parole les autres sens prenaient le relais et elle ressentait le moindre changement dans son attitude. Elle arriva même à deviner lorsqu’il était en proie à un léger doute sur la conduite à tenir ou devant un choix à faire. Elle espéra même un moment pouvoir par son attitude soumise réussir à l’influencer. Mais malheureusement pour elle, ce dresseur avait une personnalité bien affirmée. Le programme qu’il lui avait concocté comportait de nombreux passages obligés qui étaient de véritables épreuves pour elle.   Son Maître était attentif à son plaisir. Il respectait aussi certains de ses tabous, alors que cette nuit elle pressentait que son humiliation serait complète. Elle allait, elle le savait aller au bout de sa honte et devoir accepter tout ce que ce pervers avait envie de lui faire subir. Pourtant elle était certaine que le dressage proposé avait reçu l'acquiescement de son Maître. Son Maître voulait donc qu’elle devienne cette chienne en chaleur. Comment était ce possible? Son Maître allait il la traiter ainsi à l’avenir ? Non elle ne pouvait pas y croire. Son Maître aimait trop la faire jouir en récompense des efforts qu’elle faisait pour lui plaire. Et elle prenait du plaisir à lui faire plaisir.   Ce n'était pas le cas avec Marc. Pour Lilly ce soir, le plaisir n’était pas au programme. Elle était là pour être dressée, utilisée, humiliée, obéir, donner du plaisir et en baver.   “En baver” il fallait prendre cette expression au sens propre et au sens figuré. Elle devait garder la langue sortie, dès lors qu’elle était touchée ou pénétrée au niveau du sexe ou du cul, et avait l’interdiction de fermer la bouche aussi longtemps qu’on s’occupait ainsi d’elle. Après quelques minutes cela devenait très pénible car elle ne pouvait s’empêcher de baver. C'était une règle que son Maître avait instauré et qui l’excitait et l’humiliait à la fois. Marc avait tout de suite adhéré à cette proposition.   Titillant son clitoris, il la surprit en train d’avaler subrepticement sa salive. Comme punition, il lui accrocha une pince lestée d’un poids à la langue. Il la surveilla de près se délectant de voir de la salive couler sans discontinuer et il la traita de chienne baveuse. Elle resta ainsi 10 minutes la langue pendante. Désormais craintive elle ne refit plus la même erreur. . A aucun moment son membre ne la pénétra vaginalement, lui ôtant ainsi toute possibilité de prendre son pied. Le but était de la garder au maximum dans un état de manque et de la maintenir entre l’excitation et la douleur. C’était pervers. Son corps était tellement sensible que le moindre effleurement des seins, la moindre caresse la rendait folle de désir. Il l’a plusieurs fois amenée au bord de la jouissance attentif à ses râles de plaisir et il s’interrompait juste avant l’orgasme. La frustration était terrible. Ravalant toute fierté elle l’implorait en geignant, son corps parcouru de spasmes et un simple attouchement aurait suffit à la faire jouir.   Des moments proches du sadisme il y en eut plusieurs. Lilly n’était pas maso mais une certaine dose de souffrance pouvait l’exciter, si le plaisir alternait avec la douleur. Mais Marc avait bien l’intention de repousser ses limites et de la traiter en chienne maso. Il lui fit prendre la position numéro 4, sur le dos cuisses écartées avec ses deux mains et les cuisses repliées en arrière et dégagea son clitoris. Il avait une pompe à venin et il l’appliqua sur le bouton du clitoris décalotté. Il l’actionna d’un coup sec. Lilly hurla sous la douleur. Son clito aspiré dans la pompe avait doublé de volume, et il laissa la pompe accrochée. Lilly se calma mais la douleur persistait. Il fit de même avec les tétons des mamelles et les bouts s’allongèrent de deux bons centimètres. Lilly se contenta de gémir sourdement, un gémissement guttural, animal qui dura tout le temps où elle conserva les trois pompes. Il la laissa ainsi pendant plusieurs minutes avant de la délivrer.   Le résultat était parfait. Les tétons étaient terriblement sensibles et allongés. En lui touchant le clito, qui avait doublé de volume Lilly geignait. Après quelques minutes elle avait retrouvé un peu de sérénité mais les tétons continuaient insolemment à poindre et son clito était proéminent. Environ une heure après il décida de la tourmenter à nouveau. Il lui badigeonna le clitoris et les lèvres d’une sauce piquante à base de gingembre et de piment, dotée d’un pouvoir d’irritation très puissant. Lilly se tortillait, allant jusqu’à se frotter le sexe à un bout du pied de table, pour essayer de calmer la brûlure. Traitée de chienne en chaleur, elle gémissait dès qu’il lui touchait la vulve et son clito hypersensible lui faisait craindre la moindre caresse.   Nous priment une collation en nous servant de Lilly comme d’une table basse et lui avons permis de boire et manger dans une gamelle.   Estimant qu’il était temps de la faire se soulager, il la fit s’accroupir, les cuisses écartées au maximum. En équilibre sur la pointe des pieds et les mains derrière la nuque. C’est une position difficile à tenir car on a aucun point d’appui solide et Lilly avait du mal à la garder. Il lui intima l’ordre de pisser dans un verre à pied. Lilly essaya, je vis à son regard implorant qu’elle voulait réussir. Mais elle s’était retenue depuis si longtemps et son sexe avait été tellement tourmenté qu’elle faisait un blocage. Elle sentait le regard de son tourmenteur et son impatience. Je lisais les efforts désespérés sur son visage mais elle n’y arriva pas. Il insista, pressa sur la vessie, en vain. Il l’encouragea, la réprimanda sévèrement. Rien n’y fit. En désespoir de cause il prit une canule munie d’une poire et introduisit le bout dans l’urètre. Une pression sur la poire provoqua un jet d’urine puissant. Mais il ôta aussitôt le tuyau et lui intima l’ordre de se retenir. Elle réussit à arrêter le jet en grimaçant en signe de désapprobation. Son but était qu’elle pisse sur commande. « pisse chienne, doucement. » Un léger jet sortit et atterrit dans le verre qu’il tenait, il la félicita. Il l’obligea à remplir le verre et la stoppa en pinçant fortement les tétons avant que le verre ne déborde. Il fit de même pour les 5 verres suivants.   Bien plus tard dans la nuit, j’eus pitié d’elle. J’avais trop envie de la prendre et de la baiser en l’entendant jouir. Je la libérai des pinces au sexe et elle gémis, le sang se remettant à circuler. Je la massais délicatement et elle soupira d’aise. Son sexe était trempé et n’attendait que d’être pris par une queue.  Ce fut une étreinte puissante et rapide et elle jouit en poussant des gémissements et des cris qui semblaient venir du plus profond de son être. Un orgasme puissant et une récompense après  tout ses supplices. Ses yeux remplis d’amour, me firent comprendre qu’elle était heureuse et reconnaissante de lui avoir permis prendre son plaisir après tant de tourments.   Peu avant le départ pendant que Lilly attendait sagement couchée à nos pieds, profitant d’un moment de repos bien mérité, Marc me prit à part et proposa de nous revoir. Mais cette fois en compagnie d’autres dresseurs et d’autres chiennes. Pour lui, elle avait réussi à atteindre le niveau qui permettait de la présenter à son cercle. Il la jugeait apte à devenir une chienne confirmée. Je me sentis fier d’elle. C’était à n’en point douter un grand honneur qu’il nous faisait. Je promis d’y réfléchir. En le quittant quelques minutes plus tard je lui dis à bientôt, et Lilly le remercia en baisant la main qui l’avait si durement dressée. Il lui dit à la prochaine en flattant une dernière fois sa croupe et elle eut un long frisson involontaire. Épuisée, elle s’endormit à peine installée dans la voiture et ne se réveilla pas avant l’arrivée à la maison.  
1000 vues 11 aime
Par : le 13/02/24
Muriel Ojeda se dresse en figure de proue avec une histoire aussi singulière qu'inspirante. À travers son livre autobiographique, Chroniques d'une femme ordinaire, ou comment le sadomasochisme a sauvé mon âme, elle dévoile sans tabous comment cette pratique lui a non seulement permis de rompre avec le cycle de l'ennui mortel qui emprisonnait sa vie, mais lui a aussi permis de se redécouvrir et de s'affirmer. Mère de famille et professionnelle accomplie, Muriel n'était pas prédestinée à devenir une voix emblématique dans l'exploration du BDSM. Pourtant, sa quête de sens et d'équilibre l'a conduite sur ce chemin peu orthodoxe. Elle y a trouvé non seulement une échappatoire à une existence qui lui semblait préfabriquée, mais aussi une manière de renouer avec elle-même, loin des carcans sociétaux. L'histoire de Muriel est avant tout celle d'une transformation intérieure, catalysée par des circonstances de vie extrêmes, notamment un combat contre le cancer qui l'a confrontée à une remise en question brutale de son identité féminine et de sa place dans le monde. C'est dans cette période de vulnérabilité absolue que le BDSM est apparu comme un salut, une manière de reprendre le contrôle sur son corps et sa psyché, à travers des expériences qui, bien que pouvant paraître extrêmement violentes aux yeux du profane, sont encadrées par les principes de consentement mutuel et de respect. Ce que Muriel souligne à travers son récit de ses,expériences de domination et de sado-masochisme, c'est la dimension profondément humaine et libératrice du BDSM, lorsqu'il est pratiqué de manière saine et consensuelle. Elle met en lumière la manière dont ces pratiques, souvent mal comprises, peuvent servir de vecteur à une connaissance de soi accrue, à une affirmation de ses désirs et de ses limites, et finalement, à une forme d'épanouissement personnel. Le parcours de Muriel Ojeda est un témoignage puissant sur la capacité de l'individu à se réinventer, à trouver dans l'adversité les clés d'une renaissance. Son livre n'est pas une apologie du sadomasochisme, mais plutôt une invitation à dépasser les jugements hâtifs pour comprendre la complexité des chemins de vie. Elle y aborde avec franchise et courage son parcours, dans l'espoir d'éclairer, de rassurer, et peut-être d'inspirer. Muriel Ojeda, à travers son courage et sa sincérité, rappelle que l'authenticité et la quête de bonheur sont des valeurs universelles, qui peuvent prendre des formes inattendues. Son histoire est un appel à l'ouverture d'esprit, à la bienveillance envers soi et envers les autres, et à la reconnaissance de la diversité des parcours de vie comme autant de richesses humaines.   Si vous avez lu ce livre, n'hésitez pas à laisser votre avis en commentaires ci dessous.      
705 vues 4 aime
Par : le 12/02/24
Épisode 2 « la présentation » suite. Lire « la présentation » avant. Attention cette histoire est plus un dressage de « petgirl » qui transforme une soumise en chienne. Réservé aux amateurs de chiennes dressées durement.   Visiblement Marc adorait découvrir les positions que lilly avait apprises dans le but d’être présentée et qui par leur côté cru l’obligeait à s’humilier abdiquant toute pudeur. Ses positions sont celles qui font partie de celles qu’adoptent les soumises pour dévoiler leur intimité à leurs Maîtres et leurs permettre d’y accéder soit pour les saillir soit pour les tourmenter.   La « position numéro 3 »est comme la position 2 une de celles qui peuvent être prises facilement dans la vie quotidienne si la soumise est en jupe sans culotte. Sur l’invitation de Marc elle obéit. Lilly se tourna et se pencha en avant son dos à l’horizontal, gardant les jambes droites et espacées. Ses deux mains saisirent ses fesses et les écartèrent. Son trou du cul apparut. Marc y glissa un doigt et répéta le mouvement et Lilly docilement activa sa langue.   « position numéro 4 » demanda t il d’un ton ferme. Quittant la position debout, lilly se coucha sur le dos entrouvrit les cuisses et les tint repliées entre ses mains. Cette position était idéale pour la sauter ou tourmenter sa chatte. Il écarta au maximum les grandes lèvres et son sexe ainsi ouvert était totalement vulnérable. Il joua avec son clitoris et lilly se sentit à la merci de son tourmenteur qui alternait pincement et caresses. Un mouvement involontaire et de légers tremblement ponctuaient chaque geste de Marc et lilly gémissait doucement sous la pression des doigts et il s’attarda longuement sur son sexe offert. « Jolie pose il faudra lui refaire prendre en lui mettant une pompe afin d’aspirer le clito et le faire s’enfler. »   Il continua : « position numéro 5 » Elle se mit à quatre pattes, tête au sol, mains à plat devant elle, cuisses écartées bien cambrée offrant son cul. C’était la position qu’elle devait adopter, lorsque marchant en laisse son Maître s’arrêtait ou lui disait stop lorsqu’elle trottait a 4 pattes. « Un beau gros cul qui va devoir être rougi pour mon plaisir » fut la remarque de Marc Lilly savait que cette pose permettait tous les excès soit en recevant la cravache soit en étant prise par les orifices qui s’offraient au regard pervers de l’invité.   Et pour finir la « Position numéro 6 » Elle se mit accroupie, cuisses largement ouvertes, sur la pointe des pieds, mains derrière la nuque. Elle oscillait légèrement cherchant à garder son équilibre et fit grimacer lilly. Il commenta. « Pour tenir longtemps cette pose il lui faudra une cale dans le cul pour avoir un appui au sol. «  « Oui répondis je et c’est la position idéale pour la faire pisser lors d’une balade dans la nature. » Voyant qu’elle avait beaucoup de peine à tenir la pose il s’adressa à Lilly.   « debout chienne. » Soulagée Lilly se releva et reprit la position d’attente. Il saisit la laisse et l’entraîna vers un coin du salon. Arrivé devant une table il lui demanda de l’escalader et de se mettre à quatre pattes. Lilly s'exécuta. « Écarte plus tes cuisses et cambre toi. » Lilly obéit. Marc tourna lentement autour de la table afin de pouvoir l’observer sous toutes les coutures. Il laissa ses doigts glisser sur différentes parties de son corps s’attardant sur ses mamelles pendantes et les gifla de sa main provoquant de légers frémissements de la part de Lilly. Puis il se tourna vers moi. « si tu le permets je vais la transformer en vraie chienne. » Je lui donnais la permission et Lilly soupira. Un soupir involontaire qui lui échappa. Marc fit comme s’il n’avait rien entendu, mais il eut un petit sourire sadique. Je me demandais un instant si cela avait été une aussi bonne idée de la mettre entre les mains d’un parfait inconnu. Il revint au niveau des ses fesses et il enserra chaque cuisse d’une cordelette, reliée à un tendeur et à une pince. Il lui ordonna de serrer les cuisses et ajusta chaque pince au sexe de Lilly. Lorsqu’il lui fit ouvrir les jambes le ressort écarta au maximum les grandes lèvres et je vis Lilly grimacer de douleur. « Écarte les cuisses, serre les, écarte plus. » L’effet était saisissant et des plus crus presque vulgaire. Il répéta plusieurs fois cette opération afin de régler la bonne tension. Il voulait qu’elle puisse marcher à quatre pattes en ressentant pression et gêne, et qu’en s’ouvrant totalement la douleur soit à la limite du supportable. Pendant tout le temps où il ajustait les pinces Lilly garda la langue sortie comme elle avait appris, sachant qu’il lui était formellement interdit de refermer la bouche. Un peu de salive perlait déjà de sa bouche. Je savais qu’elle se sentait humiliée de se voir ainsi palpée et auscultée cuisses écartées langue pendante, devant un parfait étranger. Il se tint devant elle et elle put refermer la bouche visiblement soulagée.     Elle était encore persuadée de pouvoir lui résister. Elle allait bientôt déchanter car le temps n’allait pas jouer en sa faveur. Il aimait briser ces petites femelles sexuellement libérées qui croyaient venir ici pour s’encanailler.   Marc ne resta pas inactif. Il lui ôta les escarpins, enserra pieds et mains dans des sortes de moufles en cuir. S’il lui demandait de se lever, elle serait obligée de se tenir en équilibre sur la pointe des pieds. Impossible de faire plus d’un mètre sans tomber. Il protégea ses genoux avec des genouillères afin qu’elle puisse marcher à quatre pattes.   Il l’interrogea soudain. « ton cul est propre? » La question surprit Lilly qui n’était pas habituée à un langage aussi cru. Mais elle savait que quelque soit les questions elle devait répondre poliment et précisément. « oui monsieur, mon cul est propre. » « Comment l’as tu nettoyé? » « J’ai eu un lavement, monsieur. » « bien je t'enculerai bien profondément. » Lilly grimaça mais ne répondit pas. Pour Lilly le lavement était une des pires épreuves qui soit. Elle renâclait à cette pratique et je devais me montrer particulièrement ferme pour qu’elle s’exécute. Mais avant de venir elle avait du le subir. Je voyais son corps se crisper rien qu’à l’évocation de ce souvenir humiliant.   Puis il prit un plug en métal de bonne dimension avec à son extrémité une courte queue. Il l’approcha de sa bouche, força ses lèvres et le glissa en effectuant des vas et viens rapides et profonds. « mouille le bien tu vas l’avoir dans ton cul. » Lilly s’appliqua à bien l’humidifier. Il lui mit le plug en faisant preuve de délicatesse. Il faut dire qu'il était d’une taille imposante. La courte queue transformait doucement Lilly en animal. Elle se sentit remplie et dilatée à la fois.   Pour finir il lui enserra la taille à l’aide d’un corset de cordes et le serra au maximum. Sa taille  s’affina et ses fesses rebondies attirèrent nos regards. Elle était à croquer ainsi harnachée. Je vis l’effort qu’avait fait Lilly pour ne pas crier puis elle sembla s’habituer à sa nouvelle condition.   Doucement il s’approcha de sa tête, lui caressa les cheveux et lui dégagea les oreilles, prenant le temps de l’observer. Il la huma, la renifla et reconnut son parfum. Opium d’Yves Saint Laurent. Il lui fit ouvrir la bouche y glissa plusieurs doigts et il inspecta sa dentition. Elle eut honte d’être examinée comme une esclave des temps anciens qui allait être vendue sur le marché. Dans chaque narine il lui posa un crochet, relié par une cordelette à une sorte de serre tête. Il tira et ajusta le tout. Son nez se retroussa et sa lèvre supérieure s’entrouvrit la rendant plus animale.Il joua ainsi pendant quelques minutes à tendre la corde l’obligeant à desserrer la lèvre supérieure. Puis curieusement il lui ôta cet accessoire en disant s’en servir plus tard. D’une voix grave il reprit la parole. « voilà qui commence à me plaire, on va pouvoir commencer le dressage, Lilly es tu prête? » « Oui monsieur, je suis prête à être dressée. »  
9.5000 vues 15 aime
Par : le 11/02/24
"Quand j’exécute mes dessins "Variations", le chemin que fait mon crayon sur la feuille de papier a, en partie, quelque chose d’analogue au geste de l’homme qui cherchait, à tâtons, son chemin dans l’obscurité. Je veux dire que ma route n’a rien de prévu: je suis conduit, je ne conduis pas". Henri Matisse (1869-1954) est l’un des rares artistes qui figurent en bonne place dans les livres d’histoire de l’art, mais qui se soustrait, avec une élégance tranquille, à toutes les tentatives de classification. Dès le début du XXème siècle, il commence à affirmer un style aussi personnel que reconnaissable, et jusqu’à sa mort il côtoie, sans jamais se laisser imposer les préoccupations du moment, les courants, les écoles et les idéologies dogmatiques qui ont accompagné la création artistique depuis la fin du XIXème siècle. Alors que les uns s’affirment avec la violence de l’expression, d’autres avec la violence du discours, d’autres par celle de la provocation, il peint on peut presque dire dans son coin, alors qu’il est déjà connu et célébré. Dès sa jeunesse, Henri Matisse fait preuve d'audace et de persévérance. Né au Cateau-Cambrésis dans le Nord en décembre 1869, destiné à devenir clerc de notaire, c'est au cours d'une longue convalescence qu'il commence à peindre et qu'il découvre sa passion: "Pour moi, c'était le paradis trouvé dans lequel j'étais libre, seul, tranquille, confiant tandis que j'étais toujours un peu anxieux, ennuyé et inquiet dans les différentes choses qu'on me faisait faire". Malgré l'objection de son père, il part à Paris pour s'inscrire à l'Académie Julian et dans l'espoir d'intégrer l'école des beaux-arts. Son échec au concours d'entrée ne le fera pas renoncer et l'incitera à trouver d'autres chemins de traverse, vers sa destinée, celle d'être alors l'un des artistes les plus importants du XXème siècle. Admis officieusement dans l'atelier de Gustave Moreau, il s'inscrit également aux cours du soir des Arts Déco où il fréquente Albert Marquet avec lequel il capturera les scènes urbaines de la capitale, les fiacres et les passants. Le dessin lui a permis d'expérimenter et de s'émanciper de ses pairs, à l'image de ce que Matisse seratoute sa vie durant, un homme pugnace et optimiste, faisant fi des échecs et des aléas. Ses débuts témoignent d'une capacité iconoclaste à casser les codes d'une formation somme toutes assez traditionnelle, ce que Gustave Moreau décèlera en lui affirmant: "Vous allez simplifier la peinture". Sa quête de simplification, tant esthétique que philosophique, est avant tout une recherche d'universalisme auquel il accèdera à la fin de sa vie avec la Chapelle de Vence: "Cette chapelle est pour moi l'aboutissement de toute une vie de travail pour lequel j'ai été choisi par le destin sur la fin de ma route, que je continue selon mes recherches, la chapelle me donnant l'occasion de toutes les fixer en les réunissant".   "L’exactitude n’est pas la vérité. Un centimètre carré de bleu n'est pas aussi bleu qu'un mètre carré du même bleu". En 1898, deux voyages seront fondamentaux pour la suite de son cheminement artistique: Londres où il se délecte des œuvres de William Turner puis Toulouse et la Corse où il découvre la lumière du Sud. Après un bref retour dans le Nord, c'est au début du siècle suivant que son art va connaître un véritable tournant. Sa pratique de l'aquarelle sur le motif et sa rencontre avec Paul Signac en 1904 lui permettront de s'affranchir de l'usage traditionnel de la couleur pour aboutir à l'invention du Fauvisme lors de l'été 1905 passé à Collioure avec André Derain. En 1906, il achète son premier masque africain et fait découvrir cet art à Picasso. La même année, il se rend en Algérie où l'expérience du désert le bouleverse et lui donne "une envie de peindre à tout déchirer". Ainsi, tout à la fois porté par ses inventions colorées et ses récentes inspirations, il s'engage dans une intense période créatrice avec la commande des deux panneaux décoratifs pour le collectionneur russe Chtchoukine, "La Danse et La Musique" en 1910. La magistrale série des intérieurs symphoniques, notamment "L'Intérieur aux aubergines" de 1911, sera l'apogée de cette décennie aucours de laquelle il découvrira également l'art musulman et l'Espagne. Prompt à poursuivre son ouverture au monde, les séjours au Maroc en 1912 et 1913 parachèvent son irrésistible attrait pour l'Orient. Au fur et à mesure de ses voyages, Matisse se constitue une collection d'objets, meubles et tissus qu'il intégrera dans ses œuvres: "L'objet est un acteur: un bon acteur peut jouer dans dix pièces différentes, un objet peut jouer dans dix tableaux différents, un rôle différent". Ce métissage des sources, enrichi au fil des voyages, nourrit sa réflexion plastique et l'iconographie de ses œuvres. Abordant les notions de décoratif, Matisse s'éloigne de toute exactitude, qui n'est pas la vérité assène-t-il, et cherche la synthèse de la forme au plus juste de son émotion. En 1916, Matisse réalise deux œuvres majeures de très grandes dimensions: "Les Marocains" et "Femmes à la Rivière" et passera alors les dures années de guerre entre Issy-Les-Moulineaux et Paris. Les résultats de ses recherches lui donnent le vertige et le poussent à se rendre à Nice fin octobre 1917 pour s'y installer définitivement au début des années 1920. En quittant l'atelier d'Issy-les-Moulineaux, il s'invente à Nice un univers dédié à ce qui deviendra son obsession pendant une dizaine d'années: les "Odalisques" où les modèles se prêtent au jeu de l'accessoirisation. De sa région natale, Matisse se souvient des tissus flamboyants pour créer des intérieurs avec une abondance de matières et de motifs. Grisé par les variations infinies de son sujet, il va accumuler alors les scènes d'intérieur, peignant, sculptant des jeunes femmes nues ou qu'il habille de vêtements rapportés du Maroc. En mars 1920, il réalise pour Diaghilev les décors et les costumes du ballet "Le Chant du rossignol", première expérience décorative hors de la surface plane du tableau. Sa carrière est alors lancée, il est enfin reconnu.    "Cependant, je crois qu’on peut juger de la vitalité et de la puissance d’un artiste, lorsque impressionné directement par le spectacle de la nature, il est capable d’organiser ses sensations et même de revenir à plusieurs fois et à des jours différents dans un même état d’esprit, de les continuer. Un tel pouvoir implique un homme assez maître de lui pour s’imposer cette discipline". À la fin des années 1920, toujours plus exigeant envers lui-même et désirant une nouvelle fois se renouveler, il part alors pour Tahiti en 1930, à la découverte d'un autre espace et d'une autre lumière. Dans un premier temps, ce n'est pas la destination en elle-même qui le bouleverse mais la traversée de l'Atlantique en bateau du Havre à New York puis celle des États-Unis en voiture et en train, d'Est en Ouest, pour rejoindre San Francisco et y embarquer vers Tahiti. Ce périple métamorphose radicalement sa perception de l'espace, lui fait prendre conscience d'une autre échelle, de la possibilité d'une autre vision. "Immense, si j'avais vingt ans, c'est ici que je viendrais travailler". La ville de New York le fascine totalement, comme une confirmation de ses nouvelles recherches linéaires entreprises peu avant son départ. "Si je n'avais pas l'habitude de suivre mes décisions jusqu'au bout, je n'irais pas plus loin que New York, tellement je trouve qu'ici c'est un nouveau monde. C'est grand et majestueux comme la mer, et en plus on sent l'effort humain". Arrivé à l’âge de prendre conseil auprès de sa propre jeunesse, ainsi qu’il le confiera à André Masson, Matisse radicalise son fauvisme décoratif. Celui-ci, tel qu’il le pense et le met en œuvre depuis 1905, vise non point à sortir de la peinture mais à la faire sortir d’elle-même afin qu’elle excède le monde clos du tableau et qu’elle s’ouvre sur le dehors de l’expérience commune. Ce projet gardait toutefois quelque chose d’abstrait et d’inaccompli faute de rompre avec le cadre du tableau de chevalet. C’est ce pas qu’il franchit avec "La Danse" pour la fondation Barnes à Merion (Pennsylvanie). Dans le vaste local à un étage qui lui servait d’atelier et où il achevait sa composition, Matisse exposa à Dorothy Dudley, venue l’interviewer en prévision d’un article au titre percutant: "Le Peintre dans un monde mécanique", comment le problème s’était posé à lui. En suivant sa transcription: un "mur à décorer tel qu’il se dresse, trois portes fenêtres de six mètres de haut, à travers lesquelles, on ne voit que la pelouse, rien que du vert et peut-être des fleurs et des buissons. On ne voit pas le ciel. Au-dessus de ces portes fenêtres, trois espaces enforme d’ogives montant jusqu’au plafond, en sorte que la peinture sera influencée par la triple ombre des voûtes".   "Souvenez-vous qu’une ligne ne peut pas exister seule. Elle amène toujours une compagne. L’espace a l’étendue de mon imagination". D’une manière générale, la sobriété des formes, courbes pour les figures, rectilignes pour les bandes, de même que le petit nombre des couleurs toutes appliquées en grands aplats, sont en consonance avec les lignes architecturales et les plans des murs. Les combinaisons chromatiques des bandes et leurs obliques s’accordent avec le jeu des danseuses. Les parties à la fois roses et bleues, aux pentes plus dynamiques, correspondent aux trois couples engagés dans un corps à corps, tandis que les deux bandes noires, dans lesquelles retombent les pendentifs, rétrécissent quelque peu vers le bas. Elles sont donc plus statiques et correspondent aux deux nymphes assises au sol. Le rythme interne au triple panneau n’a rien d’autonome, car les bandes colorées sont doublement articulables avec le rythme des danseuses et avec celui des portes fenêtres, des deux entreportes et des pendentifs des voûtes. Le bleu, le noir et le rose, pas plus que le gris des corps, ne tiennent leur pouvoir expressif d’une transposition d’unpaysage ou d’un spectacle de danse, ils le tiennent de la lumière, qui allait poser à Matisse un redoutable problème. Le bleu et le rose, de valeur moyenne, contrastent, d’une part, avec la forte lumière des portes fenêtres et, de l’autre,avec le noir. Ce double contraste chromatique compense par son intensité la prégnance figurative inhérente à des silhouettes humaines et la couleur grise, "entre le noir et le blanc, comme les murs de la salle". La "maison" dont il s’agit, "bloc de sensations" non-subjectif, existant en soi et excédant tout vécu, s’entend tout d’abord de "l’armature" picturale dont se soutient une composition. Dans le contexte de "La Danse" de Matisse, on se doit de lui donner une portée proprement architecturale. "Ce qui définit la maison, ce sont les pans, c’est-à-dire les morceaux de plans diversement orientés qui donnent à la chair son armature. La maison même est la jonction finie des plans colorés". L’aplat gris des danseuses leur ôte leur corporéité organique pour les associer ainsi aux plans colorés des bandes murales dont "la puissante vie non organique" conjugue ainsi la tension et le tranchant de leurs surfaces à la souple arabesque qui enchaîne les corps tout en courbes. La sensation ne doit pas s’entendre comme un vécu ou une impression purement subjective car elle "est directement en prise sur une puissance vitale qui déborde tous les domaines et les traverse. Cette puissance, c’est le rythme, plus profond que la vision, que l’audition. Et ce rythme parcourt un tableau comme il parcourt une musique, sur laquelle la danse peut alors se produire en harmonie.   "Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir. Il est vrai que le soir est magnifique. Avant le coucher flamboyant du soleil, le ciel est blond comme du miel. Puis il blêmît avec une douceur infinie". "La Danse" fait prendre conscience à Matisse de la nécessité d’un dépassement plus radical de l’organicité: "Dans la peinture architecturale, qui est le cas de Merion, l’élément humain me paraît devoir être tempéré, sinon exclu". Car "cette peinture associe à la sévérité d’un volume de pierre. De plus, l’esprit du spectateur ne peut être arrêté par ce caractère humain avec lequel il s’identifierait et qui le séparerait en l’immobilisant de la grande association harmonieuse, vivante et mouvementée de l’architecture et de la peinture". Matisse reproche précisément à Raphaël et à Michel-Ange d’avoir, dans leurs compositions murales,"alourdi leurs murs par l’expression de cet humain, qui nous sépare constamment de l’ensemble". Par ce glissement, le langage de Matisse passe significativement de la question de l’humanité des figures à celle du spectateur. La mise à l’écart, non de l’homme, mais de la forme organique de l’humanité est la condition d’une "hétérogenèse" à la fois de la figure-signe dans le tableau et du spectateur du tableau. La peinture murale ne se détourne de l’individualité subjective que pour constituer un autre sujet accordé à un ordre ou à un rythme supra-individuel mettant en jeu le milieu où cette peinture s’établit. Le peintre épingle sur le mur des surfaces de papier peintes en aplats de gouache aux couleurs choisies dans une gamme réduite, puis découpées en fonction du dessin qu’il y trace. Déchargée de tout jeu de main, la couleur sera uniformément passée au rouleau par un peintre en bâtiment. Cette méthode mécanique sera ensuite relayée par le dispositif machinique hautement complexe, à l’image d’une combinatoire ou d’un jeu de construction plutôt que d’une palette, imaginé par Matisse pendant ces trois ans où il va déplacer constamment onze aplats de couleurs un peu "comme on déplace les jetons pendant une partie dans le jeu de dames", jusqu’à trouver un "arrangement" très satisfaisant, pour le metteur en scène qu’il est devenu. Tel Michel-Ange et la chapelle Sixtine.    "Vous voulez faire de la peinture ? Avant tout il vous faut vous couper la langue, parce que votre décision vous enlève le droit de vous exprimer autrement qu'avec vos pinceaux". C’était "un étrange spectacle", selon le témoignage d’une visiteuse admise dans le garage-atelier: "Un mur tout entier était occupé par la maquette en grandeur réelle, alors très ingénieusement composée de bouts de papiers colorés. Ces derniers étaient épinglés au mur et pouvaient être ainsi déplacés comme les pièces d’un puzzle gigantesque. Des piles de papiers colorés étaient posées par terre. Matisse, armé d’un fusain fixé à l’extrémité d’un long bâton, allait et venait sans cesse devant la maquette pour tracer alors les contours qu’il voulait modifier, une jeune femme s’approchait, grimpait sur une échelle et retouchait les papiers colorés. L’inorganicité libérée de la gravitation permet au corps de ne faire plus qu’un avec la surface d’une manière qui extrait radicalement cette peinture murale de tout rapport avec le tableau. En s’affranchissant de la référence à l’espace du spectateur, la nouvelle peinture murale se libère et libère le spectateur de la relation de vis-à-vis. Il n’y a aucun sens à demander sous quel angle de vue "La Danse" est créée. Si Matisse n’invente pas la composition-signe-décorative, parce qu’elle est, dans une certaine mesure, familière aux arts traditionnels, le fait est qu’elle ne fonctionne plus en référence à une transcendance divine ou/et humaine qu’il s’agit d’honorer. En son mode architectural, elle fonctionne dans une pure et totale immanence au mur de ce qu’on nommera un habitat. L'art pictural devient une philosophie. En 1924, Matisse se consacre à la sculpture et réalise "Grand nu assis", qui est exemplaire de son style, à la fois en arabesques et en angles. Il pratique la sculpture depuis qu'il a été l'élève d'Antoine Bourdelle, dont Matisse conserve le goût pour les grandes stylisations, comme on peut le voir ainsi dans la grande série des "Nu de dos", séries de plâtres monumentaux qu'il réalise entre 1909 et 1930. En 1939, Matisse se sépare de sa femme. Après un court voyage en Espagne, il revient à Nice où il peint "La Blouse roumaine". En 1940, il rencontre P. Bonnard au Cannet. Le marchand Paul Rosenberg renouvelle son contrat avec Matisse. Le peintre part le retrouver à Floirac, avec Lydia Délectorskaya,qui était son assistante et modèle depuis 1935. En 1941, atteint d'un cancer du côlon, il est hospitalisé à la clinique du Parc de Lyon. Ses médecins lui donnent six mois à vivre. Il retourne à Nice où cette fois il s'installe à l'hôtel Regina à Nice, alité. Il conserve de son opération le port d'un corset de fer, qui empêche la station debout plus d'une heure.    "Tout est neuf, tout est frais comme si le monde venait de naître. Une fleur, une feuille, un caillou, tout brille, tout chatoie, tout est lustré, verni, vous ne pouvez vous imaginer comme c’est beau ! Je me dis quelquefois que nous profanons la vie. À force de voir les choses, nous ne les regardons plus". Il dessine alors au crayon et au fusain, les dessins sont exposés chez Louis Carré en novembre. S'il ne peut plus voyager, il utilise alors les étoffes ramenées de ses voyages pour habiller ses modèles originaires du monde entier. Son infirmière, Monique Bourgeois, accepte d'être son modèle. Il commence à utiliser la technique des gouaches découpées et commence la série "Jazz". Il s'installe à Vence et renoue une amitié épistolaire assidue avec le dessinateur et écrivain André Rouveyre, connu à l'atelier de Gustave Moreau. En 1942, Aragon fait de Matisse le symbole artistique "d'une manifestation de résistance à l'envahisseur barbare", celui de la vraie France contre l'Allemagne nazie dans l'Art français. En avril 1944, sa femme et sa fille sont arrêtées par la Gestapo, pour faits de Résistance. Amélie Matisse est condamnée à six mois de prison. Elle sera libérée en septembre 1944, tandis que Marguerite Matisse, la fille du peintre, est torturée et défigurée. Marguerite est prise en charge par la Croix-Rouge, qui la cache au sein de la famille Bruno à Giromagny près de Belfort. Elle est libérée en octobre 1944. Matisse la revoit en janvier et février 1945. Sous le coup d'une émotion intense, Henri Matisse dessine de nombreux portraits de sa fille, dont le dernier de la série montre alors un visage enfin apaisé. Jean Matisse, son fils, sculpteur, appartient lui à un réseau de résistance actif. Alité, handicapé, mais vivant, Matisse ne peut plus peindre ou pratiquer des techniques qui demandent des diluants. Il invente alors la technique des papiers découpés, qu'il peut, dans son lit, couper avec des ciseaux, papiers que ses assistants placent et collent aux endroits souhaités par l'artiste. Il commence à travailler, à partir de 1949, au décor de la chapelle du Rosaire de Vence, à la demande de son infirmière-assistante. L'artiste Jean Vincent de Crozals lui sert de modèle pour ses dessins du Christ. À quatre-vingt-un ans, Henri Matisse représente la France à la vingt-cinquième Biennale de Venise. Installé dans une chambre-atelier à l'hôtel Regina de Nice, il réalise sa dernière œuvre, "La Tristesse du roi", une gouache découpée aujourd'hui au musée d'Art moderne du Centre Pompidou. En 1952 a lieu l'inauguration du musée Matisse du Cateau-Cambrésis, sa ville natale. Henri Matisse meurt le trois novembre 1954 à Nice, après avoir dessiné la veille une dernière fois le portrait de Lydia Délectorskaya, que Matisse disait connaître par cœur, il conclut d'un:"Ça ira !", expression valant comme ses dernières paroles. Matisse est enterré dans cette ville, au cimetière de Cimiez. Jusqu'à sa mort, il fit preuve d'audace et d'exigence, autant de qualités qui l'amenèrent à toujours penser en homme de son temps, ouvert au monde et tourné vers le futur. "J’espère qu’aussi vieux que nous vivrons, nous mourrons jeunes".     Bibliographie et références:   - Louis-Charles Breunig, "Chroniques d’art, H. Matisse" - Guillaume Apollinaire, "Henri Matisse" - Louis Aragon, "Mon ami Henri Matisse" - Éric de Buretel de Chassey, "Henri Matisse" - Gaston Diehl, "Henri Matisse" - Jacqueline Duhême, "Petite main chez Henri Matisse" - Raymond Escholier, "Henri Matisse" - Françoise Gilot, "Matisse et Picasso" - Jean Guichard-Meili, "Matisse" - Karin Müller, "Métamorphoses de Matisse" - Marcelin Pleynet, "Henri Matisse" - Cécile Debray, "Matisse"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
551 vues 10 aime
Par : le 06/02/24
C’etait une belle après midi d’automne, l’été indien comme on aime l’appeler dans notre région. Nous étions invités dans un domaine, une propriété au milieu des vignes. Une fois le lourd portail franchi, je garais la voiture devant le perron d’une demeure de Maître, au milieu d’un parc peuplé d’arbres centenaires. Un large escalier menait à l’imposante porte d’entrée. Galamment j’ouvris la portière à Lilly.   Après avoir gravi les marches, je sonnais à la porte et quelques instants plus tard, un homme souriant d’environ 50 ans, grand et sportif m’ouvrit. Il devait guetter notre arrivée. bonjour Marc Bonjour Phil tu as trouvé facilement? Oui pas de problèmes Entre Je le suivis en faisant quelques pas à l'intérieur dans un imposant hall d’entrée. Je lui tendis la laisse que je tenais à la main et me mis sur le côté. Il tira dessus d’un coup sec et Lilly se retrouva à sa hauteur. Elle gardait prudemment les yeux baissés et les mains dans le dos. Il prit le temps de la dévisager du haut en bas, d’un air connaisseur mais il ne fit aucun commentaire. Je savais Lilly anxieuse, elle redoutait cette soirée, mais cela ne la rendait que plus désirable. Avec son collier de chienne et sa petite robe noire sexy qui s’ouvrait sur le devant elle était belle à faire se damner un saint. Mais l’homme qui nous recevait ce soir était très loin d’être un saint! D’une voix douce mais ferme il lui demanda. quel est ton nom? Elle répondit d’une voix mal assurée mon nom est Lilly, monsieur Pourquoi es tu en laisse? Je suis en laisse parce que je suis soumise à mon Maître, monsieur Lilly gardait la tête baissée et répondait à chaque question avec politesse d’une voix douce. Et quelle sorte d’animal es tu? Je suis une chienne, monsieur Et comment ton Maître s’y est il pris pour te rendre obéissante? Mon Maître m’a éduquée, monsieur Marc fit la grimace et sa réponse fut cinglante. On éduque des enfants pas les chiennes ! quel est le bon verbe? Lilly sembla réfléchir et elle prit son temps pour répondre. Le verbe est dresser, mon Maître m’a dressée, monsieur La réponse était bonne et sa voix se radoucit, mais elle restait légèrement menaçante, et Lilly se sentait jugée et observée. Ton Maître m’a fait part des règles que tu dois suivre et m’a demandé de te punir sévèrement à la moindre faute, mets en toi en position d’attente. Lilly mit ses mains derrière la nuque et écarta les bras, elle entrouvrit légèrement les jambes, sa robe empêchant un trop grand écart. Elle garda la tête baissée et desserra les lèvres. Elle avait des cheveux bruns mi longs qui encadraient un joli visage fin. Très légèrement maquillée, de grands yeux bleus et une bouche bien dessinée. Des lèvres soulignées par un gloss rouge vif qui tranchait avec la pâleur de sa figure. Un vrai collier de chien en cuir, noir et large enserrait son cou mince et la laisse en acier attirait le regard. Sous la robe noire on devinait ses seins libres pointant contre l’étoffe. Sa tenue mettait sa taille fine en valeur. Des escarpins aux talons de 10cm lui donnait une jolie silhouette et faisait ressortir la courbure de ses fesses, à l’étroit dans cette robe moulante. Elle était sexy et attirante. La robe avait sur le devant une large tirette chromée qui descendait jusqu’en bas. Elle rendait Lilly très vulnérable car on sentait d’instinct qu’elle était nue sous sa tenue. Visiblement Marc appréciait le spectacle et il s’adressa à moi. depuis combien de temps est elle soumise? Environ 5 ans mais elle n’a pas été présentée souvent. Ses doigts se posèrent sur la tirette et il la fit descendre lentement dévoilant la poitrine de Lilly. Il caressa les seins, doucement d’abord puis il les saisit à pleine main. Les soupesant et les pétrissant. Il en agaça les pointes en les pinçant entre deux doigts. L’effet fut immédiat, les tétons durcirent et il eut l’air satisfait du résultat. Gardant une main sur son sein droit il questionna Lilly. qu'ai je entre les mains? Vous tenez mon sein dans votre main, monsieur. répondit Lilly d’une petite voix qui cachait mal le trouble provoqué par ces attouchements. erreur chienne, réfléchis bien avant de répondre. Le ton de la voix avait changé et il agrippa les deux seins, les serrant fortement entre ses mains, et Lilly ne pût cacher un tremblement involontaire. Elle reprit hésitante.   ce sont mes mamelles que vous tenez, monsieur Cela te vaudra 10 coups de cravache sur les mamelles pour te rafraîchir la mémoire.   Lilly ne répondit pas, “manquerait plus que je doive le remercier de bien vouloir me punir. Pensa t elle. Faut quand même que je fasse gaffe à mes réponses si je ne veux pas être punie. Cela lui ferait trop plaisir. Va y rince toi l’oeil vieux pervers…”   Marc descendit la tirette jusqu'en bas et la robe libérée s’entrouvrit dévoilant un sexe épilé. Il écarta les pans de la robe et effleura son sexe de sa main ouverte. La réaction de Lilly fut immédiate, elle tira la langue et écarta les jambes afin de faciliter l’accès à son intimité. La fente de son sexe laissa apparaître les petites lèvres. Il les saisit entre les doigts en les étirant afin de juger de leur élasticité. Puis il les écarta largement tout en accentuant la pression cherchant à évaluer sa résistance à la douleur. Malgré la souffrance Lilly ne bougea pas mais cet instant lui sembla durer une éternité. Il s’interessa à son clitoris, fit glisser le capuchon afin de mieux atteindre le bouton, le pinça, le titilla. Son autre main s’approcha de ses orifices. Il fouilla sa chatte d’un doigt inquisiteur puis glissa un autre puis deux entre ses fesses. Il lui arracha de petits cris et quelques gémissements mais son corps resta immobile.   Cet examen terminé il ordonna à Lilly d’ôter sa robe. Elle obéit promptement. Lorsqu’elle fut nue, il donna un coup bref sur la laisse et en bonne chienne elle le suivit dans le salon.     Il la mena jusqu’au milieu de la pièce et m’invita à prendre place en face d’elle, dans un accueillant canapé en cuir. Lilly se mit aussitôt en position d’attente et ne bougea plus. Il s’adressa à moi. Elle connaît d’autres positions ? Oui bien sûr il te suffit de lui indiquer un nombre de 1 à 6 et elle prendra la pose. Celle ci est la première elle la prend en absence d’ordre, c’est la position d’attente. Elle a aussi appris à se présenter en une phrase explicite. Il tendit l’oreille intéressé. Il s’approcha d’elle et elle sentit son parfum ambré et il lui dit d’un ton doucereux. je t'écoute Lilly Lilly jeta un œil dans ma direction cherchant un appui. Je pris la parole d’une voix forte. Présente toi. Elle parla d’une voix basse et tremblante. je m’appelle Lilly. Je suis soumise. Marc l’interrompit. Recommence en parlant plus fort. Tu dois être fière d’annoncer ta condition de soumise et pas larmoyante. Lilly reprit d’une voix plus ferme. Je m’appelle Lilly, je suis soumise. Mes 3 orifices sont disponibles. Usez en, et abusez en à votre guise. Si vous n’êtes pas satisfait de mes services ou pour votre plaisir vous pouvez me punir sévèrement. Je vous servirai et vous obéirai comme la bonne chienne que je suis. Marc avait écouté avec attention. Voilà une jolie invitation, on aurait tort de s’en priver. Prends la pose numéro 2. Lilly descendit ses bras et ses mains écartèrent les grandes lèvres ouvrant largement son sexe. Marc s’approcha se pencha pour bien voir la chatte, provoquant sa gêne. Il glissa un doigt dans le trou béant et Lilly tira la langue. Il recommença l'opération à plusieurs reprises l’obligeant à chaque fois à sortir sa petite langue
1.2000 vues 20 aime
Par : le 03/02/24
Étant amateur d'Histoire je suis notamment attiré par les sociétés dîtes « d'Ancien-Régime ». Et dans la féodalité médiévale il y a quelque chose qui m'a toujours profondément touché depuis l'enfance, sans parvenir pendant longtemps à vraiment comprendre pourquoi. Loin de moi l'idée de glorifier un passé fantasmé et mal connus, loin de moi l'idée d'écarter les méfaits d'une société traditionnelle, sexiste, superstitieuse, violente, intolérante etc ^^ J'ai étudié l'Histoire à l'université pendant 5 ans, je ne sais que trop bien qu'il n'y a aucune période historique mieux qu'une autre ! Et qu'il faut, surtout en histoire médiévale ! Garder à l'esprit que nous ne voyons qu'une bribe altérée des réalités anciennes. Je m'inspire seulement de ce que nous comprenons de certaines pratiques sociales passées car j'ai trouvé qu'il pouvait y avoir un intéressant parallèle à faire entre la notion de « suzeraineté/vassalité » du moyen-âge et les relations bdsm modernes. La féodalité est une société basée sur des rapports hiérarchisés entre individus plus ou moins libres. Ce sont des rapports faits de serment, de protection, de service et d'hommage qui régulent les relations sociales et déterminent la place de chacun dans un monde où la tradition impose de conserver son rang. De nombreux rapports différents se superposent dans ce monde complexe dont par exemple et de manière non-exhaustive : le servage, la suzeraineté/vassalité, le patriarcat, le mariage, le clientélisme, l'esclavage, etc. Et je ne parle même pas des rapports à la religion et à ses ministres !   La vassalité/suzeraineté est le sujet qui m'intéresse ici : Il s'agit d'un rapport de dépendance qui engage un dominant et un dominé dans un contrat juridique et spirituel basé sur l'échange de serment et d'hommages dont chacun tire droits et devoirs dans une relation asymétrique et hiérarchisée mais considérée comme Juste pour chacune des parties qui y a librement consentis. Je vais détailler quelques tenants et aboutissants d'un tel rapport : - La relation est personnelle, entre deux individus libres et d'égale dignité (comme par exemple deux chevaliers, deux seigneurs etc ) contrairement au servage où les individus ne sont pas égaux de naissance (les paysans roturiers « appartiennent » à [enfin plutôt à la terre de] leurs seigneurs par exemple). C'est le vassal qui se place théoriquement de son propre chef librement sous la protection d'un suzerain ( dans les faits c'était souvent beaucoup moins libre et beaucoup moins pacifique ^^ ). Ce sont des serments et vœux publiques qui établissent les règles de la relation : en somme il s'agit d'un contrat engageant dans un monde de justice orale puisqu'il est fait devant témoins.   - Le suzerain obtenant une part de la souveraineté de son vassal possède le droit de le commander. En échange de ce pouvoir le vassal qui se met à son service obtient une « protection » de la part de son maître. Ainsi le vassal est contraint dans sa liberté souveraine : il ne peut se marier, se déplacer, construire ou céder des terres, nouer des alliances, lever des impôts, organiser une réception, etc ... sans demander la permission de son suzerain. Y manquer est une insulte et demande réparation ! Inversement le suzerain est responsable de son vassal, tant matériellement que spirituellement. Il doit pourvoir à ses besoins et répondre à son appel en cas de danger. Il doit aussi veiller aux intérêts de son vassal et à ceux de ses subordonnés. La réputation du vassal impacte la réputation du suzerain, et la négligence du premier témoigne de la faiblesse du second.   - Afin de sécuriser chacune des parties, elles doivent régulièrement démontrer leur fidélité par le témoignage d'hommages durant lesquels des comportements dominants et dominés publiques et privés rappellent à la fois la hiérarchie et le soutien mutuel sans forcément chercher à témoigner d'une humiliation, mais plutôt témoigner de l 'honneur que chacun a de respecter sa parole. Enfin cette relation induit un comportement d'apparat réglementé, souvent par l'utilisation d'attributs comme des vêtements ou des objets mais aussi par l'adoption de postures rituelles en privées et en publiques (baisser la tête, se lever, garder le poing sur la garde etc) ou de coutumes de langages (Sir, seigneur, maître etc).   Maintenant que vous comprenez mieux ce qu'est un suzerain et un vassal, est-ce que vous y voyez le même parallèle que moi ?     A titre personnel, transposée dans le domaine des relations bdsm, je trouve que la suzeraineté/vassalité est une notion appropriée pour exprimer la nature de la relation que je souhaite construire. Il s'agit de l'articulation juste et fructueuse d'une relation hiérarchique, d'une relation consentie dans laquelle il y a un dominant et un dominé qui s'échangent un pouvoir. La personne soumise se met au service de son maître par une soumission à son pouvoir naturel, ou à son rôle durant une relation temporaire, et apprécie le commandement de ce dernier au nom des qualités qu'elle lui reconnaît.   Ma relation bdsm est un engagement d'individus libres, une cession de souveraineté sur des droits personnels en échange de devoirs, à plus ou moins longs termes, au sujet de plus ou moins de domaines (ex : plaisir sexuel, moyen d'y parvenir, hygiène, loisir, etc). Ce n'est ni en vertu de nos sexes ni en vertu d'aucune distinction humaine de dignité, de foi ou d'origine ethnique etc … Ce n'est pas la représentation d'un ordre, d'une hiérarchie universelle, ce n'est que la relation particulière entre deux personnes données. Il y a une stricte égalité de nature, c'est parce que c'est moi, et parce que c'est elle. Pas parce que je suis un « homme », pas parce que c'est une « femme » ! Ce n'est pas du patriarcat, ce n'est pas un mariage, ce n'est pas un couple. C'est une relation bdsm basée sur des transferts de pouvoirs/responsabilité réglée par un contrat révoquable.   La personne dominante assure une certaine « protection » à son/sa protégé-e, mais doit surtout assistance, écoute et bienveillance. La protection dans le cadre d'une relation bdsm signifiant à mon sens la sécurité de ma partenaire : la gestion bienveillante des responsabilités transférées dans le cadre du contrat, un soucis permanent du bien être mental de ma partenaire, la « re-vérification » honnête de son consentement malgré les transferts établis, le désir de ne pas seulement la considérer comme une possession, mais comme une personne ayant des plaisirs et des souffrances personnelles sur lesquelles je dois veiller en plus d'avoir des droits et devoirs dessus.   Afin de jouir de cet état de relation, j'aime aussi assister à l'hommage régulier, ostentatoire et spirituel autant que matériel de ma partenaire soumise. Cela donne à chacun le plaisir de témoigner les sentiments d'affection et de respect qu'il porte à l'autre car nous entretenons une relation à double sens dont chacun tire un sincère bénéfice bien que notre relation soit asymétrique. J'aime aussi que dans mon bdsm nous affichions des attributs de notre état afin d'entretenir le respect et la fidélité à notre rôle, que nous respections des postures, des coutumes de langage et des règlements vestimentaires par exemple pour commémorer le lien qui nous unie, voir pour le témoigner publiquement.   Et comme dans un contrat de vassalité, je ne vois pas mon bdsm comme quelque chose qui humilie ma partenaire, mais quelque chose qui nous honore tout les deux, une relation qui fait notre fierté à chacun et qu'il nous importe de rendre meilleure par amour et par respect ! Parce que de ce rapport respecté découlent l'ordre et la paix en nous même, entre nous et avec le monde.
485 vues 8 aime
Par : le 30/01/24
Il y a quelques années de cela une exposition des tableaux du peintre Jean Auguste-Dominique Ingres avait été proposée au musée du Louvre . Mon fils , étudiant en histoire de l'art à cette époque m'y avait traîné . J'avoue que ma culture en matière d'art et de peinture est assez restreinte . A ma grande honte , je suis incapable de m'extasier en récitant des termes pompeux et faussement dithyrambiques devant un tableau . J'en suis toujours incapable mais je n'en ai plus honte depuis le jour où un ami m'a dit que la dithyrambe et la pompe dans le domaine de l'art n'est qu'une affaire de snobisme de la part de gens qui n'y connaissent pas grand chose . Cet ami était très généreux envers moi et un peu sévère envers les snobs mais je me suis rendu compte qu'il n'avait pas tout à fait tort . Il m'avait dit aussi qu'il n'est pas nécessaire de s'y connaître en art . <> . Il était très généreux . Je ne prétends pas être devenu un connaisseur pourtant j'ai connu de grandes émotions en visitant de somptueux musées de part le monde mais très peu comme celle que je vais vous raconter . Mon fils et moi déambulions dans les salles de l'exposition , admirant les toiles de ce célèbre peintre quand je tombais littéralement en extase devant la tableau << La Source >> . Cette oeuvre représente une femme nue , debout , portant sur son épaule une amphore d'où coule une eau claire dont le débit semble intarissable . Je restais en admiration devant cette image qui faisait revenir à ma mémoire de vagues souvenirs depuis longtemps enfouis . J'étais insensible au défilé des autres visiteurs et je restais immobile , tétanisé comme aimanté par la beauté de cette femme . C'est un reflet , un éclair de lumière dans la pénombre de la salle où seules les oeuvres étaient éclairées , qui me fit sortir de cette transe passagère . Je tournais mon regard vers la source de ce reflet . C'était une écharpe en satin couleur jaune lumineux ceignant le cou d'une femme d'une soixantaine d'années . Ses cheveux courts étaient d'un blanc de neige . Une impression de similitude venant du passé envahit mon esprit . Je ne pouvais détacher mon regard de cette femme comme je ne pouvais détacher mon regard de <> quelques instants auparavant . J'étais certain d'avoir connu cette personne dans le passé quand soudain le souvenir précis d'un épisode de ma vie rejaillit à la surface de ma mémoire me ramenant cinquante ans en arrière . J'avais vingt ans , j'étais un jeune cuisinier dans un restaurant triplement étoilé par le célèbre guide Michelin : le << Lapérouse >> . Du nom du célèbre navigateur envoyé par Louis seize explorer l'Océan Pacifique . Ce restaurant qui existe encore est situé au 51 du quai des Grands Augustins à Paris , juste en face du célèbre << 36 Quai des Orfèvres >> . J'avais la chance et la fierté de travailler dans ce prestigieux établissement qui voyait passé à sa table les grands de ce monde et où furent tournées plusieurs scènes de film . Pendant mon temps libre , certains après midi , je montais jusqu'au jardin du Luxembourg par le Boul'Mich .( Boulevard Saint Michel .) Après m'être acquitté de la redevance réclamée par une chaisière invariablement acariâtre je m'asseyais sur un de ces fauteuils métallique pour le moins peu confortables . Je lisais à l'ombre des tilleuls alignés comme des militaires à la parade . Dans cet endroit , inconfortablement installé , j'ai dévoré tous les Maurice Leblanc , les Gaston Leroux , les Jules Verne et autres que je dénichais dans les coffres de bouquinistes des quais de Seine ou dans les bacs à livres d'occasions des librairies << Gibert Jeunes >> . Au cours de ces après-midi , je n'avais pas toujours le nez plongé dans mes bouquins . Je laissais mon regard papillonner sur les autres promeneurs , surtout sur les promeneuses . Il y en avait qui me plaisaient beaucoup comme le chantait Michel Delpech . J'aimais le spectacle de cette foule disparate . Il y en avait d'autre qui me plaisait moins , voir pas du tout . Comme le bizutage des étudiants de première année par les étudiants de deuxième année . La rentrée universitaire datait de quelques jours .Cette année là le mois d'octobre jouait << L' Eté Indien >> avant l'heure . Les deuxièmes années prenaient un plaisir sadique à martyriser les premières années . Un de ces tortionnaires de bas niveau faisait dire à un bleu qui en même temps devait faire des tourniquets avec ses bras << Je suis cent fois plus con qu'un moulin à vent >> . C'est le tortionnaire qui est resté dans ma mémoire comme cent fois plus con qu'un moulin à vent ! Si tant est qu'un moulin à vent puisse être con . J'ai toujours eu une aversion viscérale pour le bizutage , ce jour là cette aversion se transforma en souvenir insupportable . Heureusement il y avait des spectacles beaucoup plus agréables . J'avais remarqué une jeune femme qui fréquentait aussi les fauteuils en fer du Jardin du Luxembourg . Elle avait un peu les mêmes habitudes que moi . Elle lisait à l'ombre des tilleuls . Un après midi où je m'étais assoupi , une fois de plus , l'Arsène Lupin que je lisais qui devait être << L'Aiguille creuse >> était tombé en bataille sur mes genoux .Un je ne sais quoi , une fragrance , l'impression d'être observé peut être me tira de mes songes . La jeune femme que j'avais remarqué était assise à quelques fauteuils du mien .Elle était vêtue d'un tailleur de couleur jaune , un jaune lumineux . Cette personne lisait , plongée ostensiblement dans son livre . Elle n'était pas beaucoup plus proche de moi que d'autres personnes , en outre elle ne montrait aucun signe d'intérêt pour son environnement ni pour son entourage . Je pensais donc que c'était un pur hasard et tentais de n'y plus prêter attention , en vain, comme je tentais en vain de reprendre ma lecture . J'étais troublé par la présence de cette belle et lumineuse jeune femme . Je la contemplait à la sauvette victime d'une irrésistible attirance bien qu'elle ne manifesta jamais aucun attrait pour moi . Je ne tentais donc rien . Il était dix sept heures quinze , il me fallait retourner à mon travail . Après un dernier regard non échangé en direction de la jeune femme je me dirigeais vers la sortie du Jardin située en haut du Boul-Mich . Je revis irrégulièrement cette jeune personne mais je ne me montrais guère plus audacieux . Le mois d'octobre passa , le mauvais temps arriva avec novembre , le temps n'étais plus à la flânerie sous les tilleuls . Je pensais que cette personne entrerait dans cette sorte particulière de souvenirs où les hommes logent ceux des femmes qu'ils n'ont pas osé aborder et c'est ce qui arriva . Jusqu'à ce que le hasard s'en mêle . Quelques semaines plus tard ,j'étais à mon travail , je détaillais un quartier de viande . Le métier de cuisinier ne consiste pas uniquement à décorer à l'aide de pinces à épilé et avec force fleurs comestibles des échantillons de nourriture perdus dans des assiettes grandes comme des soucoupes volantes . Il y a aussi des préparations quelque peu plus ingrates à effectuer avant de se prendre pour un fleuriste de talent . Je détaillais donc ce quartier de viande quand la lame de mon couteau fut déviée par un os et m'entailla profondément le pouce .Cette blessure ne pouvait pas être traitée sur place . Il fallut me conduire aux urgences de l'Hotel Dieu alors situé à proximité du parvis de Notre Dame à Paris . Je n'attendis pas longtemps au début , on me prodigua rapidement les soins nécessaires pour stopper l'hémorragie mais après je dû patienter deux bonnes heures avant que quelqu'un vint me faire le pansement qui me permettrait de sortir . Au bout de ce laps de temps interminable une infirmière tira le rideau du box où l'on m'avait oublié . Quelle ne fut pas ma surprise quand je reconnu ma voisine de fauteuil du Luxembourg . Elle souriait en me regardant avec un petit air narquois .Elle avait troqué son petit tailleur jaune lumineux contre une blouse d'infirmière . C'est elle qui parla la première pour me poser les questions inhérentes à cet incident et c'est elle encore qui aborda notre non-relation du Jardin du Luxembourg en me demandant : << Les cuisiniers sont-ils tous aussi timides que vous ? >>. Et naturellement je me vautrais lamentablement dans ma timidité en répondant par des mots qui tenaient plus du borborygme incompréhensible que de la parole sensée mais cela eu le don de la faire éclater de rire et facilita grandement la suite de notre relation . Une idylle comme en connaissent tous les jeunes gens de notre âge commença ce jour là . Ce fût une histoire passionnée , romantique , fulgurante de quelques semaines interrompue par les obligations de la vie . A cette époque les jeunes hommes faisaient encore leur service militaire , je fut appelé sous les drapeaux et la jeune fille du Luxembourg du repartir dans son école d'infirmière , en province . Nous avons bien essayé de rester en lien mais l'éloignement n'aide pas les gens qui s'aiment . Le temps faisant son oeuvre nous ne nous sommes plus jamais revus . . . jusqu'à ce que Ingres bien involontairement nous réunisse au musée du Louvre . Ce jour là . . . je ne me suis pas montré timide . J'invitais cet amour de jeunesse à boire un café et devant ce café , quelques heures plus tard, nous avons juré de ne plus jamais laissé la vie , cette cruelle , nous séparer .   Berny soumis de Lady Gabrielle
348 vues 7 aime