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Par : le Il y a 12 heure(s)
La jeune femme était préoccupée par des questionnements qui, indirectement, la persuadaient qu'il y avait lieu de se demander si elle était éprise ou non. Et à force d'examiner cette hypothèse, l'éventualité de sa passion pour Charlotte devenait pour elle une réalité, mieux, une évidence ! Et plus elle s'en apercevait, moins elle se sentait capable d'opposer à l'émotion tenace, flamboyante et proche de la panique qui la gagnait, sa réserve qui, pourtant demeurait vive, tant elle-même demeurait rétive à se livrer, à risquer une autre fois son cœur qui ne savait qu'aimer absolument. Cernée, elle se voyait à présent traquée par d'inévitables sentiments, fatals et mordants, qui la conduisirent à rechercher d'opportunes occasions de s'ouvrir à Charlotte. C'est ainsi qu'elle conçut le projet d'un voyage. Mais quelle idée baroque de promener son amante sur les rives diaboliques du lac de Côme ! Avec Prague, Budapest ou Venise, c'est l'endroit le plus fâcheux pour les amoureux. Son atmosphère languissante leur est fatidique. Je ne sais si cela tient à la particularité de l'air humide, à la chimie toxique des décompositions végétales qui s'opèrent dans les eaux dormantes où la dépression créée par la cime neigeuse des Alpes et à la douceur du microclimat. La végétation a beau être luxuriante, la passion, saisie de mélancolie et de langueur, se fane doucement. Au reste, les autochtones ont pris leur parti de cette singularité qu'ils ne s'évertuent plus à comprendre. Prévoyants, ils font signer plusieurs contrats de location pour les mêmes villas tant ils sont convaincus que les audacieux qui y hantent leur lune de miel dénonceront leur bail à la dernière minute. Rares sont les amoureux qui passent le cap de la deuxième semaine. Seuls quelques couples d'anglais ou de scandinaves vaccinés contre tout poison romantique échappent à la fatalité. L'air ambiant a agi: le couple s'aigrit. Les lits sont soulagés, les sommiers ne grincent plus, on ne brame plus jusqu'au petit jour, on bâille d'ennui. Les griefs remplacent les sentiments. On était arrivé plein de feu, on se quitte plein de fiel. Les cœurs éperdus, égarés par les rêves, ont rejoint leur logis raisonnable. Chacun a regagné son égoïsme. Le lac de Côme a accompli son œuvre. Bellagio et les villages ocres qui sertissent le lac font pourtant la meilleure impression. Et quel est le couple d'amoureux qui ne se croit pas au-dessus le la loi commune ? Aucun n'échappera au refroidissement fatal. Ce qui m'attirait là-bas, outre Stendhal et le roman d'une femme de lettres américaine, "Madame Solario", qui entremêle l'inceste et les promenades en barque, les robes d'organdi froissées et la culpabilité, c'était bien sûr la légende de la "Pliniana". Cette villa majestueuse habitée par Pline le jeune, qui a étudié son secret, possède dans ses entrailles de pierre une source vive qui se jette dans le lac. Celle-ci s'interrompt toutes les six heures pendant la même durée. Ce lieu a abrité les amours du prince Belgiojoso et de la duchesse de Plaisance, fille du maréchal Berthier, qui avait abandonné mari et enfants pour fuir avec ce bellâtre, chef des partisans italiens. Elle l'avait quitté tout aussi brutalement quelques années plus tard pour aller habiter sur l'autre rive, le laissant désespéré. J'abordais avec précaution ces lieux prédestinés au naufrage. Un printemps timide s'effoçait de repousser l'humidité poisseuse. Nous visitâmes la "Pliniana". Un guide cérémonieux nous en fit les honneurs. Tandis qu'il discourait avec abondance, Charlotte voyait le fantôme des amants rôder dans les couloirs. Elle se plaisait à croire qu'ils se jetaient toujours dans le lac à minuit, à leur habitude, du haut de leur balcon de leur chambre, enveloppés dans un seul drap blanc. Je me gardais bien d'interroger le guide à ce sujet pour ne pas la contrarier.    Le soir allait tomber, et d'être avec elle, me rendait non sans arrière-pensées, joyeuse et confiante. Avec un peu de chance, il ne resterait plus qu'une chambre avec un grand lit. La tragédie du lac de Côme ferait place alors à une comédie, où nous pourrions jouer à cache-cache avec nos sentiments. Elle me souriait. C'était une promesse. Oui, nous fîmes l'amour cette nuit-là. Le lendemain soir, la gérante d'un fameux hôtel, la Villa d'Este, une femme d'âge mûr, élégante et encore séduisante, nous fit le récit de légendes qui foisonnaient sur le lac. Le dîner avait le charme pimpant des réceptions transalpines: mélange de potins dénués d'aigreur et de méchancetés, d'anectodes amusantes, ni sérieux, ni emphase cérémonieuse. On semblait là seulement pour le plaisir, pas pour se voir infliger un cours d'Université ou une leçon de morale. Le minestrone vous donnait l'impression de faire le tour du potager. Peu à peu, la nuit tombait sur le lac. Des lumières s'allumaient sur les rives. Une odeur aigrelette de moisi et de plantes décomposées perçait sous les effluves des brûle-parfum. Charlotte et moi étions l'une à côté de l'autre. Nous murions notre désir. Je m'efforçais de ne pas la toucher. Mais les meilleures résolutions sont celles qui ne sont jamais tenues. Alors, je lui pris la main et je l'embrassai. Au café, dans le salon, la conversation déboucha sur D'annunzio et, de là sur les grands aviateurs. Le visage de la maîtresse de maison se rembrunit aussitôt comme si la nuit du lac tombait aussi sur ses traits limpides. J'évoquais les figures de Saint-Exupéry et de Mermoz. On en vint à évoquer le nom de Peter Townsed, ce légendaire chevalier du ciel. Plus que sexagénaire, il restait beau comme un acteur et juvénile comme s'il venait à peine de terminer ses études à Eton. Cet homme ne volait pas, il planait tant il semblait être supérieur aux autres. Le scandale de sa liaison avec la princesse Margaret l'avait affiché à la première page de tous les quotidiens du monde. Pourtant son seul désir était de demeurer dans l'anonymat et l'obscurité. Et il passa au travers du tohu-bohu médiatique et des flashes des journalistes avec la même désinvolture souriante que la mitraille allemande. Il méprisait la vulgarité, la méchanceté et surtout la facilité. Seule la finalité l'intéressait. Ne jamais baisser les bras face à l'adversité. Dénué de toute agressivité, il avait mené la bataille d'Angleterre comme s'il avait dirigé une équipe de cricket. Militaire atypique avec une âme de poète, il aimait la vie et la paix qui la rend possible et aimable. Peu à peu, il était devenu pacifiste et offrait ses médailles et décorations à des œuvres de charité. Si Saint-Exupéry aimait les jeux de carte et les tours de passe-passe, lui vouait une profonde passion pour les oiseaux, avec lesquels il se sentait des liens de parenté. Il rêvait d'écrire un livre sur les hirondelles dont il admirait les prouesses de vol. Quand il trouvait un oiseau blessé, il tachait de le soigner avec la même méticulosité qu'il mettait à rafistoler son Spitfire après un duel aérien. Il nous a quittés le dix-neuf juin 1995 à l'age de quatre-vingt-ans et repose aujourd'hui dans le petit cimetière de Saint-Léger-en-Yvelines, où il avait restauré avec sa seconde femme une ancienne ferme. Grâce lui soit rendue. De tels hommes rassurent sur la nature humaine. Ils relèvent son degré de grandeur. Comme Mermoz et Saint-Exupéry, il a rejoint les cieux. Sur le lac de Côme, le ciel était haut et étoilé. Je sentais sous mes lèvres les lèvres de Charlotte et je la sentais aussi s'attendrir et céder. Son consentement était doux et chaud. Je la regardais de cet œil bienveillant qu'on réserve aux êtres auxquels on a que des plaisirs à reprocher. Son amour m'apaisait. Pour une fois, la malédiction du lac de Côme avait épargné des amoureux.    Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir. 
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