La rubrique "Articles" regroupe vos histoires BDSM, vos confessions érotiques, vos partages d'expériences SM. Vos publications sur cette sortie de blog collectif peuvent aborder autant les sujets de la soumission, de la domination, du sado-masochisme, de fétichisme, de manière très générale ou en se contentrant très précisément sur certaines des pratiques quu vous connaissez en tant que dominatrice/dominateur ou soumise/soumis. Partager vos récits BDSM, vécus ou fantames est un moyen de partager vos pratiques et envies et à ce titre peut être un excellent moyen de trouver sur le site des partenaires dans vos lecteurs/lectrices. Nous vous rappelons que les histoires et confessions doivent être des écrits personnels. Il est interdit de copier/coller des articles sur d'autres sites pour se les approprier.
Par : le Il y a 2 heure(s)
"Demande aux femmes de mon temps, bagnardes, cent-cinq, prisonnières, et nous te raconterons tout. Que la peur nous abrutissait, que nous élevions alors des enfants, pour la prison, la torture et la mort. Pinçant nos lèvres bleuies, Hécubes devenues folles, Cassandres de Tchoukhloma portant des couronnes de honte, nous serons un chœur de silence. Au-delà de l'enfer, il y a nous". "Tout est prêt pour la mort, ce qui résiste le mieux sur terre, c’est la tristesse, et ce qui restera c’est la Parole souveraine". Ces belles paroles sont de la grande poétesse russe Anna Akhmatova (1889-1966) qui, avec Osip Mandelstam et dans une moindre mesure Marina Tsvetaieva, aura été la nouvelle source de la littérature russe du vingtième siècle. Elle est à jamais cette parole souveraine qui aura fait taire toutes les voix de l’oppression. Les plus criardes, les plus haineuses. Elle semble trôner au milieu de nous comme une Pietà, avec sa douleur dans ses bras, son sourire las, sa présence intimidante, sa beauté hautaine. On ne voit d’ailleurs jamais les portraits de sa vieillesse, seulement ceux de sa belle moisson inaltérable de son visage des années vingt. Elle était la beauté même qui ne pouvait se flétrir. Le temps ne pouvait réaliser ce que les bourreaux ne purent. Voix de contralto sur les lettres russes, elle incarne la douleur et la résistance à la dictature. Si fortement que de son œuvre poétique on ne connaît souvent que le recueil "Requiem" composé à la fin des années trente pour témoigner, avec des millions de petites gens, sur la disparition d’êtres chers. Ce texte passant clandestinement de main en main sera le réconfort d’une population soumise à un fou sanguinaire, et qui trouvera dans ces mots la description de sa propre réalité quotidienne. Il ne sera publié officiellement en Russie qu’en 1980, vingt-sept ans après que les vers aient enfin pris possession de ce psychopathe nommé Staline et petit père des peuples par tous les communistes et affidés. Son œuvre importante va des "poésies antipopulaires et décadentes" du renouveau lyrique russe avec les passeurs d’âmes, les acméistes, au cœur du siècle, jusqu’aux œuvres de témoignage de la douleur du monde. Toujours cette fille de la haute bourgeoisie sera étiquetée "renégate", nuisible pour la jeunesse, réactionnaire et totalement morbide par le pouvoir de terreur de Staline. Seule sa renommée la sauvera du goulag. Comme le disait le pouvoir soviétique, "nous ne pouvons compatir avec une femme qui n’a pas su mourir à temps". Cette noble parole est de 1935 et Anna a trente-six ans. Trente ans, les cheveux blancs. C’est l’exil pour Marina, bientôt le rideau de fer. Dans le train, elle n’entend alors que l’appel du Cygne blanc, ce jeune père qu’Alia a si peu connu.    "Cette merveille de notre rencontre, était lumière et chanson. Je ne voulais plus aller nulle part. C'était une amère douceur qu'un bonheur au lieu d'un devoir, je devais ne pas lui parler, et j'ai parlé longtemps". Sergueï, son mari-fils, éternel adolescent qu’elle a voué à jamais au culte de leur jeunesse et promis, contre sa vie sauve, de suivre "comme un chien", galère piteusement. Le fiacre les conduit à la gare, elle et Alia, une dernière fois elle se signe devant l’église de Boris-et-Gleb. Pour quelle fatalité ? Vous êtes aveugle ? Non, voyante ! Vous êtes sourde ? J’ai une oreille de musicienne. Le train passe devant l’ancienne propriété de la famille Meyn, "Yasenka", et traverse Riga. Le voyage dure quatre jours. Marina ne dort ni ne mange, ne dit pas un mot. Elle a été prévenue: "Dans votre compartiment, il y aura un membre de la Tcheka, ne parlez pas inconsidérément". Au début des années révolutionnaires, elle fêtait avec une amie le Nouvel An en disant la bonne aventure, selon la coutume. Et Anna aura beaucoup à souffrir de ces psychopathes voulant le bien des ouvriers, et plus sûrement le leur. Elle leur survécut par les mots et devint l’étendard des pauvres et des persécutés, elle la haute bourgeoise. Elle restera universelle, les autres resteront seulement boue de l’humanité. "J’ai vécu trente ans sous l’aile de la mort". Née à Odessa le onze juin 1899, elle mourra d'un infarctus, le cinq mars 1966, à l'âge de soixante-seize ans, dans sa chère ville de Moscou. Son ami Josef Brodsky exilé à New York pour parasitisme, en fait victime de l’antisémitisme, écrira à la mort d’Anna: "Je salue les cendres de cette grande dame, pour avoir eu ces mots, dormant en terre natale, là où par son bienfait fut doté de parole un monde sourd-muet". "La souveraine du verbe et de la dignité" aura traversé les épreuves de sa vie comme une Pietà, une madone en douleur portant la mort de son mari Nikolaï Goulimev fusillé en 1921 pour déviationnisme et la longue détention en goulag, près de vingt ans, de son fils Lev, arrêté dès 1933, de ses amis exécutés comme Osip Mandelstam, ou traqués comme Boris Pasternak ou Marina Tsétaëva. Nul n’osera l’attaquer de front car grandes étaient son aura et sa faculté à universaliser le malheur. La force et le courage.   "Que les passions étouffent les amants, qu'elles exigent des réponses. Nous n'étions plus, ami, que des âmes sur le bord du monde. Enfant, déjà j'avais peur des masques". Elle traversera les frontières du monde comme oiseaux migrateurs. Mais tant de poèmes détruits, perdus ou non écrits marquent encore la victoire des salauds. Cette voix d’au-dessus des goulags doit encore faire son chemin en France, car si enracinée dans la langue russe par sa construction, ses rimes, ses sentiments, elle attend toujours ses traducteurs sachant rendre cette aveuglante simplicité, sa pureté de feu. Il est douloureux de voir tant de pauvres et fausses gloires en présentoir, ainsi le lâche Aragon, falsificateur de l’amour et de l’éthique, alors que pour trouver quelques bribes de poèmes de l’immense Anna Akhmatova un si long chemin de croix est nécessaire. Elle était d’une nature profondément aux aguets des signes de la vie et du destin. Profondément croyante, elle y mettait toute la superstition des vieilles babouchkas. Et en même temps totalement moderne dans ses relations sociales, n’hésitant jamais à proclamer son féminisme et son attachement viscéral à sa liberté. Elle ne pouvait pas alors vivre une relation amoureuse sans vouloir la détruire de l’intérieur. Belle, elle le savait, et savait séduire ses proies. Elle tentera mélangeant foi orthodoxe étroite et magie dans les hasards de décrypter sa vie et celle des autres. Ainsi elle est née le jour de la Saint Jean, le 23 juin 1899 en Russie, comme prédestinée à la quête du soleil et de la vie. Mais elle se trompait, comme souvent, et ni paix, ni amour, ni rire ne lui furent abondamment donnés. La douleur était sa plus proche amie à venir. Certains sont voués aux anges ou à la pluie, elle était vouée au tragique, et malgré la grâce souriante de ses premiers poèmes centrés sur les relations amoureuses, c’est bien de la condition humaine qu’elle devra témoigner. Née Anna Andreievna Gorenko, sa recherche de signes et de symboles la feront choisir le nom de son arrière-grand-mère maternelle, Akhmatova, pour s’auréoler alors d’un passé tartare sanguinaire. Elle pouvait signer un triple AAA ses poèmes, Anna Andreievna Akhmatova.   "Il me semblait toujours et j'ignore pourquoi, que je ne sais quelle ombre indésirable sans visage et sans nom, au milieu d'eux s'était glissée". Odessa et la mer Noire la marqueront bien moins que Saint-Pétersbourg sa ville d’adoption, dont elle devint le symbole. Loin des domaines de sa famille, de sa richesse, et ayant expérimenté la pauvreté avec le départ de son père, elle put rencontrer à la même hauteur ses pairs les poètes, et affirmer sa liberté, son égalité avec les hommes. Gardant en elle les fêlures de la séparation de ses parents, elle en imagina l’inéluctable destruction de tout amour avec le temps. Mariée par lassitude avec son ami d’enfance, Nicolas Goumilev en 1910, elle fut admise dans les cercles littéraires où sa forte personnalité s’imposa bien vite. Son charisme, sa séduction firent autant que ses poèmes. Sa tentation de la vie brillante l’amena dans de nombreux voyages, dont Paris où Modigliani lui fut alors très proche. Ses initiations se firent par les paysages et les rencontres. En 1912 une autre femme se révèle, moins encline au brillant des choses. Son fils unique Lev naît en 1912, et sa découverte des grands poètes russes, Pouchkine dont elle se croyait une réincarnation, Biely, Blok, Balmont et bien d’autres. Dépassant le symbolisme russe elle se joindra aux écrivains de sa génération pour se libérer de la perfection formelle et aller vers le réel. Ce réel ne se situait pas dans la vénération des machines comme pour Maïakovski, ni dans le mysticisme de l’acte créateur, mais dans la croyance absolue en la puissance de la Parole et de la force du verbe. Son mari Nicolas Goulimev fondera le mouvement des acméistes avec Osip Mandelstam. Sa forte personnalité faite alors de domination et de reconnaissance la fit devenir la figure de proue de ce mouvement. Elle sera célébrée, imitée, vénérée par la jeunesse russe. Elle devait être la louve alpha de sa vie et de ses proches. Là se tient une des clés de la psychologie d’Anna: le besoin de déification par le verbe, le vertige de la domination, le besoin d’être la grande prêtresse des choses, amour ou douleur. Elle se voulait chef de meute d’une troupe d’hommes valeureux et aucun lien ne pouvait l’en dissuader, surtout pas ceux du mariage. De divorces en remariages nombreux et vains, elle put alors expérimenter cela. "Je bois à la maison en feu, et à ma vie aux abois".   "La porte est entrouverte. Les tilleuls frémissent, oubliés sur la table, une cravache, un gant. La lampe fait un cercle de clarté. Il y a des bruits que j’entends. Pourquoi es-tu parti ? Je ne comprends pas". À ces problèmes d’amour et de liberté, de tension et de séduction, il suffit d’ajouter alors l’atroce impact de la première guerre mondiale et de sa boucherie insensée, pour comprendre l’évolution d’Anna à qui se révèle sa nature tragique. La révolution bolchevique fut la fin de son monde et de ses amis. Elle la croyante, ne pouvait comprendre ce matérialisme purificateur par le sang. Jamais, sauf une ode à Staline pour libérer son fils, elle ne se compromit avec ce régime qui bascula alors très vite dans la terreur qu’il prétendait abattre. Elle ne fuira pas, profondément patriote, mais sera "l’exilée de l’intérieur", la statue du commandeur raillant ses persécuteurs. La suite se tissa sinistrement logique: exécution en 1921 de son Pygmalion et premier mari Nicolas Goumilev, ferveur des gens jusqu’à l’hystérie pour une diva jusqu’en 1925. Puis le régime comprit qu’il ne pourrait jamais la récupérer, et qu’elle serait toujours cette émigrée intérieure dans la plus totale et irréfutable opposition. Alors pleuvent les interdits et les persécutions. D’abord rendue muette vers les années 1925, elle sera la bête à abattre quand Staline prit le pouvoir. Arrestations de ses maris, déportations, interdiction d’écrire et de publier, flicage, tout fut employé contre elle. Quelques poèmes appris par cœur par ses amis sont parvenus jusqu’à nous pour des centaines perdus ou brûlés. Les sept ou onze apôtres formaient la seule chaîne de mémoire. Ils avaient le droit d’apprendre par cœur le papier griffonné qui ensuite était détruit. Sans doute avait-elle inconsciemment attendu, espéré peut-être, cette épreuve, vue comme épreuve christique pour elle. L’apocalypse avait fondu sur elle. Elle prenait alors son envol au fronton de la résistance à l’horreur. De brèves accalmies n’empêchèrent pas son exécution littéraire par le subtil Jdanov, qui en 1946 la jeta aux chiens et la renvoya alors au vide des lecteurs.   "Demain matin la lumière sera pleine de joie. Cette vie est brève. Sois sage, mon cœur. Tu es à bout de force, tu bats plus sourdement. Tu sais, je l’ai lu quelque part, les âmes sont immortelles". La jeune fille d’autrefois, la foudre dans la poitrine sous le collier d’ambre héréditaire, l’amoureuse de Napoléon, célébrait à quinze ans la mise en terre de Manon Lescaut "à l’épée, non à la pelle" et fleurissait de roses blanches le tombeau de Marie Bashkirtseff au cimetière de Passy. Marina s’acheta alors un revolver, gardé dans son sac de velours, pour se supprimer, pendant la représentation de L’Aiglon, au moment où Sarah Bernhardt prononçait. "On n’avait pas le droit de me voler ma mort". Cette jeune fille qui courait à tire-d’aile envers et contre la mort peut-elle affronter son propre miroir et se reconnaître en cette femme aux mains rongées ? Seuls les anneaux tsiganes enlacent encore les doigts qui écrivent, au fil de sa fatalité. Le train persécuteur maudit le temps, le pourchasse, l’avale, mineur désincarné dans un grisou qui l’a fait exploser. Sa prédiction de vie, "je veux tout, que la veille soit une légende et chaque jour une fête", l’a reconduite aux sœurs éternelles. Eurydice égarée dans les Enfers, Ophélie enfoncée dans la vase de l’étang et absorbant les herbes amères en guise d’amoureuses, Anna Pavlova dansant “La mort du cygne”. La paix des lèvres et des mains, elle ne l’aura jamais. Le peuplier du jardin d’autrefois est devenu noir, les pogromes "étripent bétail et édredons" et la montagne de son poème pleure. Les requiems s’annoncent. Le suicide de Maïakovski secoue blancs et rouges. Et Marina jette sa rose en poème à l’archange aux semelles de plomb. Elle n’embrassera pas non plus le cercueil de Max Volochine. Sa mort lui ramène tout ce qui était en profondeur. Marina va descendre dans le puits éternel où tout reste toujours vivant le ressusciter dans sa prose. Par une mystérieuse coïncidence, dans le fatras d’un brocanteur près du bois de Clamart, Marina tombe sur les cinq volumes reliés de Joseph Balsamo, le roman-refuge qu’il lui avait fait lire dans sa jeunesse. Huit francs seulement, mais elle n’en a que deux, destinés à l’achat de Jeanne d’Arc. A cette heure même, midi, et ce jour même, Max mourait. Une lettre d’Assia lui en fait part. Il est enterré sur le mont des Janissaires.   "Chaque jour il est un instant et trouble et chargé de menace. Et à voix haute, les yeux somnolents, je bavarde avec mon angoisse". Aujourd’hui je suis retournée chez moi, admirez, champs labourés si chers, Ce qui pour cela m’est arrivé. L’abîme a englouti mes bien-aimés. Et la maison de mes parents est saccagée. Aujourd’hui, Marina, nous marchons avec toi dans la capitale nocturne, mais nous suivent des millions de nos semblables et il n’est pas de procession plus silencieuse. Tout autour sonne le glas et gémit, sauvage, la tourmente moscovite effaçant de nos pas les traces sur la neige. En gare de Moscou, le 18 juin 1939, seule Alia l’attend, avec Lilia, la sœur de Sergueï, celle qui jadis rêvait de théâtre. Sergueï, malade, a dû rester à Bolchevo, une banlieue résidentielle de Moscou, où il occupe une datcha avec la famille Klepinine-Sezeman. Mais où est Assia ? Atterrée, Marina apprend ce qui lui a été soigneusement caché: l’arrestation, la déportation de sa sœur bien-aimée, il y a deuxans. Leurs retrouvailles sont bouleversées. Sergueï est souffrant, au bord du désespoir. "Inconfort. Trouver du pétrole à brûler. Sergueï achète des pommes. Mon cœur se serre peu à peu. L’énigmatique Alia avec sa gaieté forcée. Je vis sans papiers, sans me montrer à personne". Alia vit avec Samuel Gourevitch, Moulia, qui gère cette datcha. Il la dit dépendre des éditions d’État, le Litfond, Fonds littéraire, mais un adolescent, Dimitri Sezeman, se lie immédiatement avec Mour et le renseigne. Il s’agit bel et bien d’agents du NKVD, le ministère de Bolchevo est un lieu redoutable. Le chef de Moulia, Mikhaïl Koltsov, journaliste international, a été arrêté. "Marina Ivanovna a bien fait, elle n’avait pas d’autre issue". Cette phrase, Mour la répéta à tout le monde, extérieurement calme, le regard froid. Malgré les apparences, son sommeil était agité, il gémissait la nuit. "Le plus dur, écrivit-il, ce sont les larmes solitaires, tandis que tout le monde alors s’étonne, comme il a le cœur sec, il est impénétrable. Pour payer la nuit qu’il passa chez Dima, Mour lui laissa le corsage, la veste de sport et le béret que Marina Ivanovna avait portés. On sait peu de chose de la vie de Georgui-Mour Efron après la mort de Marina. Le 4 septembre 1941, il se fit rayer de la liste des habitants d’Elabouga et prit le bateau, passa deux ans dans le dénuement le plus complet mais réussit néanmoins à terminer ses études. Il retrouva l’adresse de sa tante Anastasia Ivanovna Tsvetaeva, en déportation au fin fond du pays. Anastasia, l’Assia du passé, n’apprit la mort de Marina qu’en 1943. Elle ne revit pas son neveu vivant. Le soldat de l’Armée rouge Georgui Efron est tué sur le front un an plus tard.   "Notre séparation, je la supporterai mais sans doute pas nos retrouvailles. Celui qui n'a que peu de temps à vivre, qui ne demande à Dieu rien que la mort et qu'on oubliera pour toujours, fait les cent pas, il est alors plus de minuit". Le plus étonnant est que sa malédiction dura bien après la mort de Staline, tant la haine des communistes contre elle était forte. Mais jamais elle ne céda, de crises cardiaques en crises cardiaques elle attendait la délivrance. En 1964, elle put sortir de son pays, pour la première fois depuis plus de cinquante ans. Bien que morte le 5 mars 1966, son fantôme continue à terroriser les Poutine et autres. Et très rares sont les publications, mais sa reconnaissance par l’Occident lui a redonné la ferveur de la jeunesse russe qui en a fait son poète préféré. Cela aussi elle l’aura sans doute voulu. la résurrection après les épreuves terrestres. Vite dégagée des entrelacs précieux et surannés du symbolisme et même de l’acmétéisme, Anna Akhmatova se sera construit une langue poétique basée sur des rythmes souples, des rimes riches, et surtout d’un vocabulaire limpide et simple. La construction de sa grammaire poétique est désarmante de transparence. Sa poésie est fondée sur sa propre respiration, ample et transcendante. Elle refusera les artifices du métier de poète que tant d’autres emploieront (Essenine, Blok, Maïakovski). Et pourtant sa voix reste unique, originale et envoûtante. Elle disait que sa poésie ne pouvait pas être traduite car tout entière enracinée dans le terreau de la langue russe, de sa mémoire. Elle savait ce dont elle parlait, elle-même traductrice émérite. Chacun de ses mots si translucides en russe prend en français une lourdeur irrémédiable, et pour peu que l’on essaie de conserver un semblant de rimes, elles seront pauvres et affectant le sens premier de sa langue. Nul ne pourra reproduire le long fleuve de la respiration d’Anna Akhmatova. Chacun de ses mots va à la mer. Une part de l’indéfinissable nous restera celée. Pourtant grâce soit rendue aux intrépides marins qui ont osé s’aventurer en cet océan immense et faussement serein de sa poésie. Le public francophone aura un avant-goût de la sidérante beauté de l’écriture d’Anna par leurs tendres approximations. Elle s’était drapée dans les mots de la poésie, dont elle fit son maquis, sa terre de résistance. Elle reste la recluse, la beauté irradiante mise en cage par les bourreaux staliniens. Interdite de publication, traquée par la police et par les déportations ou la mise à mort de ses proches, elle semble par la force tranquille de ses poèmes s’opposer seule à la tyrannie du monde. Sa poésie, à peine redécouverte, nous saisit par ce qui semble irradier d’elle: une pureté d’eau. En ces temps toujours incertains, les mots de cette statue de la résistance au mal, à l’extermination folle, sont toujours dressés et actuels.   Bibliographie et références:   - Cédric Gras, "L'hiver aux trousses" - Antoinette Fouque, "Anna Akhmatova" - Sophie Benech, "Anna Akhmatova" - Alma De Groen, "The Woman in the window" - Jean-Louis Backès, "Poème sans héros et autres poèmes" - Modigliani, "Nus d'Anna Akhmatova" - Gil Pressnitzer, "Anna Akhmatova" - Henry Deluy, "Anna Akhmatova" - Claude Delay, "Marina Tsvetaeva" - Jacques Burko, "La poésie de Marina Tsvetaeva" - Paul Valet, "Requiem et autres poèmes" - Florence Corrado-Kazanski, "Marina Tsvetaeva"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le Il y a 17 heure(s)
  Du 16 au 20 mai 2024 Zuip & The Queen donneront une exceptionnelle série de concerts/performances   Au programme   Parce que le con serre/sert tôt. Ouverture matinale pour 3 trombones à coulisse.   Sarah Bande & Tony Truand. Charivari à la manière de Mouret (1682-1738). Violes de gambe, tambourins, flutiaux.   Les esclaves fouettées Chœur à capella, gémissements, supplications, cris, claquements de fouets et  bruit de chaînes.   In the Moon for Love Solo de percussions   Le respect pervers. Pour piano préparé : fourchettes, couteaux, cutters, épingles à nourrice, bouteilles de Prosecco.   Les contraintes. Symphonie dodécacophonique pour cordes, chaînes et sangles.   L'enfer est au bout du chemin. Concert promenade nocturne : 1- le confessionnal 2- la cave 3- la prison   Chaque prestation se conclura par un vibrant Gode fuck the Queen (repris en chœur) Nombre de spectateurs très limité. Tenue débraillée bien venue Le noir, le cuir et les vêtements sexys seront proscrits. Chaque concert se poursuivra par une improvisation avec les participants (on peut venir avec son instrument) Le programme pourra varier selon les désirs et l'inspiration du Maître.     Une brassée d'orties pourra être offerte à La Queen à l'issue du concert.
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Par : le Il y a 19 heure(s)
"Semita Voluptatis" est un livre qui se démarque par une approche rafraîchissante et profondément humaine de la relation BDSM. Écrit du point de vue d'un dominant, ce livre de Paul Fontaine offre une perspective rare et enrichissante sur la dynamique de pouvoir entre un Maître et sa soumise. Le récit, narré avec une plume à la fois élégante et incisive, explore les émotions complexes et les dilemmes moraux du Maître, un personnage que les lecteurs trouvent souvent "perturbant, troublant et excitant". À travers ses yeux, nous découvrons non seulement la puissance de la domination mais aussi la vulnérabilité inhérente à celui qui la détient. Ce dominant, loin d'être le stéréotype du tyran froid, se révèle être un personnage riche en émotions, partagé entre force et douceur, contrôle et doute. La soumise, décrite comme forte et déterminée, est loin d’être une victime passive. Elle est le pilier sur lequel repose l'équilibre de leur relation, apportant confiance et consentement, des thèmes chers aux lecteurs de ce genre. Le livre "a le mérite d’être clair" et offre une "immersion passionnante dans le monde du BDSM", comme le souligne un des commentateurs, ajoutant une couche de réalisme et d’authenticité à cette exploration de la soumission et de la domination. Les scènes détaillées de BDSM sont décrites avec un équilibre parfait entre intensité et respect, évitant l'écueil de la vulgarité tout en restant fidèle à la réalité de ces pratiques, ce qui fait de "Semita Voluptatis" un "voyage inconnu" qui provoque une "irrépressible envie de savoir jusqu'où ils vont aller". La relation entre le Maître et sa soumise est peinte avec une "belle plume" qui capture leur interaction complexe et leur croissance mutuelle. Cela est souligné par le fait que, selon les lecteurs, ce livre change la donne par rapport aux narrations typiques, offrant "une pépite dans le domaine du BDSM". "Semita Voluptatis" s'avère donc être un livre captivant et provocateur qui ne manquera pas de séduire celles et ceuxen quêtee d’une histoire où la psychologie des personnages est aussi importante que les actes qu’ils commettent. Dans les bonnes librairies ou en vente en ligne  
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Par : le Hier, 05:52:01
  Le rendez-vous   Pour financer ma nullification et me faire quelques sous, j’ai le droit de recevoir un peu de monde. Un gars a pris rendez-vous pour une pipe. Il sonne, je vais ouvrir, je suis en fauteuil roulant. Dans l’encadrure de la porte se tient une sorte de géant, presque deux mètres et bâtit comme un bucheron. Il me suit dans ma pièce. Je n’ai pas le temps de parler qu’il sort son membre, il est énorme et sent la transpiration. Je me retrouve avec ce membre dans ma bouche, lui debout devant moi assise dans mon fauteuil. Il me tient la tête et commence un mouvement de vas et viens. Il se retire, m’arrache du fauteuil, arrache mon leggins et me retourne comme une crêpe. Je lui dit : » met une capote » Il en sort une, se la met et sort aussi un petit pot, je pense que c’est de la crème, mais je réalise que c’est du baume du tigre. Il en met généreusement sur sa queue recouverte de la capote. M’en tartine la rondelle et d’un coup sec s’enfonce en moi. Je hurle d’abord de douleur par la taille et ensuite par le sentiment de brûlure. Il explose en moi et reste un moment collé . Il se retire, j’ai el cul en feu, la tête qui tourne. Il pose quelques billets et s’en va sans un mot.
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Par : le 13/05/24
"Il y a des personnes à qui on n’ose donner d’autres marques de la passion qu’on a pour elles, que par les choses qui ne les regardent point et, n’osant leur faire paraître qu’on les aime, on voudrait du moins qu’elles vissent que l’on ne veut être aimé de personne. L’on voudrait qu’elles sussent qu’il n’y a point de beauté, dans quelque rang qu’elle pût être, que l’on ne regardât avec indifférence, et qu’il n’y a point de couronne que l’on voulût acheter au prix de ne les voir jamais". En Littérature, on oublie parfois ce que l'on aime. L'œuvre qui attire devient celle que l'on dénigre, comme si elle révélait à quel point on ne la supporte plus. On se met à la décrier en toute occasion, on la prêche négativement à temps et à contretemps, comme un jésuite fou, généralement devant des gens qui n’ont rien demandé et que cette folie n’intéresse pas ­sinon comme indiscrétion et comme symptôme d’une pathologie amoureuse qui les rassure dans la mesure où ils ne l’éprouvent pas, leur inspirant plus de soulagement que de compassion. "La Princesse de Clèves" peut-elle échapper à cette déchéance en incarnant la dernière flamme, mince et pure de la courtoisie ? Madame de La Fayette doit à ce personnage naguère considérable un regain inattendu de notoriété. Ruse paradoxale de la déraison politique, son roman est devenu pour quelque temps un signe de ralliement pour des personnes qui, sans cette stimulation, ne l'auraient peut-être pas lu. Même si sa production est relativement peu abondante et que les œuvres qui l'ont précédé, comme "L'Histoire de la princesse de Montpensier" ou "Zayde", paraissent en être des esquisses, Madame de La Fayette est tenue pour avoir inventé sinon le roman moderne, du moins, selon l'expression de Paul Bourget, le roman d'analyse. D'elle, on aimerait pouvoir dire que rien n’égalait son esprit ni sa beauté, comme pour les héroïnes des romans qu’on lui attribue ou que "sa vie, qui fut assez courte, laissa des exemples de vertu inimitables", quoique sa vie ait été assez longue pour l’époque, soixante-neuf ans. Aidé de quelques connaissances contextuelles, on aimerait sonder son cœur à partir des textes, évaluer d’où lui seraient venus une méfiance si radicale à l’égard de l’amour, une connaissance si vertigineuse des effets ravageurs de la jalousie, un point de vue si désabusé sur le monde social, amitié comprise. Ou encore la reconnaître dans un détail, ainsi de l’attention précise portée au rougissement féminin, signe d’un trouble toujours annonciateur d'un rebond dramatique: "Parce que Zaïde rougit lorsque vous la surprenez", dit Alphonse à Consalve qui se désespère. "Je soupçonne qu’elle vous aime assez pour rougir toutes les fois qu’elle sera surprise de vous voir auprès d’elle." "La Princesse de Clèves" a fait de l'ombre à son auteur, savante du sentiment amoureux mais qui paradoxalement l'exempta tout au long de sa vie. Même les conditions de sa naissance paraissent incertaines. On a longtemps cru que Madame de La Fayette était née au Havre. Mais elle est parisienne. Son acte de baptême, retrouvé en 1846, l’atteste. En l’église Saint-Sulpice, le dix-huit mars 1634, elle a eu pour parrain le maréchal Urbain Maillé de Brézé, gouverneur de Saumur, et pour marraine Marie-Madeleine de Vignerod, dame de Comballet, plus connue sous le nom de duchesse d’Aiguillon, l’influente nièce de Richelieu. C’est dans la même église que ses parents s’étaient mariés le cinq février 1633. Ils avaient, le même jour, signé leur contrat près de là, au palais du Petit-Luxembourg. Mariage modeste à en juger par la dot de l’épouse, Isabelle Péna, quinze mille livres, plus une maison et des prés à Blois.   "Les femmes jugent d’ordinaire de la passion qu’on a pour elles, continua-t-il, par le soin qu’on prend de leur plaire et de les chercher mais ce n’est pas une chose difficile, pour peu qu’elles soient aimables, ce qui est difficile, c’est de ne s’abandonner pas au plaisir de les suivre, c’est de les éviter, par la peur de laisser paraître au public, et quasi à elles-mêmes, les sentiments que l’on a pour elles". Dans ses "Mémoires", le cardinal de Retz peint Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comme "une honnête femme dans le fond, mais intéressée au dernier point et aimant l'intrigue." Compte tenu de l'habileté qu'on lui reconnut par la suite, Marie-Madeleine semble avoir hérité de ce trait de caractère de sa mère. Elle perdit son père en décembre 1659. Sa mère se remaria un an après avec le chevalier Renaud René de Sévigné, l'oncle de la Marquise, laquelle devint une amie de la future Madame de La Fayette. Marie-Madeleine fit ses premiers pas en latin, en espagnol et en italien sous la conduite du grammairien mondain Gilles Ménage. Sinon sa beauté, il semble que son physique l'inclinait davantage à la pruderie qu'à la galanterie, sa jeune érudition et son vif esprit lui ouvrirent bien des portes. Outre son instruction qu'acheva le père Rapin, jésuite, homme de goût, Mademoiselle de La Vergne fut admise très jeune à l’hôtel de Rambouillet, à l’époque même où Bossuet, âgé de quinze ans, y prêchait son premier sermon. Si ce salon, où régnait Voiture, fut une école de politesse et de beau langage, elle profita des leçons qu’elle y reçut, et si l’affectation y dominait, elle échappa à la contagion. Du reste, elle se tira heureusement de dangers plus grands. Elle sortit des leçons de Ménage sans pédantisme, et elle encourut ses madrigaux en toutes langues, sans devenir ridicule. C’était le présage d’un bel avenir. Elle décida alors de profiter de la vie et de ne penser qu’à son plaisir. Quand on mit ses deux sœurs au couvent, elle s’en réjouit égoïstement. Puis elle eut hâte de les entendre prononcer leurs vœux. Ainsi civilement mortes, elles perdraient alors tous leurs droits à l’héritage familial. Au lieu du tiers d’une belle fortune, chacune d’elles se contenterait, pour son entretien, d’une modeste pension annuelle de six cents livres. Ce fut bientôt fait. La fille aînée de Marc Pioche devenait une riche héritière. La réputation naissante de Marie-Madeleine allaient soudain lui être ravies par la faute de sa mère, ou du moins de son remariage. René-Renaud avait les mêmes qualités d’officier cultivé que Marc Pioche. Il n’avait pas les mêmes engagements et ne faisait pas partie de la même clientèle. La Fronde l’avait déjà révélé. Le père de la jeune fille avait pris le parti de la cour aux côtés de Madame d’Aiguillon, qui sera sans trêve Mazarin. Le chevalier de Sévigné s’attacha alors à Paul de Gondi, auquel il restera toujours fidèle. L'orage passa sauf pour le jeune roi qui n'oublia jamais l'affront. Ainsi, après un temps d'exil, Marie-Madeleine, revenue à Paris, fréquenta-t-elle les salons de Mlle de Scudéry et l'hôtel de Rambouillet. Cet environnement, dominé alors par le mouvement précieux et le milieu des "augustiniens" de l'hôtel de Nevers, compta beaucoup dans l'affermissement de ses dispositions littéraires. Somaize, dans le "Grand Dictionnaire des prétieuses ", la dépeint "aimable, spirituelle, d'un esprit enjoué, d'un abord très agréable, civile, obligeante, un peu railleuse." En 1655, elle épousait Monsieur de La Fayette, officier en retraite de trente-huit ans, veuf de son état, de haute noblesse, mais désargenté, un établissement facilité par l'entrée en religion des deux sœurs puînées de Marie-Madeleine. Ce fut un mariage arrangé, sinon de raison, comme cela était d'usage, et certes pas un mariage d'amour, sentiment dont l'aînée des La Vergne se défiait déjà, car à dix-neuf ans elle écrivait déjà: "Je suis persuadée que l'amour est une chose incommode et j'ai de la joie que mes amis et moi en soyons exempts." De fait, on ne lui connut par la suite guère de liaison, sinon peut-être avec La Rochefoucauld, mais, dans l'ignorance du fond de l'affaire, ses biographes penchent plutôt pour une relation platonique, Mlle de Scudéry en faisant pour sa part la "meilleure amie" de l'auteur des "Maximes".    "Et ce qui marque encore mieux un véritable attachement, c’est de devenir entièrement opposé à ce que l’on était, et de n’avoir plus d’ambition, ni de plaisir, après avoir été toute sa vie occupé de l’un et de l’autre" .Ayant passé la cinquantaine, ce dernier appréciait sans doute l'esprit de Madame de La Fayette. Quoi qu'il en soit, le mariage assura à la femme de lettres une vie sereine. Durant ses plus belles années de jeunesse, elle passa l'essentiel de sa vie dans la campagne auvergnate. Sombre décor. Espinasse et Nades, les deux châteaux de son mari ne sont pas de somptueuses demeures, mais de grosses fermes munies de tours. Il a certainement fallu beaucoup de courage à Marie-Madeleine pour accepter ainsi ce nouvel exil dans un climat rude et parmi des horizons inconnus. Après avoir vécu ensemble quelque temps sur les terres auvergnates où naquit le premier de leurs deux fils, les époux trouvèrent un modus vivendi convenant à l'un et à l'autre. Monsieur de La Fayette, gentilhomme campagnard, demeurait le plus souvent sur ses terres, en Auvergne, tandis que Marie-Madeleine, soucieuse de restaurer les affaires de sa belle-famille, s'installait à Paris dans son hôtel de Vaugirard où elle tenait salon. Outre La Rochefoucauld et Ménage, on y pouvait voir La Fontaine, Pierre-Daniel Huet et Jean Regnault de Segrais, poète et homme de lettres. Madame de La Fayette tenait pour malséant de se mettre en avant. Son tempérament rêveur et romanesque fit que ses amis de l'hôtel de Nevers la surnommèrent le "Brouillard" à moins que ce ne fût une manière de souligner la réserve dont elle ne se départait guère. Après un portrait de Madame de Sévigné donné pour le "Recueil de Mademoiselle" (1659), Madame de La Fayette connut son premier succès littéraire avec une nouvelle que Ménage fit paraître sans nom d'auteur en 1662, "La Princesse de Montpensier." Au milieu des années 1660, elle entreprit d'écrire la biographie de la belle-sœur du roi, Henriette d'Angleterre. La différence d'âge n'empêcha pas une amitié de se nouer. Devenue la confidente de la princesse, Madame de La Fayette eut ses entrées à la cour et, à la demande de son amie et protectrice, commença à écrire "L'Histoire d'Henriette d'Angleterre." L'ouvrage fut abandonné à la mort soudaine de cette dernière. Le "Madame se meurt, Madame est morte" de Bossuet résonne encore dans notre mémoire collective. Cette perte fut une cruelle épreuve pour l'amie fidèle. Elle perdait à la fois une sœur et une source intime d'inspiration. L'année suivante, Madame de La Fayette ajouta à son récit une "Relation de la mort de Madame" et, après 1684, une préface. Dans celle-ci on peut lire que la mort de Madame avait été pour elle une perte "dont on ne se console jamais, qui laisse une amertume tout le reste de la vie." La première partie traite de l'atmosphère de la cour pendant les deux dernières années du gouvernement de Mazarin. Ce mémoire est le seul ouvrage, la correspondance exceptée, où, dissipant un peu le "Brouillard", Madame de La Fayette parle d'elle-même à la première personne. Outre son intérêt documentaire, il porte aussi une part de romanesque délibérément encouragée par Henriette d'Angleterre qui s'était adressée autant à la romancière qu'à l'amie. On y voit enfin combien étaient liés les affaires et l'amour. La cour fut ainsi pour Madame de La Fayette un poste d'observation privilégié de la nature humaine, d'autant plus qu'elle ne répugnait pas à entrer à l'occasion dans l'intrigue, jusqu'à ce que sa santé et son âge la décident fâcheusement à s'en éloigner. Parallèlement, Madame de La Fayette écrivit, en partie avec Segrais, une "histoire espagnole". Le succès de "Zayde" dépassa celui de "La Princesse de Montpensier."    "Vous m’avez donné de la passion dès le premier moment que je vous ai vue. Vos rigueurs et votre possession n’ont pu l’éteindre. Elle dure encore. Je n’ai jamais pu vous donner de l’amour, et je vois que vous craignez d’en avoir pour un autre. Et qui est-il, madame, cet homme heureux qui vous donne cette crainte ? Depuis quand vous plaît-il ? Qu’a-t-il fait pour vous plaire ?" Le roman fut publié sous le nom de son ami Segrais. Le nom du véritable auteur de "Zayde" demeura caché plus longtemps encore que celui de "La Princesse de Clèves." En 1671, le dix-huit décembre, le libraire Barbin obtint un privilège pour publier un roman intitulé "Le Prince de Clèves." En fait, "La Princesse de Clèves" ne parut sous l'anonymat chez Barbin qu'en mars 1678. Le chef-d'œuvre de Madame de La Fayette ne fut ni le roman d'une débutante, ni un roman bâclé, mais plutôt l'aboutissement d'une création dont l'une des clés littéraires est la lutte intérieure du personnage principal pour renoncer à l'amour traître et à ses désordres. Le départ de son ami de la maison de la rue de Vaugirard pour aller se marier en province fut pour Marie-Madeleine l'occasion de se rapprocher de l'auteur des "Maximes." Madame de La Fayette usait de son influence sur ce noble caractère, injustement aigri, pour le ramener à de meilleurs sentiments envers l’humanité. Elle lui faisait lire dans son âme tendre et dévouée, la réfutation des "Maximes." En retour de cet amendement moral, La Rochefoucauld achevait la culture de l’esprit de son amie, et réglait l’essor de son imagination. Échange profitable à tous deux, dont Madame de La Fayette souligne les traits. "Monsieur de La Rochefoucauld m’a donné de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur." C’est de ce travail de cœur et d’esprit sur des souvenirs réels et des rêves vraisemblables, qu’est née "La Princesse de Clèves", roman inimitable où la fiction et la vérité se lient si heureusement que la fiction prête de l’intérêt à la vérité et la vérité de la vraisemblance à la fiction. Elle a donné dans "La Princesse de Clèves", les mémoires de son cœur. Elle a transporté dans le passé et sur un théâtre analogue, les événements de sa vie. On retrouve facilement la cour de Louis XIV dans celle de Henri II. C’est la même grâce et la même corruption polie. La duchesse de Valentinois plus jalouse de son crédit que de la fidélité de son royal amant, c’est madame de Montespan. La jeune reine d’Écosse, épouse de François II, galante et spirituelle, curieuse des intrigues de cour, avec son cercle de beaux esprits et de femmes élégantes, n’est-ce pas la duchesse d’Orléans ? Comment méconnaître Monsieur de La Fayette sous le nom du prince de Clèves, Monsieur de La Rochefoucauld sous les traits de Monsieur de Nemours ? L’analogie est frappante dans les caractères des personnages et les données générales de la fable. La différence est dans les incidents et dans la rigueur du dénouement. Mr de La Fayette ne meurt pas comme le prince de Clèves, il s’éclipse discrètement. Il fallait beaucoup de talent et un sens aigu d'observation des mœurs dépravés de la fin du long règne de Louis XIV. Comme œuvre littéraire, l'ouvrage est plus qu'une nouveauté, c’est presque une révolution. Le roman cessait par là d’être le mensonge de la nature, de l’histoire et de la passion. Il entrait enfin dans la vérité, il s’humanisait dans ses peintures et dans ses proportions. L’histoire n’est plus qu’un cadre où la passion se développe. Les événements réels se mêlant à la fiction ne sont pas altérés dans leur essence ni dénaturés dans leurs principes. L’action de "La Princesse de Clèves" est reportée aux dernières années du règne de Henri II et se prolonge sous celui de François II. L’intrigue du roman se lie habilement aux principaux faits historiques sans nuire à leur enchaînement. C’est le procédé de Walter Scott appliqué à la peinture des passions. Le succès de "La Princesse de Clèves" fut général. Pour justifier l’aveu de "La princesse de Clèves" et répondre à ses critiques par un argument victorieux, Madame de La Fayette écrivit "La Comtesse de Tende", nouvelle touchante et passionnée où une femme, entraînée aux dernières faiblesses de l’amour, n’a d’autres ressources, pour échapper à l’infamie, que de confier son secret à celui qu’elle a offensé. La mort de François de La Rochefoucauld en 1680 brisa le cœur de Marie-Madeleine de La Fayette. Il faut demander à Madame de Sévigné le tableau de son désespoir. Elle survécut plus de dix ans à son ami, et ne voulut pas être consolée. Elle se retira à jamais de la vie mondaine pour préparer sa mort et s'éteignit discrètement à Paris le vingt-cinq mai 1693.    Bibliographie et références:   - Roger Duchêne, "Madame de La Fayette" - Jean-Michel Delacomptée, "La Princesse de Clèves" - Pierre Malandain, "Madame de Lafayette" - François Gébelin, "Observations sur La Princesse de Clèves" - Jean Garapon, "Madame de la Fayette" - Lucien Gerber, "Trois siècles de Princesse de Clèves" - Alain Cantillon, "La vie de Madame de Lafayette" - Jacqueline Cancouët-Lenanton, "La Princesse de Clèves" - Patrick Palmer, "La Princesse de Clèves" - Sandra Rodino, "La Princesse de Clèves" - Gilles Siouffi, "Lectures de Madame de Lafayette"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 12/05/24
Steve m'a invitée à une sortie en ville pour visiter un musée qui venait de se rouvrir : Le Manoir Médiéval. Comme je me soumets toujours à ses désirs, je me suis levée tôt car il voulait le voir dès le matin. Nous sommes arrivés en avance, mais le préposé était content d'avoir ses premiers clients et il nous laissa rentrer avant l'heure officielle. Le manoir médiéval vous plonge dans l'ambiance glauque du moyen-âge avec tous les accessoires de l'époque et, bien entendu, une salle de torture au beau milieu. Mine de rien, c'est ça que les visiteurs et surtout les visiteuses préfèrent venir contempler, en échangeant des propos réprobateurs quant à la barbarie des ancêtres, mais en éprouvant d'étranges sensations dans le secret de leurs parties intimes en imaginant les tortures qu'on y pratiquait. Tous les objets exposés sont soigneusement gardés hors de portée des mains trop curieuses sauf, sur un podium, un gros pilori (stocks comme on dit en anglais) avec sa planche à trois trous, un central pour la tête, deux plus petits pour les poignets, laissé en accès libre pour les inévitables photos faites par des amateurs rigolards. Steve me demanda évidemment de m'y installer pour un cliché souvenir. Il souleva la moitié supérieure de la planche, me laissa m'installer à genoux, tête et poignets placés dans les encoches prévues et rabattit la partie supérieure sur mon cou.  Le conservateur du musée avait bien fait les choses car les trois trous étaient gainés d'un cuir tout frais qui les rendait confortables mais qui diminuait leur diamètre jusqu'à enserrer tout juste tête et poignets. J'étais immobilisée comme une condamnée, prête pour la photo. Steve ouvrit son sac, selon moi pour prendre son iphone, mais au lieu de celui-ci, c'est un gros cadenas qu'il exhiba devant mes yeux avant de le faire claquer sinistrement, verrouillant les anneaux reliant les deux planches. Je commençai par rire mais rapidement, avec horreur, je constatai que j'étais réellement prisonnière, sans pouvoir me dégager, malgré mes contorsions de plus en plus furieuses. Je le menaçai d'appeler au secours, mais il sortit de son sac un des objets que je déteste le plus au monde : un bâillon à boule, car le salaud avait tout prémédité. Me pinçant fermement le nez, il m'obligea à ouvrir la bouche et y introduisit prestement l'objet, me condamnant à ne plus émettre que des grognements étouffés. Ce n'est pas tout. Après avoir solidement fixé le lanière du bâillon, il passa derrière moi et, soulevant mon top jusqu'aux épaules, il dégrafa mon soutien-gorge et en coupa les bretelles avec son couteau de poche pour l'enlever facilement. J'ai une poitrine opulente et ma position, à genoux, le corps horizontal, la tête à cinquante centimètres du sol, faisait pendre de façon indécente mes lourdes mamelles. Puis, Steve disparut dans la pièce voisine, me laissant seule et sans défense. Que faire, hurler mais impossible à cause du bâillon; soulever la barre supérieure, impossible à cause du cadenas; le supplier de me délivrer, il avait disparu. Toute moite de transpiration, je sentis mon coeur s'affoler, d'autant plus que des bruits commençaient à se faire entendre du côté de l'entrée. Tout à coup, la lumière d'un projecteur dirigé sur mon instrument de supplice s'alluma et les premiers touristes firent leur entrée : tout un autocar d'asiatiques, ravis du tableau vivant que je leur offrais ! Moi, paniquée et envahie par une honte indescriptible, je fermai les yeux et sentis une onde irrépressible me parcourir. Un orgasme foudroyant me dévasta face à des centaines d'yeux incrédules et fascinés. Puis je me mis à sangloter, le corps violemment secoué de spasmes irrépressibles.
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Par : le 12/05/24
Sur les plateformes de dédiées à la rencontre comme Tinder ou partiellement dédiées à la rencontre comme notre site BDSM.FR, tout à chacun a pu constater le déséquilibre marqué entre le nombre de femmes et le nombre d'hommes. Ce déséquilibre impacte lourdement l'expérience des utilisateurs, hommes comme femmes.. Ce problème n'est donc pas cantonné à Tinder, mais c'est un symptôme généralisé sur toutes les plateformes de rencontres. Certains nouveaux membres de BDSM.FR s'en plaignent de manière assez critique et voir de manière acerbe comme si nous étions responsables et coupables de la disparité de nombre entre les femmes et les hommes sur le site (il n'y a pas une semaine sans qu'on se fasse littéralement insulter par le biais du formulaire de désincription). Dans le cas de Tinder, Nicolas Kayser-Bril et Judith Duportail ont effectué un test, il y a quelques années, et le résultat de l'expérience est à peine surprenant et en tout cas très significatif. L'expérience de Judith et Nicolas sur Tinder A des fins expérimentales les deux enquêteurs ont voulu voir "ce que ca faisait" d'être du sexe opposé sur l'application phare de la rencontre en ligne, Nicolas, s'est ainsi créé un profil féminin sur Tinder, et a rapidement dû fermer son compte, véritablement submergé par les sollicitations tournant parfois assez vite à l'agressivité. Judith, quant à elle, a constaté un manque de sollicitation sur son profil masculin, à l'inverse de ses expériences habituelles sur Tinder ou elle avait du succès, mettant en lumière que l'expérience entre un homme et une femme est radicalement différente en fonction du sexe. En effet, selon leurs recherches, le taux de match est de 50 % pour les femmes contre seulement 2 % pour les hommes sur Tinder. Causes et conséquences de cet état de fait Sur-sollicitation des femmes : les femmes sur les plateformes de rencontre sont souvent sursollicitées à un point tel qu'elles peuvent se sentir harcelées. Ce phénomène n'est pas seulement inconfortable; il peut conduire à jusqu'à des sitations réelles de cyberharcèlement. Frustration des hommes : les hommes, confrontés à un faible taux de réponse, peuvent ressentir une grande frustration. Cette situation est exacerbée par le modèle économique de Tinder, qui encourage les hommes à acheter des fonctionnalités supplémentaires pour augmenter leur visibilité, sans pour autant que les résultats soient à la hauteur des espérences que la monétisation fait naître. Conséquences : les femmes deviennent plus sélectives n'ayant que l'embarras du choix et voulant s'épargner les plus "collants" des hommes, et en arrivent juger de manière expériditive les dizaines (voire centaines) de solicitations qu'elles recoivent, tandis que les hommes peuvent se sentir floués et devenir agressifs face aux échecs répétés au quotidien (en ayant pourtant parfois bourses déliées). Et BDSM.FR dans tout ça ? BDSM.FR, comme tous les sites permettant l'interaction homme/femme et le contexte "Rencontre" pour bon nombre d'utilisateurs/utilisatrices, nous avions consience de cette problématique dès la création du site en 2012 et avons fait dès la genese ce que nous pouvions pour "soulager" les dames, tout en restant gratuit pour les hommes. Ce système repose depuis 2012 sur une prise de contact (demande d'ami) avant de pouvoir échanger, et sur un volontairement bridé (court) message introductif, pour que les dames est assez vite des éléments pour se faire une première impression sur leur correspondant (ne serait-ce pour voir les hommes qui font l'effort de personnaliser leur demande en quelques mots). Voici ainsi comment nous abordons la situation depuis 2012 (putain, 12 ans !): Gratuité, non discrimination par l'argent : BDSM.FR est un site entièrement gratuit qui ne repose pas sur un modèle économique poussant à l'achat de visibilité ou d'avantages supplémentaires. Chaque utilisateur, indépendamment de son genre, a les mêmes chances de réussite à partir de ses qualités intrinsèques (plutôt qu'à partir de son compte en banque), sans coût supplémentaire. Respect et sécurité : nous avons mis en place des mesures strictes pour éviter le harcèlement et assurer un environnement le plus sûr possible pour tous nos utilisateurs et surtout utilisatrices. Nous nous efforçons au quotidien, d'écarter les malfaisant(e) le plus rapidement possible, les fondateurs sont en cela bien aider par une équipe de modérateurs bénévoles, que nous ne remercieront jamais assez. Favoriser le dialogue et la convivialité : en offrant des espaces publics pour que les utilisateurs et les utilisatrices puissent se "vivre" pour se découvrir sans nécessairement encore avoir "matché" (demande d'amitié aboutie, sur BDSM.FR), nous encourageons une communauté basée sur le respect mutuel et l'ouverture. BDSM.FR se veut bien plus qu'une plateforme de rencontre; mais à l'ambition d'être un espace où les individus peuvent discuter, apprendre et explorer en toute sécurité et sans engagement. L'expérience de Tinder des deux journalistes montre clairement les limites et les défis des plateformes de rencontre traditionnelles. Sur BDSM.FR, nous nous efforçons de créer une alternative à la disparité homme/femme en nous efforçant à ce que chacun puisse se sentir valorisé et respecté. Nous invitons nos utilisateurs à contribuer à cette communauté, tout en profitant d'une expérience si possible la plus positive et la plus équilibrée, en espérant que certains puissent se rencontrer, s'il le souhaite, dans de bonnes conditions. Voir l'article sur Huffing Post A découvrir, le livre "L'Amour sous algorithme" de Judith Duportail Judith Duportail, est une journaliste qui, suite à une rupture amoureuse, décide de s'inscrire sur Tinder pour se distraire et reprendre confiance en elle. Alors qu'elle se laisse emporter par la frénésie de l'application, échangeant des textos avec une multitude d'hommes et profitant de l'attention qu'ils lui portent, elle découvre par hasard que Tinder utilise secrètement des données personnelles pour attribuer une note de « désirabilité » à ses utilisateurs. Cette révélation la choque profondément, car cela signifie que l'application manipule les rencontres en classant ses membres sans leur consentement. À travers son récit autobiographique, Judith partage non seulement les détails de son enquête, mais aussi ses expériences personnelles et émotionnelles, illustrant les impacts psychologiques des mécanismes de l'application de rencontres. Le livre offre ainsi une perspective unique sur la manière dont les technologies de rencontre influencent la séduction et les relations amoureuses, tout en mettant en lumière les enjeux de pouvoir et de domination, particulièrement en ce qui concerne la place des femmes dans ces dynamiques. 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Par : le 12/05/24
"Chérie j'ai eu bien des aventures en l'air, toutes bien terminées: le feu, la poursuite par les chasseurs, la panne très loin en France, l'évanouissement par rupture du distributeur d'oxygène. Ah ! Petite fille petite fille il faut déjouer bien des pièges pour vous revoir !" À la fin de l’été 1930, lors d’une réception à l’Alliance française de Buenos Aires, l’écrivain Benjamin Crémieux présente Consuelo Suncin à Antoine de Saint-Exupéry, alors chef de l’Aéropostale en Argentine. C’est le coup de foudre immédiat. Saint-Exupéry aurait fait des remarques sur sa petite taille et pour se faire pardonner, l’aurait invité à faire un tour en avion. Pendant le vol, il lui aurait demandé de l’embrasser, ce qu’elle aurait fait bien qu’elle le trouvât trop laid. Consuelo Suncinde Sandoval est née à Arménia, au Salvador en 1901. Elle fait des études d’art et apprend le français. Séparée de son premier mari Ricardo Cardenas, elle est veuve de l’écrivain guatémaltèque Enrique Gomez Carrillo, décédé en 1927, ami de Maurice Maeterlinck, Gabriele d’Annunzio, Oscar Wilde, Picasso, Dali et de Verlaine. Le vingt-deux avril 1931, Antoine épouse Consuelo à Nice, le mariage religieux ayant été célébré le douze avril 1931 à Agay. Sa robe de mariée en dentelle noire détonne et sa belle famille l’accueille avec réticence. Marie de Saint-Exupéry a la sensation que Consuelo l’éloigne de son fils. Les relations entre Consuelo et Antoine sont passionnées et tumultueuses. Le jour où il reçoit le Prix Femina, Antoine fête l’événement avec Consuelo, qu’il quitte pour continuer la soirée avec Nelly. À Consuelo, on attribue des propos vénéneux et de nombreuses liaisons, ce que contestent certains de ses amis qui reconnaissent cependant son désir de séduire à tout-va. Consuelo envisage de divorcer mais l’avocat qu’elle consulte lui déconseille et le couple vit sous des toits différents. Attachés l’un à l’autre, elle accourt lorsqu’il a besoin d’elle, lui la protège paternellement comme une enfant.   "Je veux qu'on t'aime, mon mari, mais pas qu'on te vole ! Et puisque ru m'as dit que tu ne t'envolerais plus de notre cage !, je peux me sentir heureuse et calme, même si on caresse ton plumage !". En juin 1940, Antoine rejoint Consuelo à La Feuilleraie pour l’aider à fuir la région bombardée. Sur l’invitation de l’architecte Bernard Zehrfuss, avec qui elle a une liaison, elle s’installe à Oppède dans le Luberon où vit un groupe d’artistes. En 1942, elle rejoint Antoine à New York où il l’installe dans un appartement de Central Park, quelques étages sous le sien. Puis elle déniche un manoir à Long Island où Antoine écrit et dessine "Le Petit Prince." Consuelo lui inspire "La Rose" de son conte, orgueilleuse, capricieuse, fascinante, merveilleuse, insupportable, irremplaçable. Il lui écrit une prière qu’elle doit réciter chaque soir. Mais, leurs brouilles incessantes rendent l’atmosphère pesante. Antoine se réfugie auprès de Sylvia Hamilton et Consuelo auprès de Denis de Rougemont. En 1943, avant de réintégrer les Forces française libres en Afrique, Antoine écrit à Consuelo: "Je pense que vous serez plus heureuse sans moi, et moi je pense que je trouverai enfin la paix dans la mort." À Alger, il reçoit une longue lettre de Consuelo l’assurant de son amour absolu et intact. Il la remercie. "Soyez ma protection. Faites-moi un manteau de votre amour." Malgré leurs difficultés conjugales, ils restèrent très liés et Antoine se sentit toujours responsable de son épouse qu’il confia à sa mère après sa mort. Revenue en France en 1946, Consuelo vit entre Paris et Grasse où elle décèdera en 1979. Elle mène une activité artistique et se rend aux commémorations dédiées à son mari. Elle est constamment soutenue par Marie de Saint-Exupéry qui l’accueille dans sa lumineuse maison de Cabris.   "Moi, je suis à toi, tu es mon pays, tu es mon langage, tu es mon orgueil ! Tu es ma peine et tu seras ma joie. Et j'ai toujours et j'eus toujours de la joie même quand je ne t'aime qu'avec mes larmes !". C'est au tout début du XXème siècle que naît Consuelo dans le plus petit pays d'Amérique Centrale, El Salvador. Coincée entre le Honduras et le Guatemala, le Salvador est une terre colorée et odorante, une terre tropicale. Consuelo voit le jour le seize avril 1901 dans une famille aisée d'Armenia dans la province de Sonsonate. Son père, Félix Suncin, est planteur de café et officier de réserve. Il appartient à cette élite des propriétaires terriens qui fait de la famille de Consuelo l'une des plus riches d'Armenia. Sa mère, Ercilia Sandoval, originaire du Guatemala, est une femme douce aux traits réguliers qui élève sa fille dans la tradition espagnole. Consuelo va donc vivre une jeunesse heureuse et insouciante dans un univers privilégié. Plus tard, Consuelo réussit brillamment au collège de jeune fille de San Salvador et c'est sans difficulté qu'elle obtient son diplôme de fin d'études. Elle n'a que quinze ans mais souhaite les poursuivre. Elle obtient une bourse qui lui permet de partir aux États-Unis et c'est grâce à son père qui se rend souvent en Californie pour vendre sa production de café qu'elle va partir étudier à San Francisco. Son père confie la jeune fille aux Ursulines chez qui Consuelo va habiter et pour entreprendre des études d'Art plastiques à l'Académie des Beaux-Arts. Dorénavant, elle reviendra seulement en visite et de temps en temps dans son pays natal. Pendant ses études à San Franciso, Consuelo va côtoyer la communauté latino-hispanique américaine et faire la connaissance d'un jeune mexicain, Ricardo Cardenas, qu'elle finit par épouser. En réalité, ce mariage lui évite de retourner dans son pays natal et d'épouser le mari que souhaitait pour elle sa famille.    "Ce qu'il y a entre vous et moi, c'est ce pardon jamais sollicité par vous et qui m'est resté sur le cœur" .Passionnée par la sculpture et la peinture, elle se rend au début des années vingt, au Mexique et se laisse séduire par l'atmosphère de la capitale mexicaine où règne une activité intellectuelle intense au sein du milieu étudiant. Elle s'inscrit à la Faculté de Droit de Mexico dans l'intention de faire du journalisme et obtient même un emploi dans un journal local. En 1926, Consuelo quitte le Mexique pour se rendre à Paris. Depuis toujours, la France, en général et sa capitale en particulier, sont pour les sud-américains le centre du monde. Consuelo arrive donc alors en France avec une lettre de recommandation remise par sa mère, née au Guatemala. Ercilia Suncin de Sandoval connait un compatriote qui vit à Paris, Enrique Gomez Carillo. C'est au cours d'un bal costumé chez le portraitiste Kees van Dongen que Consuelo fait la connaissance de celui qu'elle qualifiera elle-même plus tard, comme étant tout pour elle. "C'était mon père, c'était mon maître, c'était tout le monde, je n'ai jamais rencontré un homme tellement clair, un être aussi généreux auprès de moi. "Enrique Gomez Carillo est en effet un homme célèbre à Paris dans les années vingt. Marié plusieurs fois dont une avec la célèbre Raquel Meller, considérée comme la figure la plus connue du music-hall parisien de 1919 à 1937, il est l'ami du Tout-Paris, intellectuel et politique. Chroniqueur recherché, il publie dans de nombreux journaux. Son œuvre estdense et prolifique et il est reconnu comme un grand écrivain aussi bien par les européens que par ses compatriotes.    "J’aime bien tes inquiétudes et tes colères. J’aime bien tout ce qui en toi n’est qu’à demi apprivoisé. Si tu savais ce que tu me donnes et combien j’étais las de visages qui n’avaient pas de race". Grâce à ses nombreux écrits, il devient académicien de la langue espagnole et la France lui décernera sa plus haute décoration, la Légion d'Honneur, à la suite de l'obtention du prix Montyon décerné par l'Académie Française. Surnommé "le prince des chroniqueurs", il est également consul d'Argentine à Paris. À cette époque, Consuelo va fréquenter grâce à son futur mari, un monde intellectuel, culturel et artistique pour lequel elle a toujours eu de l'attirance ainsi que des artistes peintres, et sculpteurs dont elle se sent, par affinité très proche. Enrique Gomez Carillo est l'ami de Maeterlinck, de Foujita, de Verlaine, de Colette, d'Oscar Wilde, de d'Annunzio, d'Anatole France, de Clémenceau et de Poincarré. C'est à Nice que Consuelo va épouser Enrique Gomez Carillo. Sur le plan affectif, c'est la première fois qu'elle ressent un tel apaisement. Malheureusement, son mari tombera subitement malade et décédera d'une embolie pulmonaire, laissant une jeune veuve triste et désorientée. Pour régler la succession de son défunt, Consuelo est invitée à séjourner en Argentine, par le président Hipolito Yirigoyen, ami de longue date de feu Gomez Carillo. C'est ainsi que le quinze août 1930, elle embarque sur le Massilia, en direction de l'Argentine. Elle voyage en compagnie de l'écrivain Benjamin Crémieux de la NRF qui doit présenter des conférences à Buenos Aires et du grand pianiste Ricardo Vines qui doit donner desconcerts dans la capitale argentine. Au cours de la traversée, Benjamin Crévieux a convié Consuelo à une réception dans les salons de l'Alliance Française car il souhaite présenter la jeune femme à l'aviateur Antoine de Saint-Exupéry.    "Mon ardente amie je suis quelquefois un peu devant vous comme un barbare qui possède une captive trop belle et d’un langage trop beau qu’il se trouble de ne pas toujours bien entendre". Ce fut avec une surprise frisant le ravissement qu'Antoine fit la connaissance de Consuelo qui se mit à bavarder avec lui dans un français exotique qui l'amusa intensément. Elle était brune et menue. Il y avait une telle beauté sauvage dans ses yeux noirs qu'il en fut ensorcelé. Antoine tombe immédiatement amoureux de Consuelo et l'invite à faire un vol au-dessus de la ville. C'est au cours de ce vol périlleux et acrobatique qu'Antoine de Saint-Exupéry demande sa main à une Consuelo, tremblante de peur. Antoine fera, un peu plus tard, une demande en mariage plus officielle en adressant à Consuelo une longue lettre de quatre-vingt-trois pages dont les premiers mots sont "Madame Chérie" et les derniers"Votre fiancé, si vous l'acceptez." avec au milieu les premieres pages de "Vol de Nuit." Le vingt-deux avril 1931, le couple se marie civilement à la mairie de Nice et religieusement le lendemain entouré de la famille d'Antoine dans la chapelle d'Agay. Le couple effectuera un voyage de noces sur l'île de Porquerolles au "Grand hôtel des îles d'Or." Antoine fatigué et d'humeur ombrageuse, écourtera finalement rapidement le séjour pour retourner à Nice. En juillet1934, Consuelo vend, à regret, sa maison de Nice, El Mirador, car le couple connaît de graves difficultés financières.    "Je voudrais savoir lire dans votre visage. Tout ce que votre pensée y remue d’ombres. Je voudrais vous aimer mieux". Pendant qu'Antoine couvre la guerre civile espagnole, Consuelo emménage et fait des projets de décoration dans un appartement en duplex loué face au Dôme des Invalides, quinze Place Vauban. En 1939, paraît "Terre des hommes" aux Éditions Gallimard, qui aura le grand prix de l'Académie Française. Tandis que Consuelo continue à peindre, à sculpter et à exercer son nouveau métier de journaliste à Radio-Paris, Antoine profite de ses "vacances de mari" que Consuelo lui a accordées, pour vivre en célibataire, mais il n'oublie jamais tout à fait sa femme. En juin 1940, le dix juin precisément, Antoine se rend à la Feuilleraie pour prévenir sa femme de se rendre en zone libre. C'est le début de l'exode. Mobilisé depuis septembre 1939, Antoine refuse une première fois de se rendre aux États-Unis mais se décidera quand même à partir à la fin de l'année 1940, après avoir retiré en octobre son visa pour les États-Unis à Vichy. À Oppède, Consuelo va vivre une grande histoire d'amour avec un jeune architecte célibataire, Bernard Zehrfuss. Grand prix de Rome, ce dernier fera par la suite une brillante carrière en France et à l'étranger. À cette époque, Antoine a beaucoup de maîtresses, et Consuelo le sait. En 1942, Antoine commence le livre qui le fera connaître dans le monde entier, "Le Petit Prince." Ce livre, curieusement, est une commande de son éditeur américain qui, le voyant toujours griffonner des petits dessins, lui proposa un jour, de faire un livre illustré de ses croquis pour Noël. Consuelo expliquera plus tard qu'Antoine de Saint-Exupéry mit plus de temps à faire les dessins qu'à écrire la trame, le récit et les dialogues.    "J’ai bien dormi. La chaleur m’a réveillée de bonne heure ce matin en arrivant à Montevideo. Nous serons ici deux heures, après, plus loin. Sois sage, chéri, travaille ton roman et fais le bien beau". On croit tout savoir sur la création du "Petit Prince", et certains le prétendent même hauts et forts. Une seule personne cependant a connu et vécu l'histoire de l'histoire mais elle a préféré se taire car sans doute trop de choses la touchaient personnellement et profondément dans ce récit. La Rose, c'est Consuelo, la fleur unique, la seule qu'il aime vraiment même si la tentation est forte d'aller voir d'autres roses. Dire que la Rose n'est pas Consuelo est une erreur grossière qui trahit la pensée d'Antoine de Saint-Exupéry. En avril 1943, le destin exceptionnel de l'écrivain-pilote ou du pilote-écrivain et de son livre "Le Petit Prince" est définitivement scellé, plus rien ne peut désormais l'arrêter, ni les prières de sa femme, ni les lettres d'amour que le couple échange avec passion et où l'avenir est souvent évoqué, comme pour conjurer le sort. Le trente-et-un juillet 1944, Antoine de Saint-Exupéry, après une mission de reconnaissance au-dessus de la région de Grenoble ne rejoindra pas sa base de Borgo. C'est en achetant le journal, le dix août 1944, que Consuelo va apprendre la disparition de son mari. "Saint-Exupéry lost on flying mission." Sans la protection d'Antoine, elle est perdue. Le seize juin 1947, le roman écrit par Consuelo, "Oppède" paraît chez Gallimard sans les illustrations d'origine. En 1949, elle expose à Marseille, puis ensuite à Cannes. Depuis toujours, faire de la peinture ou de la sculpture la sauve. Après toutes ses années d'errance bohème avec son mari, Consuelo achète en 1951 une bastide à Grasse dans les Alpes-Maritimes.    "Je t'envoie cette lettre par avion peut-être. Je vous serre très fortement dans mes bras, chéri. Ne me laissez plus jamais en arrière, je souffre trop de ne pas galoper avec vous, je ne comprends que toi, je n’aime que toi". Elle rencontre de temps en temps son ami Picasso, c'est lui qui l'avait conseillé sur sa peinture avec Derain, en lui disant de peindre les couleurs comme cela lui venait. Consuelo qui peint toujours abondamment a retenu la leçon. Elle passe de l'abstrait au figuratif dans un débordement de couleurs explosives. En juin 1960, la rose Saint-Exupéry est créée par le célèbre pépiniériste Delbard qui donne à cette occasion une fête dont Consuelo est l'invitée d'honneur, en compagnie de Simone, la sœur d'Antoine et de Didier Daurat, l'ancien directeur de l'Aéropostale. Consuelo expose à cette occasion la statue monumentale de son mari qu'elle a sculptée, il y a quelques années et qui porte le nom de "Vol de nuit." Elle devient l'amante d'un ami commun, Denis de Rougemont qui a contribué à l'écriture de son roman "Oppède." En 1972, elle va se rendre une dernière fois en Amérique Centrale et plus particulièrement au Guatemala pour une commémoration en l'honneur de son second mari, Enrique Gomez Carillo dont on fête le centenaire de sa naissance. En 1975, Consuelo fait plusieurs expositions au château de Cagnes-sur-mer, à Saint Paul de Vence, et une dernière, plus importante, au musée international de Saint-Cloud. L'asthme dont elle souffre depuis l'enfance s'aggrave, et elle vit dans l'angoisse d'une crise. Elle vient alors se reposer plus souvent à Grasse. Dans la nuit du vingt-sept au vingt-huit mai 1979, elle aune crise d'asthme plus sévère que les autres, et elle s'éteint au petit matin, à l'heure où naît et où l'on cueille cette rose de mai, toute simple et très odorante utilisée en parfumerie au pays de Grasse. Elle rejoint sa dernière demeure pour reposer au côté de celui qui fut aussi son mari, Enrique Gomez Carillo au cimetière du Père-Lachaise. Indépendante, libre et engagée à travers son art, Consuelo de Saint-Exupéry a, elle aussi, tracé des lignes toutes féminines dans le ciel.    Bibliographie et références:   - Monique Bobbée, "Consuelo de Saint-Exupery" - Christian Campiche, "Le Nègre de la Rose, De Rougemont" - Alain Vicondelet, "Les mémoires d'une Rose" - Paul Webster, "Consuelo de Saint-Exupéry, la Rose du petit prince" - Jean Chalon, "Consuelo de Saint-Exupéry" - Marc Sauquet, "La vie de Consuelo de Saint-Exupéry" - Sophie Jumelais, "Consuelo de Saint-Exupéry" - Jeanne Gresland, "La Rose de Saint-Exupéry" - Marie-Hélène Carbonel, "Consuelo de Saint-Exupéry, une mariée vêtue de noir" - Martine Fransioli Martinez, "Consuelo de Saint-Exupéry" - Abigaíl Suncín, "Consuelo de Saint-Exupéry"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 11/05/24
"La soumission volontaire est la clé qui ouvre les portes de l'authenticité et de la plénitude de soi." Dans une relation, être la propriété de son Maître dépasse les limites de la simple soumission. C'est une immersion profonde dans un océan de confiance et de dévotion, où chaque acte de soumission est empreint d'une communion intime avec sa volonté. Elevée au sommet de ses préoccupations, au cœur de ses pensées et de ses actions. Être sa priorité signifie bien plus que d'être simplement désirée ; c'est être au centre de son monde, le point focal de son attention et de son affection. Dans cette position privilégiée, être  chérie, protégée et respectée,  sa première préoccupation en toutes circonstances. Cette dévotion et cette priorité se manifestent dans tous les aspects de cette relation. Que ce soit dans ses paroles douces, ses gestes attentionnés ou ses instructions fermes. Ressentir constamment son engagement envers cette connexion profonde et  l'épanouissement mutuel. En lien constant, les pensées s'entremêlent, les  émotions se répondent, créant une symbiose incomparable. Chaque moment passé ensemble est imprégné de sa présence, de sa guidance, renforçant le lien d'une manière qui transcende les mots et les gestes. L'obéissance devient alors un acte de dévotion, une manière de témoigner de  l'engagement envers lui et envers la relation. Chaque ordre exécuté avec précision renforce le lien, renforçant la confiance en lui et tout le  respect pour son autorité. La pression de l'attente de ses ordres est palpitante, électrisante, emplissant chaque instant de cette interaction d'une excitation intense. Le cœur bat la chamade à chaque notification de message, signe de  lien constant, alimentant l'anticipation de ses mots, de ses désirs. En attente de ses directives, on retient son souffle, captivés par la profondeur de cette connexion. Dans cette tension délicieuse, chaque instant est chargé d'une intensité palpable, chaque geste et chaque parole devenant un pas de danse dans ce rituel d'intimité partagée. Il y a également une notion profonde d'engagement dans cette relation, un engagement mutuel à se soutenir, à se comprendre et à se compléter au sein de cette dynamique unique, où la soumission devient un acte d'amour et de confiance partagés. Dans cette communion intime, où les liens de l'âme se tissent avec passion, chaque moment est un poème en mouvement, où l'intime révèle sa splendeur la plus profonde. LifeisLife
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Par : le 11/05/24
"En général, les gens sont plus intéressants quand il ne font rien que quand ils font quelque chose. Aux yeux des français, le fait d'être un étranger et le fait de résider en France ne sont pas très différents. Il y a tant d'étrangers, et pour les français les seuls qui aient une réalité sont les étrangers qui habitent Paris et la France. J’aime une chose simple mais elle doit être simple par le biais d’une complication". Elle n'aimait rien tant que s'endormir dans les musées pour s'éveiller parmi les tableaux. Gertrude Stein, femme au physique colossal, figure incontournable du monde de l'art de la première moitié du vingtième siècle, était à la fois écrivaine, poétesse et esthète douée. Née le trois février 1874 à Alleghany (Pennsylvanie), dans une famille d'émigrants juifs allemands, Gertrude Stein passe la plus grande partie de son enfance à Oakland (Californie). Étudiante en psychologie à Radcliffe College (Harvard), elle suit des cours de William James et publie avec Leo Solomons un article sur des expériences d'écriture automatique. En 1897, elle commence des études de médecine à l'université Johns Hopkins à Baltimore, mais elle les interrompt en 1901. Elle s'installe à Paris en 1904 avec son frère Leo, après avoir terminé son premier roman, "Things as they are", qui ne sera publié qu'après sa mort. Leo et Gertrude Stein entreprennent une collection de peintures, achetant notamment en 1905, au Salon d'automne, la "Femme au chapeau" de Matisse. Ils sont parmi les premiers défenseurs de Picasso. Un autre frère de Gertrude, Michaël Stein, est, lui, l'un des grands collectionneurs américains d'impressionnistes. En 1907, Gertrude Stein rencontre Alice B. Toklas, qui allait devenir sa compagne jusqu'à sa mort. Son premier livre, "Three Lifes"("Trois Vies", 1954), est publié en 1909, et, en 1911, elle achève son chef-d'œuvre de prose narrative, l'immense "Making of Americans" ("Américains d'Amérique", 1971) qui ne paraîtra, et encore à compte d'auteur, qu'en 1925 à Paris. Par son amitié avec Braque et surtout avec Picasso et Juan Gris, elle est mêlée à l'aventure du cubisme et tente, au cours des années précédant la première guerre mondiale, de transposer, dans son propre domaine, le langage, ce qui lui semble être l'essence novatrice de ce qu'elle appelle le "grand moment de la peinture". C'est ce qui apparaît principalement dans "Tender Buttons" ("Tendres Boutons", 1914), premier en date des grands livres majeurs de la poésie moderne de langue anglaise, car il précède les "Cantos" d'Ezra Pound et le "Waste Land" de T. S. Eliot. Dans les années 1920, le salon du vingt-sept, rue de Fleurus est un des lieux de rencontre de l'avant-garde américaine et de ce que l'on nomme "the lost generation" (la "génération perdue"). Gertrude Stein est alors l'amie de Scott Fitzgerald, de Picasso, de Picabia, de Sherwood Anderson et d'Ernest Hemingway qu'elle influence beaucoup à ses débuts.    "Comment peut-on croire à ce que l'on crée alors que la publicité donne aux personnages tellement plus de réalité qu'on ne pourrait le rêver ? Cela prend beaucoup de temps d'être un génie, vous devez tellement rester tranquille à ne rien faire, à ne vraiment rien faire". C'est dans cette même période qu'elle écrit, dans le style répétitif qui porte sa marque, aussi bien prose que poème, que pièces de théâtre, portraits verbaux et manifestes théoriques, bouleversant à la fois la tradition de la langue littéraire anglaise et les distinctions entre les genres. Mais sa notoriété ne dépasse pas alors celle des petites revues comme "Transition", elle ne peut pratiquement pas trouver d'éditeur pour ses livres,à l'exception de "Geography and Plays" (1922, préfacé par Sherwood Anderson) et de sa conférence "Composition as Explanation" que Leonard et Virginia Woolf accueillent en 1926 dans leur "Hogarth Press". Pour réagir contre ce qui lui paraît être un isolement, une méconnaissance injuste de son importance, elle écrit en un mois, à la fin d'octobre 1932, l'"Autobiographie d'Alice B. Toklas" (1973). D'une lecture aisée, ce texte anecdotique, vif et drôle, où l'auteur parle essentiellement d'elle-même sous la voix caustique et parfaitement reconnaissable d'Alice, parut en 1933. Ce fut un succès considérable, le best-seller dont Alice et Gertrude rêvaient, très probablement à cause de l'intérêt grandissant que l'on portait alors à la peinture toujours scandaleuse de Picasso, qui y occupe une place importante. En 1935, Gertrude Stein fait aux États-Unis une tournée de conférences triomphale. Triomphe de curiosité, de la part d'un public mis en présence de l'animal fabuleux qu'est pour l'Amérique rooseveltienne un écrivain d'avant-garde qui est, de surcroît, juive, femme, monumentale et célibataire vivant avec une autre femme. Le livre tiré de ces conférences, "Lectures in America" (1935), est sans doute le meilleur exposé élémentaire de ses théories. En 1934, son opéra,"Four Saints in Three Acts", sur une musique de Virgil Thompson, est joué avec succès aux États-Unis. La figure centrale en est sainte Thérèse d'Ávila. En 1936, elle publie l'"Autobiographie de tout le monde" (1946), qui fait suite à celle d'Alice Toklas, et, en 1938, en français et en anglais simultanément, Picasso, un texte d'hommage à son ami de toujours, qui est surtout un éloge de ses propres méthodes de composition. En 1938, Alice et Gertrude quittent la rue de Fleurus pour s'installent au cinq, rue Christine. C'est elle qui qualifie les jeunes auteurs, parmi lesquels Ernest Hemingway et Francis Scott Fitzgerald, de lost generation ("génération perdue"). "Vous autres, jeunes gens qui avez fait la guerre, vous êtes tous une génération perdue", rapporte Ernest Hemingway dans "Paris est une fête".    "La nature n'est pas naturelle, et c'est assez naturel. Je n'aime pas pêcher en eau trouble, parce que je n'aime pas du tout la pêche. La guerre n'est jamais fatale, mais elle est toujours perdue". Américaines juives et lesbiennes, Gertrude Stein et sa compagne Alice B. Toklas se réfugièrent en zone libre dans la maison qu'elles louaient depuis plusieurs années dans le village de Bilignin à Belley (Ain). En dépit de la recommandation de l'ambassade américaine à ses ressortissants de quitter la France dès le printemps 1940, les deux femmes, se sentant probablement en sécurité du fait de leur amitié avec le royaliste puis pétainiste Bernard Fay, s'y prirent trop tard pour solliciter des visas de sortie du territoire, ce qui les obligea à rester dans la maison de Belley. Soudainement mises en demeure de la quitter en 1942, elles purent alors grâce à la baronne Pierlot, proche de Paul Claudel, se reloger dans la demeure nommée "Le Colombier" à Culoz (Ain) dont le maire Justin Rey s'engagea à les protéger, et où elles ne furent pas inquiétées. Stein évoque cette période dans ses ouvrages "Paris France" (1941) et "Les Guerres que j'ai vues" (1947), édités par Edmond Charlot, par ailleurs éditeur de Camus et considéré par le régime de Vichy comme sympathisant communiste. Charlot sera alors emprisonné en 1942 à la suite d'une phrase malheureuse prononcée par Gertrude Stein, fière d'être publiée par "un éditeur dynamique et résistant". Mais elle eut également une attitude très équivoque, traduisant les discours de Pétain et recevant chez elle Bernard Faÿ, collaborateur zélé, dont on suppose qu'il la protégeait. Peinte par Christian Bérard, Marie Laurencin, Francis Picabia, Pablo Picasso,Tal Coat, Félix Vallotton, sculptée par Jo Davidson, Jacques Lipchitz, photographiée par Cecil Beaton, Carl VanVechten, Man Ray, habillée par Pierre Balmain et Alice Toklas (sa compagne et amante), mise en musique par Leonard Bernstein, Paul Bowles, Al Carminé, Ned Rorem, Virgil Thomson, citée par tout le monde et lue par peu de gens, tel est le sort de Gertrude Stein. Plusieurs générations de poètes lui ont rendu un hommage enthousiaste, recueilli, dubitatif ou les trois à la fois. Depuis les années cinquante, le courant des "performing arts", le "LivingTheatre", le "Judson Church Dance Theatre", "Richard Foreman", "Bob Wilson", "Andy De Groat la choisissent comme source d'inspiration et force de désordre. Comme un de ses supporters des années vingt, le grand poète William Carlos Williams, ils pensent: "Go to it, old girl !" ("Vas-y, ma vieille" !). Son influence fut considérable.    "C'est en cherchant, par excès de prudence, à éviter tout faux pas qu'on finit immanquablement par en faire un. L'espèces de gens qui n'étaient pas heureux quand ils étaient enfants est l'espèce qui croit à l'intelligence, au progrès et à l'entendement". On a pris l'habitude de citer, de travers, son "Rose is a rose is a rose is a rose", qui a inspiré un beau chapitre à Maurice Blanchot dans "L'Entretien infini", pour éviter de préciser en quoi elle abouleversé les conceptions de la prose, de la poésie et du théâtre au XXème siècle. On a longtemps préféré lire son "Autobiographie d'Alice Toklas" (1933), pour le plaisir des anecdotes qu'elle raconte sur la vie des peintres et des écrivains qui fréquentaient sa maison, vingt-sept, rue de Fleurus à Paris, plutôt que pour les intéressants effets de distorsions narratives. C'est Gertrude Stein qui écrit mais elle prétend être Alice Toklas. Encouragée par le fabuleux succès du livre, elle publia en 1937 "L'Autobiographie de tout le monde". Aujourd'hui, l'intérêt se porte sur ses œuvres les plus difficiles, celles auxquelles elle tenait le plus. En effet, après un recueil de trois nouvelles "Trois vies" (1909), elle s'était lancée dans un très long et très répétitif roman, "Américains d'Amérique" (1925). Se tournant ensuite vers la poésie, quoiqu'il soit difficile de distinguer chez elle ce qui est prose, poésie ou texte théâtral, elle avait publié un petit opuscule très étrange, "Tendres boutons" (1914), qui eut une influence majeure sur la poésie du début du siècle. Jean Cocteau en parle dans "Potomac". Ce recueil, "Géographie et Pièces" (1922), "Comment écrire" (1931) , "Opéras et Pièce" (1932), "Lectures en Amérique"(1935) et les écrits qui après sa mort ont été publiés en huit volumes par l'université de Yale sous le titre "Les Textes inédits de Gertrude Stein", contiennent aussi les très intéressantes "Stanzas in Méditations", en fait des textes "hermétiques" ou de rêverie théorique, et sont maintenant ceux que curieux de littérature et spécialistes lisent le plus attentivement. Sa technique d'écriture intrigue également les lecteurs contemporains. Pour Gertrude Stein, les "brouillons" avaient autant de signification que l'œuvre, elle ne faisait d'ailleurs aucune différence entre les deux, écrivant elle-même sans raturer ni jeter, sans retour ni remords, désacralisant l'art par la surabondance, produisant tous les jours des pages d'écriture que sa compagne Alice Toklas retranscrivait alors à la machine.    "Tout le monde s'assit et commença à manger le riz à la valencienne et le reste, du moins ils commencèrent aussitôt que Guillaume Apollinaire et Rousseau eurent fait leur entrée, ce qu'ils firent au bout de peu d'instants, et au milieu des applaudissements frénétiques. Comme je me rappelle leur entrée !" L'œuvre de Gertrude Stein, relativement méconnue, est le grand fondement du modernisme américain. Très diversifiée, romans, poèmes, pièces de théâtre, livrets d'opéra, essais, conférences, autobiographies, récits. Elle se définit comme une œuvre souterraine, souvent cryptique et hermétique, composée pendant quarante ans, nourrie de données biographiques, commandée par une réflexion sur le langage et sur le modernisme, inséparable des mouvements esthétiques contemporains. Gertrude Stein réunit les créateurs et se constitue ainsi un univers autarcique dans le monde parisien, dont on ne sort que pour rencontrer les grandes problématiques du modernisme, dans la confrontation violente à l'histoire contemporaine, l'interrogation sur la propriété du mot et sur le lieu du moi. Or cette interrogation trouve écho chez les peintres cubistes. "L'essai sur Picasso" (1939) montre que l'écrivain doit se défaire de toute égologie et approcher le pouvoir du peintre: le cubisme n'est pas rupture de la perception, mais rétablissement de la perception la plus fidèle à l'objet. L'œuvre témoigne de la coalescence du regard et du monde et inscrit l'objet dans une représentation toujours pertinente. Gertrude Stein transpose cette théorie au langage en assimilant l'écriture aux mots de l'alphabet et au compte des anniversaires, en identifiant son entreprise créatrice à un effort pour échapper à la loi de la médiation, pour faire de l'écriture une nomination du visible, qui fait appartenir l'écrivain à ce visible. L'intention romanesque est "monstrative", comme la peinture cubiste, et encyclopédique. La rénovation littéraire de Gertrude Stein participe des acquis picturaux non par le décalque de la technique picturale en littérature, mais par la conviction que le mot appartient à la fois au monde et au sujet et qu'il est ainsi simultanément regard du sujet sur le monde et inscription du sujet dans le monde. "Tendres Boutons" (1914) ou "Géographie et autrespièces" (1922) jouent constamment sur l'accord du regard et du mot, sur l'immédiateté du langage et aux limites de l'hermétisme et de l'abstraction. Cette stratégie marque toute la logique créatrice ("l'Art d'écrire", 1931) et la métaphysique de l'œuvre ("l'Histoire géographique de l'Amérique", 1936). Il y a ainsi une généralité du langage qui ne cesse de poser des équivalences et de noter des singularités. Grâce à quoi l'écriture est indéfinie et toujours pertinente, constamment à elle-même son propre événement. Elle a su créer un mode d'écriture très novateur.   "Rousseau, un Français petit et pâle, avec une petite barbe, comme tous les Français qu'on voit n'importe ou, Guillaume Apollinaire avec ses traits fins et exotiques, ses cheveux noirs et son beau teint. Quelqu'un d'autre, peut-être Raynal, je ne me rappelle plus, se leva et l'on porta des toasts, puis tout à coup, André Salmon, qui était assis à côté de mon amie et discourait solennellement de la littérature et de voyage, sauta sur la table, qui n'était point trop solide, et débita un éloge et des poèmes improvisés". "Tender Buttons" traite d’objets et d’ustensiles, de matières et de matériaux, de corps et de déploiements, de lieux et de moments, ainsi que le laisse entendre le sous-titre du recueil: "Objects, Food, Rooms". Dans une œuvre en forme de cabinet de curiosités, c’est la substance des choses quotidiennes, la quiddité du monde domestique qui cherche à se dire au détour d’une exploration aléatoire en forme d’inventaire lacunaire et bégayant. Gertrude Stein entend en apparence saisir la substance qui résiste et insiste à la fois, celle dont le monde est fait, celle qui fait être le monde, approcher l’essence des choses familières qui se distingue si imparfaitement de leur existence immédiate. Ce que le poème steinien dit du monde, le point de vue singulier qu’il exerce sur les objets, n’en est pas moins problématique. Son désir de prendre la substance dans les filets d’une grammaire poétique jetés à longueur de pages n’en est pas moins réel. La substance convoitée n’est cependant pas celle que l’on croit ou plutôt elle change de nature chemin faisant. L’exploration de la substance des objets comme chose en soi se mue en découverte de la langue comme substance, à savoir ce qui est par soi-même sans supposer un être différent. En cherchant à dire la substance des choses, le poème fait l’expérience de la substance de la langue, éprouve le langage comme substance. Car le langage, ainsi que Gertrude Stein l’éprouve dans "Tender Buttons", est pratiquement par soi-même, presque indépendamment des signifiés et du monde. Par son épaisseur visuelle, par la matière phonique des mots et des séquences verbales, le langage, frisant la "lalangue", devient à lui-même sa propre fin. Dans la grammaire du poème advient ainsi plus que la substance des choses, la substance de la langue et finalement le langage comme substance. L’écriture de "Tender Buttons" a de quoi déconcerter, et même donner le vertige à son lecteur exposé à la langue en devenir dans une grammaire qui a perdu le sens commun, lui inspirant tour à tour dégoût ou ennui. Sans doute, la raison pour laquelle, l'intellectuelle muse est peu lue.    "Vers la fin de son discours, il saisit un grand verre et avala tout ce qu'il contenait, puis aussitôt, il se mit à divaguer, car il était complètement ivre, et il commença à chercher querelle. Les hommes le maîtrisèrent, tandis que les statues vacillaient sur leurs socles". Quittant l’Amérique, elle a laissé derrière elle la vie quotidienne, la vie mondaine, la vie du dehors et les situations d’énonciation qui l’accompagnent. Si sa vie de femme du monde à Paris est connue pour avoir été riche, elle tenait salon, sinon toujours en langue étrangère, du moins en terre étrangère. Au détour de l’expatriation, l’anglais s’est trouvé pour elle dénaturalisé. La langue américaine peut résonner alors de cette musique étrange à laquelle nous convie ainsi sa grammaire. La mise entre parenthèses de l’Amérique, cette réduction du monde qui a quelque chose de phénoménologique, est tout sauf un accident. Elle est instauratrice. La langue, en tant qu’elle est écriture, littérature, opère sur le sujet parlant de l’intérieur. Tournée non pas vers le dehors, elle est occupée à tout autre chose qu’à la communication ou alors à la communication avec soi-même, pour reprendre une idée que Maurice Blanchot formule au sujet de l’œuvre littéraire. Il y a sinon une œuvre de la langue sur, tout au moins un travail de la langue sur le sujet, travail qui n’a cessé d’aiguiser la curiosité de Gertrude Stein. La langue façonne, modèle le sujet parlant, de l’intérieur,dans le silence de l’esprit et du corps, en l’absence de trace, de témoin. Les processus linguistiques sont des processus internes: la lecture, l’écriture, inséparables l’une de l’autre, ainsi que le martèle la voix poétique de"The Geographical History of America", écriture et lecture qu’il ne faut en aucun cas confondre avec la parole, résonnent dans le silence sourd de l’intériorité, non seulement dans ce que l’anatomie désigne comme l’oreille interne, mais plus encore dans ce que Saint Augustin dans sa Prière à l’Esprit Saint appelle "l’oreille intérieure". S’il est un savoir du poème, ainsi que le laisse entendre Gertrude Stein en plusieurs endroits, ce savoir est à penser en d’autres termes que ceux de l’occupation, de l’appropriation. Il n’est ni positif, ni tangible, ni réel, il est expérience fugace, traversée sans lendemain, pur devenir. C'est le côté un peu magique de son écriture.   "Braque, qui était un grand fort diable, saisit une statue dans chaque bras, et les protégea ainsi, tandis que le frère de Gertrude Stein, un autre grand fort diable, protégeait le petit Rousseau et son violon. Les autres, avec Picasso en tête, parce que Picasso, tout petit qu'il soit, est très fort, poussèrent Salmon dans l'atelier de devant et l'y enfermèrent à double tour". La grammaire est selon Gertrude Stein une lutte que le poète engage contre la langue, lutte sans merci et sans fin, vouée à un échec fatal. Or l’échec comme horizon n’empêche pas l’agonie, bien au contraire. Si le poète ne peut que se résoudre au principe de l’antériorité de la langue sur le sujet parlant, à l’arbitraire du signe, cela ne l’empêche pas de mener un combat en son sein, opposant l’immanence du flux à la transcendance de l’ordre. Le poète ne peut faire l’économie des noms qui existent, lui préexistent et sans doute lui survivront dans la langue. La grammaire steinienne cherche non pas à autonomiser le signifiant du signifié, mais tout au plus à décoller les deux faces du signe, à compliquer l’image acoustique. La grammaire de Gertrude Stein met sans doute en crise notre rapport à la langue anglaise, à sa variante américaine, mais plus encore met en cause notre rapport au langage compris au sens de système régi par des principes, des contraintes universels dont les langues seraient des réalisations particulières. Le poème marque d’emblée son refus de signifier, ou plus précisément de signifier quelque chose. Cette première pièce poétique pour le moins agrammaticale ne manque pas de faire signe, mais se refuse à faire signe vers le monde, à signifier les choses, quelque chose qui lui soit extérieur. Le langage de "Tender Buttons" ignore superbement les impératifs logiques, ne redoute pas de dire tout et son contraire, de prendre le risque de la contradiction, voire du non-sens logique, de s’adonner à la tautologie. Gertrude Stein traite les mots de "Tender Buttons" comme autant d’individus sur un pied d’égalité de manière indistincte et presque démocratique, à quelques exceptions près. Le poème mélange les catégories grammaticales sans se soucier des prescriptions de la syntaxe, ignore superbement la différence entre les mots lexicaux et les mots grammaticaux. Le poème steinien est une petite mécanique verbale. La langue pour le poète est une boîte à outils, un garde-manger, une carrière de pierres qui sont autant de tendres boutons, un réservoir infini de phrases dont il dispose à sa guise. C’est en démiurge que Gertrude Stein use des mots, ignorant leur inscription dans lesystème de la langue, méconnaissant ainsi totalement leurs relations hiérarchiques, leur inscription dans l’ordre.    "Le café, lorsque vous l'avez terminé, il vous donne encore le temps de réfléchir. C'est beaucoup plus qu'une simple boisson, c'est un instant qui passe. Pas comme un moment ordinaire, mais comme un événement, un lieu d'être, même pas comme un lieu, mais comme quelque part en vous. Il vous donne le temps, non pas des heures non réelles ou des minutes, mais une chance d'être vous-même, et de prendre une seconde tasse". "La préface au catalogue de la première exposition de Francisco Riba Rovira à Paris", écrite en 1945, compte parmi les derniers textes de Gertrude Stein sur sa vision de la peinture. Elle y exprime des jugements sur Picasso, Cézanne, Matisse, Juan Gris et principalement sur Francisco Riba Rovira, artiste familier de son salon dont elle a aussi possédé certaines œuvres. "Je rentrais à Paris, après ces longues années passées dans une petite campagne, et j'ai eu besoin d'un jeune peintre, un jeune peintre qui m'éveillerait. Paris était merveilleux, mais où était le jeune peintre ? Je regardais partout: mes contemporains et leurs suivants jusqu'au dernier. Je me suis promenée beaucoup, j'ai regardé partout, dans toutes les boutiques de peinture, mais le jeune peintre n'y était pas. Pas un jeune peintre ! Un jour, au tournant d'une rue de mon quartier, j'ai vu un homme faisant de la peinture. Je le regarde, lui et son tableau, comme je regarde toujours ceux qui font quelque chose, et j'étais émue. Oui, un jeune peintre ! Nous commençons à parler. Son histoire était la triste histoire des jeunes de notre temps. Un jeune espagnol qui étudiait aux Beaux-Arts à Barcelone: la guerre civile, exil, camp de concentration, évasion, Gestapo, encore prison, encore évasion. Huit ans perdus ! S'ils étaient perdus, qui sait ? Et maintenant un peu de misère, mais quand même la peinture. Pourquoi ai-je trouvé que c'était lui le jeune peintre, pourquoi ? Je suis allée voir ses dessins, sa peinture. Et maintenant voilà, je trouve un jeune peintre qui ne suit pas la tendance. C'est Francisco Riba Rovira". Dans "Paris est une fête", Ernest Hemingway se souvient que "Miss Stein, était très forte, mais pas très grande, lourdement charpentée comme une paysanne. Elle avait de beaux yeux, et un visage rude de juive allemande. Elle me faisait penser à quelques paysannes du nord de l'Italie par la façon dont elle était habillée, par son visage expressif, et sa belle chevelure, lourde, vivante, une chevelure d'immigrante, qu'elle relevait en chignon, sans doute depuis le temps où elle était à l'université. Elle parlait sans cesse et surtout des gens et des lieux". Gertrude Stein meurt le vingt-sept juillet 1946 à Neuilly-sur-Seine, à l'âge de soixante-douze ans. Elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise. Par sa collection personnelle et par ses livres, elle contribua à l'essor de la littérature moderne et à la diffusion du cubisme et plus particulièrement de l'œuvre de Picasso, de Matisse et de Cézanne.    Bibliographie et références:   - Steven Meyer, "Irresistible dictation, Gertrude Stein" - Vincent Giroud, "Gertrude Stein et Picasso" - Alfred Binet, "Gertrude Stein, automatisme de la motilité" - Florence Montreynaud, "Le XXème siècle des femmes" - Philippe Dagan, "La face cachée de Gertrude Stein" - Philippe Blanchon, "Gertrude Stein" - Julie Verlaine, "Gertrude Stein. Écrire et collectionner" - Delphine Cano, "Gertrude Stein" - Nadine Satiat, "Gertrude Stein, biographie" - Marc Dachy, "Gertrude Stein" - Brenda Wineapple, "Sister, brother: Gertrude and Leo Stein" - Linda Wagner-Martin, "Gertrude Stein and her family"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 10/05/24
Née en 1941 en Ardèche, Xaviere a connu les affres de l'orphelinat dès son plus jeune âge, une épreuve qui marque profondément son écriture et sa perception du monde. Privée de ses parents et confrontée très tôt aux rigueurs de la vie, elle s'installe à Paris où elle commence à travailler dans des night-clubs. Cette période de sa vie, entre paillettes et ombres, lui confère une connaissance intime des marges et des interstices sociaux où se débattent ceux que la société préfère souvent ignorer. En fréquentant les bas-fonds parisiens et en côtoyant des destins brisés, Xaviere s'arme d'une plume et d'un regard qui ne cherchent pas à embellir la réalité, mais à la révéler dans toute sa cruauté. Ces expériences deviennent le terreau fertile de sa carrière littéraire qu’elle entame avec audace et détermination. Son œuvre majeure, "La Punition", publiée en 1971, est un cri du cœur et de la révolte. Le livre raconte l'histoire d'une prostituée punie pour son lesbianisme et son refus de se soumettre aux désirs pervers de certains clients. Avec une narration poignante et une finesse psychologique, Xaviere offre un témoignage poignant sur la condition des femmes exploitées et marginalisées. L’impact du livre est tel qu'il devient rapidement un best-seller, se révélant être une œuvre incontournable pour comprendre les violences infligées aux femmes dans des contextes de grande précarité. Le réalisateur Pierre-Alain Jolivet adaptera ce roman au cinéma et  captura l'essence brutale et la poésie sombre de l'œuvre de Xaviere, contribuant ainsi à élargir encore plus son audience et son impact. Dans "La Punition", Xaviere nous plonge dans les abysses sombres de la condition humaine à travers le prisme déchirant de la prostitution et de la punition auto-infligée. Le livre révèle avec une pudeur inattendue les horreurs auxquelles sont confrontées les protagonistes, enfermées dans un hôtel miteux de Lyon. La protagoniste principale, poussée par les circonstances au-delà des limites de la résilience humaine, incarne à la fois la victime et la révoltée. Ce récit, écrit au début des années 1970, bien que court (moins de 100 pages), est dense et intense. On en ressort avec des sentiments mitigés, de par la difficulté à s'immerger dans l'expérience psychologique des personnages et par le un style descriptif parfois un peu trop extrême. Mais la puissance du témoignage écrit, par certains autres côtés avec une retenue contraste fortement avec la violence des événements qu'il dépeint. La manière dont Xaviere présente ces femmes, en particulier Gloria, soulève une indignation profonde et une empathie pour "les autres, toutes les autres", souvent invisibles et silencieuses. Le style de Xaviere, mêlant brutalité et subtilité, frappe le lecteur tel un coup de poing. Le livre est un uppercut littéraire, mettant en lumière des vérités souvent occultées par la société (surtout si l'on se replace dans le contexte de l'époque). "La Punition" n'est pas seulement un roman, c'est un appel à reconnaître et à répondre à des souffrances souvent ignorées ou mal comprises. Dans ce style littéraire qui n'épargne souvent pas la noirceur, Xaviere parvient à faire résonner une note d'humanité, nous rappelant que chaque page de ce livre est un miroir de la réalité vécue par beaucoup, trop souvent reléguée aux marges de nos consciences. A défaut de le trouver en librairie, vous pouvez  l'acheter en ligne ici (à défaut) (Chronique rédigée suite à un conseil de lecture de BEAST MASTER)
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Par : le 09/05/24
Plusieurs jours ont été indispensable, pour digérer cette demande, ma soeur veut offrir ma virginité en cadeau de St Valentin à Julien... C'est une vision difficile pour une gamine de 15 ans, sans expérience, sensible et encore timide. Effrayer, morte de peur et follement troublée, rien que de penser à Julien, de ce qu'il allait faire, tremblante, toute mouillée, l'envie de céder à l'appel de la chair, du sexe. L'ado rêveuse rappelée à la réalité, qui se touchait la nuit dans son lit, se donnait un peu de plaisir sans imaginer le grand pas qui lui était demandé. Aujourd'hui je dois décider, soit je refuse et je loupe une belle occasion de le faire avec des gens que j'aime ou je me lance pour faire le bonheur de tous le mien en premier et offrir ma virginité. Je devais demander des précisions à Lydia avant tout, jusqu'où je devais accepter et Julien, jusqu'où il allait aller ?? Est-ce-qu'il prendra son temps en douceur, comme le soir sur le canapé mais c'est seulement ses doigts, quelques fois sa bouche, sa langue, il va utiliser son beau sexe, je dois le sucer et avaler, ça je l'ai déjà fait, il va me pénétrer trop peur de souffrir. Demain j'en parle, Lydia doit tout me dire. J'arrive pas à dormir, au lycée les amies vont le voir et je vais crouler sous les questions pourries, moqueries et plus 🔞 je vais rougir 😊 la honte... Au petit déjeuner, après le départ de Julien, j'ai assailli ma sœur de mille questions et les réponses n'étaient pas rassurantes, en résumé, je ne devais pas réfléchir, juste me laisser aller totalement, je lui appartiendrait toute la nuit, y compris ma virginité anal. Lydia serait là mais n'interviendra pas, juste des conseils... Je me suis retranchée dans ma chambre pour pleurer une fois de plus, la voix de Lydia, ferme et péremptoire, "de toute façon je m'occupe de toi des demain, ça fera 30 jours avant le 14, comme j'ai prévu ton entraînement." Dès la douche, le matin suivant, elle est venue pour me savonner, ses doigts on fouiller mes orifices légèrement, je me tortillais sans pouvoir échapper aux inquisitions de plus en plus profondes. La vulve et l'anus me brûlaient avec le gel douche, de nouveau en larmes, pour la première fois ma sœur m'a giflé très fort, "ça suffit tu n'es plus un enfant, alors fini de pleurnicher. Tu feras ce que je te dirais, maintenant écarte les jambes et en silence" je sanglotais sans bruit, les doigts ont investi mes petites lèvres et de l'autre main mon petit trou, j'étais secoué des pieds à la tête, j'ai crié en faisant pipi dans sa main, effrayé à l'idée de prendre des claques mais elle m'a embrassé sur la bouche, je sentais sa langue sur la mienne, je n'osais plus bouger, peur, honte, stress, après ce long baiser, je ne savais plus rien, j'attendais sous la douche immobile, une petite tape sur les fesses pour me sortir de cette torpeur et entendre Lydia me dire "tu vois c'est pas compliqué de lâcher prise" Je me suis blottie dans ses bras pour murmurer, tu n'es pas fâchée, j'ai fais pipi dans tes doigts ? "  non c'était ce que je voulais, bientôt je ferais pipi dans ta bouche 👄 tu devra aussi tout boire, je te montrerai... Sur le chemin du lycée cette image comme un incendie dans mes pensées, je n'ai pas vu mes deux amies qui me regardaient, curieuses, " salut, ça va ? Tu as fumé un truc? Drôle de tête, ah voilà cette fois t'es plus vierge, tu dois tout nous raconter, tu l'as fait, qui t'as sauté, aller, tu dis rien, le copain de ta sœur ? " Rouge les yeux mouillés, j'ai juré qu'il n'y avait rien de rien, que j'étais pas bien, comme chaque mois.... À suivre
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