La rubrique "Articles" regroupe vos histoires BDSM, vos confessions érotiques, vos partages d'expériences SM. Vos publications sur cette sortie de blog collectif peuvent aborder autant les sujets de la soumission, de la domination, du sado-masochisme, de fétichisme, de manière très générale ou en se contentrant très précisément sur certaines des pratiques quu vous connaissez en tant que dominatrice/dominateur ou soumise/soumis. Partager vos récits BDSM, vécus ou fantames est un moyen de partager vos pratiques et envies et à ce titre peut être un excellent moyen de trouver sur le site des partenaires dans vos lecteurs/lectrices. Nous vous rappelons que les histoires et confessions doivent être des écrits personnels. Il est interdit de copier/coller des articles sur d'autres sites pour se les approprier.
Par : le 12/05/24
Sur les plateformes de dédiées à la rencontre comme Tinder ou partiellement dédiées à la rencontre comme notre site BDSM.FR, tout à chacun a pu constater le déséquilibre marqué entre le nombre de femmes et le nombre d'hommes. Ce déséquilibre impacte lourdement l'expérience des utilisateurs, hommes comme femmes.. Ce problème n'est donc pas cantonné à Tinder, mais c'est un symptôme généralisé sur toutes les plateformes de rencontres. Certains nouveaux membres de BDSM.FR s'en plaignent de manière assez critique et voir de manière acerbe comme si nous étions responsables et coupables de la disparité de nombre entre les femmes et les hommes sur le site (il n'y a pas une semaine sans qu'on se fasse littéralement insulter par le biais du formulaire de désincription). Dans le cas de Tinder, Nicolas Kayser-Bril et Judith Duportail ont effectué un test, il y a quelques années, et le résultat de l'expérience est à peine surprenant et en tout cas très significatif. L'expérience de Judith et Nicolas sur Tinder A des fins expérimentales les deux enquêteurs ont voulu voir "ce que ca faisait" d'être du sexe opposé sur l'application phare de la rencontre en ligne, Nicolas, s'est ainsi créé un profil féminin sur Tinder, et a rapidement dû fermer son compte, véritablement submergé par les sollicitations tournant parfois assez vite à l'agressivité. Judith, quant à elle, a constaté un manque de sollicitation sur son profil masculin, à l'inverse de ses expériences habituelles sur Tinder ou elle avait du succès, mettant en lumière que l'expérience entre un homme et une femme est radicalement différente en fonction du sexe. En effet, selon leurs recherches, le taux de match est de 50 % pour les femmes contre seulement 2 % pour les hommes sur Tinder. Causes et conséquences de cet état de fait Sur-sollicitation des femmes : les femmes sur les plateformes de rencontre sont souvent sursollicitées à un point tel qu'elles peuvent se sentir harcelées. Ce phénomène n'est pas seulement inconfortable; il peut conduire à jusqu'à des sitations réelles de cyberharcèlement. Frustration des hommes : les hommes, confrontés à un faible taux de réponse, peuvent ressentir une grande frustration. Cette situation est exacerbée par le modèle économique de Tinder, qui encourage les hommes à acheter des fonctionnalités supplémentaires pour augmenter leur visibilité, sans pour autant que les résultats soient à la hauteur des espérences que la monétisation fait naître. Conséquences : les femmes deviennent plus sélectives n'ayant que l'embarras du choix et voulant s'épargner les plus "collants" des hommes, et en arrivent juger de manière expériditive les dizaines (voire centaines) de solicitations qu'elles recoivent, tandis que les hommes peuvent se sentir floués et devenir agressifs face aux échecs répétés au quotidien (en ayant pourtant parfois bourses déliées). Et BDSM.FR dans tout ça ? BDSM.FR, comme tous les sites permettant l'interaction homme/femme et le contexte "Rencontre" pour bon nombre d'utilisateurs/utilisatrices, nous avions consience de cette problématique dès la création du site en 2012 et avons fait dès la genese ce que nous pouvions pour "soulager" les dames, tout en restant gratuit pour les hommes. Ce système repose depuis 2012 sur une prise de contact (demande d'ami) avant de pouvoir échanger, et sur un volontairement bridé (court) message introductif, pour que les dames est assez vite des éléments pour se faire une première impression sur leur correspondant (ne serait-ce pour voir les hommes qui font l'effort de personnaliser leur demande en quelques mots). Voici ainsi comment nous abordons la situation depuis 2012 (putain, 12 ans !): Gratuité, non discrimination par l'argent : BDSM.FR est un site entièrement gratuit qui ne repose pas sur un modèle économique poussant à l'achat de visibilité ou d'avantages supplémentaires. Chaque utilisateur, indépendamment de son genre, a les mêmes chances de réussite à partir de ses qualités intrinsèques (plutôt qu'à partir de son compte en banque), sans coût supplémentaire. Respect et sécurité : nous avons mis en place des mesures strictes pour éviter le harcèlement et assurer un environnement le plus sûr possible pour tous nos utilisateurs et surtout utilisatrices. Nous nous efforçons au quotidien, d'écarter les malfaisant(e) le plus rapidement possible, les fondateurs sont en cela bien aider par une équipe de modérateurs bénévoles, que nous ne remercieront jamais assez. Favoriser le dialogue et la convivialité : en offrant des espaces publics pour que les utilisateurs et les utilisatrices puissent se "vivre" pour se découvrir sans nécessairement encore avoir "matché" (demande d'amitié aboutie, sur BDSM.FR), nous encourageons une communauté basée sur le respect mutuel et l'ouverture. BDSM.FR se veut bien plus qu'une plateforme de rencontre; mais à l'ambition d'être un espace où les individus peuvent discuter, apprendre et explorer en toute sécurité et sans engagement. L'expérience de Tinder des deux journalistes montre clairement les limites et les défis des plateformes de rencontre traditionnelles. Sur BDSM.FR, nous nous efforçons de créer une alternative à la disparité homme/femme en nous efforçant à ce que chacun puisse se sentir valorisé et respecté. Nous invitons nos utilisateurs à contribuer à cette communauté, tout en profitant d'une expérience si possible la plus positive et la plus équilibrée, en espérant que certains puissent se rencontrer, s'il le souhaite, dans de bonnes conditions. Voir l'article sur Huffing Post A découvrir, le livre "L'Amour sous algorithme" de Judith Duportail Judith Duportail, est une journaliste qui, suite à une rupture amoureuse, décide de s'inscrire sur Tinder pour se distraire et reprendre confiance en elle. Alors qu'elle se laisse emporter par la frénésie de l'application, échangeant des textos avec une multitude d'hommes et profitant de l'attention qu'ils lui portent, elle découvre par hasard que Tinder utilise secrètement des données personnelles pour attribuer une note de « désirabilité » à ses utilisateurs. Cette révélation la choque profondément, car cela signifie que l'application manipule les rencontres en classant ses membres sans leur consentement. À travers son récit autobiographique, Judith partage non seulement les détails de son enquête, mais aussi ses expériences personnelles et émotionnelles, illustrant les impacts psychologiques des mécanismes de l'application de rencontres. Le livre offre ainsi une perspective unique sur la manière dont les technologies de rencontre influencent la séduction et les relations amoureuses, tout en mettant en lumière les enjeux de pouvoir et de domination, particulièrement en ce qui concerne la place des femmes dans ces dynamiques. 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Par : le 01/05/24
"Pâles deviennent tous mes rêves, jamais il n'y eut de fin plus triste dans mes livres de poèmes, la vie doucement coule. Je sais qu'il me faudra mourir bientôt et pourtant tous les arbres brillent après le baiser de juillet longtemps désiré. La nuit est veloutée et tendre, telle une rose. Viens, donne-moi tes mains, mon cœur bat, il est tard et à travers mon sang, vaque la nuit ultime qui va et vient, sans bornes, et sans fin, comme une mer. Et puisque tu m'as tant aimée, cueille donc la joie suprême de ton jour, et donne-moi cet or que nul nuage ne trouble". Lors de son discours du vingt novembre 2003, pour l’acceptation du prix Nobel de littérature, Elfriede Jelinek fit un vibrant hommage à Else: "Écolière, j’ai adoré la stature extravagante, exotique et bariolée d’Else Lasker-Schüler. Je voulais à tout prix écrire des poèmes comme elle, même si je n’en ai point écrit, elle m’aura beaucoup marqué". Démente ou extralucide, Else Lasker-Schüler (1869-1945) aura enflammé son siècle, et aura été le porte-parole de l’expressionnisme allemand. Gottfried Benn, amant puis ennemi car rallié au nazisme, dira d’elle, "ce fut la plus grande poétesse lyrique que l’Allemagne est jamais eue". Karl Kraus, l’avait désigné comme "la plus forte et la plus impénétrable force lyrique en Allemagne". Ceci pour situer l’immense Else. Elle était maigre et ses yeux étaient immensément tendus vers vous. Une force terrible émanait de sa personne. Else Lasker-Schüler envoûte ou fait jaillir la haine par sa vie provocante. Elle mendiera une partie de sa vie pour se nourrir, elle fera exploser les valeurs bourgeoises et la forme poétique. Peintre, poète, meneuse ardente des causes intellectuelles, amante passionnée, elle reste une comète foudroyante passée dans notre ciel. Nous n’en avons pas encore pris toute la mesure immense. Le début du siècle à Berlin, c’est elle qui l’a façonnée. Ses amis qu’elle vit souvent mourir, Georg Trakl, Franz Werfel ou Franz Marc, bien d’autres encore sont le bord de sa route. Une première génération se fit décimer pendant la première guerre mondiale, une deuxième par le nazisme. Else vit tout cela. Perte et absence, exil et projections bibliques feront le fondement de son œuvre. "Une Sapho qui aura traversé de part en part le monde" dira d’elle Paul Hille son ami le plus proche. Ce nouvel ange bleu sera la madone des cafés littéraires et tous les hommes devinrent des professeurs "Unrat". Elle sera à jamais le prince de Thèbes ou une femme prise dans le tragique entre Berlin et Jérusalem. Sa terre d'exil sera sa terre de renaissance.    "Le printemps nous contemple de sa lumineuse majesté. Tu me cueilles une fleur en guise de salut, et moi, je l'aimais déjà quand elle n'était que graine. Du lointain pays de la nuit, des harmonies se pressent, s'enflent. Je fais le pas. Je serai la vie, vie blottie contre vie. Quand au dessus de moi des astres édéniques berceront leurs premiers humains. Tes yeux se posent sur les miens, jamais ma vie n’eut tant de chaînes". Else était tout entière dans ses jeux de rôle, elle se faisait appeler le jaguar ou "le prince de Thèbes" et baptisait tout son entourage de nouveaux noms. Franz Marc était le "Cavalier bleu", Karl Kraus, "le Dalaï-Lama", Gottfried Benn, "Giselheer le Barbare", Georg Trakl était "le cavalier en or", Franz Werfel "le prince de Prague", Peter Hille, "Saint-Pierre", et Oskar Kokoschka, "le troubadour ou le géant". D’autres encore se firent totémiser de ces noms étranges venus d’autres planètes. Ses amis furent foison, parfois aussi amants, le plus souvent égaux et amis: Gottfried Ben, Georg Grosz, Karl Krauss, Murnau, Trakl, Werfel, Marc, Peter Hille, Kokoschka, Richard Dehmel, Alfred Döblin, Tristan Tzara, Gropius, Walter Benjamin, Martin Buber, mais la liste est longue, tant était foisonnante cette ville de Berlin sous son versant bohème, avec tous ces cafés où l’on refaisait l’art et le monde. Elle se promenait dans les rues de Berlin accoutrée en Prince de Thèbes. Elle a dit "si j’avais été un homme, j’aurais été homosexuel", car elle allait creuser la part féminine de ses amants au tréfonds d’eux-mêmes. Elle restera une pure hétérosexuelle, bien complexe toutefois avec son côté dominateur et homme. Là, à Berlin, se sont constitués alors les mouvements picturaux essentiels, der "Brücke" (1905-1913) et des "Blauen Reiter" (1911), l’expressionnisme, et le Bauhaus (1919), le mouvement Dada venant de Suisse avec Tzara (1918), et ce que l’on a désigné comme les "Berliner Secessionisten". Des peintres comme Oskar Kokoschka, Emil Nolde, Ludwig Meidner, August Macke, Paul Klee, Franz Emil Marc, Ernst Ludwig Kirchner, Karl Schmidt-Rottluff, Wassily Kandinsky, ont fait alors revivre les couleurs de la peinture et changer le cours de l’art. Ils figureront tous sur la liste des artistes dégénérés dressés par le nazisme. L'art contre les armes.   "Vois-tu mon amour, ma vie se perdre dans tes yeux. Jamais ne fut si profondément en toi, si profondément désarmée. Et parmi tes rêves ombreux mon cœur d’anémone boit le vent aux heures nocturnes, Et je chemine en fleurissant par les jardins paisibles de ta solitude". Cette poursuite du monde de l’invisible, du monde magique derrière le réel, l’intrusion des bêtes métaphysiques, la découverte réelle de l’âme humaine, avaient trouvé en Else sa théoricienne car cela, elle l’avait déjà intégré dans ses textes. Cette parole de Paul Klee résume la philosophie des mouvements: "L’art ne doit pas reproduire le visible, mais rendre visible l’invisible". Croqueuse sincère d’hommes, elle jouait d’eux et d’elle, et tombait pourtant amoureuse à chaque fois. Et elle écrivait des poèmes pour eux tous. Elle rayonnait alors auprès d’eux, tant l’immensité de ses dons, sa passion ardente, étaient éclatants. Elle sera donc la figure de proue de l’avant-garde de ce Berlin du début du vingtième siècle, avec sa bohème, ses cafés bohèmes où l’on réinventait le monde à venir. Ce ne fut pas le monde lumineux de Franz Marc ni le monde énigmatique des expressionnistes qui advint, ce fut la peste brune de Hitler. Elle l’avait pressentie et s’enfuit dés 1933. Élisabeth (Else) Schüler était née le onze février 1869 à Eberfeld, aujourd’hui Wuppertal, cadette de six enfants. L’ombre du père jovial et d’une mère difficile pèse sur elle. Fille rebelle, elle quitte à onze ans l’école qui l’ennuyait profondément. Maladive, feignant de l’être, elle poursuit ses études à la maison. À vingt-six ans, elle se marie avec un docteur Berthold Lasker bien plus âgé qu’elle. Ainsi elle prend ses distances avec sa famille de banquiers et elle peut enfin fuir la petite vie de province. Elle est enfin rendue à Berlin qui la fascine. Là elle suit des cours de peinture de Simon Goldberg et fonde un atelier. Elle va alors se lancer à corps perdu dans une vie de bohème. Elle rencontre peintres, musiciens, écrivains et devient vite le pivot d’une vie violente et exaltante dans cette nouvelle communauté. Avec la flamme noire et la passion d’une Marina Tsétaëva, toutes deux pas très jolies, elle embrase son milieu d’intellectuels excentriques. Un enfant, Paul, de père inconnu car Else n’en dira jamais le nom, lui naît le quatre août 1899, et son mari accepte alors de le reconnaître.   "La nature m'entoure de sa beauté et dans la nuit, tes yeux brillent. Je sais qu'il me faudra mourir bientôt et pourtant tous les arbres brillent après le baiser de juillet longtemps désiré, pâles deviennent tous mes rêves, jamais il n'y eut de fin plus triste dans mes livres de poèmes". Mais le couple est brisé et divorce en 1900, et Else poursuit seule sa vie de danse au-dessus des volcans. Elle est désormais sans ressources et ne survit que par l’aide de ses amis, dormant sur les bancs publics ou ceux des gares, squattant alors des chambres, mangeant rarement. Elle vivait de lectures, de mendicité auprès de ses amis, de performances et de conférences. En 1913, Karl Kraus lance un appel au secours dans sa revue célèbre "Der Fackel", pour la soutenir matériellement. Son œuvre est sa vie, et sa vie son œuvre. Poésie et vie ne faisaient qu’un pour elle, les gouffres qui toujours s’effondraient entre ces deux domaines et ne se laissaient point enjamber. Ceci faisait alors les douleurs et les confusions de son moi. Elle va se lier avec le cercle de poètes de Peter Hille et publia "Stryx", son premier recueil de poèmes très mal reçue par les critiques car trop étrange et énigmatique. Elle partagea bientôt l’existence de Herwarth Walden, Georg Levin de son vrai nom et se maria en 1901 avec lui. Il était éditeur de la revue expressionniste "Der Sturm" qu’elle va alimenter et fondateur de la galerie du même nom. Walden fit se rencontrer à Berlin toute l’avant-garde européenne et se fit l’éditeur de celle-ci. Une pièce de théâtre d’Else "Die Wupper" parle de cette période de basculement. En 1912, après avoir divorcé de Walden après deux ans de séparation, elle se lia avec Gottfried Benn. Mais le tournant de son œuvre vient du choc de la mort tragique le sept mai 1904 de son ami le plus intime, Peter Hille, qui fut aussi son mentor. Un courant mystique l’envahit désormais qui se traduira par l’écriture des ballades hébraïques et sa plongée profonde dans les contes orientaux. "Mon cœur" et sa transformation en "Prince de Thèbes" seront sa rédemption. En 1913, elle voyagera à Saint-Pétersbourg et Moscou. Quand la première guerre mondiale éclate, elle pressent la mise au tombeau de la culture européenne et farouche pacifiste, elle s’enfuit en Suisse où elle côtoie le mouvement dadaïste. En 1920 elle sort de l’anonymat avec la publication de six volumes de poèmes, des livres avec ses lithographies ("Thèbes"), et l’admiration du metteur en scène Max Reinhardt qui monte ses pièces, ses dessins sont exposés.    "Je suis l'ultime nuance de l'abandon, il n'y a plus rien après. Rien sauf ta beauté intemporelle. Tu me cueilles une fleur en guise de salut, et moi, je l'aimais déjà quand elle n'était que graine. Pourtant je sais qu'il me faudra mourir bientôt. Mon souffle plane sur les eaux du fleuve de Dieu, sans bruit je pose mon pied sur le chemin qui mène à la demeure éternelle". Elle est alors intronisée chef de l’expressionnisme. Mais au lieu de rentrer dans ce nouveau rôle, elle reste une clocharde refusant tout ordre établi. La mort de son fils Paul de tuberculose, en 1927, la foudroie et elle commence à se retirer du monde. Scandaleuse elle était pour tous, et les nazis la qualifièrent de "juive pornographique" et voulaient sa tête. Elle avait toujours su que la bête immonde viendrait la dévorer, alors elle émigra en Suisse à Zürich, en avril 1933. En 1932 elle avait reçu le grand prix de littérature Kleist. Sa nationalité allemande lui sera retirée en 1938. Berlin se changea peu à peu en Jérusalem, elle se replongea dans sa culture juive et biblique. Et après des allers retours en Palestine en 1934 et 1937, elle s’y fixa en 1939 à plus de soixante-dix ans. De l’holocauste subi par son peuple, passe des thèmes bibliques et l’exaltation du moi "Ich und ich". "Je vais au jardin de Gethsemani et prier pour vos enfants". La terre sainte ne fut pas à la hauteur de ses espérances, et là aussi pauvre et solitaire, elle survivait par la lecture, la première autorisée en juillet 1941 à soixante-douze ans, de ses poèmes et par une bourse d’un tout petit éditeur, Salman Schocken. Elle vivait au milieu d’illusions, de ses délires, elle écrivait des lettres folles à Goebbels, à Mussolini, pour sauver son peuple, de son immense solitude. L’ingratitude la blessa profondément. Ses appels incessants pour faire la paix entre arabes et juifs étaient fort mal reçus. Et quand elle allait alors dans les synagogues orthodoxes elle s’asseyait toujours parmi les hommes. Ses derniers textes, "Mon piano bleu" (1943) paru à moins de quatre cents exemplaires en tout et pour tout, et "je et je" ne fus pas compris du tout. Else Lasker-Schüler mourut d’une crise cardiaque le vingt-deux janvier 1945 au matin, et elle fut alors enterrée sur le mont des Oliviers.    "Quand le jour tombe, je revis en te contemplant dans la galaxie. En secret la nuit, je t'ai choisi entre toutes les étoiles. Et je suis éveillée, fleur attentive dans le feuillage qui bourdonne. Nos lèvres veulent faire du miel, nos nuits aux reflets scintillants sont écloses. À l'éclat bienheureux de ton corps, mon cœur allume la flamme embrasant le ciel, tous mes rêves sont suspendus à ton or, je t'ai choisi parmi toutes les étoiles". Comment se meut la poésie d’Else Lasker-Schüler ? Elle parle surtout d’atmosphères, de lune, de bougies, d’amour qui ne vient pas ou qui ne comprend pas. La nuit est omniprésente, les lettres envoyées ou reçues sont là reprises, des dessins aussi. Le silence et la nervosité extrême aussi. Le café semble imbibé ses ratures et ses écritures. Tous les contes bibliques et ceux de l’Orient sont près d’elle et lâchent leurs démons. Les mots sont réduits à l’essentiel, à leur dureté, pour capter alors correctement les instants de vie, donc ses poèmes. Le souvenir des amis, des tableaux, poussent leurs stridences en elle. Les amants sont penchés sur elle, surtout ceux qui ont fui. L’obsession de quelques mots est toujours au bout de son crayon: lune, bleu, âme, pleurs, douleur, vie, mort qu’il faut consoler, étreinte et baisers, étoiles, frontières perdues, cœur, sang, ange, douceur, monde. Sans arrêt ces mots reviennent et se mélangent sans souci de faire de belles métaphores. Else n’est pas un livre d’images, mais un livre de vie. 'Le prince de Thèbes'" voyait plus loin que tous. Plus qu’un peintre, un poète, un dramaturge, elle fut la première à réaliser ce que l’on appelle ainsi aujourd’hui des performances, mêlant les arts, dansant sur ses textes en s’accompagnant de clochettes, et parlant une langue inventée, la langue de l’origine. Elle fut méprisée, accusé de grossièreté, on riait d’elle, de ses chaussures bizarres de ses chapeaux de mauvais goût, mais on l’admirait aussi passionnément. Elle ne savait ni vivre ni mourir, mais vociférer sans raison et tendre vers la dure vérité au travers des mensonges. Personne ou presque ne l’écoutait.    "À l'ombre de tes rêves, la nuit venue, mon cœur d'anémone s'abreuve de vent. Mais tu ne vins jamais avec le soir, j'étais assise en manteau d'étoiles. Quand on frappait à ma porte, c'était le bruit de mon propre cœur. Maintenant le voilà suspendu à tous les montants de porte, à la tienne aussi". Elle reste cet être tout à fait énigmatique et tragique qui réalisa alors sans doute le mieux cette fusion entre la judaïté et la source allemande expressionniste. Ce conflit de ses deux racines l’aura écartelé. Elle était "le Prince de Thèbes" exilé sur cette terre. On pourrait dire qu’Else Lasker-Schüler vécut comme une Allemande à Jérusalem. Le cas tient du paradoxe en ce sens que Else Lasker-Schüler avait vécu comme une Orientale à Berlin, se faisant appeler Prince Youssouf, prétendant être née à Thèbes en Égypte et déambulant, vêtue de pantalons bouffants, un poignard à la ceinture. Son écriture témoignait également de sa fascination pour un Orient mythique, mais aussi pour l’histoire et la terre du peuple hébreu comme le reflète le titre du recueil "Ballades hébraïques". Toutefois, comme chacun sait, il y a souvent loin de l’imagination à la réalité, et pour Else Lasker-Schüler le choc fut rude. Il faut dire à la décharge de l’écrivain qu’elle n’avait pas choisi de s’installer en Palestine mais fut plutôt victime d’un fâcheux concours de circonstances. Else Lasker-Schüler, que ses origines juives mettaient en péril, décida en 1933 de quitter ­l’Allemagne pour la Suisse. C’est au cours de cet exil de six ans qu’à l’invitation d’un couple de mécènes, elle se rendit pour la première fois en 1934 dans cette Terre promise où la conduisait depuis toujours son imagination poétique. Le premier voyage fut un émerveillement. E. Lasker-Schüler avait le sentiment de voir renaître un pays où couleraient bientôt le lait et le miel. Elle avait choisi de fermer les yeux sur les réalités les plus dérangeantes pour rédiger à son retour "Le pays des Hébreux", et en faire un hymne à la terre d’Israël. Malgré l’enthousiasme, Else Lasker-Schüler était en effet rentrée à Zurich car elle avait compris au cours de ce voyage qu’elle était avant tout européenne dans l’âme, qu’elle avait besoin des théâtres, des cinémas, de la presse et de toute cette vie intellectuelle que la Palestine d’alors ne pouvait lui offrir. Au cours d’un second voyage en 1937, le rêve avait commencé de se fissurer. Else Lasker-Schüler avait été agacée par le vacarme des rues de Jérusalem et davantage encore par la plus totale indifférence des autorités culturelles sionistes à sa personne.    "Et je traverse, florissante, les jardins de ta paisible solitude. Rose de feu qui s'éteint entre les fougères dans le brun d'une guirlande. Je fis pour toi le ciel couleur de mûre avec le sang de mon cœur. Mais tu ne vins jamais avec le soir, je t'attendais, debout, chaussée de souliers d'or". Elle accepta pourtant la proposition d’un troisième voyage en 1939 qui s’avéra être un voyage sans retour puisque, en raison de l’imminence de la guerre, l’écrivain n’obtint pas l’autorisation de regagner la Suisse. C’est donc une femme fatiguée, à la santé chancelante et éprouvée par la vie, qui s’installa alors contre son gré en 1939 à Jérusalem. Très vite, Else Lasker-Schüler prit en grippe le lieu de son nouveau séjour. Elle se plaignit des rigueurs du climat, de la rudesse des mœurs, de l’inconfort de son logement, de la pauvreté de la vie culturelle et de la misère qui l’environnait dans les rues de Jérusalem. C’est ainsi que le pays qui lui avait inspiré tant de livres depuis les Ballades hébraïques jusqu’au Pays des Hébreux devint son dernier rêve brisé. Elle trouva donc refuge dans la culture allemande et, au lieu de s’ouvrir à son pays d’accueil qui possédait déjà une vie littéraire non négligeable grâce à l’immigration d’écrivains venus d’Europe de l’Est comme Gershon Schofmann ou Samuel Yosef Agnon, elle décida de continuer à mener à Jérusalem la vie d’une femme de lettres allemande. Malgré sa vue qui déclinait et un bras endolori par l’arthrose, celle qui n’avait vécu que par et pour l’écriture, décida de réunir autour d’elle dans un cercle littéraire germanophone ses compagnons d’infortune. Le cercle fut baptisé "Der Kraal". Le plus souvent, les réunions du Kraal prenaient la forme de soirées littéraires au cours desquelles Else Lasker-Schüler et ses invités lisaient alors à l’intention du public des extraits de leurs œuvres. Else Lasker-Schüler avait un temps envisagé de recevoir le public et ses invités dans sa chambre mais l’idée manquait par trop de réalisme. Comme les autorités culturelles sionistes ne souhaitaient pas offrir une tribune à des intellectuels allemands, Elle dut alors faire du porte-à-porte.    "Toujours, toujours j'ai voulu te dire tant d'amour. Il tombera un grand astre dans mon sein, nous veillerons la nuit, et prierons en des langues, sculptées comme des harpes. La nuit nous nous réconcilierons, tant que Dieu nous inonde. Nos cœurs sont des enfants, qui, pleins d’une douce langueur, voudraient reposer". Si Else Lasker-Schüler semble ne s’être jamais vraiment réconciliée avec sa terre d’accueil et trouva jusqu’au bout des mots très durs pour parler de Jérusalem et de ses habitants, on ne peut pas dire pour autant que ces années en Palestine furent un échec. Ce serait méconnaître la sublimation littéraire de l’épreuve. Le recueil "Mon piano bleu", publié en 1943 apparaît ainsi comme une variation poétique sur le thème de l’exil. Au-delà de Jérusalem, dans ce recueil, c’est le monde lui-même qui apparaît comme le lieu de l’exil. Il n’existe nulle part sur cette terre de havre de paix, il n’y a pas de terre d’asile, d’où la nécessité de porter son regard plus loin. Au terme d’un long chemin, Else Lasker-Schüler était parvenue à la conclusion que le paradis qu’elle cherchait depuis toujours n’était pas de ce monde. La foi lui apparaissait désormais comme l’unique chemin conduisant au salut, d’où la tonalité profondément religieuse de ce dernier recueil dans lequel la poétesse supplie Dieu de l’arracher à son exil terrestre. Ceux qui ont connu l’écrivain dans ses dernières années parlent de ses absences, de ses monologues étranges avec des créatures invisibles. Il semble, en effet, qu’elle n’était déjà plus de ce monde, qu’elle ne l’habitait plus que physiquement, en pensées elle était déjà ailleurs. Nul doute que nombreux furent les juifs immigrés qui se sentirent déracinés voire en exil en terre d’Israël, mais rares furent ceux qui eurent le courage de l’écrire. Elle est devenue une légende passée un jour près de nous.   "Nous scellerons le jour dans le calice de la nuit, je suis sans attache, partout il y a un mot de moi.car j'ai toujours été le prince de Thèbes. Et nos lèvres veulent se trouver, pourquoi hésites-tu ? Mon cœur n’est-il pas proche du tien, ton sang me rougissait toujours les joues. La nuit nous nous réconcilierons, si nous nous caressons, nous ne mourrons pas". Son grand-père était un grand rabbin vénéré, ses parents des juifs parfaitement assimilés, elle sera la folle égérie d’un Berlin d’entre les guerres où se construisait la nouvelle modernité. Recluse encore plus misérable à Jérusalem, elle détestait tout ce que l’on avait écrit sur elle et ne rêvait que de revoir Berlin, comme avant. Elle que personne n’invitait plus rêvait ceci: "Dieu vint et me dit je t’invite. J’étais assise autour d’une table immense, à côté se tenait l’ange Gabriel et il me tendit un rôti de la main de ma mère. C’était à peu près le plumpouding, que nous mangions à la maison". Else avait un mysticisme intérieur qu’elle projetait sur les gens aimés et aussi sur la mort. Son art aura fusionné l’expérience juive et la haute culture allemande, l’émancipation féminine jusqu’à la provocation, la mutation du monde avec son individualisme forcené. Cette étrange étoile fit le passage de Berlin à Jérusalem où elle finit sa vie, refusant toute traduction de ses textes en hébreu: "Mes poèmes sont assez juifs en allemand" et ayant une attitude libre envers la religion, scandalisant ainsi jusqu’à son dernier souffle. Elle ne parlait ni le yiddish, ni l’hébreu car pour elle le sens des prières n’avait pas besoin de compréhension. Très belle étoile filante, Else a apporté à la poésie son sens des images son baroque expressionniste. Ses dessins étranges, ses lettres exaltées, ses poèmes surprenants et profonds entre rêves fous et angoisses laissent une trace inaltérable. Cette rebelle absolue contre tout ordre bourgeois ou matrimonial est une épée flamboyante dans la chair du siècle. Cette énergie volcanique a marqué au fer rouge son temps et les hommes qu’elle a calcinés. Else fut cette clocharde céleste qui à Berlin se cachait sous les balcons pour que ses parents au ciel ne la voient pas dans sa misère. Elle n’aura pas raté sa vie. Le scandale, c’était les autres qui ne l’ont pas comprise. Pauvre, elle fut, émancipée. Petite étoile et grande comète, elle continue de déambuler en nous avec ses vêtements orientaux. Elle croyait fortement à la force des mots et elle avait aboli toute frontière entre réalité et visions. Briseuse de tabous, elle aura cassé le tabou du monde réel. Le sérail de ses rêves et de sa poésie sont nos oasis. Belle et obscure reste sa poésie. "Mes poèmes sont impersonnels, ils doivent toujours inspirer les autres. Je sais que je vais bientôt mourir. Je suis l'ultime nuance de l'abandon, il n'y a plus rien après".    Bibliographie et références:   - Franz Baumer, "Else Lasker-Schüler" - Sigrid Bauschinger, "Else Lasker-Schüler" - Paul Cassirer, "Le Prince de Thèbes" - Benoît Pivert, "Terre d'exil, terre de renaissance" - Itta Shedletzky, "Else Lasker-Schüler" - Paul Tischler, "Else Lasker-Schüler" - Walter Fähnders, "Else Lasker-Schüler" - Iris Hermann, "Else Lasker-Schülers" - Erika Klüsener, "Else Lasker-Schülers" - Friedrich Pfäfflin, "Else Lasker-Schüler" - Margarete Kupper, "Else Lasker-Schüler" - Caroline Tudyka, "L'exil d'Else Lasker-Schüler"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 02/05/24
"Que serait-ce quand il faut dans un livre, dans du livre mettre de la réalité. Et au deuxième degré quand il faut dans la réalité mettre de la réalité. Trois tailleurs de pierres travaillent sur un chantier. Quelqu'un passant par là leur demande ce qu'ils font. -Je taille des pierres, soupire le premier. -Je construis un mur", répond le second. -Je bâtis une cathédrale, s'exclame le troisième"."La seule force, la seule valeur, la seule dignité de tout, c’est d’être aimé". Le cinq septembre 1914, tombait au champ d’honneur l’écrivain Charles Péguy, lieutenant au 276ème régiment d’infanterie, mortellement touché d’une balle en plein front près de Villeroy (Seine-et-Marne). Une mort qui est le couronnement de toute une vie et donne un relief particulier à son œuvre, scellée, par le sang versé, aux cités charnelles qu’il sut si bien chanter: "Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle, couchés dessus le sol à la face de Dieu. Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés". Une guerre qui faucha aussi deux semaines plus tard son fidèle ami qui l’avait accompagné sur les routes de Chartres, l’écrivain Henri Alain-Fournier, auteur du "Grand Meaulnes". Maurice Barrès a admirablement bien résumé le sens de la mort de Péguy: "Il est tombé les armes à la main, face à l’ennemi, le lieutenant de ligne Charles Péguy. Le voilà entré parmi les héros de la pensée française. Son sacrifice multiplie la valeur de son œuvre. Il célébrait la grandeur morale, l’abnégation, l’exaltation de l’âme. Il lui a été donné de prouver en une minute la vérité de son œuvre". Tout a été dit sur Péguy dont la figure ne cesse d’intriguer politiques et historiens des idées, qui s’évertuent sans succès à le classer arbitrairement selon les schémas de pensée de l’idéologie dominante. Celle-ci voudrait empêcher qu’un socialiste dreyfusard d’origine modeste soit devenu sans rien renoncer à lui-même, un poète mystique, un chantre de l’enracinement patriotique et un pèlerin de l’espérance chrétienne. Or, Charles Péguy fût tout cela à la fois. Inclassable Péguy dont la pensée est constamment guidée par un même fil conducteur, une quête inlassable et insatiable de vérité. En créant "Les Cahiers de la Quinzaine", en 1900, il assigne à sa nouvelle revue l’ambition de "dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, dire bêtement la vérité bête, ennuyeusement la vérité ennuyeuse, tristement la vérité triste". C’est au nom de la fidélité à cette même vérité qu’il se séparera de son ami Jaurès, critiquant le parlementarisme bon teint de la République radicale, déplorant le dévoiement de l’idéal de justice qui prévalait encore au début de l’affaire Dreyfus: "La mystique républicaine, c’était quand on mourait pour la République, la politique républicaine, c’est à présent qu’on en vit". Né à Orléans dans un milieu modeste, son père était menuisier et sa mère rempailleuse de chaises, Péguy garda toujours l’empreinte de ses origines. N’écrit-il pas dans "L’argent" (1913), pamphlet contre le matérialisme: "Avant que nous ayons douze ans, tout est joué". Son œuvre n’est-elle pas, dans un certain sens, un perpétuel retour sur son enfance ? Un contact intime, direct et prolongé, presque animal avec la réalité paysanne eut des conséquences d’une incalculable portée sur sa philosophie: réaliste, enracinée, incarnée. Sur son patriotisme: "défense de l’âtre et du feu", de la "terre charnelle" et "des pauvres honneurs de la maison paternelle".Il n’eut qu’à se souvenir de son enfance dans son œuvre entière: la Beauce dans la "Présentation", les châteaux de la Loire dans les "Sonnets", les villages d’Île-de-France dans la troisième "Situation", et dans Ève le "Jardin d’Éden", qui suivent la prodigieuse procession des paysans ressuscités, et les innombrables vers gorgés de réalités rustiques: vignes, chênes et blés, eaux et forêts, soleil et vent. Péguy ne fut pas un paysan poète, mais à coup sûr un poète paysan, fier de l’être.   "Qu'arrive-t-il toujours. Le soir tombe. Les vacances finissent. Il me faut une journée pour faire l'histoire d'une seconde. Il me faut une année pour faire l'histoire d'une minute. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. Heureux deux amis qui s'aiment assez pour savoir se taire ensemble. L'amour excuse bien des maladresses. Cœur dévoré d'amour fervente joie, mangé de jour en jour vivante proie". Au moment de l’adolescence, Péguy perdit la foi. Un passage de la première"Jeanne d’Arc" suggère que cette révolte du cœur s’est produite très tôt, au moment de la première communion. Boursier, il gravit brillamment les marches de la méritocratie républicaine. Il prépare l’École normale supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. D’après son condisciple Albert Mathiez, c’est vers la fin de cette période qu’il devient brièvement "un anticlérical convaincu et pratiquant". Il fait de septembre 1892 à septembre 1893 son service militaire au 131ème régiment d’infanterie, intègre l’École Normale en 1894. Dreyfusard, converti au socialisme sous l’influence de son maître Lucien Herr, le patriote ardent qu’il n’a cessé d’être s’en détache en raison de son caractère matérialiste et dogmatique, tout en ne gardant pas moins une tendresse pour les humbles, nourrie d’un rêve de fraternité et d’amour d’inspiration religieuse. Mais, la rupture définitive avec Jaurès a lieu en 1913 lorsque Péguy se révolte contre le pacifisme de celui qui fut son maître à penser. À ses yeux, il a trahi les intérêts de la nation. Pour lui la nation plonge sa grandeur dans l’histoire millénaire du peuple français et s’enracine dans le christianisme, conception qui inspirera Bernanos et de Gaulle. Parallèlement il revient à la foi de son enfance. Le cinq janvier 1900, paraît le premier des "Cahiers de la Quinzaine", puis en 1910 "Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc". Entre ces deux dates, s’inscrit une période de la vie de Péguy à la couleur très tranchée. Ne vivant que d’abonnements, de souscriptions, d’emprunt, les "Cahiers" ont une existence précaire, mais, dans chacun, l’écrivain s’engage à fond. Tous les sujets y sont traités, aussi bien le débat sur le romantisme, sur la philosophie de Bergson que l’actualité politique avec le scandale des "fiches" exigées par le général André, ministre franc-maçon de laguerre. Il s’oppose à Diderot, Renan, Taine, et s’attaque aux mythes modernes: progrès, science, démocratie et défend avec véhémence la reconquête de l’Alsace-Lorraine. Les collaborateurs affluent alors: Anatole France, Julien Benda, Romain Rolland, André Gide, Daniel Halévy, Alain-Fournier, Ernest Psichari, Jacques Maritain, et Jacques Copeau. La petite boutique du huit rue de la Sorbonne aura été, en ce tout début du XXème siècle, un foyer spirituel, un brasier comparable à ce que fut Port-Royal au XVIIème siècle sur le plan religieux. Mais Péguy ne se réduit pas à la magnifique entreprise des Cahiers. Le "Mystère de la charité de Jeanne d’Arc" est une œuvre neuve, angoissée et imprégnée d’une puissante spiritualité liée à son retour au christianisme. "Quand l’homme manque Dieu, Dieu manque alors à l’homme".   "Il me faut une vie pour faire l'histoire d'une heure. Il me faut une éternité pour faire l'histoire d'un jour. On peut tout faire, excepté l'histoire de ce que l'on fait. Il faut toujours dire ce que l'on voit: surtout il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l'on voit. Je ne juge pour ainsi dire jamais un homme sur ce qu'il dit mais sur le ton dont il le dit. Ce que nous disons est souvent grave, sérieux. Le ton dont nous le disons l'est toujours". Entre chaque livre, on découvre la détresse, la souffrance, la douleur. Péguy se reprend avec "La Petite Espérance". Il cherche quelque chose de plus grand, de viril, de fort. Aller au-delà de l’espoir et au-delà du désespoir. Non pas concession de la faiblesse, d'un vague optimisme, mais exigence d’héroïsme, possible seulement dans la vie de la foi. Poète ardent, artisan, compagnon incomparable de la langue française et mystique, son œuvre est imprégnée de sacré, portée par une verve familière. L’été flamboyant de 1910 s’achève sur des cris d’orgueil: "J’ai mis ce "Cahier" sur pied en quatre semaines. À combien d’hommes une telle compensation a-t-elle été donnée ? "Accentuant sa prise de position catholique, il publie "Laudet, un nouveau théologien", archétype du catholique mondainet athée déguisé, il s’en prend à deux formes d’athéisme. L’un révolutionnaire, avec qui tout n’est pas perdu, car "des flambées de charité peuvent y brûler, détournées" . L’autre bourgeois, "avec lequel il n’y a rien à faire", car "c’est un athéisme sans charité, c’est un athéisme sans espérance". Épousant le paradoxe, tenant ensemble les contraires, sa pensée vivante et toujours en mouvement s'est pourtant laissé accaparer par les écoles, voire les chapelles, et non des moindres. La droite nationaliste de Barrès a cru pouvoir le compter parmi les siens, lui qui fut l'un des hérauts acharnés de la défense de Dreyfus. C'est qu'il n'est pas facile à saisir. Mystique et socialiste, écrivain et philosophe, antimoderne car adversaire du positivisme, conservateur et révolutionnaire, défenseur farouche de la liberté, ouvert à l'événement, promoteur de l'aventure et du risque, que l'économie du monde moderne semble avoir jugulés, invitant la subjectivité à inquiéter la science, ami exigeant, ennemi intransigeant, mari fidèle, amoureux passionné mais platonique, philosémite et catholique fervent mais anticlérical, prônant toujours "dans la réflexion sur le fait collectif un individualisme salubre". Ce fils d’Orléans s’attache à la figure tutélaire de Jeanne d’Arc non encore politisée. En elle, il trouve ainsi un modèle d’engagement et de contradiction aussi. Péguy pourrait être considéré comme un "catholique anticlérical" dont la foi dépoussiérerait la religiosité confinée et ouvrirait grandes les églises. Car cette pensée de haute volée se conjugue à ungénie de la langue. Une poésie, un style, qui nécessitent de nos jours, un minimum d’investissement pour être compris.    "Je ne peux pas conter une histoire, on ne voit jamais que le commencement de mes histoires premièrement parce que toute histoire n'est pas limitée, parce que toute histoire est tissue dans l'histoire infinie, deuxièmement parce que, dans leur système, toute histoire elle-même est infinie. Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance, qui demeure aux prés, où tu coules tout bas. Meuse, adieu, j’ai déjà commencé ma partance en des pays nouveaux où tu ne coules pas. Voici que je m’en vais en des pays nouveaux.Je ferai la bataille, passerai les fleuves. Je m’en vais m’essayer à de nouveaux travaux. Je m’en vais commencer là-bas des tâches neuves". Aimer Péguy "ce grand fils demi-rebelle entièrement docile", est une chose. Tenter de le faire aimer en est une autre qui vous oblige à instruire sans répit son procès en réhabilitation, tant sont tenaces les soupçons, les caricatures, les légendes et les contresens dont son œuvre et son destin continuent de faire l’objet. Il n’est pas si simple, de "déboutonner l’uniforme" dans lequel le lieutenant Charles Péguy est mort, "tué à l’ennemi" sur le front de la Marne le cinq septembre 1914. Péguy a contre lui d’avoir été lu à l’envers, si on peut dire, à partir de sa mort héroïque et de sa fin glorieuse, quand il aurait fallu l’aborder à partir de son insurrection première et de son insoumission d’"inglorieux"."L’accès, l’abord, la présentation, l’entrée, l’accueil est beaucoup", disait-il lui-même, "dans la valeur même et dans lateneur et dans la signification. L’heure est venue où Péguy peut être véritablement abordé après avoir été si longtemps anthologisé par les manuels, séquencé par les biographes, récupéré par les politiques et instrumentalisé par les clercs. Charles Péguy nait le sept janvier 1873 à Orléans. Il est le premier et l'unique enfant d'une famille d'artisans modestes. Sa mère et sa grand-mère maternelle sont rempailleuses de chaise. Son père, ouvrier menuisier, a laissé sa santé sur les barricades de 1870. Il meurt alors que Charles n'a que dix mois. Les deux femmes entre lesquelles grandit le petit garçon s'activent du matin au soir pour gagner l'argent nécessaire aux besoins du foyer. Charles, dès qu'il tient debout, s'évertue à les aider. Lever matinal, soins du ménage, tâches modestes qu'il peut accomplir pour aider alors sa mère. Pourtant, rien d'infernal dans cette cadence. Loin de lui paraître accablante, elle reste liée dans sa mémoire au paradis de l'enfance. Chez les Péguy, on est à son compte, on ne subit pas l'autorité du patron. On travaille par nécessité, biensûr, mais aussi par goût, et si l'existence comporte son lot de soucis pour la veuve Péguy et sa vieille mère, le garçonnet ne perçoit de cette vie laborieuse que l'allégresse, le rythme et la satisfaction du travail accompli. L'ardeur à l'ouvrage et l'amour du travail bien fait sont tout le patrimoine de Charles Péguy. Certes il est d'humble origine, mais ce n'est pas un "déshérité". Lorsqu'il observe sa lignée, c'est pour tirer gloire d'une ascendance qui ne comprend ni grand nom, ni fortune, et qui pourtant recueille toute la richesse d'un peuple. "L'anonyme est son patronyme". Par cette formule de la "Note conjointe sur Mr Descartes et sa philosophie", il rend hommage à la foule de ceux qui ont existé avant lui, analphabètes comme sa grand-mère, intelligents et braves comme elle, capables de durer en dépit des épreuves.    "Il me faut une éternité pour faire l'histoire du moindre temps. Il me faut l'éternité pour faire l'histoire du moindre fini. Et pendant ce temps-là, Meuse ignorante douce, tu couleras toujours, passante accoutumée, dans la vallée heureuse où l’herbe vive pousse, O Meuse inépuisable et que j’avais aimée, tu couleras toujours dans l’heureuse vallée, Où tu coulais hier, tu couleras demain. Tu ne sauras jamais la bergère en allée, qui s’amusait, enfant, à creuser de sa main, des canaux dans la terre, à jamais écroulés". Dans "L'Argent", ouvrage paru en 1913, un an avant la mort de Péguy, l'homme de quarante ans nous dépeint le monde de son enfance. C'est un monde idéalisé, paré de toutes les vertus que le présent n'a plus: "De mon temps, on chantait." Le culte du travail, la sobriété des mœurs sont la marque de ce monde révolu. Pourtant, Péguy n'a pas toujours eu ce regard sur son passé. Un autre texte, écrit bien plus tôt et resté inachevé, ajoute une touche d'ironie à la nostalgie des souvenirs. Son titre, à lui seul, est tout à fait révélateur: "Pierre, commencement d'une vie bourgeoise". Le jeune homme qui se penche alors sur son enfance ne la considère pas avec la même indulgence que l'auteur de "L'Argent". Le milieu d'artisans dont il est issu, loin d'incarner toutes les vertus sociales, connaît l'ambition et même une sorte d'arrivisme. La mère du petit Pierre, double de Péguy, lui enseigne à bien travailler, à bien obéir, dans l'espoir d'avoir une honnête situation, une petite retraite, une maison à soi, bref lui transmet un idéal petit-bourgeois avec lequel Péguy prendra ses distances. En dépit de son parcours personnel, s'élever dans la société ne sera jamais pour lui un objectif. Bien au contraire, ce qu'il souhaite, c'est que soit rendu à chacun la dignité de son état: "Tous ensemble et chacun séparément premiers." Voilà sa conception de la démocratie. Aussi ne voit-il qu'une "perversion de l'esprit démocratique" dans la fierté que sa mère tire de sa réussite, et qu'il raille en ces termes: "Que le fils d'un ouvrier mécanicien fût reçu à Saint-Cyr, c'était tout à fait bien. Qu'un fils d'instituteur fût reçu à Polytechnique, c'était mieux encore. Et que le fils d'une rempailleuse de chaises provinciale fût reçu à l'École normale supérieure, c'était la gloire même." L'école est la part la plus précieuse de l'enfance de Péguy. Elle lui adonné sa chance, non en l'extrayant de son milieu, mais en lui permettant d'être lui-même et d'épanouir les dons qu'il avait pour le travail intellectuel. De ses maîtres de l'enseignement primaire, les "hussards noirs de la République", il fait des héros, et sa première école, il nous la dépeint comme un lieu d'enchantement. Cet émerveillement demeure tout au long de ses études. Dans "L'Argent", il évoquera ainsi son entrée en sixième comme une expérience tout à la fois vertigineuse et décisive. Vertigineuse, parce qu'elle le fait accéder à un univers de connaissances insoupçonnées.   "Voyez ce qui nous est arrivé aujourd'hui. Sous le nom de Clio nous n'avions pas assez de fiches pour établir même une pauvre petite thèse complémentaire. Nous n'avions, je pense, que deux fiches. La bergère s’en va, délaissant les moutons, et la fileuse va, délaissant les fuseaux. Voici que je m’en vais loin de tes bonnes eaux, voici que je m’en vais bien loin de nos maisons. Meuse qui ne sais rien de la souffrance humaine, O Meuse inaltérable et douce à toute enfance, O toi qui ne sais pas l’émoi de la partance". "Ce que fut pour moi cette entrée dans cette sixième à Pâques, l'étonnement, la nouveauté devant rosa, rosae, l'ouverture de tout un monde, tout autre, de tout un nouveau monde, voilà ce qu'il faudrait dire, mais voilà ce qui m'entraînerait dans des tendresses."Décisive, parce que sans le discernement de M. Naudy, le directeur de l'école, qui l'orienta vers le lycée alors que ses origines sociales le destinaient plutôt à l'enseignement professionnel, rien sans doute de ses engagements ni de sonœuvre ne serait advenu. Boursier, Péguy poursuit un parcours sans faute jusqu'au baccalauréat. Le concours d'entrée à l'École normale supérieure se révèle un obstacle plus redoutable, et il doit s'y reprendre à trois fois pour être reçu, en1894. Le petit garçon studieux est devenu un jeune homme ardent, qui séduit ses camarades par sa personnalité puissante. Loin de s'enfermer dans l'étude, il se passionne pour le sort des hommes. En khâgne au lycée Lakanal, il fait une collecte auprès de ses condisciples pour les ouvriers en grève de Carmaux. La haute figure de Jaurès le fascine. À l'École normale supérieure, il est l'élève de Romain Rolland et d’Henri Bergson, qui ont une influence considérable sur lui. Nourri de la fleur de l'esprit classique en même temps que des généreux idéaux de l'esprit moderne, Péguy était appelé à concilier en lui les appels les plus divergents et à incarner la totalité de l'esprit français. Jean Jaurès, normalien, professeur de philosophie, est un intellectuel qui a décidé d'entrer dans l'action politique pour promouvoir son idéal de justice sociale. D'abord député de centre gauche, il adhère au socialisme à l'époque où ce courant de pensée, nourri des utopies de la première moitié du dix-neuvième siècle, n'a pas encore subi l'attraction du marxisme. A l'École normale supérieure, Péguy subit l'influence de ce grand aîné, relayée par celle de Lucien Herr, le bibliothécaire de l'École. Avec quelques camarades, il se livre à de grands débats d'idées dans sa chambre, baptisée la "thurne Utopie". Dès 1895, Péguy devient membre du parti socialiste. À l'École normale, il fonde un cercle socialiste et thésaurise des souscriptions pour un futur "journal vrai". Lucien Herr, bibliothécaire de l'École, de 1888 à 1926, l'appuie, et c'est avec le "caïman" de philosophie, Lucien Lévy-Brühl, dreyfusard de la première heure, qu'il s'engage. Il revendiquera bientôt lui-même un engagement dans l'Affaire, antérieur au "J'accuse" d'Émile Zola et à la pétition des intellectuels du douze janvier 1898.    "Mais sous le nom de l'histoire nous allions à tant de fiches que par l'autre bout d'impossibilité il nous devenait impossible d'établir même peut-être une grosse thèse. Toi qui passes toujours et qui ne pars jamais, O toi qui ne sais jamais rien de nos mensonges faux, O Meuse inaltérable, ô Meuse que j’aimais, quand reviendrai-je ici filer encore la laine ? Quand verrai-je tes flots qui passent par chez nous ?" En 1897 il publie sa première "Jeanne d’Arc" dédiée "à tous ceux qui seront morts pour l’établissement de la République socialiste universelle", pour aussitôt démissionner de l’École, se marier civilement, engloutir la dot de sa femme dans lacréation d’une librairie socialiste, devenir un ardent militant dreyfusard et bien sûr échouer à l’agrégation de philosophie et compromettre définitivement la carrière d’enseignant à laquelle il était promis. En 1900, refusant de se soumettre au diktat du congrès des organisations socialistes visant à sacrifier la liberté de la presse à l’unité idéologique, il rompt avec Lucien Herr et Jean Jaurès et se lance en solitaire dans l’aventure des "Cahiers de la Quinzaine" pour "dire la vérité, dire bêtement la vérité bête", dénoncer sans relâche "les arrière-pensées du monde moderne" fondé sur le règne implacable de l’argent, traquer l’idée de derrière la tête de la science moderne, combattre l’orgueil de l’historien fait Dieu, la terreur sociométrique des sociologues, pourfendre l’esprit du système et tous les ismes du parti intellectuel, alerter le siècle sur la menace totalitaire que font peser sur l’avenir ceux qui veulent "faire un cloître à l’humanité". Il va se battre alors aux frontières, il va se battre sur tous les fronts. On ne peut rien comprendre à la colère de ce "mécontemporain" si l’on sous-estime ce qu’a été "le plus grand événement de sa vie morale", son adhésion au socialisme. Il s’y est converti comme on entre en religion, une religion de salut temporel, une véritable mystique que l’affaire Dreyfus qui éclate en 1898 va porter à incandescence. C’est dans l’exaltation de ce qu’il appellera lui-même "un dreyfusisme forcené" que naît le Péguy combattant dont toutes les prises de position et tout le labeur d’écrivain seront animés par le seul désir de ne jamais en finir avec l’affaire Dreyfus. Il refusera l’amnistie que le parti veut accorder aux anti-dreyfusistes de gauche pour sauver son unité. Refuser l’amnistie, c’est pour lui la seule manière de "refuser l’amnésie". L’effritement progressif de son amitié avec Jaurès correspond à ce qu’il appellera dans "Notre jeunesse", "la décomposition du dreyfusisme en France", cas de la dégradation de la mystique en politique. L’affaire Dreyfus est le moment hautement symbolique où son socialisme peut tendre la main à la Jeanne chrétienne, où la solidarité des damnés de la terre peut s’ouvrir à la communion des Saints, où la vocation républicaine de la France peut contribuer à l’avènement du Royaume de Dieu.    "Permettez, dit-elle, que je voie ici encore un symbole, s'il est encore permis d'employer ce mot. Sous mon nom de Clio je n'ai jamais assez de fiches pour faire de l'histoire. O maison de mon père où j’ai filé la laine, où, les longs soirs d’hiver, assise au coin du feu, j’écoutais les chansons de la vieille Lorraine, le temps est arrivé que je vous dise adieu. Tous les soirs passagère en des maisons très nouvelles, j’entendrai des chansons que je ne saurai pas. Tous les soirs, au sortir des batailles nouvelles, j’irai dans des maisons que je ne saurai pas". Péguy s’était éloigné de la religion de son enfance qui lui avait enseigné la réalité de l’enfer éternel qui se présente comme l’effet d’une excommunication divine et qui a pour équivalent, dans l’ordre temporel, la misère qui exclut des humains de la cité terrestre. C’est pour sauver l’humanité de la misère que précisément il avait adhéré au socialisme. Le héros dreyfusard qu’il a été va progressivement entrer en contact avec la réalité de cet enfer contre lequel il a voulu mobiliser toutes ses forces. Par une double expérience. Celle de sa propre exclusion du monde moderne et celle de l’expulsion du monde moderne hors de la vie vraiment vivante. Au fil des années, il va éprouver dans sa chair ce qu’il appelle "l’enfer social moderne laïcisé", cette solitude où l’ont rejeté les modernes, ceux du parti socialiste et ceux du parti intellectuel. Le vingt-huit octobre 1897, il épouse civilement Charlotte-Françoise Baudouin, sœur de Marcel Baudouin, un de ses proches amis décédé, et s'installe avec elle au sept, rue de l'Estrapade. Ils ont quatre enfants. Le trente octobre 1897, il est promu sous-lieutenant de réserve. Un an plus tard, il fonde, près de la Sorbonne, la librairie Bellais, qui sert alors de quartier général au mouvement dreyfusiste. Son échec à l'agrégation de philosophie l'éloigne définitivement de l'université. Cependant, dès 1900, après la quasi-faillite de sa librairie, il se détache de ses associés Lucien Herr et Léon Blum et fonde dans la foulée les "Cahiers de la Quinzaine", au huit, rue de la Sorbonne, revue destinée à publier ses œuvres et à faire découvrir de nouveaux auteurs. Romain Rolland, Julien Benda, Georges Sorel, Daniel Halévy et André Suarès y contribuent. Son retour au catholicisme, dont il avait été nourri durant son enfance, a eu lieu entre 1907 et 1908. En juin 1910 paraît "Le Mystère de la charité de Jeanne d'Arc", qui s'inscrit dans la perspective d'une méditation catholique manifestant publiquement sa conversion. Plutôt que par le mot conversion qui sous-entendrait un rejet de sa vie passée, c'est par un approfondissement du cœur qu'il retrouve la foi.    "Sous mon nom de l'histoire je n'ai jamais assez peu de fiches pour faire de l'histoire. J'en ai toujours de trop. Maison de pierre forte où bientôt ceux que j’aime, ayant su ma partance, et mon mensonge aussi, vont désespérément, éplorés de moi-même, autour du foyer mort prier à deux genoux, autour du foyer mort et trop vite élargi". Ce qui fascine en elle le jeune Péguy, c'est son engagement solitaire au cœur de la mêlée. Bouleversée par le spectacle de la guerre qui ravage les campagnes, elle n'hésite pas à prendre les armes et à se lancer dans "la bataille humaine". La Jeanne de Péguy incarne à la fois la grandeur et les limites de l'engagement individuel. L'œuvre est dédiée à "toutes celles et tous ceux qui auront lutté contre le mal", et particulièrement à celles et ceux qui "auront connu le remède", c'est-à-dire le socialisme. Jeanne d'Arc était seule avec ses voix improbables pour combattre la violence, l'injustice, le pouvoir. Son action, toute éclaboussée de gloire, ne pouvait que sombrer dans l'échec et la mort dégradante. Péguy, lui, croit avoir trouvé dans le socialisme la panacée, et l'on sent dans sa pièce, en contrepoint à l'aventure tragique et singulière de la bergère guerrière, l'assurance de celui qui se sait partie prenante d'un grand mouvement collectif. À partir de 1911, Péguy qui est au tournant de la quarantaine, fait l'amère expérience des déceptions, des ratages et des critiques injustes des milieux académiques après les remous provoqués par l'essai polémique contre Fernand Laudet. Au milieu de tant de difficultés, s'ajoute en 1912, l'inquiétude provoquée par la maladie de Pierre, son second fils. Péguy fait alors le vœu de se rendre en pèlerinage à Chartres, du quatorze au dix-sept juin, parcourant cent quarante-quatre kilomètres en trois jours. Alain-Fournier l'accompagne sur une partie du chemin. C’est ce pèlerinage qui, par la suite, inspira l'œuvre,"Les pèlerinages de Chartres". Péguy célèbre avec flamme des valeurs qui pour lui sont les seules respectueuses de la noblesse naturelle de l'homme, de sa dignité et de sa liberté. D'abord, son humble travail, exécuté avec patience, sa terre, cultivée avec respect, sa famille. "En réalité, il n'y a qu'un grand aventurier au monde, c'est le seul père de famille".   "Quand il s'agit d'histoire ancienne, on ne peut pas faire d'histoire parce qu'on manque de référence. Quand il s'agit d'histoire moderne on ne peut pas faire d'histoire parce qu'on regorge de références. Quand pourrai-je le soir filer encore la laine ? Assise au coin du feu pour les vieilles chansons. Quand pourrai-je dormir après avoir prié ? Dans la maison fidèle et calme à la prière. Quand nous reverrons-nous ? et nous reverrons-nous ? O maison de mon père, ô ma maison que j’aime". Comme écrivain, Péguy adopte d'emblée une position anticonformiste. Pour lui, la personne de l'écrivain est multiple et différente de celle de l'homme. Ils ne coexistent ainsi pas dans la même temporalité et ne vivent plus de la même vie. Les étapes de la construction de la "personne" littéraire de Péguy jalonnent treize ans de publications, de "Jeanne d'Arc" à "Victor-Marie, comte Hugo", des œuvres de jeunesse à "Notre jeunesse".Les pseudonymes se multiplient dans les articles d'avant 1900: Pierre Baudouin, Jacques Daube, Jacques Lantier, Pierre Deloire et quelques-uns de ces noms reparaissent dans les premiers "Cahiers", inaugurés par une "Lettre du provincial adressée à Péguy", lettre supposée d'un lecteur, à laquelle il répond brièvement: l'auteur se construit un interlocuteur et mobilise son destinataire. À la fin de 1900, les "Cahiers" publient "Pour ma maison", puis "Pour moi". En octobre 1901,"Vraiment vrai" signé Péguy, expose le programme des "Cahiers". Enfin, "De la raison", en décembre 1901, préface admonestatrice aux écrits de Jaurès, fait entendre la voix de toutes ces figures, à la première personne du pluriel, pour avertir celui que les dieux perdent ou qui perd ses dieux. De même dans "Notre patrie", "Notre jeunesse". Rappelons que l'entreprise des "Cahiers" réunit une multiplicité d'auteurs. Ce pluriel est peut-être une fiction fondatrice de l'œuvre et la condition fixée à sa mission de chef de chœur assemblant les voix populaires et mystiques qui s'adressent aux puissants où vont prier Dieu ("Les Suppliants parallèles", 1905). "De Jean Coste" (1902) révèle alors où Péguy place sa légitimité. La misère, celle du gérant, est une grandeur de situation qui donne autorité à sa personne. "De Notre patrie" (1905) à "Notre jeunesse" (1910), un second système d'autorité reposera sur la dénonciation de l'adversaire que désigne déjà "Zangwill" (1904). Le monde moderne, dont "la pensée de derrière la tête", formulée alors par Hippolyte Taine et Ernest Renan, est de s'attribuer toute légitimité grâce à la science déterministe. L'enjeu de cette bataille, la conquête du temps.   "Voilà où ils m'ont mis, avec leur méthode de l'épuisement indéfini du détail, et leur idée de faire un infini, à force de prendre un sac, et d'y bourrer de l'indéfini. Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle. Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre. Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre. Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle. Heureux ceux qui sont morts dans les grandes batailles". Péguy a toujours affirmé qu'il n'avait jamais varié. Sa personne finit par comprendre ainsi "l'immense océan de sa silencieuse race", tous les français illettrés, fils d'Adam à qui parlait Dieu et qui parlent Dieu en France et en vers avec "Le Porche du mystère de la deuxième vertu" en 1911, "Le Mystère des saints innocents" (1912), "La Tapisserie de sainte Geneviève" (1912), "La Tapisserie de Notre-Dame" (1913) et enfin les quatrains d'"Ève" (1913). Parallèlement, les œuvres en prose: "Victor-Marie, comte Hugo" ( 1910), "la Note sur M. Bergson" ( 1914), qui concerne aussi Descartes, et la "Note conjointe sur M. Descartes" (1914) qui parle de Bergson, délimitent le terrain stratégique où Péguy se place enfin. Le présent, neuf, jaillissant, déshabitué du passé et des programmes intellectuels d'un avenir tout fait. L'homme du présent, éternellement jeune, est aussi l'homme des légendes, l'homme de la mémoire non écrite, de l'instinct vital et de l'intuition, sa personne s'est "incarnée" dans un peuple élu, dans un moment ressenti comme sacré, le présent, dont il est le témoin sacrificiel et le combattant. S’il est un trait qui caractérise Péguy, c’est son patriotisme. Loin d’être une vague abstraction ou une idéologie, il procède de l’étroite imbrication des intérêts spirituels et de leur enracinement dans la vie d’une nation. "Car le spirituel est lui-même charnel, et l’arbre de la grâce est raciné profond, et plonge dans le sol, cherche jusqu’au fond". Péguy n’est pas nationaliste car pour lui, la nation ne constitue pas l’horizonin dépassable de l’homme: "La patrie n’achève pas l’homme, elle le forme et le protège des destins qui la dépassent".   "Dans sa propre chair d’homme, devant la mort, instantanément il venait de connaître ce que c’est que la faiblesse et que l’infirmité de toute chair d’homme, la faiblesse, l’infirmité de la chair d’homme. Heureux ceux qui sont morts car ils sont retournés dans la première argile et la première terre. Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre. Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés". Péguy fait partie de l'une des dernières générations à avoir fréquenté la classe de Rhétorique. S'il s'est révolté contre le formalisme et ses exercices vains, il a souvent affirmé, en ancien boursier, son idéal des humanités pour tous. À l'art de penser et de parler, cette discipline alliait un imaginaire humaniste et politique. La situation de Péguy est d'autant plus intéressante qu'il était contemporain des réformes de l'enseignement et des recherches modernes sur le style. Lui aussi s'est interrogé sur ce qu'est un style singulier, subvertissant le goût classique prédominant à l'école, autant que les méthodes positivistes. Dans sa prose torrentielle, l'éloquence apparaît à la fois comme l'ennemie et le vecteur de l'expressivité. Qu’on ne s’y trompe pourtant pas, quand Péguy parle de "style", le mot ne signifie pas chez lui le sens assez vague de "manière d’écrire". Dans une étude approfondie des apparitions de ce terme dans les "Cahiers" et des variations sur la formule "le style, c’est l’homme". Dès lors, il ne désigne jamais d’abord un ensemble de procédés valant inscription littéraire, ni même un ensemble d’habitudes linguistiques valant signature personnelle, mais bien un "ton" plus qu’une "forme". Comme toute réflexion moraliste, celle de Péguy s’appuie sur des "lieux", à ceci près que ces lieux n’en sont pas toujours, dès lorsqu’ils s’organisent en un système de contre-valeurs jetées à la face de la contemporanéité. Il importe pour lui que sa prose ne trahisse pas ce qu’il veut toujours être et paraître: un représentant du peuple. Étrange revendication d’une posture de porte-parole qui s’accommode de la construction d’un personnage d’homme en marge, voire d’homme au ban. On ne le donc dira jamais assez. L’écriture de Péguy est largement polémique. Son horizon, c’est le pamphlet. Son arme, plus encore que l’allusion qui assoit son autorité, ce sera l’ironie qui mine celle de l’adversaire et l’humour qui fait du lecteur un complice. Si Péguy a fait des concessions à l’éloquence, il a voulu tenter de se garder de son double caricatural: la grandiloquence. Y est-il parvenu ? Pas toujours. Conséquence du recours au registre mystique.    "Voyez ce que c’est que notre chair, et notre tentation. Il faut veiller. Il faut prier. On n’est jamais tranquille. On n’a jamais un moment de tranquillité, un moment de tranquille. Moi-même votre frère je ne suis jamais tranquille. Car le surnaturel est lui-même charnel. Et l’arbre de la grâce est raciné très profond. Et plonge dans le sol et cherche jusqu’au fond. Et l’arbre de la race est lui-même éternel. Et l’éternité même est dans le temporel. Et l’arbre de la grâce et l’arbre de nature, ont lié leurs deux troncs de nœuds si solennels, ils ont tant confondu leurs destins fraternels. Que c’est la même essence et la même stature". Péguy a cette destinée singulière d'être, parmi les grands écrivains du XXème siècle, celui qui, de son vivant, a été enseveli sous le plus lourd silence de la critique, et qui, depuis sa mort, a provoqué la plus abondante foison d'articles et de volumes. Au final, sa pensée, indissociable du personnage tant il a voulu la vivre profondément, demeure une boussole pour notre temps. Il s’attache aux continuités de notre histoire. Il est celui qui voit dans la méritocratie républicaine la poursuite de l’œuvre monarchique, là où beaucoup d’idéologues s’efforcent d’y dresser une antinomie. Il conçoit la patrie comme l’enracinement des valeurs spirituelles dans une terre charnelle et lui accorde un amour de préférence sans pour autant lui conférer le statut d’idole qui embrasse toutes les dimensions de la personne. Il reste enfin un modèle de ténacité, de liberté et de courage pour avoir inlassablementre cherché la vérité, parfois au prix douloureux de ses amitiés, et incarné ses convictions jusqu’au sacrifice suprême.Au cours de ses années d'intense création littéraire, Charles Péguy est en proie à l'exaltation du poète, mais aussi à des tourments intérieurs. Épris de Blanche Raphaël, une jeune agrégée d'anglais fréquentant la boutique des "Cahiersde la quinzaine", l'écrivain choisit de combattre cette passion par fidélité à sa femme et à sa foi. Il en souffre beaucoup, comme en témoignent les quatrains de "La Ballade" du cœur qui a tant battu, demeurés longtemps inédits. Mais ce renoncement est aussi une fidélité à soi-même, qui porte ses fruits. La cohérence entre la vie et la pensée de Péguy assure la portée de son œuvre. Lieutenant de réserve, il part en campagne dès la mobilisation en août 1914, dans la 19ème compagnie du 276ème régiment d'infanterie. Il meurt le cinq septembre, en Goële, près de Meaux, lieu des combats de la bataille de l'Ourcq à la veille de la première bataille de la Marne, tué d'une balle au front, alors qu'il exhortait sa compagnie à ne pas céder un pouce de terre française à l'ennemi. Il serait mort, selon Victor Boudon, l'un de ses camarades de combat présents à ses côtés, en disant: "Oh mon Dieu, mes enfants". Mémoire des hommes.    Bibliographie et références:   - Jean Bastaire, "Cahier Charles Péguy" - Marie Boeswillwald, "Comprendre Péguy" - Robert Burac, "Charles Péguy, la révolution et la grâce" - Bernard Collignon, "Pourquoi ont-ils tué Péguy ?" - Maurice David, "Initiation à Charles Péguy" - Matthieu Giroux, "Péguy, un enfant contre le monde moderne" - Daniel Halévy, "Charles Péguy et les Cahiers de la Quinzaine" - Jean-Pierre Rioux, "La mort du lieutenant Péguy" - Alain Finkielkraut, "Le mécontemporain, Péguy, lecteur du monde" - André Robinet, "Métaphysique et politique selon Péguy" - Jean-Noël Dumont, "Péguy, l'axe de détresse" - Alexandre de Vitry, "L’individualisme civique de Charles Péguy"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 14/05/24
"Semita Voluptatis" est un livre qui se démarque par une approche rafraîchissante et profondément humaine de la relation BDSM. Écrit du point de vue d'un dominant, ce livre de Paul Fontaine offre une perspective rare et enrichissante sur la dynamique de pouvoir entre un Maître et sa soumise. Le récit, narré avec une plume à la fois élégante et incisive, explore les émotions complexes et les dilemmes moraux du Maître, un personnage que les lecteurs trouvent souvent "perturbant, troublant et excitant". À travers ses yeux, nous découvrons non seulement la puissance de la domination mais aussi la vulnérabilité inhérente à celui qui la détient. Ce dominant, loin d'être le stéréotype du tyran froid, se révèle être un personnage riche en émotions, partagé entre force et douceur, contrôle et doute. La soumise, décrite comme forte et déterminée, est loin d’être une victime passive. Elle est le pilier sur lequel repose l'équilibre de leur relation, apportant confiance et consentement, des thèmes chers aux lecteurs de ce genre. Le livre "a le mérite d’être clair" et offre une "immersion passionnante dans le monde du BDSM", comme le souligne un des commentateurs, ajoutant une couche de réalisme et d’authenticité à cette exploration de la soumission et de la domination. Les scènes détaillées de BDSM sont décrites avec un équilibre parfait entre intensité et respect, évitant l'écueil de la vulgarité tout en restant fidèle à la réalité de ces pratiques, ce qui fait de "Semita Voluptatis" un "voyage inconnu" qui provoque une "irrépressible envie de savoir jusqu'où ils vont aller". La relation entre le Maître et sa soumise est peinte avec une "belle plume" qui capture leur interaction complexe et leur croissance mutuelle. Cela est souligné par le fait que, selon les lecteurs, ce livre change la donne par rapport aux narrations typiques, offrant "une pépite dans le domaine du BDSM". "Semita Voluptatis" s'avère donc être un livre captivant et provocateur qui ne manquera pas de séduire celles et ceuxen quêtee d’une histoire où la psychologie des personnages est aussi importante que les actes qu’ils commettent. Dans les bonnes librairies ou en vente en ligne  
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Par : le 20/05/24
Averardo Ciriello (1918-2016) est un artiste italien qui a laissé une empreinte indélébile dans le monde de l'illustration et du cinéma avec ses affiches emblématiques, mais il s'est également fait connaîtres pour ses œuvres érotiques qui flirtent parfois avec les thèmes du BDSM. Né à Florence, Averardo Ciriello a montré très tôt un intérêt et un talent pour le dessin. Il a étudié à l'Académie des Beaux-Arts de sa ville natale, où il a pu parfaire ses compétences en art. Cet apprentissage classique a donné à Averardo une base solide pour explorer et décliner ses aspirations artistiques, y compris ses inclinations vers les sujets les plus provocateurs. Après avoir démarré sa carrière en tant qu'illustrateur de livres et de magazines, Averardo Ciriello s'est rapidement fait un nom dans l'industrie du cinéma en Italie. Il est particulièrement connu pour avoir créé des centaines d'affiches de films, allant des œuvres de Federico Fellini à celles de Sergio Leone. Cependant, c'est dans ses illustrations plus confidentielles que Averardo Ciriello explorait les thèmes de l'érotisme et du BDSM. Ses œuvres érotiques sont souvent marquées une liberté d'expression qui transgresse les normes conservatrices de l'époque. Ses représentations de figures féminines dominantes et de scènes de soumission sont réalisées avec un style qui lui et propre, mêlant réalisme et idéalisation. Averardo Ciriello y jouait avec les dynamiques de pouvoir, en mettant en scène des personnages en tenues et des postures pour le moins suggestives. Ses illustrations ne se limitent pas à la représentation de fantasmes; elles interrogent aussi les rôles de genre et les jeux de pouvoir, éléments prédominants dans les pratiques BDSM. Averardo Ciriello n'hésitait pas à utiliser des éléments comme les corsets, les bottes à talons hauts, et divers accessoires tous emblématiques de l'imagerie BDSM. Ces choix ne sont pas purement esthétiques mais participent à la construction de scénarios où la domination et la soumission sont clairement illustrées. Par cette exploration, il a pu exploter un certain nombre de tabous et à de désirs à l'époque cachés, offrant ainsi au public une voie d'exploration personnelle libératrice. L'héritage de Ciriello dans le domaine de l'art érotique et BDSM est complexe et nuancé. Alors que certains critiques peuvent voir dans son travail une simple perpétuation de clichés, d'autres y trouvent une expression artistique du désir humain sous toutes ses formes. Ses œuvres continuent d'inspirer et de provoquer, restant pertinentes pour les discussions contemporaines sur la sexualité et l'expression artistique. Averardo Ciriello était ainsi bien plus qu'un illustrateur de films mainstram, il était aussi l'un des pionniers de l'art de l'érotisme et du BDSM. Par le prisme de ses créations, on peut mieux comprendre comment l'art peut questionner ce qui est socialement accepté ou non, et de facto faire bouger les lignes.
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Par : le Il y a 3 heure(s)
"Les enfants ? Je préfère en commencer cent que d'en terminer un seul. Pauline était trop prodigue. Elle avait beaucoup trop d’abandon. Elle aurait dû être immensément riche par tout ce que je lui ai donné mais elle donnait tout à son tour, sa mère la sermonnait souvent à cet égard, lui prédisant qu’elle pourrait mourir à l’hôpital. L'art le plus difficile n'est pas de choisir les hommes, mais de donner aux hommes qu'on a choisis toute la valeur qu'ils peuvent avoir". Quand on demandait alors à Pauline Bonaparte si elle n'avait pas été gênée de poser nue pour le sculpteur Canova, elle répondait d'un ton mutin: "Mais non, il y avait du feu !" On ne sait si Napoléon, pudibond en diable, a réprimandé sa sœur pour cette statue dévêtue qui fit scandale en Europe. Sans doute non. Il l'aimait tendrement, à tel point que des journaux anglais suggéraient entre eux une intimité incestueuse. Elle aussi aimait son frère. Elle fut la seule de la famille à lui rendre visite à l'île d'Elbe après la première abdication (avril 1814), proposant ses bijoux pour financer sa fuite. Son pied était petit, qu'elle exhibait fièrement, mais son cœur était grand. Elle collectionnait autant les amants que les parures, mariée à un riche aristocrate italien, le prince Borghèse, qui fermait les yeux et ouvrait sa bourse pour l'une des plus belles femmes de son temps et l'une des plus dépensières. Elle est la sœur frivole et généreuse de l'Empereur, personnage sympathique et léger dans cette famille à qui il prodigua tant d'attention et tant d'avantages, sans être souvent payé de retour. Marie Paule Bonaparte, dite Pauline, née à Ajaccio le vingt octobre 1780, était la sœur cadette de Napoléon. C'était une femme d’une beauté et d’un charme remarquables, universellement reconnus et souvent peints par les plus grands artistes de l’époque. Après avoir refusé sa main à Jean-Andoche Junot et au conventionnel Louis-Marie-Stanislas Fréron, Napoléon Bonaparte l'accorde enfin en 1797 au général Charles Victor Emmanuel Leclerc, un de ses meilleurs officiers. Le mariage religieux a lieu le quatorze juin à Mombello, près de Milan.   "L'homme est très difficile à connaître. Pour ne pas se tromper, il faut ne le juger que sur les actions du moment, et seulement pour ce moment. Une belle femme plaît aux yeux, une bonne femme plaît au cœur, l'une est un bijou, l'autre un vrai trésor. Dieu, lui aussi, a essayé de faire des ouvrages. Sa prose, c'est l'homme. Sa poésie, c'est la femme". Napoléon Bonaparte. Napoléon est un homme seul au destin unique. Bonaparte est le nom d'un clan. Ce clan bigarré, avide, incongru, tiré vers les sommets par un frère sans pareil, a régné sur l'Europe. Fidèle, exclusif, familial comme on l'est en Corse, l'Empereur plaça ses frères et sœurs sur les trônes comme on procure une place de receveur des postes à un cousin nécessiteux. Nourri des Lumières, patriote français et ancien jacobin, chef d'un État autoritaire qui assure, par la propagande et la police, l'unité de la société, le règne de la loi et la gloire de l'Empire, Napoléon était resté corse dans un seul domaine, la famille. Le Code Napoléon porte la marque de cette tradition en établissant le pouvoir du père, la relégation des femmes, le caractère sacré de la propriété familiale. Profrançais, le clan Bonaparte avait échoué à s'imposer en Corse, chassé en 1793 par les paolistes. Il prendra sa revanche à l'échelle d'un pays, puis d'un continent. La marmaille débraillée qui jouait sur le seuil de la maison austère d'Ajaccio sous l'oeil noir de Letizia compterait ainsi un empereur, trois rois, une reine, un prince, une princesse et une grande-duchesse. L'Empereur s'était fait lui-même. Les autres ont été faits par lui, selon les règles du clan, telles qu'elles prévalaient sur l'île de beauté.   "Pour une femme qui nous inspire quelque chose de bon, il y a en cent qui nous font faire des sottises. Il y a chose qui n'est pas française, c'est qu'une femme puisse faire toujours ce qui lui plaît. L'infortune est bien la sage femme du génie". Pour les corses de l'ancien temps, l'individu vaut peu et la famille est tout. On est d'une lignée qu'on défend, qu'on illustre, dont on est solidaire par définition, qui vous aide et qu'on promeut en échange dès qu'on le peut. Ainsi fit en tout cas l'Empereur, le corse suprême, qui plaça ses parents, ses alliés et ses clients à tous les échelons de l'Empire, la famille proche, à qui il distribua les couronnes pour gouverner ses conquêtes, mais aussi l'oncle Fesch, cardinal investi de grandes missions, et les familles associées: Joséphine, impératrice, ses enfants, Hortense, reine de Hollande, Eugène, vice-roi d'Italie, les Murat, les Leclerc, les Junot, les Borghèse et même Baciocchi, mari d'Élisa, officier médiocre, le vilain petit canard néanmoins promu. L'avancement dans la Grande Armée tenait au mérite, mais aussi à la fidélité des officiers au destin de l'Empereur, qui se méfiait des soldats indépendants. Le sens du clan était une seconde nature chez Napoléon. À l'apogée du Grand Empire, les Bonaparte gouvernent l'Europe. Napoléon, la France et la Belgique, directement. Louis, la Hollande. Jérôme, une grande partie de l'Allemagne. Eugène, Élisa et Murat, l'Italie. Joseph, l'Espagne. Marmont, une partie de l'actuelle Yougoslavie et Junot, le Portugal, le tout alors sous l'autorité brusque et vétilleuse de l'Empereur.   "Le meilleur moyen de tenir sa parole est de ne jamais la donner. N'interrompez jamais un ennemi qui est en train de faire une erreur. L'art de gouverner consiste à ne pas laisser vieillir les hommes dans leur poste. Dans les révolutions, il y a toujours deux sortes de gens: ceux qui les font, ceux qui en profitent. Le vrai courage, c'est celui de trois heures du matin". La France impériale comptant jusqu'à cent-trente-deux départements et des États vassaux, impose, par famille interposée, des réformes plutôt progressistes à tous ces pays jusque-là soumis aux lois d'ancien régime: l'égalité civile, le recul de l'emprise cléricale, l'émancipation des juifs, la rationalité administrative. Mais le clan est aussi avide, s'enrichissant sur le pays conquis, et soumis aux seuls intérêts de l'Empire. Quand un frère ou une sœur plaide pour le pays qu'on lui a confié, Napoléon leur rappelle sèchement qu'ils lui doivent tout et n'ont d'autre devoir que d'exécuter ses ordres. Ce contrôle étroit indispose vite les peuples. Napoléon sera vaincu d'abord par l'insurrection des nationalités, en Espagne, en Allemagne, en Italie, excitées par la domination d'une famille certes formée par les Lumières. Les Bonaparte étaient presque tous francs-maçons, mais aussi mue par l'esprit de clan et l'habitude de la tyrannie. Ainsi se termina l'aventure. Louis est un roi de Hollande incertain et dépressif, obsédé par les infidélités supposées de sa femme, Hortense, à qui il fait vivre un enfer. C'est encore un général calamiteux quand il est intégré dans la Grande Armée, ne saisissant rien des vues stratégiques de son frère, vite mis sous la tutelle d'un général ou d'un maréchal expérimenté. Jérôme est roi de Westphalie, royaume allemand fait de bric et de broc, qu'il gouverne médiocrement. À Waterloo, il commande l'aile gauche, qui échoue à prendre Hougoumont, ce qui permet à Wellington de résister aux assauts de l'infanterie sur son centre et laisse le temps au général prussien Blücher de le rejoindre, consommant ainsi la déroute de l'armée française.   "Il est dans le caractère français d'exagérer, de se plaindre et de tout défigurer dès qu'on est mécontent. Je sais, quand il le faut, quitter la peau du lion pour prendre celle du renard. Si vous n'aimez pas les chiens, vous n'aimez pas la fidélité. Vous n'aimez pas qu'on vous soit fidèle, donc vous n'êtes pas fidèle. L'armée c'est d'abord la nation". Pauline est surtout connue pour ses charmes indiscutables et ses frasques sentimentales mais aussi pour sa fidélité à son frère Napoléon. Caroline Bonaparte, avide et avare, suit son mari, Murat, aux uniformes baroques et aux charges légendaires, au long d'une carrière éclatante et tourmentée. Inconstant, impulsif, Murat trahit Napoléon pour garder son trône en 1814, puis se rallie à lui avant Waterloo, déclenchant son offensive en Italie. Il sera battu, déchu, exilé, et tentera lui aussi un retour, pour finir fusillé, après avoir alors toutefois instillé dans la péninsule cette idée d'unité italienne qui fera alors son chemin. Élisa fait exception dans ce tableau de famille décevant. Elle est intelligente et cultivée, quoiqu'elle soit desservie par un physique sec et disgracieux. "Jamais femme ne renia comme elle la grâce de son sexe", raille méchamment la duchesse d'Abrantès. Femme de tête, en tout cas, elle seconde son auguste frère avec efficacité. Nommée grande-duchesse de Toscane après avoir reçu en apanage la principauté de Lucques, elle réside au palais Pitti, à Florence, et gouverne avec sagesse. Elle ménage ses sujets, ranime l'économie et réforme les institutions tout en défendant sans relâche les intérêts de son frère, qui l'encadre de ses lettres sans réplique. "Vous êtes sujette, lui écrit-il, et, comme tous les français, vous êtes obligée d'obéir aux ordres des ministres." Somme toute, le plus capable des frères fut le moins employé. Lucien, sauveur du 19 Brumaire, est une excellence du Consulat en 1800, ministre de l'Intérieur, à ce titre truqueur du référendum qui avalise le coup d'État. Mais il se marie sans l'aval de son frère et fricote avec les jacobins. C'est la rupture. Retiré en Italie puis aux États-Unis, le plus politique des Bonaparte ne reparaîtra qu'en 1815, au retour de l'île d'Elbe, pour tenter d'amadouer les assemblées et proposer trop tard et en vain, après Waterloo, une dictature de salut public.   "Sachez écouter, et soyez sûr que le silence produit souvent le même effet que la science. La bravoure procède du sang, le courage vient de la pensée. On n'est jamais si grand qu'à genoux devant Dieu. En amour, la seule victoire, c'est la fuite". Pauline a épousé en premières noces le général Leclerc, ami de Napoléon, et l’a suivi lors de l’expédition dans la colonie française de Saint-Domingue. Lorsque Leclerc est mort, en 1802, Pauline a accepté les projets de son frère bien-aimé, prévoyant son mariage avec le prince romain, Camille Borghèse. En tant que princesse Borghèse, Pauline a été la dame absolue de la vie de cour effrénée dans la résidence romaine des princes et elle a été peinte par Canova en Vénus Victrix. La seule parmi les frères de Napoléon à lui rendre visite pendant l’exil sur l’île d’Elbe, Pauline, suite à la fuite de ce dernier, s’est rendue au printemps de 1815 dans la résidence de Compignano, dans la province de Lucques, la propriété de sa sœur Élisa. Après le mariage en 1803 à Mortefontaine dans la propriété de leur frère aîné Joseph, Napoléon achète la collection d'art des Borghèse qu'il destine au musée du Louvre. Pauline se lasse vite de Rome et vient très rapidement habiter le château de Neuilly, où elle tient une espèce de cour, tandis que son mari Camille Borghèse part pour l'armée. Égérie de la société parisienne qui célébrait sa grande beauté, ses charmes sont aussi vantés à Rome. Le pauvre Camille, mari trompé s’il en est, est le premier à reconnaître les délicieux attraits de sa femme. Rapidement désillusionnée sur un homme qu’elle a pourtant choisi, la jeune femme enchaine les conquêtes. Nymphe à la poitrine menue et au visage sculptural, Pauline promène sa fine silhouette dans les rues de Rome, vivant une existence fantasque qui fait jaser. Mais la sœur de Napoléon n’a que faire du scandale, elle ne va pas tarder à le prouver. Pauline et Camille décident de commander à Canova, l’artiste à la mode, une statue célébrant la beauté de la jeune femme. Sous quels traits représenter la princesse ? Canova est passé maître dans l’art de traiter les sujets mythologiques, alors quoi de mieux qu’une déesse. Il songe à Diane, déesse de la chasse. Mais Pauline n’a que faire de cette déesse réputée chaste et pudique. Qui peut, mieux que Vénus, déesse de l’amour et de la beauté, exalter ses charmes ? Canova cède au caprice de la princesse. Ce sera Vénus. La statue de marbre blanc poli, commencée en 1804, ne sera achevée qu’en 1808. Le modèle en plâtre cependant, est terminé dès juillet 1804, et les curieux, très nombreux, ne se privent pas de venir l’admirer en toute hâte.   "Dans tout ce qu'on entreprend, il faut donner les deux tiers à la raison, et l'autre tiers au hasard. Augmentez la première fraction, vous serez pusillanime. Augmentez la seconde, vous serez téméraire. La France, c'est le français quand il est bien écrit. Le sot a un avantage sur l'homme d'esprit. Il est toujours content de lui-même. Ce qui est grand est beau." Cette statue grandeur nature présente Pauline vêtue, telle une bacchante, d’un simple drap cachant le bassin et les hanches. Elle dévoile ses jambes élancées et parfaites, ses épaules et ses bras d’albâtre, ses seins menus et ronds ainsi que ses pieds dont elle est si fière. La princesse trône sur un divan, froide et sensuelle à la fois, son bras droit reposant sur des coussins empilés. Soutenant sa tête d’une main, elle tient, dans l’autre, posée sur sa cuisse, la célèbre pomme permettant d’identifier Vénus. La légende raconte que le Troyen Pâris, arbitrant alors un concours de beauté entre Héra, Athéna et Vénus, doit offrir une pomme d’or à celle des trois déesses qui le subjugue. C’est à Vénus que revient le fruit sur lequel est gravé, "à la plus belle de toutes." Il est certain que Pauline prit un malicieux plaisir à éclipser ses sœurs Elisa et Caroline en célébrant ainsi sa propre beauté. Au cours de l’été 1804, ceux qui découvrent le moulage de plâtre dans l’atelier de Canova sont scandalisés par la quasi nudité de la princesse, le buste, les bras, le ventre et les jambes. Mais Pauline ne se soucie pas le moins du monde de sa réputation. À ceux qui sont curieux de savoir comment elle a pu poser ainsi nue pour l’artiste, elle répond avec ambiguïté et mépris, quelque chose de différent à chaque fois: "Tout voile peut choir devant Canova", ou "Oh, il y avait du feu." Ce non conformisme de la princesse choque autant qu’il fascine.   "Vous devez tout voir, tout entendre et tout oublier. Le mensonge n'est bon à rien, puisqu'il ne trompe qu'une fois. La plus vraie des sagesses est la détermination. En guerre comme en amour, pour en finir, il faut se voir de près. Qui sait flatter sait aussi calomnier". La statue quitte Rome pour Turin, où elle est exposée au palais Chiablese, résidence du prince Borghèse, et chaque visiteur peut venir admirer à loisir les courbes parfaites du modèle. Après la chute de l’Empire, la Vénus regagne Rome et le palais Borghèse. "La nudité de la statue frise l’indécence. Elle fut créée pour votre plaisir. Maintenant, elle ne remplit plus cette fonction, et il est bon qu’elle demeure cachée aux yeux d’autrui." Ces phrases, la princesse les écrit à Camille en 1818. Un sursaut de pudeur, notre Pauline ? Pas du tout. Cette volonté subite d’interdire de montrer la statue en public est causée par les ravages du temps. Le corps de Pauline se transforme. Pas celui de la statue, figé dans le marbre pour l’éternité, mais celui fait de chair et de sang, tourmenté par la situation de la famille Bonaparte, en exil depuis la chute définitive de l’Empire en 1815. Pauline, en effet, se fait beaucoup de souci pour son frère, dont la santé de détériore sur son rocher de Sainte-Hélène. La princesse prend peu à peu sa statue en grippe. Elle maigrit, perd confiance en son apparence. Son teint jaunit, conséquence des multiples "fièvres putrides" contractées jadis à Saint-Domingue, alors qu’elle s’y trouvait avec son premier mari, le général Leclerc, et dont elle ne cesse de souffrir depuis. Quand les mauvais jours arrivent, elle n'hésite pas à suivre son frère sur l'île d'Elbe où elle devient pour lui une précieuse collaboratrice, à lui sacrifier ses diamants pendant les Cent-Jours ou à demander, sans succès, l'Angleterre s'yétant opposée, à partager son exil à Sainte-Hélène. Après la chute définitive de l'Empire, elle s'installe à Rome, à la villa Borghese, et y reprend sa vie galante. En 1822 elle achète la villa de Monte San Quirico, et, en même temps, elle a fait commencer les travaux de la villa de Viareggio, les deux résidences ont été la scène de la liaison passionnée avec le dernier de ses amants, le musicien Giovanni Pacini. Pauline Bonaparte Borghèse décède le neuf juin 1825, d’une tumeur de l’estomac, à l'âge de quarante-quatre ans, sans postérité. Son jeune fils Dermide alors âgé de six ans étant décédé à Paris en 1804. Depuis 1838, la statue de Canova est de nouveau exposée dans la Villa Borghèse. Pauline, dont la beauté tant célébrée est ainsi immortalisée dans une aguichante perfection, accueille à nouveau les visiteurs, en maîtresse de maison divine et intemporelle. Son cercueil repose dans la Cappella Paolina de la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome.   Bibliographie et références:   - Duchesse d'Abrantès, "Mémoires" - Laurence Peretti, "Pauline Bonaparte" - Claire-Clémence de Maillé, "Mémoires sur la famille impériale" - Flora Fraser, "Pauline Bonaparte, la Vénus de l’Empire" - Maria-Teresa Caracciolo, "Pauline Bonaparte" - Antonio Spinoza, "Pauline Bonaparte, princesse Borghèse" - Janine Boissard, "Pauline Bonaparte" - Jean Tulard, "L'empereur Napoléon" - David de Thiais, "Mémoires inédites de la princesse Borghèse" - Geneviève Chastenet, "La fidèle infidèle" - Alexis Chassang, "Pauline Bonaparte" - Marie-Nicolas Bouillet, "Pauline Bonaparte" - Marthe Arrighi de Casanova, "Paolina de Buonaparte" - Alejo Carpentier y Valmont, "Pauline Bonaparte"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 17/05/24
"Devenir sienne" d’Eva Delambre est une plongée dans l'univers de la domination et soumission, qui offre un regard intime  sur une relation BDSM qui se développe ici dans l'intensité et la complicité. Contrairement aux romances à l'eau de rose, ce roman érotique se distingue par sa profondeur et son approche authentique de la soumission féminine. L'histoire vous emmene dans une liaison adultérine où un homme et une femme se découvrent mutuellement à travers des rapports de domination et de soumission. L'héroïne, dont le prénom reste volontairement inconnu, incarne la figure de la soumise qui, dans son abandon total, trouve une forme d'épanouissement et de liberté. Cette absence de nom permet au lecteur de s'identifier plus facilement à elle, de se projeter dans cette expérience SM intense. Eva Delambre nous entraîne dans un récit où l'érotisme littéraire prend une dimension presque poétique. La soumise, toujours désireuse de plaire à son Maître, franchit des étapes de plus en plus difficiles, naviguant entre plaisir et douleur, entre épanouissement personnel et dépendance affective. Cette dynamique est brillamment explorée, soulignant la complexité de la relation BDSM et son impact sur l'épanouissement affectif des deux protagonistes. Le roman est écrit à la première personne, ce qui permet une immersion totale dans les pensées et les sentiments de l'héroïne. Cela renforce l'authenticité du récit, nous faisant partager ses combats intérieurs, ses moments de doute, mais aussi ses instants de bonheur intense. Cette narration introspective est l'une des grandes forces du livre, offrant une perspective unique sur les rapports de domination et de soumission. Certaines scènes sexuelles sont vraiment crues et flirtent parfois avec la pornographie, on aime ou on aime pas. Cependant, cette approche sans filtre permet de saisir pleinement l'intensité de la relation et la manière dont elle évolue. Les scènes de soumission et de domination ne sont pas gratuites ; elles servent à mettre en lumière la profondeur des liens qui unissent les personnages. On pourra s'étonner que le roman taise les détails sur le contexte extérieur de la relation. Tout tourne autour des deux protagonistes, ce qui peut être perçu comme un manque par certains, mais qui renforce également la focalisation sur la dynamique interne de leur relation. Les personnages secondaires apportent toutefois des éléments de contraste et d'intrigue, enrichissant l'ensemble du récit. Devenir sienne est un roman qui ne laissera pas indifférent (à bien des égards ;-). Il décrit  avec justesse les mécanismes de la soumission féminine et de la domination. Eva Delambre réussit avec ce roman à capturer l'essence d'une histoire d'amour intense et complexe, où la soumission et l'abandon ne sont pas des signes de faiblesse, mais des voies vers une compréhension plus profonde de soi et de l'autre. Devenir sienne est une lecture incontournable pour les amateurs de littérature érotique et ceux qui cherchent à comprendre les subtilités des relations BDSM. Disponible chez votre libraire ou à la commande en ligne (recension sur une suggestion de gentleman_49)
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Par : le 04/05/24
Je suis une vieille grosse salope très gourmande pour qui la luxure est une passion. Je suis à nouveau seule. Je recherche en priorité des Hommes entre 20 et 85 ans, endurant, dominateur.  Les photos sont indispensables afin d'effectuer le premier tri. Si ce monde vous attire, si vous avez l'âme d'un dominateur ou si vous l'etes déjà, venez me prendre  Je suis une véritable garage à bites vide couilles dans tous ses trous : mise à disposition totale possible, ouverte à tous et à toutes bites, seuls ou en groupes constitués pour tous plans tous lieux même Xtreme.... blacks, creampie, bareback, etc... Je ne veux que du réel pour des moments très chauds............  Hygiène bien évidemment respectée Bises libertines de sa soumise PS :  IMPORTANT ! URGENT ! En 1er je veux un photographe pour faire un album de moi, de mes trous pleins et vides 2èm - La vieille grosse chienne que je suis, recherche un Professionnel équipé et vicieux pour tatouages piercings branding scarification - Médecin pervers pour bien être  inoculée et défoncée - et un Maitre chien ou animal.
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Par : le 04/05/24
Cette nuit. Douceur absolue. J'ai le bonheur de faire la rencontre d'une personne qui me touche. Je me refais nos échanges en boucle dans ma tête. Son imagination m'a émoustillé. Je me refais le film, je m'endors. Rêve incroyable!! Mon imagination a très bien travailler. Mes rêves sont la continuité de nos échanges!! Douceur !!😇 Chaleur! Me voilà sorti de mes songes dur!! Très dur! Haletant et déboussolé ! Un peu humide même... Je reprend mes esprits et me rend compte que ce n'est pas mon lit, pas chez moi... Je regarde auprès de moi, j'y trouve des pieds divins. Je suis donc aux pieds de quelqu'un... Ma curiosité me pousse à découvrir à qui appartiennent ces pieds. Je remonte donc délicatement toujours très dur... Je découvre avec délice un long corps. Des jambes interminables d'une douceur que je ne peux me retenir de carresser de ma joue, mes lèvres. Mes lèvres carressent ce corps de plus en plus haut. Une fleur que je préfère laisser tranquille. Je ne sais toujours pas qui j'ai le bonheur de goûter. Un nombril mignon me fait un clin d'œil sur mon passage. Une jolie petite poitrine dont les tetons sont fièrement dressés. Ce doit être la fraîcheur nocturne... Voilà que mes lèvres rencontrent un cou que je me suis plu à imaginer mordre. Je commence à comprendre. Je me redresse et devine dans la semi obscurité un magnifique sourire dont je connais la malice. Un œil s'ouvre légèrement sur un iris perçant. Me voilà figé par cet œil! Une voix magnifique, suave... JOUJOU! Au pied!!!!! Je gémis. Cet ordre... Je m'entend répondre : Dame, j'ai rêver de vous. On me retorque: Tu es dur?? Ma réponse ne fut qu'un gémissement acquiesseur... Le second œil apparaît avec une lueur d'envie dans le fond du regard. J'explique: Dame, j'ai rêver de vous et c'était bon. Je suis humide de désir... Cet œil se durci, l'ordre fuse ! ALLONGE TOI!!! Cette voix suave qui claque dans la nuit ne me laisse pas le choix. Je m'allonge donc avec soumission. Je crois que l'être divin que j'ai réveiller tiens à reprendre le plaisir que je lui ai voler dans mes songes. Je sent du cuir froid autour de mes poignets... Il se réchauffe très vite tellement ils sont serrés. Ce même cuir sur mes chevilles. Douleur chaude et prometteuse. Ma Déesse passe ensuite une lanière de lin avec minutie dans chaque anneaux de mes liens. Je me délecte de sentir son parfum de fleur à chacun de ses passages prêt de mon visage. Sa voie suave me demande si je suis prêt. J'acquiece en gemissant. Cette domination si douce m'enlève tout les mots de la bouche. D'un geste habile et grâce à la minutieuse préparation de ma Dame, tout mes membres se retrouvent liés entre eux. J'attrape donc mes chevilles avec les mains, c'est tout ce que je peux faire. Ce sourire de contentement de ma déesse me rempli de fierté. Elle est fière d'elle et me glisse à l'oreille.. Bon Jouet! Je fond!! Elle me crache au visage pour me faire comprendre que je vais servir. "Tu n'as pas le droit de jouir sans moi!!! Tu es donc puni pour ça!!" La violence de ces propos contraste avec la douceur de cette voix dans laquelle j'entends de l'amusement. Je ressens un nouveau sentiment indescriptible... Mélange de fierté, d'appartenance... Mon corps est tremblant. Nouvelle pluie de salive sur mes lèvres. C'est bon!!! Voilà maintenant une fleur qui s'offre à mes lèvres. Ma Dame veut jouir. Elle m'ordonne de lui rendre l'orgasme que j'ai pris dans mes songes. Je m'y attele avec toute mon âme. Ma langue est en émoi. C'est si bon, chaud, floral. Je sens avec délice le corps de cette déesse faire des vas et viens sur mon visage. Je suis dur c'est intenable... ma Dame le sent et gifle mon intimité en m'ordonnant de me retenir! Ses mouvements divins se font de plus en plus intenses. Me coupant le souffle par moment. Dame gémis. Moi aussi! Nouvelle gifle sur mon sexe. Ses mouvements s'amplifiant, ses gemissements se transformant en cris... Mon bonheur est total! Ma Déesse jouie !!! Me voilà humide de son bonheur!!! Délicieuse pluie odorante sur mon visage! La fierté d'un devoir de jouet accompli. ma Dame se repose sur le côté. J'aperçois avec délice ses yeux gratifiants. Je bratte en lui demandant si je peux lui en offrir un autre avec mon sexe... Elle rit! Qu'il est beau ce rire!!!! Elle s'en va me laissant attaché, dur, souillé de son plaisir. J'entends sa douce voix : Pour ta prétention, j'en veux un autre, mais ton sexe restera inutile!! Je le prend comme je le veux!!! dit elle en me bâillonnant avec un sexe en plastique... Je gémis. Je gémis. Je ne peux faire que ça. Je m'abandonne à ses désirs si doux qui me transcende ! La voilà de nouveau assise sur mon visage!! Cette fois ci elle se fait pénétrer par un jouet qui prend naissance dans la bouche de son autre jouet. MOI!!! Quel délice de faire équipe!! Ses vas et viens incessants avec cette fleur si proche de mon regard me rendent fou... Elle le sent et me gifle de nouveau le sexe. Ses courbes idylliques se mouvant tel les vagues qui frappent une plage.... Ses gemissements doux comme des nuages... Sa peau habillée de la fraîcheur nocturne... Ses vas et viens sont pour moi le rythme de l'amour pour son jouet sur une symphonie de plaisir partagé! Sa main frappant mon sexe avec plus de vigueur, sa fleur frappant mes lèvres avec plus d'intensité. Mes joues se remplissent à nouveau de sa pluie d'amour. Ses cris se mêlant à mes gemissements. Son amour me coule dans la nuque... Elle continue de plus en plus fort, et avec ses hanches, et avec ses gifles si bien jetées sur mon sexe... Quel bonheur d'être le jouet d'une déesse ! Elle hurle de plaisir!!! Me voilà inondé!!! Son bonheur étant le mien, je jouis à mon tour... Elle cris de plus belle. Je gémis encore plus fort. Nos bonheur partagés, j'entends un doux "merci Joujou" tu as bien travailler. Fierté non dissimulé !! Elle défait doucement mes liens pour se blottir au creux de mon épaule. Elle s'endort avec douceur, son souffle dans ma nuque. Ses paroles résonnent dans mon esprit "merci joujou" je m'endors donc à mon tour avec le sentiment d'appartenance si doux... Mais mon réveil sonne... Je viens bel et bien de rêver... Douce frustration... Mes draps s'en souviennent... J'espère m'en souvenir longtemps…
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Par : le 20/05/24
Le deuxième ouvrage de Mitsou Ko, De la bourgeoise à la putain, explore le parcours tumultueux de Solale, une femme qui troque sa vie bourgeoise pour celle de travailleuse du sexe (TDS). Ce roman, à la fois poignant et éducatif, est une plongée authentique dans l'univers des dominatrices professionnelles, un monde souvent caricaturé et/ou méconnu. Solale, autrefois une bourgeoise accomplie, décide de quitter son confort après une rupture difficile avec son partenaire Sam, surnommé "Sale Cabot". Abandonnant le BDSM, elle tente de mener une vie plus conventionnelle avec Franck, un homme qui ignore tout de son passé. Cependant, un incident la pousse à suivre sa passion et à devenir TDS. Cette transition, loin d'être aisée, révèle à Solale les nombreux défis de cette profession, la poussant à remettre en question ses préjugés et à découvrir une solidarité inattendue parmi ses consœurs. L'écriture de Mitsou Ko se caractérise par sa fluidité et son authenticité. Chaque scène érotique est décrite avec une précision des plus évocatrice, immergeant le lecteur dans les expériences de Solale. Le récit, bien que fictionnel, prend des airs de documentaire, offrant un regard intime et détaillée sur la vie des TDS et des dominatrices professionnelles. La capacité de l'auteure à marier réalisme et passion est manifeste faisant de ce livre un plaidoyer puissant de défense des dominatrices, mettant en lumière les défis et les préjugés auxquels elles font face. Le franc-parler de Mitsou Ko dépeint les réalités de ce milieu sans fioritures. On ne peut que louer la capacité de l'auteure à traiter des sujets tabous avec élégance et réalisme. Le livre s'avère d’une réalité poignante et ouvrira les yeux de bien des profanes sur ce monde mis à part. On sera marqué par la transformation de Solale qui constitue une merveilleuse plongée dans le monde des Dominas pro et ne pouvons que noter l'authenticité et la profondeur du personnage. A mi-chemin entre l'essai et le roman, ce livre est une œuvre hybride qui informe tout en divertissant. La description des coulisses de la vie d'une TDS et ses défis du quotidien est particulièrement éclérant et permet de briser tous les a priori et clichés liés au travail du sexe dans le domaine du BDSM, notamment. De la bourgeoise à la putain est un livre  qui ne laisse pas indifférent. Mitsou Ko réussit à aborder des thèmes complexes avec une justesse et une sensibilité rares. Ce roman est non seulement une exploration personnelle et émotionnelle, mais aussi un appel à la reconnaissance et au respect des travailleuses du sexe. Pour les lecteurs curieux de découvrir les réalités cachées derrière les portes closes du BDSM et du travail du sexe, ce livre est une lecture incontournable. Ce livre peut être achété chez votre libraire habituel ou en ligne en cliquant ici (récension sur une idée de Mme Angie )
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Par : le 23/05/24
Eva Delambre nous offre avec L'Envol de l'ange une plongée intense dans les profondeurs d'une relation de domination et de soumission. Suite directe de L'Éveil de l'Ange, ce second opus nous invite à suivre l'évolution de Solange, devenue Ange, dans sa relation complexe et passionnée avec Tristan. La quatrième de couverture annonce une histoire riche en émotions et en épreuves, promettant de tenir le lecteur en haleine jusqu'à la fin. L’écriture d’Eva Delambre se distingue par sa fluidité et sa sincérité, permettant une immersion totale dans les pensées et les émotions de Solange. Le personnage principal, attachant et vulnérable, nous entraîne dans ses tourments et ses joies, rendant chaque page plus intense que la précédente. À travers une narration directe et sans artifices superflus, l’auteure réussit à rendre palpable la tension psychologique qui traverse le récit. On aime  l’habileté d’Eva Delambre à dépeindre avec justesse les subtilités d’une relation BDSM. L’évolution de Solange est au cœur du récit. Sa transformation en Ange, sous l’influence de Tristan, est décrite avec une profondeur qui résonne particulièrement , on sera touché par la manière dont l’auteure retranscrit les émotions et les doutes de Solange, rendant son parcours d’autant plus bouleversant et authentique. Malgré quelques critiques sur le caractère des personnages masculins, jugés souvent antipathiques et imbus d’eux-mêmes, Eva Delambre parvient à créer des figures complexes et nuancées. Le personnage de Tristan, bien que rigide et parfois cruel, agit comme un catalyseur pour la croissance personnelle de Solange. On pourra louer cette représentation, notant que le livre est à la fois captivant et déroutant, reflétant parfaitement les contradictions inhérentes à ce type de relation. L'envol de l'ange s'avère une œuvre poignante qui explore avec brio les dynamiques de la soumission et de la domination. Grâce à une écriture limpide et une introspection psychologique remarquable, Eva Delambre réussit à nous immerger dans un univers à la fois troublant et fascinant. Ce roman est une lecture incontournable pour les amateurs de récits intenses et profondément humains, qui laissera une empreinte durable dans l'esprit de ses lecteurs. A acheter chez votre libraire préféré ou en ligne : Ce tome 2, en cliquant ici Le tome 1 est toujours disponible également en cliquant ici
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