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Par : le Il y a 7 heure(s)
"Debout, dans sa fraîcheur pareille à celle des anglo-saxonnes, elle considérait avec complaisance cet être gentil qui semblait innocent comme elle. Car elle ne soupçonnait pas ce qu’il peut y avoir dans l’âme d’un homme qui regarde une femme." Onze recueils de poésie, pas moins de quarante sept romans et nouvelles, de très nombreuses critiques littéraires et artistiques, trois essais, cinq biographies, quatre récits de voyage, une autobiographie, deux pièces de théâtre, de multiples manuscrits, des dessins et des tableaux inédits, des sculptures inspirées, des partitions de musique, c'est l'œuvre prolifique de Lucie Delarue-Mardrus (1874-1945), artiste multiforme aux dons multiples, d'une curiosité insatiable, d'une capacité de travail impressionnante et d'une imagination jamais tarie tout au long de sa vie. Elle fut avec Anna de Noailles, René Vivien, et Gérard d'Houville une des figures phare du romantisme féminin, ancrant sa création dans sa Normandie natale, sur le port de sa ville natale, Honfleur. Témoin de la Belle Époque puis des Années folles, mais éloignée intellectuellement des déchirements amoureux alimentant les sombres commérages du Paris-Lesbos où des lesbiennes fin-de-siècle sacrifiaient à Sappho au sein de leurs demeures en compagnie de courtisanes ou d’artistes, émancipées socialement et sexuellement grâce à leur profession. Rappelons qu’il aura fallu attendre le tout début du XXème siècle pour assister à l’essor créateur des femmes en littérature comme en poésie. Nombre de ces poètes, de ces romancières de cette époque sont aujourd’hui, Colette à part, méjugées et le plus souvent oubliées. Elles occupent pourtant une place dans l’histoire de la littérature. Elles illustrent parfaitement la condition féminine à une période où le rôle de la femme est en pleine mutation. Lucie Delarue-Mardrus participa de façon singulière, avec son génie créatif et son œuvre protéiforme à ouvrir la voie à plusieurs générations de femmes.    "Elle ignorait que le désir est un chasseur sans pitié. Elle ne savait pas qu’il y a de la lutte dans l’amour et de l’assassinat dans la possession, qu’il y a d’un côté l’attaque et de l’autre la défense, et que l’homme, plus cruel que toute autre bête, est agité dans sa jeunesse par la sourde envie de terrasser la femme comme un adversaire plus faible." Lucie Delarue-Mardrus fut assurément la plus humaine et la plus sincère de toutes ses consœurs. "Une rare élégance, un corps blanc et lisse comme une amande, une nuque magnifique, des petits seins harmonieux, et des étroites hanches d’androgyne aux ravissants pieds fardés", disait son amie, la romancière Myriam Harry. Pour Renée Vivien "ses yeux étaient pleins des ténèbres orientales." Émilie de Villers n’était pas moins élogieuse: " grande, svelte, belle, les traits réguliers, une lumière intense éclaire son visage." On ne les compte pas, tant ils sont nombreux, celles et ceux qui succombèrent sous l’effet du charme de la "Princesse Amande", comme l’avait baptisé son mari Joseph-Charles Mardrus, l’éminent traducteur des "Mille et Une nuits", de Robert de Montesquiou à Sarah Bernhardt, en passant par Gabriel d’Annunzio, Edmond Rostand ou Natalie Clifford Barney. Pour Rodin, Lucie était "l’Aurige couronné de nattes." Il rêvait de sculpter son corps "aux jambes apolloniennes d’Hermaphrodite." Pour Henri de Régnier, poète honfleurais et figure du symbolisme, elle était "la panthère noire", pour Rostand "sa Princesse lointaine", sa Duchesse de Normandie."    "Marie s’égaie encore, puis elle s’étonne et veut se redresser. Un bras impérieux la recouche. Le cœur de Marie bat avec tant de violence qu’elle peut à peine crier. Une révélation foudroyante lui apprend tout du drame de l’amour. Elle comprend que l’homme est un animal comme les autres, et que son gentil amoureux va la couvrir comme elle a vu les taureaux couvrir les vaches dans les prés de son enfance. Une terreur immense l’a saisi toute entière." Éprise d’absolu, en butte aux déboires sentimentaux qui lui valurent ses amours saphiques, elle fut avant tout une éternelle adolescente, toujours prête à vivre ses passions avec ferveur. Son plus célèbre, et certainement meilleur roman, fut "L’Ex-Voto" (1922), un portrait charnel et hors-norme de Honfleur. L’auteur y chante, la cité-reine de l’estuaire comme personne n’avait réussi à le faire. Cadette de six filles, Lucie Delarue est née le trois novembre 1874. Son père, avocat inscrit au barreau de Paris, aimant mais volage, était souvent absent et partageait sa vie entre son appartement parisien aux allures de garçonnière et la maison familiale à Honfleur. Ses fréquentes incartades indignant sa mère, entraînaient des tensions permanentes dans le foyer. Malgré cela, Lucie semble avoir vécu une enfance choyée et insouciante. Elle grandit entre une gouvernante anglaise qui lui apprit très tôt l’anglais et le solfège, et une mère attentive mais distante. Si cette rigueur que l’on retrouve chez ses deux parents était de mise dans leur milieu social, elle ne la fit pas trop souffrir. Lucie Delarue-Mardrus fit revivre cette figure paternelle volontiers présentée comme distante ainsi qu’une partie de son enfance dans "Le Roman de six petites filles" (1909), loin du portrait idéalisé que brossa Colette de sa mère dans "Sido."    "Elle veut se débattre. Une épaule lourde et vêtue lui écrase la figure. Marie, étouffée, malmenée, annihilée par l’épouvante, jette tout à coup un cri plus martyrisé, plus indigné, plus terrifié que les autres. Des pleurs jaillissent de ses yeux, tout son corps se tend, s’arc-boute pour protester." En 1880, la famille Delarue s’installa dans une vaste demeure à Saint-Germain-en-Laye. La scolarité de Lucie fut si laborieuse que ses sœurs la surnommèrent "Simplicie de Gros-Sot." De son propre aveu, elle était dernière en tout sauf en français. Sa mère elle-même semble d’ailleurs avoir été convaincue qu’elle était "simple." Comment ne pas rapprocher son enfance de celle de personnages également déconsidérés par leur entourage ? Ainsi "Anatole" (1930), une petite fille qui est méprisée par ses tantes alors qu’elle possède une voix superbe, "Un Cancre" (1914) ou encore "La Petite fille comme ça" (1927) qu’est Roxane, fille de comédiens ridiculisée par ses camarades puis confiée à une lointaine parente. Cet isolement et cette incompréhension de la part de sa famille l’amenèrent à tenir, au moment de sa communion, un journal intime d’abord, exercice d’ailleurs préconisé par l’Église puis à écrire un roman inachevé. La réalité ne cessa de s’immiscer dans l’univers jusque-là préservé de Lucie Delarue. C’est à cette époque qu’elle découvrit "l’affreuse animalité de l’homme" et qu’elle vit ses sœurs aînées, Alice et Marguerite se fiancer, se marier puis affronter des grossesses.    "Le garçon est muet, implacable, haletant. Marie, maintenant, pousse des sanglots de rage impuissante. Et, soudain, se mêle à sa clameur bâillonnée celle plus courte, plus saccadée, de son agresseur. Marie se tait presque pour l’écouter. Une nouvelle stupeur la terrasse. Va-t-elle devenir folle de tout cela ?" En 1886, la famille Delarue quitta Saint-Germain-en-Laye pour Paris. Lucie approcha alors le théâtre et fit connaissance de Sarah Bernhardt. Elle songea un moment à devenir comédienne. En 1892, Lucie et sa sœur Georgina entrèrent à l’institut normal catholique pour y préparer leur brevet qu’elles obtinrent. Ces années à l’Institut, parmi les plus belles de son enfance, sont évoquées dans "Le Pain blanc"(1923). La jeune Élise y est pensionnaire, quelque peu oubliée de son père médecin. À la fin de sa scolarité, Lucie fit ses débuts dans le monde, fréquenta les soirées organisées par ses sœurs. Quelques flirts s’ébauchèrent, le baiser donné par un soupirant musicien la laissa froide et désillusionnée. Seul celui qu’elle échangea avec l’amie de sa sœur Charlotte l’enflamma. Elle se jeta alors dans l’écriture et composa des poèmes. Elle fut reçue par François Coppée à qui elle avait soumis ses poèmes. L'académicien empreint de l'esprit misogyne de l'époque lui conseilla doctement de se consacrer à des tâches plus féminines. Ce qui poussa davantage la jeune fille à vouloir se faire un nom dans le milieu littéraire. Elle publia sous un pseudonyme ses premiers poèmes dans "Le Gaulois."    "Brusquement, l’étreinte a cessé. Le garçon s’est tu. L’étau desserré désemprisonne Marie, renversée dans le désordre des jupons saccagés. Le couchant est enfin mort au bout du pré. La nuit règne seule sur les foins, avec toutes ses étoiles multipliées. Le garçon s’est relevé dans l’ombre." C'est grâce à ces publications qu'elle rencontre son futur mari, le docteur Joseph-Charles Mardrus, orientaliste, traducteur des "Contes des Mille et Une Nuits." Ses parents ayant refusé la demande en mariage de Philippe Pétain. Le mariage, le cinq juin 1900, ouvre quatorze années de célébrité, de création et de voyages. Lucie publie des recueils, "Occident","Ferveur", "Horizons", "La Figure de proue" et "Par vents et Marées." Elle devient célèbre à Paris, se montre dans des soirées mondaines et voyage énormément. Elle connaît le succès. Elle découvre, grâce à son époux, l'Afrique du Nord, l'Asie mineure et l'Italie. Elle publie des reportages photographiques et des récits de voyage. Le monde littéraire parisien la fête et réclame des contes et des articles. Elle écrit une pièce de théâtre "Sappho désespérée" qu'elle joue, puis des romans à partir de 1908 ("Marie fille-mère"). Elle fait de nombreuses rencontres, notamment André Gide, Renée Vivien, Evelina Palmer et vit une brève passion avec Natalie Barney. Son mari lui offre le "Pavillon de la Reine" à Honfleur. Leur vie s'organise entre la Normandie, Paris et leurs voyages. Elle pose pour des photographes, des sculpteurs, des peintres, devient membre du jury Femina et donne des conférences. En 1902, elle fait la connaissance de Renée Vivien avec qui elle sympathise, et de la romancière, Myriam Harry, première lauréate du prix Femina, également passionnée par l'Orient.    "Marie, d’un geste vaincu, rabaissa sa robe sur son corps blessé. Une douleur profonde continuait à mortifier son être intime. Elle appela faiblement, d’une voix coupée de spasmes. Personne ne lui répondit. Le garçon avait fui." C’est en publiant son premier roman qu’elle renoue avec l’écriture. "Marie fille-mère" (1908) déçoit la critique et le public qui s’attendaient à des souvenirs orientaux. Ceux-ci servent pour camper le décor de "La Monnaie de singe" (1912). Aux lecteurs curieux de détails intimes, elle offre "Le Roman de six petites filles" (1909) avant de partir en Turquie, mandatée par "Le Journal" pour mener une enquête sur les harems. Mais une série d'épreuves douloureuses brise cette période exaltante. La relation avec Natalie Barney s'étiole. Joseph-Charles Mardrus supporte de moins en moins d'être dans l'ombre de son épouse, encore moins ses liaisons. Il s'éloigne de Lucie et demande alors le divorce. Leur union sera définitivement dissoute en 1923. Lucie a déjà perdu son père en 1910, mais le décès de sa mère en 1917 va l'abattre, en pleine guerre. Elle est alors infirmière à l'hôpital de Honfleur depuis la déclaration de guerre. Elle doit vivre de sa plume. Une période de crise et d'inquiétude caractérise ses années. Valentine Ovize dite "Chattie" l'aide à surmonter ses difficultés. Lucie l'emmène partout avec elle, au gré de ses conférences de 1917 à 1920. Fidèle à ses habitudes, elle s'étourdie de travail, en apprenant le violon, en dessinant des aquarelles, en réalisant des sculptures sur bougie. Elle fabrique des poupées de cire, s’essaie à la peinture à l’huile, et participe enfin au championnat de France d'échecs féminin en 1927.    "Elle ne savait pas comme elle était seule au monde. Parfois, simplement, elle le sentait. Et sa tristesse, alors, était immédiate, impérieuse et sans espoir, car les enfants ne pensent presque jamais à l'avenir. N'ont ils pas raison ? L'enfance terminée, c'est une autre vie qui commence pour eux, presque sans rapport avec la première". Elle a la douleur de perdre sa sœur Georgina, et se sépare de "Chattie", trop jalouse de Germaine de Castro. Sous le charme de cette chanteuse lyrique, elle n'a de cesse de promouvoir la carrière de sa nouvelle maîtresse au détriment de la sienne. En 1935, Lucie a soixante-et-un ans, elle se consacre corps et âme à la réussite de Germaine, l'accompagne au piano lors de ses récitals, lui écrit des chansons, et se sent exploitée. Les difficultés financières s'aggravent. L'obtention jugée scandaleuse du prix Renée Vivien, habituellement décernée à une jeune poétesse, ne suffit pas à régler ses dettes. Elle s'installe en 1937 à Château-Gontier en Mayenne. L'écriture et la parution en 1936 de "Mes Mémoires" a marqué un tournant dans sa vie. Elle est presque dans la misère, isolée et malade. C'est à nouveau la guerre. Elle doit vendre sa maison. Sa sœur Charlotte meurt. Elle liquide tous ses meubles et va loger chez Germaine. Elle continue pourtant d’écrire, elle apprend le latin et l’arabe. Plus aucun journal ne sollicitant sa collaboration, elle se retrouve au chômage. Elle maigrit et prend froid. Elle meurt le vingt-six avril 1945, à l'âge de soixante-dix ans. Elle est inhumée au cimetière Sainte-Catherine de Honfleur. Toute sa vie, elle eut ce grand bonheur d'apprendre ou de créer, sans relâche, avec une ardeur conquérante.    L'odeur de mon pays était dans une pomme. Je l'ai mordue les yeux fermés. Pour me croire debout dans un herbage vert. L'herbe haute sentait le soleil et la mer, L'ombre des peupliers y allongeaient des raies. Et j'entendais le bruit des oiseaux, plein les haies, se mêler au retour des vagues de midi ". De nombreuses femmes écrivains sont complètement passées dans l’oubli, ou leurs ouvrages sont devenus introuvables. On se rappelle certaines femmes non parce que leurs œuvres étaient célèbres, mais parce que, sur le plan mondain, elles étaient des célébrités. Lucie Delarue-Mardrus est connue non pour son œuvre, mais pour sa vie mouvementée, et encore, lorsqu’elle se trouve citée, c’est souvent en raison de sa vie mondaine auprès de son mari, le docteur J.-C. Mardrus ou en raison de sa brève relation avec la célébrité américaine Natalie Clifford Barney. Elle nous laisse une œuvre toujours mue par la passion mais irrégulière. Elle était la première à en être consciente: "Il faut bien que je vive en prose, puisque je dois gagner mon pain. Je n’aurai pas toujours dépeint ce que j’avais vu de la rose." Le style a pu vieillir, restent l’émotion et le pouvoir certain du vrai. L’enfance, la terre normande, l’univers marin, la célébration de la beauté, les mythes orientaux, la mort, l'amitié, l’amour, et la condition féminine. Malgré un trompeur déséquilibre au sein de son imposante production, ce n’est pas la prose, mais la poésie qui caractérise le mieux l'artiste complet qui déclarait: "Je ne suis et ne fus qu’un poète. Mes vers sont restés presque dans l’ombre" regrette-t-elle dans ses Mémoires, "et c’était dans mes vers que je donnais vraiment mon âme. Car ma poésie seule m’explique et me justifie". Plus que dans sa versification somme toute classique, c’est dans sa prose romanesque que l’on goûte son souffle poétique.   Bibliographie et références:   - Christine Planté, "Femmes poètes du XIX ème siècle" - André Albert-Sorel, "Lucie Delarue-Mardrus" - Francis de Miomandre, "Lucie Delarue-Mardrus" - Edmond Spalikowski, "Honfleur et Lucie Delarue-Mardrus" - André Albert-Sorel, "Lucie Delarue-Mardrus" - Samuel Minne, "Leurs amours " - Denise Rémon, "Lucie Delarue-Mardrus" - Jean Chalon, "Portrait de l'artiste" - Suzanne Rodriguez, "Lucie Delarue-Mardrus" - Françoise Werner, "Romaine Brooks"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 05/05/24
. Sentir l'étirement, le pincement, la pression.. Du léger picotement, à la douleur stridente.. De la respiration haletante, à la retenue de ne pouvoir hurler.. Jamais plaisir plus grand ne m'a permis de me sentir aussi bien, possédée par la vie qui m'étreint. Calomniés par l'effleurement des caresses des hommes, évoquant en eux ma douceur, et honorer un idéal de noblesse qui les incombe.. Ces mamelons, ne sont auréolés que par la disgrace d'être triturés et malmenés. Me sentant frustrée d'être à chaque instant responsable de veiller sur eux, seules mes pinces, mes ongles, et la douce vision horrifique des poids lourdement portés par des inconnues sur internet, instiguent encore en moi un sentiment de réconfort.. Face à l'incompréhension d'une femme qui n'obtient pas ce qu'elle a envie et besoin. En soi : Pas grand chose. Un quotidien qui tourne à l'obsession, de s'infliger une punition à s'exploiter soi-même, Et ne prétendre qu'à l'espoir qu'ils servent sans ménagement les pulsions d'un mâle, aiguisés par ses instincts apte à les utiliser naturellement. Une ferme prise en main de ma poitrine, compressée à l'extrême, voulant sentir mes tétons se tordent, se contorsionner, devenir vulnérables.. sous l'exercice de doigts habiles et sévères. Contraindre ce barrage, et le soumettre à la pression de pouvoir enfin céder.. Dans un geyser hors de contrôle, jaillissant de mes paupières gonflées, honteuse d'obscénités et de redevabilité, de pouvoir libérer dans des spasmes grotesques et inarrêtables, ce canal onctueux et généreux d'entre mes jambes. M'arracher une complainte lancinante, où la douleur et le plaisir ne font plus qu'un, et où je ne m'appartiens plus.   La suite à vivre sous mon appartenance, ChatMOnYou. Article du même auteur : https://www.bdsm.fr/blog/2669/Ma-premi%C3%A8re-correction -> Ma première correction. https://www.bdsm.fr/blog/5075/Femmes-mari%C3%A9es-et-BDSM-;-Un-m%C3%A9nage-%C3%A0-trois-(Partie-1) -> Femmes mariées et BDSM ; Un ménage à trois. (Partie 1) https://www.bdsm.fr/blog/9393/Esclave-Domestique-:-3-R%C3%A9veils-ordinaires -> Esclave Domestique : 3 Réveils ordinaires.
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Par : le 01/05/24
"Pâles deviennent tous mes rêves, jamais il n'y eut de fin plus triste dans mes livres de poèmes, la vie doucement coule. Je sais qu'il me faudra mourir bientôt et pourtant tous les arbres brillent après le baiser de juillet longtemps désiré. La nuit est veloutée et tendre, telle une rose. Viens, donne-moi tes mains, mon cœur bat, il est tard et à travers mon sang, vaque la nuit ultime qui va et vient, sans bornes, et sans fin, comme une mer. Et puisque tu m'as tant aimée, cueille donc la joie suprême de ton jour, et donne-moi cet or que nul nuage ne trouble". Lors de son discours du vingt novembre 2003, pour l’acceptation du prix Nobel de littérature, Elfriede Jelinek fit un vibrant hommage à Else: "Écolière, j’ai adoré la stature extravagante, exotique et bariolée d’Else Lasker-Schüler. Je voulais à tout prix écrire des poèmes comme elle, même si je n’en ai point écrit, elle m’aura beaucoup marqué". Démente ou extralucide, Else Lasker-Schüler (1869-1945) aura enflammé son siècle, et aura été le porte-parole de l’expressionnisme allemand. Gottfried Benn, amant puis ennemi car rallié au nazisme, dira d’elle, "ce fut la plus grande poétesse lyrique que l’Allemagne est jamais eue". Karl Kraus, l’avait désigné comme "la plus forte et la plus impénétrable force lyrique en Allemagne". Ceci pour situer l’immense Else. Elle était maigre et ses yeux étaient immensément tendus vers vous. Une force terrible émanait de sa personne. Else Lasker-Schüler envoûte ou fait jaillir la haine par sa vie provocante. Elle mendiera une partie de sa vie pour se nourrir, elle fera exploser les valeurs bourgeoises et la forme poétique. Peintre, poète, meneuse ardente des causes intellectuelles, amante passionnée, elle reste une comète foudroyante passée dans notre ciel. Nous n’en avons pas encore pris toute la mesure immense. Le début du siècle à Berlin, c’est elle qui l’a façonnée. Ses amis qu’elle vit souvent mourir, Georg Trakl, Franz Werfel ou Franz Marc, bien d’autres encore sont le bord de sa route. Une première génération se fit décimer pendant la première guerre mondiale, une deuxième par le nazisme. Else vit tout cela. Perte et absence, exil et projections bibliques feront le fondement de son œuvre. "Une Sapho qui aura traversé de part en part le monde" dira d’elle Paul Hille son ami le plus proche. Ce nouvel ange bleu sera la madone des cafés littéraires et tous les hommes devinrent des professeurs "Unrat". Elle sera à jamais le prince de Thèbes ou une femme prise dans le tragique entre Berlin et Jérusalem. Sa terre d'exil sera sa terre de renaissance.    "Le printemps nous contemple de sa lumineuse majesté. Tu me cueilles une fleur en guise de salut, et moi, je l'aimais déjà quand elle n'était que graine. Du lointain pays de la nuit, des harmonies se pressent, s'enflent. Je fais le pas. Je serai la vie, vie blottie contre vie. Quand au dessus de moi des astres édéniques berceront leurs premiers humains. Tes yeux se posent sur les miens, jamais ma vie n’eut tant de chaînes". Else était tout entière dans ses jeux de rôle, elle se faisait appeler le jaguar ou "le prince de Thèbes" et baptisait tout son entourage de nouveaux noms. Franz Marc était le "Cavalier bleu", Karl Kraus, "le Dalaï-Lama", Gottfried Benn, "Giselheer le Barbare", Georg Trakl était "le cavalier en or", Franz Werfel "le prince de Prague", Peter Hille, "Saint-Pierre", et Oskar Kokoschka, "le troubadour ou le géant". D’autres encore se firent totémiser de ces noms étranges venus d’autres planètes. Ses amis furent foison, parfois aussi amants, le plus souvent égaux et amis: Gottfried Ben, Georg Grosz, Karl Krauss, Murnau, Trakl, Werfel, Marc, Peter Hille, Kokoschka, Richard Dehmel, Alfred Döblin, Tristan Tzara, Gropius, Walter Benjamin, Martin Buber, mais la liste est longue, tant était foisonnante cette ville de Berlin sous son versant bohème, avec tous ces cafés où l’on refaisait l’art et le monde. Elle se promenait dans les rues de Berlin accoutrée en Prince de Thèbes. Elle a dit "si j’avais été un homme, j’aurais été homosexuel", car elle allait creuser la part féminine de ses amants au tréfonds d’eux-mêmes. Elle restera une pure hétérosexuelle, bien complexe toutefois avec son côté dominateur et homme. Là, à Berlin, se sont constitués alors les mouvements picturaux essentiels, der "Brücke" (1905-1913) et des "Blauen Reiter" (1911), l’expressionnisme, et le Bauhaus (1919), le mouvement Dada venant de Suisse avec Tzara (1918), et ce que l’on a désigné comme les "Berliner Secessionisten". Des peintres comme Oskar Kokoschka, Emil Nolde, Ludwig Meidner, August Macke, Paul Klee, Franz Emil Marc, Ernst Ludwig Kirchner, Karl Schmidt-Rottluff, Wassily Kandinsky, ont fait alors revivre les couleurs de la peinture et changer le cours de l’art. Ils figureront tous sur la liste des artistes dégénérés dressés par le nazisme. L'art contre les armes.   "Vois-tu mon amour, ma vie se perdre dans tes yeux. Jamais ne fut si profondément en toi, si profondément désarmée. Et parmi tes rêves ombreux mon cœur d’anémone boit le vent aux heures nocturnes, Et je chemine en fleurissant par les jardins paisibles de ta solitude". Cette poursuite du monde de l’invisible, du monde magique derrière le réel, l’intrusion des bêtes métaphysiques, la découverte réelle de l’âme humaine, avaient trouvé en Else sa théoricienne car cela, elle l’avait déjà intégré dans ses textes. Cette parole de Paul Klee résume la philosophie des mouvements: "L’art ne doit pas reproduire le visible, mais rendre visible l’invisible". Croqueuse sincère d’hommes, elle jouait d’eux et d’elle, et tombait pourtant amoureuse à chaque fois. Et elle écrivait des poèmes pour eux tous. Elle rayonnait alors auprès d’eux, tant l’immensité de ses dons, sa passion ardente, étaient éclatants. Elle sera donc la figure de proue de l’avant-garde de ce Berlin du début du vingtième siècle, avec sa bohème, ses cafés bohèmes où l’on réinventait le monde à venir. Ce ne fut pas le monde lumineux de Franz Marc ni le monde énigmatique des expressionnistes qui advint, ce fut la peste brune de Hitler. Elle l’avait pressentie et s’enfuit dés 1933. Élisabeth (Else) Schüler était née le onze février 1869 à Eberfeld, aujourd’hui Wuppertal, cadette de six enfants. L’ombre du père jovial et d’une mère difficile pèse sur elle. Fille rebelle, elle quitte à onze ans l’école qui l’ennuyait profondément. Maladive, feignant de l’être, elle poursuit ses études à la maison. À vingt-six ans, elle se marie avec un docteur Berthold Lasker bien plus âgé qu’elle. Ainsi elle prend ses distances avec sa famille de banquiers et elle peut enfin fuir la petite vie de province. Elle est enfin rendue à Berlin qui la fascine. Là elle suit des cours de peinture de Simon Goldberg et fonde un atelier. Elle va alors se lancer à corps perdu dans une vie de bohème. Elle rencontre peintres, musiciens, écrivains et devient vite le pivot d’une vie violente et exaltante dans cette nouvelle communauté. Avec la flamme noire et la passion d’une Marina Tsétaëva, toutes deux pas très jolies, elle embrase son milieu d’intellectuels excentriques. Un enfant, Paul, de père inconnu car Else n’en dira jamais le nom, lui naît le quatre août 1899, et son mari accepte alors de le reconnaître.   "La nature m'entoure de sa beauté et dans la nuit, tes yeux brillent. Je sais qu'il me faudra mourir bientôt et pourtant tous les arbres brillent après le baiser de juillet longtemps désiré, pâles deviennent tous mes rêves, jamais il n'y eut de fin plus triste dans mes livres de poèmes". Mais le couple est brisé et divorce en 1900, et Else poursuit seule sa vie de danse au-dessus des volcans. Elle est désormais sans ressources et ne survit que par l’aide de ses amis, dormant sur les bancs publics ou ceux des gares, squattant alors des chambres, mangeant rarement. Elle vivait de lectures, de mendicité auprès de ses amis, de performances et de conférences. En 1913, Karl Kraus lance un appel au secours dans sa revue célèbre "Der Fackel", pour la soutenir matériellement. Son œuvre est sa vie, et sa vie son œuvre. Poésie et vie ne faisaient qu’un pour elle, les gouffres qui toujours s’effondraient entre ces deux domaines et ne se laissaient point enjamber. Ceci faisait alors les douleurs et les confusions de son moi. Elle va se lier avec le cercle de poètes de Peter Hille et publia "Stryx", son premier recueil de poèmes très mal reçue par les critiques car trop étrange et énigmatique. Elle partagea bientôt l’existence de Herwarth Walden, Georg Levin de son vrai nom et se maria en 1901 avec lui. Il était éditeur de la revue expressionniste "Der Sturm" qu’elle va alimenter et fondateur de la galerie du même nom. Walden fit se rencontrer à Berlin toute l’avant-garde européenne et se fit l’éditeur de celle-ci. Une pièce de théâtre d’Else "Die Wupper" parle de cette période de basculement. En 1912, après avoir divorcé de Walden après deux ans de séparation, elle se lia avec Gottfried Benn. Mais le tournant de son œuvre vient du choc de la mort tragique le sept mai 1904 de son ami le plus intime, Peter Hille, qui fut aussi son mentor. Un courant mystique l’envahit désormais qui se traduira par l’écriture des ballades hébraïques et sa plongée profonde dans les contes orientaux. "Mon cœur" et sa transformation en "Prince de Thèbes" seront sa rédemption. En 1913, elle voyagera à Saint-Pétersbourg et Moscou. Quand la première guerre mondiale éclate, elle pressent la mise au tombeau de la culture européenne et farouche pacifiste, elle s’enfuit en Suisse où elle côtoie le mouvement dadaïste. En 1920 elle sort de l’anonymat avec la publication de six volumes de poèmes, des livres avec ses lithographies ("Thèbes"), et l’admiration du metteur en scène Max Reinhardt qui monte ses pièces, ses dessins sont exposés.    "Je suis l'ultime nuance de l'abandon, il n'y a plus rien après. Rien sauf ta beauté intemporelle. Tu me cueilles une fleur en guise de salut, et moi, je l'aimais déjà quand elle n'était que graine. Pourtant je sais qu'il me faudra mourir bientôt. Mon souffle plane sur les eaux du fleuve de Dieu, sans bruit je pose mon pied sur le chemin qui mène à la demeure éternelle". Elle est alors intronisée chef de l’expressionnisme. Mais au lieu de rentrer dans ce nouveau rôle, elle reste une clocharde refusant tout ordre établi. La mort de son fils Paul de tuberculose, en 1927, la foudroie et elle commence à se retirer du monde. Scandaleuse elle était pour tous, et les nazis la qualifièrent de "juive pornographique" et voulaient sa tête. Elle avait toujours su que la bête immonde viendrait la dévorer, alors elle émigra en Suisse à Zürich, en avril 1933. En 1932 elle avait reçu le grand prix de littérature Kleist. Sa nationalité allemande lui sera retirée en 1938. Berlin se changea peu à peu en Jérusalem, elle se replongea dans sa culture juive et biblique. Et après des allers retours en Palestine en 1934 et 1937, elle s’y fixa en 1939 à plus de soixante-dix ans. De l’holocauste subi par son peuple, passe des thèmes bibliques et l’exaltation du moi "Ich und ich". "Je vais au jardin de Gethsemani et prier pour vos enfants". La terre sainte ne fut pas à la hauteur de ses espérances, et là aussi pauvre et solitaire, elle survivait par la lecture, la première autorisée en juillet 1941 à soixante-douze ans, de ses poèmes et par une bourse d’un tout petit éditeur, Salman Schocken. Elle vivait au milieu d’illusions, de ses délires, elle écrivait des lettres folles à Goebbels, à Mussolini, pour sauver son peuple, de son immense solitude. L’ingratitude la blessa profondément. Ses appels incessants pour faire la paix entre arabes et juifs étaient fort mal reçus. Et quand elle allait alors dans les synagogues orthodoxes elle s’asseyait toujours parmi les hommes. Ses derniers textes, "Mon piano bleu" (1943) paru à moins de quatre cents exemplaires en tout et pour tout, et "je et je" ne fus pas compris du tout. Else Lasker-Schüler mourut d’une crise cardiaque le vingt-deux janvier 1945 au matin, et elle fut alors enterrée sur le mont des Oliviers.    "Quand le jour tombe, je revis en te contemplant dans la galaxie. En secret la nuit, je t'ai choisi entre toutes les étoiles. Et je suis éveillée, fleur attentive dans le feuillage qui bourdonne. Nos lèvres veulent faire du miel, nos nuits aux reflets scintillants sont écloses. À l'éclat bienheureux de ton corps, mon cœur allume la flamme embrasant le ciel, tous mes rêves sont suspendus à ton or, je t'ai choisi parmi toutes les étoiles". Comment se meut la poésie d’Else Lasker-Schüler ? Elle parle surtout d’atmosphères, de lune, de bougies, d’amour qui ne vient pas ou qui ne comprend pas. La nuit est omniprésente, les lettres envoyées ou reçues sont là reprises, des dessins aussi. Le silence et la nervosité extrême aussi. Le café semble imbibé ses ratures et ses écritures. Tous les contes bibliques et ceux de l’Orient sont près d’elle et lâchent leurs démons. Les mots sont réduits à l’essentiel, à leur dureté, pour capter alors correctement les instants de vie, donc ses poèmes. Le souvenir des amis, des tableaux, poussent leurs stridences en elle. Les amants sont penchés sur elle, surtout ceux qui ont fui. L’obsession de quelques mots est toujours au bout de son crayon: lune, bleu, âme, pleurs, douleur, vie, mort qu’il faut consoler, étreinte et baisers, étoiles, frontières perdues, cœur, sang, ange, douceur, monde. Sans arrêt ces mots reviennent et se mélangent sans souci de faire de belles métaphores. Else n’est pas un livre d’images, mais un livre de vie. 'Le prince de Thèbes'" voyait plus loin que tous. Plus qu’un peintre, un poète, un dramaturge, elle fut la première à réaliser ce que l’on appelle ainsi aujourd’hui des performances, mêlant les arts, dansant sur ses textes en s’accompagnant de clochettes, et parlant une langue inventée, la langue de l’origine. Elle fut méprisée, accusé de grossièreté, on riait d’elle, de ses chaussures bizarres de ses chapeaux de mauvais goût, mais on l’admirait aussi passionnément. Elle ne savait ni vivre ni mourir, mais vociférer sans raison et tendre vers la dure vérité au travers des mensonges. Personne ou presque ne l’écoutait.    "À l'ombre de tes rêves, la nuit venue, mon cœur d'anémone s'abreuve de vent. Mais tu ne vins jamais avec le soir, j'étais assise en manteau d'étoiles. Quand on frappait à ma porte, c'était le bruit de mon propre cœur. Maintenant le voilà suspendu à tous les montants de porte, à la tienne aussi". Elle reste cet être tout à fait énigmatique et tragique qui réalisa alors sans doute le mieux cette fusion entre la judaïté et la source allemande expressionniste. Ce conflit de ses deux racines l’aura écartelé. Elle était "le Prince de Thèbes" exilé sur cette terre. On pourrait dire qu’Else Lasker-Schüler vécut comme une Allemande à Jérusalem. Le cas tient du paradoxe en ce sens que Else Lasker-Schüler avait vécu comme une Orientale à Berlin, se faisant appeler Prince Youssouf, prétendant être née à Thèbes en Égypte et déambulant, vêtue de pantalons bouffants, un poignard à la ceinture. Son écriture témoignait également de sa fascination pour un Orient mythique, mais aussi pour l’histoire et la terre du peuple hébreu comme le reflète le titre du recueil "Ballades hébraïques". Toutefois, comme chacun sait, il y a souvent loin de l’imagination à la réalité, et pour Else Lasker-Schüler le choc fut rude. Il faut dire à la décharge de l’écrivain qu’elle n’avait pas choisi de s’installer en Palestine mais fut plutôt victime d’un fâcheux concours de circonstances. Else Lasker-Schüler, que ses origines juives mettaient en péril, décida en 1933 de quitter ­l’Allemagne pour la Suisse. C’est au cours de cet exil de six ans qu’à l’invitation d’un couple de mécènes, elle se rendit pour la première fois en 1934 dans cette Terre promise où la conduisait depuis toujours son imagination poétique. Le premier voyage fut un émerveillement. E. Lasker-Schüler avait le sentiment de voir renaître un pays où couleraient bientôt le lait et le miel. Elle avait choisi de fermer les yeux sur les réalités les plus dérangeantes pour rédiger à son retour "Le pays des Hébreux", et en faire un hymne à la terre d’Israël. Malgré l’enthousiasme, Else Lasker-Schüler était en effet rentrée à Zurich car elle avait compris au cours de ce voyage qu’elle était avant tout européenne dans l’âme, qu’elle avait besoin des théâtres, des cinémas, de la presse et de toute cette vie intellectuelle que la Palestine d’alors ne pouvait lui offrir. Au cours d’un second voyage en 1937, le rêve avait commencé de se fissurer. Else Lasker-Schüler avait été agacée par le vacarme des rues de Jérusalem et davantage encore par la plus totale indifférence des autorités culturelles sionistes à sa personne.    "Et je traverse, florissante, les jardins de ta paisible solitude. Rose de feu qui s'éteint entre les fougères dans le brun d'une guirlande. Je fis pour toi le ciel couleur de mûre avec le sang de mon cœur. Mais tu ne vins jamais avec le soir, je t'attendais, debout, chaussée de souliers d'or". Elle accepta pourtant la proposition d’un troisième voyage en 1939 qui s’avéra être un voyage sans retour puisque, en raison de l’imminence de la guerre, l’écrivain n’obtint pas l’autorisation de regagner la Suisse. C’est donc une femme fatiguée, à la santé chancelante et éprouvée par la vie, qui s’installa alors contre son gré en 1939 à Jérusalem. Très vite, Else Lasker-Schüler prit en grippe le lieu de son nouveau séjour. Elle se plaignit des rigueurs du climat, de la rudesse des mœurs, de l’inconfort de son logement, de la pauvreté de la vie culturelle et de la misère qui l’environnait dans les rues de Jérusalem. C’est ainsi que le pays qui lui avait inspiré tant de livres depuis les Ballades hébraïques jusqu’au Pays des Hébreux devint son dernier rêve brisé. Elle trouva donc refuge dans la culture allemande et, au lieu de s’ouvrir à son pays d’accueil qui possédait déjà une vie littéraire non négligeable grâce à l’immigration d’écrivains venus d’Europe de l’Est comme Gershon Schofmann ou Samuel Yosef Agnon, elle décida de continuer à mener à Jérusalem la vie d’une femme de lettres allemande. Malgré sa vue qui déclinait et un bras endolori par l’arthrose, celle qui n’avait vécu que par et pour l’écriture, décida de réunir autour d’elle dans un cercle littéraire germanophone ses compagnons d’infortune. Le cercle fut baptisé "Der Kraal". Le plus souvent, les réunions du Kraal prenaient la forme de soirées littéraires au cours desquelles Else Lasker-Schüler et ses invités lisaient alors à l’intention du public des extraits de leurs œuvres. Else Lasker-Schüler avait un temps envisagé de recevoir le public et ses invités dans sa chambre mais l’idée manquait par trop de réalisme. Comme les autorités culturelles sionistes ne souhaitaient pas offrir une tribune à des intellectuels allemands, Elle dut alors faire du porte-à-porte.    "Toujours, toujours j'ai voulu te dire tant d'amour. Il tombera un grand astre dans mon sein, nous veillerons la nuit, et prierons en des langues, sculptées comme des harpes. La nuit nous nous réconcilierons, tant que Dieu nous inonde. Nos cœurs sont des enfants, qui, pleins d’une douce langueur, voudraient reposer". Si Else Lasker-Schüler semble ne s’être jamais vraiment réconciliée avec sa terre d’accueil et trouva jusqu’au bout des mots très durs pour parler de Jérusalem et de ses habitants, on ne peut pas dire pour autant que ces années en Palestine furent un échec. Ce serait méconnaître la sublimation littéraire de l’épreuve. Le recueil "Mon piano bleu", publié en 1943 apparaît ainsi comme une variation poétique sur le thème de l’exil. Au-delà de Jérusalem, dans ce recueil, c’est le monde lui-même qui apparaît comme le lieu de l’exil. Il n’existe nulle part sur cette terre de havre de paix, il n’y a pas de terre d’asile, d’où la nécessité de porter son regard plus loin. Au terme d’un long chemin, Else Lasker-Schüler était parvenue à la conclusion que le paradis qu’elle cherchait depuis toujours n’était pas de ce monde. La foi lui apparaissait désormais comme l’unique chemin conduisant au salut, d’où la tonalité profondément religieuse de ce dernier recueil dans lequel la poétesse supplie Dieu de l’arracher à son exil terrestre. Ceux qui ont connu l’écrivain dans ses dernières années parlent de ses absences, de ses monologues étranges avec des créatures invisibles. Il semble, en effet, qu’elle n’était déjà plus de ce monde, qu’elle ne l’habitait plus que physiquement, en pensées elle était déjà ailleurs. Nul doute que nombreux furent les juifs immigrés qui se sentirent déracinés voire en exil en terre d’Israël, mais rares furent ceux qui eurent le courage de l’écrire. Elle est devenue une légende passée un jour près de nous.   "Nous scellerons le jour dans le calice de la nuit, je suis sans attache, partout il y a un mot de moi.car j'ai toujours été le prince de Thèbes. Et nos lèvres veulent se trouver, pourquoi hésites-tu ? Mon cœur n’est-il pas proche du tien, ton sang me rougissait toujours les joues. La nuit nous nous réconcilierons, si nous nous caressons, nous ne mourrons pas". Son grand-père était un grand rabbin vénéré, ses parents des juifs parfaitement assimilés, elle sera la folle égérie d’un Berlin d’entre les guerres où se construisait la nouvelle modernité. Recluse encore plus misérable à Jérusalem, elle détestait tout ce que l’on avait écrit sur elle et ne rêvait que de revoir Berlin, comme avant. Elle que personne n’invitait plus rêvait ceci: "Dieu vint et me dit je t’invite. J’étais assise autour d’une table immense, à côté se tenait l’ange Gabriel et il me tendit un rôti de la main de ma mère. C’était à peu près le plumpouding, que nous mangions à la maison". Else avait un mysticisme intérieur qu’elle projetait sur les gens aimés et aussi sur la mort. Son art aura fusionné l’expérience juive et la haute culture allemande, l’émancipation féminine jusqu’à la provocation, la mutation du monde avec son individualisme forcené. Cette étrange étoile fit le passage de Berlin à Jérusalem où elle finit sa vie, refusant toute traduction de ses textes en hébreu: "Mes poèmes sont assez juifs en allemand" et ayant une attitude libre envers la religion, scandalisant ainsi jusqu’à son dernier souffle. Elle ne parlait ni le yiddish, ni l’hébreu car pour elle le sens des prières n’avait pas besoin de compréhension. Très belle étoile filante, Else a apporté à la poésie son sens des images son baroque expressionniste. Ses dessins étranges, ses lettres exaltées, ses poèmes surprenants et profonds entre rêves fous et angoisses laissent une trace inaltérable. Cette rebelle absolue contre tout ordre bourgeois ou matrimonial est une épée flamboyante dans la chair du siècle. Cette énergie volcanique a marqué au fer rouge son temps et les hommes qu’elle a calcinés. Else fut cette clocharde céleste qui à Berlin se cachait sous les balcons pour que ses parents au ciel ne la voient pas dans sa misère. Elle n’aura pas raté sa vie. Le scandale, c’était les autres qui ne l’ont pas comprise. Pauvre, elle fut, émancipée. Petite étoile et grande comète, elle continue de déambuler en nous avec ses vêtements orientaux. Elle croyait fortement à la force des mots et elle avait aboli toute frontière entre réalité et visions. Briseuse de tabous, elle aura cassé le tabou du monde réel. Le sérail de ses rêves et de sa poésie sont nos oasis. Belle et obscure reste sa poésie. "Mes poèmes sont impersonnels, ils doivent toujours inspirer les autres. Je sais que je vais bientôt mourir. Je suis l'ultime nuance de l'abandon, il n'y a plus rien après".    Bibliographie et références:   - Franz Baumer, "Else Lasker-Schüler" - Sigrid Bauschinger, "Else Lasker-Schüler" - Paul Cassirer, "Le Prince de Thèbes" - Benoît Pivert, "Terre d'exil, terre de renaissance" - Itta Shedletzky, "Else Lasker-Schüler" - Paul Tischler, "Else Lasker-Schüler" - Walter Fähnders, "Else Lasker-Schüler" - Iris Hermann, "Else Lasker-Schülers" - Erika Klüsener, "Else Lasker-Schülers" - Friedrich Pfäfflin, "Else Lasker-Schüler" - Margarete Kupper, "Else Lasker-Schüler" - Caroline Tudyka, "L'exil d'Else Lasker-Schüler"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 30/04/24
Je m'endors, mes dernières pensées vont vers mon Maître, je me réveille il en est de même. La nuit, je rêve de la vie qu'il me fait découvrir, et le jour je voudrais le satisfaire tout le temps. Cela pourrait être perçu comme de l'obsession.. en est-ce? Ou simplement l'excitation d'une rencontre aux saveurs inconnues, grisantes ? Prise de conscience de quelque chose de tellement complexe et en même temps si simple. Les règles sont prédéfinies, tout est clair dès le début. Pas de questions interminables concernant les sentiments. Respect et dévotion. 2 mots qui donnent le tempo, 2 mots qui suffisent à évaluer l'état de la relation. Alors que les lettres SM inspirent crainte et méfiance au 1er abord, il s'agit plus de sécurité et de limites infranchissables. Je  me suis déjà sentie bien moins respectée dans des relations vanille avec des hommes soit-disant attachés à moi. L'attachement. Ou privation de liberté non consentie, inconsciente. L'attachement qui incite à aliener l'autre pour assouvir son propre besoin de sécurité ; pour remplir son vide intérieur. L'attachement que l'on confond avec l'Amour alors qu'il nous en éloigne. Amour de soi, amour des autres. Fusion/confusion. "J'attends de toi que tu viennes combler mon manque, cicatriser mes blessures, le jour où tu ne remplis plus ce rôle, la relation se déchire. Viens me soigner, à tout prix. J'ai tellement besoin d'être sauvé que je peux bafouer tes propres besoins, tes valeurs,  involontairement, en te criant que je t'aime, en y croyant profondément." Ici plus d'attachement. Relation qui invite à aller explorer ses propres limites. Relation qui expose les blessures au grand jour. Plus d'autre choix que d'aller à leur rencontre. Personne pour y poser un pansement. Juste Soi, et sa propre conscience. Les ressentis sont exacerbés. Les traumas reviennent en force. Prétérisation. C'est depuis le présent de l'adulte que je suis que j'observe mon passé. Avec un regard nouveau, sous un angle nouveau. Le regard de la soumission, qui invite à lâcher prise, à changer le référentiel en place. Sortir de la dualité pour aller explorer les nuances. Les notions de bien et de mal sautent. Tout comme le jugement. Lâcher prise. Lâcher prise et explorer : limites, douleur, passé. Accompagnée par ces 2 mots : respect et dévotion. Exploitation de la force intérieure, pour dépasser. Dépasser la douleur du présent et affronter celle du passé. Force pour accepter de se guérir, sans chercher refuge chez un autre que soi-même. Se peut-il que domination / soumission soit une forme de relation plus honnête, plus claire, plus transparente qu'une relation vanille ? Peut-être suis-je juste entrain de trouver une excuse pour valider cette expérience. Si tel est le cas, est-ce grave? Suis je entrain de me mentir face à une situation parfaitement malsaine ? Ou est-ce que je réussis enfin à mettre du sens sur une expérience en sortant du jugement et de la dualité? Le jugement. Valeur humaine, qui n'existe que sur notre plan d'existence. Au niveau de l'âme, il n'y a ni bien, ni mal. Il n'y a que des expériences sources d'évolution. C'est pour cela que je cherche à mettre du sens dans mes actes. Pour cela que je tiens absolument à en mettre dans cette relation. Pour pouvoir plus facilement sortir du jugement. Pour pouvoir réduire ce vécu à ce qu'il est : une expérience. Qui dit expérience, dit observation des résultats. Expérimenter, ressentir, éprouver, exprimer. Sans jugement. Libéré des contraintes d'une relation sans règle pré-definie. Libéré de l'attachement. Relation dans laquelle cette notion d'attachement est clairement exposée et limitée dans ses contours. Comme un filet de sécurité. Combien de fois ai-je dit que je ne voulais plus de libre arbitre ! Que les guides et l'univers n'avaient qu'à se démerder, me mettre en pilote automatique et m'amener directement vers ma mission d'âme. Alors aujourd'hui, je ne sais pas si je suis ma mission d'âme, mais entout cas je n'ai plus de libre arbitre dans le cadre de cette relation. Encore une preuve qu'il faut vraiment faire attention à ce que l'on demande ! Ce n'était pas tout à fait ce à quoi je pensais. Mais après tout. Peut-être est-ce la meilleure voie pour moi pour réussir à lâcher prise, à lâcher mon libre arbitre. Peut être qu'avant de me mettre au service des guides et de mon âme je dois me mettre au service de mon Maître. Peut être ai-je besoin de cela pour prendre la mesure de ce que signifie réellement servir. Sans doute l'engagement est-il moins lourd de conséquences. Je commence à percevoir le sens de la danse...  
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Par : le 30/04/24
"La vie est une côte. Tant qu'on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux mais, lorsqu'on arrive en haut, on aperçoit tout d'un coup la descente, et la fin, qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. À votre âge, on est joyeux. On espère tant de choses, qui n'arrivent jamais d'ailleurs. Au mien, on n'attend plus rien que la mort". "Il a le faciès d'un petit taureau breton", disait de lui Flaubert. Il en avait la force en tout cas, les épaules, le regard fier. Comme lui, il n'a vécu que pour créer. Il n'a pas aimé une femme, mais toutes les femmes, et avant tout sa mère. Il a été formé par la femme, a vécu d'elle et pour elle, a été poussé à la célébrité par des milliers de lectrices bourgeoises, genre nouveau qui apparut en France vers 1848. Disgrâce suprême enfin, il est mort de la femme sans avoir réellement cru en elle. La Manche brasse ses galets, détrempe le pays de Caux, province de craie et d’aquarelle. Celles de Gustave de Maupassant révèlent un tempérament d’artiste qui trompa vite ses espérances, à défaut d’un génie qui échoit à son fils. Guy de Maupassant naît le cinq août 1850 en Normandie, sans qu’on sache encore si ce fut à Fécamp, au Bout-Menteux, ou au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arque, ou enfin à Sotteville, près d’Yvetot. Laure, sa mère, cavalière émérite, férue de littérature, fume des cigarettes qui n’apaisent pas ses nerfs délicats, passe pour une excentrique, de grèves en pommeraies, bref ne semble pas être n’importe qui et ne saurait se résoudre à vivre n’importe où. Elle voulait une particule, une demeure imposante où poser son berceau, la voilà servie. Le soleil chauffe la pierre grise et les briques roses du château, détache sur fond d’azur les feuilles des hêtres qui bordent l’allée quand Guy pousse ses premiers cris, à huit heures du matin. Dans la chambre ronde baignée de lumière, le docteur Guiton s’empare du nouveau-né, le place alors entre ses genoux puis commence à lui pétrir le crâne avant de déclarer à la jeune accouchée dont les grands yeux bleus le considèrent:"Vous voyez, madame, je lui ai fait la tête ronde comme une pomme qui, soyez sûre, donnera plus tard un cerveau très actif, et sûrement une intelligence de premier ordre". En attendant de mûrir, Guy, ondoyé, baptisé, n’égaie pas longtemps le bonheur de seconde zone où s’enlisent ses parents. Lorsqu'ils décidèrent de se séparer à l'amiable, alors qu'il était encore tout enfant, c'est à sa mère que Guy, avec son jeune frère Hervé, fut confié, et c'est sa mère qui veilla, un peu jalousement, sur sa première éducation. Elle avait été la compagne de jeux de Gustave Flaubert et la sœur de cet Albert Le Poittevin, jeune poète très tôt disparu, qui lui avait donné une passion des lettres qu'à son tour elle transmit à son fils, dont elle facilita de son mieux la vocation littéraire. Dans sa propriété des Verguies, à Étretat, où elle s'était retirée et où Maupassant passa son enfance, elle dirigea minutieusement ses premières lectures, lui révélant en particulier William Shakespeare. Mais, pour tout le reste, elle lui laissa la plus grande liberté, et les premières années de l'écrivain, qui était doué d'une vigueur physique remarquable, furent certainement les plus heureuses et même les seules vraiment heureuses de sa vie. Sans contrainte, seul ou en compagnie d'une mère indulgente pour toutes ses fantaisies, il courait à travers les champs, faisait de longues promenades sur les falaises ou en mer, dans les barques de pêcheurs, et c'est dès cette époque qu'il acquit cette connaissance directe et profonde du pays et du peuple normands qu'on retrouvera dans tant de ses nouvelles. C'est au cours de ces promenades qu'il croise avec chance et intérêt le peintre Jean-Baptiste Camille Corot et rencontre pour la première fois Claude Monet.   "Je n’attends rien, je n’espère rien. Je vous aime. Quoi que vous fassiez, je vous le répéterai si souvent, avec tant de force et d’ardeur, que vous finirez bien par le comprendre. Je veux faire pénétrer en vous ma tendresse, vous la verser dans l’âme, mot par mot, heure par heure, jour par jour, de sorte qu’enfin elle vous imprègne comme une liqueur tombée goutte à goutte, qu’elle vous adoucisse, vous amollisse, vous force, plus tard, à me répondre: Moi aussi je vous aime". Lorsque son fils eut treize ans, Madame de Maupassant se résigna cependant à le placer comme pensionnaire au séminaire d'Yvetot. Guy y travailla fort peu. Il s'y sentit isolé, froissé par des camarades grossiers. L'internat lui était insupportable et plus encore les manières ecclésiastiques, qui lui donnèrent un dégoût de la religion qu'il devait garder toute sa vie. Sa seule consolation était d'écrire des vers. Certains d'entre eux, qui raillaient ses maîtres, furent un jours aisis par le directeur du séminaire, et le jeune homme, renvoyé, dut entrer, toujours comme pensionnaire, au lycée de Rouen, où il se montra assez brillant élève et passa aisément son baccalauréat. Il y a pour professeur de littérature le philologue Alexandre Héron. À cette époque, il côtoie alors Louis Bouilhet et surtout Gustave Flaubert, dont il devient le disciple. En 1868, en vacances à Étretat, il sauve de la noyade le poète anglais Charles Algernon Swinburne qui l'invite à dîner dans sa chaumière de Dolmancé en remerciement pour son courage. Mais, ce qu'il voit lors de ce repas l'effraie. Une tête de mort dans une coquille rose sur une table, des tableaux étranges, une guenon habillée, la main écorchée et momifiée d'un supplicié. Maupassant comprend, au bout de trois visites, les mœurs de la maison. Il en tirera la nouvelle "La Main d'écorché", qu'il modifie, publie en 1883 sous le titre de "La Main". Bachelier ès lettres en 1869, il part étudier le droit à Paris sur le conseil de sa mère et de Flaubert. La guerre qui s'annonce va contrarier ces plans. Ayant à peine 20 ans, Guy de Maupassant s’enrôle comme volontaire pour la guerre franco-prussienne. Affecté d’abord dans les services d’intendance puis dans l’artillerie, il participe à la retraite des armées normandes devant l’avancée allemande. Après la guerre, il paie un remplaçant pour achever à sa place son service militaire et il quitte Rouen pour s'installer durablement à Paris. Si les balles prussiennes ne l’ont pas tué, le ministère pourrait bien avoir sa peau. Maupassant tourne comme un lion en cage dans cet univers confiné, que régissent les chefs et les sous-chefs, que baigne une lumière d’aquarium. Tout ça sent mauvais. Sent la sueur, les vieux papiers, les vieux garçons. Son emploi dans la bibliothèque du ministère de la marine et des colonies le fait vivre, mais à quel prix, et d’ailleurs pas tout de suite. Il n’y a pas de poste vacant et Maupassant commence par travailler sans percevoir de salaire, en mars 1872, vivotant avec les cent dix francs par mois que lui donne son père. L’attaché à la bibliothèque est du moins dans la place, et le dix-sept octobre, il est nommé surnuméraire en titre à la direction du personnel, au bureau des équipages et de la flotte. Cette position lui offre une sécurité nouvelle et lui promet des appointements modestes, que cependant il doit encore attendre. Aussi réclame-t-il à son père de l’aider une fois de plus, pour payer son chauffage. Gustave lui refuse les cinq francs dont il a besoin, une violente dispute éclate entre les deux hommes un samedi matin. Guy se précipite alors dans sa chambre, prend la plume et raconte en détail l’incident à sa mère.   "Le peuple est un troupeau imbécile, tantôt stupidement patient et tantôt férocement révolté. On lui dit: "amuse-toi". Il s’amuse. On lui dit: "Vote pour l’Empereur". Il vote pour l’Empereur. Puis, on lui dit: "Vote pour la République. Et il votepour la République. Ceux qui le dirigent sont sots, mais au lieu d’obéir à des hommes, ils obéissent à des principes, c’est-à-dire des idées réputées certaines et immuables, en ce monde où l’on n’est sûr de rien, puisque la lumière est une illusion, puisque le bruit est une illusion". Vigoureux, en pleine santé, très gai, adorant les farces, ne donnant encore aucun signe de la maladie nerveuse qui devait l'emporter prématurément, il se jetait alors avec gourmandise sur tous les plaisirs de la capitale. Sa passion principale, c'est toutefois le canotage sur les bords de la Seine, en compagnie de joyeux camarades et de demoiselles peu farouches, parties hebdomadaires que rien n'aurait pu lui faire sacrifier et dont on retrouvera l'atmosphère dans la nouvelle intitulée "Mouche". Il va à Bezons, Argenteuil, Chatou, Bougival et le plus souvent se rend à l’auberge Poulin, à la "Maison Fournaise" et à "La Grenouillère", un radeau-établissementde bains située face à Croissy-sur-Seine. En compagnie de ses quatre amis, Henri Brainne, Léon Fontaine, Albert de Joinville, et le peintre Robert Pinchon, Maupassant forme une joyeuse confrérie, et emmène en promenade des filles dociles sur la yole achetée en commun et baptisée "Feuille de rose'". Lui se fait alors appeler "Maistre Joseph Prunier, canoteur ès eaux de Bezons et lieux circonvoisins". Auparavant, fin janvier 1877, le romancier russe Tourgueniev le rencontre et le trouve usé et vieilli, bien qu'il n'aura que vingt-sept ans en août. Le diagnostic tombe: syphilis. Cette maladie, il en mourra, ne cessera d'empoisonner l'existence du jeune homme, même s'il s'en gausse alors dans une lettre écrite le deux mars 1877 à son ami Pinchon: "Tu ne devineras jamais la merveilleuse découverte que mon médecin vient de faire en moi, la vérole. J'ai la vérole, la vraie, pas la misérable chaude-pisse, pas l'ecclésiastique christalline, pas les bourgeoises crêtes de coq, les légumineux choux fleurs, non, non, la grande vérole, celle dont est mort le roi, François Ier. Et j'en suis fier, Alléluia, j'ai la vérole, par conséquent, je n'ai plus peur de l'attraper !" En mars 1877, Maupassant prend un traitement à base d’arsenic et d’iodure de potassium. Mais cela lui occasionne des troubles digestifs. Il doit l’arrêter. Ladreit de la Charrière, médecin au ministère de la marine, l’envoie alors faire une cure d’eaux sulfatées. En 1877 toujours, Guy Maupassant se plaint à Tourgueniev de perdre ses cheveux par poignées,ce qui est le signe d'une syphilis secondaire. Il se plaint également, de migraines tenaces qui lui broient la tête et quil’empêchent de lire plus d’une heure de suite. Une autre activité de Maupassant est la chasse. Il ne la manquera que rarement dosant la poudre de ses cartouches et sélectionnant ses chiens d'arrêt. L'activité cynégétique de l'auteur est surtout présente dans l'imaginaire des contes. Aux antipodes des écrivains ou des philosophes qui affirment la supériorité de l'homme sur le règne naturel, l'animal Guy de Maupassant, "machine à sentir et à jouir", s'abandonne littéralement aux rythmes de la nature qui le traverse et qui le constitue. "Avec les femmes, c'est un lapin, quand vient la nuit, il devient chouette, quand il écrit, c'est un caméléon", selon Zola. Loin des bons sentiments religieux, loin de l'emphase romantique, il préfère la vraie bassesse à la fausse grandeur, l'individu au groupe, la précision aux fioritures.   "Ce que l'on aime avec violence finit toujours par vous tuer. On finirait par devenir fou, ou par mourir, si on ne pouvait pas pleurer. On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts. Le silence de la nuit est le lac le plus profond de la terre". Il travaillait aussi, pourtant. Non pas dans le bureau du ministère, mais auprès de Flaubert, auquel sa mère l'avait confié et qui, de 1873 à 1880, veillera alors avec le plus grand soin sur les années d'apprentissage du jeune écrivain, lui conseillant telle ou telle lecture, l'exhortant à tout sacrifier à la seule cause de l'art, lisant et corrigeant ses premiers manuscrits, le prenant même pour collaborateur, puisqu'il le chargea de diverses recherches nécessitées alors par la rédaction de "Bouvard et Pécuchet". Flaubert imposa à Maupassant les minutieuses exigences de l'esthétique réaliste. Il lui apprit à regarder le monde, à s'exercer à la description précise, à rechercher patiemment l'exactitude du détail vécu. C'est encore lui qui introduisit Maupassant dans la société littéraire de l'époque, qui lui fit ainsi connaître Alphonse Daudet, Joris-Karl Huysmans, Émile Zola, Ivan Tourgueniev, et le présenta également à la princesse Mathilde Bonaparte. Grâce à cette protection et à ces amitiés, Maupassant commença à collaborer à divers journaux: "Le Gaulois" et "Gil Blas" notamment. Cette activité de chroniqueur fut extrêmement importante. Maupassant n'a pas écrit moins de trois volumes de chroniques sur les sujets les plus divers: littérature, vie sociale, événements politiques. Ses écrits sur l'Algérie sont d'une grande perspicacité. Certaines des idées agitées dans ces pages furent assez souvent reprises dans les contes ou les romans, de sorte qu'on a pu dire à juste titre qu'elles constituaient un réel "laboratoire d'écriture".Cette expérience de la vie des salles de rédaction, il en tira profit dans "Bel-Ami" (1885). À cette époque, il pensait avoir une vocation de poète, dans laquelle Flaubert l'encourageait d'ailleurs, et les nombreux vers qu'il composa de 1872 à 1880 lui fournirent la matière de son premier livre, "Des vers" (1880), qui s'ouvre sur une fervente dédicace au maître de Croisset. Cette œuvre, délaissée en dehors de quelques morceaux d'anthologie ("Nuit de neige"), mérite cependant l'attention. Maupassant y apparaît comme l'un des rares, sinon le seul, représentant du naturalisme en poésie. En même temps, il se livrait à des essais de théâtre, représentés en privé dans sa propriété d'Étretat ou dans des salons parisiens amis. Même si ses œuvres, "La Paix du ménage", "Musotte", "Une répétition", "Histoire du temps" n'ont pas toujours rencontré le succès escompté, Maupassant a, sa vie durant, gardé un faible pour le genre dramatique. L'adaptation théâtrale, cinématographique ou audiovisuelle de plusieurs de ses nouvelles le prouve. Ce n'est guère que vers 1875 qu'il s'orienta vers la nouvelle. Il travailla d'abord pendant quelque temps à un roman historique, qui fut abandonné, puis, pendant l'été de 1879, au cours d'une réunion chez Maupassant, fut alors décidée la publication du fameux recueil des"Soirées de Médan" (1880), auquel il apporta sa nouvelle "Boule de Suif". Le grand succès de cette œuvre le décida à se mettre en congé du ministère, qu'il ne quittera officiellement, avec un soulagement immense, qu'en 1882, et, dèslors, jusqu'au moment où la maladie ne lui laissera plus de répit, il n'allait plus vivre que pour la rédaction de ses livres.   "Le baiser frappe comme la foudre, l’amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu’avant. Se souvient-on d’un nuage ? L'œil. En lui, il y a l'âme, il y a l'homme qui pense, l'homme qui aime, l'homme qui rit, l'homme qui meurt, la conquête des femmes est la seule aventure exaltante dans la vie d’un homme". Devenu très rapidement un écrivain à la mode, il se vit alors sollicité par les salons, mais il leur résista farouchement, car il y avait en lui un profond dégoût de la vie mondaine qui lui a inspiré son roman "Notre cœur" ( 1890). Son travail n'était pas distrait par les passions. Il eut des liaisons, courtes, nombreuses, mais il n'a jamais rencontré un autre amour que l'amour physique, ou du moins, s'il exista, comme c'est vraisemblable, lui et ses amis prirent grand soin d'en masquer l'existence. Il fut, comme l'a dit Edmond de Goncourt, un "véritable homme de lettres", mais dans le meilleur sens du mot, dans sa plus totale exigence. Il refusait la réclame facile, il cachait sa vie, allait même jusqu'à interdire qu'on publiât des portraits de lui, s'indignait lorsqu'il voyait livrées à la curiosité publique les correspondances privées des grands écrivains, et tenait qu'un artiste digne de ce nom ne doit compter pour s'imposer que sur son œuvre. Les horloges du ministère de l’Instruction indiquent trois heures et demie. C’est un samedi après-midi comme un autre rue de Grenelle, ce huit mai 1880. Guy de Maupassant vient de prendre connaissance du télégramme qui lui est adressé: "Flaubert, frappé d'apoplexie, sans espoir, partons, six heures, venez si possible". Signé Commanvile. Quand Maupassant arrive à Croisset avec les Commanville, Flaubert est mort. Il ne s’est pas vu partir. Il se réjouissait d’achever "Bouvard et Pécuchet", de prendre le train pour Paris le lendemain, plus que tout se réjouissait du succès de Maupassant. Son "chéri", son "fils" est accablé de chagrin. Il fait la toilette du mort, le coiffe, l’habille, le veille. L’enterrement a lieu le onze mai. C’est un mardi et il fait beau. Goncourt et Zola, Daudet et Charpentier sont venus. Commanville joue les vautours, songe à l’argent qu’on peut tirer des œuvres du défunt. La messe est dite dans l’église de Canteleu. Muni de son viatique pour l’au-delà, Flaubert descend dans la fosse au cimetière monumental de Rouen. Sous le soleil de la mi-journée, on distingue Catulle Mendès, Théodore de Banville, François Coppée, Céard, Hennique, Huysmans. Alexis Tourgueniev se trouve en Russie et Renan, malade, n’a pu faire le voyage. Hugo et Dumas n’ont pas ces excuses. L’inhumation pourrait être une page de Flaubert. Quatre fossoyeurs doivent agrandir le trou, trop petit pour le cercueil du grand homme. Laure, en Corse pour se refaire une santé, passe deux jours à pleurer. Celui qui ne craignait pas de le sermonner n'est plus: "Il faut, entendez-vous, jeune homme, il faut travailler plus que cela. J'arrive à vous soupçonner d'être légèrement caleux. Trop de putains, trop de canotage, trop d'exercice. Monsieur, le civilisé n'a pas tant besoin de locomotion que prétendent les médecins. Vous êtes né pour faire des vers, faites-en ! Tout le reste est vain, à commencer par vos plaisirs et votre santé. Foutez-vous cela dans la boule".   "La vie si courte, si longue, devient parfois insupportable. Elle se déroule, toujours pareille, avec la mort au bout. On ne peut ni l’arrêter, ni la changer, ni la comprendre. Et très souvent une révolte indignée vous saisit devant l’impuissance de notre effort. Quoi que nous fassions, nous mourrons. Quoi que nous croyions, quoi que nous pensions, quoi que nous tentions, nous mourrons". À cette occasion, il écrit un peu plus tard: "Ces coups-là nous meurtrissent l'esprit et y laissent une souffrance continue qui demeure en toutes nos pensées. Je sens en ce moment d'une façon aiguë l'inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des évènements et des choses et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui". Il resta fidèle avec intransigeance à l'éthique littéraire de son maître Gustave Flaubert, alors que commençait sa véritable carrière. Celle-ci fut alors d'une fécondité prodigieuse. En dix ans, de 1880 à 1890, Maupassant publia régulièrement trois, et parfois quatre et cinq volumes chaque année, au total six romans, seize volumes de nouvelles, livres de voyage et de très nombreux articles dans les journaux et les revues. Le sens des affaires joint à son talent lui apporte la richesse. Voyant le succès obtenu par "Boule de Suif", il avait immédiatement abandonné ses projets de poèmes et, puisant soit dans les souvenirs de son enfance normande, soit dans ses premières expériences de la vie parisienne, utilisant souvent avec une féroce exactitude des faits divers qui lui avaient été contés par des amis d'Étretat, d'Yvetot ou de Fécamp, il écrivit les huit nouvelles qui parurent en 1881 avec "La Maison Tellier". Le succès fut immense et, l'année suivante, Maupassant écrivait "Mademoiselle Fifi" (1882), inspirée comme "Boule de Suif" par la guerre de 1870. À l'inspiration normande, dominante chez Maupassant jusqu'à1885, se rattachent en particulier: "Une vie" (1883), qui fut son premier roman, "Les Contes de la bécasse" (1883), "Clair de lune" (1884), "Les Sœurs Rondoli" ( 1884) et "La Bête à Maît'Belhomme" ( 1886). Parmi son abondante production, dans ces années de maturité pendant lesquelles l'auteur jouissait encore de toute sa santé, il faut également citer: "Mon oncle Jules" (1884), "Miss Hariett", "Les Contes du jour et de la nuit" (1885), "Yvette" (1885), "Toine" (1885), "Bel-Ami"(1885), "Monsieur Parent" (1885), "La Petite Roque" (1886), "Pierre et Jean" (1888), ainsi que "La Main gauche" (1889).   "On naît, on grandit, on est heureux, on attend, puis on meurt. Adieu ! homme ou femme, tu ne reviendras point sur la terre. Et pourtant chacun porte en soi le désir fiévreux et irréalisable de l'éternité, chacun est une sorte d'univers dans l'univers, et chacun s'anéantit bientôt complètement dans le fumier des germes nouveaux". Maupassant était maintenant célèbre. Sans transiger en rien avec son idéal littéraire, il avait toujours pensé qu'il était juste que son œuvre lui apportât l'aisance et même la richesse. Il surveillait de très près ses droits d'auteur, les bénéfices de ses traductions, les chiffres de tirage des rééditions, et bientôt fut à la tête d'une des plus grandes fortunes du monde littéraire de l'époque. Toujours attiré par sa terre natale, il se fit construire à Étretat une jolie villa et venait très souvent en Normandie, soit pour travailler dans un isolement farouche, soit pour chasser. C'était chez lui une passion dont on trouve les échos dans "Les Contes dela bécasse". Poussé par un mystérieux besoin de fuite augmentant avec les années et où l'on peut voir un des premiers signes de sa maladie mentale, il entreprit également des voyages plus lointains en Corse (1880), en Algérie (1881), en Bretagne (1882), en Italie et en Sicile (1885), en Angleterre (1886), en Tunisie (1888), dont il rapporta de passionnantes impressions recueillies dans les volumes intitulés "Au soleil" (1884), "Sur l'eau" (1888) et" La Vie errante" (1890). Enfin, un séjour en Auvergne, à l'occasion d'une cure, pendant l'été 1885, lui donna le cadre de son roman "Mont-Oriol" (1887). En 1884, il vit alors une liaison avec la comtesse Emmanuela Potocka, une mondaine riche, belle et spirituelle. Il fait une croisière sur son yacht privé, nommé "Bel-Ami", d’après son roman de 1885. Cette croisière, où il passe par Cannes, Agay, Saint-Raphaël et Saint-Tropez lui inspire "Sur l'eau". Il y aura également un "Bel-Ami II" à bord duquel il visite alors la côte italienne, la Sicile, navigue d'Alger à Tunis puis vers Kairouan. Il retrace son périple dans "La Vie errante". Une plaque, toujours existante, apposée sur le môle, par les amis de l'auteur commémore le court séjour de Maupassant à Portofino. L'écrivain jette alors ses dernières forces dans l'écriture. En mars 1888, il entame la rédaction de "Fort comme la mort" qui sera publié en 1889. Le titre de l'œuvre est tiré du Cantique des cantiques: "L’amour est fort comme la mort, et la jalousie est dure comme le sépulcre". Le soir du six mars 1889, Maupassant dine chez la princesse Mathilde. Il y croise le docteur Blanche ainsi qu'Edmond de Goncourt, leurs rapports restent distants. En août 1889, Hervé de Maupassant est de nouveau interné à l'asile de Lyon-Bron. La vie de Maupassant est toujours plus handicapée par ses troubles visuels. Durant ses dernières années, se développent alors en lui un amour exagéré pour la solitude, un instinct de conservation maladif, une crainte constante de la mort et une certaine paranoïa, dus à une probable prédisposition familiale, sa mère étant dépressive et son frère mort fou, mais surtout à la syphilis, contractée pendant ses jeunes années. Maupassant se porte de plus en plus mal, son état physique et mental ne cesse de se dégrader, et ses nombreuses consultations et cures à Plombières-les-Bains, Aix-les-Bains ou Gérardmer n'y changent rien. Après avoir caressé quelques espoirs de guérison, Guy de Maupassant, vers la fin de l'année 1891, se rendit compte qu'il allait inéluctablement vers la folie. Dans la nuit du premier au deux janvier 1892, après avoir rendu visite à sa mère établie à Nice depuis plusieurs années, il s'ouvrit la gorge avec un coupe-papier en métal, mais ne se fit alors qu'une blessure sans gravité. Laure de Maupassant consulta le psychiatre Émile Blanche, qui jugea nécessaire de faire rapatrier l’écrivain à Paris pour l’interner, à Passy.   "L'âme a la couleur du regard. L'âme bleue seule porte en elle du rêve, elle a pris son azur aux flots et à l'espace. Le voyage est une espèce de porte par où l'on sort de la réalité comme pour pénétrer dans la réalité inexplorée qui semble un rêve. On pleure les illusions avec autant de tristesse que les morts". La clinique du docteur Blanche, établissement de grand renom, est située au dix-sept, rue Berton, dans l’ancien hôtel particulier de la princesse de Lamballe, à Passy. Dans la rue, des journalistes attendent, font le siège pour savoir ce qu’est devenu Maupassant, ce romancier célèbre jusqu’en Russie. C’est une rue pavée, paisible, au charme provincial. De l’autre côté se trouve une des entrées de la maison où vécut Balzac, qui mourut treize jours après la naissance d’un petit garçon pourvu d’une tête ronde comme une pomme. Le petit garçon devint l’un des écrivains les plus célèbres du siècle sous le nom de Guy de Maupassant. Maupassant fit son œuvre en dix ans et, rongé par la syphilis, devint l’ombre de lui-même. C’est une histoire brève, implacable comme ses nouvelles. On l'interne à Paris, le sept janvier, dans la chambre quinze, qui sera désormais son seul univers. Il meurt de paralysie générale un mois avant son quarante-troisième anniversaire, après dix-huit mois d’inconscience presque totale, le six juillet 1893, à onze heures quarante-cinq du matin. Sur l’acte de décès figure la mention "né à Sotteville, près d’Yvetot", ce qui ouvre alors la polémique sur son lieu de naissance. Le huit juillet, les obsèques ont lieu à l'église Saint-Pierre-de-Chaillot à Paris. Il est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris. Émile Zola prononce l'oraison funèbre: "Je ne veux pas dire que sa gloire avait vraiment besoin de cette fin tragique, d'un retentissement profond dans les intelligences, mais son souvenir, depuis qu'il a souffert de cette passion affreuse de la douleur et de la mort, a pris en nous je ne sais quelle majesté souverainement triste qui le hausse à la légende des martyrs de la pensée". Quelques jours après l'enterrement, Émile Zola propose alors à la Société des gens de lettres d'élever un monument à sa mémoire. Le monument fut inauguré le vingt-cinq octobre 1897 au parc Monceau. En 1891,Guy de Maupassant avait confié à José-Maria de Heredia: "Je suis entré dans la littérature comme un météore, j’en sortirai comme un coup de foudre". Maître français incontesté de la nouvelle, pour rester fidèle à l'idéal d'attachement intransigeant à la réalité, il ne s'est pas encombré, comme Émile Zola, d'aspirations sociales humanistes. Chantre de la sensation, il s'apparente souvent aux impressionnistes, à Claude Monet notamment, qu'il avait vu peindre du côté d'Étretat et qu'il évoque dans une de ses chroniques. Disciple de Flaubert, il est exigeant sur son style qu'il veut d'une telle simplicité qu'on a pu la confondre avec de la platitude ou de la banalité. C'est que, par une rhétorique savante, toute d'illusion, Maupassant sait rendre la grisaille dont s'enveloppe souvent la vie humaine. Il sait ainsi en peindre les pulsions irraisonnées, inquiétantes, les déviations, les courts bonheurs comme les grandes misères. Il sait dire surtout qu'il n'existe pas, à ses yeux, ni espoir, ni d'au-delà pour l'homme. Pessimiste, Maupassant ? Sur le genre humain, incontestablement. Soucieux de sa santé, de l'état de ses finances, de sa famille en détresse, mais pas malheureux.   "Il faut être, en effet, bien fou, bien audacieux, bien outrecuidant ou bien sot, pour écrire encore aujourd'hui. Nos yeux, nos oreilles, notre odorat, notre goût diffèrent, créent autant de vérités qu'il y a d'hommes sur la terre. J'aime la chair des femmes, du même amour que j'aime l'herbe, les rivières, la mer". Maupassant était un homme naturel, charnel, presque solaire, acharné dans son travail et dans sa quête de l'autre. On l'a décrit souvent comme excessivement solitaire. Pourtant, il était plutôt sociable et bon vivant. Il faisait partie du cercle de Médan, aimait à canoter sur la Seine avec de jolies filles, fréquentait les dîners parisiens, recevait beaucoup dans sa villa "La Guillette" à Etretat. C'était un ami fidèle, chérissant toujours son maître Flaubert, sorte de substitut d'un père absent. Mais il n'était pas très expansif, restait discret en société, écoutait et observait. Pour nourrir ses œuvres, sans doute. En réalité, c'était un homme qui travaillait beaucoup, qui avait besoin de s'abstraire souvent de la société pour écrire. Maupassant n'était pas dément. Du moins jusqu'à son internement, qui le conduisit en dix-huit mois de la paralysie à la mort et correspondit à la phase finale de la maladie contractée très jeune, la syphilis. Le diagnostic tomba en 1877, alors qu'il n'avait que vingt-sept ans. Les médecins étant alors complètement désarmés face à cette infection sexuellement transmissible inguérissable, Maupassant fit contre mauvaise fortune bon cœur, essaya d'oublier son mal, perdit quasiment la vue, mais nullement ses esprits. Les dépressions de son oncle Alfred, l'ami de Flaubert, et de sa mère, Laure, l'internement de son frère, Hervé. On a trop vite fait le lien entre ces drames familiaux et la santé de Maupassant. De même, ce n'est pas parce qu'il écrivit sur la folie dans certains de ses contes, comme "Le Horla", qu'il en était lui-même atteint. Pendants du réalisme, le fantastique et les dérèglements de l'esprit étaient pour lui, seulement une matière littéraire. Rien de plus calculé que ce récit. S’il en était encore besoin, la ferme et belle écriture du manuscrit du second “Horla” visible à la Bibliothèque Nationale, est une preuve de plus que cette narration n’est pas faite par un écrivain en état de folie. La syphilis avec l’absinthe et ses ravages, était la maladie du siècle. Artistes, écrivains, tous ou presque en étaient alors atteints. Maupassant fanfaronne, comme pour exorciser une mort qu’il sait inéluctable. C’est déjà l’esquisse de l’idée maîtresse qui habite l’œuvre en devenir, le pessimisme comme antidote du désespoir, s’attendre toujours au pire pour n’être jamais déçu et dont le romancier accusera la noirceur jusqu’à ses derniers écrits. On trouve alors là l’influence schopenhauerienne. Et cette propension au catastrophisme, qui a exalté la lucidité et le talent de cet écrivain hors pair, a également inspiré les toiles fulminantes d’un Van Gogh. Le déclin de sa santé mentale, avant même l’âge de trente ans, le porte à s’intéresser aux thèmes de l'angoisse et de la folie. Passant du réalisme au fantastique, il refuse toutes les doctrines littéraires. Comptant parmi les écrivains majeurs du XIXème siècle, il se rattache à une tradition classique de mesure et d’équilibre et s'exprime dans un style limpide, sobre et moderne. L’influence de Flaubert a été déterminante quant à sa vocation. Elle est aussi très grande à travers la vision et l’approche désabusée du monde, caractéristique de l’aîné et que son cadet lui emprunte alors. Flaubert révèle à Maupassant les ridicules de la société bourgeoise contemporaine, devant lesquels l’artiste n’a d’autre choix que d’observer et de raconter, d’être celui "qui fouille et creuse le vrai tant qu’il peut". Dès lors, son pessimisme apparaît lié à sa méthode comme écrivain, tout en reflétant les mouvements de sa conscience. Dans son œuvre, le panorama de la détresse humaine se transforme à mesure qu'il appréhende alors sa propre capacité à comprendre ses semblables, à les dénoncer ou à leur pardonner.   "Les sentiments sont des rêves dont les sensations sont les réalités. Le baiser est la plus sûre façon de se taire en disant tout. C'est par l'écriture toujours qu'on pénètre le mieux les gens. La parole éblouit et trompe parce qu'elle est mimée par le visage, parce qu'on la voit sortir des lèvres, et que les lèvres plaisent et que les yeux séduisent. Mais les mots noirs sur le papier blanc, c'est l'âme toute nue". L’ensemble de son œuvre romanesque se présente comme une fable tragique sur le temps, comme une mise en intrigue des ravages de celui qui est, pour Maupassant comme pour Baudelaire, l’"Ennemi" par excellence. De la chronologie intime et quasi linéaire d’"Une vie", où l’histoire privée tend à se substituer à l’histoire collective, aux derniers romans, où l’analyse psychologique s’accompagne d’une critique biaisée de la mondanité, en passant par ces deux romans de conquête que sont "Bel-Ami" et "Mont-Oriol", situés pour leur part dans une actualité récente et parfois brûlante, Maupassant ne cesse de s’interroger sur la distance qu’il convient alors de prendre avec le temps de l’histoire. Même lorsque celle-ci apparaît très en retrait, notamment par rapport aux modèles balzacien puis zolien, elle fait toujours l’objet d’une mise en question implicite, soulignant le passage d’une force dynamique à une fatalité écrasante où prédomine le retour du même. Mais c’est d’un poids bien plus lourd encore que pèse le passé dans ses romans. En lui se matérialise ainsi tragiquement le sentiment d’une perte fatale, prenant la forme du regret ou de l’assimilation nostalgique du maintenant au jadis."Une vie" se termine, il ne finit pas. Avec l’image de Jeanne tenant dans ses bras "la fille de son fils", la vie, de toute évidence, continue. L’émotion exubérante de l’héroïne et la parole mémorable pleine de bon sens de la domestique promue au rang de sa maîtresse ont de quoi satisfaire le lecteur sentimental comme celui qui attend du roman un enseignement moral. Le contentement exprimé par Jeanne signe assurément l’accomplissement du contrat narratif mais l’œuvre reste ouverte. Il serait vain de prétendre conclure. Les romans de Maupassant sont longtemps restés dans l’ombre des récits courts, contes ou nouvelles. Admirés par les écrivains et par un vaste public, ceux-ci ont même réussi à se frayer une voie au sein de la critique savante, acquérant ainsi le rare privilège de plaire au plus grand nombre tout en satisfaisant le lecteur érudit. Les multiples adaptations cinématographiques qu’ils ont suscitées, en France comme à l’étranger, et une large pénétration du domaine scolaire ont contribué à accroître leur popularité ainsi que le renom de Maupassant nouvelliste. Le romancier demeure plus secret, comme lui avait enseigné Flaubert, l'ultime ambition de l'auteur est l’effacement de sa personne au bénéfice de son œuvre.   Bibliographie et références:   - Pierre Bayard, "Maupassant, juste avant Freud" - Mariane Bury, "La poétique de Maupassant" - Philippe Bonnefis, "Comme Maupassant" - Gérard Delaisement, "La modernité de Maupassant" - Pierre Borel, "Le vrai Maupassant" - Léon Gistucci, "Le pessimisme de Maupassant" - Algirdas Julien Greimas, "Maupassant, la sémiotique du texte" - Gisèle d'Estoc, "Cahier d'amour, suivi de Guy de Maupassant" - Jacques-Louis Douchin, "La vie érotique de Guy de Maupassant" - Laurent Dubreuil, "De l’attrait à la possession, Maupassant" - Marlo Johnston, "Guy de Maupassant" - Frédéric Martinez, "La vie de Maupassant" - Fabrice Thumerel, "Les romans de Maupassant"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 27/04/24
Après cette mise en confiance, on a prit l'habitude de recevoir Julien de la même façon, Lydia et Julien ne se cachaient plus, sans participer, je ne perdais rien de leur jeux, j'essayais de copier les caresses, parfois j'entendais leur rire, parce que j'avais laissé échapper un petit gémissement, quelques mois de quiétude. Et un matin Lydia m'a annoncé que Julien viendrai habiter à la maison. Grande confusion, je savais,  que l'on allaient, inévitablement, se retrouver seul, sans ma sœur. J'aurais voulu être une souris pour me cacher au fond d'un trou. Je me suis réfugiée dans ma chambre, cachée sous la couette. Lydia se glisse contre moi, "pourquoi tu pleure, tu connais Julien depuis longtemps, qu'est-ce qui te donne tout ce chagrin, cela ne va pas changer grand chose s'il vit avec nous et j'en ai très envie " En sanglotant, j'ai fini par dire que j'étais terrorisée à l'idée de me trouver seul avec lui, que cela allait fatalement arriver, comme on est nue le plus souvent... "Tu ne dois pas avoir peur, on a un accord, il ne tentera rien, promis jurée. Léa fait le pour moi s'il te plaît. " Au chaud, dans ses bras sous la couette j'ai dit oui sœurette, j'accepte, mais j'ai très peur tout de même. Le vendredi soir et le week-end, on a déménagé les affaires de Julien, chaque nuits je fermais ma porte, je faisais des rêves étranges, je courrais sans fin, pour fuir une ombre qui me suivait, elle finissait par se jeter sur moi.... Et je me réveillais, en pleure, toute mouillée, avec une immense envie de me toucher, ce que je faisais, jusqu'à une petite jouissance. Même la journée, au lycée, je ne pouvais m'enlever ce rêve de la tête, une obsession.... J'ai fini par le dire à ma sœur, qui m'a expliqué que les doigts de Julien avaient fait leur job... Que j'étais une ado, une femme... Qu'elle avait prévue un cadeau pour moi, surprise... J'ai fait des pieds et des mains pour savoir mais elle n'a rien dit. Le soir devant la télé, sur le grand canapé, je me trouvais entre Julien et Lydia, de plus en plus souvent, après quelques interrogations, je laissais ma sœur me caresser, certains soirs jusqu'au frison final, la chaleur de Julien dans mon dos, décuplait l'effet des attouchements de Lydia. Insensiblement Julien a ajouté ses caresses, je ne pouvais plus stopper, l'envie était trop forte, rouge de honte je me suis retournée pour voler un baisé sur la bouche de Julien, puis je me suis enfuie dans ma chambre, rejoint par ma sœur, qui me demandait pourquoi je pleurais, pardon j'aurais jamais du faire un truc pareil, c'est ton chéri pas le mien " tout doux, Léa rien de grave, il a été surpris mais pas fâché au contraire, tu peux le refaire quand tu veux, Julien aimerait un supplément" Ahaha !! Allez ma chérie soit cool, il n'y a rien de grave entre nous trois... Je suis revenue au salon, entre Julien et Lydia, j'ai demandé pardon et en réponse, un long 💋 , mon premier vrai 💋... Bientôt la suite ?      
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Par : le 27/04/24
"O ne souhaitait pas mourir, mais si le supplice était le prix à payer pour que son amant continua à l'aimer, elle souhaita seulement qu'il fût content qu'elle l'eût subi, et attendit, toute douce et muette, qu'on la ramenât vers lui."  La relation SM nécessite impérativement un échange protocolaire se distinguant du propos coutumier car au commencement, il y a l'alliance constitutive unissant intimement deux partenaires tout en les disposant dans une posture dissymétrique. Évoquer tout ce qui est possible sexuellement, en portant une attention particulière, à l'indispensable consentement. Car il n'y aurait plaisir sans respect de la sécurité. Dès lors, cet échange peut convoquer de façon irrationnelle et mystique, dans l’espace imaginaire commun aux deux partenaires, un troisième personnage, l’autre, lieu où la vérité parle, trésor de signifiants qui déterminent le désir et, parmi ces signifiants, à une place éminente, le sujet supposé ardeur, raison du transfert. Le protocole du contrat avalisé offre un forum à la prise en compte de la découverte mutuelle dans le dialogue masochiste et par là contribue à élever ce dialogue au rang de sublimation spécifique dans la formalisation. Se baser sur l'extase dans l’interprétation signifie que l’on considère le désir sexuel tout aussi essentiel que sa seule satisfaction réelle, pour autant bien sûr que l’on puisse dissocier les deux niveaux, car la pulsion est selon l'expression lacanienne un "écho dans le corps du fait qu’il y a un dire."  Ce qui, dans l’analyse, concerne le plaisir masochiste, comme mode de jouissance d’un sujet, relève de la recherche du plaisir dans la douleur, et non de la libido classique. Il y a là une rupture de causalité entre la sensualité traditionnelle, l'éducation telle que représentée dans la société et l’investissement libidinal. L'adhésion meublant alors la place de cette rupture. L'extase serait-elle de l’ordre de l’écho ? Il y a bien là évidemment une objection, celle d’accéder à une réalisation "perverse" de la pulsion sexuelle, sa réalisation s’effectuant dans un environnement fondamentalement nouveau. Certes, Freud en a défini dans "Pulsions et destins des pulsions", la source et l’objet, mais, elles demeurent telles quelles, un montage un peu surréaliste. D’où l’intérêt de cette affirmation, qui à première vue semble paradoxale, mais constituant un progrès décisif que c’est la jouissance qui révèle la nature propre de la pulsion. Le concept de plaisir féminin a-t-il une signification ? L'interrogation semble étonner. Mais si l’on considère en SM qu’il s’agit d'une pulsion de mort en psychanalyse et non de sexualité traditionnelle, il cesse d’en aller ainsi. Car il s’agit bien de savoir si la notion d'attirance féminine pour la souffrance a un sens et comment elle se différencie de la psychosexualité classique. Ainsi, à ce sujet, la construction de la pensée analytique se caractérise par une oscillation dont la Bible fournit une allégorie. L’origine étymologique du féminin, dans la Genèse est bâtie non pas sur un seul récit, mais sur deux. Les deux textes sont catégoriquement opposés. Le premier pose la création simultanée de deux êtres, l’un masculin, l’autre féminin, d’emblée érigés dans leur différence et formant couple. Mais quatre versets plus loin, un second conte renommé, fait du féminin une part prélevée au masculin. Tout le débat de la psychosexualité féminine pourrait s’afficher dans l’espace de conflictualité qui s'établit ainsi. Dès lors, c’est dans ce champ que devient lisible le mystère des origines du féminin, de la différence des sexes, telle l’alternance des identités masculines et féminines différemment négociée en chaque sexe. C’est dans cet espace libre que la dimension du lien de soumission entre l’homme et la femme devient également pensable. Ainsi organisée par deux récits mythiques, et non un seul, cette relation échappe au poids d’une référence unique. La complexité en découlant offre une signification au lien de jouissance tissé entre les deux partenaires du duo BDSM. Lacan livre ainsi deux pôles de l’expérience analytique. D’une part, celle du refoulé soumis qui est un signifiant et sur lequel s’édifie de façon synchronique la relation. D'autre part, celle de l’interprétation qui s’identifie au désir dans laquête de la transgression normative. Dans l’intervalle, il y a la sexualité. La jouissance dans la douleur, destin d’une pulsion sexuelle non refoulée, occupe cette place dans l’intervalle et donc facilite la liaison sexuelle entre l’identification de la souffrance au désir. Au XVIIIème siècle, le masochisme larvé de Rousseau met en lumière l’interaction des liens qui unissent recherche de la douleur et quête de la jouissance. Débat qui a été posé en psychiatrie en termes de rapports entre la folie et le génie, ou entre l’homme et l’œuvre. On sait que des opinions contradictoires se sont affrontées. Indépendance des deux termes, détermination de l’un par l’autre, privilège de l’un sur l’autre. Pour le philosophe Michel Foucault, dans "Propos sur le septième ange", la posture a fluctué. Du tonitruant  "Absence d’œuvre, folie", le normalien finit par en faire le cœur même de l'expression de la littérature moderne, telles celles de Breton et d'Artaud. En employant l’expression de "paranoïa de génie" pour Rousseau et en comparant ses écrits à ceux d’Aimée, Lacan ouvre la voie à une autre approche que celle d’une opposition binaire, une approche selon les virtualités de création, que la psychose a produites et non pas juste épargnées.    "Vous abandonnerez toujours au premier mot de qui vous l’enjoindra, ou au premier signe, ce que vous faites, pour votre seul véritable service, qui est de vous prêter. Vos mains ne sont pas à vous, ni vos seins, ni tout particulièrement aucun des orifices de votre corps, que nous pouvons fouiller et dans lesquels nous pouvons nous enfoncer à notre gré. Par manière de signe, pour qu’il vous soit constamment présent à l’esprit, ou aussi présent que possible, que vous avez perdu le droit de vous dérober, devant nous vous ne fermerez jamais tout à fait les lèvres, ni ne croiserez les jambes, ni ne serrerez les genoux."  La sublimation est la désignation de la séparation accomplissant une déconnection d’une communion du sujet supposé savoir et de la personne désirée. Il faut maintenant considérer comment la structure même du signifiant sujet supposé savoir se prête à cette fusion et, partant, à sa coupure possible dès lors qu’on en discerne les lignes de forces ou le tracé. Lacan témoigne de cette fusion dans le cas des névroses hystérique et obsessionnelle mais on ne saurait l’exclure pour les autres structures. Il en donne quelques indications quand, dans "Problèmes cruciaux pour la psychanalyse", il affirme que le symptôme définit le champ analysable en cela "qu’il y a toujours dans le symptôme l’indication qu’il est question de savoir." La structure de l’obsessionnel est de ne surtout pas se prendre pour un Maître car il suppose que c’est le Maître qui sait ce qu’il veut. On aurait pu croire que la possibilité de se dire lacanien permit une certaine unification des analystes qui énoncent ce dire, au-delà des différences de lecture. Il n’en est rien, et les lacaniens sont traversés par les mêmes conflits qui existent ailleurs et sont déclenchés pour des raisons variables. Il y a cependant chez les lacaniens une attention et une sensibilité particulières aux disparités qui les désunissent. Ils ne se sentent pas quittes avec les différences reconnues. La disjonction du savoir et de la vérité, avec son enjeu scientifique, entre aussi en ligne de compte dans les relations entre analystes. Freud a analysé la sublimation comme la fatalité d’un instinct génésique non refoulé. Dans ces conditions, n’est-ce pas la part de la pulsion à attendre de l’analyste ? Quand Lacan ajoute que "la sublimation révèle le propre de la pulsion", cela signifie qu’elle révèle, en particulier dans l’analyse, ce destin d’un sexuel non refoulé. Ce destin peut être appelé une dérive, traduisant au plus près Trieb en s’inspirant de l’anglais drive. Quelle dérive ? Une dérive de la jouissance. De quelle jouissance ? De la jouissance sexuelle qu’il n’y a pas, en lien avec une jouissance du désir. Qu’il n’y a pas quand il n'y a pas rapport sexuel. Ce sont les pulsions partielles qui représentent le sexuel avec le concours d’un seul signifiant pour les deux sexes, le phallus, signifiant de la jouissance, quels que soient les signes jamais satisfaisants dont on veut caractériser le masculin et le féminin et qui, à en rester là, rejettent la psychanalyse dans le culturalisme. Les pulsions suppléent au non-rapport sexuel inscrit dans l’inconscient. La sublimation quant à elle n’est pas une suppléance qui ferait rapport sexuel, elle révèle le non-rapport sexuel auquel les pulsions partielles suppléent. Elle révèle en quelque sorte un manque de suppléance. Une vie amoureuse épanouie correspond au désir le plus profond des êtres humains, et rien ne nous rend plus heureux, mais aussi plus désespérés et plus vulnérables que nos expériences relationnelles. Dans nos sociétés modernes et post-modernes, la satisfaction sexuelle est devenue le paradigme d’une vie autonome et caractérise d’une façon exigeante la qualité d’une vie de couple. Les représentations actuelles de la sexualité s’identifient à un concept se focalisant sur la libération totale de contraintes sexuelles et la réalisation du Soi.    "Devant nous, vous ne toucherez jamais à vos seins: ils sont exhaussés par le corset pour nous appartenir. Le jour durant, vous serez donc habillée, vous relèverez votre jupe si on vous en donne l’ordre, et vous utilisera qui voudra, à visage découvert, et comme il voudra, à la réserve toutefois du fouet. Le fouet ne vous sera appliqué qu’entre le coucher et le lever du soleil."  Cette expression d’indépendance renvoie à un principe d'affranchissement et de cognition conduisant à transcender les contraintes précédentes dans la relation et la sexualité, en mettant l’accent sur la puissance créatrice propre à chacun pour parvenir à la satisfaction sexuelle. Dans ce contexte, le corps est considéré indépendamment de ses limites physiologiques. De nombreux couples échouent en raison des contradictions entre les représentations modernes et les identifications inconscientes et il n’est pas rare que le désir sexuel soit laissé pour compte ou devienne l’arène du conflit. Car les conflits qui mènent les gens en thérapie ont toujours affaire à leur satisfaction sexuelle et de sexe. Aujourd’hui, les hommes et les femmes ont peur d’échouer ou ils ont honte de ne pas être pleins de désirs orgastiques comme les images médiatiques l’imposent. Partant du présupposé que l’imaginaire social influence les auto-constructions individuelles, ces conflits ne peuvent pas être seulement considérés au niveau individuel, mais en relation avec les influences internes et externes des discours culturels sur le genre et sur les imagos maternelle et paternelle. L’analyse du corps, du sexe et des pratiques sexuelles dans le couple évolue en ce sens à différents niveaux entremêlés les uns aux autres. C’est-à-dire d’un côté la question de savoir quels sont les motifs culturels proposés par les discussions publiques concernant les genres et la libération sexuelle afin de gérer l’affinité sexuelle du corps et le désir sexuel dans la relation, et donc quelles sont les représentations d’une sexualité satisfaisante qui orientent les couples. Et d’un autre côté de quelle façon ces discours influencent la dynamique intrapsychique dans la conduite des différentes pratiques sexuelles ? Tout groupe humain possède ses propres expressions caractéristiques d’une libido épanouie, de ces modes et de ses conduite. Dès lors, l'édifice est uni à un idéal et à des valeurs désignant les rôles féminins et masculins ainsi que le différents modes d'actions. Alors que pour la relation hétérosexuelle romantique classique, il y avait une répartition des rôles de la sexualité masculine et féminine, tout au long des diverses transformations sociales, non seulement ce sont les représentations de sexes qui ont changé mais aussi les pratiques et les interactions. Aujourd’hui, à l’époque des représentations relationnelles et sexuelles postmodernes, l’idéal d’autodétermination sexuelle occupe une importance centrale et s’accompagne de la promesse de pouvoir construire l’amour et le bonheur par soi-même. Dans notre société postmoderne, la focale se concentre sur une optimisation de la beauté corporelle et du désir sexuel. Les promesses alléchantes de bonheur s’accompagnent d’un corps parfait, d’une vie amoureuse et de fantasmes sexuels accomplis. Le but est alors de conquérir le corps comme une marchandise esthétique ou d’insuffler un souffle de perversion à la vie sexuelle "sotte" jusqu’à présent. À l’heure actuelle, le niveau du consensus moral d’égal à égal est l’essentiel pour tous les couples, indépendamment de leurs préférences sexuelles, qu’elles soient "tendres" ou sadomasochistes.   "Mais outre celui qui vous sera donné par qui le désirera, vous serez punie du fouet le soir pour manquement à la règle dans la journée : c’est-à-dire pour avoir manqué de complaisance, ou levé les yeux sur celui qui vous parle ou vous prend : vous ne devez jamais regarder un de nous au visage. Dans le costume que nous portons à la nuit, et que j’ai devant vous, si notre sexe est à découvert, ce n’est pas pour la commodité, qui irait aussi bien autrement, c’est pour l’insolence, pour que vos yeux s’y fixent, et ne se fixent pas ailleurs, pour que vous appreniez que c’est là votre maître, à quoi vos lèvres sont avant tout destinées."  De nos jours, les mentalités ont changé et le sexe est regardé dès lors comme un simple moyen d'expression de plaisir de plus en plus "marchandé." Les possibilités d’amélioration de la libido vont des images esthétiques du corps jusqu’à la chirurgie esthétique en passant par la musculation et le traitement hormonal. La possibilité d’optimisation du corps s’accompagne de la promesse d’un bonheur alléchant et promettent à travers un corps parfait un gain en attractivité sexuelle et une vie amoureuse plus heureuse et plus remplie. L'offre d’optimisation du désir sexuel à travers les pratiques et les préparations esthétiques du corps est variée et médiatiquement présentée. La virilité est désormais visible à travers un agrandissement du sexe. La féminité est représentée à travers une dissimulation esthétique. Les modifications intimes visent non seulement à l’esthétisation du génital visible et à la fabrication d’un design vaginal avec réduction des lèvres vaginales, promettent aussi une amélioration du désir sexuel. Ici aucune zone du corps n’est omise. À l’ombre de la libéralisation et de la libération sexuelle s’est développée une pression vers la perfection variant selon le genre. Mais par conséquent, une construction de soi esthétique a relayé le développement de l’identité sur la base du corps et a développé un idéal normatif. Les corps et les pratiques sexuelles étant configurés et adaptés aux normes sociales, les stratégies de normalisation des optimisations corporelles et esthétiques sont confirmées et reproduites. Le corps est devenu le lieu éminent de confrontations personnelles et sociales au sujet de l’identité, de la différence, et de ce qui est considéré comme normal et socialement acceptable, ou déviant. Les constructions de normalité et de déviance au sens de Foucault qui sous-tendent les pratiques et les discours d’optimisation esthétiques et sexuels du corps et du soi peuvent être considérés au niveau sociétal comme une microphysique du pouvoir. La timidité ou la pudibonderie ne sont plus du tout de mise dans les relations amoureuses à l'occasion des rapports sexuels entre partenaires. L'objectif déclaré, sans aucune fausse honte est sans cesse, la quête du plaisir, quitte à se montrer inventif voire gourmand dans la découverte de nouvelles expériences telles la sexualité anale, le triolisme, ou encore l'exploration jubilatoire de l'univers du BDSM. En d’autres termes, les pratiques corporelles et sexuelles sont le moyen et l’expression de la constitution d’un ordre social mais aussi d’un ordre de genre. À première vue, il semble toutefois que l’optimisation du corps ait ouvert un accès aux désirs cachés et réprimés jusqu’ici et des chemins à une sexualité auto déterminée. Néanmoins, en tenant compte des paradoxes évoqués, la question se pose de savoir si les acquis constituent des conditions de possibilité d’autonomie et de liberté ou bien s’ils contribuent à l’aliénation corporelle et finalement à des processus de désincarnation. Aujourd’hui, dans les temps post modernes, les possibilités illimitées d’une auto détermination et de libertés nouvellement gagnées promettent de transcender les limites du corps et exigent le développement incessant de nouvelles capacités et compétences. D’un autre côté, cela s’accompagne d’insécurités qui ravivent une nostalgie pour les anciens modes de relations traditionnelles que l’on croyait dépassés et réactivent des parts psychiques inconsciemment rejetées. Chaque identification consciente incarne toujours la tension entre la reprise des normes socio-culturelles et les particularités individuelles. Par conséquent, la hiérarchie sociale de la masculinité et de la féminité suscite des tensions dans les deux identités de sexe psychologiques. Cela conduit les couples à un conflit, lorsque les parts rejetées derrière lesquelles se cachent le plus souvent des parts de sexe opposés, sont projetées sur le partenaire et s’y livrent bataille. Ici, les rêves et les fantasmes ainsi que les symptômes corporels se prêtent de façon particulière à l’approche analytique de l'ensemble de toutes ces questions.   "Dans la journée, où nous sommes vêtus comme partout, et où vous l’êtes comme vous voilà, vous observerez la même consigne, et vous aurez seulement la peine, si l’on vous en requiert, d’ouvrir vos vêtements, que vous refermerez vous-même quand nous en aurons fini de vous. En outre, à la nuit, vous n’aurez que vos lèvres pour nous honorer, et l’écartement de vos cuisses, car vous aurez les mains liées au dos, et serez nue comme on vous a amenée tout à l’heure. On ne vous bandera les yeux que pour vous maltraiter, et maintenant que vous avez vu comment on vous fouette, pour vous fouetter. "  Tout autant que la réalité de la vie sexuelle conjugale réelle, à travers une remise en question de pratiques antérieures, telles un changement de partenaire ou une expérience de sexualité multiple (HHF) ou (FFH), le fantasme occupe une place non négligeable dans notre libido, par son rôle déclencheur dans sa réalisation dans la réalité. Cette conception du rêve et du symptôme part de l’idée qu’ils constituent la clé pour l’autonomisation et le développement à venir. Le rêve suivant est lu de façon double et en deux temps. Tout d’abord comme un document temporel, dans lequel l’histoire du devenir biographique est incarné, mais aussi comme expression émancipatrice vers le changement, et donc orienté vers le futur. Il s’agit concrètement de se pencher sur les désirs sexuels et de découvrir si des prescriptions et des exclusions lui sont associées, constituant par ailleurs le cadre des transgressions. Car le concept de transgression ne fait sens que par rapport à des normes dominantes. "Je suis allongée dans un grand lit avec un inconnu. Il veut que je le satisfasse oralement. Son pénis est long et épais, ce qui est satisfaisant et excitant. Avec excitation, et le souhait d’être une partenaire sexuelle satisfaisante, je réalise son désir. Le sperme emplit toute ma cavité buccale, déborde de ma bouche et se répand en filaments sur mes lèvres et mon menton." Le désir laisse augurer une matrice de la normativité collective hétérosexuelle en laquelle le plaisir féminin actif est socialisé de façon destructive comme le "le vagin denté." Comme il ressort de l’interprétation de la séquence du rêve présenté, derrière les pratiques sexuelles hétéro normativesse cachent les fantasmes féminins. Les rêves offrent un accès permettant d’explorer des concepts culturels de sexualité mais aussi de pénétrer dans des espaces de possibilités jusqu’alors "tabouisés", non pensés et surtout non réalisés. D'où l'importance cruciale pour un couple hétérosexuel ou homosexuel de vivre ses fantasmes pour atteindre alors une sexualité épanouie sans cesse renouvelée. C'est la clé du succès. Dès lors, l’analyse du corps considère que le désir s’accompagne de l’excitation, d’une tension sensuelle, des impulsions qui ouvrent et passent des frontières. Sur un niveau somatique, un changement s’opère dans un mode de mouvement entre activités et détente ou bien au sens figuré absorber/tenir et lâcher, de donner et prendre. En tant que principe actif corporel, les mouvements de vitalité basée somatiquement peuvent être traduits métaphoriquement en tant que mode intersubjectif de donner et prendre. Avec un regard critique du point de vue des genres sur le contenu du rêve, la façon dont les influences profondes des représentations hétérosexuelles normatives influence le vécu corporel subjectif est évidente. Comme les rêves, les livres, et en particulier les best-sellers, donnent accès aux attentes centrales, aux idées et aux valeurs. Ils peuvent être lus comme les produits culturels de fantasmes collectifs. Ils nous donnent la réponse à la question de savoir commentle désir sexuel prend forme actuellement, mais aussi quelles sont les conditions suivies par l’ordre sexuel.   "À ce propos, s’il convient que vous vous accoutumiez à recevoir le fouet, comme tant que vous serez ici vous le recevrez chaque jour, ce n’est pas tant pour notre plaisir que pour votre instruction. Cela est tellement vrai que les nuits où personne n’aura envie de vous, vous attendrez que le valet chargé de cette besogne vienne dans la solitude de votre cellule vous appliquer ce que vous devrez recevoir et que nous n’aurons pas le goût de vous donner. Il s’agit en effet, par ce moyen, comme par celui de la chaîne qui, fixée à l’anneau de votre collier, vous maintiendra plus ou moins étroitement à votre lit plusieurs heures par jour, beaucoup moins de vous faire éprouver une douleur, crier ou répandre des larmes, que de vous faire sentir, par le moyen de cette douleur, que vous êtes contrainte, et de vous enseigner que vous êtes entièrement vouée à quelque chose qui est en dehors de vous. "  Le roman"Histoire d'O" de Dominique Aury alias Anne Cécile Desclos traite d’une relation de soumission entre O et plusieurs Maîtres. Ils ont des goûts sexuels spéciaux, en particulier des pratiques sadomasochistes dans lesquelles l'esclave sexuelle est la femme qui occupe une position passive et masochiste. Les livres et les pratiques sexuelles propagées intéressent particulièrement les femmes mariées au-dessus de trente ans et les étudiantes. Il est également intéressant dans ce contexte que les couples qui recherchent des établissements sadomasos, évoquent des heures entières de jeux sexuels, comparables à des jeux de rôle fantasmatique. De nos jours, le sexe revêt une forme singulière. C'est ainsi que l'on assiste à un changement radical dans les mentalités et les comportements sexuels. Dès lors, la structure classiques hétéro nominative dans laquelle, l’homme est instruit et encouragé à prendre la position dominante agressive et inversement la femme à prendre la position masochiste. Il s’agit de la troisième révolution ou de la révolution "néosexuelle". La sexualité ne serait plus la grande métaphore, qui relie au couple, mais une mise en scène culturelle exagérée et permanente, un désir sans retenue de l’exhibition publique. Considérons les pratiques sadomasochistes, comme celles proposées au début, comme un conflit conscient et inconscient, nous pouvons examiner les pratiques sadomasochistes de façon différente. D’un côté sur un plan inconscient et corporel et de l’autre sur un plan postmoderne et normatif.  Ainsi afin de comprendre les besoins sexuels et les pratiques sadomasochistes et particulièrement une disposition féminine à se mettre souvent volontairement dans une situation passive et masochiste et en outre à considérer le partenaire mâle comme devant consentir à prendre la position agressive et dominante, il est utile de se référer de nouveau à la différence que fait Freud entre sexuel et sexualité. Tout en refusant de réduire le sexuel à du génital et à une fonction de reproduction, Freud tisse un large continuum d’expériences et de comportements sexuels ainsi qu’un polymorphisme dont les frontières entre normal, pervers, sain et malade sont fluides. Aujourd’hui nous sommes confrontés à des formes de libération spécifiques qui se réfèrent non seulement aux diverses formes de l’homosexualité et de l’hétérosexualité, mais aussi à des pratiques sexuelles, comme elles sont popularisées, par exemple, dans le roman "Histoire d'O."    "Quand vous sortirez d’ici, vous porterez un anneau de fer à l’annulaire, qui vous fera reconnaître: vous aurez appris à ce moment-là à obéir à ceux qui porteront ce même signe, eux sauront à le voir que vous êtes constamment nue sous votre jupe, si correct et banal que soit votre vêtement, et que c’est pour eux. Ceux qui vous trouveraient indocile vous ramèneront ici. On va vous conduire dans votre cellule."  Depuis toujours, bien avant les travaux de Freud, il est difficile d'oublier que la représentation sociale du corps féminin, dans notre culture occidentale, est soumise, depuis la nuit des temps à des tabous. L’appropriation du corps pubère et désirant sexuellement lors de l’adolescence et le rapport aux désirs sexuels propres à chacune sont particulièrement soumis à de multiples jugements caractérisés par la répression et le tabou. Les idéaux normatifs contrarient le désir d’exploration indépendant du corps, y compris des organes génitaux féminins. À cet égard, l’image corporelle subjective n’est pas limitée à l’exploration du corps propre, mais provient essentiellement des représentations corporelles de genre, maternelle et parentales transmises à l’enfant. À examiner ce phénomène de plus près, ce développement commence au plus tard à la naissance. L’absence de représentation en ce qui concerne l’image du corps féminin en développementa inévitablement des conséquences pour l’investissement libidinal du schéma corporel et s’accompagne d’un manque narcissique dans l’image du corps. Car symboliser signifie: penser et différencier les sensations corporelles et les organes. Pour compenser la congruence manquante entre le schéma corporel réel et l’image du corps dans le ressenti corporel, il faut alors rechercher des symbolisations signifiantes pour les aspects corporels non symbolisés, mais perçus par les affects de façon diffuse. Ainsi, la femme ne peut pas traduire ses expériences corporelles au sens authentique en un désir autonome ou bien en une capacité d’action auto-efficace. Dans le combat pour les structures de genre normatives, la relation entre la beauté féminine et la "tabouisation" de la force corporelle féminine conserve un caractère productif de sens en relation avec la subjectivation féminine et se reproduit dans l'usage d’optimisation esthétique. Du fait de l'évolution des mœurs et du mouvement profond et inédit de la libération sexuelle depuis une soixantaine d'années, au regard des changements des relations amoureuses et des techniques sexuelles, nous constatons que les conduites sexuelles sont différentes, quelques-unes traditionnelles et d’autres modernes et libres. Mais les imaginations de la liberté caractérisent un nouveau développement des pratiques sexuelles qui se focalisent sur la libération des contraintes sexuelles et la réalisation du soi. D’où le fait que les représentations d’identités transmises et existantes jusqu’à présent sont aussi ébranlées et s’accompagnent spécialement de mécanismes de défenses psychiques, ce qui détermine des conflits psychiques individuels internes et dans le couple. Comment pouvons-nous comprendre la promesse postmoderne du dépassement des frontières corporelles ? Pouvons-nous interpréter les pratiques sexuelles actuelles absolument comme des formes de résistance, comme une résistance contre l’hétérosexualité normative ? En perpétuant la séparation bivalente entre les désirs actifs et passifs, les désirs sexuels se trouvent ainsi restreints à un schéma traditionnel. Dans ce sens, l’homme et la femme continuent dès lors à incarner et à reproduire des structures hétéronormatives. Dans ce contexte, les pratiques BDSM constituent des pratiques stabilisatrices pour les tensions entre les relations de sexe car elles intègrent de la même manière dans la palette des pratiques des modes de désir sexuel excessifs et apparemment incontrôlables. En satisfaisant l’exigence d’un épanouissement sexuel, elles sont une solution novatrice pour associer l’instabilité structurelle entre les sexes avec l'exigence moderne d’autonomie.   Bibliographie et références:   - Sigmund Freud, "Trois essais sur la théorie sexuelle" - Michel Foucault, "Histoire de la sexualité" - Jacqueline Comte, "Pour une authentique liberté sexuelle" - Alain Robbe-Grillet, "Entretiens complices" - Alain Robbe-Grillet "Pour une théorie matérialiste du sexe" - Jacques Lacan, "Deuxième Séminaire" - Jeanne de Berg, "Cérémonies de femmes" - Hélène Martin, "Sexuer le corps" - Sylvie Steinberg, "Une histoire des sexualités" - Patrice Lopès, "Manuel de sexologie" - Philippe Brenot, "Dictionnaire de la sexualité humaine" - Bernard Germain, "La sexualité humaine"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 26/04/24
"Je voudrais faire un livre qui dérange les hommes, qui soit comme une porte ouverte et qui les mène où ils n’auraient jamais consenti à aller, une porte simplement abouchée avec la réalité. J'aurais voulu trouver quelque chose d'intelligent à vous dire, pour bien marquer ce qui nous sépare, mais inutile. Je suis un esprit pas encore formé, un imbécile, pensez de moi ce que vous voudrez". Le temps est venu d’abandonner un certain nombre d’images attachées au nom d’Antonin Artaud (1896-1948). Pas pour réinsérer son nom dans une histoire bien pondérée de la littérature du XXème siècle, mais pour dégager l’authentique puissance de subversion de son œuvre du mythe auquel elle donna lieu. Un jour, il faudra d’ailleurs faire le récit de cette mythification, avec ses acteurs sincères, ses naïfs et ses profiteurs. L’un des effets de cette fascination fut de ne pas percevoir la folie d’Artaud d’abord comme aliénation et souffrance mais comme pur pouvoir de création et d’anarchie. L’extraordinaire singularité d’Artaud se trouva ainsi diluée au profit d’une généralité sans contours, sinon ceux des groupes qui se l’appropriaient: l’antipsychiatrie, les révoltés de Mai 68 ou les poètes de la "beat generation". En 1959, André Breton lançait déjà, avec une grandiloquence suspecte: "À jamais la jeunesse reconnaîtra pour sien cette oriflamme calcinée". Est-il besoin de brandir la figure bouleversée d’Artaud pour lui rendre justice ? Ce bouleversement, il est temps de l’évaluer avec conscience, hors du fanatisme imprécatoire qui mime sans profit l’attitude même du poète. En peu d’années, avec une fulgurance sans exemple, l'artiste a posé comme une nécessité absolue l’adéquation de son être, ou de l’être en général, et de sa littérature, comme il le fit également, à un autre niveau, pour le cinéma, le dessin et surtout le théâtre. L’œuvre d’Antonin Artaud s’inscrit dans le prolongement de la voie ouverte au siècle précédent par Rimbaud, qui invite à la danse des mots et des corps dans une "Saison en enfer". Artaud tentera lui aussi d’écrire le corps qui danse, d’entraîner le lecteur en deçà du langage et des signes, dans une écriture des rythmes, du cri, du mouvement et des gestes. Il s’agit pour cet écrivain d’échapper ainsi à son corps cadavre afin de se réincarner dans "le corps neuf de l’écriture", et il s’acharne à démembrer, désarticuler, désincarner, décharner à la fois son propre corps et le corps de la langue. Il se proclame un "insurgé du corps" et il ne cessera dans son œuvre de reconstruire son corps et le corps de la langue, de s’exproprier de son propre corps pour pouvoir s’approprier dans l’écriture un corps auto engendré.    "La vie elle-même n'est pas une solution, la vie n'a aucune espèce d'existence choisie, consentie, déterminée. Elle n'est qu'une série d'appétits et de forces adverses, de contradictions qui aboutissent ou avortent suivant les circonstances d'un hasard odieux. Ce qui unit les êtres c’est l’amour, ce qui les sépare c’est la sexualité. Seuls l’homme et la femme qui peuvent se rejoindre au-dessus de toute sexualité sont forts". Alchimie non pas du verbe, comme dirait Rimbaud, mais du corps, qu’il s’agira de transmuter dans le corps de son œuvre: "Car c’est le corps d’un écrivain qui tousse, crache, se mouche, éternue, renifle et souffle quand il écrit". Ce cours extrait des derniers écrits d’Artaud enracine le processus créateur de son œuvre dans la corporéité, un des pôles organisateurs de l’écriture moderne, qui se partage, entre une écriture du corps et une écriture de la pensée, qui fait de l’écriture la seule matrice à représentation. La focalisation de la critique contemporaine sur le rôle joué par le corps dans les processus de création, témoigne des enjeux actuels du rapport entre l’art et l'analyse. De façon générale, au-delà du champ de la littérature, les approches artistiques contemporaines engagent le corps du sujet de la modernité. Ainsi, dans le domaine des arts plastiques notamment, depuis les années soixante, le corps humain est devenu le support de nombre de créations artistiques, par exemple le body art ou l’art charnel. Artaud apparaît comme le précurseur ou l’annonciateur de cette centration des créateurs sur le corps humain, soumis par les artistes à des traitements extrêmes, corps fécalisés, transpercés, éviscérés, dépecés, torturés et aussi corps machiniques, désincarnés, dévitalisés, voire cadavérisés. Ses derniers écrits sont parcourus par l’obsession de "refaire l’anatomie" de l’homme, en le faisant passer, "sur la table d’autopsie". Artaud est l’aîné et ses parents ont donné naissance à huit enfants après lui, dont deux seulement survivront. Quand Artaud a quatre ans, deux jumeaux meurent, l’un à la naissance, l’autre peu après. À huit ans il perd sa sœur Germaine, âgée de sept mois, morte à la suite de mauvais traitements de sa nourrice et ce deuil le marquera profondément. Germaine est un signifiant clef de son œuvre, associé notamment à la germination de l’écriture et à la résurrection de son corps après les électrochocs de Rodez. Enfin Artaud lui-même a été un enfant chétif et fragile, très attaché à sa mère, qui semble avoir été habitée par la peur de le perdre, après le deuil d’un premier enfant. Sa famille est par ailleurs marquée par une atmosphère d’inceste, avec de nombreux mariages consanguins. ses deux grands-mères notamment étaient sœurs. Ce brouillage des générations et le thème de l’inceste se trouvent au cœur de son œuvre.    "Le mal est disposé inégalement dans chaque homme, comme le génie, comme la folie. Le bien comme le mal sont le produit des circonstances et d'un levain plus ou moins agissant. J'ai très besoin, à côté de moi, d'une femme simple et équilibrée, et dont l'âme inquiète et trouble ne fournirait pas sans cesse un aliment à mon désespoir". Bien au-delà des particularités de sa biographie, le génie d’Artaud se manifeste dans sa conception d’une œuvre, qui se caractérise par un destin similaire du corps et du mot: l’écrivain ne cessera de décliner sa terreur d’une momification dans le corps de son œuvre. Le style lui fait horreur et il refuse en quelque sorte l’imposition d’une langue préétablie, figée et aliénante, il rejette l’inscription dans la langue commune, dans le corps mort de la langue maternelle, où l’on est nommé avant même de parler. Artaud se propose donc de refaire conjointement son propre corps et le corps de la langue. Se refaire un corps neuf, pour échapper à la putréfaction, et refaire le corps de la langue, pour échapper à la momification dans la langue mère, pour ne plus être parlé et pensé par l’autre. Les textes d’Artaud mettent en scène à la fois le refus de son inscription dans une généalogie et son rejet de la langue des ancêtres. Dans "Suppôts et supplications", il dénonce ce qu’il nomme "l’éternel pli conforme de papa maman". Il refuse d’être né d’un père et d’une mère et dénie jusqu’à sa naissance: "Je ne me souviens pas d’être jamais né, je me souviens de n’être jamais né". Poète, théoricien du théâtre, acteur, dramaturge et essayiste français, Antonin Artaud est né le quatre septembre 1896 à Marseille. La poésie, la mise en scène, la drogue, les pèlerinages, et le dessin, chacune de ces activités a été un outil entre ses mains, un moyen pour atteindre un peu de vérité. Contrairement à ses contemporains il a conscience de la fragilité de la pensée et se revendique timidement en quête d’un absolu dans ce domaine. Toute sa vie, il a lutté contre des douleurs physiques, diagnostiquées comme issues de syphilis héréditaire, avec des médicaments, des drogues. Cette omniprésence de la douleur influe sur ses relations comme sur sa création. Il subit aussi des séries d’électrochocs lors d’internements successifs, et il passe les dernières années de sa vie dans des hôpitaux psychiatriques, notamment celui de Rodez. Si ses déséquilibres mentaux ont rendu ses relations humaines difficiles, ils ont aussi contribué à alimenter sa création. À partir de 1914, il fait des séjours en maison de santé, conséquence possible d'une méningite qui l'atteint à l'âge de cinq ans. Il éprouve alors, dira-t-il, "une faiblesse physiologique qui touche à la substance même de ce qu'il est convenu d'appeler l'âme". Il parlera également, dans une lettre à Jacques Rivière, d'une effroyable maladie de l'esprit. Son œuvre apparaît en partie due à l'oppression exercée par des souffrances continuelles d'ordre nerveux et physiologique, qui firent de son existence une tragédie.    "Ces derniers temps, je ne te voyais plus sans un sentiment de peur et de malaise. Je sais très bien que c'est ton amour qui te fabrique tes inquiétudes sur mon compte, mais c'est ton âme malade et anormale comme la mienne qui exaspère ces inquiétudes et te ruine le sang". Inventeur du concept de "théâtre de la cruauté" dans "Le Théâtre et son double", Artaud a tenté de transformer radicalement la littérature et surtout le théâtre. S’il n’y est pas parvenu de son vivant, il a certainement influencé les générations de l’après Mai 68, en particulier le théâtre américain, et les situationnistes de la fin des années 1960 qui se réclamaient de son esprit révolutionnaire. Antonin connaît à Marseille une petite enfance choyée dont il garde des souvenirs de tendresse et de chaleur. Cette enfance est cependant perturbée par la maladie. Le premier trouble apparaît à l’âge de quatre ans et demi, lorsque l’enfant se plaint de maux de tête et qu’il voit double. On pense à une méningite consécutive à une chute. Déjà, on préconise l’électricité pour le soigner. Son père se procure une machine qui transmet l’électricité par des électrodes fixées sur la tête. Mais son premier grand choc vient de la mort d’une petite sœur âgée de sept mois, bousculée par un geste violent d’une bonne. Elle apparaît dans les écrits d’Antonin Artaud comme une de ses "filles de cœur". Antonin Artaud a quatorze ans lorsqu’il fonde, avec ses camarades du collège du Sacré-Cœur de Marseille, une petite revue où il publie ses premiers poèmes inspirés de Charles Baudelaire, d’Arthur Rimbaud ou Edgar Poe. Mais lors de sa dernière année de collège, en 1914, il est atteint de dépression, ne se présente pas au baccalauréat, et l’année suivante, sa famille le conduit à Montpellier pour consulter un spécialiste des maladies nerveuses. Il est envoyé au sanatorium de la Rouguière, en 1915 et 1916 et publie en février 1916 des poèmes dans "La Revue de Hollande". Le conseil de révision le déclare d’abord bon pour le service avant que l’armée le réforme provisoirement pour raisons de santé, puis définitivement en décembre 1917 grâce à l’intervention de son père. L’année 1914 est un tournant dans la vie du jeune homme, à cause de la guerre, mais c’est aussi pour Antonin sa dernière année de collège. Il doit passer l’examen de philosophie, mais son état de santé ne le lui permet pas. Il est en état de dépression après avoir connu sa première expérience sexuelle, qu’il décrit comme dramatique, comme un traumatisme sur lequel il reviendra souvent dans ses écrits. Il a le sentiment qu’on lui a volé quelque chose. Entre 1917 et 1919, il fait un certain nombre de séjours dans des lieux de cure et maisons de santé. Il peint, dessine, écrit. Éclosion de ses vocations.   "Je ne veux plus vivre auprès de toi dans la crainte. J'ajouterai à cela que j'ai vraiment besoin d'une femme qui soit uniquement à moi et que je puisse trouver chez moi à toute heure. Je suis désespéré de solitude. Je ne peux plus rentrer le soir, dans une chambre, seul, et sans aucune des facilités de la vie à portée de ma main". Vers sa vingtième année, il a l'idée d'un "théâtre spontané" qui donnerait des représentations dans les usines. Il devient d'abord devenir comédien, grâce au docteur Toulouse, qui lui fait écrire quelques articles pour sa revue Demain et lui fait rencontrer Lugné-Poe au début de 1921. Le directeur du "Théâtre de l'Œuvre" lui confie un petit rôle dans "Les Scrupules de Sganarelle" d'Henri de Régnier. Remarqué par Charles Dullin, qui l'engage à l'Atelier, il y joue "avec le tréfonds de son cœur, avec ses mains, avec ses pieds, avec tous ses muscles, tous ses membres". Instable, il passe en 1923 chez Pitoëff. Prévu pour le rôle du souffleur dans "Six personnages en quête d'auteur" de Pirandello, il disparaît le jour de la générale. L’aventure théâtrale d’Artaud commence en 1922 avec la première répétition des spectacles de l’Atelier, où il joue "L’Avare" de Molière. Suivront d’autres rôles, toujours avec Dullin qui lui demande de dessiner les costumes et les décors de "Les Olives de Lope" de Rueda. Parallèlement, il est acteur de cinéma. Il tient entre autres rôles celui du moine Massieu dans "La Passion de Jeanne d'Arc" de Carl Theodor Dreyer et grâce à son oncle, obtient un petit rôle dans "Mater dolorosa" d'Abel Gance. Mais c'est surtout son incarnation du personnage de Marat dans le "Napoléon" du même réalisateur qui est restée mémorable. Gance le décrit comme une "sorte de nain, homme jaune qui assis semble difforme. Sa bouche distille sans cesse avec âpreté les mots les plus durs contre Danton". Le cinéma lui apparaît comme un médium essentiellement sensuel qui vient bouleverser toutes les lois de l'optique,de la perspective et de la logique. Le mois de mars 1923 est aussi celui de sa rupture avec Charles Dullin, au moment où l’Atelier crée "Huon de Bordeaux" mélodrame dans lequel Artaud a le rôle de Charlemagne. Mais il est en total désaccord avec le metteur en scène et l’auteur de la pièce sur la manière de jouer. Fin mars, le rôle est repris par un autre acteur: Marcel Achard. Interrogé, Artaud aurait dit: "Moi j'ai quitté l'Atelier parce que je ne m'entendais plus avec Dullin sur des questions d'interprétation. Aucune méthode mon cher. Ses acteurs ? De pures marionnettes".   "Il me faut un intérieur, il me le faut tout de suite, et une femme qui s'occupe sans cesse de moi qui suis incapable de m'occuper de rien, qui s'occupe de moi pour les plus petites choses. Une artiste comme toi a sa vie, et ne peut pas faire cela". Par l’intermédiaire de Madame Toulouse, Antonin est alors présenté à André de Lorde, auteur de Grand-Guignol, bibliothécaire de métier. André de Lorde a ainsi déjà mis en scène une adaptation d’une nouvelle d’Edgar Poe "Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume" qui se déroule dans un asile d’aliénés. Et il a mis au point ce qu’il nomme le "Théâtre de la peur" et le "Théâtre de la mort", un style qui va inspirer Antonin Artaud pour le "Théâtre de la cruauté". Engagé par Jacques Hébertot, Artaud interprète le rôle du souffleur au"Théâtre de la Comédie des Champs-Élysées" dans la pièce de Pirandello, "Six personnages en quête d’auteur", montée par Georges Pitoëff, avec Michel Simon dans le rôle du directeur. En 1946, Antonin Artaud décrit son entrée en littérature ainsi: "J'ai débuté en littérature en écrivant des livres pour dire que je ne pouvais rien écrire du tout, ma pensée quand j'avais quelque chose à dire ou à écrire était ce qui m'était le plus refusé". Il a une prédilection pour les rôles de victimes ou pour des rôles qu'il tend à transformer en rôles de victimes. En 1923, il publie un court recueil de poèmes, "Tric-Trac du ciel". Il en publie également dans des revues, même si la Nrf refuse de les accueillir. C'est d'ailleurs à l'occasion de ce refus qui lui est signifié par Jacques Rivière, que son œuvre commence véritablement. Un dialogue épistolaire s'engage alors entre les deux hommes, Artaud acceptant d'emblée comme valables toutes critiques que lui adresse Rivière à l'égard de ses écrits, tout en revendiquant de sa part la reconnaissance d'un intérêt littéraire dans la mesure où les maladresses et les faiblesses mêmes qui lui sont reprochées rendent compte de l'étrange phénomène spirituel qu'il subit et qu'il décrit en ces termes:"Je souffre d'une effroyable maladie de l'esprit. Ma pensée m'abandonne à tous les degrés. Depuis le fait simple de la pensée jusqu'à sa matérialisation dans les mots. Il y a donc quelque chose qui détruit bien ma pensée."    "Tout ce que je te dis est d'un égoïsme féroce, mais c'est ainsi. Il ne m'est même pas nécessaire que cette femmes soit très jolie, je ne veux pas non plus qu'elle soit d'une intelligence excessive, ni surtout qu'elle réfléchisse trop". Dans les livres qui succèdent ainsi à cette "Correspondance avec Jacques Rivière", publiée en 1927, il s'assignera pour but de transcrire avec la plus grande fidélité cette étrangeté qui l'habite, cherchant à soumettre, en les déterminant par le verbe, ces "forces informulées" qui l'assiègent: en les localisant ainsi, il s'en désolidarise, échappant par là même au risque de se laisser totalement submerger par elles. Il peut en outre espérer, s'il parvient à rendre compte de ses troubles grâce à la magie d'une savante transcription évocatoire, obtenir alors du lecteur une reconnaissance de leur existence et par là même sortir de cette manière de néant où sa monstruosité psychique le place, le bannissant du monde des humains. Cependant, si l'investigation systématique que l'écrivain poursuit alors vis-à-vis de lui-même aide à mettre au jour les processus les plus subtils de la pensée, lesquels demeurent cachés à ceux qui, sains d'esprit, ne ressentent pas le manque révélateur de son essence, celle-ci débouche par ailleurs sur une contradiction fondamentale qu'il ne cessera de vivre tragiquement: celle de vouloir "se déterminer, comme si ce n'était pas lui-même qui se déterminait, se voir avec les yeux de son esprit sans que ce soient les yeux de son esprit, conserver le bénéfice de son jugement personnel en aliénant la personnalité de ce jugement, se voir et ignorer que c'est lui-même qui se voit" ("Bilboquet", publication posthume). Sa tentative de prendre continuellement conscience du vertige psychique qui le désoriente et l'affole précipitera en fait plus avant le poète vers "un effondrement central de l'âme", un état de "bête mentale", paralysé par le regard qu'il dirige sur lui-même dans une sorte d'hypnotisme narcissique où il ne ressent, à la limite, plus "rien, sinon un beau pèse-nerfs, une sorte de station incompréhensible et toute droite au milieu de tout dans l'esprit". À la fin de 1924, Antonin Arthaud adhère au mouvement surréaliste. Par l'intermédiaire du peintre André Masson, il rencontre la plupart de ceux qui animent ce mouvement, surmontant ainsi la méfiance première qu'il avait à leur égard.    "Il me suffit qu'elle soit attachée à moi. Je pense que tu sauras apprécier la grande franchise avec laquelle je te parle et que tu me donneras la preuve d'intelligence suivante: c'est de bien pénétrer que tout ce que je te dis n'a rien à voir avec la puissante tendresse, l'indéracinable sentiment d'amour que j'ai et que j'aurai alors inaliénablement pour toi, mais ce sentiment n'a rien à voir lui-même avec le courant ordinaire de la vie". Il collabore à "La Révolution surréaliste", rédige le tract du vingt-sept janvier 1925. Mais le malentendu porte sur le mot révolution. Pour Artaud, il s'agit d'être "révolutionnaire dans le chaos de l'esprit", et il conçoit le surréalisme comme "un cri de l'esprit qui retourne vers lui-même". Une lettre d'André Breton le sommant de renoncer à collaborer avec Roger Vitrac est l'occasion d'une rupture devenue inévitable. Refusant l'action politique, faisant ses adieux au surréalisme en juin 1927 ("À la grande nuit ou le bluff surréaliste"), il explique que pour lui le surréalisme, le vrai, n'a jamais été qu'"une nouvelle sorte de magie". "Le Pèse-nerfs" (1925) et "L'Ombilic des limbes" (1925) restent les meilleurs témoignages de cette période de l'activité créatrice d'Artaud. On note même la présence de petits textes surréalistes conçus pour le théâtre, comme "Le Jet de sang". Mais désormais Artaud laisse à Breton le rôle de dictateur. Dès le vingt avril 1924, dans un article publié dans Comoedia intitulé "L'évolution du décor", Artaud exprime sa ferme intention de "re-théâtraliser le théâtre", de substituer au "théâtre de bibliothèque" de Henry Becque et même au "théâtre théâtral" de Gaston Baty un "théâtre dans la vie". L'aventure du Théâtre Alfred Jarry va illustrer cette intention. Artaud publie dans la Nrf un article où il annonce la fondation du Théâtre Alfred Jarry pour promouvoir l'idée d'un "théâtre absolument pur", d'un "théâtre complet", et faire triompher la "force communicative" de l'action. Il entre en résistance.    "Et elle est à vivre, la vie. Il y a trop de choses qui m'unissent à toi pour que je te demande de rompre, je te demande de changer nos rapports, de nous faire chacun une vie différente, mais qui ne nous désunira pas". Cette tentative aboutit à quatre spectacles mémorables: un premier spectacle réunissant les trois fondateurs. Artaud, "Ventre brûlé ou la mère folle"; Max Robur alias Robert Aron, "Gigogne"; Roger Vitrac, "Les Mystères de l'amour" en juin 1927. La projection du film de Poudovkine, "La Mère", accompagnée du seul troisième acte de "Partage de midi" de Paul Claudel, le quinze janvier 1928, "Le Songe d'August Strindberg", le deux juin 1928, "Victor ou les enfants au pouvoir" de Roger Vitrac, le vingt décembre 1928 et le deux janvier 1929. L'entreprise sombre alors dans l'agitation suscitée par les surréalistes, Breton en tête, l'hostilité publique et les difficultés financières. Le projet sera repris dans les années trente. Antonin Artaud fixe le "principe d'actualité". En 1931, il découvre le théâtre balinais, où il sent "un état d'avant le langage et qui peut choisir son langage. "Musique, gestes, mouvements, mots". Il affirme "la prépondérance absolue du metteur en scène dont le pouvoir de création élimine les mots". Après avoir pensé à un "Théâtre de la Nrf", pour lequel il essaie vainement d'obtenir la collaboration d'André Gide, il évolue vers un "Théâtre de la cruauté", qu'il annonce en août 1932 et qui va aboutir alors, après différents projets et essais, aux représentations des "Cenci" aux Folies-Wagram en mai 1935. Artaud n'est pas allé au bout de ses intentions. Ce qu'il a écrit est encore le texte d'une tragédie, inspirée de Percy Bysshe Shelley, mais il a travaillé ce texte comme une partition musicale, il a lui-même impressionné le public en jouant le rôle du vieux Cenci, bourreau devenu victime. Cruauté reste le mot clef d'Antonin Artaud dans les textes des années trente, qui seront recueillis en 1938 dans "Le Théâtre et son double", livre décisif, qui contient la théorie du "Théâtre de la cruauté" et divers témoignages sur ses possibles ou réelles illustrations. "Par ce double", précise l'auteur dans une lettre à Jean Paulhan, "j'entends le grand agent magique dont le théâtre par ses formes n'est que la figuration en attendant qu'il en devienne la transfiguration." Artaud ne se contente pas de mettre en scène, par tous les procédés connus de l'illusion théâtrale, des scènes cruelles avec des bourreaux et des vraies victimes. il veut exercer lui-même la cruauté, faire souffrir l'acteur, "faire souffrir la scène", "faire crier" le spectateur.    "Car on ne peut accepter la vie qu’à condition d’être grand, de se sentir à l’origine des phénomènes, tout au moins d’un certain nombre d’entre eux. Sans puissance d’expansion, sans une certaine domination sur les choses, la vie est indéfendable. Une seule chose est exaltante au monde: le contact avec les puissances de l’esprit". Avant même la publication du "Théâtre et son double", Antonin Artaud quitte Paris et la France, comme pour vérifier la présence ailleurs de cette magie qu'il voulait recréer sur scène. C'est le sens de son voyage de 1936 au Mexique, où il part à la recherche du peyotl, cette drogue dont l'ingestion correspond pour les Indiens Tarahumaras à un rite d'identification totale à la race, de rentrée en soi-même. Il en résulte un beau livre sur "Les Tarahumaras", qu'il faut lire moins comme un documentaire sur les Indiens que comme un témoignage sur la lutte d'Artaud aux prises avec les profondeurs de l'être. L'année suivante, il se rend en Irlande, d'où il rapporte ce qu'il croit être la canne de saint Patrick. Il l'exhibe sur le bateau qui le ramène en France et aurait menacé de sa puissance secrète les autres passagers. "Sur le plan terre à terre", observe alors André Breton, qui s'intéresse désormais à Artaud, "l'homme, et la société dans laquelle il vit, est passé tacitement à un contrat qui lui interdit certains comportements extérieurs, sous peine de voir se refermer sur lui les portes de l'asile ou de la prison. Il est indéniable que le comportement d'Artaud sur le bateau qui le ramenait d'Irlande en 1937 fut de ceux-là. Ce que j'appelle "passer de l'autre côté", c'est, sous une impulsion irrésistible, perdre de vue ses défenses et les sanctions qu'on encourt à les transgresser." Antonin Artaud est interné successivement à Quatremare, à Sainte-Anne, à Ville-Evrard. En 1942, inquiets du sort de leur ami dément en zone occupée, Paul Éluard et Robert Desnos demandent au docteur Ferdière de le prendre dans son asile de Rodez. Il va y subir un traitement par électrochoc. Antonin Artaud en profitera alors pour écrire.    "Mais si j’enfonce un mot violent comme un clou je veux qu’il suppure dans la phrase comme une ecchymose à cent trous. Je vous veux pour votre sensibilité". Les "Lettres de Rodez", écrites du dix-sept septembre au vingt-sept novembre 1945 à l'intention d'Henri Parisot, traducteur de Lewis Carroll, et publiées en 1946, constituent un témoignage bouleversant sur cet internement, sur cette cure contestable, et sur les souffrances d'un homme qui, dès la lettre qu'il adresse le vingt-deux octobre 1923 à sa compagne d'alors, Genica Athanassiou, dit que l'"idée de souffrance" est "plus forte"pour lui "que l'idée de guérison, l'idée de la vie". Alarmé, un comité se réunit pour le délivrer. Le docteur Ferdièrey consent le dix-neuf mars 1946. Le vingt-six mai, l'écrivain arrive à Paris. Confié aux soins du docteur Delmas, à Ivry, il bénéficie d'une relative liberté et d'une certaine autonomie. Un soutien s'organise alors, des présences attentives veillent sur lui, en particulier celle de Paule Thévenin. Le créateur retrouve ses droits. À l'occasion d'une exposition Van Gogh au Musée de l'Orangerie en janvier 1947, il écrit un long texte, "Van Gogh le suicidé de la société". Il n'y a pas loin, il le sait et il veut qu'on en soit persuadé, de Vincent Van Gogh à Artaud le Mômo. Le ton de ces nouveaux écrits est âpre, l'ironie mordante, le style jaculatoire. Ainsi, écrit-il, "on peut parler de la bonne santé mentale de Van Gogh qui, dans toute sa vie, ne s'est fait cuire qu'une main et n'a pas fait plus,pour le reste, que se trancher une fois l'oreille gauche, dans un monde où on mange chaque jour du vagin cuit à la sauce verte ou du sexe de nouveau-né flagellé et mis en rage, tel que cueilli à sa sortie du sexe maternel". De cette violence intime témoignent l'émission "Pour en finir avec le jugement de Dieu", que la radio renonce à diffuser, la Conférence-spectacle au Théâtre du Vieux-Colombier et maints textes tardifs où éclate une ironie féroce sur le monde et sur lui-même. Le dernier "Théâtre de la cruauté", dans le texte qui porte ce titre, daté du dix-neuf novembre 1947, c'est le théâtre du corps souffrant d'Antonin Artaud, rongé par le cancer dont il va mourir à Ivry-sur-Seine le quatre mars 1948. Il est enterré civilement au cimetière parisien d’Ivry par le cercle de ses amis. Sa famille fera transférer ses restes près de trente ans plus tard, en mars 1975, au cimetière Saint-Pierre à Marseille.    Bibliographie et références:   - Évelyne Grossman, "Antonin Artaud, œuvres" - Florence de Mèredieu, "Antonin Artaud, Portraits et gris-gris" - Franck Jotterand, "Le nouveau théâtre américain" - Marc de Smedt, "Antonin Artaud l'homme et son message" - Jean-Pierre Le Goff, "Mai 68, l'héritage impossible" - Jacques Derrida, "L'écriture et la différence" - Thomas Maeder, "Antonin Artaud" - Paule Thévenin, "Antonin Artaud" - Laurent Vignat, "Antonin Artaud, le visionnaire hurlant" - Jérôme Prieur, "La véritable histoire d’Artaud le mômo"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 26/04/24
"Les fleurs sont reposantes à regarder. Elles n'ont ni émotions, ni conflits." L'ennui quand la chance nous quitte, que les jeux de la vie sociale se réduisent à leur plus simple expression, c'est alors qu'on a besoin d'amour. C'est la flamme qui tient lieu de tout. Les expédients que nous employons pour l'oublier ne font que raviver la blessure. Nous ne savons pas aimer, nous ne savons que nous enfoncer corps contre corps dans la nuit redoublée. On arrive plein de feu, on se quitte plein de fiel. Les cœurs éperdus, égarés par les rêves, rejoignent alors leur logis mais d’où nous vient le sentiment ambivalent de l'altérité ? Nous pourrions discerner en notre semblable quelqu’un de différent, parce que nous le sommes pour nous-même. La naissance de l’altérité pourrait résulter de la division du sujet, puisque nous sommes à chaque instant la proie d’un dédoublement interne. À peine né, nous avons commencé dans cette voie. Nos parents nous ont voulus à une certaine place et nous les avons contredit. Nous avons affirmé notre existence en disant non à ce qui nous détermine. Non est notre premier nom et le reste. Son patronyme nous fouette et fait de nous d’éternels voyageurs. Mais cette dualité interne suffit-elle à engendrer la reconnaissance de l’altérité ? Ce n’est pas certain, car assoiffé de la résolution de sa contradiction, le maintien de soi tente ce sujet divisé. Il lui faut de l’un, il aime le groupe qui l’unifie et il rejette l’étranger. Il adore chanter en chœur, et a horreur des fausses notes. Peut-on espérer que grâce à l’amour, la reconnaissance du prochain sera possible ? Le christianisme a promis une telle rédemption, mais comme cet amour qu’il divinise s’est clivé du sexe, il a obtenu le contraire. L’autre de l’amour ne diffère pas vraiment de nous, il est encore notre double et l’amour de narcisse se retourne si aisément en haine. Le visage du semblable suppose la transcendance divine.    "Aussi les sages de tous les temps ont-ils avec la plus extrême insistance, déconseillé de suivre cette voie dans la vie. Elle n’a cependant pas perdu l’attraction qu’elle exerce sur un grand nombre d’enfants des hommes". François Antommarchi qui professait l'anatomie à Florence et qui procéda à l'autopsie du corps de l'Empereur nota, à Sainte-Hélène à propos de sa forme virile, "sicut pueri," un sexe d'enfant. Certainement Hyppolyte Charles était mieux doté. Ce détail trivial, indécent, comme on en trouve dans les pièces de Shakespeare pour refroidir l'émotion, jette une lueur humaine sur la gloire. Comme si cette construction des conquêtes, ce désir compulsif, d'étendre son pouvoir et son être au plus profond de l'espace, de le marquer de son empreinte, n'avait été que le revers sanglant et lumineux d'une faiblesse. D'où venait son insatisfaction sinon son inaptitude au bonheur ? Il lui fallait des drames, des souffrances, un théâtre d'émotions, des trahisons. Il y a des êtres qui trouvent dans le dévouement une fois dans la vie, un élargissement de ses limites, car l'amour est sans fin. La reconnaissance d’autrui frappe celui qui la fait et l’éveil de la conscience reste le mouvement premier vers l'autre. Mais on ignore la nature de ce besoin, de même que l’on comprend mal ce qui pousse à l’affronter, sinon un choix éthique mystérieux. Pour Freud, l’amour du prochain n’est envisagé que comme une inversion, un refoulement de la haine pulsionnelle. La naissance du surmoi qui en procède amène le sujet à respecter son semblable, mais seulement dans la mesure où il ne saurait porter atteinte à un autre lui-même sans s’anéantir du même coup. Les premières phobies de situation sont celles de l’obscurité et de la solitude. La phobie naît de nuit, dans l’absence de reflet ou lorsque fait défaut l’écho d’une parole. Mais quand quelqu’un parle, il fait clair. La solitude et l’obscurité confrontent de façon angoissante au vertige du vide de l’autre.    "Un amour qui ne choisit pas nous semble perdre une partie de sa valeur propre du fait qu’il est injuste envers l’objet. Et qui plus est: les hommes ne sont pas tous dignes d’être aimés." Solitude nocturne, premiers émois en compagnie de Séléné, la déesse de la lune dont le plus grand amour fut le beau berger Endymion, qui refusant de vieillir avait demandé aux dieux de lui accorder une éternelle jeunesse. Zeus y consentit à condition qu'il soit plongé dans un sommeil éternel. C'est dans ces circonstances oppressantes que commencent les pratiques masturbatoires. L’onanisme décharge l’omniprésence de cet inceste latent. "La phobie de la solitude veut détourner la tentation d’une onanie solitaire" écrit Freud dans "Inhibition, symptôme, angoisse." La peur de l’obscurité a cette conséquence étrange de provoquer l’érection et la masturbation. Ainsi, tout se passe comme si l’impérieuse érogénéité du pénis ou du clitoris venait affirmer que le corps n’est pas le phallus. La masturbation est un mouvement de résistance et de protestation. Le corps dit non en jouant la partie contre le tout, en entamant, en quelque sorte, une lutte du pénis contre le phallus. Mais la jouissance qui en résulte ne soulage rien, car l’orgasme est aussitôt suivi de la menace d’une retombée dans le néant. De sorte que la masturbation doit reprendre presque aussitôt. Parfois effrénée, l’excitation solitaire devient ainsi une modalité de la survie. Pas d’altérité dans cette excitation dont la jouissance signifie une chute en miroir. Cette frénésie de l’onanisme reste souvent une habitude de l’adulte. Elle peut se prolonger devant le miroir, et il arrive aussi qu’elle trouve son équivalent dans l’amour les yeux fermés.   "La vie telle qu’elle nous est imposée est trop lourde pour nous, elle nous apporte trop de douleurs, de déceptions, de tâches insurmontables. Pour la supporter, nous ne pouvons nous passer de moyens palliatifs." Les réserves corporelles secrètes et la partie ténébreuse de l'âme infèrent la question de l'intime. Nous naissons, nous vivons et nous mourons au milieu du merveilleux. Ce qui force au secret, surtout lorsqu’il s’agit d’un secret touchant au corps, renvoie à une sorte de sacralisation de ce qui ne peut se dire, s’avouer, sacralisation dont l’enracinement peut se réclamer d’une culpabilité, d’une anormalité possible. Sacralisation d’une part de l’intime risquant de devenir religiosité, ritualisation privée ou cérémonie secrète n’appartenant qu’à soi. L’autre, son jugement, son regard prenant alors valeur de sanction redoutée. Sanction contre quelle jouissance ainsi cultivée ? Le secret du corps peut révéler paradoxalement une jouissance coupable qui, si elle devait être découverte ou révélée, ouvrirait au châtiment. La sublimation sexuelle, l’éclosion pulsionnelle est une fracture ressentie comme une violence, comme la source du travail de l’altérité au cœur de soi. Le corps, dans son désir naissant, est alors perçu comme l’œuvre de l’altérité en soi. Le corps semble trahir, ouvrir sur un langage dans lequel il est difficile voire dangereux de se reconnaître. Le secret apparaît alors comme un mode défensif qui permet le déplacement de la sexualité œuvrant le corps sur une sphère fantasmatique. Mais le secret génère aussi cet autre pendant qui est la honte, la peur d’être découvert. Le malaise généré par la dissimulation de la jouissance se justifie par la quête d’une pureté qui doit être maintenue. L’abject serait alors la matière même du secret, sa fondation.   "Autrui joue toujours dans la vie de l'individu le rôle d'un modèle, d'un objet, d'un associé ou d'un adversaire, et la psychologie individuelle se présente dès le début comme étant en même temps, par un certain côté, une psychologie sociale, dans le sens élargi, mais pleinement justifié, du mot." Mais la force narcissique faisant emprise sur la vie intime en visant le corps dans une précipitation onirique n'est en fait pas l'ardeur mais un essai malheureux de rapprochement de l'autre en soi. Elle ne vise plus le corpus mais la psyché. Le narcissisme ne reconnaît que lui-même dans cette course-poursuite avec son double, qui va se poursuivre jusqu’à l’heure où la différence des sexes va se découvrir. Le narcissisme ne résulte pas d’un mouvement premier du moi ne pensant qu’à lui-même, il procède du désir de l’autre. Et lorsque l'on rêve très tôt de se marier, d’harmoniser de l’homme avec de la femme, c’est pour nous une façon de faire du un. Ce mariage de rêve enfantin ne connaît pas la différence sexuelle, il connaît une différence des genres masculin et féminin sans signification érotique. Sa cérémonie se déroule toujours en blanc. Promesse qui sera trompée la nuit de noces elle-même. Le blanc vire au rouge, lorsque la différence des sexes se découvre et que le rêve de soi explose. Le sexe métamorphose l’amour, lévite le prochain à la hauteur d’un semblable indifférent, cela grâce à la potentialité de l’identification phallique elle-même. Il y a là une profonde raison, qui explique pourquoi Freud a considéré que la différence du masculin et du féminin n’état pas faite d’abord grâce à l’anatomie mais s’établissait en termes d’activité ou de passivité. En ce sens, l’acte qui correspond à la masculinité est l’érection. Car la possession du pénis ne suffit pas en effet pour l’avoir en érection, état sans lequel il sert à peu de chose, sauf l’honneur.     "Nous ne sommes jamais aussi mal protégés contre la souffrance que lorsque nous aimons." Mais alors quelle est cette sente secrète autorisant après les premiers émois sensuels la délectation phallique ? C’est une satisfaction spécifiant la masculinité et l’érection. Il faut que la besogne soit transgressive, se heurtant ainsi à une barrière quelconque, fonctionnant comme un équivalent psychique de la loi. Le sentiment de faire ce qu’il ne faudrait pas aura alors l’inceste comme équivalent psychique. En ce sens, la punition sera ainsi le signe d’un péché excitant, et l’acte spécifique au masculin comporte cette violence, voire ce sadisme latent. Celui qui veut être maître de la jouissance phallique doit être violent. Pour obtenir l’érection, il faut la guerre. Dans le rapport du semblable au semblable, l’usage de la force décide de qui se trouve du côté féminin, et qui du côté masculin. La brutalité contre l’autre est le premier trait de masculinité, alors que le rapport sexuel est encore complètement méconnu. Cette activité brutale décide du choix du sexe et elle ne peut se faire sans la reconnaissance d’une altérité qu’elle fait naître. Elle instaure une dissemblance sur le fond d’une communauté d’appartenance. La masculinité s’impose par la lutte sur le fond de la féminité. La virilité n’est jamais gagnée d’avance, elle constitue une épreuve constante. Dompteur de fauves, symbole de la force physique, le héros Héraclès était infatigable.   "Ce qu’on appelle bonheur au sens strict résulte de la satisfaction plutôt soudaine de besoins accumulés et n’est possible, par nature, que comme phénomène épisodique." La déesse Artémis qui était puissamment bâtie ou qui découpait n'a pas toujours été l'illustration du complexe de castration, se manifestant chez la femme par l'inacceptation de son sexe et de sa fonction naturelle. Elle se laissa attendrir par Orion et Hippolyte qui sut lui aussi toucher son cœur. Mais cela ne résout pas pour autant notre problème. Dans la séduction et l'altérité, comment est fait le sexe féminin ? La nature du sexe féminin et son anatomie sont l’occasion d’une incertitude permanente. L’étrangeté de l’identité féminine se détache en effet. Les genres féminin et masculin se distinguent d’abord grâce aux oppositions activité/passivité, ou encore, érection ou pas d’érection. Quand bien même l’anatomie serait-elle vue de la manière la plus aveuglante, elle continue de receler un mystère. Le sexe féminin reste ainsi l’objet d’une fascination angoissée. Il annonce une altérité inquiétante dont il n’y a pourtant pas moyen de se passer, puisque c’est grâce à elle que la virilité s’affirme. L’incrédulité concernant le sexe féminin contamine l’ensemble de la vie psychique, non pas latéralement, mais à titre de fondement. Le doute se stratifie à partir de cette origine,  jusqu’à son déploiement dans les fantasmes descènes de séduction. Le doute cartésien n’est que parent pauvre, c’est la pensée qui fuit infiniment ce qu’elle doit au sexe. Ce n’est pas simplement que l’homme aurait à découvrir la femme, et réciproquement. C’est en chacun d’entre eux, de la castration, de l’existence du féminin dont il s’agit. L’homosexualité n’invalidant pas cette reconnaissance de l’altérité. Cette découverte tardive du féminin expérimente l’hétérogénéité la plus redoutable, celle que chacun est d’abord pour lui-même.    "Toute prolongation d’une situation convoitée par le principe de plaisirs donne seulement un sentiment de tiède contentement. Nous sommes ainsi faits que nous ne pouvons jouir intensément que du contraste, et très peu d’un état." La distinction du sexe féminin dans le couple séduction/désir exige que cette disparité si charmante soit étudiée dans sa plus grande globalité. Car c’est seulement avec ce contraste que se rompt la solitude. Cette altérité de l’être féminin que les garçons craignent d’être, et que les filles n’acceptent que jusqu’à un certain point, distingue un genre de l’autre très abstraitement, car concrètement, les garçons comme les filles rejettent le féminin. C’est une altérité qui ne sera reconnue qu’avec la sexualité en acte. La sexualité impubère méconnaît le rapport sexuel sous l’angle de sa jouissance, et cette ignorance ne résulte pas d’une pudibonderie parentale ou de la répression sociale. Comment une altérité si traumatisante arrive-t-elle à s’imposer dans le vert paradis de l'adolescence ? La portée exacte du traumatisme sexuel se découvre autout début de l'âge adulte et elle refonde le sujet de fond en comble. Et lorsque cela lui arrive, il découvre la différence, à commencer par celle des sexes. Avant ce moment violent, le semblable existait sans doute, mais il était seulement l’autre du narcissisme, celui avec lequel on pouvait s’amuser, rire de la sexualité un peu grotesque des adultes. Tout change dans le cadre de la rivalité pour l’amour. L’amour fait sortir le sexe de son anonymat, il oblige à un choix contre un tiers, mettant en jeu l’interdit, la jouissance qui était d’abord masturbation va prendre un autre sens. La présence du tiers est implicite dans l’amour, de même que la demande d’exclusivité, cet amour introduit alors sa dimension dans la sexualité.    "Partout où je suis allé, un poète était allé avant moi." Le sexe de chaque femme a son rythme propre, sa palpitation et son émoi. Si l'on applique l'oreille dessus comme on procède avec les grands coquillages pour écouter la mer, on entend une longue plainte distincte, un frisson unique venu des profondeurs de l'être. C’est à l’occasion des jeux de la rivalité pour l’exclusivité que le deux de la reconnaissance de l’autre va s’établir à partir du trois, et non plus comme c’était le cas dans le rapport narcissique au service du un. C’est à partir de l’exclusion de la troisième personne que le deux de l’altérité apparaît. La jouissance sexuelle prend brusquement son sens à partir de cet interdit qui ne se découvre jamais si bien qu’à l’heure de la rivalité malheureuse. La division du corps par sa propre jouissance fait naître une altérité à partir de ce qui, au départ, était seulement rencontre sexuelle de deux personnes, ou plutôt de deux fois une personne, chacune isolée dans les suites de ses rêves onanistes. Du côté féminin comme du côté masculin, le tiers se dégage à partir du deux. La troisième dégage l’altérité de la femme, alors que du côté masculin, le désir de sexualité éloigne l'idée de mort. L’altérité est ainsi doublement ce que découvre la rencontre de l’autre sexe. Chaque fois que nous regardons un être de notre espèce, il tombe sous le coup de notre propre division, il prend rang au regard de notre obsession sexuelle. C’est de lui dont nous nous abritons lorsque nous fermons notre chambre. Sans doute ne s’occupe-t-il pas de nous, ni nous de lui, mais nous ne l’oublions pas quand se clôt la porte derrière laquelle arrive, cette étrangeté. Dans l'éloignement du regard du tiers, règne alors la nuit propice.   Bibliographie et références:   - Élisabeth Badinter, "L’un et l’autre" - Sigmund Freud, "Inhibition, symptôme, angoisse" - Emmanuel Levinas, " Altérité et transcendance" - Jean-Paul Jacquet, "Altérité et performance" - Gilles Ferréol, "Dictionnaire de l'altérité" - Jean Lombard, "Philosophie de l'altérité" - Denise Jodelet, "Formes et figures de l'altérité" - Éric Bailblé, "La notion d'altérité" - Jean-François Staszak, "L'altérité et le sexe" - Johann Jung, "Le double et l'altérité" - Marc Weber, "De l'autre côté du miroir"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 23/04/24
"La jalousie est une passion furieuse qui ne laisse ni repos ni tranquillité à ceux qui en sont possédés, et qui est la source du malheur d'au moins deux personnes. C'est le poison de l'amour, elle rend injuste, vindicatif et cruel. Trop excessive, la jalousie est bien souvent la première cause d'une séparation." Madeleine de Puisieux. "Les conseils à une amie" (1751)   "Comme jaloux je souffre quatre fois: parce que je suis jaloux, parce que je me reproche de l'être, parce que je crains que ma jalousie ne blesse l'autre, parce que je me laisse assujettir à une banalité: je souffre d'être exclu, d'être agressif, d'être fou et d'être commun." La jalousie passionne, dérange, obscurcit. L'enchantement de l’autre est insoutenable, lorsqu'on croit ne pas posséder ce que l’autre détient ou lorsqu'on ne peut pas se l'approprier. En somme, le jaloux refuse impulsivement de croire qu’il est, comme l’autre, car il n'a pas ce qui est réputé faire exister cet autre et, dans la projection, il l’accuse de le lui avoir dérobé. La vengeance et la colère surgissent alors pour détruire ce qui échappe. Ainsi, cette "jalouse rage" de Phèdre, manifeste la relation possessive au sujet, la dépendance envers cet autre dont il ne peut se passer. "Si je ne suis pas tout pour l’autre ou s’il n’est pas tout pour moi, alors il n’est rien ou je ne suis rien", tel est le discours forcené du jaloux. Se frayant un chemin entre colère et mensonge, l’affect de la jalousie fonctionne sur le registre de l’avidité orale. Le jaloux envie ce qui fait vivre l’autre et il s’en sent exclu, rejeté parce qu’il croit qu’il n’a pas ce que l’autre a. Sur le mode binaire du toi ou moi, sans partage, il se nourrit du fantasme que le partenaire est livré à la jouissance dévoratrice d’un autre, que ce soit réel ou pas. Depuis bien longtemps, Freud a repéré la dimension projective de cet acte consistant à imaginer chez l’autre la tentation qui est en soi, par exemple, de l’infidélité. Alors que l’amour est en position tierce, la jalousie pose toujours l’autre comme un rival dans une relation duelle d’exclusive alternative. La jalousie prétend être un amour à deux, un amour qui ne se fait pas connaître. Sans partage, sur le mode binaire du toi ou moi, à l’inverse de l’amour, plus la jalousie est forte moins elle se montre. Elle couve dès lors sous les charbons ardents d’une colère rentrée ou se retourne dans la formation réactionnelle d’un dévouement qui donne le change: "J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer" avoue Néron au sujet de son frère Britannicus. Ce pourrait être l’adage de tout jaloux, comme cette analyse que nous propose encore Racine par la bouche d’Ériphile dans Iphigénie: "Je n’accepte la main qu’elle m’a présentée que pour m’armer contre elle, et sans me découvrir traverser son bonheur que je ne puis souffrir."Jeanne la folle, nous dit la légende ne supportait pas les infidélités de son mari. Sa mort brutale n'y changea rien. Le cortège funèbre qui accompagnait les restes de Philippe le Beau de Burgos à Grenade voyageait de nuit. Pendant la journée, le cercueil était exposé dans les églises, la reine refusait aux femmes d'y entrer et interdisait qu'on fasse étape dans les couvents féminins. Un soir, s'étant rendue dans une abbaye de femmes, elle fit immédiatement sortir le cortège et l'obligea à faire halte au milieu de la campagne dans la froide nuit de Castille. De plus, Jeanne faisait ouvrir de temps en temps le cercueil afin de vérifier que le cadavre n'avait pas été enlevé et que Philippe était bien seul. Cette jalousie pathologique va entraîner sa réclusion à Tordesillas sous bonne garde, avec interdiction formelle de recevoir des visites. Il est heureusement des destins moins funestes. Comment l'apparition d'un sentiment de jalousie peut avoir un effet mutatif qui modifie le comportement humain ? Cet affect passionnel renvoie à la définition qu'en donne Platon: "Est jaloux, celui que l'amitié n'amène pas de son plein gré à partager tel ou tel avantage." Pour sa part, Socrate, dans une argumentation étonnamment complexe, se trouve être à la fois une douleur, due au chagrin éprouvé devant le bien qui échoit à autrui, mais aussi un plaisir. "La jalousie est un plaisir qui intéresse l'âme seule, mais un plaisir étrangement mêlé de peine, comme le sont d'ailleurs, la colère, la crainte, le regret, l'affliction, et le désir.    "La découverte d’une liaison est douloureuse. Pour qui veut vider une relation de sa substance et la détruire au plus profond, l’infidélité est une solution imparable. Elle incarne la trahison sous toutes ses formes: la duperie, l’abandon, le rejet, l’humiliation, autant de choses contre lesquelles l’amour promettait de nous protéger." Depuis la nuit des temps, la psyché de la jalousie emprunte un large champ tant en Littérature qu'en psychanalyse. Dès lors, on comprend mieux pourquoi Freud a situé la jalousie comme motif central de la vie psychique. On remarque que dans cette fresque d’origine, la mère n’est pas là. On voit seulement se débattre des hommes et des femmes comme dans la vie normale exogame. La mère n’a qu’un second rôle, celui d’une protectrice contre l’inceste paternel, contre le loup des cauchemars du premier jour. Un enfant bien protégé par sa mère devient le prototype du Héros, un rédempteur du parricide, un Messie. "Au héros revient la fonction du préféré de la mère qui l’avait protégé de la jalousie paternelle", écrit Freud. À quoi peut nous servir ce point de vue panoramique de la divine jalousie du père primitif ? C’est qu’il devient alors plus clair qu’une bisexualité structurale s’immisce dans les lois du genre et du choix d’objet sexuel. Et que nul ne naît homme ou femme, sinon à rejeter sa féminisation première par un Urvater. De sorte que l’imbroglio de la jalousie, indépêtrable dans son vécu massif ordinaire, trouve un fil conducteur. La jalousie d’un homme pour une femme, ou le contraire, ou les deux en même temps est mise en tension par les quatre figures appariées de leur bisexualité, avec lesquelles il serait possible de s’arranger, si leurs jeux n’étaient manigancés par un mort qui ne l’est jamais pour de vrai. Un revenant qui chute peut-être à l’heure du cri orgastique, mais que la jalousie se hâte de faire renaître. Car loin d’être l’affect d’un coup subi passivement, la jalousie est un vecteur, un éclaireur qui sait longtemps faire cavalier seul, avant de trouver les raisons de sa passion. Le jaloux l’est bien avant d’entrouver le prétexte. Il pressentait depuis longtemps l’imminence de ce malheur, ou même, à force de chercher à le prévenir, il le provoque. C’est le résultat brut de la complexité, ressentie comme un tout opaque, rayonnant en de multiples directions dans une sorte de corps à corps avec un autre dédoublé, entre attrait et ressentiment, dans l’aimantation de détails sur lesquels il faut investiguer, de preuves anticipées dont il faut découvrir ce qu’elles cachent, poussant à enquêter, chaque nouveau cheveu accroissant l’emprise de la persécution, l’obsession d’une jouissance qui opère par-derrière, sur laquelle on ne saurait se retourner sans qu’elle soit toujours dans le dos de celui qui la provoque en la traquant, de celui qui participe à ce dont il est victime, pris d’une folie du doute sur l’existence même de la tromperie et la rupture d’une promesse de fidélité. Mais nous le savons tous, pour avoir un jour senti cette excitation angoissée plomber sa vie. Mais c’est bien tout autre chose que de voir son frère profiter du sein maternel.    "La jalousie ne permet jamais de voir les choses telles qu'elles sont. Les jaloux voient le réel à travers un miroir déformant qui grossit les détails insignifiants, transforme les nains en géants et les soupçons en vérité." Cervantès résume parfaitement le sujet de notre propos. En 1922, Freud écrivit une sorte de minitraité de la jalousie: "Quelques mécanismes névrotiques dans la jalousie, la paranoïa et l’homosexualité." On y admire la simplicité de la méthode, partant d’abord de la régularité des faits pour en tirer les inférences. Le texte répartit la jalousie en trois niveaux: la jalousie "normale", la "projective" et la "délirante." C’est une généalogie diachronique, dont chaque phase approfondit la compréhension du précédent, la jalousie "normale" étant presque incompréhensible, sauf si on la confond avec l’envie. En réalité, on n’y comprend pas grand-chose, mais l’épinglage de cette "normalité" a un effet soulageant pour le lecteur, celui de faire sortir la jalousie de la pathologie. Il n’est pas malade et peut donc se laisser aller à sa passion.La structure ne s’éclaire vraiment qu’avec la jalousie délirante. Pour la mécanique, on s’y retrouve bien mieux avec la "jalousie projective", qu’on pourrait lire ainsi dans tous les cas de figure. Prêter au partenaire des libertés que l’on aimerait prendre soi-même. C’est court, lumineux mais finalement trompeur car on ne voit pas quel est le gain psychique de cette projection, qui la rend excitante au point de provoquer les situations adéquates à son aiguillon. Cette projection de son propre désir réprimé, ressemblant à une mise en scène de vaudeville, devient brusquement un mystère, celui du lien de l’amour et de la mort, expression romantique bien faite pour masquer les conséquences sacrificielles de l’interdit de l’inceste. Car l’excitation de la scène jalouse, érotiquement résolutive, anticipe d’abord la perte, sinon le deuil de la personne aimée, d’un amour annulé à l’avance par l’imagination de sa tromperie. En quelque sorte, la foi en l’amour tuée au profit d’un désir cru. Du même coup, cela peut d’ailleurs être aussi le vœu d’assassiner et par contrecoup un deuil mélancolique anticipé de soi-même aimant. S’il y a une jouissance de la jalousie, dénotée par l’excitation sexuelle qui l’accompagne, alors le jaloux va traquer les situations où elle explose. Il peut dès lors les rechercher délibérément en abandonnant le terrain au rival qu’il a lui-même présenté. Mais plus ordinairement en recherchant des preuves, le cheveu, le parfum, le sms ambigu. Et ce mouvement accompagne en même temps la douleur anticipée de la perte. On voit la nature de l’épine supplémentaire. C’est la culpabilité, la faute que s’attribue le jaloux d’avoir cherché ce qui le fait souffrir. Désormais, la culpabilité du dernier s’alimente de la jouissance du premier.    "L'infidélité a beaucoup à nous apprendre sur le couple, ce que nous en attendons, ce que nous croyons vouloir et ce à quoi nous pensons avoir droit. Elle met à nu notre perception personnelle et culturelle de l'amour, du désir sexuel et de l'engagement." L’objet de la passion, c’est le passionné. "La jalousie est bien souvent le triste partage de ceux qui n'ont rien dont on puisse être jaloux. Incapable de tout mérite, l'envie ne peut le souffrir dans les autres et aussi aveugle qu'injuste dans ses jugements, plutôt que de le reconnaître et de lui attribuer ses heureux succès, elle en donnera tout l'honneur aux causes les plus pitoyables et les plus ridicules." Cette maxime de Jean Baptiste Blanchard illustre la froide mécanique du sentiment de jalousie. La jalousie s’opacifie à la mesure de ses contradictions. Freud écrit à propos de la "jalousie projective" qu’elle est "souvent normalement renforcée", mais d’où lui vient ce renfort ? Le jaloux ne peut prendre en compte deux affects contradictoires, comme par exemple la souffrance d’être trompé "comme homme" et la jouissance de se faire copuler "comme femme." Et puisqu’il souffre, c’est la personne qui le trompe qui jouit. Il projette ainsi sur l’autre la moitié contradictoire de son sentiment, imaginant jusqu’à l’obsession sa jouissance avec le rival. La jalousie deviendrait pathologique, selon Freud, quand elle serait orientée par une homosexualité latente. Si tel était le cas, cela ferait beaucoup d’homosexuels latents habitant la planète. Et ce serait surtout oublier que l’homosexualité se définit par un choix d’objet sexuel. Lorsque ce n’est pas le cas, il s’agit non d’homosexualité, mais de la bisexualité qui anime le sujet divisé. Cette question bisexuelle est l’enjeu du tourment amoureux que l’appariement met en scène sans le résoudre, non sans que le rival ne l’aide à s’affirmer. Si une femme était un homme, elle n’arrêterait pas un instant d’aligner les conquêtes, exploit qu’elle prête facilement à son amant. Une femme craint avec constance que son amant ne la trompe comme elle le ferait si elle était un homme. Mais divisée qu’elle est par sa bisexualité, c’est le cas justement. Plutôt qu’homosexuelle, cette jalousie est très féminine, et reconnaissons-le, elle manque beaucoup moins que l’amour.   "Il y a deux sortes de jalousies. L'une est délicate, on ne l'a que parce qu'on ne s'estime pas assez soi-même. L'autre est grossière, et on ne l'a que parce qu'on n'estime pas assez l'objet qu'on aime. Cette jalousie est une injure, et l'autre une preuve d'attachement." Admettons qu'avec Jean-Jacques Rousseau, dans "Les pensées d'un esprit droit", le sujet semble limpide. L’hétérosexualité "normale" met en scène une répétition du désir du père, dont l’objet est la "Femme", mot aussi tabou que le nom de Dieu lui-même. La femme est l’objet du désir du père, à ce titre totalement scindée de la figure maternelle, et éternellement prostituée à ce désir, source d’une jalousie sans fond. Le jaloux aime une telle femme toujours au bord de cette prostitution sacrée. Cette femme onirique "normale" qui aiguillonne le désir est une"prostituée" du père, ce en quoi elle échappe à toute norme. En ce sens, les hommes s’attachent moins à des femmes qui sont sur le point de les tromper qu’à celles qui sont toujours quelque peu ailleurs, dans un débat indéfini avec l’Urvater, qu’ils se font un plaisir de trancher à leur profit. On est bien loin de la déesse Invidia du sein de saint Augustin. Cette érotique de la jalousie, orientée par l’orgasme, devrait concerner surtout les hommes. Pourtant, les femmes semblent beaucoup plus jalouses, d’autant que même si l’on ne possède pas de statistiques, il existe une propension plus grande des hommes à l’infidélité. On est donc devant une nouvelle contradiction, car si la jalousie "adulte" est orientée par l’orgasme féminin, les hommes devraient être plus jaloux. Tant s’en faut, pourtant. Car si cette érotique procède du départage du masculin et du féminin, celles qui se font désirer grâce à leur féminité voient leur jalousie se renforcer. Quand elle est permanente et excessive, la jalousie amoureuse prend la forme d’une paranoïa. Elle est vécue sur le mode possessif, voire exclusif. Le jaloux déteste voir ou imaginer son partenaire passer du temps avec d'autres personnes, non seulement parce qu’il est privé de sa présence, mais aussi parce qu'il s'estime le seul bénéficiaire légitime de son amour. Il se sent libéré de cette jalousie uniquement lorsqu’il est avec son partenaire, ce qui à teme compromet la liberté du partenaire, chez qui peut naître avec le temps un sentiment de frustration. Ce sentiment d'exclusivité peut pousser à la haine, ce qui peut l’entraîner à écarter, voire dans un cas extrême à tuer de façon passionnelle, l’être aimé.    "Un amour blessé s'ajoute à ceux qui l'ont précédé, et c'est ainsi que, par un effet ricochet, une brèche ouverte dans le présent peut faire résonner toutes celles du passé." Le combat entre rivaux devient si passionnant qu’il finit par faire oublier la femme et le souverain sujet qu’elle recèle. La mère, le père, la femme, le mari, l’amant, le frère, sont pris pour idole et enfermés comme trésor de la cassette d’Harpagon. Cette surestimation de l’objet caractérise la passion. L’autre mis en place d’auteur unique de la vie et du bonheur du sujet a seul l’initiative de la séparation et de l’union comme s’il n’y pouvait rien lui-même. Quand le désir de l'Autre se confond avec le désir de posséder l’autre, ce dernier ne représente plus ce qui lui échappe, ce qu’il donne sans le savoir, parce qu’il est réduit à une sorte de double fantasmé, théâtralisé et idolâtré. Par ce mécanisme de surinvestissement, l’unique objet d’amour et de ressentiment vient en place de signifiant de la mère originelle, première figure de l’Autre. Parce que le refoulement originaire par son opération de perte de l’objet unique et totalitaire fonde le narcissisme et l’autonomisation de l’espace psychique du sujet, son absence dans la jalousie pathologique tourne de plus en plus à la folie paranoïaque et au déchaînement d’une pulsion de mort non liée à la pulsion de vie. "Ah, je l’ai trop aimé pour ne le point haïr." Cet aveu d’Hermione d’une pertinence limpide montre bien cette bascule du toutou rien de la violence passionnelle qui n’est pas l’apanage des couples hétérosexuels, loin s’en faut. Des vétilles légères comme l’air semblent au jaloux des confirmations solides autant que les preuves de l’Écriture Sainte. Le don échappe à celui qui donne car, au fond, nul ne sait ce qu’il donne ni vraiment ce qu’il reçoit. Ce qui fait vivre l’autre, ce qui le met en joie, il ne peut que le partager, et non le posséder, dans la rencontre avec cet autre, et que dans la mesure où ça échappe et à l’un et à l’autre. Traverser la jalousie pour consentir à l’amour tel est le chemin que les poètes nous invitent à accomplir. Pour Calderon de la Barca "La jalousie, même de l’air que l’on respire, est mortelle."    Bibliographie et références:   - Alain Robbe-Grillet, "La jalousie" - Frédéric Monneyron, "L'écriture de la jalousie" - Daniel Lagache, "La jalousie amoureuse" - Jean-Pierre Dupuy, "La jalousie, une géométrie du désir" - Jacques Lacan, "Éthique et désir" - Nicolas Evzonas, "La jalousie pousse-au-crime" - Gaëtan Gatian de Clérambault, "Les délires passionnels" - Sigmund Freud, "Approche clinique de l'analyse" - Henri Laborit, " La vie antérieure" - Jean-Émile Charon, "La jalousie et l'amour" - Violaine Deral-Stephant, "Sentiments amoureux" - Philippe Sollers, "La mécanique des sentiments"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 20/04/24
Elle se réveille de la sieste, et se rappelle qu'elle est entravée. Sur le coté, en chien de fusil, il a lié ses chevilles avec une corde fine. Cette sensation est exquise, elle est offerte et elle le sait. Comme elle se réveille et se tourne, ses deux jambes frottent l'une sur l'autre et réveillent son intimité. Il rentre dans la chambre, son profil s'encadre dans la porte, avec cette jolie lumière en contre-jour. Elle est toute chaude, reposée, paisible Il s'installe sur le lit à côté d'elle, à hauteur de son visage, les jambes écartées, pour qu'elle puisse le caresser, sous les cuisses, la base du sexe qui enfle lentement, les bourses bien gonflées. Elle promène le dos de sa main sur cette chair si tendre, et l'entend gémir, dans son sommeil à peine terminé. Tout naturellement, elle embrasse sa peau, ses cuisses et son sexe, le prend dans sa bouche. Il est chaud, ferme sans être raide, souple sur sa langue. Elle le lèche, le mange, le caresse, le titille, il est juste à sa hauteur, sans efforts, au bon endroit, à sa taille. Les yeux fermés. Lui est paisible, réveillé, son sexe admiré et célébré par cette jolie femme, nue, attachée. Il aime la savoir comme ça, savoir qu'elle aime ce moment et lui demande d'être liée. Il aime prendre la place dans sa bouche, toute la place, sentir cette chaude langue sur lui. Il emplit cette bouche, coulisse dedans, ressent la chaleur et l'humidité autour de lui, de son membre raidi. C'est si bon ….. A regret, il quitte sa bouche, ce lieu si doux, humide et chaud. Elle laisse son membre quitter sa bouche, et s'installe confortablement sur le ventre, ses chevilles toujours liées. Elle a envie de lui, en elle, sur elle, de sentir leurs deux corps qui s'emboîtent, la chaleur de son ventre sur son dos. Il est heureux de la voir entravée, ses jolies fesses rebondies qui n'attendent que lui. Elle commence à se cambrer, sachant et rêvant ce qui va se passer, comment elle sentira son membre frôler ses fesses, comment de ses mains il écartera les deux collines pour s'introduire en elle. Lentement, très lentement. Elle a envie de cette chaleur sur elle, ce membre lourd qui se pose sur ses fesses, les masse doucement, les ouvre, qui s'introduit lentement en elle, cette parfaite harmonie des corps. Il veut sentir cette sensation d'être en elle, caverne élastique et chaude, humide et accueillante. Entendre sa respiration qui s'accélère, ses fesses qui se soulèvent, pour mieux l'accueillir, profondément, jusqu'à être arc-bouté en elle. Loin. Tout au fond. Il aime quand elle met un coussin sous ses hanches pour encore mieux lui montrer cette partie-là, si tentante, ronde, lisse, appétissante. Il veut être en elle, ne faire qu'un avec elle, son sexe qui l'emplit, la remplit, l'enivre et la contente, l'emmène comme sur une vague au rythme de leurs souffles. Il veut le début, la fin, les vagues, l'emmener, se faire guider, et la posséder. Elle aime savoir qu'elle lui présente ses rondeurs, qu'il les regarde ….... fasciné, que sa fente l'attire irrésistiblement, qu'il va la sentir, la respirer, la humer, s'en imprégner comme si c'était la première fois. Puis la lécher, la manger, la titiller, en gardant sa main nonchalamment posée sur ses genoux. Elle aime sentir qu'elle est la source de ça, la destination aussi, et que leur plaisir à eux deux dépend de lui et d'elle, uniquement et totalement. Elle attend et goûte ses chevilles immobiles, cette partie d'elle qui ne pourra bouger, comme pour concentrer son plaisir sur son intimité. Elle aime être l'outil, l'objet qui leur donnera du plaisir à tous les deux. Alors, il la fouille avec ses doigts, la caresse, l'admire, puis s'insère en elle, la prend, la possède, l'emmène loin, en elle, dans son antre à elle, dans ses profondeurs. Elle savoure cela, ses pieds crispés noués par la corde, inquiète de son plaisir qui est différent des autres fois. Il continue à l'emmener loin, dans un mouvement sans début et sans fin, sur elle, chaud, lourd, et aimant. Mettant ses bras sous ses épaules, il va loin, tout au fond, et reste comme blotti en elle, la caressant de l'intérieur avec son sexe immensément doux. Elle savoure tant cette sensation, être caressée, complétée, emplie, complète, être un avec lui, ne plus savoir qui est qui, où commence l'une et finit l'autre. Elle a oublié ses liens, et le ressent, lui, en elle, puissant et si doux, si dense et si léger à la fois. Elle pose ses mains sur ses mains, ils se nouent ensemble, en l'embrassant dans le cou, tendrement, dans ce grand mouvement à deux qui leur appartient. Il savoure ce moment, cette chaleur, l'humidité élastique d'elle, de cette partie d'elle, ses fines jambes immobilisées sous lui, pour leur plaisir à tous les deux. Il s'enfonce en elle comme on s'enfoncerait dans une jungle humide et sombre, entend son souffle qui se cale sur le sien, ils grimpent sur les vagues et redescendent dans les creux. Ensemble. Son membre la demande, la réclame, la connaît et l'aime, la savoure et la respecte à la fois. Jambes serrées, elle le réclame …... geignant fort comme une petite fille, elle est sa possession, pour leur plaisir à tous deux. Il la veut, il la veut tant, voudrait l'emmener encore plus loin, la relance, la possède, la prend, encore et encore, et l'écoute, geindre, plus fort, gémir et réclamer. Elle ne sait plus où elle est, a oublié ses jambes liées, sa chambre, n'est plus qu'un sexe, une sensation immense, qui remplit ses bras, ses jambes, ses poumons, sa bouche. Elle monte avec lui, et redescend avec lui. Elle le veut, elle l'a, il est là, en elle, pour elle, avec elle, a oublié son plaisir d'avant, d'il y a longtemps. Elle écoute son propre souffle, s'en émerveille, s'en affole aussi. Alors elle s'envole, oublie le temps pour n'être qu'une sensation, pur plaisir, ressenti, jouissance, douceur immense, elle est sur les vagues de plus en plus haut, de plus en plus fort, il la possède encore et encore et encore. Alors elle demande « Maintenant » Il attendait sa demande, espérait sa voix, et continuait à goûter ce plaisir immense en elle, leurs peaux collées par la sueur, leurs peaux avides d'être goûtées. Sa petite voix l'emmène loin, encore plus haut, tout en haut, et à son tour il oublie le temps, le lieu, s'oublie en elle, souffles coupés et corps mêlés. Jouissance ultime, lui en elle, arc-bouté, elle avec lui, corps nus et rassasiés l'un par l'autre. Ensemble. Loin. Respirations à l'unisson, peaux nourries, corps qui s'apaisent lentement, la vie est loin. Si loin. Copyright Laidy Sienne. Texte personnel, ne pas copier ou diffuser sans mon autorisation.
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Par : le 12/04/24
"Il la saisit alors avec férocité, il la place comme il avait fait de moi, les bras soutenus au plancher par deux rubans noirs. Je suis chargée du soin de poser les bandes. Il visite les ligatures. Ne les trouvant pas assez comprimées, il les resserre, afin, dit-il, que le sang sorte avec plus de force. Il tâte les veines, et les pique toutes deux presque en même temps. Le sang jaillit très loin. Il s'extasie et retournant se placer en face, pendant que ces deux fontaines coulent, il me fait mettre à genoux entre ses jambes, afin que je suce". Jadis, et sans nul doute de nos jours encore, le concept de perversion n’a été concevable que parce qu’il rejetait l’homme à un reflet de lui-même fondé sur le mal et donc sur la sanction divine qui en était la conséquence logique. Longtemps confondue avec la perversité, la perversion était regardée comme une manière particulière de retourner, de déranger ou de mettre sens dessus dessous l’ordre naturel du monde. Elle visait, disait-on, à convertir les hommes au vice, mais aussi à les égarer, à les corrompre, à leur éviter toute forme de confrontation avec la souveraineté du bien et de la vérité. L’acte de pervertir supposait alors l’existence d’une autorité divine. Et celui qui se donnait alors pour mission d’entraîner vers son autodestruction l’humanité entière n’avait d’autre destin que de guetter dans le visage de la Loi qu’il transgressait le reflet du défi singulier qu’il avait alors lancé à Dieu. Démoniaque, damné, criminel, dépravé, tortionnaire, débauché, charlatan ou délictueux, le pervertisseur était d’abord un être double, tourmenté par la figure du diable, mais habité du même coup par un idéal du bien qu’il ne cessait d’anéantir afin d’offrir à Dieu, son maître et son bourreau, le spectacle de son propre corps réduit à un déchet. C’est bien parce que le personnage du pervertisseur entretenait une telle relation avec l’ordre divin, que les pratiques les plus ordurières purent être élevées au rang de l’héroïsme le plus pur. Ainsi, quand ils furent adoptés par les mystiques, les rituels sacrificiels, de la flagellation à la dévoration d’immondices, devinrent-ils l’expression d’une sainte exaltation. Anéantir le corps physique ou s’exposer aux supplices de la chair. Telle était la règle de ce passage des frontières caractérisant, dans l’attitude mystique, le passage de l’abject au sublime.    "Il en fait autant à chacun de ses gitons, tour à tour, sans cesser de porter ses yeux sur ces jets de sang qui l'enflamment. Pour moi, sûre alors que l'instant où la crise qu'il espère aura lieu, sera l'époque de la cessation des tourments de la comtesse, je mets tous mes soins à déterminer cette crise, et je deviens, ainsi que vous le voyez, madame, catin par bienfaisance et libertine par vertu". Le paradoxe réside dans l'approche du concept lui-même. Quelles que soient donc ses facettes, la perversion a trait à une sorte de négatif de la liberté. Elle est la négativité de l’histoire en acte: anéantissement, déshumanisation, haine, destruction, emprise, cruauté, jouissance, mais aussi créativité, sublimation, dépassement de soi, excès. En ce sens, elle peut être aussi entendue comme l’accès à la plus haute des libertés puisqu’elle autorise celui qui l’incarne à être simultanément un bourreau et une victime, un maître et un esclave, un barbare et un civilisé. La fascination qu’exerce sur nous la perversion tient à cela qu’elle peut être tantôt sublime et tantôt abjecte. Sublime quand elle est incarnée par des rebelles au caractère prométhéen qui refusent de se soumettre au verdict des dieux ou à la loi des hommes, au prix de leur propre exclusion, abjecte quand elle devient l’expression souveraine d’une froide destruction de toute forme de lien généalogique. Par son statut psychique qui renvoie à l’essence d’un clivage, la perversion est également une nécessité sociale. Elle préserve la norme tout en assurant à l’espèce humaine la permanence de ses plaisirs et de ses transgressions. Que ferions-nous sans les pervers qui nous ont donné les œuvres les plus raffinées que la civilisation ait connu ? Que ferions-nous si nous ne pouvions plus désigner comme des boucs-émissaires, c’est-à-dire des pervers, ceux qui acceptent de traduire par leurs actes étranges les tendances inavouables qui nous habitent et que nous refoulons ? Que les pervers soient sublimes quand ils se tournent vers l’art, la création ou la mystique, ou qu’ils soient abjects quand ils se livrent à leurs pulsions meurtrières, ils sont une part de nous-mêmes, une part de notre humanité, car ils exhibent ce que nous ne cessons de dissimuler: notre propre négativité, la part inavouable de nous-mêmes.    "Le chef-d’œuvre de la philosophie serait de développer les moyens dont la Providence se sert pour parvenir aux fins qu’elle se propose sur l’homme, et de tracer, d’après cela, quelques plans de conduite qui pussent faire connaître à ce malheureux individu bipède la manière dont il faut qu’il marche dans la carrière épineuse de la vie, afin de prévenir les caprices bizarres de cette fatalité à laquelle on donne vingt noms différents, sans être encore parvenu ni à la connaître, ni à la définir". Pour les théoriciens, le danger réside comme toujours dans l'approche binaire et donc fatalement réductrice de la notion elle-même. Puisque ceux qui ne sont pas pervers et que l’on désigne comme des névrosés, il faut bien admettre qu’ils refoulent la perversion qu’ils portent en eux ou s’en tiennent à des fantasmes qui leur permettent de contourner le réel de l’acte pervers, cela signifie alors que la frontière entre la perversion et son envers est difficile à tracer. Et c’est la raison pour laquelle la notion même de perversion n’est pensable en psychiatrie, qu’en référence au double paradigme de la norme et de la pathologie, et dans la société qu’en relation avec la loi et avec la transgression de la loi. Qu’elle soit définie comme une déviance par rapport à l’acte sexuel dit "normal", pénétration génitale avec une personne du sexe opposé, ou par rapport à un déplacement quant à l’objet visé, qu’elle soit dangereusement narcissique plutôt que strictement sexuelle, comme le pensent des psychiatres contemporains, et que, par ailleurs, elle soit socialement pensée comme une déviation du sens moral, délinquance, des instincts sociaux ou de l’instinct de nutrition, elle n’est rendue possible, dans tous les cas de figure, que parce qu’elle pose à la loi la question de sa limite et à la norme celle de la validité de la psychopathologie. La perversion, est un phénomène sexuel, politique, social, psychique, transhistorique, structural, présent dans toutes les sociétés humaines. Et s’il existe dans chaque culture des partages cohérents, prohibition de l’inceste, délimitation de la folie, désignation du monstrueux ou de l’anormal, cela veut dire que la perversion a sa place dans cette combinatoire. En tant que part nocturne de l'individu et part maudite de la société, elle fut pendant longtemps l’objet d’une sacralisation. Par son statut psychique qui renvoie à l’essence d’un clivage, la perversion est paradoxalement une nécessité sociale. Elle préserve ainsi la norme en assurant à l’espèce humaine la permanence de ses plaisirs et de ses transgressions.   "Si, plein de respect pour nos conventions sociales, et ne s’écartant jamais des digues qu’elles nous imposent, il arrive, malgré cela, que nous n’ayons rencontré que des ronces, quand les méchants ne cueillaient que des roses, des gens privés d’un fond de vertus assez constaté pour se mettre au-dessus de ces remarques ne calculeront-ils pas alors qu’il vaut mieux s’abandonner au torrent que d’y résister ?". Le philosophe et économiste angevin Jean Bodin écrivait au XVIème sècle "qu'il n'est de richesse que d'hommes". Respectons cette sage pensée et cessons de disséquer continuellement les comportements humains. Les analystes perdent parfois tout bon sens à force de sonder les cerveaux. Ainsi, les adeptes des sciences cognitives, du conditionnement et du comportement ont tenté de démontrer que la perversion existait à l’état de nature, allant même jusqu’à vouloir prouver que des singes mâles qui s’accouplent entre eux seraient des invertis ou que les vaches qui parviennent à téter leurs mamelles seraient assimilables à des déviants, ou encore que, d’une manière générale, l’absence chez les mammifères de toute forme de copulation frontale pourrait être le signe d’une certaine organisation de la sexualité fondée sur la bestialité, la violence, l’agressivité, la domination et pourquoi pas la jouissance de l’autre. Moralistes et éthologistes ont d’ailleurs avancé l’idée que cette fameuse copulation frontale était le propre de l’espèce humaine, le signe d’une normalité de la sexualité humaine centrée sur la reconnaissance nécessaire du primat de la différence des sexes. Et ils en ont déduit que l’orgasme féminin n’existait pas dans le règne animal. Les uns et les autres, primatologues et spécialistes des mammifères, ont ainsi donné à cet accouplement face à face le nom de "position du missionnaire" afin de certifier qu’il aurait une partie liée avec la civilisation ou plutôt avec la mission civilisatrice de l’Occident chrétien. Si l’absence de cette position dans le règne animal a pu être comprise comme l’un des signes majeurs permettant de différencier l’homme de la bête, cela veut dire alors en contrepartie que la présence chez les humains du coït a tergo doit être interprétée comme la survivance d’un comportement animal. Pour les moralistes, ce type de copulation relèverait d’un instinct bestial, donc démoniaque ou pervers, le diable étant toujours représenté sous les traits d’un animal lubrique. De même, l’orgasme féminin pourrait être saisi, selon cette perspective, comme la prolongation d’une animalité de nature perverse. Pour les naturalistes au contraire, darwiniens et évolutionnistes, la présence chez les humains du coït a tergo ne ferait que prouver la réalité d’une continuité entre les deux règnes.    "N’ajouteront-ils pas qu’il est indifférent au plan général, que tel ou tel soit bon ou méchant de préférence. Que si le malheur persécute la vertu et que la prospérité accompagne le crime, les choses étant égales aux vues de la nature, il vaut infiniment mieux prendre parti parmi les méchants qui prospèrent, que parmi les vertueux qui échouent ? Il est donc important de prévenir ces sophismes dangereux d’une fausse philosophie". Les moralistes ont laissé de nos jours place libre aux analystes. Ainsi, quant aux psychanalystes, ils ont vu, bien souvent, dans la copulation frontale exclusivement humaine une sorte de preuve de l’existence d’un complexe préœdipien faisant de chaque homme un fils désirant fusionner avec sa mère et inversement, de chaque femme une mère transformant l’homme inséminateur en une annexe de son propre corps. La perversion n’existerait donc que comme un arrachement de l’être à l’ordre de la nature. Dès lors, à travers la parole du sujet, elle ne ferait que mimer le naturel dont elle s’est extirpée afin de mieux le parodier. C’est à quoi s’est attaché le plus flamboyant représentant du discours pervers en Occident, le marquis de Sade, en faisant du sperme un substitut de la parole et non pas de la parole un substitut de l’activité sexuelle comme le voudra Freud. Quand Sade décrit l’acte sexuel libertin, toujours fondé sur le primat de la sodomie, il le compare à la splendeur d’un discours parfaitement construit. L’acte sexuel pervers, dans sa formulation la plus hautement civilisée et donc la plus sombrement rebelle, celle d’un Sade non encore défini comme sadique par le discours psychiatrique, est donc d’abord un récit, une oraison funèbre, une pédagogie macabre, en bref un art de l’énonciation aussi ordonné qu’une grammaire. L’acte sexuel sadien n’existe que comme une combinatoire irreprésentable faite de postures dont la signification excite l’imaginaire humain. L’acte sexuel sadien est un réel à l’état pur, impossible à symboliser. Le sperme, ou plutôt le "foutre", ou encore la "décharge" y parle à la place du sujet. Mais Sade va plus loin encore. Pour le philosophe, l'acte de sodomie est utile et obligatoire.    "Il est cruel sans doute d’avoir à peindre une foule de malheurs accablant la femme douce et sensible qui respecte le mieux la vertu, et d’une autre part l’affluence des prospérités sur ceux qui écrasent ou mortifient cette même femme. Mais s’il naît cependant un bien du tableau de ces fatalités, aura-t-on des remords de les avoir offertes ?". Le propos n'est pas ici de juger l'homme Sade, ses excès et ses crimes avérés, mais d'étudier sa pensée phillosophique. Dans "La Philosophie dans le boudoir", rédigée en 1795, laquelle inclut un texte célèbre datant de 1789 ("Français, encore un effort pour devenir républicain"), il préconise comme fondement à la république une inversion radicale de la loi qui régit les sociétés humaines: obligation de la sodomie, de l’inceste et du crime. Selon ce système, aucun homme ne doit être exclu de la possession des femmes, mais aucun ne peut en posséder une en particulier. En conséquence, les femmes doivent non seulement se prostituer, avec des femmes comme avec des hommes, mais n’aspirer qu’à la prostitution leur vie durant puisque la prostitution est la condition de leur liberté. Comme les hommes, elles doivent être sodomites et sodomisées. Ainsi sont-elles soumises au principe généralisé d’un acte sexuel qui mime l’état de nature, le coït a tergo, et qui efface les frontières de la différence. Par cette obligation de la sodomie, Sade réduit à néant l’homosexualité dans la mesure où celle-ci suppose la conscience de la différence sexuelle et son possible démenti. Il chasse donc de la cité le personnage de l’inverti, celui qui n’aime que l’autre du même sexe, c’est-à-dire celui-là même qui est sensé incarner la perversion humaine la plus indomptable, au regard de la norme en outre, de la loi de l’autre. Sade propose donc un modèle social fondé sur la généralisation de la perversion. Ni interdit de l’inceste, ni sanction divine, ni séparation du monstrueux et de l’illicite, ni délimitation de la folie et de la raison, ni partage biologique entre les hommes et les femmes. Si aucune perversion n’est pensable sans l’instauration des interdits fondamentaux, religieux ou laïcs, qui gouvernent les sociétés, aucune pratique sexuelle humaine n’est possible sans le support du langage, sans une rhétorique. Quel que soit son expression, le sexe n'est jamais muet.   "Les plaisirs dont je voulais me priver ne sont venus s’offrir qu’avec plus d’ardeur à mon esprit, et j’ai vu que quand on était, comme moi, née pour le libertinage, il devenait inutile de songer à s’imposer des freins: de fougueux désirs les brisent bientôt. Pourra-t-on être fâché d’avoir alors établi un fait, d’où il résultera pour le sage qui lit avec fruit la leçon si utile de la soumission aux ordres de la providence, et l’avertissement fatal que c’est souvent pour nous ramener à nos devoirs que le ciel frappe à côté de nous l’être qui nous paraît le mieux avoir rempli les siens ?". L'approche philosophique a fait place à l'étude clinique, voire médico-légale. Il s'agissait à l'époque en effet de neutraliser les sujets réputés dangereux pour la socièté en les emprisonnant. En réalité de nos jours, c’est bien parce que la perversion est désirable, comme le crime, l’inceste et la démesure, qu’il a fallu la désigner non seulement comme une déviance, une transgression ou une anomalie, mais aussi comme un discours nocturne où s’énoncerait toujours, dans la haine de soi et la fascination pour la mort, la grande malédiction de la jouissance illimitée. Pour cette raison, elle est présente à des degrés divers dans toutes les formes de sexualité humaine. Freud est sans aucun doute celui qui a le mieux défini la notion, alors même que sur le plan psychique, il n’a guère produit d’écrits susceptibles d’éclairer la question du fonctionnement pervers. Le maître de Vienne, on le sait, n’aimait ni les psychotiques, ni les pervers. Mais c’est bien avec Sade, à la fin du XVIIIème siècle, et avec l’avènement de l’individualisme bourgeois, que la perversion non encore nommée ainsi, non encore introduite dans l’histoire de la psychopathologie, parce qu’elle avait encore affaire avec Dieu, plus qu’avec la finitude de l’homme, c’est donc bien avec cet avènement, que la perversion est devenue l’expérience illimitée d’une dénaturalisation de la sexualité. À travers l’inversion sadienne de la loi, elle est en quelque sorte désacralisée au moment même ou Dieu, comme la monarchie, est dépouillé de sa souveraineté. Et, dans le grand geste sadien de profanation sauvage, elle est abolie puisqu’elle ne défie plus rien d’autre qu’elle-même. Les visages de la perversion sont multiples et à chaque époque on a tenté de les circonscrire. À l’ère de la démocratie ultralibérale, annoncée par Sade, à l’ère de ce capitalisme postindustriel et quasi immatériel, centré sur la quête infinie de la jouissance, l’individu est roi, mais il est un roi qui n’a plus de relation sacrée ni avec un dieu, ni avec un maître, ni avec une quelconque figure d’autorité. S’il n’y prend pas garde, sa toute-puissance royale risque de n’être qu’une illusion et d’avoir pour destin de sombrer dans la démesure ou dans la déchéance.    "On vous dit à cela. La vertu est utile aux autres, et, en ce sens, elle est bonne. Car s'il est reçu de ne faire que ce qui est bon aux autres, à mon tour, je ne recevrai que du bien. Ce raisonnement n'est qu'un sophisme. Pour le peu de bien que je reçois des autres, en raison de ce qu'ils pratiquent la vertu, par l'obligation de la pratiquer à mon tour, je fais un million de sacrifices qui ne me dédommagent nullement". Puritanisme ou pornographie ? "Telle est la question" selon la formule consacrée shakespearienne. L'homme doit conserver son originalité, autrement à quoi bon ? Sans attaches à un ordre souverain, fût-il défaillant, l’individu n’est plus un sujet. Il perd sa liberté pour devenir une marchandise au service d’une biocratie. Condamné à la jouissance illimitée, c’est-à-dire à la pornographie, il ne peut alors reconstituer la loi que sous la forme perverse d’un dieu persécuteur, c’est-à-dire d’un surmoi puritain. À cet égard, la perversion est tout aussi visible dans les écrits qui prétendent la circonscrire ou la censurer, c’est-à-dire dans le discours puritain, que dans ceux qui visent à la promouvoir ou à l’exalter, c’est-à-dire dans le discours pornographique. Entre ces deux discours existe une sorte de symétrie, l’un produisant l’autre et réciproquement. Que l’on prétende abolir l’acte sexuel non reproductif au nom d’une croisade du bien contre le mal, ce qui est au fondement du discours puritain, ou que l’on impose l’obligation de jouir au nom d’un hygiénisme des corps ou d’une abolition des différences, cela revient toujours à faire de la sexualité un enjeu normatif contraire à l’essence du désir. Ainsi, le puritanisme comme la pornographie appartiennent à un ordre social et sexuel commun pour lequel la surveillance des corps prime sur l’épanouissement du désir. À l’ère libérale, où dominent ainsi ces deux impératifs, il semble bien qu’une partie du modèle sadien se soit réalisé. Dans les sociétés démocratiques, où règne l’État de droit, la victimisation de l’autre est un phénomène pervers, supposant toujours l’existence d’un persécuteur. Elle débouche sur une judiciarisation excessive des relations entre les sujets, c’est-à-dire sur une emprise toujours plus grande de l’expertise légale sur les passions de l’âme. Les individus doivent être protégés mais rien n’est plus terrible que cette surenchère de lois.    "Un incestueux, grand amateur de sodomie, pour réunir ce crime à ceux de l’inceste, du meurtre, du viol et du sacrilège, et de l’adultère, se fait enculer par son fils avec une hostie dans le cul, viole sa fille mariée et tue sa nièce. Le sage peut-il voir autre chose dans ce ramas de fables épouvantables, que le fruit dégoûtant de l’imposture de quelques hommes, de la fausse crédulité d’un plus grand nombre. Si Dieu avait voulu que nous eussions une religion quelconque, et qu’il fût réellement puissant. Ou, pour mieux dire, s’il y avait réellement un Dieu, serait-ce par des moyens aussi absurdes qu’ils nous eût fait part de ses ordres ?" Surenchère de normativité et de jugement. À force de le statuer et de le sentencier, l'homme perd toute son authenticité et finit par devenir un simple outil sans âme. À la fin du XIXème siècle, la généralisation d’une conception de la perversion en termes de choix d’objet eut pour effet de transformer de fond en comble l’organisation du sexe et de la subjectivité dans les sociétés occidentales. Car si le pervers se définit comme le malade qui peut réintégrer la norme grâce aux bienfaits de l’hygiénisme, de la psychiatrie ou de la sexologie, cela veut dire qu’il cesse d’être nécessaire à la civilisation en tant que part hétérogène ou que personnage sacralisé. Dans la société démocratique, qui instaure progressivement un droit individuel laïcisé, le pervers ne devient pensable que comme un être inférieur, anormal, handicapé ou encore invincible et donc irrécupérable. Aussi faudra-t-il tantôt le rééduquer, tantôt l’exterminer. L’implantation de la psychanalyse dans les grands pays occidentaux avait bien alors eu pour conséquence de désaliéner les pervers et d’écarter l’homosexualité en tant que telle du domaine des perversions sexuelles. L’apparition dans le DSM-III du terme de paraphilie restreignait le champ des anomalies et des déviances à des pratiques sexuelles contraignantes et fétichistes, fondées sur l’absence de tout partenaire humain libre et consentant. La nécessité se fit donc sentir pour la psychanalyse elle-même d’abandonner toute forme de thérapie "normalisante" au profit d’une clinique du désir capable de comprendre les choix sexuels des sujets dont les pratiques libidinales n’étaient plus toutes punies par la loi, ni vécues comme un péché, ni conçues comme une déviance par rapport à une norme. Le réputé pervers n’est plus ni le sujet d’une scène tragique, ni l’acteur d’un conflit dramatique, ni le protagoniste d’une histoire collective qu’il aurait intériorisée. Il est, bien au contraire, une "chose", mesurable, évaluable, quantifiable, sans histoire, ancré dans l’éternité d’une servitude volontaire. C’est pour son bien et pour le bien de la cité qu’il doit être un animal correctement dressé, un corps qui ne pense pas et ne se rattache à aucune histoire: un pervers dépossédé de sa perversion. À force de le débusquer afin de pouvoir l'étudier et de le classifier, le dissolu voit sa singularité se dissoudre dans la masse de la norme sociale. Jouissance des corps contre sujet désirant. Serions-nous tous hélas contraints à devenir des rats de laboratoire ?    Bibliographie et sources:   - Sigmund Freud, "La vie sexuelle" - Jacques Lacan, "Concept de structure" - Gérard Bonnet, "Les perversions sexuelles" - Alberto Eiger, "Le pervers narcissique et son complice" - Robert Stoller, "La perversion, forme érotique" - Saverio Tomasella, "La perversion" - Joyce McDougall, "Plaidoyer pour une certaine anormalité" - Henri Ey, "Les perversités et la perversion" - Élisabeth Roudinesco, "Visages de la perversion" - Sade, "Œuvres complètes" - Richard von Krafft-Ebing, "Psychopathia sexualis" - Georges Lanteri Laura, "Lecture des perversions" - Masud Khan, "Figures de la perversion"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 12/04/24
Agnès Giard, dans son dernier essai (disponible sur amazon), nous plonge dans une réflexion sur les love dolls, qui au délà de leur simple fonction sexuelle s'avèrent devenir des compagnonnes émotionnelles et physiques complexes. Au sein de la communauté BDSM, où les dynamiques de pouvoir et les jeux de rôle occupent une place prépondérante, les love dolls peuvent être envisagées non seulement comme des objets de désir, mais aussi comme des partenaires de jeu dans des scénarios de domination et de soumission. Ces poupées, par leur inertie et leur disponibilité constante, offrent une toile vierge sur laquelle les désirs les plus divers (pour ne pas dire les plus pervers) peuvent se projeter et s'exprimer sans jugement ni rejet. Agnès Giard nous interpelle sur notre capacité à voir au-delà de la simple matérialité des objets. Dans des cultures comme au Japon, le respect accordé aux objets, y compris les poupées d'amour, se manifeste par des cérémonies funéraires spécifiques, marquant la fin de leur service. Ce rapport aux objets est étranger à la logique occidentale mais interroge : pourquoi ne pas développer un rapport émotionnel avec une love doll, surtout dans un contexte où l'objet peut être chargé de significations érotiques et affectives profondes? Dans le milieu BDSM, où les relations peuvent parfois être distantes ou dépourvues de la réciprocité émotionnelle habituelle des relations humaines, les poupées d'amour offrent une constance et une sécurité émotionnelle. Elles sont perçues comme des partenaires fiables et constants, prêts à participer à n'importe quel fantasme sans jamais se dérober. Cela peut être particulièrement rassurant pour ceux qui cherchent à explorer des aspects de leur sexualité dans un cadre contrôlé et sans risque d’être jugés. Agnès Giard souligne également l’aspect paradoxal de ces poupées : bien que complètement soumises et disponibles, elles conservent une forme d’indépendance, car elles ne peuvent jamais être possédées émotionnellement de la même manière qu’un partenaire humain. Cela les rend paradoxalement plus désirables pour certains, enrichissant la dynamique de pouvoir et de contrôle si centrale dans les pratiques BDSM. L’idée que l’on puisse non seulement utiliser mais véritablement chérir une love doll remet en question nos préjugés sur l’amour et l’attachement. Ce débat ouvre des perspectives intéressantes sur la nature de l'amour et de la possession. Dans un monde où la technologie et l'artifice prennent de plus en plus de place, la relation avec une poupée d'amour pourrait-elle être considérée comme une forme valide d’attachement émotionnel ? Cette réflexion nous invite à repenser nos interactions et notre capacité à aimer au-delà des frontières traditionnelles de la biologie et de la conscience. Les love dolls dans le BDSM ne sont pas juste des substituts ou des outils : elles peuvent être des miroirs de nos désirs les plus profonds, des participants silencieux mais puissants dans l'exploration de nos propres limites et fantasmes.  
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Par : le 09/04/24
  Dès notre première rencontre, Maître J m’avait demandé si je souhaiterai avoir une relation sexuelle avec une femme. Cela faisait partie de ses fantasmes que d’avoir deux soumises à sa disposition. Je l’avais rassurée sur le fait que non seulement je n’étais pas contre, mais qu’en plus j’étais plutôt très intriguée de connaître une soirée ou plus dans les bras d’une femme et si cela se passait sous les ordres de mon maître, j’en serai encore plus heureuse. Il me teasait donc régulièrement sur cette possibilité et un soir, il me dit qu’il se pourrait qu’il me fasse rencontrer l’une de ses bonnes amies, une jeune femme lesbienne, qu’il connaissait depuis longtemps et avec qui il avait déjà évoqué ses soumises. Cela me mis dans une grande excitation et j’espérais que cela arrive un jour prochain.  Finalement, presque deux mois après nos retrouvailles, Maître J. m’indiqua que son amie Dame V. allait passer une soirée chez lui, qu’il lui avait dit que peut être, elle pourrait rencontrer sa soumise et qu’elle en était d’accord et intriguée. La pression monta d’un cran et je passais la semaine à me questionner sur cette soirée. Qu’allait-elle penser de moi ? Qu’est-ce que mon maître allait me demander ? Serais-je à la hauteur de ses attentes ?  Finalement, le dimanche soir tant attendu arriva. Les jours précédents, Maître J m’avait indiqué qu’il souhaitait que je porte une nouvelle tenue qu’il m’avait achetée et qui était très courte et échancrée, mon collier d’intérieur (le plus gros), et un plug. Je tiendrais mon rôle de soumise et les servirais pendant la soirée. J’étais donc arrivée un peu plus tôt pour aider à préparer le repas (une raclette, pas trop compliqué, heureusement), et j’étais dans un état d’excitation et de stress démesurés. J’avais enfilé pour venir un joli pull noir avec un décolleté sympa fait de liens sur la poitrine et une mini-jupe. Cela plut à mon Maître qui décida que je resterai ainsi au final. De même pour le collier, le petit était suffisant. Il s’agissait de ne pas faire fuir son amie dès les premières minutes, me dit-il en riant. Je me sentie un peu mieux et il me rassura en m’indiquant qu’il fallait surtout que l’on passe une bonne soirée et qu’il n’y avait pas besoin de stresser. Je lui demandais également, si Dame V. venait à poser des questions (et c’était sûr que cela serait le cas), devais-je y répondre de manière évasive, sincère, détaillée, avec des mots plutôt adaptés ou précis…? Quel était son souhait?  Il me dit qu’à son avis, son amie ne serait pas facile à choquer et que je pourrais donc lui répondre comme cela me plaisait.  J’étais dans la cuisine lorsqu’elle arriva, préparant les bols de biscuits apéritifs. Elle entra dans la cuisine, avec une énergie et une confiance qui me séduisit de suite. Elle me claqua une bise dynamique sur les joues et je me sentis immédiatement à l’aise. Nous passâmes dans le salon où mon maître oublia presque qu’il avait une soumise pour l’aider à servir et s’occuper d’eux. Pendant l’apéritif, nous nous sommes mis à parler de choses et d’autres, de ses loisirs et passions, de leur amitié et de leur loisir commun qui les avait amenés à se rencontrer.  Dame V. parlait, racontait, expliquait et j’étais en admiration devant elle. Elle semblait si bien dans ses baskets, si épanouie, si sincère. Elle avait aussi un langage assez fleuri, ce qui me rassura sur la suite de notre discussion. J’ai toujours aimé ce genre de femmes que rien ne peut arrêter. Elle avait eu mille vies et je me plaisais à l’écouter parler. Aussi, lorsque finalement, elle commença à poser des questions sur ma soumission, cela me prit un peu au dépourvu.  Nous avons donc commencé à lui expliquer quels étaient les tenants et les aboutissants de notre relation et petit à petit, j'ai pris conscience que je ne ressentais aucune honte à exprimer ma position. J’étais même fière d’être la soumise de mon maître et de le dire. Je sentais aussi qu’il n’y avait pas de jugement de la part de Dame V. même si elle ne comprenait pas forcément que j’accepte de me mettre dans cette relation de domination.  La soirée se passa de manière très sympathique et c’est bien tard que mon maître accepta de me libérer car je travaillais le lendemain. Je rentrais donc avec le cœur léger, mais plein de pensées dans la tête. Dame V. m’avait beaucoup plu et même si la soirée avait été très sage, je me sentais très attirée par elle. Peut-être que nous pourrions nous revoir lors d’une autre visite. Je l’espérais en tout cas.    Aussi, quelle ne fut ma surprise lorsque le lendemain matin, Maître J. m’envoya un message m’indiquant que nous nous retrouverons le soir même dans un club libertin humide de la capitale. Le même club dans lequel nous nous étions rencontrés, lui et moi, 10 ans auparavant. Dame V. était très impatiente de découvrir cet endroit dont nous avions parlé la veille. Par message, il me dit aussi qu’il ne fallait pas que je me mette à fantasmer de trop, V. était certes curieuse mais pas forcément de la partie échangiste de la boîte, plus de l’atmosphère, du jacuzzi et du sauna… Malgré tout, j’avoue que j’eu du mal à me concentrer au travail ce jour-là. Maître J. travaillant un peu tard dans la soirée, j’avais proposé que je puisse retrouver Dame V. un peu avant dans un bar du quartier afin qu’elle n’attende pas seule et je la rencontrais donc une petite heure avant notre rendez-vous devant le club. Ce fut une petite heure sympathique, pendant laquelle nous avons pu discuter de choses et d’autres. Mais aucun sujet en dessous de la ceinture ne fut abordé à ma grande déception.  A l’arrivée de mon maître, nous nous sommes donc dirigés tranquillement vers le club. J’en profitai pour rappeler quelques éléments qui me semblaient essentiels : un non veut dire non. Si quelqu’un est trop insistant, elle peut nous demander d’intervenir ou directement à l’entrée. Mais maître J se mit à rire en me disant qu’il avait plus peur pour ceux qui tenteraient quoi que ce soit avec Dame V. Cela détendit un peu tout le monde et nous nous sommes rapidement dirigés vers les vestiaires.  C’était très étrange de se retrouver de nouveau dans ce lieu si familier, qui à la fois n’avait pas changé, mais présentait de nombreuses nouveautés. J’eu la chance de pouvoir me préparer tranquillement car nous n’étions pas dans le même vestiaire et une fois, nus, avec nos paréos et nos serviettes, nous étions fin prêts à rejoindre la soirée.  Nous avons commencé par une petite visite, à la fois pour que V. puisse se repérer et également pour évaluer les changements depuis la dernière fois. Quelle surprise de voir le nombre de couples un lundi soir ! Nous pensions que le club serait vide et il n’en était rien.  Nous avons donc traversé le bar, le coin repas, passé devant un jacuzzi presque plein et qui semblait déjà bien “animé”. À l'étage, le hammam et le sauna était toujours aussi invitant et nous fîmes un rapide tour dans les coins câlins déjà bien investis. Je ne pus m’empêcher de jeter un œil à 2 couples en pleins ébats. J’ai toujours aimé admirer les corps amateurs en action. Mais Dame V. ne semblant pas très à l’aise et mon maître ne souhaitant pas rester, nous voilà repartis pour tester le jacuzzi.  Devant le bain, on se prépare à y rentrer. Les paréos tombent et je me retrouve pour la première fois nez à nez avec Dame V. totalement nue. Elle est superbe et j’en ai le souffle coupé. Ses tatouages révèlent encore plus la ligne de ses cuisses, ses seins sont magnifiques et je me retiens de la caresser. Nous prenons une douche rapide avant de nous laisser glisser dans l’eau chaude et bouillonnante. On trouve un petit coin encore dispo et on se retrouve tous les trois, assez proches car il est difficile de s’entendre. Autour de nous, plusieurs groupes sont déjà formés. Un homme et deux femmes à quelques centimètres de nous ont l’air d’avoir oublié les règles du jacuzzi (pas de sexe, masturbation, pénétration). Plus loin, ce sont 2 couples qui ont l’air d’être littéralement collés les uns aux autres. Cela m’excite terriblement et j’ai dû mal à les quitter des yeux. Entre nous, petit à petit, la discussion prend une tournure un peu sensuelle. On parle de nos expériences, de nos fantasmes, de nos souhaits. Parfois, par le contact de l’eau, nos jambes se frôlent mais cela reste chaste et j’hésite même à caresser mon Maître. A un moment, plusieurs personnes entrent et sortent et nous discutons du physique et de l’importance que cela revêt pour avoir envie d’une personne. Dame V. explique qu’elle doit se sentir attirée par le corps de celle avec qui elle va coucher et je me dis qu’au moins les choses sont claires et que cela n’ira pas plus loin. Mon physique me parait disgracieux comparé au sien et à plusieurs personnes présentes dans le jacuzzi. Le buffet est servi dans le coin bar et plusieurs personnes quittent les eaux tumultueuses pour aller se restaurer. Nous en profitons pour changer d’emplacement et je me glisse cette fois entre mon Maître et Dame V. Je commence à me rapprocher de lui, j’ai chaud, j’ai envie de le toucher, qu’il me touche et pendant un moment, sous l’eau, il joue un peu avec mes seins, me caresse et je lui rends la pareille. Par moment, je frôle V. avec ma jambe ou ma main, mais je ne la sens pas réactive. Je me concentre donc sur mon maître car je ne me vois pas quitter le club sans un peu de bon temps.  Au bout d’un moment où les discussions oscillent entre du très quotidien et des sujets un peu plus chauds, nous partons nous restaurer et il ne reste déjà presque plus rien sur les plateaux. Nous trouvons un coin un peu calme et je vais chercher une coupe de champagne, rappelant à mon Maître que je suis après tout, là pour les servir.  L’heure suivante s’est passée tranquillement, à discuter de choses et d’autres. Pendant une absence de V. pour ravitailler son assiette, je commence tranquillement à masser les épaules nues de mon maître. J’ai clairement envie de prendre un moment avec lui dans un coin câlin mais il m’indique que pour ce soir, à son avis, on va rester sur un sauna traditionnel, qu’il n’est pas trop dans cet esprit. Je comprends totalement car ce n’est pas évident d’être dans cette situation avec une amie proche mais je continue néanmoins à le masser au retour de V.  L’estomac bien rempli, Dame V. propose une visite au hammam et nous voilà partis dans les escaliers du club. La chaleur humide du hammam est très agréable et nous nous posons dans un petit coin. Je suis un peu gênée car une petite lumière est braquée sur moi et mes partenaires sont dans la pénombre. Nous rions car une dame dans un autre endroit du hammam émet de drôles de sons. Elle semble avoir la bouche bien pleine et je l’envie un peu. Je ne peux m’empêcher de jeter un regard complice à mon maître, ce qui le fait sourire. Un petit silence s’installe pendant quelques temps, puis, mon Maître propose à V. que je lui masse le dos, car elle s’est plainte de douleurs suite à des travaux manuels quelques jours auparavant. V. accepte et se tourne et je commence à la masser. Je ne suis pas très douée en massage et j’ai toujours peur de faire mal et de mal faire. J’ai très envie de prendre des cours un jour. Mais à ce moment-là, je m’applique du mieux que je peux, et je masse avec application chaque partie de son dos. Mes mains glissent parfois vers le bas de ces reins, mais je reste sage et concentrée. Elle m’indique parfois où appuyer et me dit que je peux y aller plus fort. Au bout d’un petit moment, elle me dit que c’est mon tour et qu’elle va me faire voir comment appuyer. Je me retourne donc et croise le regard très souriant de mon Maître. Il en profite aussi à sa manière. Dame V. pose ses mains sur moi et mon souffle se coupe instantanément, c’est électrique. Elle commence à me masser et ses mains sont dures, brutales, intransigeantes. Je souffre et en même temps, j’adore. Je me laisse totalement aller dans ce massage qui me détend et me maltraite en un même instant. Le temps semble s’être arrêté et lorsque Maître J. indique qu’il a trop chaud et qu’il sort, je m’en rends à peine compte. Je ne suis que sensations et plaisir à ce moment-là. Ses doigts glissent sur mes muscles, massent ma tête, mes côtes, et je suis en plein extase. Lorsque ses mains s’arrêtent finalement, je prends un temps pour respirer et me retourne pour la remercier. V. m’embrasse alors à pleine bouche. Sa langue force l’ouverture de mes lèvres, sa chaleur se répand en moi et son baiser est comme son massage, chaud, doux, fort. Mon ventre se tord de désir et j’essaie autant que possible de lui rendre son baiser.  Puis, on se relève. Je suis totalement essoufflée et j’entends V. proposer un sauna. Cela me ramène brutalement à la réalité. Mon maître est dehors, en train de nous attendre, depuis un temps indéfini. En sortant, je ressens un mélange d’émotions : l’excitation d’aller lui raconter ce qui vient de se passer et l'appréhension qu’il soit frustré d’avoir dû attendre ou déçu que je l’ai embrassé sans sa permission. Mais il me semble agréablement surpris et heureux de ma joie et de mon excitation. Je saute presque littéralement sur place. Moi, qui trouvait cette petite soirée un peu trop sage, je ne regrette pas le déplacement.  V. m’emmène dans le sauna mais Maître J préfère rester dans le couloir. On s’installe côte à côte, très proches, mais je me sens de nouveau un peu pudique. Dame V. me raconte alors qu’elle est dans une situation personnelle un peu compliquée actuellement. Elle me parle de ses maîtresses, de ses frustrations, de ses besoins. Elle me raconte comment elle aime faire jouir une femme, qu’il faut être à l’écoute car chaque femme est différente. Je bois ses paroles, mais la proximité de son corps nu n’invite pas à la concentration. Parfois, elle joint le geste à la parole, me caresse la cuisse ou me prends par le cou et chacun de ses gestes envoie des ondes électriques dans mon corps. Sur le moment, je reste plutôt statique, je ne veux pas brusquer les choses, aller trop vite, trop loin. Je profite juste de ce moment.  Lorsque la chaleur nous étouffe, nous sortons retrouver J. D’humeur joueuse, il me demande si lui aussi aurait droit à un massage et propose que l’on se pose dans un coin câlin. V. nous indique qu’elle va aller se balader un peu et je lui dis qu’elle est la bienvenue quand elle veut. Maître J cherche donc un coin câlin et comme on ne souhaite pas forcément être dérangés, on en choisit un avec une porte qu’on laisse légèrement entrebâillée pour Dame V. Pendant notre déambulation dans les coins câlins, j’en profite pour observer quelques couples en action pendant quelques instants. La chaleur dans mon bas ventre augmente. Dans notre petit coin câlin, mon Maître s’installe sur le ventre et je commence à le masser. Ce n’est pas très agréable sans huile de massage mais j’essaie de m’appliquer et de mettre en application les conseils de V. J’appuie plus fort, je suis plus dure dans mes gestes et mon maître semble apprécier. J’hésite à lui proposer une fellation car j’ai peur que cela fasse fuir V. si elle passe la tête. Et effectivement, elle arrive peu après et nous rejoint dans le petit coin. Un moment de flottement à son arrivée est vite dissipé lorsqu’elle pose son paréo s’installe à mes côtés et propose de masser “dignement” monsieur J. Il se retrouve donc masser à 4 mains et je sens qu’il prend son pied.  Elle commence à masser sa jambe droite et j’essaie tant bien que mal de faire la même chose sur la gauche. Je suis chaque mouvement en essayant de les reproduire à l’identique. Puis V. masse son dos, sa nuque et moi je m’occupe du bas du dos et des fesses. Chacune trouve sa place. Sa chaleur à mes côtés est très agréable et je ne peux m’empêcher de regarder ses seins, ses reins pendant qu’elle le masse. Désolée maître, je suis assez peu concentrée. Pendant le temps du massage, une femme partage avec tout le club le plaisir qu’elle est en train de recevoir avec de grands cris de plaisir. Cela me fait rire mais Dame V. se demande comment on peut crier si fort pour cela. Puis, Maître propose de se retourner et se place sur le dos. V. se retire un peu vers le fond du coin câlin et je commence à lui masser le ventre, le torse. Je ne m’approche pas trop de la zone sensible car j’ai senti une petite tension lorsqu’il s’est retourné. Je n’insiste donc pas. Je rigole en disant que j’ai vraiment du mal à trouver la bonne force dans mes mains et que j’ai l’impression d’être vraiment nulle en massage. V. me dit avec autorité qu’elle va me montrer. Elle se place derrière moi et cette fois, son massage est presque brutal. Ses mains sont dures, fermes et me font parfois pousser des gémissements. Mon côté maso se réveille, j’aime cette douleur. Elle me rassure. J’essaie de continuer à masser mon maître mais il m’est difficile de me concentrer sur la douleur, le plaisir, son plaisir. Mais je sens qu’il ne m’en veut pas et il me dira plus tard qu'il a profité du spectacle avec le miroir au plafond. Elle me masse avec autorité et j’apprécie cette sensation d’être à sa merci. Je rêve que ces mains glissent vers mes fesses, vers mes reins, vers mes seins. Mais elle reste dans des zones bien définies. J’arrive parfois à glisser quelques caresses sur les jambes et l'entrejambe de mon maître, mais à ma grande surprise, il ne réagit pas, très concentré sur la situation.  Au bout d’un certain temps, elle m’invite à me pencher légèrement sur elle et commence à masser le haut de ma poitrine, sur le sternum. Ça fait mal, c’est bon. Je vis à fond l’instant présent. Ses gestes sont précis et ne descendent jamais trop bas, ce qui me rend folle d’excitation.    N’y tenant plus, je décide de me tourner vers elle légèrement pour la remercier d’un baiser comme la dernière fois. Mais elle se penche en même temps sur mon oreille et me titille le lobe avec sa bouche. Son souffle dans mon oreille me rend folle et d’un coup, elle m’embrasse de nouveau, à pleine force. Je suis scotchée, surprise, mais totalement excitée. Ses mains descendent enfin vers mes seins et les massent quelques instants, je suis en extase. Ma bouche parcourt son cou, son torse pendant que sa bouche fait la même chose. On se découvre par nos baisers, de plus en plus envahissants. Petit à petit, ses mains descendent sur mon ventre et le caresse, puis se dirigent vers mes cuisses. Je suis toujours plus ou moins allongée contre elle, à moitié tournée vers elle. La position devenant inconfortable pour elle comme pour moi, elle me demande de me retourner, ce que je fais avec inquiétude, ayant peur de briser la magie du moment. Mais dès que je me retourne, elle reprend là où elle en était. On s’embrasse de nouveau, nos bouches explorent l’autre avec avidité. Je sens tout à coup les mains de mon Maître se poser sur mon dos et me caresser et cela me lance une décharge. Je suis prise en sandwich entre les deux et je sens mon corps s’embraser littéralement de désir. Je lève les yeux vers elle et lui demande si je peux, en montrant ses seins. Pour toute réponse, elle pousse ma tête vers le bas et je pose doucement mes lèvres sur ses seins. Quel bonheur pour moi de pouvoir enfin lui lécher le têton, le prendre en bouche, le titiller avec ma langue. Je profite à fond de ce délice quand soudainement, elle me redresse, me pousse en arrière et je bascule vers le fond du coin lit, tout contre mon Maître.  La situation a totalement dérapé en quelques secondes et je me retrouve allongée sur la banquette, ouverte, offerte. Je jette un œil à mon maître qui observe dame V. avec attention et je sens son excitation même s’il reste un peu en distance pour ne pas interrompre la scène en cours.  V. entreprend de parcourir mon corps. Je ne vois pas ce qui se passe, mais je sens sa bouche, ses mains, parfois les deux partout sur mon corps sauf sur mon bas ventre, là où je rêve plus que tout qu’elle vienne y déposer ses baisers. Mais elle évite soigneusement la zone. Et pourtant chacun de ses baisers, touchers provoque chez moi une décharge d’électricité, je me  tords de douleur,  de plaisir, de sensations totalement hors de mon contrôle.  Parfois, ses lèvres me mordillent, d'autres fois me lèchent. Mon Maître, de son côté, me triture par moment les seins, lorsque V. ne s’en occupe pas. Je suis tellement heureuse qu’il participe, j'essaie d’attraper sa queue mais je n’arrive pas à me concentrer.  Soudain, sa bouche se pose sur mon clito et je pars au 7ème ciel. Ses lèvres embrassent mon bouton, sa langue lèche, ses dents jouent avec mon intimité et je ne sais plus où j’en suis. Je caresse mon Maître par moment, tente de ne pas crier le reste du temps, ne sait plus où donner de la tête.  La pression monte dans mon ventre. Je sens ses doigts qui descendent vers mon vagin et je me fige. Nous avons discuté un peu plus tôt (au café) que j’étais en fin de période féminine et que par sécurité, je m’étais équipée à ce niveau-là. Elle ne pouvait donc pas mettre ses doigts. J’essayais de trouver les mots pour lui dire cela sans casser l’ambiance, sans que tout s’arrête mais elle commença tout doucement à parcourir le bord de mon vagin avec son doigt et je perdis toute raison. Je ne pouvais plus réfléchir à rien, mon corps ne me répondait plus. En insistant un peu, elle arriva à introduire son doigt légèrement et se mit à me caresser l’intérieur du vagin, tout en continuant à lécher et sucer mon clito. Je gémissais et retenais mes cris. Je ne voulais pas me laisser aller à une telle démonstration au vu de notre conversation quelques minutes auparavant et je me mordis durement la main droite, la gauche étant occupée avec mon Maître. Cela le fit rire et il m’enleva la main de la bouche, comme s’il souhaitait que je crie fort. Soudainement il m’embrassa avec force, à pleine bouche. C’était l’un de nos premiers baisers réels et j’en restais toute retournée.    Le plaisir monte en moi à grande vitesse et je sens que je ne vais pas tarder à jouir. Je suis en extase de sentir sa bouche sur mon clito, son doigt dans mon sexe, la main de mon maitre qui torture mon sein, son sexe dans ma main. Je murmure à mon maître que j’ai envie de jouir, lui demandant ainsi son autorisation. Son éducation se révèle de plus en plus ancrée en moi, même dans une telle situation. Il me donne la permission avec un petit sourire et je me laisse enfin aller. Je ne peux retenir un cri et cet orgasme est à la fois merveilleux et douloureux tellement il est fort. Mon corps brûle, se tord, crie. Je suis totalement déstabilisée. V. continue à me lécher, me sucer et mon corps ne peut plus le supporter. Chaque contact m’envoie une décharge entre l’effet d’une chatouille et celui d’un coup de fouet. Je me tords pour que cela s’arrête et part en fou-rire. Je ne peux plus me retenir, l’intensité est trop grande. V. se redresse le sourire aux lèvres. J’hésite à me tourner vers mon maître pour m’occuper de lui, mais l’ambiance a changé, le moment est passé. On se rhabille un peu maladroitement, je me sens extrêmement gênée et quelqu’un propose d’aller boire un verre. Je descends les escaliers sur un petit nuage, ne sachant si je viens de rêver ou si j’ai vraiment vécu l’un des plus incroyables orgasmes de toute ma vie. En arrivant près du jacuzzi, V. semble changer d’avis, prend une petite douche et se dirige vers celui-ci. Ravis, nous la suivons dans ce bain chaud. Cela me fait un bien fou car j’ai un peu froid après tant d’excitation et de sensations.  On s’installe de nouveau dans le coin du fond, moi toujours entre V. et J. Après quelques minutes un peu tranquilles, je commence à caresser doucement mon Maître qui devient rapidement très réactif. Je suis heureuse de sentir quelques secondes plus tard ses doigts sur mon clito, jouant avec lui. Mon corps est de nouveau parcouru de frissons, pas encore rassasié. Je sais que je suis moi aussi en train de dépasser les interdits du sauna, mais à ce moment-là, ça m’importe peu. Par moment, ma main frôle la jambe ou la cuisse de V. qui se laisse faire, ne dit rien. Mais je n’insiste pas vraiment. Au vu de la configuration du jacuzzi, ma jambe est posée sur le muret en face de moi, faisant une petite barrière entre mes 2 partenaires et par moment, je sens des mains qui se baladent sur elle. Je comprends assez rapidement, que non seulement mon maître me caresse mais également la somptueuse V. En effet, mon Maître a une main, posée sur mon sein et l’autre sur mon clito. Il ne peut donc me caresser la jambe en deux endroits.  Alors, je me permets petit à petit des caresses un peu plus appuyées sur sa jambe, sa cuisse et je commence à me rapprocher doucement de son entre-jambe. Je ne peux pas voir son visage car elle est assise à côté de moi, près de mon épaule et je n’ose me retourner pour l’observer, voir si elle est d’accord, j’y vais donc très en douceur, étape par étape, guettant la moindre crispation ou geste qui indiquerait que je doive retirer ma main. Je commence à caresser les doux poils de son pubis et là encore, je ne sens ni rejet ni rapprochement. J’hésite à continuer. Peut-être n'ose-t-elle pas me dire non ? Petit à petit, mon doigt descend le long de sa petite fente et touche puis masse son clitoris. Et finalement, je sens qu’elle repositionne légèrement ses jambes pour me permettre un meilleur accès. Je souris et mon Maître me regarde avec curiosité. Il n’a aucune idée de ce qui se passe sous la surface de l’eau et je continue à le caresser doucement. J’ai l’impression à ce moment-là de les posséder un peu tous les deux. Je m’occupe donc avec un doigt puis deux de son bouton et je le sens petit à petit qui gonfle, qui pousse les lèvres pour sortir et je suis toute émoustillée. L’un de mes doigts commence à se diriger vers son vagin et à le caresser. Mais je reste à l’extérieur, massant simplement la zone. Soudain, je sens sa main qui attrape la mienne et l’espace d’une seconde, je pense qu’elle va la retirer et me demander d’arrêter. Mais avec autorité, elle prend mon doigt et se l’enfonce dans son vagin. Mes yeux s'écarquillent et de nouveau, je sens le regard inquisiteur de mon maître. Je m’applique donc à lui pénétrer délicatement le vagin avec mon doigt. C’est une sensation extrêmement étrange que d’avoir le majeur à l’intérieur d’un sexe, chaud, humide, plein et creux en même temps. Quelques instants plus tard, V. appuie sur ma main pour m’indiquer que je peux aller plus en profondeur, plus fort. Je commence donc à la doigter un peu plus durement, à jouer avec son intérieur, sans trop savoir ce que je suis en train de faire. Je rajoute un 2ème doigt et je sens sa respiration qui s’intensifie. A ce moment-là, mon maître a compris qu’il se passe quelque chose et il s’occupe de ma chatte en même temps que de mes seins. Il fait très très chaud dans ce jacuzzi. V. respire de plus en plus fort, elle se cambre un peu.  Si ça continue comme ça, il va falloir qu’on retourne rapidement dans les coins câlins.  Est-ce une menace, une invitation? Je lui souris simplement et lui dis que je la suis avec plaisir. Elle se dirige en nageant vers la sortie du jacuzzi et je la suis en lui caressant les fesses, les jambes. Maître J. nous suit, totalement surpris. Un petit passage aux douches rapides et nous repartons dans l’escalier. Je m’assure que mon maître nous suit et je vois que V. prend le couloir du hammam plutôt que du coin câlin. Pourquoi pas après tout.  Mon maître étant un peu en arrière, je m’assure qu’il a vu notre destination et je rentre derrière elle. Je suis hésitante entre les deux et V le voit. Je lui demande si Maître J. peut venir et elle dit oui sans hésitation.  Elle s’est installée dans la salle principale du hammam cette fois, sur le banc en hauteur et lorsque je m’assois sur le banc du dessous, ma tête est pile à portée de son sexe. Maître J vient s'asseoir à côté de moi. Dame V. se penche pour m’embrasser, stoppant net les milles questionnements qui me passent dans la tête pour savoir où commencer. Comme plus tôt dans la soirée, ses baisers sont envahissants, puissants, chauds et humides. Je commence à y prendre vraiment goût et à lui rendre avec plus d’assurance. J’ai le souffle court. Timidement, je me dirige vers ses superbes seins et lui baise longuement. Maitre J. me caresse le dos doucement et cela m’excite énormément. Je commence à descendre mes baisers sur son ventre et lui dit que les préliminaires ayant déjà eu lieu, j’ai envie de descendre directement. En guise de réponse, elle appuie sur ma tête jusqu’à ce qu’elle atteigne son clitoris. J’imagine que cela veut dire oui, en souriant intérieurement.  Me voilà devant son pubis, joliment poilu, son clitoris apparaissant délicatement entre ses lèvres. J’ai déjà lécher une femme lors d’une soirée en club, mais cela avait durer un dixième de secondes et je n’avais pas ressenti grand chose. Là, je suis follement excitée mais également stressée. Vais-je savoir faire? Quel goût a sa mouille? Je suis en terrain totalement inconnu et le stress me gagne. Finalement, je me lance et commence à lécher avec ma langue. Instantanément, elle bascule légèrement en arrière et je suis heureuse de la voir réagir. Je sens avec ma langue qu’elle est très mouillée et cela me fait plaisir. Ma langue se fait plus envahissante et ses réactions s’intensifient. Elle gémit, se contracte, se rapproche, pousse sur ma tête. Je “kiffe” ce moment, j’aime cette sensation. Mon Maître en profite pour attraper mes seins à pleines mains et je suis aux anges. Je rapproche mes doigts de son vagin et commence à la pénétrer doucement. Je sens par moment la main de mon maître se promener sur mon clito et je rêve qu’il me prenne par derrière. Mais il reste sage et contribue seulement à mon plaisir du moment. De nouveau, elle attrape ma main pour que je la pénètre plus fort, plus profondément. Je lui enfonce donc deux doigts, fort, en faisant des vas et vient et elle gémit. Je la suce, je l’aspire, je la lèche, je suis totalement concentrée sur son plaisir. La sensation de ses muscles du vagin se crispant sur mes doigts est extraordinaire. Son orgasme est comme ses massages, puissant, soudain, violent. Elle se contracte en avant, emprisonnant mes doigts, avec un petit cri léger. Je suis totalement ébahie, heureuse, soulagée d’avoir pu, su la faire jouir. Je continue à la caresser quelques instants et elle m’indique à un moment de m’arrêter. Je me retourne d’un coup et me met à genoux devant mon maître pour le prendre en bouche. Cela les surprend tous les deux et les fait rire. Peu importe, j’ai envie de sa queue, je ne suis pas encore satisfaite. Je me mets à le sucer avec application, j’ai encore le goût de V. dans ma bouche, c’est totalement jouissif. Je m’applique sur sa queue, le gobant autant que possible. J’imagine que V. me regarde et cela m’excite. Mais V. ne se laisse pas intimider et se glisse derrière moi. Elle commence à jouer avec mon clito. Ses doigts le presse, le masse, le triture et elle joue avec le début de mon vagin. En quelques secondes, j’ai un orgasme puissant alors que je suis en train de sucer mon Maître et je crie sur sa queue pour ne pas hurler. Je n’ai pas pu lui demander l’autorisation de jouir, car j’ai été surprise et j’ai la bouche pleine :) . Au bout d’un moment, mon Maître me relève, il a trop chaud, et préfère que j’arrête pour l’instant. Ce soir, mon plaisir lui est prioritaire et j’en suis très heureuse. Je me retrouve donc assise par terre, entre leurs jambes nues. Je les caresse, les embrasse et je me sens totalement à ma place, dans une réelle position de soumise. Je suis totalement satisfaite de ce moment-là et c’est une image que je grave dans ma mémoire.    Au bout de quelques instants, J. décide de sortir car il a trop chaud dans ce hammam. Au fond de moi, j’espère qu’il ne m’en veux pas trop d’avoir joui de nouveau (parfois les idées d’une soumise sont un peu idiotes). Je me retrouve seule avec V., un peu ailleurs, dans un autre monde, et je continue à lui caresser doucement les jambes, les cuisses, à l’embrasser, la léchouiller.  Il va falloir que tu te calmes un peu, parce que si ça continue, il va falloir que tu recommences. Tes désirs sont des ordres Fais gaffe, il va t’arriver des bricoles.  Je prends cela comme une invitation et en un instant, je me retrouve de nouveau au niveau de son sexe. Lors de cette nouvelle session de cuni, elle est plus directive, m’indiquant comment la pénétrer, me demandant de mettre plus de doigts (j’en rajoute donc un 3ème puis un 4ème). Elle s’ouvre au fur et à mesure mais je ne force pas. Elle me demande d’arrêter les vas et vient et de simplement masser avec mes doigts à l’intérieur de son vagin. Je sens sa chatte qui pulse sur mes doigts, et je continue en même temps à m’occuper de son clito avec ma bouche. Elle jouit d’un coup, d’une seule pulsion vers l’avant, avec un cri un peu plus fort que la fois précédente. C’est fort et extrêmement satisfaisant. On reprend notre souffle toutes les deux et soudain, elle me pousse contre le dossier du banc, m’installe et se penche entre mes cuisses. De nouveau, cette sensation incroyable de sentir à peine ses lèvres sur mon clito, comme un souffle d’air, de douceur et d’un coup, une succion, un petit mordillement qui me portent aux bords de la jouissance. Elle pénètre mon vagin avec ses doigts un peu plus profondément et je suis incroyablement frustrée qu’elle ne puisse pas aller plus loin. C’est tellement bon que je ne peux me retenir de jouir dans un long cri qui la fait rire. On s’embrasse ensuite et on reste ainsi quelques instants. Je me dis qu’on a bien profité et que l’on va rejoindre mon maître, mais elle me dit qu’elle est insatiable, qu’elle pourrait baiser toute la nuit. Elle aussi est frustrée de ne pas pouvoir me prendre complètement. Je m’excuse de mon indisponibilité et que j’espère que l’idée de mes menstruations ne sont pas trop dérangeantes. Elle me dit de ne pas m’inquiéter. Cela ne la dérange pas, au contraire, elle aime le goût cuivré d’un vagin féminin et que si on était ailleurs, elle me demanderait de me rendre disponible quand même. Puis, pendant quelques minutes, elle m’explique comment s’assurer de faire jouir une femme, les signes à chercher pour savoir si cela lui convient, pour deviner ce qui la fait jouir. Nous sommes l’une contre l’autre et j’aime cette proximité, cette douceur. Je continue à la caresser doucement. Et finalement, elle attrape de nouveau ma tête et me penche sur son clito. Je me repositionne et repart à l'assaut de son mont de vénus. Je m’applique à suivre les consignes qu’elle vient de me donner, me concentre sur ses contractions, son souffle, ses soupirs. Je la pénètre de nouveau avec plusieurs doigts directement. Elle est toujours aussi mouillée, je ne sais plus si c’est l'excitation ou la moiteur du hammam. Tout à coup, un couple entre et s’installe un peu plus loin mais en face de nous. Je lui demande si elle veut qu’on arrête mais elle fait non de la tête, je me remets donc à la tâche avec application. Le couple ne nous quitte pas des yeux. De nouveau, elle jouit fort, se courbant sur moi comme après un choc électrique, mais cette fois, son orgasme se prolonge un peu en petits soubresauts.    Cette fois, nous sommes toutes les deux un peu fatiguées et l’on sort sans regret. J’ai vraiment besoin d’un verre et hâte de retrouver mon Maître. Je suis dans un nuage cotonneux et j’ai l’impression de flotter. On retrouve Maître J. à l’extérieur, il nous attend dans le couloir et je guette avec attention son ressenti. J’espère qu’il n’est pas frustré, ni déçu d’avoir dû attendre aussi longtemps. Je n’ai aucune idée du temps passé à l’intérieur, mais ça devait être long. Je sais qu’il était d’accord sur le principe, mais la réalité peut être différente. Pendant que V. prend une douche un peu plus longue que la mienne, je lui raconte en deux mots ce qui vient de se passer. Il m’indique qu’il faudra que je mette tout cela par écrit bien entendu, que je serai punie pour avoir joui sans autorisation (mais il le dit avec un grand sourire). Le club s’est vidé entre-temps, il est minuit passé. Ma soirée ne s’est définitivement pas terminée en citrouille et je suis heureuse. J’aimerai proposer à mon maître un temps tous les deux avant de partir, mais je sens qu’il est passé à autre chose et qu’il est un peu fatigué. On se pose un moment dans les canapés à l’entrée pour se remettre de nos émotions, avant de rejoindre les vestiaires. En sortant du club, j’ai l’impression de passer dans un univers totalement différent. Il fait froid, il pleut et j’ai l’impression d’être différente. Nous nous quittons sur le pas de la porte après un échange de baisers et je grimpe dans un uber. Je suis comblée, même si je reste un peu frustrée de n’avoir pu satisfaire mon maître, ou être pénétrée par l’un ou par l’autre. Mais cela laisse le champ libre pour d’autres soirées à venir. Quelques échanges de textos assez chauds avec V. avant de m’endormir me confirment qu’il y aura probablement une nouvelle session de découverte de ma bisexualité et j’en suis très impatiente. Je m’endors (très tard), le sourire aux lèvres.   
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Par : le 31/03/24
L’une des pires choses qu’un être humain puisse faire, selon moi, c’est de se comparer à un autre être humain.   Mais…   Mais il y a des fois où cette petite voie, insidieuse, vient distiller son venin dans les limbes de ma conscience. Surtout concernant ma « place » dans le milieu BDSM ainsi que mon « étiquette ».   Une amie m’as dit : Souvent les femmes se mettent dans un rôle de soumise et les hommes dans celui de Dominant alors qu’en les regardants ou en les côtoyants un peu, on se rend compte que le « casting » n’est pas bon ! Tout ça pour coller au standard que la société nous inculque.   Se faisant, et malgré le fait que je ne me sente pleinement épanouis qu’en ayant un Dominant, je me repose quand même la question ..   Oui j’ai un caractère bien tremper, J’adore taquiner, provoquer.. Une Brat dans toute sa splendeur, Le filtre entre mon cerveau et ma bouche n’a pas bien été calibré non plus, se qui donne une franchise pas toujours bienvenue… ! Et (parce qu’on me le dit assez) que j’ai une sacrée énergie pas forcément facile ni à gérer, ni à appréhender.   Et quelques personnes m'ont dit que je serais une bonne Domina... Problèmes : je n'en ressent ni l'envie ni le besoin ...   Donc avec tout ça, je me demande souvent (très, très, très souvent), si la personne avec qui j’ai fait une session a aimé le moment partagé. Parce que pour moi, le plaisir de l’autre dans le partage de ces moments est une question primordiale.   Si il (quelque fois elle mais le plus souvent c’est il ^^) n’ai pas frustré et/ou agacé par mon comportement. Si je suis pour lui une « bonne soumise » ou un « bon modèle », Si je ne l’ai pas déçus en étant assez "endurante" (dans les cordes ou dans mon masochisme), Si je n’ai pas fait quelque chose de déplacé, Si j’ai été assez ceci ou assez cela. Si je n'ai pas pousser le bouchon un peu trop loin (n'es ce pas Maurice!)   Bref un peut ce syndrome (tout vilain et pas sympa) de l’imposteur qui te dis « non mais tu n’as pas ta place ici, regarde toi » !   Une autre voie se fait aussi entendre : une petite voie qui me dit que si les gens pratique avec moi (et aime pratiquer avec moi) c’est justement parce que je suis moi. Entre attachiante et adulescente !   C’est toujours cette ambivalence entre le "moi" fait de feu et le "moi" qui s’épanouis sous le contrôle de quelqu’un qui se livrent bataille.. Et ce sont ces mêmes facettes, en symbiose bancale, qui font que je doute.
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Par : le 29/03/24
Le fétichisme, faut-il le rappeler, désigne la fascination (parfois obsessionnelle) ou l'adoration pour un objet non vivant ou une partie spécifique du corps. Dans le contexte du BDSM, le fétichisme transcende la simple attraction est tient un rôle central dans les dynamiques de pouvoir, les jeux érotiques, et l'expression de désirs profonds et complexes. Ce concept, riche et multidimensionnel, sert de point d'ancrage pour des expériences allant de la domination et soumission, au rapport "douleur/plaisir", jusqu'au contrôle et le lâcher-prise associé. L'évolution du fétichisme au travers les siècles est marquée par des périodes où le fétichisme a été réprimé,a peine toléré ou au contraire été accepté voire intégré dans la société. Des civilisations antiques, qui vénéraient des objets et des symboles chargés de pouvoir et de mystère, aux sociétés médiévales, où ces pratiques étaient souvent occultées ou réinterprétées à travers le prisme de la spiritualité dominante, le fétichisme a constamment évolué. À l'ère moderne, avec l'émergence du BDSM comme une culture et une communauté distincte, le fétichisme a été réévalué et a fini par s'intégrer dans un cadre plus large de pratiques sexuelles et relationnelles. Origines ancestrales du fétichisme L'exploration des origines antiques et médiévales du fétichisme, dans le sens historiquement premier du terme, nous entraine dans un voyage dans le temps, où les pratiques qui peuvent être aujourd'hui identifiées comme fétichistes (de par l'exploration des travaux des grands psychanalystes) sont souvent entrelacées avec les traditions religieuses, culturelles, et sociales des civilisations passées. Le fétichisme, bien avant d'être conceptualisé comme tel, joue ainsi un rôle dans l'expression de la spiritualité, du pouvoir, et de la sexualité (dans ce qu'elle a de procréative, au principal). Dans les civilisations antiques, de l'Égypte ancienne à la Grèce antique , en passant par l'empire Romain, le fétichisme se manifeste à travers la vénération d'objets et de symboles dotés d'une importance spirituelle ou magique. Ces objets, qu'il s'agisse de statuettes représentant des divinités, d'amulettes censées conférer protection et fertilité, ou de représentations phalliques utilisées dans les rites de fertilité, sont intégrés dans la vie quotidienne comme la vie religieuse (qui était tellement entremelés que de les séparer peut s'avérer d'ailleurs discutable). Ils servent de ponts entre le monde matériel et le domaine des dieux, incarnant des forces ou des attributs divins spécifiques. Par exemple, dans l'Égypte ancienne, les amulettes, en particulier celles à l'image de l'Œil d'Horus, étaient considérées comme des protecteurs puissants, tandis que dans la Rome antique, les phallus sculptés, souvent accrochés aux portes des maisons, étaient censés éloigner le mauvais œil. Plus tard, à l'approche du Moyen Âge, la perception du fétichisme commence à se transformer. L'expansion du christianisme en Europe apporte une nouvelle interprétation des objets "fétiches" et des pratiques préexistants. Ce qui était autrefois vénéré fait alors l'objet de suspicion quant on ne crie pas à l'hérésie. Cependant, même dans ce contexte de transformation culturelle et religieuse, certaines formes de vénération d'objets persistent, on bascule vers le temps de la vénération des reliques des saints et des martyrs. Les reliques, ossements ou fragments de vêtements, par exemple, sont censées posséder des pouvoirs miraculeux, reflétant la manière dont les objets pouvaient encore être imprégnés de significations spirituelles et magiques. Cependant, à côté de ces formes acceptées de vénération, des pratiques moins orthodoxes survivaient souvent à la marge marge ou en secret. Les traditions folkloriques et les croyances païennes, bien que réinterrogées du fait de la montée du monothéisme, conservaient des éléments qui, à bien des égards, ressemblaient au fétichisme antique. Les herbes, les pierres, et les amulettes continuent à être utilisées dans des pratiques de guérison et de protection, reflétant une continuité sous-jacente avec le passé antique. Ainsi, les origines antiques et médiévales du fétichisme révèlent un panorama complexe où les objets, loin d'être de simples artefacts, sont chargés de significations multiples, servant de catalyseurs pour le divin, le magique, et le sacré. Cette longue période de l'Histoire montre clairement que le fétichisme, bien avant de devenir un terme d'analyse dans la psychologie ou la sexologie modernes, était une composante intrinsèque de l'expérience humaine, façonnant et étant façonné par les croyances et les pratiques de l'époque. Le fétichisme à l'ère moderne Lère moderne marque une période d'avancées significatives dans la compréhension et l'interprétation du fétichisme. C'est au cours de cette période que le fétichisme commence à être scruté à l'aulne de la psychologie et de la sexologie, disciplines naissantes qui cherchent à catégoriser et à comprendre les comportements humains sous un jour nouveau. Les figures de proue de cette exploration que sont Richard von Krafft-Ebing ou Sigmund Freud, par exemple, jouent un rôle déterminant dans la théorisation du fétichisme, l'extrayant de la sphère religieuse et culturelle pour le placer dans le domainede l'étude scientifique de la sexualité. Richard von Krafft-Ebing, dans son œuvre pionnière "Psychopathia Sexualis", est l'un des premiers à définir le fétichisme dans un cadre médical, le présentant comme une forme de déviance sexuelle où l'attraction pour un objet inanimé remplace l'intérêt pour un partenaire sexuel humain. Cette approche pathologisante met en lumière les objets fétiches non plus comme des symboles de pouvoir ou de spiritualité, mais comme des catalyseurs de désir anormal. Sigmund Freud, quant à lui, apporte une dimension psychanalytique au fétichisme, le voyant comme un symptôme de conflits psychiques non résolus. Dans son interprétation, le fétiche devient un substitut, un ersatz pour l'incongrue et falacieux pénis de la mère d'un enfant mâle qui, selon Freud, croit à tort avoir qu'elle a été castrée. Cette théorie, bien qu'elle soit largement contestée et critiquée aujourd'hui, a néanmoins contribué à placer le fétichisme au cœur des discussions sur la psychologie de la sexualité. Parallèlement à ces théorisations, l'ère moderne est également témoin de transformations sociales et économiques majeures, notamment l'industrialisation et l'avènement de la modernité, qui influencent profondément les pratiques et les communautés fétichistes. L'industrialisation, en particulier, modifie la relation des individus aux objets, rendant les produits manufacturés abondants et facilement accessibles. Cette profusion d'objets nouveaux et variés crée un terrain fertile pour l'expansion des pratiques fétichistes, où des matériaux comme le caoutchouc, le cuir et le latex commencent à être érotisés. La modernité apporte également avec elle une transformation des espaces sociaux, avec l'émergence de sous-cultures et de communautés où les pratiques fétichistes peuvent être explorées et vécues ouvertement, bien que souvent de manière clandestine. Les clubs, les magazines spécialisés et, plus tard, les forums internet (puis les réseaux sociaux), deviennent des espaces où les fétichistes peuvent se rencontrer, partager leurs expériences, et construire des identités autour de leurs pratiques. Cette période voit également une remise en question progressive des normes sexuelles et une exploration plus large des expressions de la sexualité humaine. Ainsi, l'ère moderne est caractérisée par une dualité dans l'approche du fétichisme : d'un côté, une pathologisation et tentative de comprendre le phénomène dans un cadre clinique, de l'autre, une expansion et une diversification des pratiques fétichistes, facilitées par les transformations sociales et technologiques. Ensemble, ces éléments forment le terreau sur lequel le fétichisme contemporain, avec ses multiples facettes et sa richesse, continue de s'épanouir et de se redéfinir. Le fétichisme dans la société au XXe Siècle Le XXe siècle marque un tournant décisif pour le fétichisme, propulsant des pratiques jusqu'alors marginales ou confidentielles au cœur de la culture de masse. Cette période voit le fétichisme se démocratiser et s'intégrer dans le tissu même de la culture populaire, influençant la mode, la musique, le cinéma et l'art. Cette intégration s'est accompagnée d'une évolution significative dans la perception publique du BDSM, transformant progressivement les stigmates théorisés en psychanaluse en signes de rébellion, d'expression personnelle, et d'avant-gardisme. L'émergence du fétichisme dans la culture de masse peut être attribuée à plusieurs facteurs clés, notamment la libéralisation des mœurs sexuelles et la montée des mouvements de contre-culture. Les années 60 et 70, avec leur ethos de liberté et d'expérimentation, ont vu naître un intérêt accru pour les pratiques sexuelles alternatives, parmi lesquelles le BDSM et le fétichisme ont trouvé une nouvelle caisse de résonnance. Cette période correspond également à la publication de travaux littéraires et de manuels qui explorent ouvertement la sexualité et les pratiques BDSM, rendant ces sujets plus accessibles au grand public. En outre, l'avènement des médias de masse a joué un rôle crucial dans la diffusion d'images et d'idées fétichistes. Les magazines, les films et plus tard, les chaînes de télévision et internet, offrent une plateforme pour la représentation et la discussion des fétichismes, contribuant à leur démocratisation. Les objets fétiches comme le cuir, les chaînes, et le latex commencent à apparaître régulièrement dans les médias, souvent décontextualisés de leurs origines BDSM pour devenir des symboles de mode et de non-conformité. Les stars du XXe siècle ont joué un rôle indéniable dans la popularisation du fétichisme. Des artistes comme Madonna dans les années 80 et 90, avec ses clips vidéos et ses performances scéniques chargées de références au BDSM, ont contribué à introduire le fétichisme dans les foyers du monde entier. De même, le glam rock et des artistes comme David Bowie, avec leur esthétique androgyne et leurs costumes extravagants, ont brouillé les lignes entre les genres et érotisé des éléments fétichistes, les rendant partie intégrante de leur image publique. Ces icônes, par leur visibilité et leur influence, ont non seulement aidé à normaliser certaines pratiques fétichistes mais ont également inspiré des discussions sur la sexualité, l'identité de genre, et l'expression personnelle. Leur adoption de la mode fétichiste a transformé celle-ci de tabou en tendance, modifiant la perception publique du fétichisme de quelque chose de caché ou de honteux en un acte de rébellion ou d'expression artistique. L'ère contemporaine et la "normalisation" du fétichisme L'ère contemporaine a ainsi été témoin d'une transformation sans précédent dans la manière dont le fétichisme et le BDSM sont perçus et pratiqués, grâce en grande partie à l'essor d'Internet et des médias sociaux. Le fétichisme s'est petit a petit imposé comme une forme d'expression largement acceptée et explorée par le grand public (même si bien entendu, toute la société ne s'est pas convertie ;-) ). Cette acceptation normalisation est donc le fruit d'une convergence entre des facteurs culturels, technologiques et sociaux qui ont contribués à faciliter l'expansion des communautés fétichistes et modifié les attitudes sociétales à leur égard. L'avènement d'Internet a marqué un tournant réellement décisif pour les communautés BDSM et fétichistes, leur offrant un espace sans précédent pour se rassembler, échanger des connaissances et des expériences, et construire une culture et une identité partagées. Les forums en ligne, les blogs, et les réseaux sociaux comme BDSM.FR ont permis aux personnes curieuse d'explorer le fétichisme de trouver une communauté d'échange et de se confronter, souvent pour la première fois à ces pratiques. Ces plateformes numériques ont également joué un rôle crucial dans la pédagogie et la démystification du BDSM, offrant des ressources allant des techniques de sécurité aux aspects psychologiques des pratiques fétichistes. En parallèle, les postures sociétales envers le fétichisme et le BDSM ont subi une évolution notable. La visibilité accrue des pratiques fétichistes dans la culture populaire, associée à un dialogue plus ouvert et inclusif sur la sexualité en général, a participé à déstigmatiser ces pratiques. Des événements culturels, tels que les Gay prides ou les muncjs ont commencé à intégrer des éléments fétichistes de manière ouverte, reflétant et encourageant en même temps une acceptation plus large de la diversité sexuelle. Cette période contemporaine a également vu la publication de littérature et le cinéma grand public (on ne citera pas le titre du film de référence en la matière, vous le connaissez ;-) ) traitant de thèmes BDSM et fétichistes, bien que ces représentations aient parfois été remises en cause pour leur inexactitude, par les clichés véhiculés, ou leur simplification à l'extrême. Néanmoins, leur impact sur la perception publique du fétichisme a été indéniable, ouvrant le dialogue sur ces sujets et encourageant une exploration personnelle et collective. L'évolution des attitudes a été soutenue par des changements législatifs et politiques dans de nombreux pays, ou à tous le moins par la constitutions de jurisprudence, reconnaissant les droits et les libertés des personnes pratiquant le BDSM et le fétichisme. Ces évolutions législatives ont non seulement protégé les adeptes du fétichisme et du BDSM contre la discrimination voire la persécution mais ont également validé le BDSM et le fétichisme comme des expressions légitimes de la sexualité humaine. Les défis actuels et à venir du fétichisme (et du BDSM) Tandis que le fétichisme et le BDSM sont devenus plus visibles et mieux acceptés, de nouveaux défis émergent, notamment en ce qui concerne le consentement, la sécurité et la légalité. Ces enjeux, cruciaux pour la pérennité et l'éthique des pratiques fétichistes, soulèvent des questions importantes sur la manière dont la communauté peut continuer à évoluer de manière responsable et inclusive. L'accent mis sur le consentement éclairé, révocable et mutuel a transformé la manière dont les pratiques fétichistes sont perçues et réalisées. Cependant, la nature même de certaines pratiques fétichistes, qui peuvent impliquer des jeux de pouvoir et de domination, exige une vigilance constante et une communication ouverte pour s'assurer que toutes les parties impliquées se sentent respectées et en sécurité. La sécurité, tant physique qu'émotionnelle, reste enjeu majeur. Alors que la communauté BDSM adopte le mantra "sain, sûr et consensuel" (SSC) ou "risque aware consensual kink" (RACK), les défis liés à la prévention des blessures, à la gestion des risques et à la santé mentale restent essentiels. L'éducation, à travers des ateliers, des munchs et des ressources en ligne, joue un rôle essentiel dans la promotion de pratiques sécuritaires et éthiques. Sur le plan légal, bien que des progrès aient été réalisés dans la reconnaissance des droits des pratiquants du BDSM, la situation est et restera précaires. Dans de nombreux pays, les activités BDSM peuvent encore être interdite par la loi, notamment en ce qui concerne les aspects de douleur, de contrainte ou de domination. L'avenir exigera un dialogue continu avec les législateurs et le grand public pour démystifier les pratiques fétichistes et plaider pour une législation qui protège tout en respectant la liberté d'expression sexuelle. On comprends aussi que les alternances politiques pourront jouer un rôle déterminant dans l'avenir de ces pratiques. Le fétichisme dans le BDSM va probablement continuer de s'adapter et d'évoluer avec la société. Les technologies émergentes, telles que la réalité virtuelle et les plateformes en ligne, offrent de nouvelles voies d'exploration du fétichisme, permettant des expériences immersives et la formation de communautés virtuelles. En outre, une plus grande diversité au sein de la communauté fétichiste, reflétant un éventail plus large d'identités sexuelles, de genres et d'orientations, pousse à une remise en question continue des normes et à une évolution des pratiques. L'avenir du fétichisme dans le BDSM semble donc prometteur, avec une tendance vers une plus grande acceptation, une exploration plus profonde et une innovation continue. Il ne tient qu'à nous tous de continuer à faire évoluer les moeurs et la perception de nos pratiques, dans le "bon" sens.
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Par : le 27/03/24
Au cours des dernières décennies, l'intérêt pour les love dolls (poupées silicone & Latex) a connu une croissance exponentielle à travers le monde, marquant une évolution significative dans la manière dont la société perçoit et interagit avec ces compagnons artificiels. Jadis reléguées aux marges de la culture populaire et souvent entourées de stigmatisation, les love dolls ont progressivement gagné en acceptation, à mesure que les avancées technologiques ont amélioré leur réalisme et leur fonctionnalité. Cette transformation n'est pas seulement le fait de l'innovation, mais reflète aussi un changement dans les attitudes sociétales, avec une reconnaissance croissante de la diversité des besoins et des désirs humains en matière de compagnie et d'intimité. Dans ce contexte, le DollForum émerge comme une ressource incontournable, offrant un espace où la passion pour les love dolls et la quête d'informations se rencontrent. Ce forum anglophone s'est imposé comme une communauté de référence, où amateurs, curieux, fabricants et revendeurs convergent pour partager des conseils, des expériences et des connaissances. Que vous soyez un collectionneur chevronné à la recherche de la dernière innovation dans le domaine des love dolls ou un nouveau venu curieux de comprendre ce monde fascinant, DollForum vous accueille avec une mine d'informations très complète et une multitude d'espaces de discussion dédiés à chaque aspect de la passion pour les love dolls. L'existence et le succès du DollForum témoignent de l'importance grandissante de ces partenaires artificielles dans la vie de nombreuses personnes. Le forum sert non seulement de plateforme d'échange et de soutien pour ceux qui partagent cet intérêt, mais il agit également comme un vecteur de normalisation et de démystification, en ouvrant des discussions honnêtes et respectueuses sur un sujet encore souvent tabou. En fournissant un accès direct aux fabricants, ainsi qu'un espace pour les avis de consommateurs et des articles de fond, DollForum se positionne au cœur de l'écosystème des love dolls, facilitant une meilleure compréhension et une appréciation accrue de ces formes uniques de compagnie.  À la découverte de DollForum DollForum se distingue dans l'univers des love dolls par son histoire riche et sa mission centrale, qui consiste à offrir une plateforme d'échange et d'information dédiée à ces compagnons uniques. Né de la passion d'une communauté de niche, ce forum a rapidement évolué pour devenir la principale ressource en ligne pour tout ce qui concerne les love dolls. Dès ses débuts, DollForum s'est fixé comme objectif de créer un espace sûr et accueillant où les amateurs de love dolls, qu'ils soient novices ou experts, pourraient se rencontrer, partager des conseils, des critiques, et des histoires personnelles, contribuant ainsi à une meilleure compréhension et acceptation des love dolls. La mission de DollForum dépasse le simple partage d'informations techniques ou de nouveautés produit. Elle englobe la volonté de construire une communauté solidaire, où les membres peuvent discuter librement de leurs expériences, poser des questions sans crainte du jugement et explorer les divers aspects de la possession d'une love doll. En outre, le forum s'engage à promouvoir une image positive des love dolls, souvent mal comprises par le grand public, en mettant en lumière leur rôle dans la fourniture de compagnie, de confort et même d'art. L'importance de la communauté anglophone dans l'échange d'informations et d'expériences sur DollForum ne saurait être sous-estimée. En rassemblant des membres de divers horizons culturels et géographiques, le forum bénéficie d'une richesse d'opinions et de perspectives. Cette diversité enrichit les discussions, permettant aux membres de découvrir des utilisations, des histoires et des pratiques variées liées aux love dolls, qui pourraient rester inconnues dans des communautés linguistiques plus restreintes. La langue anglaise, servant de lingua franca, permet à DollForum de transcender les barrières linguistiques, facilitant ainsi un partage global des connaissances et des expériences. Grâce à sa communauté active et engagée, DollForum s'est établi non seulement comme un lieu d'échange d'informations pratiques sur les love dolls mais aussi comme un espace de soutien émotionnel et social pour ceux qui trouvent dans les love dolls bien plus que de simples objets : des compagnons, des œuvres d'art, et parfois même des catalyseurs de bien-être personnel. Ce faisant, DollForum contribue de manière significative à élargir les horizons de ses membres, tout en démystifiant et normalisant les love dolls dans la société plus large. Les espaces de discussion de DollForum DollForum offre une variété d'espaces de discussion qui répondent à une large gamme d'intérêts et de besoins liés aux love dolls. Chacun de ces espaces apporte sa propre valeur à la communauté, enrichissant l'expérience globale des membres. CoverDoll : Un magazine vivant CoverDoll se distingue comme une caractéristique unique et vibrante de DollForum. Ce magazine en ligne, intégré au forum, se consacre à la mise en avant des love dolls à travers des photographies artistiques et captivantes. Les publications de CoverDoll, régulières et attendues, offrent aux membres et aux visiteurs un regard raffiné sur l'art de la photographie de dolls, mettant en lumière la beauté et la diversité des dolls à travers le monde. L'objectif de CoverDoll va au-delà de la simple exposition de photos ; il s'agit de célébrer l'expression artistique, de partager des histoires visuelles qui captivent et inspirent, et de reconnaître les dolls comme des œuvres d'art en elles-mêmes. Cette publication régulière enrichit la communauté en offrant de nouvelles perspectives sur les love dolls, tout en fournissant une plateforme pour les photographes de talent au sein de la communauté. Espace pour les fabricants américains et européens DollForum propose également un espace dédié aux fabricants américains et européens de love dolls, offrant aux membres un accès direct aux créateurs de certaines des dolls les plus réalistes et innovantes du marché. Des noms tels que 4Woods Europe et ABYSS Creations – RealDoll y sont régulièrement mentionnés, ces entreprises étant reconnues pour leur excellence dans la conception et la fabrication de dolls. Cette section permet aux membres du forum de poser des questions directement aux fabricants, de s'informer sur les dernières innovations et de recevoir des conseils d'experts sur le choix et l'entretien de leurs dolls. L'interaction directe avec les fabricants enrichit l'expérience utilisateur, en fournissant des informations précieuses qui ne sont souvent pas disponibles ailleurs. Autres sections à visiter Le DollForum ne se limite pas uniquement à des espaces pour les amateurs et les fabricants de love dolls. Il étend son offre à plusieurs autres sections, toutes cruciales pour enrichir l'expérience de sa communauté. Ces sections offrent des perspectives variées et répondent à des besoins spécifiques au sein de la communauté des love dolls. Shop Lovedoll Adult Parmi les espaces significatifs, le Magasin Lovedoll Adulte tient une place particulière. Cette section est spécialement conçue pour les amateurs de poupées gonflables, offrant une plateforme où les membres peuvent explorer des produits, partager des recommandations et discuter des dernières nouveautés dans le monde des poupées gonflables. L'importance de cet espace réside dans sa capacité à rassembler une communauté souvent négligée ailleurs, offrant un lieu d'échange dédié où les utilisateurs peuvent partager leur passion, leurs conseils d'achat, et leurs expériences avec des produits spécifiques. Espace pour les revendeurs certifiés TDF L'Espace pour les Revendeurs Certifiés TDF est une autre section essentielle, soulignant l'engagement du forum envers la qualité et la fiabilité. DollForum reconnaît l'importance de la confiance dans les transactions, particulièrement dans un marché aussi spécialisé que celui des love dolls. Les revendeurs souhaitant être certifiés par TDF doivent passer par un processus de vérification rigoureux, garantissant ainsi que seules les entreprises légitimes et de bonne réputation soient recommandées aux membres. Cette exclusivité de DollForum, proposant des sites vérifiés en France, aux États-Unis, et au Japon, assure aux membres une tranquillité d'esprit lorsqu'ils cherchent à acheter une love doll. Avis sur les fabricants et de revendeurs Enfin, l'espace dédié aux Avis sur les fabricants et les revendeurs constitue une ressource précieuse pour les membres, leur permettant de partager et de découvrir des avis sur la qualité des modèles de dolls et les services des revendeurs. Cette section participe à la transparence essentielle dans le domaine des love dolls, permettant aux utilisateurs de prendre des décisions éclairées basées sur les expériences d'autres membres de la communauté. En offrant un espace pour que les avis, qu'ils soient positifs ou négatifs, soient exprimés librement, DollForum contribue à élever les standards de qualité et de service au sein de l'industrie des love dolls. Chacune de ces sections joue un rôle vital dans la communauté DollForum, offrant aux membres une gamme complète de ressources pour enrichir leur expérience avec les love dolls. Que ce soit à travers le partage d'expériences, la recherche de produits de qualité, ou la navigation parmi les revendeurs fiables, DollForum se positionne comme une plateforme incontournable pour tous les aspects de la culture des love dolls. L'Expérience utilisateur sur DollForum L'expérience utilisateur sur DollForum est façonnée par une communauté dynamique et engagée, où les interactions entre membres, fabricants, et revendeurs forment le cœur vivant du forum. Cette synergie unique entre différentes parties prenantes contribue à créer un environnement riche en informations, en soutien, et en inspiration pour tous ceux qui partagent une passion pour les love dolls. Interaction entre les membres, les fabricants, et les revendeurs L'un des aspects les plus remarquables de DollForum est la facilité avec laquelle les membres peuvent interagir directement avec les fabricants et les revendeurs. Cette proximité offre une opportunité inégalée d'obtenir des réponses directes à des questions techniques, de recevoir des conseils personnalisés, et de se tenir au courant des dernières innovations et offres dans le monde des love dolls. Les fabricants et revendeurs, de leur côté, bénéficient d'un canal direct pour comprendre les besoins et préférences de leur clientèle, ainsi que pour présenter leurs nouveaux produits ou services. Les discussions sur le forum englobent une variété de sujets, allant des détails techniques et de l'entretien des dolls à des réflexions plus larges sur la place des love dolls dans la société. Les membres partagent également des critiques de produits, des photos, des histoires personnelles, et des conseils, créant ainsi une bibliothèque vivante de connaissances et d'expériences. Cette inter Pourquoi DollForum est devenu incontournable ? DollForum s'est érigé en véritable pilier pour la communauté des amateurs de love dolls, offrant bien plus qu'un simple espace de discussion. L'ampleur des informations disponibles, couplée à la qualité exceptionnelle de sa communauté, en fait une ressource incontournable pour quiconque s'intéresse de près ou de loin au monde des love dolls. Quantité d'informations disponibles La richesse informationnelle de DollForum est sans égale. Les membres ont accès à une variété impressionnante de contenus, allant des revues détaillées de produits, des guides d'achat, à des conseils d'entretien, en passant par des discussions sur les dernières innovations technologiques dans le domaine des love dolls. Ce forum abrite également des espaces dédiés où les membres peuvent échanger directement avec des fabricants et des revendeurs, leur permettant de poser des questions spécifiques et d'obtenir des réponses personnalisées. Cette mine d'informations fait de DollForum un outil indispensable pour prendre des décisions éclairées, que ce soit pour un premier achat ou pour enrichir une collection existante. Qualité de la communauté Au-delà des informations, ce qui rend DollForum véritablement spécial, c'est sa communauté. Les membres, allant de novices curieux à des collectionneurs aguerris, partagent une passion commune qui transcende les frontières géographiques et culturelles. L'atmosphère du forum est marquée par le respect, l'entraide, et une volonté partagée de s'enrichir mutuellement à travers des échanges constructifs. Cette ambiance bienveillante encourage les membres à partager librement leurs expériences, leurs réussites, et parfois leurs difficultés, créant ainsi un espace de soutien et de partage unique. Si vous n'êtes pas anglophone, à défaut, vous pouvez échanger dans notre groupe Poupée Silicone & Latex ou sur notre forum en français dédié aux love dolls en français
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Par : le 23/03/24
Né en Italie en 1945, Milo Manara est un artiste dont le nom est synonyme de souffre dans l'univers de la bande dessinée. Quatrième d'une fratrie de six, il grandit dans une petite ville italienne, Luson, nichée entre les montagnes et imprégnée d'Histoire, non loin de la frontière autrichienne. C'est un monde où l'art rencontre l'histoire, et où Manara, dès son plus jeune âge, se découvre une passion dévorante pour le neuvième art. Sa rencontre avec la bande dessinée s'effectue dans l'atelier du sculpteur espagnol Berrocal, où les œuvres de Barbarella et Jodelle lui ouvrent les portes d'un monde nouveau. Rapidement, sa vocation se précise et, dès 1968, il finance ses études d'architecture à Venise en publiant ses premières planches, des récits érotiques qui marquent le début d'une carrière qui allait s'avérer exceptionnelle. De Genius à Jolanda, de l'adaptation du Décaméron de Boccace à Le Singe, Manara ne cesse d'explorer et de repousser les limites de son art. En 1978, il lance les aventures de Giuseppe Bergman, personnage emblématique qui traverse des récits à la fois oniriques et profondément humains. Mais c'est en 1983, avec la publication du Déclic, que Manara devient un maître incontesté de la bande dessinée érotique. Cette œuvre, devenue culte, illustre à la perfection l'audace, la sensibilité, et l'élégance de son trait, captivant un public international. Sa collaboration avec Hugo Pratt pour Un été indien, puis El Gaucho, ainsi que ses travaux avec le grand Federico Fellini, témoignent de son incroyable capacité à fusionner les univers, à dialoguer avec les grands esprits de son temps, pour créer des œuvres immortelles. Toujours avide de nouveaux défis, Manara ne s'est pas contenté de régner sur le monde de la bande dessinée érotique. Son talent d'illustrateur s'est exprimé dans de nombreux projets, du diptyque consacré au Caravage à ses collaborations avec Alejandro Jodorowsky pour la série Borgia. Sans oublier sa passion pour la sculpture, illustrée par sa création à l'effigie de Brigitte Bardot. La reconnaissance de son œuvre est mondiale : prix, expositions, et même une monographie, "Sublimer le réel", célébrant cinquante ans de carrière. Mais ce qui frappe le plus chez Manara, c'est sa capacité à rester profondément humain, à toucher à l'universalité à travers l'érotisme, à célébrer la beauté sous toutes ses formes. Milo Manara, avec sa maîtrise incontestée du dessin et sa capacité à explorer les profondeurs de la psyché humaine, a su aborder les thèmes du fétichisme et du BDSM, de ci delà. Son œuvre, souvent empreinte d'une sensualité érotique et d'une exploration audacieuse des désirs, offre un regard nuancé et artistiquement riche sur ces aspects de la sexualité. Dans les univers créés par Manara, le fétichisme dépasse l'obsession autour d'un objet ou d'une partie du corps. Le fétichisme est souvent là en filigrane, du moins les adeptes savent le trouver dans la manière dont Manara l'intègre comm élément narratif, capable de révéler la complexité des relations et des désirs de ses personnages. Ses illustrations, d'une précision et d'une beauté captivantes, invitent le lecteur à explorer des fantasmes souvent inavoués, rendant le fétichisme non seulement esthétiquement séduisant mais aussi psychologiquement profond. Manara dépeint le fétichisme avec un respect et une délicatesse qui en valorisent l'aspect humain et relationnel, offrant une vision à la fois sensuelle et introspective. Quant au BDSM, il se glisse parfois discrètement dans ses œuvres les plus provocatrices, Manara le traite avec une habileté narrative qui transcende le sensationnel pour sonder les dynamiques de pouvoir, de contrôle et de libération. . Le BDSM, dans l'univers de Manara, est loin d'être un simple motif érotique ; il devient un moyen d'explorer les limites de l'expérience humaine, les frontières entre douleur et plaisir, domination et soumission, toujours avec une élégance graphique et une profondeur narrative. Les œuvres de Manara ne se contentent pas de représenter le fétichisme et le BDSM ; elles invitent à une réflexion sur la nature du désir et sur la recherche de l'épanouissement personnel à travers la découverte de soi et de l'autre. En cela, Manara ne se limite pas à illustrer ces thèmes ; il les intègre dans des récits complexes où la beauté artistique se mêle à une exploration sans jugement des aspects les plus intimes de l'âme humaine. Quarante ans après Le Déclic, Manara regarde son parcours avec une pointe de nostalgie, conscient des changements dans la perception de l'érotisme, mais toujours philosophe. Sa contribution à la bande dessinée ne se limite pas à ses créations ; il a ouvert des chemins, inspiré des générations d'artistes et de lecteurs. Milo Manara, c'est malgré tout une forme de candeur, d'ingénuité, le plaisir de l'art. Dans un monde où les saisons de la liberté semblent parfois incertaines, son œuvre reste un phare, illuminant la beauté éternelle de l'imagination et du désir. Il est plus qu'un artiste ; il est un voyageur entre les mondes de l'éros et du papier, un pont entre les rêves et la réalité. Et son voyage, à travers le neuvième art, continue de nous fasciner, de nous émouvoir, et surtout, de nous inspirer. Quelques albums cultes : L'art de la fessée Noirs desseins Le déclic : l'intégral  
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Par : le 22/03/24
Qu'est-ce que le Gooning? Le gooning est une des nombreuses pratiques qui se fait parfois introduction dans le monde du BDSM, elle se distingue par ses caractéristiques uniques et ses implications dans l'approche émotionnelles et physiques de la sexualité. Le terme "Gooning", qui ne possède pas de traduction littéral en français. Il évoque un état ou de transe où la personne impliquée atteint un niveau d'engagement dans l'acte et de plaisir intense, souvent dans un contexte de masturbation prolongée. L'origine exacte du terme reste donc floue, mais il s'est répendu comme une trainée de poudre au sein de la communauté BDSM pour décrire ce phénomène spécifique. Le "gooning" peut se résumer comme cet état généralement atteint après une longue session d'edging*, lorsque l'homme ou la femme devient complètement hypnotisé par la sensation d'hyper sensibilité de son pénis ou de son clitoris pour une femme. Puisque l'état de gooning ne peut être atteint qu'après du edging*, le pénis de l'homme ou le clitoris pour la femme sera à ce moment-là terriblement excité et chaque caresse à laquelle les organes génitaux masculins sont soumis déclenchera une puissante allégresse. Alors que l'homme ou la femme continue l'edging et donc continue d'expérimenter un plaisir intense, il entre dans un état de transe où son esprit fusionne intimement avec son sexe : l'état de gooning, où lui et son sexe ne font qu'un. Pour être encore plus précis, lorsque l'état de gooning est atteint, le corps de devient uniquement plaisir sexuel. Lorsque cet état est atteint, l'homme ou la femme se libère de tous les codes sociaux de conduite, et son excitation, seule, dicte ses réactions. En conséquence, un homme ou une femme en état de gooning deviendra très expressif et démonstratif : ils peuvet devenir très locaces, tandis que son corps et son visage peuvent prendre des expressions lubriques et indécentes, tout en réponse aux caresses intensément exquises auxquelles son sexeest exposé. D'où le terme "goon", puisqu'à ce stade, l'homme ou la femme ont effectivement l'air d'une personne stupide, folle ou excentrique. Le gooning n'est pas une manifestation narcissique. Le narcissisme est un égoïsme extrême, avec une vision grandiose de ses propres talents. Plutôt, le gooning se rapproche davantage d'une expérience de méditation, où l'esprit et le corps s'alignent, concentrés sur une seule pensée (ou sensation, dans ce cas). Contrairement à d'autres pratiques BDSM qui peuvent impliquer des éléments de douleur, de domination et de soumission, le gooning se concentre davantage sur l'exploration prolongée du plaisir et l'abandon de soi dans l'instant présent. Il s'agit moins de la dynamique de pouvoir traditionnellement associée au BDSM et plus d'une exploration profonde de l'auto-stimulation, souvent menée jusqu'à atteindre un état second où la conscience de soi et le temps semblent disparaître. L'un des aspects cruciaux du gooning est l'état d'esprit dans lequel la personne se trouve. Pour atteindre cet état de gooning, il faut une dévotion presque méditative à l'acte en cours. Cet état est caractérisé par une focalisation intense sur les sensations et les émotions émergeant du plaisir sexuel, à tel point que tout le reste semble s'effacer. Cela requiert une immersion complète dans l'expérience, permettant à la personne de se libérer de la Raison et des inhibitions. La dévotion joue également un rôle central dans le gooning. Elle n'est pas nécessairement dirigée vers un partenaire, bien que cela puisse être le cas, mais plutôt vers l'acte lui-même et les sensations qu'il procure. Cette pratique peut être solitaire ou impliquer un(e) partenaire qui guide ou participe à l'expérience. Lorsqu'un partenaire est impliqué, la communication et le consentement mutuel deviennent évidemment essentiels pour explorer cet espace partagé de vulnérabilité et de plaisir intense. Ainsi, le gooning se distingue d'autres pratiques BDSM parce qu'il s'articule autour d'une exploration prolongée du plaisir et l'atteinte d'un état de transe. Loin de se résumer à une simple dynamique de domination et de soumission, il s'agit d'une quête de connexion profonde avec soi-même ou avec un partenaire, à travers le prisme du plaisir sexuel. La dévotion et un état d'esprit méditatif sont des composantes clés pour atteindre l'état de gooning, marquant cette pratique comme une exploration unique de la sexualité et de la conscience. Contexte historique et culturel du Gooning Le gooning, bien qu'étant une pratique relativement récente dans le lexique du BDSM, puise ses racines dans une histoire plus large de l'exploration sexuelle et du plaisir. Son développement au sein de la communauté BDSM reflète l'évolution continue des pratiques sexuelles et la manière dont elles sont perçues et vécues par les individus. Contrairement à des éléments plus traditionnels du BDSM, tels que le bondage, le sadomasochisme, ou la dynamique dominant/soumis, qui ont des origines historiques profondément ancrées et documentées, le gooning émerge comme une réponse à la numérisation de la sexualité et à l'augmentation de l'intimité personnelle dans la recherche du plaisir. Cette pratique a gagné en visibilité et en popularité à travers les forums en ligne et les communautés, où les individus partageaient leurs expériences et leurs techniques pour atteindre cet état de transe. L'accès accru à l'information et la facilité de communication entre les personnes aux intérêts similaires ont permis au gooning de se développer et de se répandre au-delà des cercles initialement restreints. En cela, le gooning est un exemple de la façon dont la technologie et la communication numérique ont influencé et façonné de nouvelles pratiques au sein de la sphère sexuelle. Au fil du temps, la perception du gooning a évolué. Initialement, il pourrait avoir été vu comme une niche ou une curiosité au sein des pratiques sexuelles plus larges. Cependant, à mesure que la compréhension de la sexualité humaine s'est approfondie et que les conversations autour du plaisir sexuel sont devenues plus ouvertes et inclusives, le gooning a commencé à être reconnu comme une forme légitime d'expression sexuelle. Cette reconnaissance coïncide avec un mouvement plus large vers l'acceptation des diverses façons dont les individus peuvent explorer et expérimenter leur sexualité. En comparaison avec d'autres pratiques BDSM, le gooning se distingue par son focus sur le plaisir prolongé et l'état de transe plutôt que sur la douleur, la contrainte ou les jeux de pouvoir. Alors que de nombreuses pratiques BDSM impliquent une interaction physique intense et une dynamique claire de rôle entre les partenaires, le gooning peut être une expérience plus introspective et méditative. Cette différence met en lumière l'éventail des expériences au sein du BDSM et la manière dont les pratiques peuvent varier largement en termes d'objectifs, de sensations recherchées, et d'implications émotionnelles. A travers les époques, les pratiques BDSM ont souvent reflété les normes sociales et culturelles du moment, ainsi que la compréhension et l'acceptation de la sexualité humaine. Le gooning, avec son apparition relativement récente, représente un chapitre de cette histoire continue, illustrant à la fois l'innovation dans la manière dont le plaisir est poursuivi et une plus grande acceptation de la diversité des expressions sexuelles. En tant que tel, il offre une fenêtre sur l'évolution continue des pratiques BDSM et sur la manière dont elles s'adaptent et se transforment en réponse aux changements culturels et technologiques.   Le Gooning dans la pratique Le gooning, dans sa mise en pratique, va se manifester par l'entremise d'une grande variété de scénarios, chacun offrant une perspective unique sur cette expérience profondément personnelle et, dans certains cas, partagée. Ces scénarios varient largement, allant des séances en solo aux interactions en couple, jusqu'aux dynamiques de groupe, reflétant la flexibilité et l'adaptabilité de cette pratique à différents contextes et préférences individuelles. Dans le cadre d'une séance solo, le gooning devient une exploration intime de soi-même, où l'individu se concentre entièrement sur l'atteinte d'un état de transe sexuelle. Cela implique souvent une masturbation prolongée, pendant laquelle la personne se laisse absorber complètement par les sensations et les plaisirs générés, cherchant à prolonger cet état le plus longtemps possible. L'environnement joue un rôle crucial dans ces scénarios, les participants cherchant souvent à minimiser les distractions et à créer un espace où ils peuvent se sentir en sécurité, confortables et non jugés. Cette immersion peut être facilitée par l'utilisation de matériel pornographique, de fantasmes, ou d'autres stimuli érotiques qui aident à maintenir l'intensité du focus et de l'excitation. Dans un contexte de couple, le gooning peut prendre une dimension additionnelle de connexion et de communication entre les partenaires. Ici, l'un peut assumer le rôle de guide, aidant l'autre à atteindre et à maintenir l'état de gooning, soit par des encouragements verbaux, soit par des stimulations physiques directes ou indirectes. Cette pratique devient alors un acte de partage et d'intimité profonde, où le plaisir de l'un est étroitement lié à l'expérience et à la réaction de l'autre. Le consentement et la communication ouverte sont essentiels dans ces scénarios, chaque partenaire devant être attentif aux besoins, aux désirs, et aux limites de l'autre. Les dynamiques de groupe introduisent une complexité supplémentaire, transformant le gooning en une expérience collective où plusieurs individus partagent un espace commun de plaisir et d'extase. Ces scénarios peuvent varier de petits groupes intimes à de plus grandes assemblées, chacun apportant sa propre énergie et son propre niveau d'interaction entre les participants. Dans ces contextes, le gooning peut servir à renforcer les liens au sein du groupe, à explorer de nouvelles dynamiques de plaisir partagé, et à vivre une expérience collective unique. Comme dans les autres scénarios, la communication, le respect mutuel et le consentement sont fondamentaux pour assurer une expérience positive et enrichissante pour tous les participants. Chacun de ces scénarios reflète la diversité des expériences possibles dans la pratique du gooning, soulignant l'importance de la personnalisation et de l'adaptabilité. Que ce soit en solo, en couple, ou en groupe, le gooning offre une opportunité de plonger profondément dans le plaisir sexuel, d'explorer les limites de l'extase personnelle, et de connecter avec soi-même et avec les autres d'une manière profondément significative et intime.   Bienfaits (nombreux) et risques (modérés) de gooning L'exploration du gooning offre un éventail de bienfaits tant sur le plan émotionnel que physique, ancrant cette pratique dans une expérience profondément personnelle et parfois partagée. Sur le plan émotionnel, le gooning peut conduire à une sensation de libération intense, permettant aux individus de se déconnecter des pressions et du stress du quotidien. Cette immersion totale dans le plaisir peut également favoriser une meilleure compréhension de soi et une connexion plus profonde avec ses désirs et limites sexuelles. Physiquement, le gooning peut augmenter l'endurance sexuelle et intensifier les expériences orgasmiques, rendant le plaisir plus accessible et plus prolongé. Cependant, comme toute pratique impliquant un degré élevé d'engagement émotionnel et physique, le gooning comporte des risques potentiels. L'un des principaux risques est la possibilité de développer une dépendance à l'état de transe que le gooning peut induire, pouvant mener à une négligence des responsabilités quotidiennes ou des relations personnelles. De plus, sans une communication adéquate et un consentement clair, particulièrement dans les scénarios impliquant plusieurs participants, il peut y avoir un risque de malentendus ou de dépassement des limites personnelles. Pour minimiser ces risques, il est crucial d'adopter une approche réfléchie et consensuelle du gooning. Cela inclut la mise en place de limites claires avant de commencer, la communication ouverte avec soi-même et avec les partenaires potentiels sur les attentes et les désirs, et l'engagement à rester attentif aux signaux du corps et de l'esprit tout au long de la pratique. La sécurité, tant physique qu'émotionnelle, doit rester une priorité absolue. Après une session de gooning, le suivi et l'instrospection (si on était seul) ou le débrief (si on était à plusieur) jouent un rôle vital dans le maintien d'une pratique saine et équilibrée. Prendre le temps de réfléchir sur l'expérience, sur ce qui a été ressenti, ce qui a fonctionné ou non, peut aider à mieux comprendre ses propres besoins et limites. Cela peut également être l'occasion de reconnaître et d'adresser tout sentiment de vulnérabilité ou d'inconfort qui pourrait avoir émergé. L'auto-réflexion favorise une croissance personnelle continue et assure que les expériences futures soient abordées avec une conscience et une compréhension accrues. Le gooning, avec ses bienfaits potentiels et ses risques inhérents, invite à une exploration attentive et intentionnelle de la sexualité. En adoptant une approche réfléchie et en privilégiant le suivi et l'auto-réflexion, les individus peuvent naviguer dans cette pratique de manière sûre et enrichissante, découvrant de nouvelles dimensions de plaisir tout en respectant leurs propres limites et celles des autres. * L'edging est une pratique sexuelle consistant à amener soi-même ou un partenaire au bord de l'orgasme, puis à arrêter la stimulation pour éviter l'achèvement, prolongeant ainsi l'expérience sexuelle. Cette technique peut intensifier le plaisir et mener à des orgasmes plus puissants lorsqu'elle est finalement autorisée.
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Par : le 22/03/24
"Donc, certain orgueil persuadé de son pouvoir de décider, et me déclarant apte à tirer parti du bien et du mal, du beau et du laid, et me donnant aussi la méfiance de tous les systèmes, Tzara, vous aviez raison et l’absence de systèmes est encore un système, en un même instant et sans les concilier jamais, assemble scrupules et cynismes". Si le destin de René Crevel fut tragique, c'est aussi qu'il indiqua de façon magistrale la dissidence de l'écrivain à l'époque où se développait le discours contestataire de l'avant-garde dans la France des années 1920. Il fallait un René Crevel, figure à la fois pure, généreuse et solitaire, afin que le surréalisme soit perçu comme un nouvel académisme qui mettait à l'écart le discours romanesque et pratiquait, sous l'égide d'André Breton, une exclusion de l'homosexualité dont Crevel devenait l'incarnation dérangeante. Il fallait un René Crevel pour que la question du politique soit pensée, dans la France des années 1930, sous la forme du militantisme et non pas seulementde manière marginale à la faveur de l'adoption de manifestes littéraires. L'œuvre de Crevel est très peu lue. Elle connaît aujourd'hui un succès d'estime du fait de l'émergence récente des études gays et lesbiennes dans le champ littéraire. Il en va de même des travaux qui interrogent les marges du mouvement surréaliste. Il n'est pas sûr cependant que Crevel se fût reconnu entièrement dans ces catégorisations identitaires. L'œuvre échappe au discours manifestaire, elle n'est d'aucune manière un témoignage. Pour ces raisons, Crevel demeura fidèle à la portée excessive du désir. Il refusait la sexualité monogamique, il refusait la sublimation outrancière de la femme. Il refusait de faire de cette dernière un instrument de reproduction. Ses détracteurs les plus acharnés le taxèrent de misogyne. Face à cette disposition du refoulement au cœur de la vie psychique, on peut comprendre que René Crevel affirme dans son œuvre un dédain pour l'autobiographie. L'affirmation est néanmoins paradoxale, car l'auteur ne cesse de revenir à soi dans une œuvre qui se caractérise par la disposition de motifs biographiques insistants. René Crevel naît à Paris le dix août 1900, rue de l'Échiquier, à proximité de la porte Saint-Denis. Il habitera par la suite rue de la Pompe dans le XVIème arrondissement. Son père est directeur d'une imprimerie, sa mère, femme austère et rigide, veille à l'éducation de ses quatre enfants. Il apprend le piano, va au catéchisme et suit sa scolarité au prestigieux lycée Janson-de-Sailly. En 1914, alors qu'il a quatorze ans, son père se pend dans l'appartement familial. Il en restera à jamais traumatisé, sa mère ayant cru bon de le conduire devant le corps afin de lui montrer la lâcheté de l'acte suicidaire du père. Il en conçut une haine à l'égard de sa mère et une certaine misogynie qui sera plus tard cause d'amours malheureuses avec les femmes. En 1918, il entame des études de lettres et de droit à la Sorbonne mais ne suit pas les cours de manière assidue. Au cours de son service militaire, effectué à la caserne parisienne de Latour-Maubourg, il se lie d'amitié avec un groupe de jeunes écrivains qui s'intéresse aux mouvements d'avant-garde.   "Il est obligé de reprendre une conscience plus précise de soi, de se tâter, de se dire que le danger naît peut-être de la façon dont il présente son tourment plutôt que de ce tourment même". En 1921, ils fondent ensemble une revue, "Aventure". Le groupe est frappé par la polémique qui oppose les partisans de Tristan Tzara, chef de file du mouvement Dada, à ceux d'André Breton, chef de file du mouvement surréaliste. René Crevel délaisse définitivement les études. Il s'engage auprès de Tzara, mais entretient cependant de bonnes relations avec Breton qui l'invite en septembre 1922 à initier les surréalistes aux sommeils hypnotiques. De là datent les premières frictions avec Robert Desnos, membre qui contribuera à tenir Crevel à l'écart du surréalisme. Personnage très mondain, pamphlétaire et iconoclaste, Crevel participe à l'essor du mouvement surréaliste expurgé des Leiris, Aragon, Desnos et Artaud. Son existence se passait en de constantes allées et venues dans les maisons de santé. Il s'y rendait épuisé pour réapparaître renaissant, florissant, neuf, luisant et euphorique. Mais cela durait peu. La frénésie de l'autodestruction le reprenait vite et il recommençait à s'angoisser, à refumer de l'opium, à se battre contre d'insolubles problèmes moraux. Dans un fragment autobiographique de "La Mort difficile", publié en 1926, il raconte lui-même ce moment en ces termes: "Avait commencé des recherches pour une thèse de doctorat es lettres sur Diderot romancier, quand, avec Marcel Arland, Jacques Baron, Georges Limbour, Max Morise, Roger Vitrac, il fonda une revue, "Aventure", qui lui valut d'oublier le XVIIIème siècle pour le XXème. C'est alors qu'il connut Louis Aragon, André Breton, Paul Éluard, Philippe Soupault, TristanTzara." René Crevel occupe dans le surréalisme une place à part, toute de paradoxe et de défi. Il est surréaliste, certes, mais à la différence de Benjamin Péret, inscrit au parti communiste depuis 1926, et de André Breton, Louis Aragon, Paul Eluard et Pierre Unik, engagés en janvier 1927 dans les rangs du même parti avec prudence et pour une période limitée, René Crevel jette sa jeune fougue et sa générosité sans réserve dans l'utopie socialiste et l'engagement au parti.    "J'ai trop écouté les médiocres, qui croient que la bête souffrant du corps ou l'angoisse de ce qui est le moins beau de l'âme peuvent quelque chose. Et je redresse la tête. J'irai à Paris dans une ou deux semaines. Je sors de cette sale année 1927 comme d'un tombeau". Homosexuel ou bisexuel, et respecté dans cette "différence" par un groupe réputé intolérant sur ce chapitre, il cherche sans fin à se comprendre, par le détour de fictions semi-autobiographiques qui l'engagent dans une littérature de l'aveu et de l'auto-analyse. Atteint de tuberculose en 1926, il passe de nombreux mois en Suisse, comme Eluard, et parfois en sa compagnie, puis, de retour à Paris, il se jette dans une activité mondaine frénétique. Le style baroque et la réflexion caustique de Crevel sur son temps n'ont guère d'équivalent en ce siècle. Ses modèles littéraires sont empruntés au XVIIIème siècle, à D. A. F. de Sade, et à Denis Diderot, comme écrivain et comme prosateur, à qui il consacre un ouvrage, "Le Clavecin de Diderot" (1932). Diderot y devient sous sa plume audacieuse le grand ancêtre du matérialisme léniniste. Durant sa courte vie, autant que la tuberculose le lui permette, l'auteur explore le jeu des rapports mondains. Il fréquente les salons, notamment ceux d'Etienne de Beaumont, de Marie-Laure de Noailles, de Violette Murat, de Jean-Louis de Faucigny-Lucinge. C'est une façon pour lui de dénier l'existence des classes sociales, tout en restant fidèle à ses amis surréalistes, qui feignent d'ignorer cette fascination, et à ses convictions antifascistes, qui le rendent toujours proche des communistes. À partir de 1930, il participe avec ardeur aux activités du groupe d'André Breton et en devient même l'un des membres les plus virulents si l'on en juge par ses pamphlets et essais de l'époque. De l'année 1933 jusqu'à sa mort, il soutient énergiquement les intellectuels allemands qui fuient le nazisme et apporte son soutien aux comités de défense.    "Ainsi Diane qu'il se reprochait, la minute antérieure, de maltraiter devient soudain l'accusée. Toujours la même histoire: tendresse tant qu'il aura besoin d'elle, et indifférence, mépris injuste dès qu'elle ne lui sera plus nécessaire ?" Le 16 juin 1935, il participe à une réunion de conciliation qui lui fait rencontrer les proches de la ligne du parti communiste, Tristan Tzara, André Malraux, Louis Aragon, Ilya Ehrenbourg pour débattre de la présence d'André Breton au Congrès international des écrivains. Il échoue à imposer André Breton. Il apprend parallèlement le même jour qu'il souffre de tuberculose alors qu'il se croyait guéri. La nuit suivante, il s'enferme chez lui, laisse une lettre pour son amie Tota Cuevas de la Serna, griffonne quelques mots sur un papier qu'il épingle au revers de sa veste: "Prière de m'incinérer. Dégoût," puis prend une forte dose de barbiturique et se suicide au gaz. Il meurt ainsi à Paris dans la nuit du 17 au 18 juin 1935, âgé d'à peine trente-cinq ans. Homosexuel et surréaliste, mondain et militant révolutionnaire, sa beauté fascina tous ceux qui le côtoyèrent. Cependant, il se débattit dans ses drames personnels, la haine éprouvée envers sa mère, l'obsession du suicide, la maladie, ses amours malheureuses, la grave crise économique, la montée des fascismes, la bureaucratisation des partis révolutionnaires. René Crevel a longtemps fait figure d'archange du surréalisme. Entré très tôt dans la légende, le génial et merveilleux Crevel appartient pourtant à cette cohorte de poètes méconnus qu'on cite le plus souvent sans les lire. Or, son itinéraire littéraire et personnel mérite sans nul doute une attention plus soutenue.    Bibliographie et références:   - Paul Antoine, "Crevel ou la malédiction" - François Buot, "Crevel" - Paola Dècina Lombardi, "Crevel, le surréaliste révolté" - Michel Carassou, "René Crevel" - Frédéric Canovas, "L'Écriture rêvée" - Claude Courtot, "René Crevel" - Torsten Daum, "René Crevel" - Lawrence R. Schehr, "La vie de René Crevel" - Jean-Michel Devésa, "René Crevel ou l'esprit contre la raison" - Simon Harel, "Les nuits blanches de René Crevel"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 21/03/24
  Je retire ma main de son antre tout en lui frottant le clitoris qui était gonflé de désir et d’envie, puis elle prit son gode XXL et me le tendis.    Je compris qu'elle n'en avait pas assez et qu'elle en voulait plus, et je ne me fis pas prier pour lui donner du plaisir. Je lui enfonçai sans mal dans sa petite chatte et commençai des allers-retours. De l'autre main, je lui donnai des claques sur les fesses qui commencèrent à prendre une belle couleur.    Ensuite, je m'approchai d'elle et lui dis : "Je ne vais pas te prendre, j'ai juste envie de te voir jouir comme une folle." Je mis plus d'ardeur à l'intérieur de son sexe, et étonnamment, elle se mit à squirter, ce que j'adore et qui m'a excité encore plus. Lorsqu'elle me dit : "Je suis une petite fontaine," avec un sourire qui me satisfait en pensant au plaisir que je lui fais ressentir, j'ai été agréablement surpris.    Je suis très vicieux, alors je lui demandai de s'allonger sur le dos et entrepris de la faire ruisseler en mettant ma main sur son cou, qu'elle prit avec ses deux mains pour ressentir mon étranglement.    C'est à ce moment-là que je me suis dit que c'était elle avec qui je voulais m'amuser, car rien ne l'arrêtait, et ce côté masochiste me donnait du plaisir à faire ressortir mon sadisme, ce que j'ai rarement l'occasion de faire.   Ensuite, je la regardai jouir et gicler sur le lit et la moquette, c'était vraiment sublime et si excitant de voir un si joli visage d'ange se transformer en une si belle diablesse. Il ne faut pas se fier aux apparences. Nous nous arrêtâmes pour nous désaltérer, moi avec mon jus de fruit et elle avec son eau, et nous avons pris le temps de discuter de ce moment et d'autres.    Cependant, ce n'était pas la fin de notre rendez-vous, car nous avons continué la session encore plus intensément avec la cravache, le paddle, le martinet. Malgré mes paroles disant que je ne la prendrais pas sexuellement, elle entreprit de me défaire la ceinture, donc j'ai retiré mon pantalon et m'en suis servi sur ses fesses.    N'ayant pas fait de test hiv, et bien que je sache que je n'ai pas de maladie, pour sa sécurité, elle ne m'a pas sucé, mais elle a entrepris de me masturber avec désir en me regardant droit dans les yeux.    J'ai joui sur sa poitrine, quel plaisir de la voir souillée de mon sperme, qu'elle a pris en photo en me demandant l'autorisation, ce que je lui ai donné en cadeau pour le plaisir qu'elle m'a offert.   Nous avons passé deux heures ensemble à rire, à jouir et à prendre plaisir à chaque instant. Nous prévoyons de nous revoir pour continuer d'explorer ensemble de nouvelles pratiques, une relation de jeu S/M sans lien sentimental, juste des moments sexuels et des impacts.    Notamment qu'à ce jour, la balançoire n'a pas été utilisée, et je lui prévois d'autres pratiques que nous envisageons déjà de mettre en place.    Merci d'avoir lu mon récit, qui est le récit de ma réalité du moment que j'ai passé avec une diablesse qui se prénomme Vendeta.
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Par : le 18/03/24
De son sourire et a son regard je compris que j'aurai tord de ne pas me faire plaisir a utiliser son corps juvénile, oui elle est jeune, belle, provocatrice , contorsionniste avec la possibilité de manipuler son corps avec souplesse.    Je me rapprocha d'elle la mettant dos a moi et je la saisie contre moi ayant guise de la caresser et elle de se trémousserde de manière a exciter mon désir lui caressant sa poitrine,  pinçants ces tétons (je remarquas que cela lui plaisait a la manière de son corps qui se contracte avec orgasme) , je continua mon exploitation touten descendant mes mains sur son corps je m'arrêta a son sexe et a ma grande surprise elle était déjà toute mouillée.    (je lui en est fait la remarque) elle me répondis avec toujours ce sourire très évocateur !  Oui. A ce oui je lui réponds on va devoir passer aux choses sérieuses.    Je lui ordonna de se déshabiller ce quel entreprit de suite. Je la regarderai avec plaisir dévoiler son corps si sensuel puis une fois nu je demanda de mettre son corset,  ( qui a pas mis longtemps a être retiré car je préfère la voir nu puis par la même occasion je m'entrepris a lui mettre son collier.    Je la fis mettre a quatre pattes sur le lit et pris la cravache posée sur le lit je contemplé son cul qui appelle mon vice de la rougir et je commença a lui impactées des coups de cravache  ( connaissant pas ces limite j'y suis allé doucement ! ) sur ces fesses et le sexe mêlée a des caresses afin de nuancer la douleur a celui du plaisir.     je trouvais quelle rougissais peu, marqué un peu mais pas assez pour moi, et supporter très bien les impacts donc j'ai changé d'accessoire prenant le paddel afin déposer des coups un peu plus régulier tout en lui caressant sont sexe humide d'envie d'être pris profondément    Je m'arrêtas et je lui mis un un bâillon avec des pinces  que je fixe sur sa poitrine toujours aussi sensible,  dos a moi je lui pris les cheveux pour la cambrer est la doigta rentrant un a un mes doigt facilement jusqu'à ma main se glissa littéralement entièrement en elle stupéfait je la refermis à l'intérieur d'elle pour la mastuber plus intensément , prenant en même tant possession de son cou la tirant en arrière afin de la tenir cambrer de manière que cette étreint soit profonde.    Cela me plaît tellement de voir quel prend du plaisir ma main a l'intérieur delle ces gémissements si actant de sa jouissance.     La suite dans quelques jours  ( moment relevant de la réalité ) 
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Par : le 15/03/24
“His body was urgent against her, and she didn't have the heart anymore to fight. She saw his eyes, tense andbrilliant, fierce, not loving. But her will had left her. A strange weight was on her limbs. She was giving way. Shewas giving up. She had to lie down there under the boughs of the tree, like an animal, while he waited, standingthere in his shirt and breeches, watching her with haunted eyes. He too had bared the front part of his body andshe felt his naked flesh against her as he came into her. For a moment he was still inside her, turgid there andquivering. Then as he began to move, in the sudden helpless orgasm, there awoke in her new strange thrillsrippling inside her. Rippling, rippling, rippling, like a flapping overlapping of soft flames, soft as feathers, runningto points of brilliance, exquisite and melting her all molten inside. "   "Un délicieux jour de soleil, de larges touffes de primevères fleurissant sous les buissons, d'innombrables violettes tachant les sentiers, des bourgeons à demi épanouis, des fleurs entrouvertes. Des bouquets de noisetiers, un lavis de renoncules. Une clairière tapissée d'anémones, la caresse du soleil sur le buste des premières jonquilles."    "Des anémones jaunes fleurissaient de toutes parts, grandes ouvertes, dans le nouvel éclat de leur lustre jaune; c’était le jaune, le jaune puissant de l’été qui commence. Et les primevères s’épanouissaient largement, en un pâle abandon, d’épaisses touffes de primevères qui avaient perdu leur timidité. Le vert luxuriant et sombre des jacinthes était comme une mer d’où s’élevait le bleu pâle des boutons". L'harmonie de l'écriture imaginative est le miroir de l'âme de l'auteur et l'expression artistique de sa personnalité projetée dans l'univers sacré de la littérature, perfection de la nomination. Les mots sont l’achèvement linguistique de toute création. Constance Chatterley s'adosse contre le tronc d'un jeune chêne palpitant sous sa paume, se laissant envahir par le silence, au plus profond des bois, cède au désir de rejoindre Mellors, le garde-chasse au charme sauvage, qui l'attend alors dans la pénombre de sa cabane, un "taudis d'objets hétéroclites" dont elle fait pourtant son sanctuaire, car c'est là qu'elle renaît, en brisant les tabous de la vieille Angleterre puritaine pour offrir son corps aux assauts les plus voluptueux, d'un "homme des bois", la pire des infamies, pour cette femme mariée qui se meurt d'ennui dans le manoir de Wragby, au cœur des houillères, dans les Midlands. Cette histoire, histoire d'une double transgression, conjugale et sociale, c'est bien sûr, celle de "L'Amant de Lady Chatterley", récit d'une passion foudroyante dans le plus exquis des empires, celui des sens. Réduire ce roman à un simple récit érotique serait lui faire offense car, en double lecture, David Herbert Lawrence nous livre, avec une sensibilité lucide, une sensuelle intelligence de la féminité, sa vision désabusée de l'humanité. Alors que l'ère industriel d'après-guerre transforme les paysans en ouvriers et les terres en mines, les Chatterley, retranchés dans le cossu domaine familial surplombant les bois de Sherwood, près de Sheffield, dans le Nottinghamshire au cœur de l’Angleterre, mènent l'existence oisive des privilégiés de la classe supérieure post-victorienne. Derrière les apparences, la demeure se révèle pourtant une cage dorée pour le couple, en proie à une grande frustration. Revenu du front paralysé jusqu'au bassin, Sir Chatterley, aristocrate grand teint, est désormais contraint de se déplacer en fauteuil roulant. Cet homme réduit dans sa virilité, partageant son temps entre l’amertume des conversations entre anciens combattants, et la gestion rigide de l’usine qu’il dirige, demeure dépendant des soins de son épouse et de l'infirmière, Ivy Bolton. N'ayant plus guère que leur entente intellectuelle à lui offrir, il écrit des romans. Mais Constance refuse de glisser dans un apitoiement solitaire. En bonne épouse, elle soutient l'épanouissement de son mari romancier, plus populaire que talentueux. Leur domaine appartient à cette morne campagne anglaise marquée du sceau noir de l'industrie minière. La pluie tâchant les sols comme les cœurs.   "Lentement, lentement, la blessure de l'âme commence à se manifester, comme une meurtrissure d'abord légère, mais qui, à la longue, enfonce toujours plus profondément sa douleur, jusqu'à remplir l'âme entière. Et, quand nous croyons que nous sommes guéris et que nous avons oublié, c'est alors que le terrible contrecoup se fait le plus cruellement sentir". Constance menace de sombrer dans la neurasthénie, étouffée par cette chape de plomb qui pétrifie sa morne existence et la vie mélancolique du manoir familial. Décidant d'abandonner sa carrière littéraire pour prendre en main ses affaires, Lord Chatterley parachève inexorablement l'éloignement de sa femme. Dans ce huis clos déliquescent, Constance ressent alors sa vie auprès de Clifford comme un sacrifice. Elle a l'impression de dépérir à Wragby Hall, son corps endormi ne demande qu'à s'éveiller. Sir Chatterley a épousé Constance, jeune et belle écossaise, un mariage arrangé entre gens de la bonne société. Constance Reid fut élevée entourée d'intellectuels, dans "un milieu esthétique, libre de conventions." Adolescente heureuse, jeune fille élevée dans la liberté, elle a vécu sa première expérience sexuelle comme une dépréciation, à laquelle elle devait se soumettre, sans en tirer aucune émotion, plus attirée par des rencontres riches en réflexion. Son quotidien lui apparaît morne jusqu'au jour où elle se donne à un premier amant. En autorisant tacitement son épouse à des étreintes charnelles, Lord Clifford Chatterley juge froidement la situation. Désormais, seule une liaison peut assurer le lignage de son nom, Il reconnaîtra l'enfant à l'unique condition d'ignorer l'identité du père. Confinée dans le vaste domaine, elle s’évade de plus en plus souvent en forêt, dernier refuge de beauté et de sauvagerie face aux lugubres paysages des houillères.    "Cette promenade avec Clifford ne réussissait guère. Entre lui et Constance il y avait une tension que chacun d’eux faisait semblant de ne pas remarquer mais qui était là tout de même. Soudain, de toute la force de son instinct de femme, elle le repoussait. Elle voulait se libérer de lui et surtout de son "moi", de ses mots, de cette obsession qu’il avait de lui-même, cette obsession infinie, monotone, mécanique, qu’il avait de lui-même". Le romancier privilégiait la réécriture à la correction. Alors, le roman livre au lecteur une richesse incomparable de décorset de descriptions sentimentales, de passions comme de déchirements. La vie de Constance bascule le jour où, au détour d'une clairière, offerte comme une brèche dans la tranquillité du bois, elle fait la connaissance du garde-chasse du domaine. C'est la rencontre avec un homme qui fait sa toilette, offrant son torse nu, au regard troublé de Constance. Oliver Mellors, fils de mineur, devenu soldat de l’armée des Indes, volontairement retiré, lettré mais taiseux, est la voix nouvelle qui s'élève, pleine d'humilité et de bon sens. Ainsi surgit l'homme des bois, avec l'odeur des arbres, de l'humus et du désir. Constance se laisse pénétrer par l'odeur des fleurs. Le corps de la jeune femme veut ressusciter et s'embraser au soleil du printemps. Elle succombe à cet homme dans ce monde silencieux en cueillant chaque instant de cette nature préservée. Tout est vérité dans cette forêt de Sherwood, sa vérité, leurs vérités. La légèreté de la lumière qui les enveloppe, les courbes de leur corps se faisant écho, entre l'odeur des jacinthes, le cri des geais, vertige clandestin d'un amour sans interdit dans un écrin de verdure. La mutuelle attirance de la belle fiévreuse et de la brute suspicieuse, l'insensible rapprochement, entre leurs corps, leurs désirs qui s'apprivoisent et fusionnent, leurs âmes convergeant l'une vers l'autre. Deux êtres se libérant de leur passé, alliance des contraires laissant entrevoir la possibilité d'un autre monde. Le roman résonne comme une renaissance, celle de Lady Chatterley. Elle qui ne connaissait que le plaisir intellectuel. En découvrant la sensualité, devient une "femme nouvelle" dans une résurrection, à la fois spirituelle et charnelle. Comme un éloge de l'absolu, une quête éperdue de l'innocence aux antipodes de toute obscénité. La recherche du plaisir, de la jouissance, et de la découverte des corps sont analysées avec pudeur. L'évocation des étreintes charnelles est décrite avec une extrême précision organique, sans crainte de nommer les choses, dans un style direct et cru, poétique et sensuel, bestial mais jamais vulgaire. D.H. Lawrence va jusqu'aux confins de l'intimité, en évitant la surenchère du fantasme. C'est l'intimité nue, vibrant d'une irrésistible sensualité.    "Elle s'irritait contre cette manie de tout mettre en mots. Les violettes étaient les paupières de Junon et les anémones des épouses inviolées. Comme elle détestait les mots qui se mettaient toujours entre elle et la vie. C'étaient eux les violateurs, ces mots tout faits qui suçaient la sève des choses vivantes". Le romancier écrivit pas moins de trois versions complètes sur une période s'étalant sur tois ans, de 1926 à 1929. Nous devons ce chef-d'oeuvre à l'obstination d'un auteur préférant sa liberté d'expression à une carrière lucrative. Lorsque David Herbert Lawrence en débute l'écriture, en octobre 1926, il a quarante et un ans. Retiré dans les collines de Toscane, il se remémore les paysages verdoyants de son enfance, de la forêt de Sherwood, parcourue par d'innombrables ruisseaux. Il écrivit une première version, puis une seconde, "Lady Chatterley et l'homme des bois" ayant inspiré la cinéaste Pascale Ferran, enfin, entre janvier et avril 1928, la version définitive, qu'on lit aujourd'hui. David Herbert Lawrence, décida de faire imprimer son roman alors à Florence, à mille exemplaires, à compte d'auteur. Condamné pour obscénité et pornographie, subissant de multiples censures, une édition expurgée ne sortira qu'en 1932. Ce n'est qu'en 1960, que la version originale du roman paraîtra en Angleterre. La maison d'édition britannique Penguin Books fut acquittée à la suite d'un procès. Dans l'opposition de deux univers, intellectuel et sensoriel, l’éloge de la nature est l'attrait majeur du roman. La forêt devient le rempart de leur amour, celui-ci naît et grandit de l’hiver au printemps, érotisant fleurs et fruits. "Les anémones jaunes étaient en foule maintenant, largement ouvertes, se chevauchant les unes les autres, d’un jaune éclatant." Le désir alors empourpre le roman d'une beauté primitive et sensuelle, le frémissement des feuilles, comme le lent apprivoisement des amants. Le récit initiatique à l'écriture somptueuse, empreint d’un naturalisme mystique, est d’une indéniable richesse. Entre"Tess d'Urberville" de Thomas Hardy, "Howards End" d' E.M. Forster, et "Madame Bovary" de Flaubert. "L'Amant de Lady Chatterley" conjuguant à la fois, les nuances du plaisir féminin et le portrait saisissant d'une société en mutation, est bien ce roman "sain et nécessaire" que Lawrence s’enorgueillissait d’avoir écrit, l'amour d’une châtelaine pour son garde-chasse. Réflexion de l'auteur sur la répression de la sexualité, et ses effets dévastateurs sur la jeunesse, que l’enfant, au lieu de combler besoin narcissique et désir d’immortalité, ne ferait que décupler la rage irrépressible du père au point d’empêcher son fils d’accéder à la pleine jouissance de soi. Le roman illustre cette hypothèse à travers le personnage du jeune mari revenu du front mutilé au point de ne pouvoir engendrer une descendance. Frappé d’interdit jusqu’en 1960 et l’auteur contraint à l’exil, Il est étrange que l’on n’ait retenu que la deuxième partie du livre relatant la quête érotique scandaleuse de la femme. Il est plus étrange encore que l’on ait nié la première partie, deux cents pages, figurant la mutilation physique et psychique de l’homme par suite des décisions mortifères de ses "pères." Ce double déni, dans son silence tonitruant, nous invite à l’interroger. Le couvert de la gloire et de l’honneur à défendre la patrie masquerait-il plaisir de la soumission etpassion romantique de la mort, préférables à l’amour de la vie et à son expression ? C’était la thèse de l’auteur britannique.    Bibliographie et références:   - Mark Adshild, "Magic words of D.H Lawrence" - Patricia Cornwell, "L'univers de D.H Lawrence" - Henry Miller, "Le monde de D.H. Lawrence" - Frédéric Monneyron, "Bisexualité et littérature" - Catherine Millet, "Aimer D.H. Lawrence" - Jean-Paul Pichardie, "D.H. Lawrence" - Anaïs Nin, "D.H. Lawrence" - Ginette Katz Roy, "Cahiers D.H Lawrence" - Anton Francesco Grazzini, "D.H Lawrence" - C. Bourgois, "Éros et les Chiens" - Pascale Ferran, "Lady Chatterley"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 13/03/24
Nathalie la douce ingénue suite chapitre 2 et 3   CHAPITRE 2   : UN EMPLOYEUR PAS COMMODE   Les dix coups de 10 heures sonnaient au clocher voisin lorsque je pénétrais dans un immeuble cossu du centre ville. L’étude de maître Julian avocat, se trouvait au deuxième étage. En poussant la porte je me retrouvais dans une vaste entrée ou de confortables fauteuils de cuir vous tendaient les bras. Le décor était moderne, avant-gardiste même, table en verre design, pâtes de verre et sculptures. Des spots à halogènes éclairaient des tableaux contemporains qui complétaient admirablement l’ensemble. Tout était agencé avec goût et respirait un luxe discret. Je me surpris à penser que cet avocat ne devait pas s’occuper de divorces et autres broutilles. L’absence de secrétaire à l’accueil me rappela l’objet de ma visite. Je m’étais creusé la tête une partie de la soirée sur la tenue que j’allais porter. Finalement mon choix c’était fixé sur un ensemble composé d’un pantalon noir et d’une veste assortie, un pull blanc complétait l’ensemble. Mes cheveux étaient sagement noués en chignon et je n’avais pas la moindre trace de maquillage. Après une attente d’environ 15 minutes, maître Julian vint me chercher avec un grand sourire et m’introduisit dans son bureau. Sa poignée de main était franche et d’un geste il m’invita à m’asseoir. Grand et mince, il devait avoir fin de la quarantaine, un physique agréable, certainement sportif. Il était vêtu style chic décontracté, très Britisch. « Comment va cette chère Mademoiselle Pinbal ? » Me demanda-t-il à peine avais-je pris place sur l’extrême bord du siège situé face à son imposant bureau. « Bien, elle va bien » répondis-je d’une voix mal assurée. « Tant mieux. J’espère que cette fois ci elle m’envoie la perle des secrétaires. Elle a toujours tendance à vouloir  m’envoyer les incasables de chez BURAXE. » Pour me mettre à l’aise on ne pouvait faire mieux. Ainsi je n’étais pas la première qui avait été pressentie à ce poste et visiblement aucune n’avait trouvé grâce à ses yeux. Je restais obstinément muette. Il poursuivit. « Alors comme cela vous voulez devenir secrétaire. Vous pensez avoir les qualités requises ? » « Je l’espère Monsieur » « A votre avis quelles sont les qualités que l’on attend d’une bonne secrétaire ? » Je ne me souviens plus trop de la réponse que je donnais. Visiblement il s’amusait à me déstabiliser, passant d’un ton léger, non dépourvu d’humour à un ton beaucoup plus sérieux. L’entretien durait depuis environ 30 minutes et je commençais à penser que j’avais peut-être une chance lorsqu’il se prit soudain la tête dans les mains semblant préoccupé.   « Voyez-vous mademoiselle, ma clientèle est en grande partie composée de business-man. Je me suis en effet spécialisé dans les affaires internationales : acquisitions, fusions, brevets et autres opérations qui nécessitent les conseils d’un avocat d’affaires. La langue couramment utilisée est l’anglais. Quel est votre niveau en anglais ? ».   « C’est l’anglais scolaire Monsieur » dis-je consciente de le décevoir. Il fit la moue. « C’est bien ce que je craignais, dites moi seriez vous prête à suivre des cours d’anglais en dehors de vos heures de travail. De manière intensive ? » Il  plongea son regard dans le mien guettant ma réponse.   « Oui, bien sûr Monsieur, je vais m’inscrire à un cours d’anglais »   « Pas un de ces cours bidons. Un cours particulier, à raison de trois soirs par semaine. Et ce sera moi qui vous le donnerai. J’ai fait une partie de mes études à Oxford. Etes-vous libre en soirée ? ».   « Oui Monsieur je me libérerais »   Il poursuivit.  «  Savez-vous que les précepteurs anglais ont conservé l’usage des châtiments corporels ? ».   Cela devait encore être  une de ces boutades, mais sur moi le résultat fut catastrophique. Je commençais par rougir et baisser les yeux puis comme piquée au vif je répondis d’une voix mal assurée.   « Mais nous sommes en France ! ».   « Assurément, mais pour apprendre une langue il faut s’imprégner de la mentalité du pays. Et croyez-moi les résultats sont excellents et rapides. Vous voulez faire des progrès rapidement n’est-ce pas ? ».   « Oui Monsieur mais… » mon ton de voix était plaintif.     Sa voix se fit plus grave. Et son ton plus ferme. « Il n’y a pas de mais. C’est à prendre ou à laisser. Croyez-vous que je n’ai que cela à faire ? Consacrer mes soirées à une secrétaire pour lui enseigner l’anglais ? ».   Je me tortillais sur ma chaise, ne sachant que répondre ni quelle attitude adopter. Ma première réaction avait été de me lever et partir. Mais l’idée d’avoir à affronter Mademoiselle Pinbal me retint. Même si je racontais la scène on ne me croirait jamais. Avec son statut d’avocat et son air innocent, il lui serait facile d’affirmer que  toute cette conversation n’avait jamais existé autrement que dans mon imagination. Inutile de rêver, si je refusais, faute d’avoir trouvé un employeur, je  serais exclue de l’école. Et je ne serais jamais secrétaire. Avais-je envie de retravailler dans un hôpital et de passer ma vie à torcher le derrière des grabataires jusqu’à la fin de ma vie ? L’étonnement, la colère, la peur, la perplexité, tous ces sentiments se lisaient sur mon visage. Et il ne me quittait pas des yeux se délectant du combat qui se livrait en moi. Pourquoi Mademoiselle Pinbal m’avait-elle envoyée dans ce piège ? Et comment m’en sortir ? Et s’il bluffait ? Il n’avait finalement fait qu’évoquer une pratique, à aucun moment il n’avait prétendu me l’appliquer.   D’une voix calme et posée il reprit. « Voilà comment nous allons procéder. Vous avez une journée pour réfléchir. Si vous êtes décidée je vous attends demain matin à 9 heures pour commencer notre collaboration.  Au revoir mademoiselle».     Aujourd’hui encore, je ne me souviens pas comment je quittais son bureau. Je ne repris le contrôle de moi qu’une fois arrivée dans la rue. Je ne mis pas les pieds au cours de la journée. Ce furent des heures particulièrement pénibles et je passais une nuit peuplée de rêves étranges. Je me retrouvais jeune interne dans un établissement scolaire où régnait une discipline sévère. Tous les matins, les élèves devaient avouer leurs fautes devant toutes leurs camarades rassemblées, et une surveillante distribuait les punitions. Je me réveillais trempée au moment où mon nom fut prononcé. Quel horrible cauchemar ! Pourtant le lendemain matin ma décision était prise, je devais au moins essayer. J’aviserai s’il mettait ses menaces à exécution.   CHAPITRE 3   : LA LECON D’ANGLAIS   J’arrivais à l’heure au bureau. Il ne parut nullement surpris de me revoir. Toujours ce même sourire et la franche poignée de main. La journée se passa rapidement. Tout était nouveau, tout était à découvrir. En l’absence de secrétaire toutes les communications ainsi que la frappe de ses rapports passaient par une société de secrétariat. N’ayant que le courrier à traiter, l’apprentissage se faisait en douceur. Il était aimable, attentionné rectifiant mes erreurs avec patience. Je bénéficiais de ses précieux conseils. Vers les 18 heures, il m’appela dans son bureau.   « Alors Nathalie cette première journée s’est bien passée ? »   « Oui mais il y a tellement de choses à apprendre, je ne sais pas si j’y arriverai ? ».   « Vous y arriverez, vous êtes travailleuse et vous avez envie de bien faire ! »   « Merci  Monsieur ! »   Je ne savais pas comment l’appeler. Lorsque des clients venaient je les recevais en leur demandant de patienter le temps de les annoncer auprès de maître Julian. Mais une fois seule avec lui dans le bureau, je préférais l’appeler Monsieur.   « Concernant les cours d’anglais, je vous verrais les lundis, mercredi et vendredis soirs. Les autres jours vous êtes à l’école. Cela vous convient-il ? » Nous étions mercredi et il me prenait à l’improviste. Je demandais inquiète.   « Et on commence quand ? »   « Ce soir bien entendu, cela vous pose un problème ? » demanda-t-il d’un air innocent. « Non » répondis-je dans un souffle. « De quelle heure à quelle heure ? » « On débutera à 19h30, cela vous laissera le temps d’avaler un sandwich »   J’étais coincée. Il m’avait consacré une bonne partie de la journée avec une patience et une gentillesse qui m’avaient étonnée et je me voyais mal refuser. Après tout c’est pour moi qu’il se donnait la peine de faire des heures supplémentaires. Néanmoins le souvenir de la conversation de la veille me revint en mémoire. « Bien Monsieur » m’entendis-je lui répondre Satisfait de ma réponse il me libéra en me disant à tout à l’heure. J’en profitais pour avaler une salade dans un resto rapide. Je n’avais pas vraiment d’appétit. En reprenant le chemin de l’étude j’étais beaucoup plus impressionnée que lors de mon premier entretien.   Lorsque je revins à 19h30 la nuit était tombée. Des bureaux se dégageait une ambiance différente. Les lumières plus tamisées ajoutaient à l’étrangeté de la scène. Il m’accueillit en bras de chemise et me regarda intensément comme s’il me voyait pour la première fois. « Nous allons tous les deux parler en anglais. Défense de prononcer le moindre mot en français. Est-ce que cette règle vous convient ? »   «  Oui Monsieur »   Et il passa avec facilité déconcertante à la langue de Shakespeare.   «  Bien Nathalie, en tant qu’élève vous aller commencer par enfiler l’uniforme des étudiantes anglaises. J’ai tout préparé dans la pièce du fond. Celle qui est à droite tout au bout du couloir. »   J’avais compris l’essentiel du message, élève, habits se changer, uniforme. Où voulait-il en venir ? J’avais conservé la même tenue que la veille. Il n’avait pas eu l’air d’y attacher la moindre importance.   « Mais Monsieur ne puis-je pas ? rester ainsi »   Il sourit de mon accent et de mon anglais approximatif. Mais son ton fut sévère.   « Nathalie ne cherchez pas à me mettre en colère. Lorsque je vous demande quelque chose vous vous exécutez. Est ce clair ? Vous avez 5 minutes pour vous changer »   Résignée, je me levais donc et me rendis en traînant les pieds dans la pièce du fond.     C’était une salle de détente avec de nombreux appareils sportifs.  Un vélo d’appartement, un banc de musculation, et bien d’autres choses encore. Mais mon regard se posa sur une chaise sur laquelle il avait placé ma tenue. Un chemisier blanc, une jupe bleue plissée, une paire de socquettes blanches et même une paire de chaussures à talons plats. J’allais ressembler à ces collégiennes que l’on voit dans les séries américaines. Et zut, pensais-je il me prend pour une gamine.   Je commençais à me déshabiller ne gardant que mon slip et mon soutien-gorge. Le chemisier serré faisait ressortir ma poitrine. Sans être transparent il laissait deviner les contours du soutien-gorge. Dans un accès de pudeur je le boutonnais soigneusement jusque tout en haut. La jupe était courte et ne cachait pas grand chose de mes jambes, minces et fines. Les socquettes blanches accentuaient le côté adolescente qui a grandi trop vite. Je fus surprise de trouver les chaussures à ma taille. Visiblement il avait tout prévu.   Lorsque je fus prête je me regardais dans la glace. J’avais tout à fait l’air d’une jeune fille de bonne famille, mais il aurait suffit d’un rien pour que cela devienne coquin. Je ressortis en marchant d’une démarche peu assurée.   « Parfait Nathalie, vous êtes très jolie habillée ainsi, nous allons pouvoir commencer »   Il s’était confortablement installé dans un des fauteuils de l’entrée, un verre de whisky posé à ses côtés.   « Je vais jouer le rôle de Monsieur Wilson, un de nos plus anciens clients, et vous allez jouer votre propre rôle en m’accueillant. »   Je m’appliquais   « Bonjour Monsieur Wilson, veuillez prendre place je… »   Il m’interrompit  rectifia  ma posture, reprit les mots prononcés et mon accent.   «  Bonjour Monsieur Wilson, Maître Julian va vous recevoir dans quelques instants en attendant puis-je vous offrir… » C’est mieux mais souriez et soyez plus accueillante, moins raide. Il me fit me déplacer, rectifia ma démarche. La conversation allait à un rythme soutenu et je peinais cherchant mes mots. Cela dura ainsi longtemps, trop longtemps. Parler anglais m’obligeait à un effort de réflexion continuel. Il était tard la journée avait été longue et je commençai à être fatiguée. Il s’en aperçut. Je crus qu’il allait m’accorder une pause bien méritée. Au contraire il continua me poussant dans mes derniers retranchements. Je renâclais et fis plusieurs fautes de débutantes. Il gronda. « Cela ne va pas, vous êtes ailleurs. Vous n’êtes pas fichue de vous concentrer, et bien nous allons changer de tactique. Debout »   Je me levais au bord des larmes.   « Tournez-vous et penchez-vous. » Le ton n’admettait pas de critique.   J’obéis en tremblant. Il se mit derrière moi et me releva ma jupe. Je me redressais d’un bond prête à me défendre. Mais d’une main ferme il appuya sur mon dos et m’obligea à me courber. D’un geste vif ma jupe fut montée et il dit d’un ton autoritaire.   « Ne bougez pas »   Rapidement il fit glisser mon slip le long de mes jambes et empoignant mon pied il le souleva. Il profita du déséquilibre pour  retirer mon slip. Je le suppliais.   « Pitié non pas cela. Vous n’avez pas le droit»   « En anglais, parlez anglais »   «  Non je ne veux pas. Non »   Il me lâcha. Je me redressais en sanglotant. La jupe c’était sagement repositionnée ménageant ma pudeur. Il dit d’un ton froid.   « Une fessée se donne cul nu. Compris ? Alors obéissez sans discuter. Attrapez vos mollets avec vos mains. Sans fléchir les jambes. »   Après un moment de stupeur, je m’exécutais mais je n’y arrivais pas. « En écartant les jambes petite sotte. Plus bas les mains. Ecartez plus. »   Je me retrouvais dans une position pour le moins tendancieuse. Il s’approcha de moi et à nouveau retroussa ma jupe. Ma cambrure forcée faisait saillir mes fesses et mon intimité s’offrait à son regard. Ce n’est pas ma légère toison blonde qui me protégeait. Il s’assit dans le fauteuil pour contempler l’impudique spectacle. Des larmes coulaient de mes yeux. Estimant qu’il n’avait pas à faire de manières avec une fille qui montrait son cul aussi facilement il reprit d’un ton familier « Voyons au moins si tu sais compter jusqu’à trente en anglais. Je vais te fesser et tu compteras les coups, d’une voix claire. Tu as compris ? »   « Oui Monsieur » dis-je dans un souffle, entre deux sanglots.   « Plus fort je n’ai pas entendu »   « Oui Monsieur » articulais-je d’une voix plus distincte.   Il passa sa main sur mes fesses les caressant avec douceur, explorant leurs formes rebondies. Soudain une légère tape vint cingler un de mes deux globes.   « Aiie ! » criais-je plus de surprise que de douleur. « Compte au lieu de crier »   « Un ».   « Non. On recommence à zéro et articule »   Et il m’envoya un coup plus fort. « Un »   Le second coup fut porté sur la même fesse. « Deux »   Arrivé à 10 il s’interrompit pour me palper les fesses complaisamment offertes et s’amusa à les tâter, pinçant par-ci par-là la chair offerte entre ses doigts. Admirant la jolie coloration rose qui commençait à orner le bas de mes reins. Puis les claques se mirent à pleuvoir et la douleur devint lancinante. Tout mon corps se raidissait avant le coup suivant et mes globes devenaient deux êtres vivants dotés d’une vie propre.   Consciencieusement je comptais à chaque tape sachant que toute désobéissance ne ferait que prolonger la punition. Toute mon énergie s’employait à anticiper le moment où sa main s’abattrait sur mes fesses devenues écarlates. Entre deux taloches il flattait ma croupe offerte et un simple effleurement de ses doigts suffisait à me faire gémir. Puis lentement sans m’en rendre compte je m’habituais à son rythme. Et curieusement à la souffrance succédait une impression étrange. Comme lors d’une épreuve sportive lorsqu’on recule le seuil de sa résistance en puisant dans ses réserves. On atteint alors un état second où le plaisir prend le relais de la douleur. Presque un état de grâce. Etait-ce l’acceptation du châtiment qui rendait celui-ci acceptable et en atténuait les effets ?   Je devais avoir la marque de ses doigts imprimés dans la profondeur de ma chair et curieusement un sentiment de fierté m’envahit. Fierté de pouvoir supporter cette épreuve, et désir inconscient d’en sortir grandie et victorieuse. Arrivé au vingtième coup il glissa rapidement un doigt entre mes cuisses et dit d’une voix moqueuse.   « Mais regardez-moi cette petite Sainte Mitouche. Elle mouille. N’as-tu donc aucune pudeur ? »   La honte me submergea. Non seulement je me retrouvais presque nue devant un inconnu qui me fessait, mais de plus cela m’excitait. N’étais-je qu’une dévergondée ? Jamais je n’oserais confier cela. Pas même à ma meilleure amie. Une étrange chaleur envahissait tout mon corps, malgré moi l’excitation me gagnait et être ainsi rabaissée me troublait bien plus que je ne saurais le dire. Malgré mes tentatives pour serrer mes cuisses, son doigt continua son exploration et d’un mouvement habile il se mit à caresser mon clitoris, pendant qu’un autre de ses doigts me pénétrait. Imperceptiblement mon bassin se mit en mouvement et je sentais monter une vague de plaisir. Il savait caresser aussi sûrement qu’il savait fesser. Et s’il continuait encore quelques instants je crois bien que j’allais jouir. Il dut le lire sur mon visage car il stoppa net me laissant avec ma frustration. Sans avertissement une claque retentissante atterrit sur ma croupe.   « Aiie » j’avais crié sous le coup de la douleur. « Petite idiote tu as oublié de compter. On va en rajouter 10 puisque tu as l’air d’aimer. »   Et sa main s’abattit sur mon fessier offert. « 21 » criais-je. Et la lente succession des coups reprit.   Au quarantième coup il me demanda de le remercier. «  Merci Monsieur. »   Satisfait, il me fit me relever et s’approcher de lui. Arrivée à sa hauteur il ordonna. « Mains dans le dos»   Je m’exécutais. J’étais face à lui et je gardais les yeux baissés. Des traces de larmes s’étaient incrustées sur mes joues. Mes cuisses tremblaient légèrement sans que je puisse les arrêter. Docilement ma jupe avait repris sa position d’origine. Il me regarda intensément de ses yeux verts et commença à dégrafer mon chemisier. « Que faites-vous ? » lui demandais-je naïvement.   « Devine» répondit-il impassible. Je ne cherchais plus à résister. Cette punition avait brisé toute velléité de révolte. Et je ne voulais surtout plus être punie. Qu’il me caresse mais qu’il ne me fasse plus mal. La récompense après la punition. Il était à cet instant le maître de mes émotions et je voulais me perdre complètement et aller au bout de ma déchéance. Une fois le chemisier ouvert il descendit les bonnets de mon soutien-gorge. Mes seins en jaillirent. A peine effarouchés d’être ainsi dévoilés, ils pointaient fièrement. En connaisseur il les caressa, les soupesa. Je n’avais pas une grosse poitrine, mais mes deux petits seins me plaisaient beaucoup, sensibles et coquins. Mes tétons se durcissaient au moindre frôlement. Il venait juste de s’en apercevoir et visiblement il avait l’air de les apprécier. Puis ses mains prirent lentement possession de mon corps. S’attardant le long de  mon cou, jouant dans mes cheveux. J’avais du mal à imaginer que ces mêmes mains venaient de me punir aussi implacablement. Son toucher me donnait d’agréables frissons. Je n’étais pas novice en amour mais j’avais l’habitude des étreintes rapides des amants de mon âge. Plutôt maladroits et égoïstes. Cette situation était entièrement nouvelle. Il jouait de mon corps et de mes sens exacerbés comme d’un instrument, s’attardant sur les zones érogènes, prenant le temps de la découverte. En virtuose. S’attardant sur mes rondeurs. Examinant le velouté de ma peau. S’extasiant devant mes grains de beauté. Se glissant dans les moindres recoins de ma chair. Sa langue devenait hardie, et ses baisers m’enflammaient. Attentif, guettant mes soupirs et guidant mes élans. J’étais excitée et submergée de désir. Après avoir souffert je voulais jouir et crier de plaisir. J’avais envie d’être possédée et pénétrée. De le sentir en moi. Il me prit ainsi habillée, se contentant de me trousser sur la moquette. Une étreinte forte et profonde. Je jouis longuement, intensément en poussant des cris de plaisir. Peut-être pour la première fois de ma vie je m’étais donnée entièrement, livrée sans défense aux mains d’un amant et l’exaltation que je ressentis me donna envie d’aimer cet homme par delà la simple notion du bien et du mal.  
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Par : le 13/03/24
"En maillot de bain sur la plage, télescope en main, l’assassin, par un heureux hasard, repéra Marie et sauta alors dans une barque de location. Vois, la maison approche, ses neuf fenêtres ouvrent et se ferment à mesure que je respire; touche ces murs gris dotés d‘écailles trempés par la brume". Une muse au troublant profil de femme oiseau, tout droit venue d'Égypte pour séduire des surréalistes amoureux. Une photo en noir et blanc. Celle d’une femme au long visage, frange courte et bouche généreuse ponctuée d’un grain de beauté dont le regard s’échappe. Une beauté qui fleure les seventies, robe à ramages, épais cigare entre les doigts. La poétesse au temps de sa splendeur. Ni muse, ni épouse, la postérité n’a pas retenu son nom. Hors des cercles littéraires, il ne parle à personne, ou presque. L’œuvre de Joyce Mansour dérange ou intrigue autant que son personnage. Disons-le d’emblée, il est tout à fait sommaire, comme Hubert Nyssen l’affirma en son temps, de réduire Joyce Mansour à une égérie érotomane du surréalisme ou même à un ange du bizarre. Il est plus juste de voir que l’insolence de son langage, la perversité de ses métaphores, l’obscénité de certaines de ses images, les conflagrations illuminant ses dialogues, l’humour dévastateur de ses imprécations, mais également parfois un réalisme bouleversant, sont d’un poète qui défie le temps et la mort avec les seules armes dont il dispose. Joyce Mansour échappe aux codes, aux schémas imposés par la littérature et la société. Méprisant la notion de l’art pour l’art, elle incarne, de la façon la plus naturelle, la plus nécessaire, cette "liberté du désir" prônée par André Breton, pour trouver sa voie, sa voix: "Tu aimes coucher dans notre lit défait. Nos sueurs anciennes ne te dégoûtent pas. Nos cris qui résonnent dans la chambre sombre. Tout ceci exalte ton corps affamé. Ton laid visage s’illumine enfin. Car nos désirs d’hier sont les rêves de demain." Joyce Mansour, Patricia Adès de son vrai nom naît le 25 juillet 1928, à Bowden en Grande-Bretagne. Ses parents sont de nationalité britannique et de confession juive. Ils appartiennent à la haute société égyptienne et résident au Caire. La jeune Joyce reçoit alors une éducation bourgeoise. Le premier séisme intervient en 1944. Sa mère, Nelly Adia Adès, décède des suites d’un cancer. La mort traverse sa vie pour la première fois et ne la quittera plus, jusqu'à l’obsession. Trois ans plus tard, Joyce Adès rencontre Henri Naggar, qu’elle épouse en mai 1947. Son jeune mari est foudroyé par un cancer en octobre 1947. Deuxième séisme. Joyce se replie sur sa douleur. C’est à cette époque qu’elle naît à la poésie, pour exprimer et contrer sa douleur. Un an plus tard, elle fait la rencontre de Samir Mansour, un homme d’affaires franco-égyptien des plus avisés, qui devient son deuxième mari. Dès lors, britannique de naissance, Joyce Mansour va alors apprendre et écrire en français.    "Il approcha à grands coups de rame, les yeux globuleux de plaisir, la bouche pleine d'un clapotis animal, un lourd serpent noir pendant hors de son nombril. Pousse la porte qui ne se fermera qu‘une fois pour ne jamais plus s'ouvrir, cette porte que je frôle et blesse ainsi que ma verge l'abîme quand elle te pénètre brutalement".  Dès lors, par le fruit du hasard, et forte de ses connaissances littéraires étendues, elle se rapproche du mouvement artistique. En effet, c’est au cours d’une réception en Égypte, qu'elle se lie d’amitié avec Claire Klein. Cette dernière, femme d’un ministre égyptien, anime le principal salon du Caire, et a ouvert sa porte au mouvement surréaliste "Art et Liberté" fondé en 1938 par le poète Georges Henein, Ramsès Younane et Fouad Kamel. Henein ne tarde pas alors à apprécier la poésie comme la personnalité de Joyce Mansour, qui "donne voix à ses réflexes. Nous sommes ici dans le domaine de la parole immédiate qui prolonge le corps sans solution de continuité. À chaque organe son verbe comme une poussée de sève, comme une flaque de sang." Georges Henein est alors le personnage central de l’avant-garde artistique du Caire. Il vient de rompre avec les surréalistes français, qui peinent à retrouver leur vitalité d’avant-guerre. "N’êtes-vous pas frappé de constater que ce qui a maintenu le surréalisme depuis la fin de la guerre, ce sont les actes et les œuvres individuels, tandis que tout ce qui tendait à l’expression collective aboutissait au plus cruel échec, quand il ne minait pas l’édifice patiemment élevé ?" C’est néanmoins Henein, dont la rencontre est décisive, qui va révéler le surréalisme à Mansour. Mais c’est de France que vient l’aide attendue. Elle publie "Cris", son premier recueil, grâce à Georges Hugnet. Humour noir, automatisme lapidaire, poèmes visionnaires, vers cinglants, images foudroyantes et hallucinatoires, la parole prend forme dans l’angoisse, car la douleur transforme le monde en une cacophonie générale.Ainsi débute le mythe de l’étrange poétesse, cette merveilleuse et ténébreuse beauté orientale, pleine d’humour, érudite et amicale, qui déteste la banalité et fume le cigare, "mon onzième doigt", dont les boîtes recyclées lui servent derangement pour sa correspondance et ses vers, dont les feuilles de protection en bois servent de support au poème.    "Marie crut qu’il était envoyé de Dieu. "Je me noie", gargouilla-t-elle. L'assassin se jeta à l'eau et répondit avec tristesse : "Tu es mon ombre, ma lumière. Tu es nous deux. - Je me noie", hurla Marie, son âme singulière adossée à une peur immense. Elle flottait entre deux eaux, les membres mous, résignée à une mort précoce". L'originalité de l'auteure ne doit pas faire de l'ombre à son grand talent. Nombreux furent ceux qui chantèrent ses louanges de son vivant. Derrière une grande élégance, son absence totale de pudeur dénote une forme de révolte, essentiellement féminine, contre le despotisme sexuel de l'homme, qui fait souvent de l'érotisme sa création exclusive. Réinventant la poésie, amie et admirée de Michel Leiris, André Pieyre de Mandiargues ou Henri Michaux, complice de Hans Bellmer, Sébastien Matta, Pierre Alechinsky ou Wifredo Lam, qui tous illustrèrent ses recueils, Joyce Mansour fut sans aucun doute un écrivain majeur du courant surréaliste. Son œuvre elle-même suffit d’ailleurs à en témoigner. Seize volumes de poésie, quatre recueils de fictions narratives, une pièce de théâtre, enfin une centaine d'articles parodiques publiés. Les surréalistes ont un pape, André Breton, qui les agrège tous, notamment autour de rituels comme celui du rendez-vous vespéral au café. Là, rive droite ou rive gauche selon les époques, le pape attend ses disciples, les regardant arriver dans les miroirs. Joyce Mansour en est. Breton a découvert et aimé ses écrits, sa poésie crûment érotique. Il est subjugué par la femme, étrange et exotique. Car elle a su le conquérir. En 1953, elle lui adresse un exemplaire de son premier recueil de poèmes "Cris" accompagné d’un bristol: "À Mr Breton, ces quelques "cris" en hommage." Il en aimera le "suave parfum ultra-noir d’orchidée noire" et tombera définitivement sous son charme.    "Saignée, irradiante de folie hypnotique, était nue à mes pieds. Saignée, au visage de mythe et au corps de puma, était nue sur la plage. Saignée, belle forêt de nacre, savoureuse fleur de massacre, sexe insatiable aux langues de vipère". Dès lors, unis par des liens passionnels, les deux artistes qui s'admiraient mutuellement pour leur art respectif, ne se quitteront plus. Ils passeront onze années entre 1955 et 1966, jusqu’à la mort de Breton, à déambuler dans Paris, àchiner des objets et pièces d’art océaniens. Elle est la dernière héroïne du surréalisme. Même si elle correspond aux canons de la femme-enfant espiègle chère aux surréalistes, Breton célèbre la "suprême espièglerie de ses écrits." Elle est une sorte d’antithèse aux canons relationnels des surréalistes avec les femmes. L'œuvre de Joyce Mansour estavant tout celle d’un poète. D’un grand poète, même, à en croire ceux qui, de Pieyre de Mandiargues à Alain Jouffroy, en passant par Henry Maxhim Jones ou Philippe Audouin, ont pris la plume pour lui rendre hommage, publiquementou en privé. Écrivain en herbe, c’est d’ailleurs à la poésie qu’elle s’adonne dès son plus jeune âge. En 1953, "Cris"révèle au public une soixantaine de textes bouleversants, aussi violents dans leurs thèmes que dans leurs termes,et dont la crudité et la hauteur de ton contrastent avec la révolte étouffée des productions contemporaines. L’accueil enthousiaste que lui réservent les surréalistes, et André Breton en particulier, encourage d’ailleurs la jeune femmedans cette voie et elle donne en 1955, sous le titre "Déchirures", un second recueil qui non seulement tient les promesses du précédent, mais même porte la fureur imprécatrice à un plus haut degré d’incandescence encore. Dans sa maturité, c’est, enfin, à la poésie qu’elle reviendra exclusivement, publiant une dizaine de recueils jusqu’à sa mort. Pourtant, c’est davantage à ses très nombreux contes que Joyce Mansour doit sa fragile renommée.    "Saignée aux seins d'écume, aux offrandes terrifiantes, aux odeurs de sauvage. Saignée qui recule a mesure que ma main avance vers tes cuisses ouvertes, sois toujours ouverte devant moi, Saignée. Nous irons habiter la maison de ma jeunesse". Tout est paradoxe chez cette femme chétive et orientale, à la beauté solaire et mystérieuse, pleine d'humanité et d'humour. Exempte de toute référence à quelque entité extérieure, muse ou souffle divin jadis célébrés par les romantiques, la poésie s’apparente en effet pour elle à une substance interne, voix ou corps étranger qui émane d’unespace originel du moi bien antérieur à la séparation des langues et des sexes, mais auquel ni l’introspection ni l’effusion ne donnent accès. Avec "Cris", recueil construit sur les ruines d’un passé dévasté, la poésie fait en effet l’expérience de la douleur, de l’angoisse, de l’effroi paroxystiques, à la limite du formulable. Hantés par des images douloureuses du passé, la plupart de ces poèmes ont trait à la mort d’êtres chers, la mère et le premier époux del’écrivain, emportés par un cancer à quatre années de distance, dont le souvenir harcèle sans relâche l’écriture. Se devine d’ailleurs, en filigrane de ses premiers textes, un véritable mythe du poète, idéal inaccessible incarné par quelques prédécesseurs, certes, mais aussi rôle dans lequel il s’agit d’entrer pour, peut-être, trouver à y ancrer une identité à la dérive, écartelée entre plusieurs cultures et plusieurs langues. Ainsi l’écriture se place-t-elle d’abord, par le jeu des références, sous le signe d’illustres ascendants, de Baudelaire à Rimbaud, Apollinaire ou Michaux,comme pour esquisser en filigrane le portrait de ce poète que la jeune femme s’efforce, à ce moment, de devenir.    "Ton corps modèlera mon lit perméable et maculé de ton sang comme autrefois, tu cueilleras mes rêves qui tombent sur le parquet en flocons de joie et tu tremperas leurs tiges dans l'eau pour les vases de demain". Chez elle, pas de faux-semblant ou de pruderie, la poésie se fait plaisir charnel dans l'affrontement violent des mots. On a reproché au poète la force de ses images, mais ce n’est pas seulement l’érotisme ou l’onirisme qui sont placés sous le signe de la violence, de l’affrontement, mais la vie elle-même: "Le sexe ressemble alors beaucoup à la guerre."Tout chez elle, qui est également dotée d’un humour hors-norme, nous renvoie à notre condition d’être périssable. Aussi la femme est-elle l’objet d’une haine ambiguë qui découle d’un processus d’autodestruction: mère, sœur ou rivale, double-ennemie en tous cas. Quant à l’œuvre en prose, elle s’est élaborée parallèlement aux recueils de poèmes, et ne fait que prolonger, en les développant, les grands thèmes, les obsessions de l’étrange demoiselle, l’érotisme, le rêve, la mort, la maladie, l’humour, le fantastique, le merveilleux, le sexe et l’humain. Loin, en effet, d’être subordonné à une forme verbale particulière, son art dépasse les catégories génériques et même franchit les frontières de l’expression littéraire. Il peut être trouvé en vers comme en prose, en récit comme en théâtre, en écriture comme en peinture. La poésie est toujours, en quelque sorte, la troisième dimension de son œuvre, ombre fascinante qui hante l’écriture sans que le sujet puisse cerner, au juste, ce qu’elle est. Car si Joyce Mansour fit œuvre de poète, cette œuvre peut avant tout se lire comme une série de stratégies successivement déployées pour mettre au jour ce que désigne cette propriété, cette qualité substantielle dont la belle jeune femme a très tôt l’intuition qu’elle fonde son identité, sans pouvoir la saisir par les moyens de la réflexion. Là est sa grande richesse.    "Toi qui avales mon sexe sans quitter le ciel, toi qui glisses a travers murs, plaisirs, crimes; ta voix résonne dans mes veines comme une cloche de montagne, femmes aux pensées verticales, aux orifices vibrants, je porterai ton corps vers la maison de mon choix, fauchant les obstacles d'un seul regard de ton sein vengeur". Afin d'étoffer son art, à la fin de sa vie, elle a exprimé la volonté de s'émanciper totalement du mouvement surréaliste. Aussi sa deuxième période littéraire sera-t-elle, en premier lieu, celle d’un retour à la poésie, terme entendu ici dans l’acception, formelle, de parole en vers. Avec "Rapaces", en 1960, et "Carré blanc" en 1965, la jeune femme donne deux recueils poétiques majeurs, plus amples que les premiers, où elle compile notamment les textes clairsemés dans diverses revues au cours des années précédentes. C’est aussi en poésie qu’elle fera ses adieux définitifs à Breton, dédicataire posthume des "Damnations", et encore en poésie qu’elle réaffirmera, en 1969, son engagement surréaliste, dans "Phallus et Momies." Mais l’expérience de la prose ne s’en poursuit pas moins activement, avec la publication consécutive, entre 1961 et 1967, de cinq récits qui seront, en 1970, recueillis sous le titre "Ça." Au mythe du poète a succédé un mythe du livre. À cette étape de son parcours, la poétesse part en quête d’un "livre total", ce livre-somme qui puisse recueillir une infinité d’expériences visant en premier lieu à établir la poésie sur un autre plan que discursif. C’est, d’ailleurs, le désir d’ouverture à l’autre qui prédominera, dans la dernière période de son œuvre. C’est, en effet, au seuil du tombeau que résonnera la voix qui se fait entendre dans "Trous noirs", dernier recueil de Joyce Mansour, où les dessins de Gerardo Chávez se font le support d’un essai de représentation de la mort. Et c’est là, peut-être, son ultime conquête, rejoindre son double artistique en peinture. En 1984, la muse orientale apprend qu’elle est atteinte d’un cancer, maladie dont elle a la hantise, et qui l’emporte à son tour le vingt-sept août 1986.    Bibliographie et références:   - Stéphanie Caron, "Le surréalisme de Joyce Mansour" - Marie-Claire Barnet, "La Femme cent sexes" - Alain Marc, "Écrire le cri" - John Herbert Matthews, "Joyce Mansour" - Marie-Laure Missir, "Joyce Mansour, une étrange demoiselle" - Richard Stamelman, "Poésie et éros chez Joyce Mansour" - Georgiana Colvile, "Scandaleusement d'elles" - Pierre Bourgeade, "Joyce Mansour" - Jean-Louis Bédouin, "Anthologie de la poésie surréaliste" - René Passeron, "Le surréalisme oriental"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 12/03/24
"La discrétion est la première des vertus. On lui doit bien des instants de bonheur. Il y a un moment dans les batailles, où, dans une lutte égale, les deux parties sentent l'inertie de leurs moyens et l'inutilité de leurs efforts, où l'épuisement des forces, et le sentiment de la conservation, inspirent aux combattants un même penchant vers la retraite. Ce moment de relâchement, saisi par l'homme supérieur qui sait profiter de cette disposition morale pour employer les moyens qu'ila su réserver, détermine toujours la victoire en sa faveur." "Un je-ne-sais-quoi-de-malicieux", c'est en ces mots qu'une de ses admiratrices décrivait le baron Dominique-Vivant Denon (1747-1825), séducteur sans beauté, collectionneur sans scrupules et touche-à-tout sans limites. Celui que ses contemporains qualifiaient d'"un des phénomènes les plus vivants de notre époque" est surtout resté dans les mémoires comme "l'œil de Napoléon". C'est en effet grâce à lui que le Louvre s'enrichit, pour quelques années, des plus belles œuvres d'art de l'Europe, le temps d'acquérir une légitimité et une ambition qui depuis n'ont pas faibli. Dominique-Vivant Denon sera aussi appelé Vivant-Denon ou baron Denon, d'après le titre à lui conféré par Napoléon. Séducteur, auteur d'un roman libertin à succès, "Point de lendemain", il collectionne les conquêtes féminines. Grand voyageur, il effectue des missions en Italie, en Russie et en Suisse où il rencontre Voltaire avant de parcourir l'Europe à la suite des troupes napoléoniennes. Ses très bonnes relations avec Joséphine de Beauharnais, épouse du général Bonaparte, lui valent d'être nommé par ce dernier à la tête de l'équipe scientifique destinée à l'accompagner en Égypte. Doyen à cinquante-et-un ans des savants de l'expédition d'Égypte, il ne s'en montre pas moins infatigable. Dessinateur et graveur talentueux, il publie en 1802 le recueil de son travail, soit pas moins de trois cents dessins et croquis, sous l'intitulé: " Voyage en basse et Haute-Égypte". Il vaut à son auteur d'être nommé directeur général du Musée central des Arts, futur musée Napoléon puis musée royal, aujourd'hui musée du Louvre. Dans cette fonction, le baron Denon amasse les œuvres d'art pour nourrir ce qu'il veut être "le plus beau musée de l'univers", et il y parvient.    "Il en est des baisers comme des confidences: ils s'attirent, ils s'accélèrent, ils s'échauffent les uns les autres. En effet le premier ne fut pas plutôt donné qu'un second le suivit. Voilà ainsi les lèvres des femmes". Libertin, auteur d'un conte licencieux "Point de lendemain" qui inspira Louis Malle dans "Les Amants", il nait à Givry en Saône-et-Loire, près de Chalon-sur-Saône le quatre janvier 1747 et il meurt à Paris le vingt-sept avril 1825. Il a traversé tous les régimes, Louis XV, Louis XVI, la Révolution, la Terreur, le Directoire, l'Empire et la Restauration au cours d'une vie bien remplie de soixante-dix-huit ans. Une existence tantôt calme, tantôt frénétique, méditative, ou bien à cheval, au milieu des canons. Il aura fréquenté Frédéric de Prusse, Pie VII, Robespierre, Napoléon, Joséphine, Diderot, Voltaire et Stendhal. À la chute de l'Empire, ayant remis à Louis XVIII sa démission de toutes les charges officielles qu'il occupait, Denon n'en continue pas moins de se consacrer aux arts, à sa collection. Il entreprend d'écrire son "Histoire de l'art" et y passe les dernières dix années de sa vie à préparer les planches de cet ouvrage. Ni historien ni archéologue, ni théoricien ni savant, Denon n'en fut pas moins estimé par les personnalités les plus éminentes de son temps. La richesse de son parcours, la diversité de ses expériences avaient fait de lui un personnage recherché et c'est certainement dans la conversation, art dans lequel, selon ses contemporains, il excellait, que l'on pouvait goûter le mieux la qualité de son esprit. Homme du XVIIIème siècle par son approche de l'art en "connaisseur", Denon fut aussi un pionnier par l'originalité de ses goûts et le désir qu'il avait de les faire partager. Sa vie est très bien résumée par lui-même: "Je n'ai rien étudié, parce que cela m'eût ennuyé. Mais j'ai beaucoup observé, parce que cela m'amusait. Ce qui fait que ma vie a été remplie et que j'ai beaucoup joui". Outre le droit qu’il étudia parce que ses parents le destinaient à la magistrature, il travailla le dessin et la gravure et trouva le temps d’écrire une comédie en trois actes et en prose, "Julie et le Bon Père" (1769), œuvre médiocre qui ne fut jamais jouée et à laquelle se borna sa carrière d’auteur dramatique. Il fréquente la Faculté de droit de Paris, tout en s'initiant, auprès de Noël Hallé, au dessin et à la gravure. Dans l'atelier il rencontre les frères de Saint-Aubin, Augustin et Gabriel. En 1768, Augustin fait son portrait. Dominique Vivant renonce à la magistrature et se tourne définitivement vers les arts, en particulier le dessin, pour lequel il a des dispositions. C'est le début d'une longue et brillante carrière "artistique".     "L'amour veut des gages multipliés: il croit n'avoir rien obtenu tant qu'il lui reste à obtenir. L'homme est un tissu de romans, voilà le secret de ma vie". Romanesque, son entrée foudroyante et énigmatique, à vingt-deux ans, à la cour de Louis XV, en intimité avec le roi. On ne sait comment il s’introduisit à la Cour, mais en 1769, il fut chargé de la conservation des pierres collectionnées par la marquise de Pompadour, puis devint gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, ce qui l’amena à connaître Versailles dont il prit le bon ton. On ignore de même la route qui lui ouvrit la carrière diplomatique. Sa première mission le mena en 1772, à Saint-Pétersbourg, où il passa deux années. La seconde le conduisit à Stockholm où, pendant quatre mois, il fut le secrétaire de l’ambassadeur Vergennes, lequel restera son protecteur quand il deviendra ministre des Affaires étrangères. Une troisième mission, en Suisse, le fit passer par Ferney où il fut reçu par Voltaire, dessina son portrait qu’il grava et mérita son amitié. En 1777, il publia un conte galant bien dans le goût du temps, "Point de lendemain", œuvrette charmante, souvent rééditée, cependant que sa carrière se poursuivait à Naples où il avait été nommé, en 1776, attaché d’ambassade. Promu chargé d’affaires en 1782, il resta dans ce royaume jusqu’en 1785, tout en effectuant des voyages en Italie méridionale, à Rome, en Sicile et à Malte. Il observait les œuvres d’art, apprenait à bien les connaître, pratiquait le dessin, la gravure, s’y perfectionnant. Sa carrière diplomatique ayant pris fin à la demande de la reine des Deux-Siciles, il revint à Versailles en août 1785. Sa pension de diplomate s’ajoutant à la fortune héritée de son père, assurait son indépendance et lui permit de se consacrer entièrement aux beaux-arts. Il est élu en 1787, membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture comme "artiste de divers talents" après la présentation de la gravure: "Adoration des bergers" d'après Luca Giordano. Il revient à Paris en 1793, en pleine Terreur, pour éviter la confiscation de ses biens. Il doit sa radiation de la liste des émigrés à l'intervention de son ami le peintre Jacques-Louis David. Pour lui complaire, il grave le Serment du Jeu de paume, pièce de dimensions exceptionnelles. II fait encore, à l'eau-forte et au lavis, un remarquable portrait de Bertrand Barère à la tribune, d'après un dessin de Jean-Baptiste Isabey. David lui confie la gravure de ses costumes républicains, ce qui lui donne l'occasion de s'attirer la sympathie de Robespierre.     "J'étais ingénu, je la regrettai, j'avais vingt ans, elle me pardonna et comme j'avais vingt ans, que j'étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l'amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes". Roman fabuleux et bizarre impunité qui le suit partout durant la terreur. Il subsistait grâce à son burin et devint graveur national. Le neuf thermidor changea tout cela et le rendit à la vie mondaine. Il semble avoir connu le général Bonaparte par l’intermédiaire de son épouse dont il fréquentait le salon. De toute façon, ayant été agréé, il s’embarque à Toulon en 1798 pour participer à l’expédition d’Egypte. Il devient alors membre de l’Institut fondé au Caire, dessine beaucoup de ruines, et accompagne Desaix en Haute-Egypte, jusqu’aux cataractes du Nil. Sa santé de fer, sa bonne humeur légendaire et son courage impressionnent si favorablement le général Bonaparte que Denon sera alors un des rares membres de l’expédition qu’il ramènera en France en 1799. Denon est bientôt membre de l'Institut d'Égypte. Il publie deux articles dans "La Décade égyptienne, journal de l'Institut et participe dans des commissions chargés de décrire les monuments égyptiens. Il est de retour en France en 1799, en même temps que Bonaparte. Sa contribution la plus importante aux travaux de la "commission des sciences et des arts" est certainement le récit de ses déplacement en Égypte: "Voyage dans la Haute et Basse Égypte, publié en 1802 et qui a connu quarante rééditions au cours du XXème siècle. Sur le plan scientifique, cet ouvrage ne peut pas être comparé avec la monumentale "Description de l'Égypte", produit par la totalité des savants de la Commission des sciences et des arts. Cependant, sa publication en 1802, les gravures, et leurs commentaires abondants, le "Voyage dans la Haute et Basse Égypte" joua un rôle majeur dans le développement de l'égyptomanie auprès du grand public et stimula certainement ensuite les premières tentatives de déchiffrement des hiéroglyphes.    "L’emplacement qu’occupent les pyramides de Sakkara, a environ deux lieues et demie de largeur, de l’est à l’ouest, sur sept de longueur, du nord au sud. On y trouve beaucoup de fragments de vases de purification en granit, en albâtre et en porphire, matières précieuses dont le goût s’était introduit au tems où existait Memphis". Un formidable personnage de roman, écrivant lui-même son roman, à la plume ou au burin. Il pourrait s'intituler "Histoired'un Faune", puisque "le Faune" était le surnom que lui avaient donné les femmes de sa jeunesse. Un faune qui finirait couvert de gloire, de titres et d'honneurs. Le coup d’État du dix-huit brumaire portant Bonaparte au pouvoir bénéficie à Denon. Le dix-neuf novembre 1802, le premier Consul le nomme directeur général du muséum central des arts, qui devient le musée Napoléon, puis le musée royal du Louvre, ainsi qu'administrateur des arts. Sont alors placés sous son autorité le musée des Monuments français, le musée spécial de l'École française de Versailles, les Galeries des palais du gouvernement, la Monnaie des médailles, les ateliers de la chalcographie, de gravures sur pierres fines et demosaïque, la manufacture de Sèvres, la manufacture de Beauvais et la manufacture des Gobelins. Pragmatique, Denon sait profiter des circonstances. Il prend part à toutes les grandes entreprises de Napoléon, et il l'accompagne dans ses grandes campagnes. C'est lui qui est l'initiateur de l'enrichissement du Louvre avec des dépouilles des musées des pays conquis. Lui qui avait signé en 1796 la pétition pour appuyer les thèses de Quatremère de Quincy contre le déplacement des œuvres d'art saisies à Rome, fait, sept ans plus tard, un discours flamboyant devant ses confrères de l'Institut pour saluer l'arrivée des antiques en provenance d'Italie. Vivant Denon fait une quête quasi obsessionnelle d'augmenter les collections, en repoussant les limites chronologiques et géographiques du musée. C'est aussi dans l'intention de faire du Louvre un véritable "outil" novateur au service de l'histoire de l'art, un instrument pédagogique pour tous les publics.    "J'allai ensuite visiter les ruines de Pompéia, les plus intéressantes qui existent dans l'univers. Pour remplir la tâche que je m'étais imposée, de faire dessiner et de dessiner moi-même tout ce qui avait été découvert, il fallait le faire à la dérobée, car je n'avais pu en obtenir la permission" .Vivant, que la Grande Armée appellera bientôt "l'huissier-priseur de l'Europe", va faire manœuvrer, pour une guerre qu'il est seul à mener sur un plan secret, des milliers de soldats. Elle sera un bataillon de conquête chargé de rapporter des trophées. Chateaubriand a eu ce raccourci de génie: "Bonaparte a dérangé jusqu'à l'avenir". En l'espace d'une dizaine d'années, Denon organise le plus grand rassemblement d'œuvres d'art qui ait jamais existé. Objets, tableaux, sculptures, dessins, antiques, ainsi que livres et manuscrits sont prélevés dans les collections princières des territoires conquis par Napoléon, afin de créer "le plus beau musée de l'univers". Au travers des manufactures placées sous son autorité et par le biais des commandes qu'il passe aux peintres, sculpteurs et graveurs, Denon suit et oriente la création artistique, en la soumettant pour une bonne part à la propagande impériale. Dans ce contexte, il est étonnant que le directeur des Arts ne se soit pas davantage engagé dans les débats esthétiques de son temps. Il n'intervient officiellement qu'une seule fois, à propos de la statue du Premier Consul commandée à Chaudet pour le Corps législatif. Elle fournit à Denon le prétexte à un vibrant plaidoyer en faveur du nu à l'antique dans la sculpture. Mais Denon, avant tout, est et restera jusqu’à la fin de l’Empire, le conseiller très écouté de Napoléon et l’exécuteur de ses idées, car l’Empereur en a beaucoup, souvent excellentes, parfois moins bonnes. Le cinq août 1812, Denon est récompensé par le titre de baron. C'est enfin la gloire.    "Sire, mon âge avancé, ma santé dérangée me commandent le repos immédiat. J'ose donc le demander à votre Majesté."La chute de l’Empire et la Première Restauration n’affectent pas la situation du Directeur du Musée, redevenu celui du Louvre. Il n’en sera pas de même après les Cent-Jours, car les coalisés, vainqueurs à Waterloo, exigeront la restitution des œuvres d’art conquises par la France: négociations que Denon mènera à bonne fin et qui seront les dernières de sa carrière. En octobre 1815, il adressera au roi Louis XVIII une démission devenue inéluctable. Denon n'en continue pas moins de se consacrer aux arts, à sa collection. Il entreprend d'écrire son "histoire de l'art" et y passe les dernières dix années de sa vie à préparer les planches de cet ouvrage. Les dernières années de sa vie s’écouleront paisiblement dans l’aisance matérielle, parmi ses collections d’œuvres d’art, de sculptures et de tableaux, véritable musée privé d’une très grande richesse. Il assiste aux séances de l’Institut, se montre assidu aux expositions et jouit de nombreuses amitiés. Dominique Vivant Denon meurt le vingt-sept avril 1825, à l'âge de soixante-dix-huit ans au huit quai Voltaire à Paris et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise, dans la dixième division. Le peintre Antoine-Jean Gros et le géographe Edme François Jomard prononcent son éloge funèbre. En avril 1826 sa collection est vendue aux enchères. Son ampleur peut être évaluée en consultant la catalogue, qui comporte deux-cent-vingt-cinq pages. C’était un petit homme très laid, avecun menton en galoche et le front dégarni, débordant de vitalité, pétillant d’esprit. Son immense culture, le charme de sa conversation et ses manières affables, faisaient de lui un convive recherché et l’ornement des salons. Napoléon, qui avait découvert en Egypte son courage physique, ainsi que sa puissance de travail, se reposait sur son jugement artistique. Le Denon sut aussi se faire aimer des artistes de son temps qu’il aida de maintes façons, tout en se montrant exigeant surla qualité de leurs travaux. "La discrétion est ma vertu favorite, on lui doit bien des instants de bonheur." (Vivant Denon)    Bibliographie et références:   - Bernard Bailly, "Dominique Vivant Denon" - Catherine Bonfils, "Dominique Vivant Denon" - André Chastel, "L'art français, le temps de l'éloquence" - Marie-Anne Dupuy-Vachey, "Les itinéraires de Vivant Denon" - Albert de la Fizelière, "Œuvre originale de Vivant Denon" - Claude Lougnot, "Vivant Denon, un roman" - Jean Marchioni, "Vivant-Denon ou l'âme du Louvre" - Judith Nowinski, "Baron Dominique Vivant Denon" - Vicomte Révérend, "Armorial du Premier Empire" - Ulric Richard-Desaix, "Molière du cabinet de Vivant Denon" - Philippe Sollers, "Le Cavalier du Louvre"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir. 
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Par : le 11/03/24
Acheter chez votre libraire (de préférence) ou à l'acheter en ligne (à défaut) Dans la quête de compréhension et d'acceptation des diverses expressions de la sexualité humaine, le BDSM occupe une place à part, qui si elle a l'attrait du mystère a à souffrir aussi de bien des préjugés. Historiquement marginalisées et mal interprétées, les pratiques  BDSM  ont longtemps été bien mal considérées (dans tous les sens du terme). Pourtant, au-delà des apparences et des idées reçues, ces pratiques révèlent une complexité et une profondeur qui méritent d'être explorées et comprises dans leur intégralité. Le BDSM, dans son essence, est un échange de pouvoir consensuel, où les participants négocient des dynamiques de domination et de soumission dans un cadre sécurisé et respectueux. Cette négociation repose sur une communication ouverte, le consentement éclairé et une confiance mutuelle, éléments fondamentaux pour une expérience satisfaisante et enrichissante pour toutes les parties impliquées. Contrairement aux perceptions courantes, le BDSM n'est pas uniquement axé sur la douleur ou la domination, mais sur l'exploration des limites physiques, émotionnelles et psychologiques, dans le but de renforcer les liens entre partenaires et de favoriser une plus grande intimité. Cette exploration des limites et de la dynamique de pouvoir nécessite une compréhension approfondie des besoins, désirs, et limites de chacun. Elle demande également une capacité à naviguer dans ces espaces avec soin, éthique et responsabilité. C'est dans ce contexte que "L'art de dominer" de Dossie Easton prend toute son importance. L'ouvrage propose un cadre réfléchi et éclairé pour aborder les relations de pouvoir érotiques, en mettant en lumière les nuances et les complexités du BDSM. Il s'adresse à ceux qui sont curieux de cette pratique, ainsi qu'à ceux qui cherchent à approfondir leurs connaissances et à affiner leurs compétences dans l'art de la domination et de la soumission. L'art de dominer" de Dossie Easton constitue une excellente approche. L'auteure ne se contente pas de tracer les contours d'une pratique  ; elle plonge au cœur de la complexité et de la beauté inhérente aux relations de domination et de soumission, offrant aux lecteurs un guide à la fois philosophique et pratique. Ce premier volet est destiné entièrement à à la domination (le second ouvrage "L'art de se soumettre" est lui, ça alors, dédié à la soumission)  Le livre dépasse les stéréotypes et les simplifications excessives. Easton démystifie l'idée réductrice selon laquelle la domination serait synonyme de tyrannie ou la soumission de faiblesse. Au contraire, elle révèle comment ces rôles peuvent être source d'empowerment et de croissance personnelle, soulignant la distinction cruciale entre "prendre" le pouvoir et "se voir confier" le pouvoir dans un cadre de confiance et de respect mutuel. Au fil des pages, "L'art de dominer" aborde avec clarté et profondeur les différents aspects qui constituent la base d'une relation BDSM saine : la communication, le consentement, la négociation des limites, et l'importance du debriefing après les sessions. Easton insiste sur le fait que ces éléments ne sont pas seulement des prérequis à une pratique sécuritaire du BDSM, mais qu'ils sont également fondamentaux pour renforcer la connexion émotionnelle et psychologique entre les partenaires. L'ouvrage se distingue par son approche pédagogique, guidant les novices à travers les premiers pas dans l'univers du BDSM, tout en offrant aux adeptes plus expérimentés des réflexions et des techniques avancées pour enrichir leur pratique. Que ce soit à travers la discussion des jeux de rôle, des scénarios de domination et soumission, ou encore de l'importance des aftercare, "L'art de dominer" se révèle être une ressource précieuse, soulignant la diversité et la richesse des expériences que le BDSM peut offrir. Enfin, l'auteure ne néglige pas les aspects éthiques et moraux inhérents au BDSM, confrontant les lecteurs aux questions de responsabilité, d'éthique du consentement et du respect des limites. Ce faisant, elle positionne "L'art de dominer" non seulement comme un guide pratique mais aussi comme une réflexion morale sur la nature du pouvoir, de l'amour et de la confiance dans les relations humaines. Avec "L'art de dominer", Dossie Easton livre donc bien plus qu'un simple manuel ; elle offre une invitation à repenser la manière dont nous comprenons et engageons les relations de pouvoir dans un contexte érotique, en mettant en lumière le potentiel de croissance, de découverte et d'intimité qu'elles recèlent. C'est un ouvrage indispensable pour tous ceux qui aspirent à explorer les profondeurs de leurs désirs et à tisser des liens plus authentiques et épanouissants avec leurs partenaires. Après une lecture approfondie, il est manifeste que cet ouvrage se démarque car il se fait véritable ressource pour quiconque s'intéresse à la dynamique de la domination et de la soumission dans le cadre du BDSM. À travers ses pages, Dossie Easton transcende la simple explication des pratiques BDSM pour toucher à l'essence même des relations humaines, enrichies par un échange de pouvoir consensuel et réfléchi. L'auteur parvient à déconstruire les mythes et préjugés qui entourent souvent le BDSM, le présentant non pas comme un ensemble de pratiques marginales ou déviantes, mais comme une forme riche et variée d'expression relationnelle et érotique. Sa capacité à rendre ces concepts accessibles sans jamais simplifier à l'excès témoigne d'une réelle maîtrise du sujet. Un aspect particulièrement appréciable de l'ouvrage est d'insister sur l'importance du consentement, de la communication et du respect mutuel. L'auteure souligne régulièrement par l'exemple que ces principes ne sont pas uniquement cruciaux pour la sécurité et le bien-être des participants, mais qu'ils constituent également le fondement d'une relation BDSM épanouissante. En mettant l'accent sur le consentement éclairé et la négociation des limites, l'auteure encourage une pratique du BDSM qui est non seulement sûre mais aussi profondément connectée aux besoins et désirs de chaque partenaire. Le livre brille également par son approche inclusive, reconnaissant la diversité des expériences et des identités au sein de la communauté BDSM. L'auteure parvient à ne pas sombrer dans  une vision monolithique de la domination ou de la soumission, mais explore plutôt la richesse et la variabilité des rôles, des pratiques et des désirs qui caractérisent la communauté. Cette approche permettra à bien des lecteurs de se retroiuver dans les mots de l'autrice, qu'ils soient novices curieux ou pratiquants expérimentés cherchant à approfondir leur compréhension. L'acheter chez votre libraire (de préférence) ou à l'acheter en ligne (à défaut) Si vous avez lu ce livre, n'hésitez pas à laisser votre avis en commentaires ci dessous.
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Par : le 05/03/24
Un article pour un concept, oui, mais quel concept ! Lecture orgasmique car avec un vibromasseur en marche. Pour le plaisir féminin et le nôtre. Je trouve que les femmes qui ont eu le courage de participer à l'expérience sont remarquables et très dignes. Leur plaisir est communicatif.   Je vous invite à regarder la vidéo suivante (qui est en français) en entier, vous ne le regretterez pas ! https://vaginconnaisseur.com/portfolio/hysterical-literature/ Et les autres sur https://www.hystericalliterature.com/sessions   De rien, avec plaisir.  
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Par : le 04/03/24
"Celui qui n'ose pas regarder le soleil en face ne sera jamais une étoile. Voir le monde dans un grain de sable et le paradis dans une fleur sauvage, tenir l'infini dans le creux de sa main et l'éternité dans une heure. L'arbre qui fait verser aux uns des larmes de joie n'est aux yeux des autres qu'une chose verte qui se dresse en travers du chemin. Certains ne voient dans la nature que ridicule et difformité. D'autres, c'est à peine s'ils voient la nature. Mais aux yeux de l'homme d'imagination, la nature est l'imagination même. C’est avec les pierres de la loi qu’on a bâti les prisons, avec les briques de la religion, les bordels. Pour créer la moindre fleur, des siècles ont travaillé". Le temps a rendu justice à celui qui, longtemps considéré comme un fou, fut le grand poète, graveur et visionnaire que l’on sait, éternel enfant, éternel "primitif" que son ardeur imaginative, son lyrisme, sa violence condamnèrent à n’avoir de renommée que posthume. Autodidacte, William Blake (1757-1827) dénonce la raison tyrannique des philosophes, s’enflamme pour la révolution. Ses admirations sont aussi significatives que ses refus. Il préfigure quelques-unes des lignes de force du romantisme et goûte certains de ses grands intercesseurs, Swedenborg, Shakespeare, Dürer. Une vie intérieure puissante, une simplicité mystérieuse et désarmante guide son bras. Dans "Le Mariage du Ciel et de l’Enfer", il proclame alors l’unité humaine, attaque la prudence et le calcul au nom de l’épanouissement de l’être réconciliant désir, sagesse et raison. L’amour comme la haine étant nécessaires à la vie, c’est le choc des contraires qui provoque le surgissement de la force créatrice et la progression de l’être individuel. Il oppose ainsi la raison à la vision intuitive, à laquelle va sa préférence. "L’astre Blake étincelle dans cette reculée région du ciel où brille aussi l’astre Lautréamont. Lucifer radieux, ses rayons revêtent ainsi d’un éclat insolite les corps misérables et glorieux de l’homme et de la femme" (André Gide). Bien que considéré comme peintre, il a peint quelques tableaux à l'huile, préférant l'aquarelle et le dessin, voire la gravure et la lithographie, il s'est surtout consacré à la poésie. William Blake, peintre, poète, graveur, prophète est né en 1757 au-dessus d’une échoppe de bonnetier, à Londres. De toute son existence, il ne quitta guère sa ville. Implantée dans cette sphère étroite, sa vie fut, à première vue, banale, sans aventure, centrée sur son travail de graveur. Elle échappe pourtant dans une large mesure, écrit Georges Bataille, qui consacra à Blake une étude dans "La Littérature et le Mal", aux "limites communes de la vie". C’est que Blake, au-delà du cercle restreint où il se déplaçait, de son occupation absorbante, des soucis d’une vie quotidienne difficile, voyait bien d’autres scènes et d’autres mondes.    "Celui qui veut conquérir la joie, malgré lui, la brisera. Mais celui qui, quand elle passe, sait doucement l'embrasser pourra toute sa vie en profiter". Sur la réalité prosaïque de l’univers extérieur, il donna la préférence à son pouvoir de vision, opposé à la simple vue, qu’il appelle alors "génie poétique" ou "génie prophétique", "imagination", ou par d’autres termes encore. L’imagination lui représentait un monde plus précis, plus vivant et plus vrai que celui qui nous est livré par le regard. Mais, insistait-il, un tel pouvoir ne lui était pas réservé. Chaque homme à l’origine le possède. "De même que tous les hommes sont semblables par la forme extérieure, de même, ils sont semblables par le génie poétique". Opprimés par la vie, lancés dans des poursuites sans intérêt, argent, pouvoir, paraître, ayant de ce fait perdu leur état de disponibilité, la plupart oublient le don qu’ils possédaient enfants, le sentiment d’éternité qui lui est lié. Cette capacité, il en fit très tôt l’expérience. Dieu d’abord, qui lui apparaît à la fenêtre, puis un arbre chargé d’anges et, un jour, parmi les ramasseurs de foin, des anges, encore, visions inspirées par la Bible. Sur la fin de sa vie, le soleil, bien différent de la pièce d’une guinée que verrait un avare, mais disque resplendissant d’esprits qui chantent en chœur "saint, saint, saint". Ces images se sont imprimées dans son imagination avec une si grande intensité que la vision s’est produite, projetée devant lui, la différence entre monde extérieur et intérieur effacée. Il ne voyait pas, comme il l’a écrit, "par ses yeux", mais "à travers". Et ce qui lui apparaît à travers, au-delà du monde sensible dont le témoignage lui sembla toujours douteux, à tout le moins insuffisant, c’est la réalité spirituelle, telle que la représente l’Imagination. Ainsi, cette "double vision" lui révélera non pas l’oiseau qui fend l’air, spectacle que nous montre l’organe œil, mais l’immensité que traduit son vol. "Ne comprends-tu pas que le moindre oiseau qui fend l’air est un monde de délices fermé par tes cinq sens ?" Dans le vol de l’oiseau, c’est l’illimité qui nous est donné, et la joie que procure une telle liberté. Pourvu que nous sachions "voir", c’est-à-dire que nous vivions par l’imagination cette expérience, éprouvant en nous-même la sensation de l’envol et de l’espace, l’oiseau qui fend l’air nous porte dans une tout autre région de l’être que celle qui est définie et bornée par les sens. Le vol de l’oiseau nous dévoile l’infini dont nous sommes faits. William Blake était un pur poète.    "Le chemin de l'excès mène au palais de la sagesse. Il importe peu qu'un homme prenne la bonne route ou la mauvaise, pourvu seulement qu'il la suive avec sincérité et dévotion, jusqu'à sa fin, car toute route le conduira à son but. Ceux qui répriment leur désir, sont ceux dont le désir est faible assez pour être réprimé". Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l’homme pour ce qu’elle est infinie". Mais nous sommes enfermés en nous-mêmes, à tel point que nous ne percevons plus que par les "fissures étroites de la caverne", écrit Blake se souvenant de sa lecture de Platon. De notre époque il avait tout prévu et de la sienne tout compris. Il ne fut pas entendu de ses contemporains qui, mis à part quelques esprits amis, l’ignorèrent. Il fut même jugé fou en raison de ses visions et parce qu’il s’entretenait avec les esprits, il ne s’en cachait pas, tout au contraire. Il vécut pauvre et incompris, sans pourtant jamais renoncer à sa vision, à sa mission, à laquelle il consacra l’essentiel de son art, de sa vie. Newton, Bacon, Locke étaient ses bêtes noires, ses ennemis déclarés et, selon lui, ceux du genre humain, même si dans ses écrits tardifs, à la fin de Jérusalem, ils bénéficient de la réconciliation universelle, la science venant se ranger aux côtés de la poésie dans l’harmonie des contraires. Newton, que représente une saisissante gravure de Blake, assis dans les eaux de la matière, mesure l’univers à l’aide d’un compas. C’est le monde de la "vision simple", expliqué, mesuré, mis en ordre, monde géométrique fait de particules de matière dure et solide, alors que Blake les voit brillantes comme des "joyaux de lumière". Celui de l’économie moderne et des "sombres moulins sataniques" qui broient et écrasent l’homme, celui d’hier comme d’aujourd’hui. Froideur rationnelle de la science divorcée de l’imagination, le système qui comptabilise et uniformise, c’est la technologie nouvelle et la production industrielle exclusivement occupée du nombre et de la masse. Non que Blake ait détesté les découvertes de la science dont il a donné de poétiques descriptions. C’est à ses prémisses qu’il s’attaque, à la prédominance donnée à la raison, domination qui implique l’exclusion de tout un ensemble de savoirs traditionnels considérés comme inadéquats par l’esprit rationnel. Newton est selon Blake l’annonciateur du matérialisme moderne, cette philosophie qui consiste à placer toute réalité non dans l’esprit, mais dans la matière, et que Blake avait donc en horreur. C’était là, a-t-il dit, la maladie la plus grave de l’âge moderne, la cause de notre absence de vision et celle de la mort intérieure de nos sociétés.   "Si les portes de la perception étaient purifiées, toutes les choses apparaîtraient à l'homme telles qu'elles sont, infinies. Car l'homme s'est enfermé, jusqu'à voir toutes choses au travers des étroites fentes de sa caverne". La philosophie matérialiste que combattait déjà Blake n’a fait depuis lors que croître et s’imposer. En 1945, dans un livre intitulé "Le règne de la quantité et les signes des temps", René Guénon écrivait: "Parmi les traits caractéristiques de la mentalité moderne, nous prendrons ici tout d’abord la tendance à tout réduire au seul point de vue quantitatif, tendance si marquée dans les conceptions “scientifiques” de ces derniers siècles qu’on pourrait presque définir notre époque comme étant essentiellement et avant tout “le règne de la quantité”. Mais, plus précisément, Blake s’attaque à ce qui va devenir le mode de fonctionnement principal du monde moderne, "le système", dont il eut à souffrir directement dans son métier et qui repose sur les lois de la marchandisation. C’est la conversion de l’art en argent qu’il accuse. "Partout où on a en vue l’argent, on ne peut justifier l’art, mais seulement la guerre", son enrôlement au service du profit, son évaluation, ainsi que celle de l’homme, en termes de chiffres et de la quantité. Dans son " Adresse publique", une suite de notes écrites après l’échec de l’exposition qu’il avait montée autour de ses propres œuvres et la publication, en 1809, du Catalogue descriptif, il dénonce: la soumission des esprits à l’air du temps, à l’opinion ambiante, aux modes et à tous leurs diktats. Esclavage qui implique alors le renoncement à penser par soi-même, dans la solitude, à l’abri du conformisme général. À son habitude, prenant de la hauteur, dépassant ce moment de l’Histoire, il élargit son propos. Il décèle une tendance à l’uniformisation, le "commerce" nécessitant pour plus d’efficacité la production massive des mêmes biens, et donc alors, bientôt, une forme d’enrégimentement des esprits formés à ce mode de fonctionnement, par la masse. "Le commerce ne peut supporter le mérite individuel. Son estomac insatiable doit être nourri par ce que tous peuvent faire aussi bien. William Blake, dans ses positions était avant-gardiste.    "Sans aucunes contraintes, il n'est pas de progrès. Attraction et répulsion, raison et énergie, amour et haine, sont nécessaires à l'existence de l'homme. Ce qui est maintenant prouvé ne fut jadis qu’imaginé". La crainte de Blake étant que ceux-là seuls qui savent faire la même chose, et pensent de la même façon, se prêtant aux lois du marché, aient le droit d’exister dans une société uniformisée, parce qu’ils sont des rouages utiles à la machine à produire, tandis que les autres, ceux qui ne sont pas conformes, qui pensent et créent par eux-mêmes, restent en marge de ce vaste mécanisme, ignorés, laissés pour compte. Pour Blake, soucieux au plus haut point de l’intégrité de l’homme, la division des tâches, quand la conception est séparée de l’exécution et que le travail devient purement machinal, était inacceptable. "Une machine n’est pas un homme ni une œuvre d’art, elle est destructrice de l’humanité et de l’art". Une machine, c’est-à-dire l’instrument qui exécute, ou l’ouvrier réduit à accomplir les mêmes gestes, auquel on a ainsi dénié la faculté de penser. Autrement dit, cesser de croire dans le pouvoir de l’esprit revient à se soumettre sans plus de résistance aux lois de l’économie. Celles-là détruisent l’art véritable, ou encore "l’homme véritable", la figure de l’artiste-poète-créateur étant au centre de son œuvre. Au nom de l’argent, elles assassinent la part vivante de lui-même, le transformant ainsi en une "ombre", un "spectre", selon ses propres termes. Épris de la Révolution, il en suivit l’éclosion avec espoir, puis, venue la Terreur, avec désillusion. Bientôt, il cessa de croire dans la politique. "Je suis vraiment attristé de voir mes contemporains se soucier de politique. Si les hommes politiques étaient sages, le plus arbitraire des princes ne pourraient leur faire de mal. S’ils n’ont pas cette sagesse, le plus libre des gouvernements ne peut être qu’une tyrannie. Homme de gauche, il le resta toute sa vie, en révolte contre l’ordre établi, antimonarchiste, anticlérical, pacifiste, défiant l’autorité, ses institutions et ses lois. Pour prophétique que soit sa poésie, elle présente, mêlée au message religieux, une suite de références aux événements de l’époque comme un énoncé de ses espoirs et déceptions. "Dans la vie, sois toujours prêt à dire ton opinion, et le lâche t'évitera".    "L'homme croit voir le monde à travers deux yeux, deux petites ouvertures étroites, et les choses lui apparaissent dès lors limitées et à distance. En réalité, nous ne voyons pas le monde à partir de petites ouvertures, deux petites fissures mais à partir de l'espace infini. Quand on s'éveille à cette vision sans voyant, alors les choses sont unes avec l'infini, deviennent elles-mêmes l'infini". Est-ce à dire que la liberté que revendique Blake et la confiance en l’homme dont elle témoigne autorisent la libération des instincts, tels qu’ils sont liés à "nos corps mortels végétatifs" ? Il n’en est rien. "L’Homme n’a pas de corps distinct de son âme, car ce qu’on appelle corps est une partie de l’âme perçue par les cinq sens. Toute jouissance est d’ordre spirituel. Blake a constaté l’insuffisance de son évangile libertaire, il n’y renonce pas mais chemine au-delà. On ne trouve pas de contradictions avec ses premiers textes. Mais on y découvre un point de plus: le pardon, le pardon absolu, inconditionnel, profond, lié à l’amour. Au bout de grands travaux sur lui-même, assouplissant sa vision pour y faire entrer la promesse d’un salut universel, il se reconvertit au christianisme. Jésus ne meurt pas sur la croix mais il y abandonne ce qui attache l’homme au monde, la sujétion à des lois restrictives et punitives, la soumission au monde sensible qui n’est alors qu’un reflet trompeur, l’attachement au "moi", au faux moi enclos en lui-même, avec son maladif appétit de puissance,"the satanic selfhood". Dans cette dépossession de soi se réalise la plénitude. Rouvrir les fontaines de lavie, rendre l’homme à lui-même et à la joie qui est en lui, telle est la mission du poète. La poésie, qui "nie et détruit la limite des choses, a seule la vertu de nous rendre à son absence de limites", écrit Georges Bataille. C’est par la poésie que Blake entendait délivrer l’homme de la geôle où il est enclos, lui restituant la vision double, c’est-à-dire le pouvoir dont il dispose, qui est de percevoir en lui-même l'essence de la vie.    "La prudence est une riche et laide vieille fille à qui l'incapacité fait la cour. Autrefois, les poètes de l'antiquité peuplaient le monde sensible de dieux et de génies, auxquels ils donnaient les noms, et qu'ils revêtaient des attributs, des bois, des ruisseaux, des montagnes, des lacs, des peuples, des cités, et de quoi que ce soit que leurs nombreux sens élargis pussent atteindre". Blake lui-même sacrifia ainsi ambition, argent, reconnaissance à sa conception de la poésie et du divin, qu’il voulut mettre au service de tous. Ce fut sa vertu, écrit Bataille, de dépouiller la figure individuelle de la religion comme de la poésie et de leur "rendre cette clarté où la religion a la liberté de la poésie, la poésie le pouvoir souverain de la religion". Livré à un matérialisme écrasant, passif, emprisonné, l’homme, écrit W.B. Yeats, que Blake inspira, "cogna à la porte". Il y cogne toujours. Mais Blake ne prône aucune liste de vertus, nulle recette, nulle règle de conduite. Il se contente de dénoncer le faux et d’exalter le vrai, qui loge dans l’esprit poétique. Dans cette vie, à ce stade de l’Histoire, l’esprit nous parle uniquement dans les révélations de la poésie. Elle seule est capable de dévoiler à l’homme la réalité de ses enfers et de ses ciels. La nouvelle "bonne nouvelle" est que la joie est en nous, et qu’elle n’est pas une question de circonstances mais de vision. "La joie que nous avons en vue ne tire sa dépendance d’aucun objet extérieur, elle arrache l’homme aux contingences, le hisse au-dessus de lui-même et ouvre devant lui la voie qui mène à la vraie vie". La vision poétique, consistant à percevoir le vivant, possède le pouvoir de nous conduire hors de nos enfers vers le ciel que des moments privilégiés nous ont fait entrevoir. "L’Enfer est ouvert au Ciel". En même temps, il fait figurer dans plusieurs expositions de l'Académie royale des peintures allégoriques, historiques et religieuses. Il publie en 1790 "The Marriage of Heaven and Hell", satire du "Heaven and Hell" de Swedenborg. Ses quarante dessins gravés par Luigi Schiavonetti pour une édition du poème "The Grave" (1808) de Blair sont très admirés,de même que sa grande estampe, le "Pèlerinage de Canterbury" (1809). Sa mort, le douze août 1827, à l'âge de soixante-neuf ans, interrompt l’illustration de "The divine comedy" (1825-1827) de Dante. Il est enterré, en compagnie de sa femme, au cimetière de Bunhill Fields, dans la banlieue Nord de Londres.     Bibliographie et sources:   - Gerald Eades Bentley, "William Blake" - John Johnson, "Memoirs of the Life of William Blake" - Hervé Le Tellier, "William Blake poesy" - Peter Ackroyd, "Life of William Blake" - Pierre Boutang, "William Blake: manichéen et visionnaire" - Armand Himy, "William Blake, peintre et poète" - Christine Jordis, "Vision prophétique de William Blake" - John Yau, The wild children of William Blake" - François Piquet, "Blake et le sacré" - Kathleen Raine, "Imagination chez William Blake" - David Worrall, "William Blake et ses mécènes"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 20/02/24
Je ne sais pas si c’est un questionnement, un débat ou juste ma perception des choses que je met là mais après une conversation avec une certaine personne je vous pose ces réflexions ici. Notre conversation nous à emmener sur les sujets tels que l’emprise dans une relation D/s, le « pouvoir » que détenais le ou la soumise, les limites et la sexualisation dans certaines pratiques plus que d’autres. Je m’explique : Pour moi, il y a déjà la base à savoir qu’une relation D/s est consensuelle. C’est un accord entre deux parties dans laquelle l’une des partie cède le contrôle à l’autre. C’est une relation consensuelle ET hiérarchisé sur la base d’accord écrit ou verbaux passé entre deux personnes. Sans accords de l’un ou de l’autre : pas de pratique. L'interrogation qui viens naturellement après ça est tout simplement « Puisque c’est généralement le/la soumise qui pose les limites, au final, n’es ce pas elle/lui qui détiens tout le pouvoir dans cette relation ? » Et là, comme j’ai répondu lors de notre échange, c’est une question délicate. Certains vont crier au souminateur(trice) si je répond oui. Mais franchement, pour moi, c’est bien le cas. Et je n’ai pas l’impression de dominer quand je dit « non » ou « stop » à un Dominant. C’est parce que je suis consentante que l’échange de « jeu » est possible. Sans cela, c’est une agression, point. Et le pire des affronts ce sont les « dominants » (et je ne mettrais pas de majuscule dans ce cas là!), qui, sous couvert du « bien-être » et de « l’éducation » de leurs soumis(e) vont faire fît de ces limites ! En tant que Dominant, vous avez la responsabilité du bien être physique et mentale de votre soumise (que se soit en session ou autre : 24/7) ! C’est pour ça que ce type de relation n’est pour moi, vraiment mais vraiment pas à prendre à la légère ! C’est un engagement personnel envers quelqu’un, où la limite entre relation saine et emprise destructrice peut être ultra fine et qu’il se faille d’un rien pour passer dans quelque chose de malsain. Évidemment, il faut être en accord avec sois même, être le plus équilibré possible mentalement. Savoir ces faiblesses et, en fin de compte, simplement : se connaître. J’ai remarqué que les gens avaient peur de se retrouver/confronter face à eux même… Mais sans ce travail là comment pouvez vous mettre le moindre curseur « d’acceptable ou non » sur quoi que se sois dans votre vie ? Dans le BDSM cela se traduit par « es se que se que je vie est en accord avec mes principes ? Cela me porte t-il préjudice mentalement, physiquement ou émotionnellement ? Dans ma vision d’une bonne relation D/s, le Dominant est là pour « révéler » le/la soumise. Pour l’amener à se découvrir, à faire confiance et à céder le contrôle au Dominant (n’es ce pas ça qui vous fait vibrer ? Le pouvoir et le contrôle que vous exercer sur votre soumis(e) ?) Ce qui me fait peur c’est certains postes (et je ne citerais personne) que je peut lire où le/la sub est du « côté obscure de la force ». Il/elle c’est perdue, annihilé par cette relation qui est devenue écrasante que son/sa Dom n’a pas su gérer. C’est ça le secret : donner sans s’oublier. Céder sans que l’on devienne une coquille vide, avide de la remplir avec tout ce que l’autre donne. Parce que quand on est plus capable de remplir sa coupe (émotionnel, d’égo etc..) sois même on deviens dépendant. Et aucune drogue n’est jamais bonne à court ou long terme. La suite plus tard !
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Par : le 16/02/24
Tu as gainé tes formes généreuses de quelque dentelle et voile transparent Je devine quelque lingerie bien choisie, piège à peine dissimilé pour ton amant A cette vision, mon cœur bondit d’amour, tu devines mon désir ému Je te voulais séduisante, je te vois désirable, je te veux déjà nue,  Tu es si belle, amante séduisante, hôtesse prévenante, maitresse délurée Cette soirée est si douce mais si interminable de promesses inavouées Alors je jouerai ton jeu, comme si c’était la première fois, je veux te conquérir  Plus que nos mains, nos mots d’abord innocents trahissent l’envie de séduire Comme deux adolescents, nous retrouvons l’émotion de la première fois,  Comme deux amants, nous savons l’issue de cette rencontre avec émoi   Je vois chaque courbe de ton corps comme un nouvel horizon à conquérir Je veux chaque parcelle de ta peau comme un territoire que je veux asservir A chaque mouvement, tes bas crissent comme un archer sur mon impatience À chaque pas, tes fesses à peine couvertes ondulent avec éloquence A chaque regard, tes yeux sourient et enjôlent mon cœur avec défi A chaque mot, tes seins frémissent et m’haranguent en autant de préavis  Tu es chatte qui joue avec la souris, je suis souris qui rêve de dévorer le chat Je suis serviteur soumis à sa maitresse, tu es lionne en habits de geisha A la lueur des bougies, tu deviens rêve, tu deviens ombre mystérieuse La moindre courbe de ton corps se gave de cette lumière parcimonieuse  Je me repais de ta vision merveilleuse, je profite de ces instants préliminaires Je frémis à notre future escarmouche, mais je suis déjà soumis à mon adversaire Je sais déjà que je vais me rendre à ta raison, me soumettre docilement à ta loi Je serai esclave servile de ton plaisir, tu seras concubine gardienne de ma foi Mais avant de te concéder cette future victoire, il nous faut ouvrir la joute Je dois lancer l’offensive, fourbir mes armes malgré mon inexorable déroute Je suis mâle et tel est mon destin, je suis amant et telle est ma raison Tu es femme et telle est ton attente, tu es amante et je te dois passion J’effleure tes épaules fines vers ton cou frémissant à mes chuchotements Je mordille tes lobes et lèche tes oreilles, tu trésailles de ravissement Mes lèvres effleurent tes joues rosies et trouvent ta bouche entrouverte Je t’embrasse et je savoure cette victoire de te trouver presque déjà offerte Mes mains découvrent ton dos vers la douceur de tes fesses rebondies Ta peau si fraiche me fait chavirer, ta chair si douce me met en appétit Tes doigts viennent à la rencontre de mon désir, je te suis déjà dévoué En quelques passes adroites, nous voici nus et nos corps sont libérés   Tu t’exhibes devant moi, mon désarroi t’amuse, tes mains soulignent ta nudité Mes yeux rencontrent tes seins, ton ventre, tes cuisses et ton pubis rasé Cette vision me trouble et je viens poser mes lèvres sur ton secret révélé Tu agrippes mes cheveux pour guider mon visage contre ton ventre dévoilé Puis tu rejoins le lit pour mieux m’attirer dans le piège de ton envie Tu empoignes mon être, tu caresses mon membre dressé, tes yeux me défient Tes mains flattent mes couilles frémissantes, tes lèvres effleurent ma queue,  Je m’accroche à tes cheveux, je regarde ta langue gravir mon épieu, Soudain tu me gobes brutalement avec gourmandise et tu souris de me posséder Je me rends à ta domination, je m’offre à ta possession, je suis ta chose, ton jouet Ta bouche sur mon membre est si douce et chaude que mes sens me dévorent Nos regards se croisent, alors que sans aucune pudeur tes mains m’explorent Tes yeux m’interrogent avec provocation, tes doigts cherchent d’autres voies Tu revendiques mon plus intime comme ton fief, je me soumets à cette nouvelle loi Tu brandis le membre factice que je te destinais, ton nouvel allié traitre à ma cause Ce gourdin prêt à en découdre, je le sens déjà en moi, je suis déjà sous son hypnose  J’implore toutefois ta clémence mais je suis déjà impatient de recevoir l’artifice  Tu es clémente, tu consens à lubrifier la chose pour assurer sa faculté de glisse Tu affutes ta dague et tu l’enfonces en moi sans pitié en instrument de ton office Je te reçois par son entremise, je t’accueille avec humilité tant tu forces mon orifice A chaque offensive de ta bouche répond une charge du gredin expert entre mes reins Je ne sais te résister, je ne sais te remercier, je ne sais que t’encourager, moi le pantin Je caresse tes cheveux, je ne peux encore te montrer autrement combien je t’aime Mon corps entier tremble de plaisir, mais je sais que ce n’est que le premier thème Tu jubiles de cette empalement réciproque, duel sans vaincu mais à deux vainqueurs Pourtant ton exploit n’est qu’un avant-goût de futures batailles aux enjeux supérieurs Tu joues avec le feu qui me consume, tu ris de me voir pantelant sur ton glaive, déjà défait Me sentant défaillir, tu t’écartes de mon fleuret et tu me tends un sourire brillant et satisfait Non, c’est trop facile, tu exiges un adversaire à ta valeur, tu réclames la contre-offensive Tu veux à ton tour subir ma charge, tu veux être à ma merci, subir ma loi possessive    Doucement, tu me quittes pour mieux m’inviter à t’assiéger, tu revendiques ton plaisir Ton acolyte me délivre et s’écarte avec respect, pas trop loin, il peut encore servir Tu t’étends sur le dos, ton ventre impudique exhibé, tes doigts jouent dans ta fente Tes pieds gambadent sur mon ventre et s’emparent de ma queue si obéissante Tu m’ordonnes de m’incliner, je deviens ton vassal, tu exiges preuve de ma dévotion Je m’agenouille entre tes cuisses impatientes, ta fontaine dispense déjà sa douce potion Alors que tu caresses ton ventre, que tes doigts initient ta vulve aux futurs mystères Tu me souffles de te montrer adoration, tu m’intimes de te baiser depuis la terre  Mes lèvres entament l’ascension de tes jambes et glissent vers ta source inexorablement  Je suis la courbe de ta cheville, tu m’enserres de tes jambes, tu m’attires fermement Le bas me fait barrage mais m’excite à la fois, bientôt j’atteins ta peau au goût de brise Tu gémis lorsque je rallie ce nouveau territoire, tes cuisses me poussent en terre promise Je parviens enfin au but, je flaire ta nudité, je goûte ta féminité, je suis au commencement Je lape ton essence avidement, je suce ta chair et lèche ta substance avec ravissement Ma langue s’aventure vers le plus intime de toi, mes doigts te fouillent et ton corps se tend Tu saisis tes fesses pour t’écarteler encore et élargir la voie à mes hommages insistants Tes reins ondulent du désir de mon exploration, tes gémissements se font encouragements Ton sexe palpite du plaisir de ma perquisition, tes halètements deviennent commandements Tu m’enjoins de te caresser au plus profond, tu m’ordonnes de maintenant te pourfendre Je ne sais où te combler, dois-je me multiplier ? Je ne sais de quel instrument te prendre Finalement je m’assure d’un précieux duo d’auxiliaires zélés, à ton impérieuse requête J’enduis les duettistes et te pénètre doublement, alors que tu encourages ma conquête Tu te laisses aller à cette double pénétration avec volupté, au comble du renoncement Je me délecte du spectacle de ton corps ainsi supplicié, au comble du ravissement Tu m’appelles près de toi, je te rejoins, tu me réclames et je m’approche plus Ta demande est décidément gourmande, mais soit, j’autorise que tu me suces   Tu es belle ainsi criblée et j’exulte de te soumettre ainsi à mon asservissement Je te vois esclave et je me crois bourreau mais l’évidence s’impose finalement Je ne suis pas seigneur de ces tortures, tu es seule maitresse de ces instants précieux Même alors que tu jouis avec violence et sans retenue, je ne suis qu’un laquais envieux Haletante, tu réclames, tu appelles, tu convoques, tu m’ordonnes de te prendre Je décide de me venger de ton plaisir, je veux l’initiative, je vais te faire attendre Je chasse alors mes assistants tortionnaires devenus importuns et libère tes intimités Ma langue tyrannique affole ton précieux bouton et je caresse ton minou détrempé Avec délectation, je lèche une dernière fois le nectar de ta source en guise d’adieu J’entreprends alors l’assaut de ton corps sans défense, seulement armé de mon pieu Je rampe et arpente ton territoire nu, ma poitrine effleure ton chaton encore béant Je ne suis pas pressé, je sais que bientôt mon sabre y trouvera un fourreau accueillant J’atteins les douces collines de tes seins gonflés, tu me tends tes fiers mamelons Je m’attarde, je mordille l’un, je lèche l’autre, je suce et je gobe tes tendres tétons Puis je gravis ton cou, je croque tes lobes avant de conquérir ton visage Tu me souffles des mots d’encouragement, je souris de te voir si peu sage Je caresse tes lèvres de ma langue, je caresse tes lèvres de mon hampe A bout de désir, tu coupes court à mon jeu, tu m’empoignes, impatiente Un instant suspendu, tu sembles hésiter sur la destination du précieux membre Tu palpites encore au souvenir de mes deux gredins, tu les sens encore te fendre Je me glisse entre tes cuisses, je me présente contre ta vulve radieuse, tu frémis Je me glisse entre tes fesses, je me propose contre ton œillet épanoui, tu gémis Finalement à mon grand dam, tu guides résolument mon pal vers ta chatte  Comme je tergiverse, tu t’empares de mes fesses et m’enfonces à la hâte Tes râles accompagnent ma poussée, ton corps se cambre pour me recevoir Je commence à aller et venir en toi et tu gémis sous mes coups de boutoir Ton sexe est si humide, si chaud, si accueillant, tu m’encourages à t’enfiler Je te baise avec amour, je te fais l’amour avec violence, je t’aime à te déchirer Mais cette bataille aussi n’a qu’un temps, bientôt nous aspirons à d’autres mêlées Doucement, tu m’invites à basculer, je t’obéis et glisse hors de toi sur le coté  Tu m’enfourches brutalement, telle une amazone dans une farouche chevauchée,    Je te réclame patience et retenue, il est trop tôt pour exulter, je réclame ta pitié Tu reviens à la raison, tu m’accordes répit et tu me montes alors avec chasteté Tu joues de ton bassin, tu ondules en me souriant et te cambres, tu es majesté Sur le champ de nos batailles, le calme salue ton avantage, la trêve est bienvenue Mon amour, accordons-nous un instant de douceur, viens le long de moi avec retenue Je caresse tes seins, tu caresses mon torse, je caresse tes fesses, tu m’embrasses Nos sexes se fondent doucement, nos corps communient tendrement, je t’enlace Dis-moi tes envies, chuchote-moi tes désirs, murmure-moi tes exigences Je serai ton majordome servile, le domestique appliqué à ta seule jouissance   Tu me prends au mot, tu acceptes mon allégeance, tu seras donc ma souveraine Tu te redresses, me domines de ta splendeur et décides de ma nouvelle peine Je suis condamné à souffrir encore ton serviteur infatigable tandis que tu me recevras Ma foi, cette condamnation me sied, j’imite la résignation accablée mais j’en salive déjà De nouveau ton regard me défie, je te donne ma bénédiction et je me réjouis De nouveau, tu convoques ton lieutenant qui doit être convenablement enduit Je sens le coquin guidé par tes soins entre mes fesses, je feins le refus mais je capitule Ton regard indomptable me transperce aussi fort que ton artifice implacable m’encule Finalement, tu te lasses de me chevaucher, tu abandonnes mon dard pour te retourner Tu te renverses pour m’offrir ton cul à lécher, et tu t’emploies à mieux me sodomiser Je deviens fou lorsque tu me tends l’autre coquin et m’invites à te rendre la pareille Mon application paye, vous êtes si humides qu’il n’est nul besoin d’enduire l’appareil Alors que ma langue te lèche la chatte, le précieux auxiliaire me relaie au plus profond de toi Sans autre forme de procès, ta bouche confisque mon phallus tendu tandis que je te bois Tu me suces goulûment, tu me branles avidement, mon cul s’offre à ton appendice Tes reins accueillent mon gode, je te masturbe ardemment, je te lèche avec délice   Alors que notre frénésie porte nos corps et nos âmes vers d’autres rivages Notre plaisir nous rejoint au plus fort de notre soumission réciproque et sauvage Tu te cabres comme une pouliche effrayée alors que tu laisses éclater ta jouissance Ton plaisir m’inonde alors que ta bouche libère ma sève qui explose avec puissance Ton plaisir s’écoule sur mon visage alors que tu t’effondres sur mon corps   Ma semence s’écoule de tes lèvres alors que tu me dévores Je flatte ta croupe fourbue, mes mains pleines de ton essence caressent tes reins Tu embrasses mon étalon harassé, tes doigts pleins de ma liqueur massent tes seins Ta fontaine éventrée s’offre à mes derniers baisers, tu joues de mon manche brisé Tu rampes pour venir te blottir dans mes bras, tu agaces mes tétons encore dressés   Je caresse tes fesses et glisse distraitement un doigt au plus humide de ta raie Tu ondules pour ma faciliter l’accès à cette issue en toi trop rapidement délaissée Tu poses ta cuisse en travers de moi, ton sexe ruisselle sur mon ventre Tes doigts cajolent doucement ma verge déconfite et tremblante   Attention, je crois que ça pourrait me redonner envie de toi…     
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Par : le 11/02/24
"Quand j’exécute mes dessins "Variations", le chemin que fait mon crayon sur la feuille de papier a, en partie, quelque chose d’analogue au geste de l’homme qui cherchait, à tâtons, son chemin dans l’obscurité. Je veux dire que ma route n’a rien de prévu: je suis conduit, je ne conduis pas". Henri Matisse (1869-1954) est l’un des rares artistes qui figurent en bonne place dans les livres d’histoire de l’art, mais qui se soustrait, avec une élégance tranquille, à toutes les tentatives de classification. Dès le début du XXème siècle, il commence à affirmer un style aussi personnel que reconnaissable, et jusqu’à sa mort il côtoie, sans jamais se laisser imposer les préoccupations du moment, les courants, les écoles et les idéologies dogmatiques qui ont accompagné la création artistique depuis la fin du XIXème siècle. Alors que les uns s’affirment avec la violence de l’expression, d’autres avec la violence du discours, d’autres par celle de la provocation, il peint on peut presque dire dans son coin, alors qu’il est déjà connu et célébré. Dès sa jeunesse, Henri Matisse fait preuve d'audace et de persévérance. Né au Cateau-Cambrésis dans le Nord en décembre 1869, destiné à devenir clerc de notaire, c'est au cours d'une longue convalescence qu'il commence à peindre et qu'il découvre sa passion: "Pour moi, c'était le paradis trouvé dans lequel j'étais libre, seul, tranquille, confiant tandis que j'étais toujours un peu anxieux, ennuyé et inquiet dans les différentes choses qu'on me faisait faire". Malgré l'objection de son père, il part à Paris pour s'inscrire à l'Académie Julian et dans l'espoir d'intégrer l'école des beaux-arts. Son échec au concours d'entrée ne le fera pas renoncer et l'incitera à trouver d'autres chemins de traverse, vers sa destinée, celle d'être alors l'un des artistes les plus importants du XXème siècle. Admis officieusement dans l'atelier de Gustave Moreau, il s'inscrit également aux cours du soir des Arts Déco où il fréquente Albert Marquet avec lequel il capturera les scènes urbaines de la capitale, les fiacres et les passants. Le dessin lui a permis d'expérimenter et de s'émanciper de ses pairs, à l'image de ce que Matisse seratoute sa vie durant, un homme pugnace et optimiste, faisant fi des échecs et des aléas. Ses débuts témoignent d'une capacité iconoclaste à casser les codes d'une formation somme toutes assez traditionnelle, ce que Gustave Moreau décèlera en lui affirmant: "Vous allez simplifier la peinture". Sa quête de simplification, tant esthétique que philosophique, est avant tout une recherche d'universalisme auquel il accèdera à la fin de sa vie avec la Chapelle de Vence: "Cette chapelle est pour moi l'aboutissement de toute une vie de travail pour lequel j'ai été choisi par le destin sur la fin de ma route, que je continue selon mes recherches, la chapelle me donnant l'occasion de toutes les fixer en les réunissant".   "L’exactitude n’est pas la vérité. Un centimètre carré de bleu n'est pas aussi bleu qu'un mètre carré du même bleu". En 1898, deux voyages seront fondamentaux pour la suite de son cheminement artistique: Londres où il se délecte des œuvres de William Turner puis Toulouse et la Corse où il découvre la lumière du Sud. Après un bref retour dans le Nord, c'est au début du siècle suivant que son art va connaître un véritable tournant. Sa pratique de l'aquarelle sur le motif et sa rencontre avec Paul Signac en 1904 lui permettront de s'affranchir de l'usage traditionnel de la couleur pour aboutir à l'invention du Fauvisme lors de l'été 1905 passé à Collioure avec André Derain. En 1906, il achète son premier masque africain et fait découvrir cet art à Picasso. La même année, il se rend en Algérie où l'expérience du désert le bouleverse et lui donne "une envie de peindre à tout déchirer". Ainsi, tout à la fois porté par ses inventions colorées et ses récentes inspirations, il s'engage dans une intense période créatrice avec la commande des deux panneaux décoratifs pour le collectionneur russe Chtchoukine, "La Danse et La Musique" en 1910. La magistrale série des intérieurs symphoniques, notamment "L'Intérieur aux aubergines" de 1911, sera l'apogée de cette décennie aucours de laquelle il découvrira également l'art musulman et l'Espagne. Prompt à poursuivre son ouverture au monde, les séjours au Maroc en 1912 et 1913 parachèvent son irrésistible attrait pour l'Orient. Au fur et à mesure de ses voyages, Matisse se constitue une collection d'objets, meubles et tissus qu'il intégrera dans ses œuvres: "L'objet est un acteur: un bon acteur peut jouer dans dix pièces différentes, un objet peut jouer dans dix tableaux différents, un rôle différent". Ce métissage des sources, enrichi au fil des voyages, nourrit sa réflexion plastique et l'iconographie de ses œuvres. Abordant les notions de décoratif, Matisse s'éloigne de toute exactitude, qui n'est pas la vérité assène-t-il, et cherche la synthèse de la forme au plus juste de son émotion. En 1916, Matisse réalise deux œuvres majeures de très grandes dimensions: "Les Marocains" et "Femmes à la Rivière" et passera alors les dures années de guerre entre Issy-Les-Moulineaux et Paris. Les résultats de ses recherches lui donnent le vertige et le poussent à se rendre à Nice fin octobre 1917 pour s'y installer définitivement au début des années 1920. En quittant l'atelier d'Issy-les-Moulineaux, il s'invente à Nice un univers dédié à ce qui deviendra son obsession pendant une dizaine d'années: les "Odalisques" où les modèles se prêtent au jeu de l'accessoirisation. De sa région natale, Matisse se souvient des tissus flamboyants pour créer des intérieurs avec une abondance de matières et de motifs. Grisé par les variations infinies de son sujet, il va accumuler alors les scènes d'intérieur, peignant, sculptant des jeunes femmes nues ou qu'il habille de vêtements rapportés du Maroc. En mars 1920, il réalise pour Diaghilev les décors et les costumes du ballet "Le Chant du rossignol", première expérience décorative hors de la surface plane du tableau. Sa carrière est alors lancée, il est enfin reconnu.    "Cependant, je crois qu’on peut juger de la vitalité et de la puissance d’un artiste, lorsque impressionné directement par le spectacle de la nature, il est capable d’organiser ses sensations et même de revenir à plusieurs fois et à des jours différents dans un même état d’esprit, de les continuer. Un tel pouvoir implique un homme assez maître de lui pour s’imposer cette discipline". À la fin des années 1920, toujours plus exigeant envers lui-même et désirant une nouvelle fois se renouveler, il part alors pour Tahiti en 1930, à la découverte d'un autre espace et d'une autre lumière. Dans un premier temps, ce n'est pas la destination en elle-même qui le bouleverse mais la traversée de l'Atlantique en bateau du Havre à New York puis celle des États-Unis en voiture et en train, d'Est en Ouest, pour rejoindre San Francisco et y embarquer vers Tahiti. Ce périple métamorphose radicalement sa perception de l'espace, lui fait prendre conscience d'une autre échelle, de la possibilité d'une autre vision. "Immense, si j'avais vingt ans, c'est ici que je viendrais travailler". La ville de New York le fascine totalement, comme une confirmation de ses nouvelles recherches linéaires entreprises peu avant son départ. "Si je n'avais pas l'habitude de suivre mes décisions jusqu'au bout, je n'irais pas plus loin que New York, tellement je trouve qu'ici c'est un nouveau monde. C'est grand et majestueux comme la mer, et en plus on sent l'effort humain". Arrivé à l’âge de prendre conseil auprès de sa propre jeunesse, ainsi qu’il le confiera à André Masson, Matisse radicalise son fauvisme décoratif. Celui-ci, tel qu’il le pense et le met en œuvre depuis 1905, vise non point à sortir de la peinture mais à la faire sortir d’elle-même afin qu’elle excède le monde clos du tableau et qu’elle s’ouvre sur le dehors de l’expérience commune. Ce projet gardait toutefois quelque chose d’abstrait et d’inaccompli faute de rompre avec le cadre du tableau de chevalet. C’est ce pas qu’il franchit avec "La Danse" pour la fondation Barnes à Merion (Pennsylvanie). Dans le vaste local à un étage qui lui servait d’atelier et où il achevait sa composition, Matisse exposa à Dorothy Dudley, venue l’interviewer en prévision d’un article au titre percutant: "Le Peintre dans un monde mécanique", comment le problème s’était posé à lui. En suivant sa transcription: un "mur à décorer tel qu’il se dresse, trois portes fenêtres de six mètres de haut, à travers lesquelles, on ne voit que la pelouse, rien que du vert et peut-être des fleurs et des buissons. On ne voit pas le ciel. Au-dessus de ces portes fenêtres, trois espaces enforme d’ogives montant jusqu’au plafond, en sorte que la peinture sera influencée par la triple ombre des voûtes".   "Souvenez-vous qu’une ligne ne peut pas exister seule. Elle amène toujours une compagne. L’espace a l’étendue de mon imagination". D’une manière générale, la sobriété des formes, courbes pour les figures, rectilignes pour les bandes, de même que le petit nombre des couleurs toutes appliquées en grands aplats, sont en consonance avec les lignes architecturales et les plans des murs. Les combinaisons chromatiques des bandes et leurs obliques s’accordent avec le jeu des danseuses. Les parties à la fois roses et bleues, aux pentes plus dynamiques, correspondent aux trois couples engagés dans un corps à corps, tandis que les deux bandes noires, dans lesquelles retombent les pendentifs, rétrécissent quelque peu vers le bas. Elles sont donc plus statiques et correspondent aux deux nymphes assises au sol. Le rythme interne au triple panneau n’a rien d’autonome, car les bandes colorées sont doublement articulables avec le rythme des danseuses et avec celui des portes fenêtres, des deux entreportes et des pendentifs des voûtes. Le bleu, le noir et le rose, pas plus que le gris des corps, ne tiennent leur pouvoir expressif d’une transposition d’unpaysage ou d’un spectacle de danse, ils le tiennent de la lumière, qui allait poser à Matisse un redoutable problème. Le bleu et le rose, de valeur moyenne, contrastent, d’une part, avec la forte lumière des portes fenêtres et, de l’autre,avec le noir. Ce double contraste chromatique compense par son intensité la prégnance figurative inhérente à des silhouettes humaines et la couleur grise, "entre le noir et le blanc, comme les murs de la salle". La "maison" dont il s’agit, "bloc de sensations" non-subjectif, existant en soi et excédant tout vécu, s’entend tout d’abord de "l’armature" picturale dont se soutient une composition. Dans le contexte de "La Danse" de Matisse, on se doit de lui donner une portée proprement architecturale. "Ce qui définit la maison, ce sont les pans, c’est-à-dire les morceaux de plans diversement orientés qui donnent à la chair son armature. La maison même est la jonction finie des plans colorés". L’aplat gris des danseuses leur ôte leur corporéité organique pour les associer ainsi aux plans colorés des bandes murales dont "la puissante vie non organique" conjugue ainsi la tension et le tranchant de leurs surfaces à la souple arabesque qui enchaîne les corps tout en courbes. La sensation ne doit pas s’entendre comme un vécu ou une impression purement subjective car elle "est directement en prise sur une puissance vitale qui déborde tous les domaines et les traverse. Cette puissance, c’est le rythme, plus profond que la vision, que l’audition. Et ce rythme parcourt un tableau comme il parcourt une musique, sur laquelle la danse peut alors se produire en harmonie.   "Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir. Il est vrai que le soir est magnifique. Avant le coucher flamboyant du soleil, le ciel est blond comme du miel. Puis il blêmît avec une douceur infinie". "La Danse" fait prendre conscience à Matisse de la nécessité d’un dépassement plus radical de l’organicité: "Dans la peinture architecturale, qui est le cas de Merion, l’élément humain me paraît devoir être tempéré, sinon exclu". Car "cette peinture associe à la sévérité d’un volume de pierre. De plus, l’esprit du spectateur ne peut être arrêté par ce caractère humain avec lequel il s’identifierait et qui le séparerait en l’immobilisant de la grande association harmonieuse, vivante et mouvementée de l’architecture et de la peinture". Matisse reproche précisément à Raphaël et à Michel-Ange d’avoir, dans leurs compositions murales,"alourdi leurs murs par l’expression de cet humain, qui nous sépare constamment de l’ensemble". Par ce glissement, le langage de Matisse passe significativement de la question de l’humanité des figures à celle du spectateur. La mise à l’écart, non de l’homme, mais de la forme organique de l’humanité est la condition d’une "hétérogenèse" à la fois de la figure-signe dans le tableau et du spectateur du tableau. La peinture murale ne se détourne de l’individualité subjective que pour constituer un autre sujet accordé à un ordre ou à un rythme supra-individuel mettant en jeu le milieu où cette peinture s’établit. Le peintre épingle sur le mur des surfaces de papier peintes en aplats de gouache aux couleurs choisies dans une gamme réduite, puis découpées en fonction du dessin qu’il y trace. Déchargée de tout jeu de main, la couleur sera uniformément passée au rouleau par un peintre en bâtiment. Cette méthode mécanique sera ensuite relayée par le dispositif machinique hautement complexe, à l’image d’une combinatoire ou d’un jeu de construction plutôt que d’une palette, imaginé par Matisse pendant ces trois ans où il va déplacer constamment onze aplats de couleurs un peu "comme on déplace les jetons pendant une partie dans le jeu de dames", jusqu’à trouver un "arrangement" très satisfaisant, pour le metteur en scène qu’il est devenu. Tel Michel-Ange et la chapelle Sixtine.    "Vous voulez faire de la peinture ? Avant tout il vous faut vous couper la langue, parce que votre décision vous enlève le droit de vous exprimer autrement qu'avec vos pinceaux". C’était "un étrange spectacle", selon le témoignage d’une visiteuse admise dans le garage-atelier: "Un mur tout entier était occupé par la maquette en grandeur réelle, alors très ingénieusement composée de bouts de papiers colorés. Ces derniers étaient épinglés au mur et pouvaient être ainsi déplacés comme les pièces d’un puzzle gigantesque. Des piles de papiers colorés étaient posées par terre. Matisse, armé d’un fusain fixé à l’extrémité d’un long bâton, allait et venait sans cesse devant la maquette pour tracer alors les contours qu’il voulait modifier, une jeune femme s’approchait, grimpait sur une échelle et retouchait les papiers colorés. L’inorganicité libérée de la gravitation permet au corps de ne faire plus qu’un avec la surface d’une manière qui extrait radicalement cette peinture murale de tout rapport avec le tableau. En s’affranchissant de la référence à l’espace du spectateur, la nouvelle peinture murale se libère et libère le spectateur de la relation de vis-à-vis. Il n’y a aucun sens à demander sous quel angle de vue "La Danse" est créée. Si Matisse n’invente pas la composition-signe-décorative, parce qu’elle est, dans une certaine mesure, familière aux arts traditionnels, le fait est qu’elle ne fonctionne plus en référence à une transcendance divine ou/et humaine qu’il s’agit d’honorer. En son mode architectural, elle fonctionne dans une pure et totale immanence au mur de ce qu’on nommera un habitat. L'art pictural devient une philosophie. En 1924, Matisse se consacre à la sculpture et réalise "Grand nu assis", qui est exemplaire de son style, à la fois en arabesques et en angles. Il pratique la sculpture depuis qu'il a été l'élève d'Antoine Bourdelle, dont Matisse conserve le goût pour les grandes stylisations, comme on peut le voir ainsi dans la grande série des "Nu de dos", séries de plâtres monumentaux qu'il réalise entre 1909 et 1930. En 1939, Matisse se sépare de sa femme. Après un court voyage en Espagne, il revient à Nice où il peint "La Blouse roumaine". En 1940, il rencontre P. Bonnard au Cannet. Le marchand Paul Rosenberg renouvelle son contrat avec Matisse. Le peintre part le retrouver à Floirac, avec Lydia Délectorskaya,qui était son assistante et modèle depuis 1935. En 1941, atteint d'un cancer du côlon, il est hospitalisé à la clinique du Parc de Lyon. Ses médecins lui donnent six mois à vivre. Il retourne à Nice où cette fois il s'installe à l'hôtel Regina à Nice, alité. Il conserve de son opération le port d'un corset de fer, qui empêche la station debout plus d'une heure.    "Tout est neuf, tout est frais comme si le monde venait de naître. Une fleur, une feuille, un caillou, tout brille, tout chatoie, tout est lustré, verni, vous ne pouvez vous imaginer comme c’est beau ! Je me dis quelquefois que nous profanons la vie. À force de voir les choses, nous ne les regardons plus". Il dessine alors au crayon et au fusain, les dessins sont exposés chez Louis Carré en novembre. S'il ne peut plus voyager, il utilise alors les étoffes ramenées de ses voyages pour habiller ses modèles originaires du monde entier. Son infirmière, Monique Bourgeois, accepte d'être son modèle. Il commence à utiliser la technique des gouaches découpées et commence la série "Jazz". Il s'installe à Vence et renoue une amitié épistolaire assidue avec le dessinateur et écrivain André Rouveyre, connu à l'atelier de Gustave Moreau. En 1942, Aragon fait de Matisse le symbole artistique "d'une manifestation de résistance à l'envahisseur barbare", celui de la vraie France contre l'Allemagne nazie dans l'Art français. En avril 1944, sa femme et sa fille sont arrêtées par la Gestapo, pour faits de Résistance. Amélie Matisse est condamnée à six mois de prison. Elle sera libérée en septembre 1944, tandis que Marguerite Matisse, la fille du peintre, est torturée et défigurée. Marguerite est prise en charge par la Croix-Rouge, qui la cache au sein de la famille Bruno à Giromagny près de Belfort. Elle est libérée en octobre 1944. Matisse la revoit en janvier et février 1945. Sous le coup d'une émotion intense, Henri Matisse dessine de nombreux portraits de sa fille, dont le dernier de la série montre alors un visage enfin apaisé. Jean Matisse, son fils, sculpteur, appartient lui à un réseau de résistance actif. Alité, handicapé, mais vivant, Matisse ne peut plus peindre ou pratiquer des techniques qui demandent des diluants. Il invente alors la technique des papiers découpés, qu'il peut, dans son lit, couper avec des ciseaux, papiers que ses assistants placent et collent aux endroits souhaités par l'artiste. Il commence à travailler, à partir de 1949, au décor de la chapelle du Rosaire de Vence, à la demande de son infirmière-assistante. L'artiste Jean Vincent de Crozals lui sert de modèle pour ses dessins du Christ. À quatre-vingt-un ans, Henri Matisse représente la France à la vingt-cinquième Biennale de Venise. Installé dans une chambre-atelier à l'hôtel Regina de Nice, il réalise sa dernière œuvre, "La Tristesse du roi", une gouache découpée aujourd'hui au musée d'Art moderne du Centre Pompidou. En 1952 a lieu l'inauguration du musée Matisse du Cateau-Cambrésis, sa ville natale. Henri Matisse meurt le trois novembre 1954 à Nice, après avoir dessiné la veille une dernière fois le portrait de Lydia Délectorskaya, que Matisse disait connaître par cœur, il conclut d'un:"Ça ira !", expression valant comme ses dernières paroles. Matisse est enterré dans cette ville, au cimetière de Cimiez. Jusqu'à sa mort, il fit preuve d'audace et d'exigence, autant de qualités qui l'amenèrent à toujours penser en homme de son temps, ouvert au monde et tourné vers le futur. "J’espère qu’aussi vieux que nous vivrons, nous mourrons jeunes".     Bibliographie et références:   - Louis-Charles Breunig, "Chroniques d’art, H. Matisse" - Guillaume Apollinaire, "Henri Matisse" - Louis Aragon, "Mon ami Henri Matisse" - Éric de Buretel de Chassey, "Henri Matisse" - Gaston Diehl, "Henri Matisse" - Jacqueline Duhême, "Petite main chez Henri Matisse" - Raymond Escholier, "Henri Matisse" - Françoise Gilot, "Matisse et Picasso" - Jean Guichard-Meili, "Matisse" - Karin Müller, "Métamorphoses de Matisse" - Marcelin Pleynet, "Henri Matisse" - Cécile Debray, "Matisse"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 06/02/24
Quelques semaines ont passé depuis nos premiers pas dans cette aventure sensuelle. La passion brûlante et le désir d'obéissance étaient désormais profondément enracinés dans le corps et l'esprit de ma Douce Soumise. Elle ne cherchait plus simplement quelques séances, mais aspirait à devenir pleinement ma soumise, Ma soumise. C'est alors que j'ai entrepris de concevoir un programme d'entraînement, avec l'aide d'un Maître expérimenté que nous avions rencontré en ligne. Cette formation avait pour but de lui enseigner l'obéissance totale, l'acceptation inconditionnelle de ma possession, de faire d'elle ma poupée, mon esclave, mon jouet sexuel. Après 11 ans de vie 'vanille', où elle avait rarement lâché prise, cette transition n'était pas aisée. Dans cette première phase, nous nous sommes concentrés sur trois piliers essentiels : L'obéissance : Elle a appris les règles, les positions souhaitées, les rituels, ainsi que la manière précise dont je désirais qu'elle m'appelle. La douleur : Nous avons commencé à explorer la douleur comme un cadeau avant l'orgasme, un moyen d'éveiller des hormones et des endorphines pour un abandon total. Le plaisir charnel : Elle a été initiée à toutes les pratiques sans tabous ni limites, ouvrant la voie à la découverte de nouveaux plaisirs. Ma soumise était en extase et débordante de volonté. Elle avait immédiatement confiance en ce Maître virtuel, la même confiance qui avait grandi entre nous au fil des années. Nous étions désormais prêts à plonger dans une exploration encore plus profonde de ce que signifiait être Maître pour moi et Soumise pour ma Douce. Au commencement, il s'agissait de lui apprendre qu'elle m'appartenait pleinement et qu'elle devait révolutionner sa manière de penser pour devenir la Soumise qu'elle désirait être. Pour amorcer ce changement, elle n'avait plus le droit de porter de culotte, et je devais pouvoir accéder à son intimité à tout moment. Notre vie sur une île paradisiaque en Asie de l'Est rendait naturel l'interdit de pantalons. Pendant la journée, je la sollicitais régulièrement, la faisais prendre différentes positions : debout, les bras croisés derrière la tête, ou à genoux, les mains posées sur les cuisses, les paumes tournées vers le ciel. À la maison, elle était nue, et sur la plage, elle portait des tenues suggestives. Elle était absolument divine lorsqu'elle se tenait immobile devant moi, attendant patiemment mes instructions. Parfois, elle se grattait sans me demander la permission. Alors, d'une voix calme, je me levais, lui demandais de me présenter son derrière, et la fessais. Un, deux, dix, vingt fessées, parfois plus sur chaque fesse, jusqu'à ce qu'elle reprenne sa position. Rapidement, j'ai investi dans des pinces à linge, car elle a rapidement appris à les apprécier. Je les disposais délicatement sur ses seins, ses lèvres intimes ou tout autre endroit de son corps qui m'attirait. Ensuite, progressivement, je l'ai initiée à une variété de pratiques sexuelles : l'anal, la fellation, la déglutition, la gorge profonde, et même quelques jeux plus audacieux. À chaque étape de la formation, à chaque nouvelle expérience, ma Douce Soumise se donnait à moi avec un plaisir et une dévotion sans pareil. Elle en réclamait toujours davantage, souhaitant que je sois plus strict, moins tendre, à l'image de son Maître virtuel qui lui faisait réaliser des défis toujours plus exigeants, comme 200 squats pour de légères erreurs ou des jeux de cire chaude pour les fautes plus graves. Je vis les moments les plus intenses de ma vie, et pour ma Douce Soumise, tout a radicalement changé. Elle est encore plus belle, plus désirable qu'à notre rencontre, débordant de désirs et de passion. Mon temps est désormais rythmé par des caresses, des fessées, des regards langoureux et des ébats torrides. Le 'Vanille' ce n'est plus pour nous.
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Par : le 05/02/24
"Mon travail consiste à peindre ce que je vois, non ce que je sais être là. Tu te souviens de cette petite lumière qu'on voit au fond du canal, et qui se reflète et se multiplie sur les vieux marbres luisants de la maison de Bianca Capello ? Il n'y a pas dans Venise un canaletto plus mystérieux et plus mélancolique. Cette lumière unique, qui brille sur tous les objets et qui n'en éclaire aucun, qui danse sur l'eau et semble jouer avec le remous des barques qui passent, comme un follet attaché à les poursuivre, me fit souvenir de cette grande ligne de réverbères qui tremble dans la Seine et qui dessine dans l'eau des zigzags de feu". "Passons maintenant à mon voyage de retour. Je doute fort qu’un autre pauvre diable que moi en ai fait de semblable, la neige a commencé de tomber à Foligno, la diligence s’est mise à déraper en tous sens tant elle était chargée, si bien que nous dûmes marcher, puis à Sarre-Valli, lecoche glissa dans un fossé et il fallut six bœufs, qu’on alla chercher à trois miles de là, pour l’en retirer. Cela prit quatre heures, et nous arrivâmes à Macerata avec dix heures de retard sur l’horaire prévu, et, affamés et gelés nous atteignîmes enfin Bologne". L’homme qui, le seize février 1829, décrivit cette épopée dans une longue lettre à un ami n’en était pas à sa première traversée des Alpes. Il était anglais. Il avait cinquante-quatre ans, si l’on en croit la date de naissance qu’il inscrivit plus tard sur son testament, ou alors soixante, puisque, sa vie durant, il affirma qu’il était né la même année que Napoléon. Depuis l’adolescence, il sillonnait les lochs sauvages d’Ecosse, les ports de pêche de Cornouailles, les falaises du pays de Galles et les rives de la Tamise. Et cela faisait alors quatorze ans, depuis la levée du blocus napoléonien, en 1815, que, chaque été, il traversait ainsi La Manche. Il parcourait alors la France et l’Italie. Passait parfois par les Pays-Bas ou l’Allemagne, puis revenait à Londres l’automne venu, voire au cœur de l’hiver, comme en cette année 1829 où, selon sa missive, la route avait disparu sous la neige depuis Foligno, près d’Assise en Ombrie, jusqu’aux environs de Paris. Et, loin de le décourager, ce genre de mésaventures faisait de ses expéditions un rituel nécessaire, auquel il ne mit fin bien plus tard, à l'âge de soixante-dix ans. Ce voyageur hors pair n’était ni un représentant de commerce, ni un noble oisif, mais un artiste: Joseph Mallord William Turner (1775-1851), le peintre le plus célèbre de l’Angleterre du XIXème siècle.    "Je racontai à Piero comme quoi j'avais voulu un soir te faire goûter cette illumination aquatique, et comme quoi,après m'avoir ri au nez, tu m'embrassas beaucoup avec cette question: En quoi cela est-il si beau ?" Un génie bien conscient de sa valeur, qui, à sa mort, en décembre 1851, s’assura la postérité en léguant à son pays le contenu de son atelier. Soit trois cents toiles et quelque trente-mille aquarelles et croquis. Parmi ce pêle-mêle d’œuvres plus ou moins achevées, des sages compositions de ses débuts aux paysages de la fin, proches de l’abstraction tant ils se dissolvent dans la lumière, se trouvaient trois cents petits carnets de route, riches de milliers de paysages. Une banque d’images saisies au pinceau ou au crayon, au fil de ses pérégrinations. Ses héritiers et les historiens d’art se jetèrent avec avidité sur ces modestes calepins, car l’artiste n’avait jamais laissé quiconque y jeter un coup d’œil. Aucun grand maître de la peinture n’avait autant puisé son inspiration dans ses voyages. Depuis la fenêtre de sa diligence franchissant alors le col du Grand-Saint-Bernard, sur le pont des gabares remontant la Loire, en marchant le long des corniches surplombant la Méditerranée, Turner dessinait tout le temps. C’est en tout cas ce que racontèrent les rares touristes qui le croisèrent. Formé chez des architectes, en tant que topographe, avant d’entrer à la Royal Academy de Londres, il était habitué à étudier les panoramas avec la précision la plus extrême. "Lorsqu’il empoignait un sujet, il ne le lâchait pas, il testait un nombre incroyable de points de vue pour l’aborder, comme un photographe chercherait aujourd’hui l’angle idéal". En 1828, l’artiste se rendit à Rome en passant par Marseille. Là, il cerna le Vieux-Port, depuis le fort Saint-Jean jusqu’à l’anse des Catalans. Trente-deux croquis sommaires et deux aquarelles en attestent. Aller sur le terrain, ou "dessiner sur le motif, selon le jargon des peintres, et en rapporter une empreinte la plus précise possible de la réalité. Aujourd’hui, on appellerait ça de la conscience professionnelle. Mais à l’époque, cela frisait l’excentricité. La plupart des grands maîtres de sa génération n’yauraient pas même songé. Les français ? Ils ne quittaient pas l’atelier. Et de toute façon, pour eux, la peinture de paysage était un sous-genre. Villages et bosquets n’apparaissaient qu’en fond des grandes fresques historiques qu’ils portaient au pinacle de l’art. En 1825, une poignée d’originaux, comme Camille Corot, s’aventura bien en forêt de Fontainebleau et osa considérer la nature comme un sujet et non un décor, mais ils furent largement moquées.    "Et qu'y trouvez-vous de beau en effet ? me dit notre ami - Je m'imaginais, répondis-je voir dans le reflet de ces lumières des colonnes de feu, des cascades d'étincelles qui s'enfonçaient à perte de vue dans une grotte de cristal". Même en son pays, Turner était vu comme un phénomène. John Constable, son grand rival, était alors sidéré que l’on veuille aller voir ailleurs pour chercher matière à créer. Quant au peintre renommé, Caspar David Friedrich, le grand romantique allemand, dont la sensibilité aux panoramas hors norme était proche de celle de Turner, il refusait de voyager sous prétexte que cela lui abîmait les yeux. Alors, qu’est-ce qui pouvait bien pousser notre homme à s’aventurer sur les routes d’Europe ? Le sens des affaires, tout d’abord. Il possédait sa propre galerie et cherchait des images fortes qu’il pourrait revendre à sa riche clientèle londonienne sous forme de tableaux ou de suites d’aquarelles. Certains de ses travaux, une fois gravés, illustreraient aussi les guides touristiques, les premiers de l’histoire. Il fallait donc que Turner suive la tendance. Qu’il parte sur les itinéraires prisés des Anglais, mais aussi qu’il repère des paysages dans le goût de l’époque. Or, le Tout-Londres était lassé de la nature idéale recomposée à partir de silhouettes d’arbres, de formes de rochers ou de tracés de rivière stéréotypés que les peintres servaient depuis la Renaissance. Les riches acheteurs et les mécènes voulaient du réel. Un jour de 1813, alors qu’il séjournait dans le sud-ouest de l’Angleterre, dans les environs de Plymouth, Turner fut alors invité à une partie de pêche au homard en compagnie d’un autre peintre, d’un officier et du rédacteur en chef de la gazette locale, qui raconta ensuite cet épisode. Le groupe monta à bord d’un bateau en direction de l’île de Burgh. Mais bientôt le vent forcit tant qu’il fallut attacher le militaire, malade au point de risquer de passer par-dessus bord. Mais pendant toute la traversée, William Turner, lui, dessina alors les vagues. Imperturbable. Et, lorsqu’après un accostage difficile, ses compagnons se réfugièrent dans un abri, il partit escalader le sommet de l’île, sous la tempête, pour croquer la mer en furie. Turner appréciait ses pérégrinations, mettait alors en scène l’expérience qu’elles lui procuraient. Pour Montesquieu, "traverser une zone montagneuse, c’était traverser une zone vide". Quant aux adeptes du Grand Tour, cette exploration "initiatique" du Vieux Continent que tout Européen bien né se devait d’entreprendre pour parfaire son éducation, "il vivait alors le trajet comme une épreuve indispensable, qu’il fallait subir pour arriver à destination".    "La rive me paraissait soutenue et portée par ces piliers lumineux, et j'avais envie de sauter dans la rivière pour voir quelles étranges sarabandes les esprits de l'eau dansaient avec les esprits de feu dans ce palais enchanté". Joseph Mallord William Turner a été baptisé le quatorze mai 1775, à l’âge de trois semaines environ, dans le quartier Covent Garden de Londres où il est né. Son père est barbier-perruquier et sa mère, fille de boucher. Envoyé chez son oncle vers l’âge de dix ans, il est scolarisé et se découvre alors un appétit pour le dessin. Son père le soutient beaucoup, notamment en vendant ses dessins dans sa boutique, lui trouve un emploi de coloriste chez un graveur. À quatorze ans, il est employé comme dessinateur par Thomas Hardwick, un architecte, et apprend les techniques du paysage topographique. a même année, il rentre à la Royal Academy et son ascension y sera spectaculaire. En 1796, sa première peinture à l’huile exposée assoit sa réputation. Grâce à de nombreux appuis et beaucoup de travail, il se constitue une honorable clientèle et ouvre sa propre galerie en 1804. De formation romantique, il est alors considéré comme un précurseur de l’impressionnisme par sa capacité singulière à jouer avec la lumière, en particulier celle des incendies. Il subit de nombreuses influences qu’il glane en voyageant régulièrement dans tout le Royaume-Uni et en Europe. Il devient président de la Royal Academy en 1845, mais préfère quitter la vie publique en 1846. Il meurt le dix-neuf décembre 1851 à Cheyne Walk, auprès de sa compagne Sophia Caroline Booth. À sa demande, c’est auxcôtés du peintre Joshua Reynolds qu’il est enterré, au sein de la crypte de la cathédrale Saint-Paul, à Londres. Siècle de guerres, de conquêtes, de révolutions, d'empires construits et détruits, le XIXème siècle, comme sous le coup de ce trop-plein d'histoire, voit le grand genre vaciller dans ce qui semble alors être l'ultime soubresaut d'une crise déjà ancienne. Chateaubriand disait de Napoléon qu'il avait tué la guerre en l'exagérant, il en alla de même avec sa représentation spectaculaire, incompréhension et désintérêt, voire doute quant à la possibilité même de continuer à montrer l'histoire sous ce registre, dominant les esprits d'un public en quête de nouveauté. Ce diagnostic de mort par épuisement de la peinture d'histoire est alors partagé par la jeune génération des artistes romantiques, et tout particulièrement par ceux qui, en Allemagne comme en Angleterre, choisissent de vouer leur vie au paysage. Philippe Otto Runge, Caspar David Friedrich, John Constable, et le génial précurseur anglais, Joseph Mallord William Turner.   "C'est en y vivant jour après jour que vous ressentez la plénitude de son charme, que vous laissez son influence exquise s'emparer de votre esprit. Cette charnelle créature a les variations d'une femme nerveuse, qu'on ne connaît que lorsqu'on a fait le tour de tous les aspects de sa beauté". Tous ne peignent quasiment que des paysages, mais, chacun à sa manière, tous pensent leur pratique non pas comme une substitution d'un genre à un autre, mais bien telle une relève, par le paysage, d'une peinture d'histoire désormais proclamée défaillante. Dans une lettre à un de ses amis, John Fisher, en mai 1824, John Constable, qui séjourne alors à Brighton, en raison de la santé fragile de sa femme, écrit: "Mardi dernier, le plus beau jour qu'il y ait eu, nous sommes allés au Rempart, qui est en réalité les restes d'un camp romain, dominant alors un des plus admirables paysages de nature qu'il y ait au monde, et par conséquent une scène des moins faites qui soit pour un tableau. C'est l'affaire du peintre de ne pas lutter avec la nature en mettant un pareil paysage, une vallée remplie de sujets sur une étendue de quatre-vingts kilomètres,sur une toile de quelques centimètres, mais de faire alors quelque chose de rien, effort qui doit forcément le rendre poétique. Proclamation étonnante, tant elle prend à revers l'ancienne et toujours populaire tradition du paysage de ruines, que la mode du pittoresque et celle du sublime ont alors, notamment en Grande-Bretagne, largement relancé. Ce refus d'affronter la ruine comme sujet prend un sens bien particulier lorsqu'on le confronte avec la réalité de la pratique de Constable. Sans doute Constable avait-il en tête, en écrivant à son ami l'archidiacre Fisher, qui exerçait son ministère à Salisbury, un autre site, qu'ils avaient découvert ensemble, lors de promenades, vers 1820: Old Sarum, le site antique de New Sarum, ou Salisbury. Il l'avait déjà dessiné sur le motif, il y reviendrait quelques années plus tard de multiples façons. Old Sarum c'est, littéralement, l'inverse du Rempart: l'histoire sous le paysage, un banal tumulus prenant l'apparence d'une colline où paissent des moutons, plutôt que le paysage servant de cadre à l'histoire. En 1818, Turner livre avec "Le Champ de bataille de Waterloo" une peinture d'histoire peu commune, dont le pessimisme va là encore de pair avec un rapport singulier entre histoire et paysage. Pessimisme, car, dans ce qui, pour les Anglais, est une grande victoire, Turner, et cela choqua, ne voit que morts anonymes et agonisants. Pas de héros ici, mais le constat amer de la souffrance engendrée, de part et d'autre.    "Elle a l'esprit élevé ou bas, elle est pâle ou elle est rouge, grise ou rose, fraîche ou blafarde, suivant le temps et suivant l'heure. Elle est toujours intéressante et presque toujours triste, mais elle a un millier de grâces incidentes".Dans le catalogue qui accompagne l'exposition à la Royal Academy, Turner cite "Childe Harold's Pilgrimage", de Lord Byron: "Ami, ennemi, en une sépulture rouge mêlés". Ce n'est pas le triomphe de sa patrie, mais les horreurs de la guerre, qu'il peint. Et ces horreurs, ce spectacle donné par l'humanité s'anéantissant elle-même, s'incarnent dans cette façon de laisser ainsi à l'homme la portion congrue dans un vaste paysage noir. Comme si le champ de bataille était en train d'engloutir ceux qui avaient livré combat en son sein. De fait, ce n'est pas la bataille que peint l'artiste, mais l'après. Ce moment où la seule trace du combat est un monceau de cadavres que fouillent quelques femmes à la lueur d'un flambeau. Un après qui vient s'ancrer dans une expérience personnelle de l'artiste qui, dès 1816, c'est-à-dire dès qu'il a été de nouveau possible pour un anglais d'aller sur le continent, a réservé son premier voyage au champ de bataille de Waterloo dont il a rapporté plusieurs dessins proches de l'esprit des premiers dessins d'Old Sarum, tant c'est là le banal et le rien qui dominent, et que seules des formes affleurant laissent deviner ce qui a eu lieu. Turner, qui voua sa vie à la promotion du paysage, ne fut jamais un défenseur du paysage contre l'histoire, un porte-drapeau moderne d'un art moderne, qui s'édifierait tel le nouveau sur les ruines de l'ancien. Au contraire, comme l'a parfaitement compris Ruskin qui voyait dans le "Frontispice" du "Liber Studiorum" une image du déclin de l'Europe, son art du paysage est celui d'un homme habité par une vision tragique de l'histoire, qui rejoue par sa propre dissolution au sein de ses œuvres son sentiment qu'une autre disparition hante le monde. De l'histoire, ses paysages sont alors le cénotaphe, non le tombeau. Des monuments dédiés à la déploration d'un absent, à l'image de ce tableau accroché sur des ruines. Turner fait de son "Frontispice" de 1812 un manifeste pessimiste. Cette peinture accrochée sur le mur d'unmonument en ruine place son "Liber Studiorum" sous le signe de la destruction, symbole de la décadence. "Elle est toujours sujette à d'heureux accidents. Vous commencez à éprouver une extraordinaire affection pour ces choses. Vous comptez sur elles. Elles font alors partie de votre vie. Voilà l'art". Ce renversement au sens où chez Turner, le paysage, au lieu d'être le lieu où un sujet potentiel devient réel, est précisément celui où le sujet reste à jamais enfoui. Dans le cinquième et ultime volume des "Peintres Modernes" (1860), il s'arrête longuement sur une aquarelle peinte vers 1841, "Aube après le Naufrage" (Tate Britain, Londres). Sur cette œuvre au format modeste, mais d'un haut degré de fini, le seul être vivant est un chien, qui hurle, seul, sur une plage que borde une mer calme. On peut interpréter cette scène comme une lamentation élégiaque sur les pouvoirs de destruction de la mer. L'un des "plus tristes et tendres" rêves momentanés de Turner, "une petite esquisse d'une aube, faite dans ses dernières années. C'est un petit espace de rivage plat. Au-dessus, une douce lumière pâle à l'Est. Les derniers nuages d'orage se fondant au loin, barre oblique dans l'air du matin. Un petit vaisseau, un charbonnier, sans doute, a disparu dans la nuit, avec tout l'équipage. Seul un chien est parvenu jusqu'au rivage. Complètement épuisé, ses membres cédant sous lui, et sombrant dans le sable, il se tient là, hurlant et grelottant. Les nuages de l'aube portent le premier écarlate, juste une faible nuance, qui se reflète avec la même teinte de sang sur le sable. Ici, comme lorsque le voyageur Turner visita le site de la bataille de Waterloo, nous sommes dans l'après-coup. Ce paysage, car dans cette œuvre, tout, hormis le titre, semble appartenir exclusivement à ce genre. Ce paysage, donc, est un endroit où quelque chose a eu lieu,que nous ne voyons pas. Turner, qui a peint tant de naufrages, tant de tempêtes et de batailles navales, franchit le pas là où, si souvent, il s'était tenu en lisière, entre sujet lisible et illisible. Plus de figuration de l'événement, ici, plus de personnage rajouté in extremis, mais ce petit chien, figure triste de la déploration, et ce titre, "Aube après le Naufrage", qui dit bien ce que Turner peint là. Le paysage est ce qui vient après l'histoire, quand celle-ci a disparu, sur le mode de la catastrophe. Ainsi, le paysage ne vient-il pas remplacer l'histoire, mais commémorer sa disparition. Cette mer calme, c'est alors une pierre tombale pour des morts introuvables. Un simple cénotaphe devant lequel un pauvre chien sans maître vient pleurer une disparition.   "Votre affection devient de la tendresse. Il y a quelque chose d'indéfinissable dans ces rapports personnels et intenses qui s'établissent peu à peu. L' endroit paraît se personnifier, devenir humain, sensible, et conscient à votre affection". Le paysage, comme le désastre, c'est ce qui reste alors quand tout à disparu: lieu de l'enfouissement et de la trace. Il y a là une sorte de synonymie paysage/ruines. La représentation de la guerre vient rencontrer et revivifier alors l'ancienne tradition du paysage de ruines, cette peinture non de l'événement mais de l'après où, le temps ayant passé, seule la trace altérée dit de quoi le paysage fut le lieu. Après la bataille, longtemps après: le paysage. Ainsi naît de la fusion entre les vaincus et le territoire qui les vainc une autre forme de paysage, apocalyptique, dont, après Tuner, Paul Nash, qui combattit côté anglais durant la première guerre mondiale, est l'un des plus justes représentants. À un moment où l'échelle inédite de la guerre rendait celle-ci irreprésentable, ses paysages étaient lus comme autant d'autoportraits, mais surtout comme métaphores de l'humanité, parce que s'y donnait à voir cette souffrance humaine informulable. Ce glissement progressif d'une peinture d'histoire à sujets militaires vers une peinture de paysages en ruines, vaut comme métaphore de la situation de l'histoire dans la peinture au sein d'un grand XIXème siècle. Si, un temps, elle semble mourir sous sa forme épuisée de grand genre, c'est pour ne cesser de ressurgir, tel un cauchemar tragique dont les artistes tentent en vain de s'éveiller, sous de nouvelles espèces qui, à l'instar du paysage, assurent la relève de ce qui vient se nicher en son sein. À son époque, William Turner était un artiste admiré mais incompris, souvent raillé par ses contemporains. Ceux-ci s’étaient empressés de le classer parmi les peintres de paysage. "William Turner: contre-jour" est un titre de poème inhabituel parmi les œuvres d’Ingeborg Bachmann. Il donne certes des informations sur les grands axes du poème, à savoir le peintre et son rapport à la lumière et à l’espace, mais de façon étonnante, peu fréquente, voire unique dans la poésie de Bachmann, il met alors en relief, de façon remarquable, le nom du peintre.    "Vous avez le désir de l'embrasser, de le caresser, de posséder; et c'est finalement un doux sentiment de possession qui s'élève. Votre séjour devient une perpétuelle affaire amoureuse". Si la passion avouée et avérée d’Ingeborg Bachmann pour la musique est connue de ses lecteurs, sa relation à la peinture est en revanche passée inaperçue jusqu’à maintenant, restée dans l’ombre des pochettes cartonnées des conservateurs de la Bibliothèque Nationale Autrichienne. Le nom, ce voile déposé au-dessus du poème,s’étend et se déploie jusqu’à engloutir alors toute la présence de ce qu’il désigne. Le nom reste à l’esprit, il l’imprègne et supplante la présence même de ce qui, un jour, exista avant lui. Il brise la chaîne du signe et s’émancipe du système des représentations, se suffisant de son propre rayonnement. Pour arriver à une telle fulgurance, il s’inspire de l’exemple de Proust. Tout en exprimant son admiration pour le roman "À la recherche du temps perdu", elle explique le processus du baptême des noms chez Proust: "Il a dit des noms tout ce qu’on peut en dire et il a agi dans deux directions. Il a intronisé les noms, les a plongés dans une lumière magique, puis les a détruits et effacés". William Turner, né bien avant Cézanne, n’en était pas encore à la déconstruction cézannienne de l’espace, mais il la pressentit vraisemblablement. On ne lui connaît pas d’autres portraits, ni d’autres autoportraits d’ailleurs, ainsi la peinture à l’huile qu’il fit de lui-même entre 1798 et 1800, a dû procéder d’un sentiment très fort à un moment particuliers. C’était comme s’il avait voulu immortaliser un J. M. W. Turner maître de lui-même. Lui aussi, à son tour, choisit la vue frontale, pour diminuer le relief de son nez. Déjà pour cet autoportrait, William Turner a peint ainsi un éclairage plus intense sur la chemise, de façon à écraser le visage dans le plan du tableau. Le visage de Turner s’estompe dans la pénombre translucide des glacis. Après cette expérience picturale, WilliamTurner ne peindra plus d’autoportrait. Il choisit de s’isoler hors du tableau et de s’extraire de la peinture. Cela équivaut d’une certaine manière à quitter l’histoire de la peinture, qui jusque là était aussi une histoire de la représentation de l’espace. Anecdotique, mais témoignant de l’obsession de Turner pour l’anonymat.    "Venise était bien la ville de mes rêves, et tout ce que je m'en étais figuré se trouva encore au-dessous de ce qu' elle m'apparut, et le matin et le soir, et par le calme des beaux jours et par le sombre reflet des orages. J' aimais cette ville pour elle-même, et c'est la seule au monde que je puisse aimer ainsi, car une ville m'a toujours fait l'effet d'une prison que je supporte à cause de mes compagnons de captivité". William Turner menait de longs débats au sujet du spectre lumineux. Il se faisait donc tirer le portrait, tout en s’offusquant d’une peinture à son image. La posture contradictoire de Turner est d’autant plus remarquable qu’elle se situe en plein romantisme. Ainsi William Turner ne concédait la surreprésentation de sa personne qu’à la seule condition d’un anonymat intact, qui portait sur son corps comme sur son nom. Dans ce contexte, la méprise sur le titre dans l’autoportrait de Turner, ressemble fort à une falsification du nom et semble parer au désir de dénommer. Il n'hésite pas à tester des combinaisons étranges d'aquarelle et d'huile ainsi que de nouveaux produits dans ses toiles. Parfois, il utilise même des matériaux inhabituels comme le jus de tabac et la bière vieillie, avec pour conséquence la nécessité des restaurations régulières de ses œuvres. Le peintre et critique d'art George Beaumont qualifie Turner et ses suiveurs comme Callcott de "peintres blancs" car ils mettent au point dès le début du XIXème siècle l'utilisation d'un fond blanc pour donner à leurs tableaux la fraîcheur des couleurs et la luminosité, permettant le passage direct des effets de l'aquarelle dans la peinture à l'huile, "effets tout à fait différents de ceux obtenus avec les fonds rouges ou bruns traditionnels des anciens maîtres". Son passage d'une représentation plus réaliste à des œuvres plus lumineuses, à la limite de l'imaginaire ("Tempête de neige en mer"), se fait après un voyage en Italie en 1819. Turner montre le pouvoir suggestif de la couleur, ainsi, son attirance pour la représentation des atmosphères le place pour des critiques d'art comme Clive Bell, comme un précurseur de la modernité en peinture, de l'impressionnisme, jusqu'à devenir "le peintre de l'incendie". Mais il peint rarement sur le motif contrairement aux impressionnistes, qui feront de cette pratique une règle. Il préfère en effet recomposer en atelier les nuances des paysages, aidé de sa grande mémoire des couleurs. D'autres critiques préfèrent pousser plus loin encore leur analyse en voyant dans l'absence de lignes et de points de fuite ou la dissolution de la forme dans la couleur, dans les paysages marins de Turner, les prémices de l'abstraction lyrique, voire de l'action painting en gestation.   Bibliographie et sources:   - Olivier Meslay, "Turner, l'Incendie de la peinture" - Térésa Faucon, "L'ABCdaire de Turner" - Michael Bockemühl, "William Turner" - Anthony Bailey, "Standing in the sun, a life of Turner" - Marcel Brion, "William Turner" - Éric Shanes, "Turner, les chefs-d'œuvre" - Pierre Wat, "Turner, menteur magnifique" - Frédéric Ogée, "Turner, les paysages absolus" - John Gage, "Turner, le génie de la lumière" - Ian Warrell, "Turner et le Lorrain" - Delphine Gervais de Lafond, "William Turner" - Christine Kayser, "Peindre le ciel: de Turner à Monet"   Bonne lecture à toutes et à tous. Méridienne d'un soir.
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Par : le 04/02/24
  Le cœur battant, j’attends votre arrivée. J’ai selon toute vraisemblance, su estimer le temps qu’il vous faut pour venir jusqu’à moi. Dans cette chambre, je me demande quelle sera votre réaction. Mon cœur bat toujours très fort, à différents endroits… Je n’ose dire ou faire quoi que ce soit. Je vous attends… Vous souhaitez me mettre immédiatement en difficulté, à genoux face à votre fermeture mystérieuse. Je prends dans cette bouche qui vous appartient, votre sexe déjà tendu. Je le masse avec ma langue, Je vais et viens sur toute votre longueur, longuement sans m’arrêter, appréciant naturellement cet instant. Vous me regardez, vous sucer, prenant mon visage entre vos mains et m’indiquant la route à prendre pour vous mener au plaisir. Vous me jetez sur ce lit, ce désir, cette envie de vous sentir en moi est si forte. Je suis ouverte pour vous, prête à vous recevoir. Votre sexe se fraye un passage, m’écarte et s’installe profondément. Vos mouvements sont rudes d’une très belle intensité, vous bravez ma tempête intérieure. Vos mains trouvent mes seins, pour les caresser puis les gifler fortement. Vous prenez, je le sens, le contrôle de mon corps. Votre regard se durcit, votre bassin s’active intensément. Votre bouche affamée se pose durement sur la mienne, nos langues dansent, nos bouches se mordent. La  jouissance se prépare aux creux de nos ventres. Nous nous apprêtons à sauter du haut de la falaise. Votre jouissance est la mienne, mes orgasmes vous appartiennent…. Cette lutte sans fin de nos corps et de nos esprits nous pousse à aller nous restaurer. Je porte une robe portefeuille. Je suis assise face à vous nos mains se tiennent pour ne pas perdre cette connexion intense. Vous me demandez un stylo avec lequel vous écrivez quelques lignes sur la serviette en papier et me la tendez. Je me lève et me dirige sereinement vers les toilettes pour ôter mes sous vêtements. Ma robe s’ouvre facilement, cela vous plait de me voir en difficulté. Il fait nuit, j’éprouve une certaine crainte. Vous me tenez fermement pour que ma robe s’ouvre un  peu plus. A mon grand soulagement nous n’avons croisé que peu de personnes, leurs regards se portaient sur l’ouverture de ma robe qui au gré de ma démarche laissait entrevoir mon intimité… Nous rentrons, Je suis apaisée et  confiante. Attente et Impatience sont mes nouvelles amies. Il a fallu que je les apprivoise ces coquines ! Je suis face à vous. Je sais déjà que vous ne m'embrasserez pas immédiatement, vous préférez attiser un peu plus cette attente, si vive impatience. Je me réfère à vos ordres, vos désirs. J'ai enfin compris que rien ne sert d'anticiper, juste se laisser porter par "l'instant". Vos lèvres se posent furtivement sur les miennes afin d'apaiser... cette envie. Mes mains nouées dans le dos, je ne peux les poser de chaque côté de votre visage, dévorer cette bouche que j’apprécie embrasser, nos langues jouant ensemble à celle qui sera la plus fougueuse... rien ne sert de courir... Vos mains sur mes seins …, vos mains fermes et fortes prennent alors possession de vos terres. Je suis vos terres, ces terres jusqu'à perte de vue vous appartiennent assurément.  Vous prenez le martinet, vous souhaitez marquer votre territoire physiquement. J'arrive, je ne sais comment, à cette frontière, ou je me laisse aller, je ne pense pas... Je savoure cet état entre plaisir et douleur. Votre main quant à elle se trouve dans ma culotte sur cette intimité qui est votre. Je profite de l'instant pour vous prendre dans ma bouche. Votre sexe est tendu entre mes lèvres. J’entame des allers retours incessants. Votre corps navigue au grès de nos marées. Je m’installe sur ce lit, prête à vos moindres désirs. Vous utilisez votre jouet en silicone dans mes fesses. Cambrée, je sens ce gel que vous étalez, le jouet me pénètre sans obstacle, sans douleur. Vous souhaitez que je vous suce pendant que vos mains poussent cet objet en profondeur. Votre sexe vient vite  remplacer ce jouet délaissé. Vous me pénétrez fortement, Vous savez qu’en agissant ainsi, vous me marquez comme votre propriété et vous me demandez de vous le répéter. Vous me connaissez et savez que j’aime cette possession, cette force brutal, bestiale qui vous anime. Vous prenez votre fouet et marquez davantage mon corps de vos mouvements. Votre appétit est grand, je suis à vous. Vous n’êtes pas prêt à jouir encore, vous souhaitez que je me pose sur vous en avalant votre sexe, pour quelques courts instants car vous le remplacez par vos doigts qui prennent le relai. Vous me demandez de compter le nombre de doigts que vous insérez, je suis surprise qu’il y en autant, je vous demande d’insérer le dernier…  Vous faites couler votre salive dans ma bouche, et me dites que je suis à vous.  
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Par : le 03/02/24
Étant amateur d'Histoire je suis notamment attiré par les sociétés dîtes « d'Ancien-Régime ». Et dans la féodalité médiévale il y a quelque chose qui m'a toujours profondément touché depuis l'enfance, sans parvenir pendant longtemps à vraiment comprendre pourquoi. Loin de moi l'idée de glorifier un passé fantasmé et mal connus, loin de moi l'idée d'écarter les méfaits d'une société traditionnelle, sexiste, superstitieuse, violente, intolérante etc ^^ J'ai étudié l'Histoire à l'université pendant 5 ans, je ne sais que trop bien qu'il n'y a aucune période historique mieux qu'une autre ! Et qu'il faut, surtout en histoire médiévale ! Garder à l'esprit que nous ne voyons qu'une bribe altérée des réalités anciennes. Je m'inspire seulement de ce que nous comprenons de certaines pratiques sociales passées car j'ai trouvé qu'il pouvait y avoir un intéressant parallèle à faire entre la notion de « suzeraineté/vassalité » du moyen-âge et les relations bdsm modernes. La féodalité est une société basée sur des rapports hiérarchisés entre individus plus ou moins libres. Ce sont des rapports faits de serment, de protection, de service et d'hommage qui régulent les relations sociales et déterminent la place de chacun dans un monde où la tradition impose de conserver son rang. De nombreux rapports différents se superposent dans ce monde complexe dont par exemple et de manière non-exhaustive : le servage, la suzeraineté/vassalité, le patriarcat, le mariage, le clientélisme, l'esclavage, etc. Et je ne parle même pas des rapports à la religion et à ses ministres !   La vassalité/suzeraineté est le sujet qui m'intéresse ici : Il s'agit d'un rapport de dépendance qui engage un dominant et un dominé dans un contrat juridique et spirituel basé sur l'échange de serment et d'hommages dont chacun tire droits et devoirs dans une relation asymétrique et hiérarchisée mais considérée comme Juste pour chacune des parties qui y a librement consentis. Je vais détailler quelques tenants et aboutissants d'un tel rapport : - La relation est personnelle, entre deux individus libres et d'égale dignité (comme par exemple deux chevaliers, deux seigneurs etc ) contrairement au servage où les individus ne sont pas égaux de naissance (les paysans roturiers « appartiennent » à [enfin plutôt à la terre de] leurs seigneurs par exemple). C'est le vassal qui se place théoriquement de son propre chef librement sous la protection d'un suzerain ( dans les faits c'était souvent beaucoup moins libre et beaucoup moins pacifique ^^ ). Ce sont des serments et vœux publiques qui établissent les règles de la relation : en somme il s'agit d'un contrat engageant dans un monde de justice orale puisqu'il est fait devant témoins.   - Le suzerain obtenant une part de la souveraineté de son vassal possède le droit de le commander. En échange de ce pouvoir le vassal qui se met à son service obtient une « protection » de la part de son maître. Ainsi le vassal est contraint dans sa liberté souveraine : il ne peut se marier, se déplacer, construire ou céder des terres, nouer des alliances, lever des impôts, organiser une réception, etc ... sans demander la permission de son suzerain. Y manquer est une insulte et demande réparation ! Inversement le suzerain est responsable de son vassal, tant matériellement que spirituellement. Il doit pourvoir à ses besoins et répondre à son appel en cas de danger. Il doit aussi veiller aux intérêts de son vassal et à ceux de ses subordonnés. La réputation du vassal impacte la réputation du suzerain, et la négligence du premier témoigne de la faiblesse du second.   - Afin de sécuriser chacune des parties, elles doivent régulièrement démontrer leur fidélité par le témoignage d'hommages durant lesquels des comportements dominants et dominés publiques et privés rappellent à la fois la hiérarchie et le soutien mutuel sans forcément chercher à témoigner d'une humiliation, mais plutôt témoigner de l 'honneur que chacun a de respecter sa parole. Enfin cette relation induit un comportement d'apparat réglementé, souvent par l'utilisation d'attributs comme des vêtements ou des objets mais aussi par l'adoption de postures rituelles en privées et en publiques (baisser la tête, se lever, garder le poing sur la garde etc) ou de coutumes de langages (Sir, seigneur, maître etc).   Maintenant que vous comprenez mieux ce qu'est un suzerain et un vassal, est-ce que vous y voyez le même parallèle que moi ?     A titre personnel, transposée dans le domaine des relations bdsm, je trouve que la suzeraineté/vassalité est une notion appropriée pour exprimer la nature de la relation que je souhaite construire. Il s'agit de l'articulation juste et fructueuse d'une relation hiérarchique, d'une relation consentie dans laquelle il y a un dominant et un dominé qui s'échangent un pouvoir. La personne soumise se met au service de son maître par une soumission à son pouvoir naturel, ou à son rôle durant une relation temporaire, et apprécie le commandement de ce dernier au nom des qualités qu'elle lui reconnaît.   Ma relation bdsm est un engagement d'individus libres, une cession de souveraineté sur des droits personnels en échange de devoirs, à plus ou moins longs termes, au sujet de plus ou moins de domaines (ex : plaisir sexuel, moyen d'y parvenir, hygiène, loisir, etc). Ce n'est ni en vertu de nos sexes ni en vertu d'aucune distinction humaine de dignité, de foi ou d'origine ethnique etc … Ce n'est pas la représentation d'un ordre, d'une hiérarchie universelle, ce n'est que la relation particulière entre deux personnes données. Il y a une stricte égalité de nature, c'est parce que c'est moi, et parce que c'est elle. Pas parce que je suis un « homme », pas parce que c'est une « femme » ! Ce n'est pas du patriarcat, ce n'est pas un mariage, ce n'est pas un couple. C'est une relation bdsm basée sur des transferts de pouvoirs/responsabilité réglée par un contrat révoquable.   La personne dominante assure une certaine « protection » à son/sa protégé-e, mais doit surtout assistance, écoute et bienveillance. La protection dans le cadre d'une relation bdsm signifiant à mon sens la sécurité de ma partenaire : la gestion bienveillante des responsabilités transférées dans le cadre du contrat, un soucis permanent du bien être mental de ma partenaire, la « re-vérification » honnête de son consentement malgré les transferts établis, le désir de ne pas seulement la considérer comme une possession, mais comme une personne ayant des plaisirs et des souffrances personnelles sur lesquelles je dois veiller en plus d'avoir des droits et devoirs dessus.   Afin de jouir de cet état de relation, j'aime aussi assister à l'hommage régulier, ostentatoire et spirituel autant que matériel de ma partenaire soumise. Cela donne à chacun le plaisir de témoigner les sentiments d'affection et de respect qu'il porte à l'autre car nous entretenons une relation à double sens dont chacun tire un sincère bénéfice bien que notre relation soit asymétrique. J'aime aussi que dans mon bdsm nous affichions des attributs de notre état afin d'entretenir le respect et la fidélité à notre rôle, que nous respections des postures, des coutumes de langage et des règlements vestimentaires par exemple pour commémorer le lien qui nous unie, voir pour le témoigner publiquement.   Et comme dans un contrat de vassalité, je ne vois pas mon bdsm comme quelque chose qui humilie ma partenaire, mais quelque chose qui nous honore tout les deux, une relation qui fait notre fierté à chacun et qu'il nous importe de rendre meilleure par amour et par respect ! Parce que de ce rapport respecté découlent l'ordre et la paix en nous même, entre nous et avec le monde.
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